le BRaille n`a PaS Dit SOn DeRnieR MOt

n u m é r o 1 0 8 - D é ce mbre 2 0 1 2
aCtUalitÉS
le tournage du spot tv 2012
DOSSieR
issn 1163-1317
le BRaille n’a PaS Dit SOn DeRnieR MOt
avh en aCtiOn
Comité valentin haüy du vaucluse
ÉDITO
« Culture Pub ». Cette association de
mots rendue célèbre par l’émission de
télévision créée à la fin des années 80,
est illustrée dans ce numéro de
VH Actualités par le dossier consacré
au braille et par l’article sur le spot TV
que nous avons réalisé avec des
personnes aveugles ou très malvoyantes. Quel lien entre les deux
sujets, me direz-vous ? On ne sait pas assez, parmi les personnes
qui voient, combien l’écriture mise au point par Louis Braille a été
une révolution dans le monde des aveugles. Autrefois exclues de la
société, par défaut d’accès au savoir, les personnes aveugles ont
soudain découvert le monde merveilleux des livres : lecture, culture,
écriture devenaient possibles et par là-même l’intégration sociale et
professionnelle. La diffusion du braille a été fulgurante dans le monde
et il fallait écouter les témoignages émouvants de « braillistes »
venant des cinq continents lors de la célébration du bicentenaire de la
naissance de Louis Braille à Paris en 2009. Savez-vous que ce génial
inventeur, bienfaiteur de l’humanité, est l’un des rares Français admirés
dans le monde entier ?
SOMMAIRE
Actualités3
Le tournage du spot TV 2012A
PROXIMITÉ4
Île de La Réunion - Un concert
« sansasorièl » dans le noir
Tours - Des aveugles … au volant !
Nouméa - « Une athlète de poids aux
jeux paralympiques de Londres »
DOSSIER5
Le braille n’a pas dit son dernier mot
AVH en action
11
ENTRE NOUS
14
Le Comité Valentin Haüy du Vaucluse
Louis Braille, une figure d’avenir
La lutte pour l’autonomie et l’intégration des personnes aveugles et
malvoyantes n’est pas terminée pour autant, car le monde change à
grande vitesse. C’est ce que nous avons voulu illustrer par le spot TV.
Certains actes de la vie quotidienne, apparemment simples pour les
voyants, sont autant de victoires pour les déficients visuels. La conquête
de l’autonomie exige, de la part des personnes qui ne voient plus,
de constants efforts, mais aussi de la formation et des outils, ce que
l’Association Valentin Haüy leur apporte. La création à Paris du Service
d’Accompagnement à la Vie Sociale en est un exemple, complétant les
services des Comités Régionaux et ceux du siège ouverts à tous.
Numéro 108 - Décembre 2012
ACTUALITÉS
Le tournage du spot TV 2012
DOSSIER
Avec cet espoir, je vous remercie de tout l’intérêt et du soutien pour notre
cause et je vous souhaite de bonnes fêtes de Noël et de fin d’année.
Gérard Colliot,
Président
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valentin haÜY ACTUALITÉS numéro 108 DÉCEMBRe 2012
LE BRAILLE N’A PAS DIT SON DERNIER MOT
ISSN 1163-1317
Au XXI siècle, dans un monde de la communication et du numérique,
l’apport des nouvelles technologies va certainement aider les
personnes privées de la vue à vivre (presque) comme tout le monde.
À condition bien sûr que le visuel soit doublé par le sonore ou le
tactile ! Après le saut culturel provoqué par le braille pour des millions
de personnes aveugles, n’est-ce pas aujourd’hui une nouvelle petite
révolution qui est en route, grâce aux nouvelles technologies ?
e
AVH EN ACTION
Comité Valentin Haüy du Vaucluse
n° 108 - En couverture :
Tournage du spot TV « Les
victoires » - Le Valentin
Haüy Actualités est édité
par l’Association Valentin
Haüy, 5 rue Duroc,
75343 Paris cedex 07
Tél : 01 44 49 27 27
Fax : 01 44 49 27 10
[email protected]
Directeur de la publication : Gérard Colliot - Rédactrice
en chef : Béatrice de Rostolan - Comité de rédaction :
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Coudert, Claire Dubeau, Anne Harl, Françoise Lecordier,
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Crédits photos : Association Valentin Haüy, iStockphoto Abonnement pour 4 numéros par an : 4 € - Réalisation :
Créatone - Imprimeur : AGEFIM, 16 avenue Faidherbe,
92600 Asnières - Numéro de commission paritaire :
0416 H 88398 - ISSN : 1163-1317 - Dépôt légal  : décembre
2012 - Ce numéro a été imprimé à 54 000 exemplaires.
Il est accompagné d’une lettre, d’un bon de générosité
et d’une enveloppe retour pour une partie des adressés.
actualités
Ê C
Ê A M P A G N E d ’ a u t o mne
Le tournage du spot TV 2012
Mobiliser l’opinion, inciter le grand public à nous soutenir par des dons
ou du bénévolat afin que les aveugles et les malvoyants puissent « vivre…
tout simplement », tels sont les objectifs de la nouvelle campagne de
sensibilisation que l’Association Valentin Haüy lance cet automne à la
télévision et sur les panneaux publicitaires des villes. Nous remercions
très vivement les chaînes de télévision et les mairies qui, cette année
encore, nous offrent leur concours gracieux.
Cette campagne, que l’Association a
regarde avec douceur : « C’est vous la star !
voulu percutante et réaliste, met en scène Dites-moi ce dont vous avez besoin, et on
des femmes et des hommes réellement s’occupe de tout ».
aveugles ou très malvoyants, qui évoquent
L’après-midi, les prises s’enchaînent plus
leurs gestes du quotidien comme autant de
rapidement. Riowen, très malvoyant, étudiant
victoires : « j’adore aller au cinéma ! », « hier, en sciences politiques et amateur de sport,
j’ai envoyé mon premier e-mail ! », « j’ai pris
trouve l’ambiance « vraiment chaleureuse ».
le métro seule à 35 ans ! »…
« Ça met en confiance ! », nous confiera-t-il.
Après un appel à casting lancé en mai, Maman de deux enfants et aveugle, Khadija
Damien, Marcel, Saméra, Riowen, Khadija, affiche un sourire lumineux. Elle arrive
Isabelle, Nathalie et Solaine ont été retenus
accompagnée de Belem, son chien guide.
pour participer au tournage du spot. Ils sont : Au détour d’une prise, Isabelle, très
étudiant, retraité, maman au foyer, agent
malvoyante et passionnée de musique nous
administratif… et deviennent ainsi acteurs
avoue être « un peu stressée » car « c’est
d’un jour.
tout de même l’inconnu ce tournage ! ».
