La diligence raisonnable sous toutes ses coutures

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La diligence raisonnable sous toutes ses coutures
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Vol.
Vol. 20,
20, n°
n° 33 •• août
août 2004
2004
LAsousDILIGENCE
RAISONNABLE
toutes ses « coutures »
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en SST
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de santé
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No de convention 40063479 de la Poste-publications
LAsousDILIGENCE
RAISONNABLE
toutes ses « coutures »
Convergence est publiée
quatre fois par année par
le Centre patronal de santé
et sécurité du travail du Québec.
Ce numéro a été tiré
à 34 000 exemplaires.
Cette revue est rédigée par
les conseillers du Centre patronal.
Elle est destinée aux entreprises
membres des associations
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qui adhèrent au
Centre patronal de santé
et sécurité du travail du Québec,
organisme sans but lucratif.
La reproduction des articles
est autorisée à la condition
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nous soit adressée.
N. B. : La forme masculine
utilisée dans cette revue désigne,
lorsqu’il y a lieu, aussi bien
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DISTRIBUTION
Centre patronal de santé et sécurité
du travail du Québec
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PRÉSIDENTE-DIRECTRICE GÉNÉRALE
Denise Turenne
DIRECTION DES COMMUNICATIONS
Diane Rochon
RÉDACTION
Thérèse Bergeron
François Boucher
Josette Boulé
Denyse Brodeur
Josyane Brouillard
André Cardinal
François de Champlain
Isabelle Lessard
Sylvie Mallette
Michel Watkins
CORRECTION, RÉVISION
ET COORDINATION
Thérèse Bergeron
S o m m a i r e
Vol. 20, n° 3 • août 2004
3
4
6
8
MOT DE LA RÉDACTION
Une diligence raisonnable à toute épreuve !
… « Quiconque peut recevoir une amende »…
INFORMATION JURIDIQUE
La diligence raisonnable : cela prend plus que des mots…
SST et négligence criminelle
10
Préparer sa défense par des actions concrètes !
12
Quel est le dénominateur commun aux entreprises diligentes ?
14
16
Vous devez sanctionner un de vos employés ?
Vous avez intérêt à « marcher droit » !
Conforme ou non conforme, ticket ou pas de ticket :
telles sont les questions !
ILLUSTRATIONS
Jacques Goldstyn
CONCEPTION GRAPHIQUE
Folio et Garetti
IMPRESSION
Impression BT
Certains articles de Convergence
sont indexés dans la base de données
Canadiana produite par le CCHST, ainsi
que dans la publication bibliographique
bimestrielle « Bulletin BIT/CIS - Sécurité
et Santé au Travail », du Centre
international d’informations de sécurité
et d’hygiène au travail (CIS), à Genève.
Dépôt légal
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
ISSN 0829-1314
18
Une infraction – deux tickets
19
Question/Réponse
MOT DE LA RÉDACTION
UNE DILIGENCE RAISONNABLE
À TOUTE ÉPREUVE !
Les entreprises ont plusieurs
obligations à respecter afin
d’assurer la santé et la sécurité
des travailleurs dans leur milieu
de travail. Elles doivent notamment,
par l’entremise des dirigeants
et des superviseurs, faire preuve
de diligence raisonnable pour
éviter l’exposition des travailleurs
à des situations dangereuses. Pour
ce faire, il s’agit, en premier lieu,
de s’assurer que l’établissement,
les postes de travail, l’équipement
et les produits utilisés respectent
toujours les normes édictées
et les règlements reliés à la SST.
Puis, il faut former les employés
relativement aux risques inhérents
au travail, fournir les équipements
de protection individuels
et collectifs et, bien sûr, s’assurer
qu’ils soient bien utilisés.
Ce Convergence vous indique ce
que vous devez savoir en termes
de diligence raisonnable. Il porte
sur le pouvoir de l’inspecteur
et les amendes possibles en cas
d’infraction, les moyens de défense
de l’employeur s’il y a poursuite,
les nouveaux amendements
au Code criminel du Canada pour
négligence en cas d’accident,
l’importance de la prévention,
comment une culture en SST
peut vous aider, les façons
de s’y prendre pour discipliner
les employés récalcitrants et vos
responsabilités en tant que maître
d’œuvre pour tout travail exécuté.
À cela s’ajoute un questionnaire
permettant de vérifier si les
superviseurs assument bien leurs
rôles et responsabilités en santé
et sécurité.
Mais, en cas de poursuite
de la CSST, juge-t-on ces actions
suffisantes ? Pas nécessairement,
l’employeur doit en plus s’assurer
que les travailleurs font l’objet
d’une supervision adéquate dans
l’exécution de leur travail. L’objectif
de la supervision en matière
de santé et sécurité doit donc
consister à veiller à ce que chacun
mette en application la formation
reçue et respecte toutes
les consignes de sécurité
de l’entreprise. Plus le travail
à effectuer s’avère dangereux,
plus la supervision doit être active.
L’obligation d’agir avec diligence
raisonnable est exigeante, mais
incontournable. Et le laxisme est
de moins en moins toléré.
En cas de manquement, il est
de bon augure de se rappeler que
l’ignorance de la loi ne semble
jamais une excuse valable pour
un juge. Alors…
CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC
CONVERGENCE août 2004
Bonne lecture !
3
…« QUICONQUE PEUT RECEVOIR UNE
AMENDE
»…
Si vous utilisez la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) comme livre de chevet, primo,
cela vous aidera à vous endormir et, secundo, vous découvrirez ce que bien des personnes se
demandent au sujet des infractions pénales en matière de SST. Pour quel motif peut-on recevoir
une amende ? Qui peut la recevoir ? Dans quelles circonstances ? Quel peut être le montant de
l’amende ? Posséder ce savoir influencera peut-être vos décisions et comportements au travail.
L’article 51 de la LSST énonce des obligations pour l’employeur en matière de
SST et, en corollaire, elle prévoit des
sanctions en cas de non-respect. À cet
instant, vous pensez peut-être qu’il n’y a
pas que vous qui avez des obligations,
vos employés aussi ! Alors, qu’arrive-t-il si
un employé ne respecte pas l’une des
obligations de l’article 49 de la LSST ?
Peut-il recevoir une amende ? Deux
articles principaux de cette loi, 236 et
237, présentent les conditions relatives à
ces sanctions. Pour mieux comprendre
leur objet, voyons d’abord le rôle de
l’inspecteur de la CSST.
Deux chapeaux
pour l’inspecteur
Pour inciter les employeurs à se conformer à leurs obligations, deux processus
cœxistent : un processus administratif et
un processus judiciaire pénal. Le premier
concerne les décisions rendues par
l’inspecteur, tel un avis de correction. Ces
décisions ont pour objet de contraindre
un employeur à se conformer à la loi ou
aux règlements. Si l’employeur est en
désaccord, il devra tout de même
appliquer les correctifs demandés, car les
décisions de l’inspecteur sont exécutoires.
Il pourra toutefois les contester à la
révision administrative et, s’il y a lieu, au
palier supérieur, à la Commission des
lésions professionnelles (CLP). En ce qui
concerne le fardeau de preuve, l’employeur
qui conteste devra démontrer par prépondérance de preuve qu’il a raison dans
sa position.
Le processus judiciaire pénal, de son côté,
a pour objet de sanctionner par le biais
d’une amende, donc de punir, toute
personne qui contrevient à la loi ou aux
règlements. C’est ce que visent les articles
236 et 237 de la LSST. Ainsi, un employé,
un superviseur ou un employeur peut
recevoir une amende, à la suite de la visite
d’un inspecteur de la CSST. La Commis-
4
sion devra faire la preuve, hors de tout
doute raisonnable, que la personne en
cause a contrevenu à la loi ou aux
règlements. Et si cette personne est en
désaccord, elle pourra, en plaidant non
coupable à l’accusation portée à son
endroit, se défendre devant le Tribunal
du travail.
Rien n’empêche cependant l’inspecteur de
porter deux chapeaux lors d’une même
visite… Il peut émettre un avis de
correction pour contraindre l’employeur à
se conformer à la loi et aux règlements, et
initier le processus de poursuite pénale par
la CSST (amende) si l’employeur n’a pas
respecté celle-ci et les règlements. Bien
qu’il possède ce pouvoir, il intervient
très rarement de cette façon. D’ailleurs,
le rapport annuel 2002 de la CSST
mentionne que les inspecteurs ont signalé
27 848 dérogations, soit des avis de correction, et intenté 1 768 poursuites. Par ces
chiffres, on peut présumer que leurs interventions sont avant tout pour contraindre
un employeur à se conformer à la LSST et
aux règlements, plutôt que de punir.
Maintenant, voyons le contenu des deux
principaux articles visant les infractions.
Les infractions, en théorie
L’article 236 de la LSST dit ceci :
« Quiconque contrevient à la présente loi
ou aux règlements ou refuse de se
conformer à une décision ou à un ordre
rendu en vertu de la présente loi ou des
règlements ou induit une personne à ne
pas s’y conformer, commet une infraction
et est passible d’une amende d’au moins
200 $ et d’au plus 500 $ s’il s’agit d’une
personne physique, et d’une amende
d’au moins 500 $ et d’au plus 1000 $ s’il
s’agit d’une personne morale… »
Le « quiconque » de cet énoncé vise
l’employeur, le superviseur (ou tout autre
représentant de l’employeur) et l’employé.
Le fait de contrevenir à la loi ou aux
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CONVERGENCE août 2004
règlements signifie toute action posée qui
ne respecte pas ce que la loi ou les
règlements édictent. Par exemple, à
l’article 51, on exige, entre autres de l’employeur (sous-entendu le superviseur),
qu’il informe adéquatement le travailleur
sur les risques reliés à son travail et le
forme, l’entraîne et lui assure la supervision appropriée. À cet effet, si lors d’une
visite ou à la suite d’un accident de travail,
l’inspecteur de la CSST constate que
l’employeur a manqué à cette obligation,
il pourra soit émettre un avis de dérogation où il mentionnera les manquements
de l’employeur et le délai qu’il a pour se
conformer à la loi et/ou lui imposer une
amende. La même démarche s’applique
si, par exemple, l’employeur contrevient
au Règlement sur la santé et la sécurité
du travail (RSST) en empilant du matériel
qui gêne les déplacements dans les voies
de circulation.
Il en va de même pour l’employé qui ne
porte pas l’équipement de protection
individuelle requis et fourni par son
employeur, puisqu’à l’article 49 de la
LSST, on mentionne qu’il doit prendre
les mesures nécessaires pour protéger
sa santé, sa sécurité ou son intégrité
physique. D’ailleurs, le RSST stipule
clairement à l’article 339 que « le travailleur doit porter ou utiliser, selon le cas,
les moyens et les équipements de protection individuels ou collectifs prévus ».
L’inspecteur pourrait, lors d’une visite,
s’il constate qu’un employé ne respecte
pas cette obligation, lui émettre un avis
de correction ou initier le processus
d’une poursuite pénale par la CSST.
