La Chine en Afrique: invasion ou effet d`optique?
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La Chine en Afrique: invasion ou effet d`optique?
TOPIC Septembre 2007 La Chine en Afrique : invasion ou effet d’optique ? La Chine est de plus en plus omniprésente sur le continent africain. La présence chinoise en Afrique, quelle que soit sa forme, a pris de l’ampleur au cours des dernières années. Les échanges commerciaux bilatéraux ont explosé – de 11 Md. USD en 2000 à 55,5 Md. USD en 2006 ! Les IDE chinois vers l’Afrique augmentent constamment - un stock de 11,7 Md. USD en 2006. 800 entreprises chinoises investissent sur le continent africain. La diaspora chinoise en Afrique représente à présent près d’un demimillion de personnes, contre moins de 100 000 en 2001. Et le nombre d’institutions sino-africaines pour favoriser la coopération ne cesse de croître depuis l’an 2000… De là à parler d’invasion chinoise en Afrique, il y a un pas. Les liens politiques entre la Chine et l’Afrique existent depuis toujours et se sont renforcés lors des grandes vagues d’indépendance. La Pékin met tout en Chine maoïste se voulait alors leader du tiers-monde et construisait des stades œuvre pour et des palais à tout-va au Bénin, en Tanzanie ou au Congo. Aujourd’hui, avec favoriser la l’hyper croissance de la Chine, les priorités ont changé : la Chine cherche « coopération » avant tout à sécuriser ses ressources énergétiques et à offrir à ses entreprises de sino-africaine : … nouveaux débouchés. Et pour cela, Pékin n’hésite pas à mettre tout en œuvre pour favoriser la « coopération » sino-africaine. …un soutien financier des entreprises chinoises, ... Côté chinois, Pékin a mis en place toute une panoplie de mesures financières pour encourager les investissements en Afrique de ses entreprises : prêts sans intérêt ou à taux d’intérêt très faibles, suppressions de taxes, soutien des banques publiques, etc. La dernière-née de ces mesures incitatives est le China-Africa Development Fund, fond d’aide au développement, dont l’objectif est de faciliter l’implantation des entreprises chinoises en Afrique. Actuellement doté de 1 Md. USD, il devrait recevoir progressivement 3 Md. puis 5 Md. USD. Côté africain, Pékin déverse - au nom du principe « gagnantgagnant » - des centaines de millions de dollars dans des pays qui lui ouvrent, en échange, les vannes de leurs ressources naturelles. Cette aide financière chinoise se décline en assistance technique, dons, prêts sans intérêt, prêts à des … une aide généreuse – et très conditions préférentielles comportant une bonification d’intérêt, controversée - aux « allègement » de dette (quand elle n’est pas totalement supprimée). Les principaux bénéficiaires de ses largesses sont l’Angola, la Guinée Equatoriale, pays africains… le Gabon, le Nigéria et la République Démocratique du Congo (RDC). Et la Chine a récemment annulé un montant de dette estimé à 260 M. USD pour la RDC, l’Ethiopie, le Mali, le Sénégal, le Togo, le Rwanda, la Guinée et l’Ouganda. … mais souvent accordée en échange de contrats pour les entreprises chinoises. La Chine est d’ailleurs montrée du doigt pour cette « diplomatie du carnet de chèques » qui va souvent à l’encontre de toutes les règles internationales établies par le FMI et la Banque mondiale (capacité des pays à rembourser, bonne gouvernance des dirigeants), ou des codes de conduite de l’OCDE (anticorruption). Or, entre les prêts des bailleurs de fonds internationaux - assortis de moult conditions - et les dons de la Chine, les Etats africains hésitent rarement, et surtout pas le Soudan ou le Zimbabwe ! La générosité dont Pékin fait preuve n’est pas officiellement assortie de conditions politiques – hormis la rupture avec Taïwan - ni économiques. Cependant, elle n’est pas non plus désintéressée… Le remboursement des prêts accordés aux pays africains est souvent lié à des contrats de mise en valeur des ressources énergétiques et minières du pays d’accueil. Quant à l’aide chinoise, elle se fait le plus