Samedi 9 juin 2012
La douceur de Nathalie, très malvoyante,
Habillé, coiffé, maquillé, Damien est sous
nous touche : « on nous fait découvrir une
les feux des projecteurs. Cet étudiant en autre facette de notre personnalité ! ».
kinésithérapie au Centre de Formation et
La spontanéité de Solaine saute à l’écran.
de Rééducation Professionnelle (CFRP) de Cette jeune femme dynamique et pleine
l’AVH, très malvoyant, se laisse guider par d’humour, aveugle, trouve que « 
cette
Gilbert, le metteur en scène.
expérience est tout simplement géniale et
« Silence, on tourne 
! 
». On retient sa très amusante à vivre ! ».
respiration.
Nous repartons ravis d’avoir participé à ce
Damien nous dira par la suite qu’on lui « a
tournage … et simplement heureux d’avoir
donné l’impression d’être important, pas
vécu cette aventure humaine forte de sens.
handicapé ou impotent, et que c’était Tous ont donné le meilleur d’eux-mêmes
agréable ».
pour défendre de belle manière la cause des
Pendant ce temps, dans la loge, Marcel, jeune
personnes aveugles ou malvoyantes. Nous
retraité aveugle et bénévole de l’Association
les remercions chaleureusement !
s’étonne : « C’est la première fois qu’on me
Découvrez ou redécouvrez le spot et l’affiche
maquille, ça me fait tout drôle ! ». À l’aise « Les victoires » : www.avh.asso.fr n
devant la caméra, il n’hésite pas à blaguer…
et sa bonne humeur est contagieuse !
Suivez la campagne « Les victoires » !
Éclatante dans sa robe orange vif, c’est au
Retrouvez le spot TV sur le petit écran et
tour de Saméra. Lorsqu’elle se baisse pour
l’affiche dans plus de 300 grandes villes de France
ramasser sa canne, le metteur en scène la
jusqu’au 31 décembre !
valentin haÜY ACTUALITÉS numéro 108 DÉCEMBRe 2012
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Prox imit é
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ComiTés réGionAuX
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Toutes les adresses sur
www.avh.asso.fr
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Ê tourS
des aveugles…au volant !
Pour s’initier aux sensations de la conduite automobile, rien de tel
que de s’installer derrière le volant d’une voiture, à côté d’un moniteur
d’auto-école, et de rouler sur un vaste espace sécurisé. Pour la 4e
fois, le Comité Valentin Haüy de Tours a renouvelé cette initiative, à
la base aérienne de Tours, pour permettre à des déficients visuels de
connaître ces sensations. Qu’ils n’aient jamais conduit ou qu’ils soient
titulaires du permis, ils ont pu suivre, avec excitation et crainte, les
instructions du moniteur
lors de ce cours très
particulier. Certains se
sont rendu compte qu’ils
avaient
conservé
les
automatismes
d’avant,
d’autres ont appréhendé
pour la première fois les
gestes d’un conducteur.
Pas si simple ! un peu
stressant même car ils ont perçu l’exigence des actions à accomplir
qu’ils n’imaginaient pas si nombreuses, plus habitués à se faire
conduire. Après ce cours, ils seront sans doute plus conscients des
mouvements du véhicule et plus proches des préoccupations du
chauffeur qui les accompagnera ! n
Ê NouMéA
« Une athlète de poids aux jeux paralympiques de Londres »
Du 29 août au 9 septembre cinq athlètes calédoniens sur les 164 de l’équipe de France
ont participé aux jeux paralympiques de Londres. Parmi eux, rose Welepa, 26 ans,
malvoyante de naissance et active au Comité Valentin Haüy de nouvelle Calédonie.
À Londres, elle a battu son record personnel au javelot mais n’a hélas pas pu participer aux
finales. En revanche, elle a goûté à la vie du village olympique avec bonheur et encouragé
son équipe ardemment. Elle se souvient des cris enthousiastes de la foule immense des
spectateurs et de la joie d’avoir participé aussi intensément à cette expérience. n
4
valentin haÜY aCtUalitÉS numéro 108 DéCEmBrE 2012
© Patrice Deschamps
1 200 spectateurs ont assisté les 21 et 22
septembre derniers à une expérience
sensorielle et musicale inédite à la réunion
et dans le monde : dans le noir, un concert
de l’artiste réunionnais Davy sicard et de ses
musiciens « mon Péi sansasorièl » ! Chaque
morceau était accompagné d’un parfum
diffusé dans la salle : géranium, vétiver,
vanille… et entre deux chansons créoles,
le café grillé était utilisé pour neutraliser le
parfum précédent et enchaîner. redécouvrir
à travers la musique d’autres sens que la
vue et sensibiliser le public à la déficience
visuelle, voilà quelle était l’ambition du Comité
Valentin Haüy de la réunion, des théâtres
départementaux et de leurs partenaires.
réussite absolue, la salle du théâtre Champ
Fleuri à st-Denis était comble les deux soirs,
générant enthousiasme et plaisir partagé
entre public, interprètes et organisateurs.
La sécurité était assurée par des caméras
infrarouges qui n’ont malheureusement pas
aidé le guitariste à retrouver son capodastre
tombé dans la pénombre ! Heureusement, il
s’est adapté et personne n’a rien remarqué. n
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72
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Ê ÎLE dE LA réuNioN
un concert
« sansasorièl »
dans le noir
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D os s ier
ECriTurE BrAiLLE
Le braille
Pourquoi notre Association
est-elle tellement engagée
dans la défense et la
diffusion de l’écriture
braille ? Est-ce une attitude
passéiste ? Doit-on se diriger
vers le tout audio ?
Enquête
n’a pas dit son dernier mot
il y a 160 ans mourait louis Braille ; il y a 60 ans, le bienfaiteur des aveugles était
transféré au Panthéon…
Comment aurait-on pu imaginer, en 1825, alors que louis Braille n’a que seize
ans et qu’il a déjà mis au point l’essentiel de son code, que ce système d’écriture
et de lecture s’imposerait progressivement dans le monde entier ? et comment
croire que « le braille » continuerait d’être largement utilisé au XXie siècle et
qu’aucun autre procédé n’aurait pu s’y substituer, malgré les progrès fulgurants
de la technologie ?
