La diligence raisonnable sous toutes ses coutures
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La diligence raisonnable sous toutes ses coutures
R R EE V VU U EE D D EE G G EE SS TT II O ON N D D EE LL A A SS A AN N TT ÉÉ -- SS ÉÉ C CU UR R II TT ÉÉ Vol. Vol. 20, 20, n° n° 33 •• août août 2004 2004 LAsousDILIGENCE RAISONNABLE toutes ses « coutures » Faire circuler et cocher ✓ Direction Autres gestionnaires Coordonnateur en SST Service de santé Comptabilité Autres Envoyer à : 500, RUE SHERBROOKE OUEST, BUREAU 1000, MONTRÉAL (QUÉBEC) H3A 3C6 No de convention 40063479 de la Poste-publications LAsousDILIGENCE RAISONNABLE toutes ses « coutures » Convergence est publiée quatre fois par année par le Centre patronal de santé et sécurité du travail du Québec. Ce numéro a été tiré à 34 000 exemplaires. Cette revue est rédigée par les conseillers du Centre patronal. Elle est destinée aux entreprises membres des associations patronales ou d’affaires qui adhèrent au Centre patronal de santé et sécurité du travail du Québec, organisme sans but lucratif. La reproduction des articles est autorisée à la condition expresse que la source soit mentionnée et qu’une copie nous soit adressée. N. B. : La forme masculine utilisée dans cette revue désigne, lorsqu’il y a lieu, aussi bien les femmes que les hommes. DISTRIBUTION Centre patronal de santé et sécurité du travail du Québec 500, rue Sherbrooke Ouest Bureau 1000 Montréal (Québec) H3A 3C6 Tél. : (514) 842-8401 Téléc. : (514) 842-9375 www.centrepatronalsst.qc.ca PRÉSIDENTE-DIRECTRICE GÉNÉRALE Denise Turenne DIRECTION DES COMMUNICATIONS Diane Rochon RÉDACTION Thérèse Bergeron François Boucher Josette Boulé Denyse Brodeur Josyane Brouillard André Cardinal François de Champlain Isabelle Lessard Sylvie Mallette Michel Watkins CORRECTION, RÉVISION ET COORDINATION Thérèse Bergeron S o m m a i r e Vol. 20, n° 3 • août 2004 3 4 6 8 MOT DE LA RÉDACTION Une diligence raisonnable à toute épreuve ! … « Quiconque peut recevoir une amende »… INFORMATION JURIDIQUE La diligence raisonnable : cela prend plus que des mots… SST et négligence criminelle 10 Préparer sa défense par des actions concrètes ! 12 Quel est le dénominateur commun aux entreprises diligentes ? 14 16 Vous devez sanctionner un de vos employés ? Vous avez intérêt à « marcher droit » ! Conforme ou non conforme, ticket ou pas de ticket : telles sont les questions ! ILLUSTRATIONS Jacques Goldstyn CONCEPTION GRAPHIQUE Folio et Garetti IMPRESSION Impression BT Certains articles de Convergence sont indexés dans la base de données Canadiana produite par le CCHST, ainsi que dans la publication bibliographique bimestrielle « Bulletin BIT/CIS - Sécurité et Santé au Travail », du Centre international d’informations de sécurité et d’hygiène au travail (CIS), à Genève. Dépôt légal Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISSN 0829-1314 18 Une infraction – deux tickets 19 Question/Réponse MOT DE LA RÉDACTION UNE DILIGENCE RAISONNABLE À TOUTE ÉPREUVE ! Les entreprises ont plusieurs obligations à respecter afin d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs dans leur milieu de travail. Elles doivent notamment, par l’entremise des dirigeants et des superviseurs, faire preuve de diligence raisonnable pour éviter l’exposition des travailleurs à des situations dangereuses. Pour ce faire, il s’agit, en premier lieu, de s’assurer que l’établissement, les postes de travail, l’équipement et les produits utilisés respectent toujours les normes édictées et les règlements reliés à la SST. Puis, il faut former les employés relativement aux risques inhérents au travail, fournir les équipements de protection individuels et collectifs et, bien sûr, s’assurer qu’ils soient bien utilisés. Ce Convergence vous indique ce que vous devez savoir en termes de diligence raisonnable. Il porte sur le pouvoir de l’inspecteur et les amendes possibles en cas d’infraction, les moyens de défense de l’employeur s’il y a poursuite, les nouveaux amendements au Code criminel du Canada pour négligence en cas d’accident, l’importance de la prévention, comment une culture en SST peut vous aider, les façons de s’y prendre pour discipliner les employés récalcitrants et vos responsabilités en tant que maître d’œuvre pour tout travail exécuté. À cela s’ajoute un questionnaire permettant de vérifier si les superviseurs assument bien leurs rôles et responsabilités en santé et sécurité. Mais, en cas de poursuite de la CSST, juge-t-on ces actions suffisantes ? Pas nécessairement, l’employeur doit en plus s’assurer que les travailleurs font l’objet d’une supervision adéquate dans l’exécution de leur travail. L’objectif de la supervision en matière de santé et sécurité doit donc consister à veiller à ce que chacun mette en application la formation reçue et respecte toutes les consignes de sécurité de l’entreprise. Plus le travail à effectuer s’avère dangereux, plus la supervision doit être active. L’obligation d’agir avec diligence raisonnable est exigeante, mais incontournable. Et le laxisme est de moins en moins toléré. En cas de manquement, il est de bon augure de se rappeler que l’ignorance de la loi ne semble jamais une excuse valable pour un juge. Alors… CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 Bonne lecture ! 3 …« QUICONQUE PEUT RECEVOIR UNE AMENDE »… Si vous utilisez la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) comme livre de chevet, primo, cela vous aidera à vous endormir et, secundo, vous découvrirez ce que bien des personnes se demandent au sujet des infractions pénales en matière de SST. Pour quel motif peut-on recevoir une amende ? Qui peut la recevoir ? Dans quelles circonstances ? Quel peut être le montant de l’amende ? Posséder ce savoir influencera peut-être vos décisions et comportements au travail. L’article 51 de la LSST énonce des obligations pour l’employeur en matière de SST et, en corollaire, elle prévoit des sanctions en cas de non-respect. À cet instant, vous pensez peut-être qu’il n’y a pas que vous qui avez des obligations, vos employés aussi ! Alors, qu’arrive-t-il si un employé ne respecte pas l’une des obligations de l’article 49 de la LSST ? Peut-il recevoir une amende ? Deux articles principaux de cette loi, 236 et 237, présentent les conditions relatives à ces sanctions. Pour mieux comprendre leur objet, voyons d’abord le rôle de l’inspecteur de la CSST. Deux chapeaux pour l’inspecteur Pour inciter les employeurs à se conformer à leurs obligations, deux processus cœxistent : un processus administratif et un processus judiciaire pénal. Le premier concerne les décisions rendues par l’inspecteur, tel un avis de correction. Ces décisions ont pour objet de contraindre un employeur à se conformer à la loi ou aux règlements. Si l’employeur est en désaccord, il devra tout de même appliquer les correctifs demandés, car les décisions de l’inspecteur sont exécutoires. Il pourra toutefois les contester à la révision administrative et, s’il y a lieu, au palier supérieur, à la Commission des lésions professionnelles (CLP). En ce qui concerne le fardeau de preuve, l’employeur qui conteste devra démontrer par prépondérance de preuve qu’il a raison dans sa position. Le processus judiciaire pénal, de son côté, a pour objet de sanctionner par le biais d’une amende, donc de punir, toute personne qui contrevient à la loi ou aux règlements. C’est ce que visent les articles 236 et 237 de la LSST. Ainsi, un employé, un superviseur ou un employeur peut recevoir une amende, à la suite de la visite d’un inspecteur de la CSST. La Commis- 4 sion devra faire la preuve, hors de tout doute raisonnable, que la personne en cause a contrevenu à la loi ou aux règlements. Et si cette personne est en désaccord, elle pourra, en plaidant