souvent en nature, sous formes de projets clés en main dans les secteurs de l’énergie, des télécommunications et des transports. L’amitié sino-soudanaise est un bel exemple de cette diplomatie « à la chinoise ». Le Soudan est devenu le troisième partenaire commercial africain (3,2 Md. USD) de la Chine et le pétrole soudanais représente 80% de L’exemple du la production africaine des compagnies pétrolières chinoises. Petrochina est Soudan illustre aujourd’hui le premier opérateur étranger dans le pays, ce qui est un cas parfaitement cette unique en Afrique. diplomatie « à la chinoise ». La Chine ne s’est jamais beaucoup préoccupée des sanctions internationales prises à l’encontre de certains pays ou régimes. Au contraire : ils constituent le plus souvent un terrain de jeux favorable pour ses majors qui peuvent opérer au grand jour quand les multinationales étrangères jouent plutôt la discrétion. Pourtant, la position chinoise à l’encontre du Soudan semble avoir légèrement fléchi. Après avoir opposé son veto pendant des années à toute demande d’intervention de l’ONU, la menace d’un boycott des Jeux Olympiques 2008 a soudainement fait changer d’avis Pékin. Une équipe chinoise de 275 militaires-ingénieurs du génie va être envoyée pour participer à la mission de paix de l’ONU. Autre illustration de l’implantation chinoise en Afrique. Depuis le début des années 2000, les sociétés de BTP chinoises ont signé des accords Les entreprises chinoises sont très pour construire en Afrique plus de 6 000 km de routes nationales, près de 3 000 km de voies ferrées et des bâtiments de toutes sortes (stades, hôpitaux, présentes sur le écoles). Sur les marchés africains de bas ou de milieux de gamme, les sociétés continent africain, notamment dans le chinoises s’implantent après avoir soumissionné à des appels d’offres et les avoir remportés en insistant sur leur compétitivité-prix imbattable (30% moins secteur du BTP. chers que ceux des multinationales occidentales). Un exemple frappant est celui de l’Algérie, où 18 entreprises chinoises se partagent actuellement 32% de tous les contrats de BTP. A Pékin, un grand bureau d’ingénierie (d’Etat) spécialisé, Chinca, épluche même systématiquement les appels d’offres dans le monde, avec comme cible prioritaire les 53 pays africains. Les importations de produits chinois s’intensifient… La présence chinoise sur le continent africain ne s’arrête pas là. Les produits « made in China » inondent aussi les marchés locaux : entre 2002 et 2004, la valeur des importations moyennes de marchandises en provenance de Chine a doublé, passant à 10 000 M. USD en 2004 ! Ces importations africaines en provenance de Chine sont surtout des marchandises à forte valeur ajoutée (textiles et habillement, machines et outillage électriques, biens de consommation) dont 87% de produits manufacturés. … et déstabilisent le tissu industriel local des pays africains. Cette omniprésence chinoise sur le territoire africain ne se fait pas sans heurt et les griefs envers les Chinois s’accumulent. Mais tout cela ne reste pour l’instant qu’un effet d’optique. L’accès au marché africain est en effet plus facile, notamment parce que les normes sur les produits manufacturés sont moins exigeantes que celles des pays occidentaux. L’Afrique sert donc de « laboratoire » pour bon nombre d’entreprises chinoises, et en particulier les constructeurs automobiles. Alors que les voitures chinoises ont échoué à plusieurs crashs tests européens – et se voient donc interdites d’accès au marché européen -, elles envahissent l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Egypte, le Soudan… Des voitures neuves, copies presque conformes des produits de grandes marques automobiles (la qualité et la sécurité en moins) et à des prix défiant toute concurrence : les constructeurs automobiles chinois ont trouvé leur créneau ! L’arrivée des Chinois et de leurs produits a également fragilisé le tissu industriel de certains pays africains. Dans le secteur textile, la fin des accords