Pourtant, de sérieuses menaces se profilent depuis quelques années, qui
pourraient remettre en cause son emploi par les élèves et les adultes déficients
visuels. Mais le braille est loin d’avoir dit son dernier mot, car il constitue toujours
l’une des bases essentielles d’une véritable insertion sociale et professionnelle
et contribue d’une manière irremplaçable à l’autonomie des personnes aveugles
ou très malvoyantes.
Par Christian COUDERT,
chef de projet informatique au Siège de l’AVH
valentin haÜY aCtUalitÉS numéro 108 DéCEmBrE 2012
5
Dos s ier
ECRITURE BRAILLE
Un peu d’histoire
C’est Valentin Haüy (1745-1822) qui, comme
on le sait, créa en 1785 la première école
pour les aveugles à Paris – qui deviendra
l’Institut National des Jeunes Aveugles.
Pour enseigner la lecture, Haüy tenait à ce
que les élèves aveugles utilisent les mêmes
lettres que les élèves voyants. Cependant, si
elle convient à l’œil, la forme des caractères
traditionnels se prête mal à une identification
rapide par le doigt et la vitesse de lecture en
est sensiblement réduite.
En 1821, Charles Barbier de La Serre,
ancien capitaine d’artillerie, expose à
l’Institution Royale des Jeunes Aveugles sa
« sonographie », un système fondé sur son
« écriture nocturne » qu’il avait mise au point
pour permettre aux soldats de communiquer
silencieusement dans l’obscurité. Louis
Braille, élève à l’Institution depuis 1819 – il
a alors 10 ans -, expérimente ce procédé
et en tire deux conclusions : d’une part, il
réalise la supériorité de l’« écriture Barbier »,
qui utilise le point saillant, sur le système de
Valentin Haüy qui recourt exclusivement au
trait lisse ; d’autre part, malgré ses avantages
indéniables, le procédé de Barbier contrarie
Louis Braille sur le fait qu’il se fonde sur
une représentation phonétique et non
alphabétique de la langue française et ne
prévoit pas la transcription des ponctuations.
Braille réfléchit donc à un système susceptible
de pallier ces lacunes. En 1825, l’essentiel de
son code est au point. En 1829, il publie la
première édition de son « Procédé pour écrire
les paroles, la musique et le plain-chant au
moyen de points, à l’usage des aveugles et
disposés pour eux », complétée en 1837.
Un caractère braille (lettre ou ponctuation)
est formé par une combinaison de six points
disposés en deux colonnes de trois points
qui sont présents ou non. N’importe quelle
personne voyante peut le déchiffrer en
quelques minutes et l’apprendre en quelques
jours. Ce qui pose problème, c’est la lecture
tactile qui nécessite des mois d’entraînement
intensif.
6
valentin haÜY ACTUALITÉS numéro 108 DÉCEMBRe 2012
Le braille s’est imposé dans toute l’Europe
au cours des décennies suivantes. Même les
États-Unis, après moultes tergiversations,
l’ont adopté en 1917. Par la suite, l’UNESCO
contribua à faciliter la création de codes
braille spécifiques pour des langues
telles que l’hindi, l’arabe, le japonais et le
chinois-mandarin.
Le braille menacé ?
Les utilisateurs réguliers du braille en France
seraient environ 7 000 – pour 65 000 aveugles
et 1,2 million de malvoyants.
Un article paru dans « The Guardian » du 14
février 2012 cite un rapport de la Fédération
Nationale des Aveugles (NFB) soulignant
qu’en 1963, 51 % des 1,3 million de personnes
considérées comme aveugles selon la loi
américaine utilisaient le braille comme moyen
de lecture prioritaire. En 2007 ce nombre est
tombé à 10 %, tandis qu’en 2011 il descendait
sous la barre des 9 %.
En France, on compte moins de 25 %
d’utilisateurs de braille dans les établissements
scolaires pour déficients visuels.
Dans les années 1970, 3 
000 abonnés
recevaient notre journal « Le Louis Braille »
en braille ; ils étaient 2 000 dans les années
1990 et ne sont plus que 900 en 2012..
Les causes du déclin
Le braille méprisé
Il existe, dans divers pays, des organismes
chargés de la normalisation, l’uniformisation et
la promotion du braille, reconnus et soutenus
par leurs Gouvernements respectifs. Aux
États-Unis, par exemple, la BANA (Autorité
du Braille de l’Amérique du Nord) joue un
rôle très apprécié dans l’adaptation des
codes braille aux réalités rencontrées dans
les ouvrages scolaires, livres et magazines
publiés depuis une vingtaine d’années. En
France, un organisme similaire a été mis en
place en 1987, puis créé officiellement par
un arrêté ministériel du 20 février 1996 qui
institue une commission permanente intitulée
« Commission pour l’évolution du braille français ». ses membres sont nommés par arrêté
du ministre chargé des affaires sociales pour une période de trois ans renouvelable. or,
à l’issue de chaque période de trois ans, les présidents successifs de cette commission
rencontrent les plus grandes difficultés à obtenir la reconduction de cette instance, seule
habilitée en France à réaliser la nécessaire normalisation du braille au plan francophone.
il est un fait que, dans notre pays, on a tendance à oublier que le créateur du système
d’écriture en points saillants était français. on considère souvent le braille comme obsolète
et rétrograde. Cela vient de haut : souvenons-nous que, lors du congrès international de
janvier 2009 commémorant le bicentenaire de la naissance de Louis Braille, placé sous
le haut patronage du président de la république, aucun représentant de l’état ne s’était
manifesté… or, un ancien ministre britannique aveugle, David Blunkett, avait, quant à lui,
fait le déplacement jusqu’à la maison de l’unEsCo.
un mauvais usage de la technologie
il est tentant, pour un élève, d’écouter ses documents à l’aide de la synthèse vocale
installée sur son ordinateur. Les synthétiseurs vocaux ont atteint maintenant une bonne
qualité, l’effort est moindre que lorsqu’il faut s’astreindre à déchiffrer du texte en braille.
or ne pas maîtriser la lecture, c’est risquer l’illettrisme. C’est le danger qui guette
aujourd’hui les jeunes aveugles qui utilisent de plus en plus les supports audio : l’écoute
d’un texte, dont le rythme est imposé par le locuteur - ou le synthétiseur vocal -, ne permet
pas de fixer son attention. Lorsqu’un enregistrement audio ou un texte lu par synthétiseur
défile, même si un mot ou une expression est mal compris, même si la pensée s’égare, on
ne s’oblige pas, le plus souvent, à revenir en arrière et réécouter ce que l’on a manqué.