non coupable à l’accusation portée à son endroit, se défendre devant le Tribunal du travail. Rien n’empêche cependant l’inspecteur de porter deux chapeaux lors d’une même visite… Il peut émettre un avis de correction pour contraindre l’employeur à se conformer à la loi et aux règlements, et initier le processus de poursuite pénale par la CSST (amende) si l’employeur n’a pas respecté celle-ci et les règlements. Bien qu’il possède ce pouvoir, il intervient très rarement de cette façon. D’ailleurs, le rapport annuel 2002 de la CSST mentionne que les inspecteurs ont signalé 27 848 dérogations, soit des avis de correction, et intenté 1 768 poursuites. Par ces chiffres, on peut présumer que leurs interventions sont avant tout pour contraindre un employeur à se conformer à la LSST et aux règlements, plutôt que de punir. Maintenant, voyons le contenu des deux principaux articles visant les infractions. Les infractions, en théorie L’article 236 de la LSST dit ceci : « Quiconque contrevient à la présente loi ou aux règlements ou refuse de se conformer à une décision ou à un ordre rendu en vertu de la présente loi ou des règlements ou induit une personne à ne pas s’y conformer, commet une infraction et est passible d’une amende d’au moins 200 $ et d’au plus 500 $ s’il s’agit d’une personne physique, et d’une amende d’au moins 500 $ et d’au plus 1000 $ s’il s’agit d’une personne morale… » Le « quiconque » de cet énoncé vise l’employeur, le superviseur (ou tout autre représentant de l’employeur) et l’employé. Le fait de contrevenir à la loi ou aux CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 règlements signifie toute action posée qui ne respecte pas ce que la loi ou les règlements édictent. Par exemple, à l’article 51, on exige, entre autres de l’employeur (sous-entendu le superviseur), qu’il informe adéquatement le travailleur sur les risques reliés à son travail et le forme, l’entraîne et lui assure la supervision appropriée. À cet effet, si lors d’une visite ou à la suite d’un accident de travail, l’inspecteur de la CSST constate que l’employeur a manqué à cette obligation, il pourra soit émettre un avis de dérogation où il mentionnera les manquements de l’employeur et le délai qu’il a pour se conformer à la loi et/ou lui imposer une amende. La même démarche s’applique si, par exemple, l’employeur contrevient au Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST) en empilant du matériel qui gêne les déplacements dans les voies de circulation. Il en va de même pour l’employé qui ne porte pas l’équipement de protection individuelle requis et fourni par son employeur, puisqu’à l’article 49 de la LSST, on mentionne qu’il doit prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique. D’ailleurs, le RSST stipule clairement à l’article 339 que « le travailleur doit porter ou utiliser, selon le cas, les moyens et les équipements de protection individuels ou collectifs prévus ». L’inspecteur pourrait, lors d’une visite, s’il constate qu’un employé ne respecte pas cette obligation, lui émettre un avis de correction ou initier le processus d’une poursuite pénale par la CSST. Une situation semblable s’est déjà produite, où le « quiconque » visé fut l’employeur : le 5 juin 2000, l’entreprise X a contrevenu à l’article 51(11) de la LSST puisqu’un employé n’utilisait pas l’équipement de protection individuelle prévu pour sa sécurité, à savoir un harnais de sécurité, alors qu’il était exposé à une chute de plus de trois mètres. Le juge déclara l’employeur coupable d’avoir ainsi commis une infraction à l’article 236 de la LSST1. Ce n’est pas tout ! L’article 237 de la LSST prévoit aussi une poursuite pénale mais, cette fois, on vise une action ou omission qui met sérieusement en danger la santé et la sécurité d’un employé. Il s’agit donc d’une situation plus grave que celle visée à l’article 236 de la LSST. L’article 237 de la LSST édicte ceci : « Quiconque, par action ou par omission, agit de manière à compromettre directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un travailleur est passible d’une amende d’au moins 500 $ et d’au plus 1000 $, s’il s’agit d’une personne physique, ou d’une amende d’au moins 5 000 $ et d’au plus 20 000 $ s’il s’agit d’une personne morale… » 1. Activité Causes et café, Centre patronal de SST du Québec, Poursuites pénales par la CSST : la diligence raisonnable, ça vous dit quelque chose ?, octobre 2001 (Section 4, page 5, CSST c. Couvreur Delco inc., TT 500-63-005068009 (juge Langlois), 25-01-2001). 2. Activité Causes et café, Centre Patronal de SST du Québec, Poursuites pénales par la CSST : la diligence raisonnable, ça vous dit quelque chose ?, octobre 2001 (Section 4, page 13, CSST c. Toitures Trois Étoiles inc., TT 500-63-005090-003, (juge Handmann), 11-05-2001). Ainsi, un employeur, un superviseur ou un employé sont passibles d’une poursuite pénale s’ils posent une action ou en omettent une, et que les conséquences de cet acte ou omission compromettent directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un travailleur. Mais encore… Pour qu’une telle poursuite puisse avoir lieu, il doit y avoir un danger réel de blessures graves ou de décès, supposer qu’il peut y avoir un danger n’est pas suffisant. Ce danger doit pouvoir se concrétiser immédiatement ou à court terme. Il doit être prévisible selon la nature du travail et son contexte. Il ne doit pas être exceptionnel, mais pouvoir se réaliser en considérant les tâches et les connaissances habituelles d’un employé. Alors que l’article 236 vise une infraction à la loi ou à un règlement, sans que la CSST doive démontrer un danger de blessure, l’article 237 vise un comportement qui entraîne un danger réel de blessure. Toutefois, un « quiconque » ne respectant pas la loi ou les règlements pourrait bien, par la même occasion, entraîner un danger réel de blessure. Ainsi, une infraction en vertu de l’article 236 de la LSST peut aussi entraîner une infraction en vertu de l’article 237. Par exemple, travailler en hauteur sans moyen de protection contre les chutes constitue une infraction à l’article 236 de la LSST. Mais cette même situation de travail peut également donner lieu à une poursuite en vertu de l’article 237 de la LSST. À titre d’exemple, un employeur fut reconnu coupable d’avoir compromis directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un employé sur un chantier de construction en mai 2000. Le contexte est le suivant : deux employés travaillaient sans protection au dixième étage, au bord du vide. Il n’y avait pas preuve de diligence raisonnable par l’employeur. Celui-ci n’a pris aucune mesure pour s’assurer que le travail réalisé par ses employés s’effectuait de façon sécuritaire et que ses instructions étaient suivies. L’employeur ne s’est fié qu’à ses employés et cela a été insuffisant. Comme il y avait danger immédiat à la sécurité, l’infraction sous l’article 237 de la LSST a été prouvée2. J’ai vu votre nom dans les journaux ! Les amendes mettront rarement en péril la situation financière d’une entreprise. Quant à savoir si le montant de celles-ci aura un effet dissuasif pour les téméraires, rien ne le confirme. Mais il peut être très néfaste pour l’entreprise que son nom apparaisse dans les journaux ou autres publications en raison d’une infraction relative à la SST. Les conséquences sur sa réputation pourront être dommageables. La concurrence oblige souvent les entreprises à démontrer qu’elles ont le souci de la santé-sécurité. Se faire connaître au moyen d’une infraction n’est peutêtre pas la bonne façon et, surtout, qu’en penseront les employés ? Le « quiconque » dans la pratique La LSST, par ses articles 236 et 237, vise l’employé, le superviseur ou toute autre personne relevant de l’employeur, et l’employeur lui-même. Mais lorsqu’une amende est émise, de façon générale, c’est l’employeur qui est visé. Peut-être en est-il ainsi pour l’inciter davantage à prendre les moyens nécessaires afin d’éviter tout accident. Bref, à faire preuve de diligence raisonnable. CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 Enfin, ce n’est pas tant le montant de l’amende que ses conséquences pour l’entreprise qu’il faut considérer. 