Une situation semblable s’est déjà
produite, où le « quiconque » visé fut
l’employeur : le 5 juin 2000, l’entreprise
X a contrevenu à l’article 51(11) de la
LSST puisqu’un employé n’utilisait pas
l’équipement de protection individuelle
prévu pour sa sécurité, à savoir un
harnais de sécurité, alors qu’il était
exposé à une chute de plus de trois
mètres. Le juge déclara l’employeur
coupable d’avoir ainsi commis une
infraction à l’article 236 de la LSST1.
Ce n’est pas tout ! L’article 237 de la LSST
prévoit aussi une poursuite pénale mais,
cette fois, on vise une action ou omission
qui met sérieusement en danger la santé
et la sécurité d’un employé. Il s’agit donc
d’une situation plus grave que celle visée
à l’article 236 de la LSST.
L’article 237 de la LSST
édicte ceci :
« Quiconque, par action ou par omission,
agit de manière à compromettre directement et sérieusement la santé, la sécurité
ou l’intégrité physique d’un travailleur est
passible d’une amende d’au moins 500 $
et d’au plus 1000 $, s’il s’agit d’une
personne physique, ou d’une amende
d’au moins 5 000 $ et d’au plus 20 000 $
s’il s’agit d’une personne morale… »
1. Activité Causes et
café, Centre patronal
de SST du Québec,
Poursuites pénales
par la CSST :
la diligence
raisonnable, ça vous
dit quelque chose ?,
octobre 2001
(Section 4, page 5,
CSST c. Couvreur
Delco inc.,
TT 500-63-005068009 (juge Langlois),
25-01-2001).
2. Activité Causes et
café, Centre Patronal
de SST du Québec,
Poursuites pénales
par la CSST :
la diligence
raisonnable, ça vous
dit quelque chose ?,
octobre 2001
(Section 4, page 13,
CSST c. Toitures
Trois Étoiles inc., TT
500-63-005090-003,
(juge Handmann),
11-05-2001).
Ainsi, un employeur, un superviseur ou un
employé sont passibles d’une poursuite
pénale s’ils posent une action ou en omettent une, et que les conséquences de cet
acte ou omission compromettent directement et sérieusement la santé, la sécurité
ou l’intégrité physique d’un travailleur.
Mais encore…
Pour qu’une telle poursuite puisse avoir
lieu, il doit y avoir un danger réel de
blessures graves ou de décès, supposer qu’il peut y avoir un danger n’est
pas suffisant. Ce danger doit pouvoir se
concrétiser immédiatement ou à court
terme. Il doit être prévisible selon la
nature du travail et son contexte. Il ne doit
pas être exceptionnel, mais pouvoir se
réaliser en considérant les tâches et les
connaissances habituelles d’un employé.
Alors que l’article 236 vise une infraction
à la loi ou à un règlement, sans que la
CSST doive démontrer un danger de
blessure, l’article 237 vise un comportement qui entraîne un danger réel de
blessure. Toutefois, un « quiconque » ne
respectant pas la loi ou les règlements
pourrait bien, par la même occasion, entraîner un danger réel de blessure. Ainsi,
une infraction en vertu de l’article 236 de
la LSST peut aussi entraîner une infraction en vertu de l’article 237. Par exemple,
travailler en hauteur sans moyen de
protection contre les chutes constitue une
infraction à l’article 236 de la LSST. Mais
cette même situation de travail peut
également donner lieu à une poursuite
en vertu de l’article 237 de la LSST.
À titre d’exemple, un employeur fut
reconnu coupable d’avoir compromis
directement et sérieusement la santé, la
sécurité ou l’intégrité physique d’un
employé sur un chantier de construction en mai 2000. Le contexte est le
suivant : deux employés travaillaient
sans protection au dixième étage, au
bord du vide. Il n’y avait pas preuve de
diligence raisonnable par l’employeur.
Celui-ci n’a pris aucune mesure pour
s’assurer que le travail réalisé par ses
employés s’effectuait de façon sécuritaire et que ses instructions étaient
suivies. L’employeur ne s’est fié qu’à ses
employés et cela a été insuffisant.
Comme il y avait danger immédiat à la
sécurité, l’infraction sous l’article 237 de
la LSST a été prouvée2.
J’ai vu votre nom
dans les journaux !
Les amendes mettront rarement en
péril la situation financière d’une entreprise. Quant à savoir si le montant de
celles-ci aura un effet dissuasif pour les
téméraires, rien ne le confirme. Mais il
peut être très néfaste pour l’entreprise
que son nom apparaisse dans les
journaux ou autres publications en
raison d’une infraction relative à la SST.
Les conséquences sur sa réputation
pourront être dommageables. La
concurrence oblige souvent les entreprises à démontrer qu’elles ont le souci
de la santé-sécurité. Se faire connaître
au moyen d’une infraction n’est peutêtre pas la bonne façon et, surtout,
qu’en penseront les employés ?
Le « quiconque »
dans la pratique
La LSST, par ses articles 236 et 237, vise
l’employé, le superviseur ou toute autre
personne relevant de l’employeur, et
l’employeur lui-même. Mais lorsqu’une
amende est émise, de façon générale,
c’est l’employeur qui est visé. Peut-être
en est-il ainsi pour l’inciter davantage à
prendre les moyens nécessaires afin
d’éviter tout accident. Bref, à faire preuve
de diligence raisonnable.
CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC
CONVERGENCE août 2004
Enfin, ce n’est pas tant le montant de
l’amende que ses conséquences pour
l’entreprise qu’il faut considérer.
5
INFORMATION JURIDIQUE
.
LA DILIGENCE RAISONNABLE .
CELA PREND PLUS QUE DES MOTS…
Une poursuite pénale intentée par la CSST contre un employeur qui aurait manqué à une
obligation que lui impose la loi ou un règlement n’entraîne pas toujours une condamnation de
celui-ci. En effet, un employeur peut se défendre et être acquitté. Divers moyens de défense sont
permis dans de telles circonstances mais, généralement, en santé et sécurité du travail, on
choisira de présenter une défense de « diligence raisonnable » pour se disculper. Or, pour
prouver qu’on a fait preuve de diligence raisonnable, il faut plus que des mots : cela prend des
actions concrètes en SST !
La poursuite pénale
1. L.R.Q. c. C-25.1
2. À ce sujet, voir :
MARCOTTE, A.,
Les moyens
de défense en
matière pénale,
Développements
récents en droit de
la santé et sécurité
du travail,
Éditions Yvon Blais inc.,
2001, p. 171 à 204.
3. Supra note 1, art. 14
4. CSST c. Black et
McDonald ltée,
TT 500-28-000031831, 21-03-1985
5. CSST c. Monsanto
Canada inc.,
TT 500-29-001215894, 19-10-1990
6. CSST c. Plibrico
Canada ltée, 1989 TT
32, 15-12-1988
6
Lorsque le législateur confie à un organisme le mandat de voir au respect des
objectifs des lois dont on lui confie la
gestion, il prévoit généralement, dans
cette même loi, la possibilité pour
l’organisme en question d’intenter des
poursuites pénales envers les contrevenants. Tel est le cas pour la CSST,
chargée de l’application de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail (LSST) et
de la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles (LATMP),
entre autres.
Il s’agira alors de poursuites régies, au
Québec, par le Code de procédure
pénale1, et non de poursuites criminelles
au sens du Code criminel du Canada.
Cependant, les grands principes applicables au droit criminel sont également
applicables en droit pénal provincial
notamment : la présomption d’innocence
et le fardeau de la poursuite de prouver
hors de tout doute raisonnable que
l’accusé a commis l’infraction reprochée; l’obligation de la poursuite de
divulguer les éléments de preuve en sa
possession, etc.
Contrairement au droit criminel qui vise
à punir le comportement de ceux qui
enfreignent les règles acceptées par la
communauté en commettant des actes
interdits par la société, le droit pénal, de
son côté, vise à sanctionner des comportements déviants à l’égard de règles
encadrant le déroulement d’une activité
par ailleurs permise, tel le travail2.
Lorsque la CSST, par le biais d’un de
ses inspecteurs, constate que la loi,
qu’un règlement ou qu’une norme n’a
pas été respectée, elle peut décider de
poursuivre l’entreprise, le représentant
de l’employeur ou l’employé fautif
devant la Cour du Québec. La CSST a
alors un an de la date de la perpétration
de l’infraction pour intenter sa poursuite3.
À ce sujet, le texte de la page 4 traite
des principales accusations possibles.
De nombreux moyens de défense ont
été soulevés à l’encontre de poursuites
intentées par la CSST. Nous vous en
soumettons quelques-uns.
Le doute
sur un élément essentiel
La CSST doit prouver hors de tout doute
raisonnable que l’inculpé a commis l’infraction reprochée. Cela implique que la
CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC
CONVERGENCE août 2004
CSST doit faire la preuve de tous les
éléments constitutifs de l’infraction alléguée à défaut de quoi, l’accusé sera
acquitté. Ainsi, si la CSST reproche à un
employeur de ne pas s’être assuré que
son travailleur utilise un équipement de
protection individuelle, elle devra, entre
autres, prouver qu’il s’agit bien d’un
travailleur à l’emploi de l’employeur4.
Même résultat si la CSST ne peut
démontrer le statut de maître d’œuvre
d’une entreprise alors qu’elle poursuit
cette entreprise à ce titre5 ou le statut
« d’employeur » selon le chef d’accusation6.
Quelques moyens de défense
peu fréquents
À l’occasion, les circonstances s’y
prêtant, un employeur sera tenté d’invoquer dans un contexte de santé et
sécurité au travail, des moyens de
défense peu usuels, moyens que l’on
retrouve davantage lors d’accusations
criminelles. Ces défenses sont bien peu
souvent accueillies.
Ainsi, on soulèvera parfois une défense
« d’impossibilité absolue d’agir ». On
entend alors dire : « J’pouvais pas faire
autrement…». Or, pour qu’une telle
défense soit valide, elle doit s’appuyer sur
des circonstances extrêmes, découlant
d’un cas fortuit ou d’une force majeure
ayant obligé l’employeur à contrevenir à la
LSST ou à un règlement. Pour qu’elle soit
valide, cette défense doit reposer sur une
réelle impossibilité, pas sur une contrainte
de production. Rares sont les situations où
l’on ne peut absolument pas respecter
une disposition de la loi. Y contrevenir
pour une question d’économie ne constitue pas une impossibilité7.
7. CSST c. Toitures
Jules Chabot inc.,
TT 200-63-000033013, 02-04-2001.
8. Voir, par exemple :
CSST c. Ville de
St-Hyacinthe,
TT 500-29-000216919,22-11-1991;
CSST c. 9043-3491
Québec inc.,
TT 500-63-004194004, 14-12-2000.
9. R. c. Perka, 1984
R.C.S. 232.