L’intégration scolaire
La scolarisation des enfants déficients
visuels en milieu ordinaire progresse
dans le monde, mais l’enseignement du
braille se raréfie : « le problème est de
trouver des professeurs qui sont euxmêmes formés au braille », explique
maryanne Diamond, présidente de
l’union
mondiale
des Aveugles
(umA). Et d’ajouter : « l’intensité de
l’apprentissage du braille est moins
bonne que dans les écoles spécialisées ».
En France, selon le ministère de l’Éducation, 4 000 sur 6 000 élèves déficients visuels sont
scolarisés en milieu ordinaire. or l’intégration systématique aboutit à de nombreux échecs
lorsqu’elle se produit trop tôt, alors que l’élève ne possède pas encore suffisamment le
braille et les « techniques palliatives » enseignés dans les établissements spécialisés.
Non seulement les professeurs de braille se raréfient, mais encore peu d’entre eux
connaissent et pratiquent le « braille tactile ». or le braille est conçu pour être lu avec
les doigts. Dès lors, quelles que soient les qualités des enseignants voyants, la pratique
pédagogique diffère selon que l’instructeur est voyant ou non-voyant. on observe, en
particulier, que beaucoup d’élèves n’ont pas été formés à la « lecture bimanuelle » : ce
procédé, que tout lecteur de braille devrait connaître, consiste à terminer la lecture d’une
ligne à l’aide de la main droite pendant que la main gauche anticipe la lecture de la ligne
suivante, d’où une plus grande fluidité.
Le braille à
l’AVH
L’Association Valentin
Haüy participe activement
à la diffusion du braille en
offrant :
• des cours de braille
au siège et dans une
trentaine de Comités
régionaux, dans ses
établissements, son
Centre de Formation
Professionnelle et au
sAVs DV Paris de
l’Association Valentin
Haüy ;
• un cours de braille par
correspondance à base
de supports audio et de
contacts téléphoniques ;
• la plus importante
bibliothèque braille en
France, avec 20 000 titres
disponibles et des milliers
de partitions pour les
musiciens aveugles ;
• le Musée Valentin Haüy
qui présente de nombreux
matériels anciens
permettant de retracer
l’histoire du braille,
beaucoup d’œuvres
pouvant être explorées
par le toucher ;
• 8 magazines publiés en
braille et proposés sur
abonnement ;
• de nombreux articles
disponibles à la boutique
du service du matériel
spécialisé (tablettes
et machines braille,
papier braille, montres
braille, matériels
pédagogiques…) ;
• des cours d’informatique
avec plage tactile dans
les clubs « nouvelles
technologies et
informatique adaptée »
des Comités.
valentin haÜY aCtUalitÉS numéro 108 DéCEmBrE 2012
7
Dos s ier
ECriTurE BrAiLLE
La malvoyance
on ne s’en plaindra pas : le progrès médical
a pour conséquence la diminution du
nombre d’aveugles complets. Aussi, les
équipes pluridisciplinaires qui interviennent
dans les écoles ordinaires ou spécialisées
(enseignants,
orthoptistes,
instructeurs
en locomotion et en activités de la vie
journalière…) encouragent-elles le plus
souvent les élèves à utiliser au maximum
leur vision résiduelle, au détriment du braille
qui, préconisent-elles, « n’est pas utile pour
l’instant et pourra être appris si nécessaire
plus tard ». mais pour être performant, il faut
apprendre le braille le plus tôt possible, le
développement du toucher étant beaucoup
plus difficile à acquérir à l’âge adulte. Et
lorsque la vision résiduelle disparaît, l’élève
devenu adolescent ou adulte n’aura plus
la même motivation pour acquérir le braille
tactile.
un enseignant de l’institut national des
Jeunes Aveugles (inJA) nous raconte qu’en
juin 2012 il a fait subir un examen de solfège
à quinze élèves, dont dix d’entre eux étaient
aveugles et lecteurs de braille et cinq autres
malvoyants et lecteurs de gros caractères. Les
dix élèves aveugles ont réussi leur examen,
les cinq malvoyants ont échoué car ils ont
passé un temps considérable à déchiffrer leur
partition agrandie en la scrutant de près avec
leur vue défaillante.
La conjugaison de tous ces facteurs fait peser
un risque d’illettrisme réel chez les jeunes
déficients visuels. L’équipe pédagogique
Les chiffres
8
• Coût d’une embosseuse (imprimante braille)
professionnelle : 70 000 € ; coût d’une
embosseuse personnelle : 3 000 €
• Coût d’un afficheur braille (ou plage tactile) :
selon la marque et le nombre de cellules
braille, entre 4 000 et 8 000 €
• 20 000 titres en braille disponibles à la
médiathèque parisienne de l’Association,
répartis sur 10 km de rayonnages, ainsi que
des ouvrages dans certains Comités
• En 2011, 765 emprunteurs actifs auprès de la
valentin haÜY aCtUalitÉS numéro 108 DéCEmBrE 2012
de l’INJA affirme : « Nos élèves ne savent
plus écrire, ils ne savent plus garder un fil
conducteur à leur pensée, rédiger et enchaîner
des phrases et des paragraphes. Ils ne
connaissent plus l’emploi des ponctuations,
ne savent plus structurer un texte, se perdent
dans les liens logiques de base de cause et
conséquence : tout est au même niveau pour
eux, tout défile et disparaît immédiatement
après avoir été lu. Le pire, c’est la perte du
déroulement logique et l’absence de repères
spatiaux ». Pour remédier à cet état de fait,
l’inJA a décidé de créer un « pôle braille »
concernant environ 80 % des élèves visant à
une réappropriation du braille papier.
Dans un article paru dans le « new York
Times » du 3 janvier 2010 intitulé « Listening
to braille », on pouvait lire : « Ce que nous
observons maintenant, ce sont des jeunes qui
sont très futés, très éloquents et… incapables
de lire et écrire » […]. « nous avons cessé
d’apprendre aux enfants aveugles de notre
nation à lire et à écrire. nous avons mis sur
leur table de travail un lecteur de cassettes
et puis un ordinateur. maintenant leur écriture
est phonétique et massacrée. ils n’ont jamais
été amenés à apprendre la beauté, la forme, la
structure de la langue ». Darrell shandrow, qui
anime un blog, considère le déclin de la lecture
du braille comme un signe de régression et
non pas de progrès : « C’est comme si on
revenait aux années 1400, avant l’apparition
de l’imprimerie de Gutenberg » dit-il. « Seuls
les érudits et les moines savaient lire et écrire.