5 INFORMATION JURIDIQUE . LA DILIGENCE RAISONNABLE . CELA PREND PLUS QUE DES MOTS… Une poursuite pénale intentée par la CSST contre un employeur qui aurait manqué à une obligation que lui impose la loi ou un règlement n’entraîne pas toujours une condamnation de celui-ci. En effet, un employeur peut se défendre et être acquitté. Divers moyens de défense sont permis dans de telles circonstances mais, généralement, en santé et sécurité du travail, on choisira de présenter une défense de « diligence raisonnable » pour se disculper. Or, pour prouver qu’on a fait preuve de diligence raisonnable, il faut plus que des mots : cela prend des actions concrètes en SST ! La poursuite pénale 1. L.R.Q. c. C-25.1 2. À ce sujet, voir : MARCOTTE, A., Les moyens de défense en matière pénale, Développements récents en droit de la santé et sécurité du travail, Éditions Yvon Blais inc., 2001, p. 171 à 204. 3. Supra note 1, art. 14 4. CSST c. Black et McDonald ltée, TT 500-28-000031831, 21-03-1985 5. CSST c. Monsanto Canada inc., TT 500-29-001215894, 19-10-1990 6. CSST c. Plibrico Canada ltée, 1989 TT 32, 15-12-1988 6 Lorsque le législateur confie à un organisme le mandat de voir au respect des objectifs des lois dont on lui confie la gestion, il prévoit généralement, dans cette même loi, la possibilité pour l’organisme en question d’intenter des poursuites pénales envers les contrevenants. Tel est le cas pour la CSST, chargée de l’application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) et de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), entre autres. Il s’agira alors de poursuites régies, au Québec, par le Code de procédure pénale1, et non de poursuites criminelles au sens du Code criminel du Canada. Cependant, les grands principes applicables au droit criminel sont également applicables en droit pénal provincial notamment : la présomption d’innocence et le fardeau de la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable que l’accusé a commis l’infraction reprochée; l’obligation de la poursuite de divulguer les éléments de preuve en sa possession, etc. Contrairement au droit criminel qui vise à punir le comportement de ceux qui enfreignent les règles acceptées par la communauté en commettant des actes interdits par la société, le droit pénal, de son côté, vise à sanctionner des comportements déviants à l’égard de règles encadrant le déroulement d’une activité par ailleurs permise, tel le travail2. Lorsque la CSST, par le biais d’un de ses inspecteurs, constate que la loi, qu’un règlement ou qu’une norme n’a pas été respectée, elle peut décider de poursuivre l’entreprise, le représentant de l’employeur ou l’employé fautif devant la Cour du Québec. La CSST a alors un an de la date de la perpétration de l’infraction pour intenter sa poursuite3. À ce sujet, le texte de la page 4 traite des principales accusations possibles. De nombreux moyens de défense ont été soulevés à l’encontre de poursuites intentées par la CSST. Nous vous en soumettons quelques-uns. Le doute sur un élément essentiel La CSST doit prouver hors de tout doute raisonnable que l’inculpé a commis l’infraction reprochée. Cela implique que la CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 CSST doit faire la preuve de tous les éléments constitutifs de l’infraction alléguée à défaut de quoi, l’accusé sera acquitté. Ainsi, si la CSST reproche à un employeur de ne pas s’être assuré que son travailleur utilise un équipement de protection individuelle, elle devra, entre autres, prouver qu’il s’agit bien d’un travailleur à l’emploi de l’employeur4. Même résultat si la CSST ne peut démontrer le statut de maître d’œuvre d’une entreprise alors qu’elle poursuit cette entreprise à ce titre5 ou le statut « d’employeur » selon le chef d’accusation6. Quelques moyens de défense peu fréquents À l’occasion, les circonstances s’y prêtant, un employeur sera tenté d’invoquer dans un contexte de santé et sécurité au travail, des moyens de défense peu usuels, moyens que l’on retrouve davantage lors d’accusations criminelles. Ces défenses sont bien peu souvent accueillies. Ainsi, on soulèvera parfois une défense « d’impossibilité absolue d’agir ». On entend alors dire : « J’pouvais pas faire autrement…». Or, pour qu’une telle défense soit valide, elle doit s’appuyer sur des circonstances extrêmes, découlant d’un cas fortuit ou d’une force majeure ayant obligé l’employeur à contrevenir à la LSST ou à un règlement. Pour qu’elle soit valide, cette défense doit reposer sur une réelle impossibilité, pas sur une contrainte de production. Rares sont les situations où l’on ne peut absolument pas respecter une disposition de la loi. Y contrevenir pour une question d’économie ne constitue pas une impossibilité7. 7. CSST c. Toitures Jules Chabot inc., TT 200-63-000033013, 02-04-2001. 8. Voir, par exemple : CSST c. Ville de St-Hyacinthe, TT 500-29-000216919,22-11-1991; CSST c. 9043-3491 Québec inc., TT 500-63-004194004, 14-12-2000. 9. R. c. Perka, 1984 R.C.S. 232. 10. CSST c. Construction Frank Catania inc., TT 500-63-000856945, 29-11-1996; CSST c. Gélinas, 410-36-000001-912, 28-06-1991 (C.S.). 11. Bouchard et Blanchette Marine ltée, c. CSST, 650-36-000022-885, 17-05-1989 (C.S.); CSST c. Entreprises de travaux Common ltée, TT 500-63-000782943, 02-12-1994. 12. Basé sur l’affaire B.G. Chéco ltée, 27-000100-75, 25-08-1976 (C.S.). 13. CSST c. Raymond Martin ltée, TT 200-63-000084024, 30-03-2003; CSST c. Maçonnerie Demers, TT 500-63007039-024, 04-032004. 14. CSST c. Marc Filiatreault couvreur inc., TT 500-63-005091001, 24-05-2001. L’« erreur de fait raisonnable » permet à un accusé ayant contrevenu à la LSST de soutenir que cette contravention reposait sur une croyance honnête en une circonstance de fait erronée. C’est le « J’pensais pouvoir faire ça parce que… » Or, si les faits n’avaient pas été erronés, aucune infraction n’aurait été commise. Pour que cette croyance en des faits erronés soit « raisonnable », cela implique donc que l’accusé avait fait des efforts préalables pour vérifier la véracité des faits8. 1˚ il a pris des actions positives, posé des gestes relatifs à la santé et sécurité dans son milieu de travail, vérifié les gestes de ses travailleurs, sanctionné les manquements et veillé à corriger les dérogations; 2˚ il ne s’est pas fié à la seule expérience de ses travailleurs. D’ailleurs, l’article 239 de la LSST énonce à toute fin pratique cette notion de diligence raisonnable puisqu’il précise que : « Dans une poursuite visée dans le présent chapitre, la preuve qu’une infraction a été commise par un représentant, un mandataire ou un travailleur à l’emploi d’un employeur suffit à établir qu’elle a été commise par cet employeur à moins qu’il n’établisse que cette infraction a été commise à son insu, sans son consentement et malgré les dispositions prises pour prévenir sa commission. » (Nos soulignés) La « nécessité » suppose que l’on ait commis une infraction, en toute connaissance de cause, mais afin d’éviter un « mal » plus grave, notamment un péril immédiat pour un employé et que la commission de l’infraction était le seul moyen pour faire face à la situation9. En pratique, en SST, de telles situations sont en vérité rarissimes et une telle défense est bien peu retenue10. Les représentants de l’employeur (contremaîtres, superviseurs, etc.) ont