Chirurgie de l`obésité à l`Hôpital de La Chaux-de-Fonds
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Chirurgie de l`obésité à l`Hôpital de La Chaux-de-Fonds
Chirurgie de l’obésité à l’Hôpital de La Chaux-de-Fonds : Quatorze ans d’histoire M. Merlini, R. Münger, D. UrbainHerry, E. Loizeau La chirurgie de l'obésité sévère a commencé au milieu des années 1950 aux USA avec quelques opérations isolées de résections massives de l'intestin grêle. Au cours des années 1970, J. Payne, L. DeWind et H. Scott publiaient déjà des résultats à long terme du bypass jéjuno-iléal (1, 2). A cette période déjà, la chirurgie de l'obésité a commencé en Suisse. C'est à Lausanne, au CHUV (à l'époque, l'Hôpital cantonal de Lausanne), que ces opérations se sont pratiquées d'abord et uniquement, pendant longtemps. Le bypass jéjuno-iléal était une opération très efficace en terme de perte de poids mais entraînait systématiquement des troubles métaboliques sévères. La fin des années 70 était une période un peu floue dans ce domaine. Le premier auteur de cet article se souvient bien que, dans une salle d'opération de l'Hôpital cantonal, on pratiquait un bypass jéjuno-iléal alors que dans la salle contiguë, on rétablissait le circuit digestif chez un patient anémique, hypoprotéinémique, hypokaliémique, insuffisant hépatique, opéré deux ans plus tôt. Les variantes d'opération qui ont, par la suite, été décrites sont importantes et dépassent le cadre de ce bref article : elles gardent simplement une valeur historique. Parmi toutes les techniques utilisées, le lecteur ne doit retenir que trois types généraux : les opérations restrictives, les opérations malabsorptives sélectives et la combinaison de ces deux procédés. Opération restrictive Elle consiste à limiter la prise alimentaire en réduisant le volume ingéré. La gastroplastie verticale selon Mason a marqué un tournant de la chirurgie de l'obésité (3). L'estomac était agrafé verticalement et réduit à une petite poche de 20 ml se vidant par un stoma. Cette opération a eu un succès mondial considérable. En Suisse, elle a d'abord été pratiquée au CHUV. Le premier hôpital périphérique qui l'a introduite est l'Hôpital de la Chaux-de-Fonds (HCF) en 1990. Quelques années plus tard, en mai 1995, le premier auteur de cet article était sollicité par les HUG, où cette chirurgie n'existait pas, pour présenter son expérience. Le procédé restrictif était, à l'époque, une bonne opération. La technique était simple. Les résultats étaient satisfaisants : les patients perdaient entre 40 et 50 % de leur excès de poids. Deux désavantages sont progressivement apparu : d'une part, la restriction gastrique entraînait des vomissements. D'autre part et surtout, la perte de poids s'estompait après deux ou trois années. En effet, la petite poche gastrique se dilatait de deux à six fois et l'effet restrictif diminuait. L'opération devenait donc moins efficace. entre le chyme et la muqueuse de l'intestin grêle car la bile permet l'absorption alimentaire, en particulier des graisses. Le bypass biliopancréatique décrit pas Scopinaro est l'exemple-type de cette opération (4). Combinaison des deux opérations L'opération de choix est le bypass gastrique (5). Il associe la restriction et la malabsorption sélective et permet une perte d'excès de poids de 80 %. Techniquement plus difficile, cette opération n'a que peu d'effets secondaires. Le patient ne vomit pas. Il doit cependant être suivi régulièrement afin de prévenir une anémie ferriprive (bypass duodénal ou se fait la résorption du fer) et une hypovitaminose B12. Ce type d'opération a cependant survécu longtemps, notamment à la faveur de la mode laparoscopique. Beaucoup de chirurgiens (y compris nous- mêmes), se sont engagés temporairement dans cette voie. La technique du banding gastrique (« l'anneau ») est purement restrictive et vouée ainsi à l'échec