Inondations : la prison de Saran, si neuve mais si peu étanche

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Inondations : la prison de Saran, si neuve mais si peu étanche
Inondations : la prison de Saran, si
neuve mais si peu étanche !
Inauguré en juillet 2014, le centre pénitentiaire de Saran-Orléans,
situé dans le Loiret, se retrouve sous les eaux. La moitié des
détenus a été évacuée.
Par Maxime Degenève Publié le 01/06/2016 à 17:44 | Le Point.fr
En juillet 2014, la ministre de la Justice Christiane Taubira inaugure en grande pompe le
centre pénitentiaire de Saran, dans la banlieue d'Orléans (Loiret). Elle en visite les
moindres couloirs, les cellules, et va même papoter avec quelques détenus. Destiné à
remplacer les prisons de Chartres et d'Orléans, Saran a coûté environ 90 millions d'euros.
Il est flambant neuf, doté d'équipements modernes capables d'accueillir 768 personnes.
Bref, le bâtiment est présenté comme une « prison à développement durable ».
Juin 2016 : Saran est sous les eaux. Dans le Loiret, l'équivalent de 20 jours de
précipitations est tombé en 72 heures. C'est trop pour la nouvelle prison de
l'agglomération orléanaise, construite en zone inondable. Lundi 30 mai, l'eau a envahi les
locaux techniques des deux maisons d'arrêt pour hommes du centre pénitentiaire,
atteignant même 1,80 m dans le bâtiment le plus touché. Aucune cellule n'a été inondée,
mais l'électricité et le chauffage ont été coupés, entraînant un sérieux problème de
sécurité. Dans la nuit, le transfert d'une partie des détenus d'un bâtiment vers l'autre a
été organisé en catastrophe.
Près de 400 détenus répartis dans 23 prisons
« L'évacuation d'une prison n'est pas aussi simple que celle d'une école », fait savoir au
Point.fr la direction de l'administration pénitentiaire, qui assure avoir « anticipé » la
crue. Pour organiser les transferts, les équipes régionales d'intervention et de sécurité
(ERIS) de Paris et de Dijon ont été appelées en renfort. « À cause des conditions de
circulation, nous n'avons pu déplacer qu'une centaine de détenus mardi 31 mai, et
davantage ce mercredi 1er juin. Nous ne pouvions pas prendre le risque d'avoir un convoi
bloqué sur la route. » Au total, plus de la moitié du centre pénitentiaire a été déplacée,
soit 398 détenus.
« Évacuer une prison, ce n'est pas aussi simple qu'évacuer une école »
La répartition des prisonniers dans d'autres maisons d'arrêt est un véritable casse-tête
pour l'administration pénitentiaire : pas moins de 23 établissements dans toute la France,
sauf dans la région de Marseille et de Toulouse, ont été mis à contribution. « C'est du cas
par cas, explique la direction de l'administration pénitentiaire. Il nous faut reprendre
chaque dossier individuellement : ceux qui sont condamnés et ceux qui sont en cours de
jugement ne peuvent aller dans les mêmes établissements. »
« Les surveillants en sous-effectif »
Les centres pénitentiaires les plus proches, Châteaudun (Eure-et-Loir), Châteauroux
(Indre) ou encore Joux-la-Ville (Yonne), ont été les premiers sollicités. « À Châteaudun,
où je travaille, la situation est compliquée, a témoigné le porte-parole local du Syndicat
pénitentiaire des surveillants (SPS), Manuel Caillet. Nous avons reçu une vingtaine de
détenus de Saran dans la nuit de lundi à mardi, d'autres dans la journée, et nous en
attendons encore ce mercredi. Il faut faire de la place, et un gros travail d'explication
auprès des détenus, expliquer qu'il n'y aura peut-être pas de promenades ni de visites.
Un détenu refusait de venir, nous n'avons pas eu d'autre choix que de le mettre en
quartier disciplinaire. »
« À Villenauxe-la-Grande (Aube), nous avons déjà reçu 20 détenus, et nous en attendons
encore deux dizaines, précise Pascal Goulard, délégué du SPS. Sauf qu'ici nous avons
déjà de gros problèmes d'effectif : notre centre de détention peut accueillir 600
personnes, mais, comme nous n'avons pas assez de surveillants, nous avions réussi à
limiter à 400 leur nombre. Et là, il a fallu ouvrir deux étages en plus, sans renfort. Ça
devient compliqué, on va devoir faire des heures impossibles. Et personne ne sait
combien de temps ça va durer. »
Une inondation évitable ?
Alors que les pompiers sont toujours sur place pour gérer la situation, et pomper l'eau
des sous-sols, nul ne sait encore la gravité des dégâts. La prison, qui a moins de deux
ans de service, va devoir relancer de longs travaux en cas de dommages importants sur
le système électrique et le chauffage. Cela prendra « entre un à cinq mois », estime déjà
la direction de l'administration pénitentiaire. Et il faudra faire la part de ce qui relève du
dysfonctionnement et de ce qui relève de l'exceptionnel.
Premier constat : le centre pénitentiaire se situe en zone inondable. Au cabinet du maire
de Saran, « on n'est pas surpris » par la situation. Au moment de trouver un emplacement
pour cette prison rendue nécessaire par la vétusté de celle d'Orléans, une consultation a
été organisée à Saran. La population s'était prononcée contre l'implantation du centre
pénitentiaire en plein cœur de la ville et le maire avait proposé d'utiliser ce terrain en zone
inondable. « Tout le monde sait que le sol est argileux : il fallait créer des bassins de
rétention et installer des pompes. Nous l'avons dit aux autorités, mais tout a été fait à
l'économie. » Un seul bassin de rétention déjà existant et sous-dimensionné a été utilisé
et les pompes installées n'étaient pas assez puissantes.
À côté de la prison, le pôle santé Oréliance, un regroupement de cliniques privées, vient
également de s'installer. « Là, les infrastructures avaient pris en compte le risque,
souligne-t-on au cabinet du maire de Saran. Des bassins de rétention ont été creusés.
Résultat : il n'y a aucune inondation à déplorer, alors que la prison toute neuve est déjà
endommagée. » Les prisons sont-elles condamnées à être les infrastructures les plus
défavorisées de France ?