10. CSST c.
Construction Frank
Catania inc.,
TT 500-63-000856945, 29-11-1996;
CSST c. Gélinas,
410-36-000001-912,
28-06-1991 (C.S.).
11. Bouchard et
Blanchette Marine
ltée, c. CSST,
650-36-000022-885,
17-05-1989 (C.S.);
CSST c.
Entreprises de
travaux Common ltée,
TT 500-63-000782943, 02-12-1994.
12. Basé sur l’affaire
B.G. Chéco ltée,
27-000100-75,
25-08-1976 (C.S.).
13. CSST c. Raymond
Martin ltée,
TT 200-63-000084024, 30-03-2003;
CSST c. Maçonnerie
Demers, TT 500-63007039-024, 04-032004.
14. CSST c.
Marc Filiatreault
couvreur inc.,
TT 500-63-005091001, 24-05-2001.
L’« erreur de fait raisonnable » permet à
un accusé ayant contrevenu à la LSST
de soutenir que cette contravention
reposait sur une croyance honnête en
une circonstance de fait erronée. C’est
le « J’pensais pouvoir faire ça parce
que… » Or, si les faits n’avaient pas été
erronés, aucune infraction n’aurait été
commise. Pour que cette croyance en
des faits erronés soit « raisonnable »,
cela implique donc que l’accusé avait
fait des efforts préalables pour vérifier la
véracité des faits8.
1˚ il a pris des actions positives, posé des
gestes relatifs à la santé et sécurité
dans son milieu de travail, vérifié les
gestes de ses travailleurs, sanctionné
les manquements et veillé à corriger
les dérogations;
2˚ il ne s’est pas fié à la seule expérience
de ses travailleurs.
D’ailleurs, l’article 239 de la LSST énonce
à toute fin pratique cette notion de diligence raisonnable puisqu’il précise que :
« Dans une poursuite visée dans le
présent chapitre, la preuve qu’une
infraction a été commise par un représentant, un mandataire ou un travailleur à l’emploi d’un employeur suffit à
établir qu’elle a été commise par cet
employeur à moins qu’il n’établisse que
cette infraction a été commise à son
insu, sans son consentement et malgré
les dispositions prises pour prévenir sa
commission. »
(Nos soulignés)
La « nécessité » suppose que l’on ait
commis une infraction, en toute connaissance de cause, mais afin d’éviter un
« mal » plus grave, notamment un péril
immédiat pour un employé et que la
commission de l’infraction était le seul
moyen pour faire face à la situation9. En
pratique, en SST, de telles situations sont
en vérité rarissimes et une telle défense
est bien peu retenue10.
Les représentants de l’employeur (contremaîtres, superviseurs, etc.) ont un rôle
primordial dans l’établissement de cette
défense par l’employeur parce que ce
sont eux, au premier chef, qui peuvent
contrôler les comportements non sécuritaires. La tolérance d’une situation dangereuse par un contremaître va directement
à l’encontre d’une défense de diligence
raisonnable13.
Enfin, « l’erreur administrativement
induite » peut être soulevée en défense
lorsque l’accusé prétend que c’est une
personne en autorité à la CSST qui a
autorisé un comportement ou une action
qui, par la suite, a donné lieu à une
poursuite pénale11. On prétend alors
que « l’inspecteur de la CSST m’a dit que
c’était OK… ».
Que doit démontrer l’employeur s’il
désire établir sa diligence raisonnable ?
Une décision récente du Tribunal du
travail résume bien l’ensemble de la
jurisprudence. À ce sujet, la juge
Handman écrit :
La diligence raisonnable
Dans la majorité des cas, c’est une
défense de diligence raisonnable que
tentera de faire valoir un employeur
poursuivi par la CSST pour avoir contrevenu à la LSST. Depuis une vingtaine
d’années, les tribunaux ont eu à définir
ce concept. Il ressort de cette jurisprudence qu’un employeur, pour établir sa
défense de diligence raisonnable, doit
pouvoir démontrer que12 :
« La défenderesse a également soulevé
la défense de diligence raisonnable, soumettant qu’elle n’a jamais exigé que ses
employés fassent un travail dangereux.
De plus, elle a invoqué toutes les
mesures prises par la compagnie afin que
le travail soit exécuté de façon
sécuritaire. Elle a alors prétendu que
l’infraction fut commise malgré ses
instructions relativement à la nécessité de
porter des ceintures de sécurité.
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CONVERGENCE août 2004
Une telle défense ne peut être retenue. Il
ne suffit pas pour l’employeur de se fier sur
l’expérience et le bon sens de ses
employés. Il faut qu’il prenne des mesures
concrètes et positives pour s’assurer que la
loi soit respectée. Il ne suffit pas non plus de
simplement donner des directives aux
employés, en présumant que les instructions seront suivies. Encore faut-il prendre
des moyens pour s’assurer que les directives sont respectées.
Ces moyens que l’employeur doit prendre
pour s’assurer que ses directives sont respectées et que ses employés travaillent en
sécurité comprennent les suivants :
1. vérifier que les employés sont munis de
l’équipement de sécurité au moment de
leur départ vers le site;
2. rencontrer le(s) contremaître(s) afin de
faire comprendre l’importance des instructions et les conséquences du nonrespect;
3. faire surveiller les employés et/ou faire
des visites de contrôle au chantier;
4. faire des rappels verbaux et subséquemment par écrit en cas du nonrespect des directives;
5. émettre des avertissements et, si nécessaire, imposer des mesures disciplinaires
pour sanctionner le défaut de respecter
les directives émises.
En effet, l’objectif de la Loi sur la santé et
la sécurité du travail est de prévenir les
accidents de travail en protégeant les
travailleurs qui peuvent potentiellement
être victimes d’accidents en commettant
des erreurs humaines. C’est ainsi qu’il
faut les protéger contre leurs propres
erreurs. Et celui qui détient ce pouvoir de
protection, c’est l’employeur. C’est ce
dernier qui contrôle la gestion et l’encadrement des employés ainsi que l’équipement et les méthodes de travail14. »
Conclusion
Lorsque l’employeur doit se défendre
d’une accusation pénale en SST, il doit,
plus souvent qu’autrement, établir une
défense de diligence raisonnable. Un tel
moyen de défense ne s’improvise pas. Il
est le reflet d’une gestion active de la
prévention en milieu de travail. Et vous,
seriez-vous à même d’établir une telle
défense ?
7
SST ET NÉGLIGENCE
CRIMINELLE
Nous sommes en Nouvelle-Écosse, le 9 mai 1992. Il est 5 h 20 du
matin. Une explosion souterraine à la mine de charbon Westray
provoque la mort de 26 mineurs. Il n’y a aucun survivant.
Ce terrible accident a conduit le gouvernement fédéral à
adopter des amendements au Code criminel du Canada. Inclus
dans le projet de loi C-45, ces amendements concernent, depuis
le 31 mars 2004, toutes les entreprises canadiennes.
Autopsie d’une catastrophe
Pour bien comprendre d’où vient le
projet de loi C-45 et ses conséquences
dans les entreprises, il est important de
retourner dans le passé, plus précisément
dans les mois précédant l’accident à la
mine Westray et dans les mois et les
années qui ont succédé. L’ampleur de cet
accident a nécessité la mise sur pied
d’une commission d’enquête publique
suivie d’un fort lobbying pour changer les
lois en vigueur au Canada. C’est à partir
du rapport du commissaire chargé de
l’enquête1 que l’on peut dégager le scénario de l’accident.
1. The Westray Story :
A Predictable Path
to Disaster. Report
of the Westray Mine
Public Inquiry, Justice
K. Peter Richard,
Commissioner
(www.gov.ns.ca/enla/
pubs/westray/
contents.htm).
2. KEITH, N. (2004).
Workplace Health
and Safety Crimes,
LexisNexis Canada,
193 p.
8
Avant même l’ouverture officielle de la
mine, le 11 septembre 1991, il est possible
d’identifier des manquements à la
sécurité : absence de formation sur l’identification des conditions dangereuses
dans la mine (ex. : condition du plafond),
ignorance des mesures de sécurité de
base et formation déficiente des superviseurs. Dans les mois suivants, des
éboulements du toit se produisirent à
quatre reprises. Ces accidents furent
banalisés par le gérant de la mine qui
attestait que ces effondrements étaient
sous contrôle et ne posaient pas de
problème pour les mineurs et pour la
production. Certains travailleurs soulignèrent l’existence de nombreux dangers et
quittèrent leur emploi pour cette raison.
Trois mois avant l’accident fatal, une
section de la mine fut évacuée en raison
de mauvaises conditions du sol.
Westray est un exemple de milieu de
travail où les exigences de production
ont entraîné de multiples violations aux
pratiques sécuritaires de travail. Selon le
commissaire chargé de l’enquête publique, la direction a maintes fois ignoré ou
encore encouragé une série de pratiques
dangereuses ou illégales.
Ceci est particulièrement vrai dans les
jours précédant le 9 mai. Le système de
ventilation, élément essentiel pour la
sécurité dans une mine de charbon,
était clairement inefficace. En effet, le
débit d’air ne permettait pas de prévenir
l’accumulation de méthane.
jusqu’à la Cour suprême du Canada, un
deuxième procès est ordonné en 1997,
procès qui n’aura jamais lieu. Tout ce long
processus judiciaire avorté et l’insatisfaction
qui en a résulté ont été au cœur des
débats qui ont entouré l’adoption du
projet de loi C-45.2
Dans la matinée du 9 mai 1992, une
source d’ignition (probablement une
étincelle causée par de la machinerie) a
causé l’inflammation du méthane accumulé dans la galerie. Une boule de feu
s’est rapidement déplacée à travers les
tunnels, en embrasant la poussière de
charbon, consumant l’oxygène et laissant
des concentrations mortelles de monoxyde de carbone. Une explosion a suivi.
Heureusement, l’enquête publique a
donné plus de résultats que les poursuites légales en identifiant les manquements en cause dans cette entreprise.
Dans un rapport publié en 19971, le
commissaire a émis 74 recommandations touchant, entre autres, l’organisation et la gestion, la formation, les
méthodes de travail et la ventilation. On
y retrouve aussi des recommandations
portant sur la réglementation en SST et
l’imputabilité corporative. Il recommande spécifiquement au ministère de
la Justice du Canada d’introduire, dans
la législation, des amendements faisant
en sorte que les dirigeants des entreprises soient imputables pour la santé et
la sécurité au travail.
Selon le commissaire Richard1, c’est une
mosaïque complexe d’actions, d’omissions,
d’erreurs, d’incompétences, d’apathie, de
cynisme, de stupidité et de négligence
qui a contribué au désastre de Westray.
La saga judiciaire
Dès le lendemain de l’accident, une
enquête publique est promise et c’est un
juge de la Cour suprême de la province
qui est mandaté pour diriger cette
enquête qui sera complexe et contestée.