un rôle primordial dans l’établissement de cette défense par l’employeur parce que ce sont eux, au premier chef, qui peuvent contrôler les comportements non sécuritaires. La tolérance d’une situation dangereuse par un contremaître va directement à l’encontre d’une défense de diligence raisonnable13. Enfin, « l’erreur administrativement induite » peut être soulevée en défense lorsque l’accusé prétend que c’est une personne en autorité à la CSST qui a autorisé un comportement ou une action qui, par la suite, a donné lieu à une poursuite pénale11. On prétend alors que « l’inspecteur de la CSST m’a dit que c’était OK… ». Que doit démontrer l’employeur s’il désire établir sa diligence raisonnable ? Une décision récente du Tribunal du travail résume bien l’ensemble de la jurisprudence. À ce sujet, la juge Handman écrit : La diligence raisonnable Dans la majorité des cas, c’est une défense de diligence raisonnable que tentera de faire valoir un employeur poursuivi par la CSST pour avoir contrevenu à la LSST. Depuis une vingtaine d’années, les tribunaux ont eu à définir ce concept. Il ressort de cette jurisprudence qu’un employeur, pour établir sa défense de diligence raisonnable, doit pouvoir démontrer que12 : « La défenderesse a également soulevé la défense de diligence raisonnable, soumettant qu’elle n’a jamais exigé que ses employés fassent un travail dangereux. De plus, elle a invoqué toutes les mesures prises par la compagnie afin que le travail soit exécuté de façon sécuritaire. Elle a alors prétendu que l’infraction fut commise malgré ses instructions relativement à la nécessité de porter des ceintures de sécurité. CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 Une telle défense ne peut être retenue. Il ne suffit pas pour l’employeur de se fier sur l’expérience et le bon sens de ses employés. Il faut qu’il prenne des mesures concrètes et positives pour s’assurer que la loi soit respectée. Il ne suffit pas non plus de simplement donner des directives aux employés, en présumant que les instructions seront suivies. Encore faut-il prendre des moyens pour s’assurer que les directives sont respectées. Ces moyens que l’employeur doit prendre pour s’assurer que ses directives sont respectées et que ses employés travaillent en sécurité comprennent les suivants : 1. vérifier que les employés sont munis de l’équipement de sécurité au moment de leur départ vers le site; 2. rencontrer le(s) contremaître(s) afin de faire comprendre l’importance des instructions et les conséquences du nonrespect; 3. faire surveiller les employés et/ou faire des visites de contrôle au chantier; 4. faire des rappels verbaux et subséquemment par écrit en cas du nonrespect des directives; 5. émettre des avertissements et, si nécessaire, imposer des mesures disciplinaires pour sanctionner le défaut de respecter les directives émises. En effet, l’objectif de la Loi sur la santé et la sécurité du travail est de prévenir les accidents de travail en protégeant les travailleurs qui peuvent potentiellement être victimes d’accidents en commettant des erreurs humaines. C’est ainsi qu’il faut les protéger contre leurs propres erreurs. Et celui qui détient ce pouvoir de protection, c’est l’employeur. C’est ce dernier qui contrôle la gestion et l’encadrement des employés ainsi que l’équipement et les méthodes de travail14. » Conclusion Lorsque l’employeur doit se défendre d’une accusation pénale en SST, il doit, plus souvent qu’autrement, établir une défense de diligence raisonnable. Un tel moyen de défense ne s’improvise pas. Il est le reflet d’une gestion active de la prévention en milieu de travail. Et vous, seriez-vous à même d’établir une telle défense ? 7 SST ET NÉGLIGENCE CRIMINELLE Nous sommes en Nouvelle-Écosse, le 9 mai 1992. Il est 5 h 20 du matin. Une explosion souterraine à la mine de charbon Westray provoque la mort de 26 mineurs. Il n’y a aucun survivant. Ce terrible accident a conduit le gouvernement fédéral à adopter des amendements au Code criminel du Canada. Inclus dans le projet de loi C-45, ces amendements concernent, depuis le 31 mars 2004, toutes les entreprises canadiennes. Autopsie d’une catastrophe Pour bien comprendre d’où vient le projet de loi C-45 et ses conséquences dans les entreprises, il est important de retourner dans le passé, plus précisément dans les mois précédant l’accident à la mine Westray et dans les mois et les années qui ont succédé. L’ampleur de cet accident a nécessité la mise sur pied d’une commission d’enquête publique suivie d’un fort lobbying pour changer les lois en vigueur au Canada. C’est à partir du rapport du commissaire chargé de l’enquête1 que l’on peut dégager le scénario de l’accident. 1. The Westray Story : A Predictable Path to Disaster. Report of the Westray Mine Public Inquiry, Justice K. Peter Richard, Commissioner (www.gov.ns.ca/enla/ pubs/westray/ contents.htm). 2. KEITH, N. (2004). Workplace Health and Safety Crimes, LexisNexis Canada, 193 p. 8 Avant même l’ouverture officielle de la mine, le 11 septembre 1991, il est possible d’identifier des manquements à la sécurité : absence de formation sur l’identification des conditions dangereuses dans la mine (ex. : condition du plafond), ignorance des mesures de sécurité de base et formation déficiente des superviseurs. Dans les mois suivants, des éboulements du toit se produisirent à quatre reprises. Ces accidents furent banalisés par le gérant de la mine qui attestait que ces effondrements étaient sous contrôle et ne posaient pas de problème pour les mineurs et pour la production. Certains travailleurs soulignèrent l’existence de nombreux dangers et quittèrent leur emploi pour cette raison. Trois mois avant l’accident fatal, une section de la mine fut évacuée en raison de mauvaises conditions du sol. Westray est un exemple de milieu de travail où les exigences de production ont entraîné de multiples violations aux pratiques sécuritaires de travail. Selon le commissaire chargé de l’enquête publique, la direction a maintes fois ignoré ou encore encouragé une série de pratiques dangereuses ou illégales. Ceci est particulièrement vrai dans les jours précédant le 9 mai. Le système de ventilation, élément essentiel pour la sécurité dans une mine de charbon, était clairement inefficace. En effet, le débit d’air ne permettait pas de prévenir l’accumulation de méthane. jusqu’à la Cour suprême du Canada, un deuxième procès est ordonné en 1997, procès qui n’aura jamais lieu. Tout ce long processus judiciaire avorté et l’insatisfaction qui en a résulté ont été au cœur des débats qui ont entouré l’adoption du projet de loi C-45.2 Dans la matinée du 9 mai 1992, une source d’ignition (probablement une étincelle causée par de la machinerie) a causé l’inflammation du méthane accumulé dans la galerie. Une boule de feu s’est rapidement déplacée à travers les tunnels, en embrasant la poussière de charbon, consumant l’oxygène et laissant des concentrations mortelles de monoxyde de carbone. Une explosion a suivi. Heureusement, l’enquête publique a donné plus de résultats que les poursuites légales en identifiant les manquements en cause dans cette entreprise. Dans un rapport publié en 19971, le commissaire a émis 74 recommandations touchant, entre autres, l’organisation et la gestion, la formation, les méthodes de travail et la ventilation. On y retrouve aussi des recommandations portant sur la réglementation en SST et l’imputabilité corporative. Il recommande spécifiquement au ministère de la Justice du Canada d’introduire, dans la législation, des amendements faisant en sorte que les dirigeants des entreprises soient imputables pour la santé et la sécurité au travail. Selon le commissaire Richard1, c’est une mosaïque complexe