à moyen terme. Elle doit être, à notre avis, abandonnée. Cette opération est coûteuse, implique l'implantation de matériel prothétique qui peut se déplacer secondairement, entraîne des vomissements et est finalement peu efficace à long terme. Opération malabsorptive Elle consiste schématiquement à distaliser l'entrée de la bile dans l'intestin grêle. L'effet attendu est la diminution de la surface de contact Programme de l'HCF Une équipe pluridisciplinaire (chirurgien, endocrinologue, psychiatre, diététicienne, médecin-traitant) investigue et suit les patients. Nos indications sont celles de la littérature : hommes (entre 18 et 58 ans, âge moyen 35.4). Le BMI préopératoire moyen était de 45.7 (40-60.4). 1. BMI ≥ 40 2. Durée de l'obésité égale ou supérieure à 5 ans 3. Absence de cause endocrinienne de l'obésité 4. Volonté de coopération 5. Risque opératoire acceptable. A un an postopératoire, le BMI moyen était de 34.5. A cette échéance intermédiaire, la perte d'excès de poids est ainsi de 54 %. Deux patientes (2 %) ont présenté une complication sévère sous forme de fuite anastomotique sur la gastroentéroanastomose et ont nécessité une réintervention dont l'évolution a été favorable. Ces critères sont parfois sujets à discussion et interprétation dans la littérature où par les médecinsconseils d'assurance. La valeur des régimes antérieurement suivis par le patient n'est pas, à notre sens, un critère d'exclusion opératoire. En effet, il est bien démontré que lorsque le BMI dépasse 40, le régime est inefficace dans le 100 % des cas (6). Les médecins-conseils peuvent ainsi être exhortés d'avoir cette notion bien présente à l'esprit. Conceptuellement, en effet, ne vautil pas mieux accorder une intervention maintenant efficace plutôt que d'attendre les frais énormes et répétés de la polymorbidité liée à l'obésité sévère ? Collectif Entre 1998 et 2004, 100 patients ont bénéficié d'un bypass gastrique dans le Service de chirurgie de l'HCF. Il s'est agit de 81 femmes et 19 Le taux de satisfaction a été extrêmement élevé (dépassant le 95 %), avec une amélioration exceptionnelle de la qualité de vie physique (hypertension, reflux gastro-œsophagien, douleurs articulaires, diabète…) et psychique (regard des autres, self-estime). Conclusion La chirurgie de l'obésité a eu une histoire mouvementée. Les techniques de malabsorption non sélective ont contribué, il y a vingt ans, à lui donner une mauvaise réputation. Les techniques restrictives ont rétabli sa crédibilité mais ont révélé leur faiblesse, dans le sens d'une efficacité temporaire. Le bypass gastrique (procédé restrictif et malabsorptif sélectif) est actuellement une bonne opération. Avec une perte d'excès de poids de 80 % à terme, il transforme la vie des patients dans leur vécu actuel et le risque de morbidité ultérieure (7). Professeur Dr M. Merlini Hôpital Général Rue de Chasseral 20 2300 La Chaux-de-Fonds Tél. 032 - 967 25 30 Fax. 032 967 25 34 E-mail : [email protected] Références 1. DeWind LT, Payne JH. Intestinal bypass surgery for morbid obesity : long term results. JAMA 1976; 236:2298-2301. 2. Scott HW, Dean RL, Shull HJ. Results of jejunoileal bypass in two hundred patients with morbid obesity. Surg Gynecol Obstet 1977; 145:66173. 3. Mason EE. Vertical banded gastroplasty for morbid obesity. Arch Surg 1982; 117:701-6. 4. Marceau P, Hould FS, Lebel S, Marceau S, Biron S. Malabsorptive obesity surgery. Surg Clin N Am 2001; 81:1113-27. 5. Brolin RE. Gastric bypass. Surg Clin N Am 2001; 1077-95. 6. Deitel M. Indications for surgery for morbid obesity. In : Deitel M (ed). Surgery for the morbidity obese patient. Lea & Febiger, Philadelphia 1989, pp 69-70. 7. Christon NV, Sampalis JS, Liberman M, Look D, Anger S, McLean AP, McLean LD. Surgery decreases long term mortality, morbidity and health care use in morbidity obese patients. Ann Surg 2004; 240:416-24.