Parallèlement, la Gendarmerie royale
du Canada entreprend également une
enquête. Commence alors une longue
saga judiciaire. En 1993, l’entreprise exploitant la mine (Curragh Ressources Inc.), son
PDG ainsi que le gérant de la mine sont
formellement accusés d’homicide involontaire et de négligence criminelle causant la
mort, en vertu du Code criminel du
Canada. Le procès débute finalement en
1995, après maints rebondissements et
controverses. Ce procès avorte et les poursuites sont retirées pour des questions de
procédures. Après différents appels, allant
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CONVERGENCE août 2004
Le Westray Bill
C’est en 2003 que ces recommandations portent fruit. En effet, le 12 juin
2003, le ministre de la Justice et procureur général du Canada, l’honorable
Martin Cauchon, déposait à la Chambre
des communes le projet de loi C-45, Loi
modifiant le Code criminel (responsabilité pénale des organisations). Ce projet
de loi est aussi connu sous le nom
de Westray Bill. Dans son allocution, le
ministre Cauchon précise :
« Selon les modifications proposées,
l’organisation peut être tenue responsable des infractions de négligence
lorsque des actes ou les omissions de ses
représentants démontrent leur négligence et que le comportement de ses
cadres supérieurs s’écarte nettement de
la réaction généralement attendue dans
les circonstances ».3
coupable se manifeste par une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de
la vie ou de la sécurité d’autrui.
Ce projet de loi a été adopté par la
Chambre des communes le 27 octobre
2003 et sanctionné le 7 novembre 2003.
Les amendements sont en vigueur
depuis le 31 mars 2004.
Avant les modifications apportées par le
projet de loi C-45, il était difficile de
déterminer si une personne morale
(représentée par son âme dirigeante)
avait commis un acte prohibé tout en
ayant une intention coupable.
L’intention du législateur est de dire aux
employeurs que « ceux et celles qui
n’offrent pas la sécurité du milieu de
travail peuvent être traités sévèrement
aux termes du droit pénal »4. On veut
éviter d’autres catastrophes comme celle
de la mine Westray ou sinon s’assurer
que les responsables seront punis.
Champ d’application
et nouveautés
3. CAUCHON
Martin, ministre de
la Justice et procureur général du
Canada, 12 juin
2003.
4. COTLER Irwin,
ministre de la Justice
et procureur général
du Canada, 31 mars
2004.
5. JETTÉ, M.-H. et
A.-F. CHARRETTE.
SST et Code criminel
du Canada : la
responsabilité
pénale des organisations, Conférence
présentée au Centre
patronal de SST,
26 mars 2004.
6. Ministère de la
Justice du Canada,
Responsabilité
pénale des organisations : un guide en
langue simple du
projet de loi C-45,
www.canada.justice.gc.
ca/fr/dept/pub/c45/
index.html
Rappelons que le projet de loi C-45 a
introduit des amendements au Code
criminel du Canada. Le Code criminel
s’applique sur tout le territoire canadien
et à toutes les entreprises, quelle que
soit leur juridiction.
Peu de changements ont été introduits
par ce projet de loi. Celui-ci vise à faciliter
les poursuites contre les corporations et
leurs gestionnaires lors d’accidents du
travail graves (avec décès ou lésions
corporelles).
En vertu du Code criminel, une
personne ou une corporation (personne
morale) peut être reconnue coupable
d’une infraction si les deux conditions
suivantes sont présentes :
• il y a perpétration d’un acte prohibé;
• l’auteur de l’acte prohibé avait l’intention de commettre l’acte (état d’esprit
coupable).
Selon la définition de négligence
criminelle du Code criminel, l’acte prohibé est une action ou un manquement à
un devoir légal (ex. : non-respect de la
réglementation en SST). L’état d’esprit
Dorénavant, lorsque des poursuites
seront intentées contre une personne
morale pour négligence criminelle, la
Couronne aura à prouver (selon l’article
22.1 du Code criminel) que5 :
• un agent de l’entreprise a commis un
acte prohibé (par action ou omission) et
qu’il était dans un état d’esprit coupable
(insouciance déréglée ou téméraire), et
ce, même si c’est de la part d’une autre
personne que celle qui a commis l’acte;
• le ou les cadres supérieurs se sont
écartés de la norme de diligence qu’il
aurait été raisonnable d’adopter, dans
les circonstances, pour empêcher la
participation à l’infraction.
On constate donc qu’il est plus facile de
prouver la participation criminelle des
organisations.
Le projet de loi C-45 a aussi introduit
une nouvelle obligation à la personne
qui supervise le travail. Selon l’article
217.1 du Code criminel, « Il incombe à
quiconque dirige l’accomplissement d’un
travail ou l’exécution d’une tâche ou est
habilité à le faire de prendre les mesures
voulues pour éviter qu’il n’en résulte de
blessure corporelle pour autrui. »
En conclusion
C’est pour éviter d’autres désastres
comme celui survenu à la mine Westray
que le gouvernement fédéral a modifié
le Code criminel. Les amendements
vont permettre de faciliter les poursuites
contre des entreprises manifestement
négligentes.
Il est encore trop tôt pour dire s’il y aura
plusieurs condamnations à la suite de ces
modifications au Code criminel. Une chose
demeure cependant sûre : une entreprise
respectant ses obligations en vertu des lois
provinciales en SST ne serait vraisemblablement pas accusée de négligence
criminelle en cas d’accident grave. Les
mots-clés restent les mêmes : faire
preuve de diligence raisonnable.
Autre nouveauté, les peines infligées à
l’organisation. De nouveaux critères
seront considérés dans la détermination
de la peine aux personnes morales.
Pour les infractions les plus graves, le
Code ne fixe aucune limite à l’amende
à infliger à une organisation6. Celle-ci
sera à la discrétion du juge.
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CONVERGENCE août 2004
En outre, de nouvelles conditions
facultatives de probation s’appliquent
aux personnes morales5. L’organisation
coupable pourrait, entre autres, avoir à :
• élaborer des normes, règles ou lignes
directrices en vue de réduire la
probabilité qu’elle commette d’autres
infractions;
• informer le public de la nature de
l’infraction dont elle a été déclarée
coupable, de la peine infligée et des
mesures prises pour réduire la probabilité de récidive.
9
PRÉPARER SA
DÉFENSE
PAR DES ACTIONS CONCRÈTES !
La meilleure façon d’éviter les accidents, de se retrouver devant
un juge, de prouver sa diligence raisonnable… c’est par de la
vraie prévention !
D’accord, vos obligations en SST sont
nombreuses. Mais, en vous conformant,
vous gagnez sur plusieurs tableaux.
D’abord, vous minimisez le risque qu’un
de vos employés ne subisse une lésion
professionnelle avec toutes les conséquences humaines, sociales, publicitaires
(gros plan de votre siège social et de
votre logo à la télé ou à la une des
journaux) et financières que l’on connaît.
Mais, en plus, si un accident grave
survient, votre dynamisme face à la prévention minimisera le risque d’être
poursuivi par la CSST. Et si la poursuite a
lieu, vous pourrez plus facilement articuler votre défense de diligence raisonnable en démontrant que vous avez pris
toutes les mesures raisonnables pour
éviter l’accident.
Seriez-vous prêt à démontrer
votre diligence raisonnable ?
Les obligations de l’employeur en
matière de prévention sont définies aux
articles 51 et suivants de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail1. Globalement, l’employeur doit prendre les
mesures nécessaires pour protéger ses
employés. On peut classer ces obligations en quatre catégories :
1. Des obligations
plus précises sont
prévues dans les
règlements adoptés
en vertu de la LSST :
Règlement sur la
santé et la sécurité
du travail,
Règlement sur
l’information
concernant les
produits contrôlés, etc.
10
• organisation matérielle : aménager son
établissement et fournir des équipements sécuritaires de façon à protéger
ses employés;
• formation et information : informer
ses employés sur les risques au travail
et les former pour effectuer le travail;
• organisation fonctionnelle : entre
autres, définir des procédures, fournir
une supervision adéquate;
• collaboration : collaborer avec le comité
de santé et sécurité du travail (CSS) et
les autres instances en SST.
Voyons, à l’aide d’exercices, comment une
entreprise peut se conformer réellement
à ses obligations et ainsi être prête à
démontrer sa diligence raisonnable. Sortez
votre crayon !
L’organisation matérielle
Cette obligation consiste à faire en sorte
que les locaux, les équipements, les outils,
etc., soient sécuritaires et qu’ils demeurent
en bon état. Prenons le cas suivant : à la
suite d’un accident mortel, l’inspecteur de
la CSST conclut que la cause principale
de l’accident est une défectuosité mécanique reliée à un entretien déficient de
la grue mobile utilisée. Il examine ses
preuves pour déterminer s’il devrait
poursuivre l’employeur.
Avant de continuer votre lecture, identifiez deux éléments de preuve qui
pourraient démontrer à l’inspecteur que
l’employeur entretient bien ses équipements et qu’il a pris les moyens raisonnables pour éviter cet accident. Vous avez
une minute !
Bon, la minute est passée. Voici trois
éléments pouvant démontrer la diligence
raisonnable de l’employeur. Il devrait être
en mesure de prouver :
• que ses grues mobiles sont entretenues
par du personnel compétent et selon
un calendrier répondant aux exigences
du manufacturier et aux normes en
vigueur. Qu’il utilise des pièces d’origine
ou offrant une sécurité équivalente.
Prouver signifie bien plus que seulement dire, il faut des traces écrites : log
book d’entretien, contrats d’entretien,
factures de pièces, etc.
• que ses équipements sont régulièrement inspectés pour détecter tout
problème mécanique : fiches d’inspection remplies, etc.
• qu’il possède un système permettant
de rapporter les défectuosités des équipements (coupon de défectuosité, etc.)
et d’assurer un suivi efficace des réparations à effectuer.
La formation et l’information –
étude de cas
Des lacunes au chapitre de la formation
sont souvent soulevées dans les rapports
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CONVERGENCE août 2004
d’enquête de la CSST. Selon vous,
laquelle des entreprises suivantes est la
mieux placée pour démontrer qu’elle a
respecté ses responsabilités en matière
de formation et d’information ?
Cochez l’entreprise qui vous semble la
meilleure en SST.
❏ Entreprise no 1 : Vite, vite, ça
presse inc. engage des étudiants chaque
année. Malgré son nom, l’entreprise a
un programme d’accueil et de formation très élaboré, car elle ne veut pas
que ses travailleurs soient blessés ou
en blessent d’autres. D’ailleurs, deux
jours sont consacrés à l’accueil des
étudiants. En petits groupes, ils
rencontrent les superviseurs de leur
département. Ceux-ci présentent la
politique de l’entreprise en matière de
SST, expliquent les règles de sécurité
générales de l’entreprise, ainsi que les
règles particulières du service où ils
seront affectés. On s’assure que les
étudiants ont leurs équipements de
protection individuelle (ÉPI) et on
rappelle les règles de l’entreprise face
aux employés qui ne portent pas leurs
ÉPI. Les mesures d’urgence sont
révisées afin que tous sachent quoi
faire en cas d’accident, incendie ou
autre. Chaque étudiant reçoit une
formation générale (SIMDUT, etc.) et
une formation adaptée aux tâches qui
lui seront assignées (utilisation des
transpalettes, utilisation des outils à
essence, etc.). Les superviseurs suivent
de près les employés estivaux. De plus,
chaque étudiant est encadré par un
employé régulier.
