Les brasseries agricoles
Transcription
Les brasseries agricoles
Les brasseries agricoles Par Philippe Voluer Le terme de «!brasserie agricole!» est relativement récent ; il est lié au développement des industries «!agricoles!» qui apparut avec l’installation des machines à vapeur et concernait les distilleries, les huileries, les féculeries, les meuneries et les sucreries. En brasserie, l’idée et le concept architectural avaient été avancés dès 1848 par ROHART dans son «!Traité théorique et pratique de la fabrication de la bière!», mais elles ne se développèrent qu’après 1868. Cette expression est d’ailleurs d’origine purement agricole et n’est utilisée que dans les revues d’agriculture. Les «!vrais!» brasseurs lui préférèrent le terme de «!brasserie de campagne!» qui se maintint jusqu’après la seconde guerre mondiale (il existait encore, en 1947 10 «!brasseries de campagne!» dans le Nord, et 8 dans le Pas-de-Calais). En 1890 fut même créé un «!Syndicat des Brasseurs de Campagne!», dû à 1’initiative du brasseur LECLERCQ-TAFFIN, de Hem, qui voulait se défendre contre les brasseurs des villes. Ces brasseries de campagne ne possédaient pas, sauf exception, d’activité agricole!; leur nom venait uniquement de leur emplacement par opposition aux brasseries urbaines. Pourquoi des «!brasseries agricoles!» et seulement après 1868 ? Uniquement pour des raisons commerciales. Jusqu’en 1868, il n’existait pas de constructeur spécialisé dans l’aménagement des brasseries. En 1868, un constructeur d’appareils agricoles de Raismes (59), obtint une médaille d’or à Arras pour sa première «!brasserie agricole!». Le but des constructeurs était simple : ils voulaient doter les agriculteurs d’un matériel efficace, peu coûteux et complémentaire. Une brasserie agricole pouvait en effet utiliser les produits de la ferme (céréales), fournissait des résidus pour l’élevage (drêches) et permettait d’utiliser à plein temps la machine à vapeur. Ces «!cultivateurs-brasseurs!» pouvaient ainsi participer au grand développement de la consommation de bière en France. La première «!brasserie agricole!» fut installée chez M. Delwulf, à Bergues (59). Un bâtiment de 14 m x 7 m abritait deux chaudières de 17 hl chacune, une cuve-matière de 50 hl, les bacs et les pompes. Son prix était de 4.500 F., et elle ne possédait pas de malterie annexée, ce qui est une caractéristique de ce type de brasseries. D’autres installations furent vendues à Volckerinckhove (59), puis à Trith-Saint-Léger (59), Nieppe (59), Hucqueliers (62), Charleviile (08), Saint-Orner (62), ... Il reste encore quelques témoins de ces brasseries, dont l’architecture a fortement inspiré les constructeurs de l’époque et qui sont souvent menacés. En fait, rapidement, ce matériel «!agricole!» fut acheté par de petits industriels qui cherchaient à moderniser leurs installations. Il se généralisa dans tout le Nord de la France pour faire face à la hausse constante de la consommation, comme partout en France, mais surtout dans le département du Nord, où la consommation moyenne par habitant était supérieure à 1 hl par an. On en trouva ensuite à l’étranger. Dans le Nord, les grandes villes possédaient de nombreuses brasseries (30 à Lille, 14 à Douai, ...) mais les petites communes en possédaient également plusieurs : l’industrie brassicole de la région étant avant tout rurale. © Contribution de M. Philippe Voluer Historien de la bière 53, rue JB Collin F - 55700 – STENAY Brasserie artisanale la Choulette à Hordain, France www.Lachoulette.com www.philippe-voluer.com 1/2 Ainsi, 63 % des communes du Nord et 35 % du Pas-de-Calais possédaient une brasserie vers 1890. Fait extraordinaire, le nombre de brasseries augmenta de 32 % dans le Nord entre 1890 et 1910, passant de 921 à 1355 ; pendant cette période, le nombre de brasseries s’est accru de 342 unités en France, de 522 dans le Nord – Pas-de-Calais). L’expression «!fermes-brasseries!» se démarque sensiblement des brasseries agricoles. Leur vocation agricole première est indéniable, mais leur particularité vient du bâtiment de brassage lui-même, toujours intégré à l’architecture rurale traditionnelle. C’est ainsi que les cultivateurs du Nord par exemple construiront dans leur cour de ferme un bâtiment supplémentaire pour accueillir leur nouvelle activité, bâtiment peu différent de la grange voisine. En Lorraine, on se contentera d’ajouter une travée au corps de ferme traditionnel. La production relativement limitée ne nécessitait pas la construction d’une surface ni d’un volume importants. Philippe VOLUER. © Contribution de M. Philippe Voluer Historien de la bière 53, rue JB Collin F - 55700 – STENAY Brasserie artisanale la Choulette à Hordain, France www.Lachoulette.com www.philippe-voluer.com 2/2