d’actions, d’omissions, d’erreurs, d’incompétences, d’apathie, de cynisme, de stupidité et de négligence qui a contribué au désastre de Westray. La saga judiciaire Dès le lendemain de l’accident, une enquête publique est promise et c’est un juge de la Cour suprême de la province qui est mandaté pour diriger cette enquête qui sera complexe et contestée. Parallèlement, la Gendarmerie royale du Canada entreprend également une enquête. Commence alors une longue saga judiciaire. En 1993, l’entreprise exploitant la mine (Curragh Ressources Inc.), son PDG ainsi que le gérant de la mine sont formellement accusés d’homicide involontaire et de négligence criminelle causant la mort, en vertu du Code criminel du Canada. Le procès débute finalement en 1995, après maints rebondissements et controverses. Ce procès avorte et les poursuites sont retirées pour des questions de procédures. Après différents appels, allant CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 Le Westray Bill C’est en 2003 que ces recommandations portent fruit. En effet, le 12 juin 2003, le ministre de la Justice et procureur général du Canada, l’honorable Martin Cauchon, déposait à la Chambre des communes le projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (responsabilité pénale des organisations). Ce projet de loi est aussi connu sous le nom de Westray Bill. Dans son allocution, le ministre Cauchon précise : « Selon les modifications proposées, l’organisation peut être tenue responsable des infractions de négligence lorsque des actes ou les omissions de ses représentants démontrent leur négligence et que le comportement de ses cadres supérieurs s’écarte nettement de la réaction généralement attendue dans les circonstances ».3 coupable se manifeste par une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Ce projet de loi a été adopté par la Chambre des communes le 27 octobre 2003 et sanctionné le 7 novembre 2003. Les amendements sont en vigueur depuis le 31 mars 2004. Avant les modifications apportées par le projet de loi C-45, il était difficile de déterminer si une personne morale (représentée par son âme dirigeante) avait commis un acte prohibé tout en ayant une intention coupable. L’intention du législateur est de dire aux employeurs que « ceux et celles qui n’offrent pas la sécurité du milieu de travail peuvent être traités sévèrement aux termes du droit pénal »4. On veut éviter d’autres catastrophes comme celle de la mine Westray ou sinon s’assurer que les responsables seront punis. Champ d’application et nouveautés 3. CAUCHON Martin, ministre de la Justice et procureur général du Canada, 12 juin 2003. 4. COTLER Irwin, ministre de la Justice et procureur général du Canada, 31 mars 2004. 5. JETTÉ, M.-H. et A.-F. CHARRETTE. SST et Code criminel du Canada : la responsabilité pénale des organisations, Conférence présentée au Centre patronal de SST, 26 mars 2004. 6. Ministère de la Justice du Canada, Responsabilité pénale des organisations : un guide en langue simple du projet de loi C-45, www.canada.justice.gc. ca/fr/dept/pub/c45/ index.html Rappelons que le projet de loi C-45 a introduit des amendements au Code criminel du Canada. Le Code criminel s’applique sur tout le territoire canadien et à toutes les entreprises, quelle que soit leur juridiction. Peu de changements ont été introduits par ce projet de loi. Celui-ci vise à faciliter les poursuites contre les corporations et leurs gestionnaires lors d’accidents du travail graves (avec décès ou lésions corporelles). En vertu du Code criminel, une personne ou une corporation (personne morale) peut être reconnue coupable d’une infraction si les deux conditions suivantes sont présentes : • il y a perpétration d’un acte prohibé; • l’auteur de l’acte prohibé avait l’intention de commettre l’acte (état d’esprit coupable). Selon la définition de négligence criminelle du Code criminel, l’acte prohibé est une action ou un manquement à un devoir légal (ex. : non-respect de la réglementation en SST). L’état d’esprit Dorénavant, lorsque des poursuites seront intentées contre une personne morale pour négligence criminelle, la Couronne aura à prouver (selon l’article 22.1 du Code criminel) que5 : • un agent de l’entreprise a commis un acte prohibé (par action ou omission) et qu’il était dans un état d’esprit coupable (insouciance déréglée ou téméraire), et ce, même si c’est de la part d’une autre personne que celle qui a commis l’acte; • le ou les cadres supérieurs se sont écartés de la norme de diligence qu’il aurait été raisonnable d’adopter, dans les circonstances, pour empêcher la participation à l’infraction. On constate donc qu’il est plus facile de prouver la participation criminelle des organisations. Le projet de loi C-45 a aussi introduit une nouvelle obligation à la personne qui supervise le travail. Selon l’article 217.1 du Code criminel, « Il incombe à quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte de blessure corporelle pour autrui. » En conclusion C’est pour éviter d’autres désastres comme celui survenu à la mine Westray que le gouvernement fédéral a modifié le Code criminel. Les amendements vont permettre de faciliter les poursuites contre des entreprises manifestement négligentes. Il est encore trop tôt pour dire s’il y aura plusieurs condamnations à la suite de ces modifications au Code criminel. Une chose demeure cependant sûre : une entreprise respectant ses obligations en vertu des lois provinciales en SST ne serait vraisemblablement pas accusée de négligence criminelle en cas d’accident grave. Les mots-clés restent les mêmes : faire preuve de diligence raisonnable. Autre nouveauté, les peines infligées à l’organisation. De nouveaux critères seront considérés dans la détermination de la peine aux personnes morales. Pour les infractions les plus graves, le Code ne fixe aucune limite à l’amende à infliger à une organisation6. Celle-ci sera à la discrétion du juge. CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 En outre, de nouvelles conditions facultatives de probation s’appliquent aux personnes morales5. L’organisation coupable pourrait, entre autres, avoir à : • élaborer des normes, règles ou lignes directrices en vue de réduire la probabilité qu’elle commette d’autres infractions; • informer le public de la nature de l’infraction dont elle a été déclarée coupable, de la peine infligée et des mesures prises pour réduire la probabilité de récidive. 9 PRÉPARER SA DÉFENSE PAR DES ACTIONS CONCRÈTES ! La meilleure façon d’éviter les accidents, de se retrouver devant un juge, de prouver sa diligence raisonnable… c’est par de la vraie prévention ! D’accord, vos obligations en SST sont nombreuses. Mais, en vous conformant, vous gagnez sur plusieurs tableaux. D’abord, vous minimisez le risque qu’un de vos employés ne subisse une lésion professionnelle avec toutes les conséquences humaines, sociales, publicitaires (gros plan de votre siège social et de votre logo à la télé ou à la une des journaux) et financières que l’on connaît. Mais, en plus, si un accident grave survient, votre dynamisme face à la prévention minimisera le risque d’être poursuivi par la CSST. Et si la poursuite a lieu, vous pourrez plus facilement articuler votre défense de diligence raisonnable en démontrant que vous avez pris toutes les mesures raisonnables pour éviter l’accident. Seriez-vous prêt à démontrer votre diligence raisonnable ? Les obligations de l’employeur en matière de prévention sont définies aux articles 51 et suivants de la Loi sur la santé et la sécurité du travail1. Globalement, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger ses employés. On peut classer ces obligations en quatre catégories : 1. Des obligations plus précises sont prévues dans les règlements adoptés en vertu