Et puis il y avait les masses analphabètes, les
paysans ».
bibliothèque braille qui a prêté 5 581 ouvrages
braille
• 2 945 000 pages embossées en 2011 par
l’imprimerie braille de l’Association
• 8 revues braille produites par l’Association
pour 2 200 abonnés ; le coût de leur
réalisation, notamment l’embossage, étant
très élevé, ces revues sont largement
subventionnées par l’Association
• En 2011, 325 élèves ont suivi des cours de
braille auprès de 31 Comités régionaux
L’écrit permet de fixer la connaissance,
d’organiser sa pensée, de mémoriser
l’information. Contrairement à l’audio, il
montre tout ce qui existe dans le texte :
ponctuations, disposition des paragraphes et
des titres, mise en évidence de segments par le centrage, l’alignement à gauche ou à
droite, la mise en majuscule, le recours aux
caractères gras, soulignés ou en italique…
dES rAiSoNS d’ESPérEr
Une autonomie au quotidien
sortant d’une pharmacie où il vient d’acheter
des médicaments qui lui ont été prescrits, un
patient aveugle se retrouve avec une pile de
boîtes des différents produits. Heureusement,
grâce à l’étiquetage en braille, rendu obligatoire
en 2010 par une directive européenne, il va
pouvoir identifier ces emballages sans risque
de confusion.
Empruntant un ascenseur, une personne
aveugle repère avant de monter dans les
étages le bouton qui correspond à celui où
elle doit se rendre grâce au marquage en
braille imposé par les nouvelles normes
d’accessibilité.
En déballant ses courses chez elle, une
personne aveugle est en mesure de ranger
dans ses placards quelques produits déjà
étiquetés en braille par certaines enseignes.
Pour les autres, elle peut recourir soit à une
personne voyante, soit à un appareil de type
« machine à lire » ou scanner pour numériser
l’étiquette ; il ne lui reste plus alors qu’à
apposer sur la boîte, le flacon ou la bouteille
une étiquette en braille qui lui permettra de
l’identifier plus tard.
Au Japon, les électeurs aveugles peuvent
voter en braille et, dans certains cas,
reçoivent les professions de foi des candidats
transcrites en braille.
Ce sont là quelques exemples qui montrent
le caractère irremplaçable du braille pour une
autonomie au quotidien de toute personne
non ou malvoyante. mais n’oublions pas que,
grâce au braille, on a également accès aux
mathématiques, à la chimie, à la musique…
un synthétiseur vocal est impuissant à lire
des formules mathématiques ou scientifiques,
des tableaux complexes, des partitions de
musique…
un accès à la lecture rendu plus
facile
Grâce à la nouvelle législation française
sur l’« exception handicap » en faveur des
« publics empêchés de lire » et à la plateforme
de téléchargement d’ouvrages numériques
« PLATon » au sein de la Bibliothèque
nationale de France, l’offre en matière de
livres braille est en constante progression.
« La médiathèque de l’AVH, qui proposait
par le passé une moyenne de 100 nouveaux
titres par an en braille, en a proposé en 2011
plus de 300. L’augmentation des capacités de
production est exponentielle », témoigne Luc
maumet, responsable de ce secteur.
Aux états-unis, la loi impose la fourniture de
manuels scolaires en braille à tous les élèves
déficients visuels. Ainsi, des imprimeries
braille parviennent à prospérer – alors qu’en
France le braille n’existe que parce qu’il est
subventionné.
valentin haÜY aCtUalitÉS numéro 108 DéCEmBrE 2012
9
Dos s ier
ECRITURE BRAILLE
L’impact du braille sur l’emploi
Mais il existe aussi des avantages professionnels à apprendre le braille.
Une enquête de l’Université technologique de Louisiane a montré que
les personnes ayant une déficience visuelle qui apprennent à lire grâce
au braille ont une plus grande chance de trouver un emploi, même par
rapport à ceux qui lisent en gros caractères. Et une fois qu’ils ont obtenu
ce travail, le braille peut contribuer à le leur faire conserver. Les chiffres
sont éloquents : selon cette étude, 44 % des aveugles aux USA pratiquant
le braille étaient sans emploi, contre 77 % de ceux qui ne l’avaient pas
appris ; 23 % du premier groupe occupaient un poste qualifié contre 10 %
du second groupe.
La technologie, une chance historique
pour le rebond du braille
On l’a vu, la synthèse vocale utilisée seule pour
la lecture a des conséquences dramatiques.
Mais elle est un précieux complément aux
dispositifs électroniques permettant d’afficher
des caractères en braille éphémère. Ces
afficheurs et bloc-notes braille, connectables
à un ordinateur, et souvent à un téléphone ou
un smartphone, reproduisent sous le doigt
le texte présent sur l’écran. Il s’agit là d’outils
révolutionnaires offrant de multiples avantages :
le braille papier est très encombrant (Le Petit
Larousse occupait 20 gros volumes braille
in-quarto) ; le point embossé sur papier se
dégrade avec les années ; le coût de production
d’un livre braille papier est considérable et les délais pour sa réalisation
se calculent souvent en mois. Au contraire, les terminaux braille (aussi
nommés plages tactiles) affichent des points braille d’excellente qualité, et
le problème de l’encombrement est inexistant puisque l’on a affaire à des
fichiers électroniques qui n’occupent pas d’espace physique. Désormais, à
partir d’un tel fichier, on peut produire un ouvrage lisible à la fois sur papier
braille embossé ou sur une plage tactile, imprimé en grands caractères
pour un malvoyant, ou écoutable sur ordinateur, appareil de lecture DAISY
ou MP3, téléphone ou smartphone via un synthétiseur vocal. Certes les
équipements braille sont onéreux, mais nous fondons beaucoup d’espoir
dans un projet soutenu par le Consortium DAISY, en partenariat avec
des associations de personnes handicapées, dont l’Association Valentin
Haüy, qui investissent dans la production d’appareils à affichage braille
éphémère beaucoup moins chers qu’aujourd’hui.
Ceux qui prétendent que le braille est moribond sont dans l’erreur. Le braille
possède une polyvalence, une souplesse, une adaptabilité incomparables.
La technologie, loin de le menacer, lui donne une seconde jeunesse. Le
braille est portable, consultable, téléchargeable, convertible. En dépit des
progrès scientifiques et techniques, il demeure le seul système d’accès à
l’écrit pour les personnes déficientes visuelles.  n
10
valentin haÜY ACTUALITÉS numéro 108 DÉCEMBRe 2012
Vrai ou Faux ?