❏ Entreprise no 2 : On paraît bien ltée
vend des articles. Malgré son nom,
la SST dans l’entreprise n’est pas juste
une apparence. Chez eux, c’est sérieux !
En voici quelques preuves. Les « brisefer » ne sont pas autorisés à utiliser les
chariots élévateurs. Seuls ceux qui sont
prudents le peuvent ! Et pour éviter
tout accident, les nouveaux employés
ne sont assignés qu’à des tâches
simples (nettoyage avec des produits
chimiques, peinture des équipements
en marche, etc.). En matière de SST,
chez On paraît bien ltée, on s’en remet
à nos employés : Y sont capables, on
leur fait confiance !
Si vous avez coché On paraît bien ltée, alors,
comme au Monopoly : Allez directement
en prison, ne passez pas Go et ne réclamez
pas 200 $ ! Bravo à ceux qui ont coché
Vite, vite, ça presse inc., effectivement, c’est
un bel exemple d’entreprise qui prend la
formation au sérieux.
L’organisation fonctionnelle, c’est aussi
assurer une bonne supervision de ses
employés afin qu’ils accomplissent leur
travail de façon sécuritaire. Vos superviseurs
encadrent-ils bien vos employés ? Rendezvous à la page 16 pour en savoir plus.
L’organisation fonctionnelle –
10 points de contrôle
Des obligations de collaboration ? Comment le fait de ne pas collaborer peut-il
nuire à un employeur aux prises avec une
poursuite pénale ? Les principales obligations de l’employeur en matière de collaboration consistent à rendre accessibles, aux
employés, les renseignements fournis par
la CSST (Avis de danger, etc.) et à collaborer avec le comité de santé et sécurité
(CSS). La non-collaboration peut prendre
plusieurs formes…
La collaboration – vrai ou faux ?
On l’a vu, l’entreprise doit fournir des
équipements sécuritaires et les maintenir
en bon état. Elle doit aussi s’assurer que
ses employés ont la formation requise
pour accomplir leur travail de façon
sécuritaire. Évidemment, ce n’est pas tout.
Encore faut-il qu’elle structure la gestion
de la prévention (activités, règles, etc.).
C’est l’organisation fonctionnelle. Seriezvous en mesure de démontrer le
sérieux de votre démarche en prévention ?
Vérifiez avec ces 10 points de contrôle.
Un employé a été victime d’un accident
grave et la CSST enquête. Au cours de
son enquête, l’inspecteur apprend que
le problème à la base de l’accident est
connu depuis longtemps. D’ailleurs, les
comptes rendus des réunions du CSS
sont clairs à ce sujet. Des solutions ont été
proposées, mais aucune n’a été mise en
place ni même des mesures temporaires.
Est-ce faire preuve de diligence que de
laisser traîner un problème alors que son
potentiel de gravité est important ?
Les indices d’une saine collaboration.
Quand on collabore bien… ?
• On est à l’écoute des préoccupations
de tous .............................Vrai ❏ Faux ❏
• On favorise la discussion
.............................................Vrai ❏ Faux ❏
• On répond aux demandes avec
diligence ..........................Vrai ❏ Faux ❏
POINTS DE CONTRÔLE
En matière de SST, mon entreprise…
Oui
1.
a émis une politique en SST
2.
a nommé une personne pour prendre en main ce dossier
3.
a défini les rôles et responsabilités en SST des membres de son
personnel (coordonnateur, superviseurs, etc.)
4.
fournit les ressources nécessaires à une bonne gestion de la prévention
5.
a mis en place des activités d’identification des dangers (enquête
d’accident, inspection, etc.)
6.
au besoin, s’est dotée d’outils d’évaluation en hygiène industrielle
(pour bruit, contrainte thermique, contaminants, etc.)
7.
possède des procédures de travail (espaces clos, etc.) et des règles
de sécurité
8.
s’est dotée de règles de sécurité (ÉPI, travail en hauteur, etc.)
Non
• On motive nos réponses qu’elles soient
favorables ou non............. Vrai ❏ Faux ❏
Vous vous en doutez, toutes ces réponses
sont vraies.
9. est prête à réagir en cas d’accident (secouristes, etc.) ou autres
situations d’urgence (brigade de feu, etc.)
Diligence raisonnable
ou négligence ?
Intervenir dès que l’on constate une
situation sous la norme, c’est faire preuve
de ? Ne pas tolérer un comportement non
sécuritaire, c’est faire preuve de ? Bien
encadrer les visiteurs, les entrepreneurs,
les clients ou autres personnes lors de leur
visite chez nous, c’est faire preuve de ?
Instaurer des activités de prévention, c’est
faire preuve de ?
Réponses : diligence
10. effectue un suivi régulier de ses activités en prévention
Total
Trois oui et moins : votre entreprise aurait une bonne pente à remonter devant
un tribunal !
Lire Convergence, c’est… une bonne
habitude à conserver !
Quatre à six oui : c’est déjà mieux ! Cherchez à améliorer les points pour lesquels
vous avez répondu : non.
Sept oui ou plus : votre entreprise démontre bien son sérieux en matière de SST.
Continuez votre bon travail !
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CONVERGENCE août 2004
11
QUEL EST LE
DÉNOMINATEUR COMMUN
AUX ENTREPRISES DILIGENTES ?
Pour être capable de recourir à une défense basée sur la diligence raisonnable, une entreprise
doit avoir érigé un bon système de gestion de la SST. Mais prenez garde ! Le seul fait d’avoir un
tel cadre de gestion n’est pas suffisant; il faut être capable d’en démontrer l’efficacité. Celui-ci
doit produire des résultats positifs et faire en sorte que ces résultats se maintiennent, voire
même s’améliorent avec le temps. Seules peuvent y parvenir les entreprises qui font vivre des
valeurs orientées vers le respect de la SST dans chacune de leurs activités quotidiennes, et où
règne une véritable culture de sécurité !
Vu sous cet angle, peut-on se permettre de ne pas posséder un système de gestion et une culture
favorisant la SST ?
Qu’est-ce au juste
qu’une culture en SST ?
Tenter de définir la notion de culture
dans une organisation, c’est se heurter à
de multiples points de vue. En effet,
chaque auteur ayant écrit sur le sujet
propose un ensemble de critères qui lui
sont propres et qui diffèrent légèrement
des autres. Néanmoins, quel que soit le
vocabulaire adopté, on peut définir une
culture comme étant l’ensemble des
valeurs, croyances, traditions et habitudes
véhiculées au sein de l’entreprise qui
dictent et influencent les comportements
de tous ses membres.
Aussi, la culture en SST est-elle définie
comme étant une composante de la
culture organisationnelle… et lorsque
cette dernière est défaillante, il est
évident que la SST en souffre ! En effet,
c’est très rare qu’une entreprise ayant
une faible performance au niveau de la
gestion de sa production et de ses activités soit plus performante en ce qui a
trait à la gestion de la SST. De plus, une
culture favorisant la SST valorisera chez
chacun des membres du personnel une
décision de prévention du risque plutôt
qu’une prise de risque.
La SST se reflète-t-elle
dans votre culture ?
On peut penser que certaines entreprises
n’ont pas de culture en SST, surtout
lorsqu’on voit des milieux de travail qui
tolèrent les raccourcis pour aller plus vite
ou des milieux qui valorisent la prise de
risque. Et pourtant, toutes les entreprises
possèdent leur propre culture, certains
12
éléments s’avèrent meilleurs, d’autres
défaillants. Celles qui sont qualifiées de
meilleures favorisent généralement une
culture où l’être humain occupe une
place importante dans l’organisation.
Néanmoins, vous l’aurez deviné, l’instauration d’une culture SST ne se réalise pas
du jour au lendemain… cela prend du
temps, de la patience et beaucoup
d’efforts. Il existe également des obstacles majeurs à une saine culture en SST.
Et s’ils ne sont pas contournés ou réglés,
vos efforts en vue de bâtir une culture
durable en SST seront vains.
Les principaux obstacles communs à la
majorité des entreprises sont : le manque
d’appui, de visibilité ou de crédibilité des
cadres supérieurs relativement à la santésécurité, des conflits non résolus qui
perdurent, la résistance aux changements
des superviseurs et des employés, ainsi
que la valorisation de la prise de risques.
Or, l’attitude et les croyances des cadres
supérieurs et, surtout, des dirigeants ont
une grande influence sur la culture en
SST de l’entreprise. Il est indispensable
que ces acteurs aillent au-delà d’une
simple promesse ou de bonnes intentions. L’engagement des dirigeants doit
être visible et se traduire par des faits et
des actes. S’investir, c’est aller au-delà
d’un engagement moral… c’est aussi
démontrer sur le terrain que cet engagement correspond à une réalité concrète. En d’autres termes, c’est montrer
l’exemple.
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CONVERGENCE août 2004
Existe-t-il des éléments
essentiels à une culture ?
Il n’y a pas de formule magique pour
bâtir une culture favorisant la SST. Il
existe toutefois certains éléments de
base qui formeront l’ossature d’une
culture et qui l’aideront à se concrétiser.
Les valeurs
Les valeurs sont des convictions profondes,
des idéaux auxquels nous croyons et qui
affectent profondément les choix que
nous faisons. Par exemple, si la famille est
une valeur importante pour vous, votre
choix pour les loisirs sera sûrement orienté
vers des activités familiales. Dans le même
esprit, si les dirigeants de l’entreprise ne se
sont pas dotés de valeurs favorisant la SST,
ou que ces valeurs sont méconnues de
l’ensemble du personnel, on ne peut
s’attendre à développer une culture solide
en la matière.
La santé-sécurité doit donc être considérée comme une valeur au sein d’une
entreprise et non comme une priorité,
car une priorité peut toujours être mise
de côté au profit d’une autre plus
urgente. En érigeant la SST comme une
valeur, celle-ci se reflétera dans toutes
les décisions prises et toutes les tâches
effectuées. Mais il ne suffit pas d’afficher
ces valeurs sur un bout de papier ou
à la réception de l’entreprise. Chacun,
et spécialement les dirigeants, doivent
les vivre. Tous les employés regardent
le patron et ils s’attendent qu’il leur
montre de bons exemples, des façons
d’agir sécuritaires.