de la LSST : Règlement sur la santé et la sécurité du travail, Règlement sur l’information concernant les produits contrôlés, etc. 10 • organisation matérielle : aménager son établissement et fournir des équipements sécuritaires de façon à protéger ses employés; • formation et information : informer ses employés sur les risques au travail et les former pour effectuer le travail; • organisation fonctionnelle : entre autres, définir des procédures, fournir une supervision adéquate; • collaboration : collaborer avec le comité de santé et sécurité du travail (CSS) et les autres instances en SST. Voyons, à l’aide d’exercices, comment une entreprise peut se conformer réellement à ses obligations et ainsi être prête à démontrer sa diligence raisonnable. Sortez votre crayon ! L’organisation matérielle Cette obligation consiste à faire en sorte que les locaux, les équipements, les outils, etc., soient sécuritaires et qu’ils demeurent en bon état. Prenons le cas suivant : à la suite d’un accident mortel, l’inspecteur de la CSST conclut que la cause principale de l’accident est une défectuosité mécanique reliée à un entretien déficient de la grue mobile utilisée. Il examine ses preuves pour déterminer s’il devrait poursuivre l’employeur. Avant de continuer votre lecture, identifiez deux éléments de preuve qui pourraient démontrer à l’inspecteur que l’employeur entretient bien ses équipements et qu’il a pris les moyens raisonnables pour éviter cet accident. Vous avez une minute ! Bon, la minute est passée. Voici trois éléments pouvant démontrer la diligence raisonnable de l’employeur. Il devrait être en mesure de prouver : • que ses grues mobiles sont entretenues par du personnel compétent et selon un calendrier répondant aux exigences du manufacturier et aux normes en vigueur. Qu’il utilise des pièces d’origine ou offrant une sécurité équivalente. Prouver signifie bien plus que seulement dire, il faut des traces écrites : log book d’entretien, contrats d’entretien, factures de pièces, etc. • que ses équipements sont régulièrement inspectés pour détecter tout problème mécanique : fiches d’inspection remplies, etc. • qu’il possède un système permettant de rapporter les défectuosités des équipements (coupon de défectuosité, etc.) et d’assurer un suivi efficace des réparations à effectuer. La formation et l’information – étude de cas Des lacunes au chapitre de la formation sont souvent soulevées dans les rapports CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 d’enquête de la CSST. Selon vous, laquelle des entreprises suivantes est la mieux placée pour démontrer qu’elle a respecté ses responsabilités en matière de formation et d’information ? Cochez l’entreprise qui vous semble la meilleure en SST. ❏ Entreprise no 1 : Vite, vite, ça presse inc. engage des étudiants chaque année. Malgré son nom, l’entreprise a un programme d’accueil et de formation très élaboré, car elle ne veut pas que ses travailleurs soient blessés ou en blessent d’autres. D’ailleurs, deux jours sont consacrés à l’accueil des étudiants. En petits groupes, ils rencontrent les superviseurs de leur département. Ceux-ci présentent la politique de l’entreprise en matière de SST, expliquent les règles de sécurité générales de l’entreprise, ainsi que les règles particulières du service où ils seront affectés. On s’assure que les étudiants ont leurs équipements de protection individuelle (ÉPI) et on rappelle les règles de l’entreprise face aux employés qui ne portent pas leurs ÉPI. Les mesures d’urgence sont révisées afin que tous sachent quoi faire en cas d’accident, incendie ou autre. Chaque étudiant reçoit une formation générale (SIMDUT, etc.) et une formation adaptée aux tâches qui lui seront assignées (utilisation des transpalettes, utilisation des outils à essence, etc.). Les superviseurs suivent de près les employés estivaux. De plus, chaque étudiant est encadré par un employé régulier. ❏ Entreprise no 2 : On paraît bien ltée vend des articles. Malgré son nom, la SST dans l’entreprise n’est pas juste une apparence. Chez eux, c’est sérieux ! En voici quelques preuves. Les « brisefer » ne sont pas autorisés à utiliser les chariots élévateurs. Seuls ceux qui sont prudents le peuvent ! Et pour éviter tout accident, les nouveaux employés ne sont assignés qu’à des tâches simples (nettoyage avec des produits chimiques, peinture des équipements en marche, etc.). En matière de SST, chez On paraît bien ltée, on s’en remet à nos employés : Y sont capables, on leur fait confiance ! Si vous avez coché On paraît bien ltée, alors, comme au Monopoly : Allez directement en prison, ne passez pas Go et ne réclamez pas 200 $ ! Bravo à ceux qui ont coché Vite, vite, ça presse inc., effectivement, c’est un bel exemple d’entreprise qui prend la formation au sérieux. L’organisation fonctionnelle, c’est aussi assurer une bonne supervision de ses employés afin qu’ils accomplissent leur travail de façon sécuritaire. Vos superviseurs encadrent-ils bien vos employés ? Rendezvous à la page 16 pour en savoir plus. L’organisation fonctionnelle – 10 points de contrôle Des obligations de collaboration ? Comment le fait de ne pas collaborer peut-il nuire à un employeur aux prises avec une poursuite pénale ? Les principales obligations de l’employeur en matière de collaboration consistent à rendre accessibles, aux employés, les renseignements fournis par la CSST (Avis de danger, etc.) et à collaborer avec le comité de santé et sécurité (CSS). La non-collaboration peut prendre plusieurs formes… La collaboration – vrai ou faux ? On l’a vu, l’entreprise doit fournir des équipements sécuritaires et les maintenir en bon état. Elle doit aussi s’assurer que ses employés ont la formation requise pour accomplir leur travail de façon sécuritaire. Évidemment, ce n’est pas tout. Encore faut-il qu’elle structure la gestion de la prévention (activités, règles, etc.). C’est l’organisation fonctionnelle. Seriezvous en mesure de démontrer le sérieux de votre démarche en prévention ? Vérifiez avec ces 10 points de contrôle. Un employé a été victime d’un accident grave et la CSST enquête. Au cours de son enquête, l’inspecteur apprend que le problème à la base de l’accident est connu depuis longtemps. D’ailleurs, les comptes rendus des réunions du CSS sont clairs à ce sujet. Des solutions ont été proposées, mais aucune n’a été mise en place ni même des mesures temporaires. Est-ce faire preuve de diligence que de laisser traîner un problème alors que son potentiel de gravité est important ? Les indices d’une saine collaboration. Quand on collabore bien… ? • On est à l’écoute des préoccupations de tous .............................Vrai ❏ Faux ❏ • On favorise la discussion .............................................Vrai ❏ Faux ❏ • On répond aux demandes avec diligence ..........................Vrai ❏ Faux ❏ POINTS DE CONTRÔLE En matière de SST, mon entreprise… Oui 1. a émis une politique en SST 2. a nommé une personne pour prendre en main ce dossier 3. a défini les rôles et responsabilités en SST des membres de son personnel (coordonnateur, superviseurs, etc.) 4. fournit les ressources nécessaires à une bonne gestion de la prévention 5. a mis en place des activités d’identification des dangers (enquête d’accident, inspection, etc.) 6. au besoin, s’est dotée d’outils d’évaluation en hygiène industrielle (pour bruit, contrainte thermique, contaminants, etc.) 7. possède des procédures de travail (espaces clos, etc.) et des règles de sécurité 8. s’est dotée de règles de sécurité (ÉPI, travail en hauteur, etc.) Non • On motive nos réponses qu’elles soient favorables ou non............. Vrai ❏ Faux ❏ Vous vous en doutez, toutes ces réponses sont vraies. 