multifibres a provoqué le rapatriement en Chine des activités de production de nombreuses industries et donc la fermeture d’unités de production en Afrique. À cela s’ajoute également l’arrivée massive de produits textiles « made in China », moins chers que les productions locales. La confédération syndicale Cosatu les a accusés d’être à l’origine de la perte de 100 000 emplois en Afrique du Sud ; un Mémorandum signé en 2006 prévoit donc la réduction de 30% des importations chinoises sur 100 produits textiles à destination d’Afrique du Sud pour les trois prochaines années. Cette progression de la présence chinoise sur le continent africain ne se fait pas sans heurt, aussi bien du côté africain que chinois. Les pays africains relèvent notamment que les Chinois ne respectent pas tous les engagements pris dans les accords bilatéraux. Certaines entreprises chinoises n’ont jamais établi de partenariats avec les entreprises locales. Les contrats liés aux lignes de crédit chinoises ne sont pas répartis comme prévu entre les entreprises locales et chinoises. Les sociétés chinoises « importent » massivement de la main d’œuvre chinoise, au détriment de l’emploi local. On leur reproche également de maltraiter et de sous-payer les travailleurs autochtones. Ou encore, les délais de réalisation des chantiers ne sont pas respectés… Bref, les griefs s’accumulent et ces tensions ont déjà coûté la vie à plusieurs travailleurs chinois. Tout cela constitue-t-il une invasion chinoise de l’Afrique ? Les volumes globaux sont encore modestes. Cela n’est peut-être (encore) qu’un H.B. effet d’optique. A NOTER : Une étude intitulée « Les entreprises chinoises à la conquête du monde », fruit d’une vaste enquête de terrain des Conseillers du Commerce Extérieur de la France, croisée avec l’expertise de l’Institut HEC Eurasia, sera disponible à partir du 22 octobre 2007. Prix de vente public : 30 €. Contact : [email protected] HEC Eurasia Institute est partenaire de deux grands fora asiatiques : • les 21 & 22 octobre 2007 à Hong Kong, « Le Monde Chinois, les voies de l’émergence » ; • les 22 & 23 novembre 2007 à Hanoi-Vietnam, « ASEAN : un marché à conquérir ». Pour toute information complémentaire, vous pouvez contacter Mme Moine à [email protected] LA PRESENCE CHINOISE EN AFRIQUE Les promesses formulées lors du premier sommet sino-africain (novembre 2006) Le premier sommet sino-africain s’est tenu les 4 et 5 novembre 2006 à Pékin, habillé pour l’occasion de fresques à la gloire de l’amitié sino-africaine avec nombre d’animaux exotiques africains en peintures géantes sur les murs de la ville. 48 chefs d’Etat et Premiers ministres africains s’étaient déplacés pour l’occasion, y compris certains leaders (Omar el Béchir, Robert Mugabe) qui ne font pas l’unanimité, c’est le moins que l’on puisse dire. Au cours de ce sommet, Hu Jintao s’est engagé à accroître les relations entre la Chine et les pays africains : Le commerce bilatéral entre la Chine et l’Afrique doit atteindre 100 Md. USD d’ici 2010 ; La Chine va encourager les investissements chinois en Afrique en créant un fond de développement Chine-Afrique, disposant de 5 Md. USD, et en créant des zones de coopération commerciale et économique en Afrique ; Pékin attribuera aux pays africains 3 Md. USD de prêts préférentiels au cours des trois prochaines années et annulera 1 Md. de dettes des pays africains ; Plusieurs contrats entre les entreprises chinoises et africaines ont été signés durant le sommet, pour une valeur de 1,9 Md. USD ; En plus de l’attribution dans les trois prochaines années de 37,5 M. USD de subventions pour les médicaments anti-malaria, la Chine va assister les pays africains dans la construction de 30 hôpitaux et de 30 centres de démonstration pour la prévention et le traitement de la malaria ; La Chine construira 100 écoles rurales en Afrique dans les trois prochaines années et doublera le nombre de bourses attribuées aux étudiants africains pour venir étudier en Chine (de 2 000 à 4 000 bourses d’ici 2009).