Les gardiens des valeurs
Les gardiens des valeurs sont les personnes qui, dans l’entreprise, veillent à
préserver les valeurs tout en s’assurant
qu’elles soient intégrées dans les activités
de l’entreprise et qu’elles survivent au fil
des ans. Qui devrait exercer le rôle de
gardien ? En fait, il doit y avoir plusieurs
« prêcheurs » dans l’entreprise en commençant évidemment par les membres
de la haute direction, puis les gestionnaires, les superviseurs, le coordonnateur
en SST et les membres du comité de
santé-sécurité. Ultimement, on vise à ce
que tous les employés deviennent euxmêmes des gardiens de valeurs. Par
ailleurs, le superviseur est un acteur très
important dans le processus d’instauration
d’une culture en SST. Toutefois, dans une
entreprise, bien que l’on ait des contremaîtres motivés et des leaders, s’ils n’obtiennent pas le support organisationnel
nécessaire, toutes les énergies déployées
s’avéreront vaines.
1. Pour connaître
davantage l’approche
de gestion SST du
Centre, consultez
notre site Internet.
Les rites et rituels
Sans la présence de rites et rituels, toute
culture serait inexistante. En effet, les rites et
rituels sont des habitudes, des routines
formées de gestes fréquents qui se réalisent
machinalement. Et c’est lorsque ces rites et
rituels deviennent une « seconde nature »
qu’on parle de culture. Par exemple : les
performances SST sont discutées aux
réunions de la direction parce que c’est
normal de discuter de santé-sécurité avec
les autres préoccupations de l’entreprise;
l’employé porte systématiquement ses
lunettes de sécurité au poste de dégauchissage et de rabotage parce que cela fait
partie intégrante de sa routine; le superviseur intervient pour corriger un comportement non sécuritaire, parce que c’est
normal d’agir ainsi… Ce sont, entre autres,
de telles attitudes qui font qu’une entreprise
peut se vanter de posséder une véritable
culture en SST, car les actions posées
deviennent des habitudes au quotidien,
cohérentes avec les valeurs de l’entreprise
en SST.
L’imputabilité
Chaque personne dans l’entreprise doit
être imputable de ses actions et de ses
omissions : c’est ce qu’on appelle l’imputabilité. En incluant les responsabilités
SST dans les définitions de tâche et
l’évaluation du rendement des employés
et des gestionnaires, puis en appliquant
une approche disciplinaire dans les cas où
c’est nécessaire, l’entreprise démontre
l’importance qu’elle accorde à ses valeurs
en santé-sécurité.
Quelle est la démarche pour
réussir à créer une culture
favorisant la SST ?
Oubliez la marche à suivre unique qui
réussira, à coup sûr, à vous débarrasser
des vieilles habitudes ancrées dans votre
entreprise et qui contribuera à la création
d’une véritable culture en SST : elle
n’existe pas. Il serait plus juste de vous
indiquer comment les entreprises de
classes mondiales en SST ont réussi ce
tour de force et comment elles ont entrepris ce processus de changement de
mentalité. Elles y sont parvenues grâce à
l’intégration. En d’autres mots, cela signifie
que tous les éléments vus précédemment
(soit des valeurs bien définies, des gardiens pour les promouvoir et assurer leur
continuité, etc.) ne doivent pas être gérés
isolément. Ils doivent être intégrés dans les
modes de fonctionnement de l’organisation. Plus ces éléments seront intégrés et
plus on parlera de culture durable en SST.
Si, au contraire, toutes ces activités ne
sont pas intégrées dans les façons d’agir,
elles risquent de se perdre dans les
dédales des problèmes quotidiens pour
se retrouver au point zéro. Il faut donc
implanter des actions concrètes, car
l’intégration est à la base même de la
culture. Comment peut-on parler de
culture si ces façons de travailler ne sont
pas intégrées au quotidien ? Comment
peut-on arriver à des résultats durables si
l’accent n’est pas mis sur les valeurs et la
culture SST ? Et il semble bien que
l’approche qui vous permettra de
coordonner tous vos efforts, de maintenir
la SST à l’agenda et d’ancrer une culture
de sécurité soit l’implantation d’un
véritable système de gestion en SST1.
L’intégration de la santé-sécurité se
divise en deux catégories :
• l’intégration à la ligne hiérarchique,
c’est-à-dire la prise en charge et le
partage des rôles et des responsabilités
en matière de SST par l’ensemble du
personnel;
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CONVERGENCE août 2004
• et l’intégration aux fonctions et aux
activités de l’entreprise en s’assurant
que la structure de l’organisation tient
compte de la santé-sécurité (par
exemple, en intégrant la SST à la conception industrielle ou architecturale,
au processus d’achat, à la production,
à l’organisation du travail, etc.).
13
SANCTIONNER
VOUS DEVEZ
UN DE VOS EMPLOYÉS ?
VOUS AVEZ INTÉRÊT À « MARCHER DROIT » !
Vous êtes superviseur dans une entreprise où l’on prend au sérieux la santé et sécurité au travail.
On ne veut pas que les gens se blessent chez vous. Des équipements sécuritaires, vous en avez
installés. Des objectifs, des politiques et des règles du jeu en matière de santé et sécurité, vous en
avez mis en place. De la formation et de l’information dans le but que vos gens connaissent et
comprennent vos normes, vous en avez données. Ce n’est pas compliqué, vous avez tout fait. En
tenant compte de ce qui vient d’être énoncé, supposons maintenant qu’un de vos employés vient
d’avoir un accident grave, un comme ceux qui causent l’invalidité et, parfois, même la mort. Cet
événement est survenu parce que l’employé en question a contrevenu à une consigne pourtant
claire de santé et sécurité. Pensez-vous que les mesures de prévention ci-dessus mentionnées
pourraient vous permettre d’éviter le pire (une grosse amende) en cas d’éventuelle poursuite au
criminel, entre autres ? Et bien nous sommes désolés de vous répondre ceci : fort probablement,
non ! Et pourquoi ? « Disciplinaire, mon cher Watson. » Oups ! « Élémentaire, mon cher Watson. »
Il manque à votre programme de santé et sécurité au travail un incontournable, un outil que l’on
utilise normalement en dernier recours lorsque nos gens ne respectent pas les normes de prévention : la mesure disciplinaire.
Sanctionner un membre de son équipe,
quelle tâche ingrate pour le superviseur !
Pour cette raison probablement, on voit
souvent des superviseurs attendre,
donner une chance, attendre, donner une
autre chance et attendre encore avant de
sévir. Et, parfois, il est trop tard ! D’autres
fois, ce n’est plus un seul travailleur qui
déroge, mais toute la bande. Pourtant, la
plupart des entreprises ont leur système
de mesures disciplinaires progressives.
Alors, pourquoi tant de résistance vis-à-vis
cette mesure qui démontre tout le sérieux
que l’entreprise accorde à la SST ? La
réponse à cette question, nous ne la possédons pas. Ce que nous pouvons faire
par contre, c’est vous présenter quelques
règles de base concernant la mesure
disciplinaire qui, une fois respectées, vont
assurément vous faciliter la tâche lorsque
viendra le moment, pour vous, de mettre
les points sur les i et les barres sur les t !
Règle 1
Si une mesure disciplinaire doit être
administrée à un employé, cela doit se
réaliser le plus rapidement possible à
la suite du comportement non désiré.
Attendez avant de passer à l’acte et vous
donnerez l’impression que vous êtes prêt
à tolérer le comportement non désiré.
Cela aura aussi pour effet de diminuer
l’importance que le personnel devrait
accorder au respect des règles de
sécurité. Chose à éviter, bien sûr !
14
Règle 2
Les mesures disciplinaires, c’est pour tout
le monde. N’importe qui dans l’entreprise
peut recevoir une sanction. Autant un
autre superviseur que votre employé
étoile. Si vous commencez à démontrer
des préférences à ce niveau, vous n’êtes
pas sorti de l’auberge ! Vous causerez
beaucoup de frustrations chez vos gens
et vous n’aimerez pas vivre avec les
conséquences de ces frustrations, ce qui
risque de vous amener à éviter de
donner des mesures disciplinaires, à
donner des chances. À éviter donc !
Règle 3
Vous devez vous assurer que les règles
sur lesquelles vous vous appuyez pour
administrer vos mesures disciplinaires
sont non seulement claires et comprises,
mais aussi raisonnées. Être clair
lorsqu’on sanctionne un employé, c’est
lui dire pourquoi il reçoit une sanction. Il
faut aussi lui indiquer quel type de comportement il doit adopter par la suite. Et
qu’entend-on par raisonnées ? Une
règle raisonnée est une règle qu’il est
possible d’appliquer. Par exemple : vous
travaillez
dans
une
entreprise
comportant une dizaine d’unités de
production à une même adresse. Vous
exigez l’utilisation de l’échafaudage
sécuritaire pour tout travail en hauteur.
Or, dans plusieurs de vos unités de production, on doit simultanément travailler
en hauteur et vous n’avez qu’un seul
échafaudage. Ce n’est pas le temps de
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sanctionner si vous surprenez un travailleur monté sur autre chose que votre
échafaudage ! Vous risqueriez de démontrer de l’incohérence.
Règle 4
Afin que vos règles soient respectées, il
faut, bien sûr, vous assurer que quelqu’un peut voir à leur respect. Bien
entendu, c’est au superviseur d’intervenir
lorsqu’un employé fait faux-bond, mais
comment agir dans les cas où la présence d’un superviseur n’est pas requise
(comme c’est le cas pour les entreprises
ayant des équipes autonomes) ? Eh bien,
il faut mandater quelqu’un qui aura le
pouvoir de faire respecter les règles SST.
Sinon, gare à la crédibilité de vos règles
SST et de votre politique en matière de
mesures disciplinaires.
Règle 5
La mesure disciplinaire imposée doit être
proportionnelle à l’infraction commise.
Une sanction exagérée peut engendrer
d’autres types de problème. Entre autres,
l’employé risque de perdre toute motivation pour son travail. Cela peut aussi
avoir pour effet d’apeurer les autres travailleurs. À l’inverse, un superviseur qui
sanctionne avec mollesse démontrera,
sans aucun doute, qu’il n’accorde pas
l’importance voulue à la règle non
respectée. Cela peut même aller jusqu’à
démotiver les autres membres de
l’équipe concernant le respect de la règle
en question.
Règle 6
Règle 8
Lorsque vous administrez une mesure
disciplinaire, vous transmettez un message
clair quant à vos attentes vis-à-vis l’importance du respect des règles SST, le
moment n’est donc pas choisi pour que
vous démontriez de l’empathie envers
le sanctionné. Il faut donc éviter les : Je sais
que ça doit pas être drôle de recevoir
ça, mais j’ai pas le choix ou C’est eux autres
qui veulent ça. Ce genre de réplique
d’un superviseur doit tout simplement
être banni.
Surtout ! Évitez de généraliser. Vous
donnez une mesure disciplinaire à un
employé ? Ce n’est pas le temps de le
traiter de tous les noms. Souvenez-vous
que vous sanctionnez un comportement, pas une personne. Évitez donc
les qualificatifs comme : irréfléchi, lâche,
non coopératif, etc.