9. est prête à réagir en cas d’accident (secouristes, etc.) ou autres situations d’urgence (brigade de feu, etc.) Diligence raisonnable ou négligence ? Intervenir dès que l’on constate une situation sous la norme, c’est faire preuve de ? Ne pas tolérer un comportement non sécuritaire, c’est faire preuve de ? Bien encadrer les visiteurs, les entrepreneurs, les clients ou autres personnes lors de leur visite chez nous, c’est faire preuve de ? Instaurer des activités de prévention, c’est faire preuve de ? Réponses : diligence 10. effectue un suivi régulier de ses activités en prévention Total Trois oui et moins : votre entreprise aurait une bonne pente à remonter devant un tribunal ! Lire Convergence, c’est… une bonne habitude à conserver ! Quatre à six oui : c’est déjà mieux ! Cherchez à améliorer les points pour lesquels vous avez répondu : non. Sept oui ou plus : votre entreprise démontre bien son sérieux en matière de SST. Continuez votre bon travail ! CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 11 QUEL EST LE DÉNOMINATEUR COMMUN AUX ENTREPRISES DILIGENTES ? Pour être capable de recourir à une défense basée sur la diligence raisonnable, une entreprise doit avoir érigé un bon système de gestion de la SST. Mais prenez garde ! Le seul fait d’avoir un tel cadre de gestion n’est pas suffisant; il faut être capable d’en démontrer l’efficacité. Celui-ci doit produire des résultats positifs et faire en sorte que ces résultats se maintiennent, voire même s’améliorent avec le temps. Seules peuvent y parvenir les entreprises qui font vivre des valeurs orientées vers le respect de la SST dans chacune de leurs activités quotidiennes, et où règne une véritable culture de sécurité ! Vu sous cet angle, peut-on se permettre de ne pas posséder un système de gestion et une culture favorisant la SST ? Qu’est-ce au juste qu’une culture en SST ? Tenter de définir la notion de culture dans une organisation, c’est se heurter à de multiples points de vue. En effet, chaque auteur ayant écrit sur le sujet propose un ensemble de critères qui lui sont propres et qui diffèrent légèrement des autres. Néanmoins, quel que soit le vocabulaire adopté, on peut définir une culture comme étant l’ensemble des valeurs, croyances, traditions et habitudes véhiculées au sein de l’entreprise qui dictent et influencent les comportements de tous ses membres. Aussi, la culture en SST est-elle définie comme étant une composante de la culture organisationnelle… et lorsque cette dernière est défaillante, il est évident que la SST en souffre ! En effet, c’est très rare qu’une entreprise ayant une faible performance au niveau de la gestion de sa production et de ses activités soit plus performante en ce qui a trait à la gestion de la SST. De plus, une culture favorisant la SST valorisera chez chacun des membres du personnel une décision de prévention du risque plutôt qu’une prise de risque. La SST se reflète-t-elle dans votre culture ? On peut penser que certaines entreprises n’ont pas de culture en SST, surtout lorsqu’on voit des milieux de travail qui tolèrent les raccourcis pour aller plus vite ou des milieux qui valorisent la prise de risque. Et pourtant, toutes les entreprises possèdent leur propre culture, certains 12 éléments s’avèrent meilleurs, d’autres défaillants. Celles qui sont qualifiées de meilleures favorisent généralement une culture où l’être humain occupe une place importante dans l’organisation. Néanmoins, vous l’aurez deviné, l’instauration d’une culture SST ne se réalise pas du jour au lendemain… cela prend du temps, de la patience et beaucoup d’efforts. Il existe également des obstacles majeurs à une saine culture en SST. Et s’ils ne sont pas contournés ou réglés, vos efforts en vue de bâtir une culture durable en SST seront vains. Les principaux obstacles communs à la majorité des entreprises sont : le manque d’appui, de visibilité ou de crédibilité des cadres supérieurs relativement à la santésécurité, des conflits non résolus qui perdurent, la résistance aux changements des superviseurs et des employés, ainsi que la valorisation de la prise de risques. Or, l’attitude et les croyances des cadres supérieurs et, surtout, des dirigeants ont une grande influence sur la culture en SST de l’entreprise. Il est indispensable que ces acteurs aillent au-delà d’une simple promesse ou de bonnes intentions. L’engagement des dirigeants doit être visible et se traduire par des faits et des actes. S’investir, c’est aller au-delà d’un engagement moral… c’est aussi démontrer sur le terrain que cet engagement correspond à une réalité concrète. En d’autres termes, c’est montrer l’exemple. CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 Existe-t-il des éléments essentiels à une culture ? Il n’y a pas de formule magique pour bâtir une culture favorisant la SST. Il existe toutefois certains éléments de base qui formeront l’ossature d’une culture et qui l’aideront à se concrétiser. Les valeurs Les valeurs sont des convictions profondes, des idéaux auxquels nous croyons et qui affectent profondément les choix que nous faisons. Par exemple, si la famille est une valeur importante pour vous, votre choix pour les loisirs sera sûrement orienté vers des activités familiales. Dans le même esprit, si les dirigeants de l’entreprise ne se sont pas dotés de valeurs favorisant la SST, ou que ces valeurs sont méconnues de l’ensemble du personnel, on ne peut s’attendre à développer une culture solide en la matière. La santé-sécurité doit donc être considérée comme une valeur au sein d’une entreprise et non comme une priorité, car une priorité peut toujours être mise de côté au profit d’une autre plus urgente. En érigeant la SST comme une valeur, celle-ci se reflétera dans toutes les décisions prises et toutes les tâches effectuées. Mais il ne suffit pas d’afficher ces valeurs sur un bout de papier ou à la réception de l’entreprise. Chacun, et spécialement les dirigeants, doivent les vivre. Tous les employés regardent le patron et ils s’attendent qu’il leur montre de bons exemples, des façons d’agir sécuritaires. Les gardiens des valeurs Les gardiens des valeurs sont les personnes qui, dans l’entreprise, veillent à préserver les valeurs tout en s’assurant qu’elles soient intégrées dans les activités de l’entreprise et qu’elles survivent au fil des ans. Qui devrait exercer le rôle de gardien ? En fait, il doit y avoir plusieurs « prêcheurs » dans l’entreprise en commençant évidemment par les membres de la haute direction, puis les gestionnaires, les superviseurs, le coordonnateur en SST et les membres du comité de santé-sécurité. Ultimement, on vise à ce que tous les employés deviennent euxmêmes des gardiens de valeurs. Par ailleurs, le superviseur est un acteur très important dans le processus d’instauration d’une culture en SST. Toutefois, dans une entreprise, bien que l’on ait des contremaîtres motivés et des leaders, s’ils n’obtiennent pas le support organisationnel nécessaire, toutes les énergies déployées s’avéreront vaines. 