Le braille est la langue des
aveugles
FAUX : le braille est un
système d’écriture en points
saillants qui permet de
reproduire le texte imprimé
de n’importe quelle langue
du monde. On ne traduit
pas un texte en braille, on le
transcrit.
L’audio remplace le braille
FAUX : tout comme
l’imprimé, le braille se lit,
tandis que l’audio s’écoute.
L’écrit en braille, comme en
imprimé, est indispensable
pour l’autonomie au
quotidien, la scolarisation et
l’insertion professionnelle.
Le braille éphémère va
remplacer le braille papier
FAUX : les deux supports
sont complémentaires.
Pour lire un livre, le voyant
peut utiliser tantôt le livre
papier, tantôt une tablette
numérique ; il en va de
même pour l’aveugle qui
préfère le braille papier
« embossé » pour certains
ouvrages et l’afficheur braille
ou le bloc-notes braille pour
d’autres textes.
Il y a un an nous
vous proposions
une visite du Comité
Valentin Haüy
de La Rochelle.
Traversant la France
en diagonale, nous
voici en Avignon,
remparts, ciel bleu…
et toujours le même
enthousiasme.
Reportage
AVH en action
LE ComiTE VALEnTin HAÜY Du VAuCLusE
En Avignon, le Comité du Vaucluse :
plus près des usagers
Certains Comités régionaux de l’association valentin haüy développent un
réseau social grâce à l’implantation de « Correspondances », localisées dans
différentes villes de leur région. Ces Correspondances, rattachées à leur Comité,
permettent une proximité indispensable pour répondre aux besoins et aux
attentes des déficients visuels qui souvent souffrent d’isolement.
le Comité Régional du vaucluse est relié à huit Correspondances : apt,
Carpentras, Cavaillon, Chateaurenard, Sorgues, vaison-la-Romaine, valréas et
villeneuve-lès-avignon. Ce maillage territorial efficace a été réalisé en quatre
ans grâce à la volonté d’un président, Gérard leydier, lui-même aveugle, et
de son équipe de bénévoles voyants et non-voyants. « Les Correspondances
permettent d’aller vers les gens. Cela facilite le contact, c’est la raison pour
laquelle il y en a autant », explique Jean-Claude Bardoz, trésorier du Bureau en
avignon.
l’association valentin haüy encourage les Comités Régionaux qui le peuvent
à poursuivre une politique développement de Correspondances afin de mieux
accompagner les personnes handicapées visuelles. il y en aurait en vaucluse
plus de 10 000.
valentin haÜY aCtUalitÉS numéro 108 DéCEmBrE 2012
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AVH en ac t io n
LE ComiTE Du VAuCLusE
il est midi lorsque nous pénétrons dans le local
du Comité Valentin Haüy du Vaucluse. Des
effluves de cuisine nous mettent en appétit,
et pour cause ! un jeudi par mois, le Comité
propose un atelier de cuisine pour tous les
bénéficiaires de la région, et le déjeuner est
ouvert à ceux qui s’y inscrivent, moyennant
une participation financière. Le repas est
préparé dans le coin cuisine aménagé au
rez-de-chaussée, sous la supervision d’un
cuisinier professionnel aveugle. Correspondant
et responsable pour Apt des nouvelles
technologies, Bernard Vera gère également
son gîte rural. Tandis qu’il découpe des magrets
de canard (avec un couteau dangereusement
affûté!), une table est dressée pour seize.
Tout le monde s’exclame, rit, s’embrasse…
l’ambiance est festive. « Ceux qui assistent
à l’atelier participent selon ce qu’ils arrivent à
faire », explique Josette Faury la secrétaire du
Bureau. « On y vient surtout pour apprendre
des trucs, et chacun prend ce qu’il a envie
de trouver ». Ce commentaire résume bien le
but essentiel des différentes activités qui sont
organisées par le Comité du Vaucluse.
L’informatique, véritable lien
social
Le plat est mis au four. Aussi, nous montons à
l’étage où se trouve un espace pour certaines
activités, avec trois boxes destinés au cours
d’informatique. odile Gaillanne, responsable
des nouvelles technologies pour le Vaucluse,
est en pleine démonstration d’une tablette tactile
iPad, nouveauté qu’elle a découverte lors des
journées « Les Tactiles et moi » organisées à
Paris par l’Association en décembre 2011, et
dont elle est revenue enthousiaste.
Devenue aveugle il y a cinq ans, odile
n’hésite pas à partager son dynamisme. « J’ai
beaucoup d’activités. Ça permet de garder
une certaine façon de vivre, même si ce n’est
pas toujours évident… ». Agent EDF, elle
est aussi programmatrice d’une petite salle
de spectacle en Avignon, et vient deux jours
par semaine à l’Association Valentin Haüy
pour former et « affiner » des formateurs
en informatique adaptée. « J’ai besoin de
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valentin haÜY aCtUalitÉS numéro 108 DéCEmBrE 2012
donner », dit-elle. « Il faut responsabiliser les
gens. Je prône l’informatique pour le bienvivre, car l’informatique permet de reprendre
des liens sociaux ».
L’iPad est entre les mains de Jean-Paul imbert,
électricien à la retraite devenu malvoyant
et qui assure la formation en informatique à
Cavaillon. Comme chacun aujourd’hui, il est
également venu pour le déjeuner.
Un président très sollicité
« Lorsque je suis arrivé en 2007 il y avait 24
personnes inscrites au Comité. Aujourd’hui il
y en a 250 ! », nous dit Jean-Claude Bardoz.
Autour du président Gérard Leydier, le Bureau
est constitué de six hommes et six femmes,
dont six voyants et six déficients visuels. « En
termes de parité, on ne peut pas mieux ! »
Être le président d’un Comité régional amène
à beaucoup se déplacer pour participer aux
commissions sur l’accessibilité des lieux, mais
aussi à rester disponible pour les conseils
municipaux d’un grand nombre de mairies, ce
qui permet d’être actif sur le terrain. « À Vaisonla-Romaine par exemple, je me suis occupé
de faire mettre des panneaux en braille sur le
site archéologique », dit G. Leydier. Âgé de 72
ans, il a commencé à perdre la vue à 48 ans…
tout en restant très actif. « Je me suis toujours
occupé des autres malgré mon handicap.
Quand je suis devenu président du Comité
du Vaucluse, il n’y avait pas encore grand
chose ! Le premier axe de développement
a été la formation en informatique grâce à
des soutiens financiers privés et avec l’aide
des pouvoirs publics. Nous continuons à les
Pour en
savoir +
solliciter et à les inviter à venir nous rencontrer, notamment lors des journées
portes ouvertes ».