Règle 7
La durée de la punition ne devrait jamais
être trop longue. Explication : un
employé qui se voit imposer une sanction
trop longue dans le temps éprouvera du
ressentiment et deviendra alors totalement
démotivé par son travail. Il ne donnera
plus le rendement que vous attendez de
lui. Vous vous dites peut-être : Mais si
vous saviez le geste qu’il a commis, il a failli
tuer son collègue. Eh bien, s’il a failli
causer la mort de son collègue, dû au
non-respect d’une consigne claire et
connue de sécurité, une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au congédiement
devrait être imposée !
Règle 9
Sanctionnez en privé ! Ne commettez pas
l’erreur d’humilier un de vos travailleurs
en lui infligeant une mesure disciplinaire
devant ses collègues. Ce n’est pas drôle
de recevoir une punition et c’est encore
moins amusant de la recevoir devant
les autres. Convoquez-le plutôt dans
un bureau où il est possible d’être seul
avec lui.
Règle 10
En conclusion, souvenez-vous bien de
ceci et communiquez-le à vos employés :
Le fait qu’un employé reçoive une mesure
disciplinaire, après avoir contrevenu à une
règle précise de SST, ne veut pas nécessairement dire que cette personne est un
mauvais employé. Cela veut simplement
dire que le comportement non adéquat que
l’on a identifié peut engendrer un ou des
risques d’accident à cette même personne
ou à d’autres personnes dans l’entreprise. Et
ce comportement non adéquat ne doit pas
se reproduire. Un bon système de mesures
disciplinaires, c’est important, surtout si on
tient compte de son but ultime : la
conservation des ressources humaines.
Et ça, autant les employés que les représentants de l’employeur en bénéficient.
Référence : Punishing Unsafe Behavior
dans : Occupational Hazards, octobre
1998.
Utilisez un système progressif pour vos
mesures disciplinaires et informez vos
gens à ce sujet. Le classique : un avis
verbal, si récidive, un avis écrit, si récidive,
un avis écrit + une journée sans solde, si
récidive… congédiement. Ah oui !
Prenez bien soin de vous donner la
marge de manœuvre nécessaire pour les
cas plus graves. Vous vous imaginez
donner un avis verbal à un employé qui
vient de contribuer à l’amputation d’une
jambe d’un collègue de travail parce qu’il
n’a pas respecté une norme de sécurité
claire, connue et comprise ?
Connaissez-vous
vos responsabilités légales en SST ?
Pour vous renseigner sur ce sujet,
un de nos conseillers peut présenter, directement dans votre entreprise,
une conférence où il abordera :
• vos obligations générales en vertu de la législation en SST
• les conséquences d’un manquement à ces obligations
Plus spécifiquement, vous apprendrez :
• Quelles sont les possibilités de poursuites pénales par la CSST ?
• Qui peut être poursuivi ?
• Quel est le rôle du « représentant de l’employeur » dans le processus pénal ?
• Que signifie la notion de « diligence raisonnable » ? Quelle en est la portée ?
Pour plus de renseignements, appelez-nous au (514) 842-8401.
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CONVERGENCE août 2004
15
CONFORME OU NON CONFORME,
TICKET OU PAS DE TICKET : TELLES SONT LES QUESTIONS !
Chaque jour, les superviseurs se retrouvent sur la ligne de front. Ils planifient les activités de
production, gèrent les horaires, règlent les problèmes techniques et d’approvisionnement, font
modifier des équipements, trouvent des solutions aux conflits entre les employés, etc. Et quoi
encore ? Ils doivent également s’assurer que les activités de leur secteur s’effectuent dans le respect
de la santé, de la sécurité et de l’intégrité physique du personnel dont ils sont responsables. Et, en
cas de non-respect de leurs obligations, constaté lors de la visite d’un inspecteur ou à la suite d’un
accident, ils s’exposent à recevoir une infraction, à être poursuivis et à devoir démontrer qu’ils ont
effectivement fait preuve de diligence raisonnable.
LISTE DE VÉRIFICATION
Je suis superviseur et…
RÔLES ET RESPONSABILITÉS DU SUPERVISEUR
1.
2.
3.
4.
Je connais mes responsabilités en SST.
Je connais les tâches qui sont exercées par mon personnel.
Je sais toujours qui sont les personnes sous ma responsabilité.
Je coordonne le travail avec les autres superviseurs, le service de la
maintenance et les entrepreneurs pour m’assurer que la sécurité
des personnes sous ma responsabilité n’est pas compromise.
Lorsque je confie un travail
5. Mes attentes en matière de santé et de sécurité du travail sont claires.
6. Je prends le temps de vérifier si mes directives sont bien comprises.
7. Je vérifie de quelle façon les employés pensent effectuer le travail.
Au besoin, je rappelle la nécessité de cadenasser l’équipement
et précise les équipements de protection individuelle qu’ils doivent
porter.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Et, pour un superviseur, faire preuve de
diligence raisonnable va bien au-delà de
se laisser porter par un prétendu bon
système de gestion de prévention, avec
tous ses beaux programmes et ses belles
procédures écrites. Cela signifie que,
comme toute personne responsable, il
agit afin de réaliser ce qui est prescrit et
même plus.
Quelles sont justement les responsabilités du superviseur en SST ? Par quels
gestes quotidiens, peut-il démontrer qu’il
a effectivement fait preuve de diligence
raisonnable ? Voici une liste de vérification qui permettra à tout superviseur
de mieux comprendre la nature de ses
responsabilités et de vérifier de quelle
façon les obligations légales en SST
prennent place dans son quotidien.
Pour vous évaluer, lisez les énoncés
suivants et cochez « oui », « non » ou
« non applicable » en fonction de ce qui
représente le mieux votre situation.
16
8. Je suis familier avec les dispositions des lois et des règlements en
SST qui s’appliquent au travail sous ma supervision.
9. Je connais les règles de sécurité, les politiques et les procédures
qui s’appliquent à mon secteur.
10. Je m’assure en tout temps de faire respecter les règles et
procédures de l’entreprise.
En ce qui concerne les travaux dangereux
ou exécutés occasionnellement
11. Je fournis, selon le besoin, une copie des procédures sécuritaires
à mes employés.
12. Je les explique clairement.
13. Je prends le temps de vérifier qu’elles sont bien comprises.
14. Je vérifie régulièrement si mes employés portent leurs équipements
de protection individuelle.
15. J’utilise la discipline en vue de renforcer le respect des procédures
et des règles de sécurité en vigueur dans l’entreprise (en dernier
recours, après la sensibilisation, la persuasion et l’élimination des
obstacles).
16. Je documente et conserve tous les rappels effectués auprès des
employés (note, lettre, avis disciplinaire).
Lors d’une visite de l’inspecteur de la CSST
17. Je collabore avec lui.
18. Je m’efforce de lui transmettre l’information qu’il me demande.
19. Je l’aide à accomplir ses tâches de façon positive.
20. S’il dénote une dérogation, je vois à corriger la situation dans le
délai requis.
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CONVERGENCE août 2004
Oui
Non N/A
Oui
Non N/A
INFORMATION ET FORMATION
21. J’effectue régulièrement des rappels auprès de mes employés
au sujet des risques et des dangers auxquels ils sont exposés
(intervention informelle, rencontre de mise au point, réunion de
sécurité, etc.).
22. Lors de l’embauche de nouveaux employés ou de mutation de
main-d’œuvre, je m’assure de leur fournir l’entraînement
approprié (tâches, procédures de travail sécuritaires, équipements
de protection individuelle, procédures d’urgence, etc.).
À la suite des activités de formation
23. Je m’assure personnellement que les employés intègrent bien
la formation reçue.
24. Lorsque j’observe que les pratiques de travail sécuritaires sont
mises en application, j’en profite pour faire du renforcement positif.
25. J’interviens auprès de l’employé pour corriger les lacunes
identifiées.
26. Lors de l’intégration de nouveaux équipements, procédés ou
matériaux, je m’assure que la formation du personnel visé soit
mise à jour.
27. J’effectue des rappels spécifiques (mise au point, formation)
auprès des employés qui ne respectent pas les procédures de
travail sécuritaires.
CONTRÔLE DES RISQUES
28. Je connais les risques et les dangers associés au travail sous ma
supervision.
Interprétation des résultats
Entre 35 et 42 « oui ». Vous connaissez
bien vos responsabilités en SST et vous les
accomplissez d’une façon très satisfaisante,
continuez votre beau travail !
Entre 25 et 34 « oui ». Vous connaissez
certaines de vos responsabilités en SST,
mais des améliorations sont requises afin
de démontrer que vous faites preuve de
diligence raisonnable.
Lors des inspections de mon secteur de travail
29. J’identifie les problèmes liés à la SST et les causes de ceux-ci
dans le but d’implanter les mesures correctives appropriées, et
ce, dans un délai raisonnable.
30. Je m’assure que les gardes de sécurité sont en place et que les
dispositifs de sécurité fonctionnent adéquatement.
Je procède à une enquête et analyse détaillée des
incidents et des accidents
31. J’identifie les causes de ces événements.
32. Je mets en place les mesures correctives appropriées pour éviter
un événement semblable.
Je prends un temps particulier pour observer les
pratiques de travail de mon personnel
33. Je détecte les manquements en ce qui a trait à la sécurité.
34. Je compile mes observations (positives et négatives) dans un registre.
35. Je souligne rapidement mes observations aux personnes concernées
afin que les pratiques de travail inadéquates soient corrigées.
36. J’encourage mon personnel à me rapporter les situations
problématiques et à ne pas couvrir les erreurs.
37. J’écoute attentivement leurs suggestions, j’en prends note et
j’exerce un suivi à la suite de la mise en place des correctifs.
38. Je demeure sensible aux événements qui peuvent augmenter
les situations dangereuses et déploie les efforts nécessaires en
vue d’éliminer ou de contrôler ces risques (lors de mouvements
de main-d’œuvre, de changements dans la nature du travail à
accomplir, de périodes d’arrêt de production, etc.).
39. Je prends rapidement action lorsque j’apprends qu’un danger
ou un risque n’est pas contrôlé ou éliminé par mes activités et
procédures existantes.
40. J’enquête soigneusement le droit de refus exercé par un employé.
41. Je fais preuve de créativité lors de la résolution d’un problème
complexe de santé et sécurité.
42. Pour les problèmes de santé et sécurité qui ne relèvent pas de
ma responsabilité, je m’adresse aux personnes qui disposent
des habiletés ou du pouvoir de les régler.
Total des « oui »
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CONVERGENCE août 2004
Moins de 25 « oui ». Des mesures
immédiates doivent être mises en place
afin de corriger la situation. En cas
d’accident ou lors de la visite d’un inspecteur, vous seriez susceptible d’être
poursuivi et vous pourriez difficilement
démontrer que vous avez réalisé concrètement ce qu’il fallait en matière de SST.
Quant aux énoncés où vous avez coché
« non » ou « non applicable », ceux-ci
devraient être sérieusement évalués en
vue de déterminer comment vous y
conformer.