Une équipe efficace
En tâtonnant ou en confiance, tout le monde aide à laver et ranger la vaisselle.
Puis Josette Faury sert le café. « Je dois répondre aux demandes très variées »,
nous dit-elle tout sourire. « Avec Jean-Claude, on est très complémentaires ! »,
car l’un comme l’autre n’hésitent pas à donner un coup de main afin que les
bénéficiaires de l’Association puissent profiter des activités comme des sorties.
D’un naturel chaleureux, Josette aime le relationnel. Elle assure les trois jours
de permanence, dont un jour d’aide aux dossiers administratifs, se déplace pour
faire des interventions de sensibilisation dans les lycées ou à la Croix-rouge, ou
pour présenter le matériel spécialisé proposé par l’Association. Comme tous les
membres du Bureau, Josette regrette le manque de bénévoles accompagnants,
surtout pour des déplacements.
Comité valentin haüy du vaucluse
16 rue Marie Madeleine
84000 avignon
tel : 09 51 65 83 41
Permanences : mardi, jeudi et
vendredi de 10h à 16h
e-mail : [email protected]
Des activités pour se connaître
Toutefois, grâce au dévouement de bénévoles actifs et présents, les ateliers
comme la poterie, la mosaïque, la peinture en relief ou le canevas, permettent
à chacun de s’épanouir à travers la création artistique qui va au-delà d’un
simple passe-temps. « C’est très valorisant pour eux », nous dit Cécile Calvet
qui prépare l’argile qui sera travaillée. responsable du cours de poterie depuis
quelques années pour l’AVH, Cécile intervient dans les Correspondances du
Vaucluse. « J’ai été étonnée de voir des choses très éloignées de mes idées
préconçues. J’ai trouvé ici ma vocation car j’ai appris à travers eux ».
L’agenda du Comité Valentin Haüy du Vaucluse permet de s’informer du
grand nombre de formations, d’ateliers, d’activités de loisir et de rencontres
qui sont proposés dans la région : repas, cours de braille et d’informatique,
yoga, esthétique, sorties culturelles… Des manifestations autour du cinéma en
audiodescription sont organisées en association avec certaines salles. Enfin,
parmi les activités sportives : la voile, le tandem, et surtout les randonnées qui
permettent de convier des amis voyants. « C’est important car cela permet de
prouver qu’on est une personne à part entière », dit odile.
Ce rapport entre voyants et non-voyants sera d’autant plus mis en valeur cette
année qu’une équipe du Vaucluse se prépare au 3e « triathlon en duo » organisé
par l’Association Valentin Haüy qui aura lieu le 8 juin 2013 à Versailles. À l’image
de cet esprit, à la fois d’équipe et de relais incarné par cette discipline, la diversité
des activités reflète à la fois un dynamisme et une convivialité qui font la force du
Comité du Vaucluse. Des activités qui auront permis à beaucoup de personnes
déficientes visuelles de la région de pouvoir se rencontrer et lier des amitiés.
Ces échanges-là n’ont pas de prix.
PS : Au menu du déjeuner ? Salade du jardin, filets de magret de canard rôtis sur
lit de pommes de terre, fromages et fruits. n
Site internet : www.avh.asso.fr
rubrique Comités régionaux
Plus de 110 Comités
Régionaux et locaux
Tout comme le Comité du
Vaucluse, les Comités régionaux
et Locaux de l’Association Valentin
Haüy apportent leur aide aux
personnes déficientes visuelles.
Autour d’un ensemble commun de
services tels l’accueil personnalisé,
l’aide à la vie quotidienne, la
diffusion de livres sonores et de
matériel spécialisé, l’organisation
de visites culturelles et de
loisir, ainsi que la participation
aux instances en charge de
l’accessibilité, des activités
sont proposées à l’initiative de
bénévoles, voyants ou déficients
visuels.
Chaque Comité a ses propres
spécificités selon les demandes
des bénéficiaires : cours de braille,
ateliers artistiques, repas, sports,
journées à thème… une des
activités phares est la formation
à l’informatique au sein des
« Clubs nouvelles technologies et
informatique adaptée », présents
dans 47 Comités.
Claire Dubeau
valentin haÜY aCtUalitÉS numéro 108 DéCEmBrE 2012
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Ent re nous
EsPACE DonATEurs
Histoire de l’écriture braille
Histoire de Louis Braille
le fondateur de l’association valentin haüy, Maurice de la Sizeranne,
qui publia en 1882 « l’abrégé orthographique français de l’écriture
braille », et après lui tous les acteurs et donateurs de notre association
ont très largement contribué à l’écriture de l’histoire du braille.
« le louis Braille », mensuel en points saillants créé en 1883 aujourd’hui devenu bimestriel - la bibliothèque braille, créée en 1886,
puis, au fil des années, tous les services proposés autour du braille :
imprimeries, formations, publications… n’existeraient pas sans la contribution essentielle des
bénévoles et des donateurs de l’association qui se relaient depuis plus d’un siècle.
L’histoire de Louis braille, quant à elle, est présente dans le cœur de chacun d’entre nous, non
voyants, malvoyants ou voyants, bénévoles ou donateurs de l’avh. les trésors contenus dans le
Musée valentin haüy - que nous invitons nos lecteurs à venir visiter - nous rapprochent encore de
cet homme d’exception.
« Louis Braille, une figure d’avenir»
par Noëlle ROY, Conservatrice du musée et de la bibliothèque patrimoniale Valentin Haüy
Les représentations de Louis Braille sont rares. Le musée
Valentin Haüy propose à ses visiteurs un buste - à hauteur
de mains pour leur confort - entré dans ses collections en
2008. il s’agit d’une copie, en résine, du buste qui se trouve
dans le vestibule d’honneur de l’Institut National des Jeunes
Aveugles. Le buste de l’inJA a été inauguré en 1853, un
peu plus d’un an après la mort de Braille. il est l’œuvre de
François Jouffroy qui s’est inspiré du masque mortuaire de
Braille pour sculpter ses traits dans le marbre. il existe un
autre buste de Braille, en bronze, qui couronne le monument
érigé en 1887 sur la place de Coupvray, son village natal
(aujourd’hui déplacé dans un jardin public). il est signé
d’étienne Leroux qui s’est inspiré d’un moulage du buste
de Jouffroy. Le résultat est proche, même attitude frontale,
mêmes traits, si ce n’est que le bronze accroche une lumière
qui glisse sur le marbre. En outre, Leroux entoure les
épaules, par-dessus le costume de professeur de l’Institution
Royale des Jeunes Aveugles que porte Braille, d’un drapé
dont le mouvement insuffle vie au visage sinon compassé.