Les attentes de l’entreprise
à l’égard de ses superviseurs
D’un exercice de vérification comme
celui-là, il est possible de ressortir le profil
d’un superviseur sérieux en SST. Un tel
superviseur se doit d’être qualifié par sa
formation, ses connaissances et son
expérience à organiser le travail efficacement. Sa connaissance des lois et des
règlements en SST, particulièrement ceux
qui s’appliquent à son secteur, fait de lui
une personne avisée et soucieuse d’être
continuellement au courant des dangers
et des risques potentiels ou présents
dans son milieu de travail, en vue de
prendre les mesures correctives appropriées, s’il y a lieu. Une façon d’agir fort
intéressante afin que l’équipe de travail
soit plus en santé et en sécurité !
17
UNE
INFRACTION
– DEUX TICKETS
Vous avez donné à contrat des rénovations importantes du local de danse moderne que votre
école occupe. Un sentiment de sécurité vous habite : par ce contrat, vous vous croyez à l’abri des
obligations qu’a l’entreprise de rénovation au sujet de la santé et de la sécurité de ses propres
employés. Après tout, ce ne sont pas vos employés et vous n’y connaissez rien à la rénovation et
aux règles de sécurité de la construction. Mais voilà que le législateur a jugé qu’en ces circonstances, on n’est pas trop de deux entités pour voir à la santé et sécurité des travailleurs de la
construction. Non seulement vous n’êtes pas soustrait aux obligations imposées à l’employeurrénovateur, désormais, vous les partagez !
1. LSST, article 1,
Définitions. Aussi, la
CSST a produit un
guide de 25 pages
intitulé « Délimitation
d’un chantier de
construction et
identification du
maître d’œuvre ».
Voir aussi l’affaire
Ville de Québec et
Savard et Dion
(1986) CALP 1, qui a
dégagé les principes
servant à identifier le
maître d’œuvre sur
un chantier de
construction.
2. Le maître d’œuvre,
sur un chantier de
construction, se voit
aussi imposer
d’importantes
obligations en vertu
du Code de sécurité
pour les travaux de
construction (R.R.Q.,
1981, c. S-2.1, r. 6),
notamment à l’article
2.4.4 qui prévoit que :
« Sur un chantier
de construction,
le contrôle de la
circulation, l’utilisation
des voies publiques,
l’installation électrique
temporaire, la tenue
des lieux, la sécurité
du public, l’accès
au chantier,
la protection contre
l’incendie, les rampes
et les garde-corps
permanents, le
chauffage temporaire
et les autres mesures
générales de sécurité
sont sous la
responsabilité du
maître d’œuvre ».
3. CSST c.
Construction
Reliance du Canada,
TT 500-63-004850001, (juge Bernard
Lesage), 17-11-2000.
18
De prof de danse
à maître d’œuvre ou l’art
de cumuler les titres…
Une histoire vécue :
ce n’est pas une histoire de
« Bonhomme sept heures »
Que vous soyez une ville, une usine de
produits chimiques, une institution
d’enseignement ou un hôpital (ou toute
autre entreprise), vous pouvez un jour
être le maître d’œuvre d’un chantier de
construction. Un chantier est un lieu où
s’effectuent des travaux de fondation,
d’érection, d’entretien, de rénovation, de
réparation, de modification ou de
démolition de bâtiments (et bien plus). Le
maître d’œuvre est le propriétaire ou la
personne qui, sur ce chantier, a la
responsabilité de l’exécution de l’ensemble des travaux1. Si vous vous lancez dans
ce qui pourrait être un chantier de
construction, si modeste soit-il, assurezvous de vérifier si vous n’acquérez pas en
même temps un nouveau titre !
Dans une affaire récente, le Tribunal du
travail a reconnu la culpabilité d’un maître
d’œuvre à l’infraction d’avoir compromis
la santé et la sécurité d’un travailleur alors
que celui-ci circulait sur une poutrelle
d’acier, à une hauteur de trente-cinq
pieds du sol, sans protection individuelle3.
Et ceci, malgré le fait que l’employeur
(le sous-traitant, monteur d’acier) ait
plaidé coupable à la même infraction. En
fait, le président de l’entreprise soustraitante, lui-même monteur d’acier, et un
de ses employés s’activaient en hauteur
sans utiliser un échafaudage hydraulique
pourtant disponible à proximité.
… et l’art de cumuler
les obligations
« Le maître d’œuvre doit respecter au
même titre que l’employeur les obligations imposées à l’employeur par la
présente loi et les règlements notamment
prendre les mesures nécessaires pour
protéger la santé et assurer la sécurité et
l’intégrité physique du travailleur de la
construction » (art. 196, LSST).2
Qui dit obligations dit responsabilités.
Comme maître d’œuvre, on ne peut pas
déléguer cette responsabilité, on la
partage avec l’employeur. Et si on ne
rencontre pas ses obligations, on peut
être sujet à infraction pénale… C’est ainsi
qu’une infraction peut occasionner
deux tickets. Tout comme l’employeur,
vous pourriez, à titre de maître d’œuvre,
avoir à répondre de vos actions ou
omissions et à démontrer que vous avez
fait preuve de diligence raisonnable, le
cas échéant.
Le maître d’œuvre a plaidé que son
innocence ne faisait pas de doute : il
avait engagé un sous-traitant compétent
et expérimenté et il n’y avait pas d’indice
préalable que ce dernier commettrait
une bêtise. De plus, l’équipement de
sécurité approprié était installé. Selon lui,
il était certain qu’il n’avait pas à surveiller
le travail de chaque travailleur comme
l’employeur doit le faire sur une base
raisonnablement fréquente.
Le tribunal a jugé autrement. Le juge a
rappelé que « (…) la loi, particulièrement
par son article 196 LSST, a voulu donner
des obligations positives au maître d’œuvre en ce qui concerne le fonctionnement de ses sous-traitants. Ce devoir
légal à double palier quant aux opérations de premières lignes, a été imposé
pour se prémunir contre le laxisme et le
mauvais exemple ».
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CONVERGENCE août 2004
Il a été jugé que se fier aveuglément à
la compétence du sous-traitant et se
résigner à une conduite dangereuse
systémique des travailleurs concernés et
de leur employeur, ce n’est pas de la
diligence raisonnable.
Cela peut se prévenir :
ou l’art de prévoir le pire
Partager des obligations de sécurité avec
l’autre employeur, ce n’est pas une mince
affaire. Ainsi, intégrer la gestion des soustraitants dans un programme global de
gestion de la SST et, par exemple, prévoir
contractuellement les exigences relatives
à la SST et des clauses de pénalité en cas
de non-respect, vous permettront de
partager… moins de risques.
QUESTION/RÉPONSE
?
Étant une entreprise de compétence fédérale, devons-nous nous
soumettre aux mêmes obligations en matière de SST qu’une entreprise
de compétence provinciale ?
NON ! En prévention, les entreprises de
compétence fédérale sont soumises au
Code canadien du travail (CCT), partie II,
alors que les entreprises de compétence
provinciale sont soumises à la Loi sur la
santé et la sécurité du travail. Et, même si, à
première vue, la mécanique de diligence
raisonnable au fédéral peut sembler
similaire à celle des entreprises de
compétence provinciale, il y a quand
même des différences importantes !
1. RSST, section IV
2. RCSST, section XVII
Au fédéral, un système plus normatif
Alors que la loi au Québec, en matière
de SST, vise l’obligation générale de
fournir un environnement sécuritaire, la
législation fédérale a une approche axée
en bonne partie sur l’obligation de
moyens assez précis. Le CCT prescrit
maintes fois la conformité à plusieurs
normes : ainsi, les éléments à inspecter
d’un outil, la fréquence d’inspection et
les modalités d’utilisation sont souvent
définis ! Autre exemple, le Règlement sur
la santé et la sécurité du travail (RSST)
pour les entreprises de compétence
provinciale exige la planification des
mesures d’urgence en général1 alors que
le Règlement canadien sur la santé et la
sécurité du travail (RCSST), pour les
entreprises de compétence fédérale,
exige que les mesures d’urgence pour
certains sinistres soient planifiées à l’aide
de plans spécifiques, selon des exigences
à inclure à même la procédure, etc.2
Bref, la législation fédérale est plus
précise quant aux actions à prendre en
tant qu’employeur.
Une législation plus cœrcitive
Au fédéral, on ne prend pas de demimesures quand il s’agit d’amendes !
Regardons l’article 148 du Code canadien
du travail, partie II :
148. (1) Sous réserve des autres dispositions
du présent article, quiconque contrevient à la
présente partie commet une infraction et
encourt, sur déclaration de culpabilité :
a) par mise en accusation, une amende
maximale de 1 000 000 $ et un
emprisonnement maximal de deux ans,
ou l’une de ces peines;
b) par procédure sommaire, une amende
maximale de 100 000 $.
(nos soulignés)
Ainsi, le CCT a non seulement des
dispositions plus sévères quant au montant
des amendes mais, en plus, il permet
d’emprisonner les contrevenants – raison
de plus pour prendre ses responsabilités !
Que faire pour éviter des poursuites
pénales?
Tout comme les entreprises de compétence
provinciale, pour éviter les poursuites, vous
devez, en tant qu’employeur, faire preuve
de diligence raisonnable. Comment ? En
fournissant un environnement de travail
sécuritaire selon les modalités prévues par
le code et son règlement. Nous vous
invitons à lire l’article 125 du CCT qui dicte
les 45 principales obligations des
employeurs en matière de SST. N’oubliez
pas que les directeurs et les gestionnaires
de votre entreprise doivent recevoir une
formation appropriée à leur fonction en
SST, et doivent êtres informés de leurs
responsabilités en la matière. Selon le CCT,
la responsabilité de diligence raisonnable
doit être partagée à tous les niveaux !
Et ce n’est pas tout ! Pour être diligent,
vous devez aussi respecter les trois droits
principaux suivants de vos travailleurs :
• le droit d’être informés des dangers
connus ou prévisibles existant sur le
lieu de travail;
• le droit de participer à la prévention
des accidents de travail;
• le droit de refuser un travail dangereux.
Le CCT et son règlement se trouvent à
l’adresse suivante :
http://lois.justice.gc.ca/fr/
Ressources humaines et Développement
des compétences Canada a publié un
petit guide fort intéressant intitulé Obligations des employeurs et des employés que
l’on peut consulter au www.rhdcc.gc.ca,
sous la rubrique Gestion des ressources
humaines, Santé et sécurité au travail,
Publications (brochure 2A).
SONDAGE CONVERGENCE
SONDAGE CONVERGENCE
Merci chers lecteurs !
Dans le dernier numéro de Convergence, paru au mois de mai, nous
sollicitions votre opinion sur la revue. Vous avez été nombreux à
nous faire part de votre appréciation et de vos commentaires. Nous
vous remercions pour votre belle collaboration. Votre opinion nous
est précieuse. Soyez assurés que nous examinons les résultats de ce
sondage avec attention.
L’équipe de Convergence
CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC
CONVERGENCE août 2004
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