Ces bustes procèdent d’une image post-mortem de Braille.
même malade (il était tuberculeux), Louis Braille est
demeuré jusqu’au bout à l’institution, par faveur spéciale
et déchargé de sa fonction d’enseignant. on estimait qu’il
avait de meilleures chances d’être soigné à Paris plutôt qu’à
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valentin haÜY aCtUalitÉS numéro 108 DéCEmBrE 2012
Coupvray. Peine perdue, il meurt à l’infirmerie le 6 janvier
1852, âgé de seulement quarante-trois ans. C’est alors que
le directeur, Pierre-Armand Dufau, commande un moulage
du visage du défunt. Dommage qu’il n’ait pas songé à
demander une empreinte de ses mains !
L’absence de représentation de Braille de son vivant étonne.
Fait-elle écho à sa discrétion, soulignée par ses proches ?
il est possible qu’il ait refusé qu’on le portraiture. Certes, nul
- et surtout pas lui - ne se doutait du destin de son nom,
de propre devenu commun, et de la fortune de son œuvre.
Pourtant, nonobstant la légende du génie persécuté que
certains zélateurs se sont plu à échafauder, Braille était
conscient de sa valeur, c’était un homme apprécié et ses
talents étaient reconnus. il avait un statut privilégié au sein
de l’institution qui l’a accueilli à l’âge de dix ans et toujours
soutenu. Alexandre-rené Pignier, directeur de 1821 à 1840,
lui témoigne un infini respect et Dufau, son successeur,
demande pour lui en 1850 - sans résultat il est vrai - la Légion
d’honneur. Cette estime dont Braille bénéficie de son vivant
se mue après sa mort en dévotion dans le cercle de plus en
plus large des adeptes du « procédé en points saillants »,
jusqu’à devenir un véritable culte qui trouve son assomption
en 1952. Pour commémorer le centenaire de sa disparition,
le gouvernement français décrète le transfert de sa dépouille
du cimetière de Coupvray dans la crypte du Panthéon. Braille
accède à la dignité de « bienfaiteur de l’humanité ».
l’écriture braille et de l’homme qui l’a conçue appartiennent
au patrimoine de l’humanité.
nous ne pouvons que
remercier Dufau d’avoir voulu
conserver pour la postérité
les traits de Braille, car tout
culte a besoin d’images et on
peut regretter que, hormis à
Coupvray, la figure de Braille
soit quasiment absente de
l’espace public. En outre,
sa biographie est tout aussi
minimaliste. sa courte vie
vouée au travail s’est presque
toute entière déroulée derrière
les murs d’une institution
spécialisée. Les hagiographes
se sont engouffrés dans ce vide. Dans la préface de son
ouvrage paru en 1952, La vie et l’œuvre de Louis Braille,
Pierre Henri met en garde : « sa personnalité est d’autant
plus exposée à déformations que sa vie fut des plus modestes
et que la cécité demeure toujours, pour ceux qui voient, un
objet d’émotion et de mystère, autrement dit de curiosité. »
imaginons que le portrait de cet homme insaisissable, ce
soient les braillistes qui le dessinent du bout de leurs doigts
effleurant ou embossant le papier. Comme l’artiste présent
tout entier dans chaque détail de son œuvre - le peintre
dans sa touche, le sculpteur dans son modelé, le graveur
dans son trait - , Louis Braille est présent sous leurs mains,
même s’ils ignorent tout de lui. ils reproduisent les gestes
du jeune garçon concevant ses caractères. ils poursuivent
son œuvre et ne cessent de la parachever. Ces pages
toute blanches, si énigmatiques pour qui n’y voit que des
alignements de points mécaniques, attendent de s’animer
au toucher : lettres, mots et phrases appelées à la vie du
sens.
✁
Bulletin de don
6 6 % de déduction fiscale *
Oui, je souhaite aider les personnes aveugles et
malvoyantes en faisant, par chèque à l’ordre de
l’Association Valentin Haüy, un don de :
30 €
50 €
75 €
autre montant :
soit 10,20 € après déduction fiscale
soit 17,00 € après déduction fiscale
soit 25,50 € après déduction fiscale
.............................................................................................
€
✔ Je recevrai un reçu fiscal
m.
vh1212
mme
mlle
m. et mme
nom ..................................................................................................
Prénom .............................................................................................
Adresse .............................................................................................
..........................................................................................................
..........................................................................................................
Code postal .......................................................................................
Ville ...................................................................................................
Merci de découper ce bulletin ou de le recopier et de le retourner accompagné de votre règlement à :
Association Valentin Haüy, Service donateurs, 5 rue Duroc, 75007 Paris. (Tél. 01 44 49 27 05, [email protected])
La loi informatique et liberté vous donne droit d’accès, de suppression et de rectification aux données personnelles vous concernant. Il vous suffit de vous adresser
au Siège de notre Association.
valentin haÜY aCtUalitÉS numéro 108 DéCEmBrE 2012
15
* Dans la limite de 20 % de votre revenu imposable.
si l’histoire de Louis Braille est peu spectaculaire, son œuvre,
quant à elle, est extraordinaire : il est le premier homme à
avoir conçu une écriture. Le fils du bourrelier de Coupvray
ne s’est jamais marié et n’a pas eu de postérité. il a fait
mieux, il est devenu l’ancêtre fondateur de tous les braillistes
qui forment une famille à l’échelle de la planète. La cécité
est une donnée universelle et atemporelle ; l’histoire de
Le braille, conçu par un
jeune aveugle immensément
doué, est une écriture
infiniment charnelle qui ouvre
un inépuisable espace de
liberté. même pratiquée par
une minorité – les minorités
sont depuis toujours le fer
de lance de la défense du
droit des hommes – il n’est
pas envisageable qu’elle
disparaisse, tout simplement
parce que le goût de la
liberté ne s’efface pas, son
empreinte est indélébile. n
Donner un avenir à
ceux qui perdent la vue
En soutenant les efforts de l’Association Valentin Haüy, vous permettez
à ceux qui vivent jour après jour dans le noir le plus complet ou dans
l’obscurité, de reprendre goût à la vie et de construire leur avenir.
À DÉCOUVRIR DANS CE NUMÉRO :
Tournage spot TV 2012
L’écriture braille
Louis Braille
Comité du Vaucluse
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