1. Pour connaître davantage l’approche de gestion SST du Centre, consultez notre site Internet. Les rites et rituels Sans la présence de rites et rituels, toute culture serait inexistante. En effet, les rites et rituels sont des habitudes, des routines formées de gestes fréquents qui se réalisent machinalement. Et c’est lorsque ces rites et rituels deviennent une « seconde nature » qu’on parle de culture. Par exemple : les performances SST sont discutées aux réunions de la direction parce que c’est normal de discuter de santé-sécurité avec les autres préoccupations de l’entreprise; l’employé porte systématiquement ses lunettes de sécurité au poste de dégauchissage et de rabotage parce que cela fait partie intégrante de sa routine; le superviseur intervient pour corriger un comportement non sécuritaire, parce que c’est normal d’agir ainsi… Ce sont, entre autres, de telles attitudes qui font qu’une entreprise peut se vanter de posséder une véritable culture en SST, car les actions posées deviennent des habitudes au quotidien, cohérentes avec les valeurs de l’entreprise en SST. L’imputabilité Chaque personne dans l’entreprise doit être imputable de ses actions et de ses omissions : c’est ce qu’on appelle l’imputabilité. En incluant les responsabilités SST dans les définitions de tâche et l’évaluation du rendement des employés et des gestionnaires, puis en appliquant une approche disciplinaire dans les cas où c’est nécessaire, l’entreprise démontre l’importance qu’elle accorde à ses valeurs en santé-sécurité. Quelle est la démarche pour réussir à créer une culture favorisant la SST ? Oubliez la marche à suivre unique qui réussira, à coup sûr, à vous débarrasser des vieilles habitudes ancrées dans votre entreprise et qui contribuera à la création d’une véritable culture en SST : elle n’existe pas. Il serait plus juste de vous indiquer comment les entreprises de classes mondiales en SST ont réussi ce tour de force et comment elles ont entrepris ce processus de changement de mentalité. Elles y sont parvenues grâce à l’intégration. En d’autres mots, cela signifie que tous les éléments vus précédemment (soit des valeurs bien définies, des gardiens pour les promouvoir et assurer leur continuité, etc.) ne doivent pas être gérés isolément. Ils doivent être intégrés dans les modes de fonctionnement de l’organisation. Plus ces éléments seront intégrés et plus on parlera de culture durable en SST. Si, au contraire, toutes ces activités ne sont pas intégrées dans les façons d’agir, elles risquent de se perdre dans les dédales des problèmes quotidiens pour se retrouver au point zéro. Il faut donc implanter des actions concrètes, car l’intégration est à la base même de la culture. Comment peut-on parler de culture si ces façons de travailler ne sont pas intégrées au quotidien ? Comment peut-on arriver à des résultats durables si l’accent n’est pas mis sur les valeurs et la culture SST ? Et il semble bien que l’approche qui vous permettra de coordonner tous vos efforts, de maintenir la SST à l’agenda et d’ancrer une culture de sécurité soit l’implantation d’un véritable système de gestion en SST1. L’intégration de la santé-sécurité se divise en deux catégories : • l’intégration à la ligne hiérarchique, c’est-à-dire la prise en charge et le partage des rôles et des responsabilités en matière de SST par l’ensemble du personnel; CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 • et l’intégration aux fonctions et aux activités de l’entreprise en s’assurant que la structure de l’organisation tient compte de la santé-sécurité (par exemple, en intégrant la SST à la conception industrielle ou architecturale, au processus d’achat, à la production, à l’organisation du travail, etc.). 13 SANCTIONNER VOUS DEVEZ UN DE VOS EMPLOYÉS ? VOUS AVEZ INTÉRÊT À « MARCHER DROIT » ! Vous êtes superviseur dans une entreprise où l’on prend au sérieux la santé et sécurité au travail. On ne veut pas que les gens se blessent chez vous. Des équipements sécuritaires, vous en avez installés. Des objectifs, des politiques et des règles du jeu en matière de santé et sécurité, vous en avez mis en place. De la formation et de l’information dans le but que vos gens connaissent et comprennent vos normes, vous en avez données. Ce n’est pas compliqué, vous avez tout fait. En tenant compte de ce qui vient d’être énoncé, supposons maintenant qu’un de vos employés vient d’avoir un accident grave, un comme ceux qui causent l’invalidité et, parfois, même la mort. Cet événement est survenu parce que l’employé en question a contrevenu à une consigne pourtant claire de santé et sécurité. Pensez-vous que les mesures de prévention ci-dessus mentionnées pourraient vous permettre d’éviter le pire (une grosse amende) en cas d’éventuelle poursuite au criminel, entre autres ? Et bien nous sommes désolés de vous répondre ceci : fort probablement, non ! Et pourquoi ? « Disciplinaire, mon cher Watson. » Oups ! « Élémentaire, mon cher Watson. » Il manque à votre programme de santé et sécurité au travail un incontournable, un outil que l’on utilise normalement en dernier recours lorsque nos gens ne respectent pas les normes de prévention : la mesure disciplinaire. Sanctionner un membre de son équipe, quelle tâche ingrate pour le superviseur ! Pour cette raison probablement, on voit souvent des superviseurs attendre, donner une chance, attendre, donner une autre chance et attendre encore avant de sévir. Et, parfois, il est trop tard ! D’autres fois, ce n’est plus un seul travailleur qui déroge, mais toute la bande. Pourtant, la plupart des entreprises ont leur système de mesures disciplinaires progressives. Alors, pourquoi tant de résistance vis-à-vis cette mesure qui démontre tout le sérieux que l’entreprise accorde à la SST ? La réponse à cette question, nous ne la possédons pas. Ce que nous pouvons faire par contre, c’est vous présenter quelques règles de base concernant la mesure disciplinaire qui, une fois respectées, vont assurément vous faciliter la tâche lorsque viendra le moment, pour vous, de mettre les points sur les i et les barres sur les t ! Règle 1 Si une mesure disciplinaire doit être administrée à un employé, cela doit se réaliser le plus rapidement possible à la suite du comportement non désiré. Attendez avant de passer à l’acte et vous donnerez l’impression que vous êtes prêt à tolérer le comportement non désiré. Cela aura aussi pour effet de diminuer l’importance que le personnel devrait accorder au respect des règles de sécurité. Chose à éviter, bien sûr ! 14 Règle 2 Les mesures disciplinaires, c’est pour tout le monde. N’importe qui dans l’entreprise peut recevoir une sanction. Autant un autre superviseur que votre employé étoile. Si vous commencez à démontrer des préférences à ce niveau, vous n’êtes pas sorti de l’auberge ! Vous causerez beaucoup de frustrations chez vos gens et vous n’aimerez pas vivre avec les conséquences de ces frustrations, ce qui risque de vous amener à éviter de donner des mesures disciplinaires, à donner des chances. À éviter donc ! Règle 3 Vous devez vous assurer que les règles sur lesquelles vous vous appuyez pour administrer vos mesures disciplinaires sont non seulement claires et comprises, mais aussi raisonnées. Être clair lorsqu’on sanctionne un employé, c’est lui dire pourquoi il reçoit une sanction. Il faut aussi lui indiquer quel type de comportement il doit adopter par la suite. Et qu’entend-on par raisonnées ? Une règle raisonnée est une règle qu’il est possible d’appliquer. Par exemple : vous travaillez dans une entreprise comportant une dizaine d’unités de production à une même adresse. Vous exigez l’utilisation de l’échafaudage sécuritaire pour tout travail en hauteur. Or, dans plusieurs de vos unités de production, on doit simultanément travailler en hauteur et vous n’avez qu’un seul échafaudage. Ce n’est pas le temps de CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 sanctionner si vous surprenez un travailleur monté sur autre chose que votre échafaudage ! Vous risqueriez de démontrer de l’incohérence. Règle 4 Afin que vos règles soient respectées, il faut, bien sûr, vous assurer que quelqu’un peut voir à leur respect. Bien entendu, c’est au superviseur d’intervenir lorsqu’un employé fait faux-bond, mais comment agir dans les cas où la présence d’un superviseur n’est pas requise (comme c’est le cas pour les entreprises ayant des équipes autonomes) ? Eh bien, il faut mandater quelqu’un qui aura le pouvoir de faire respecter les règles SST. Sinon, gare à la crédibilité de vos règles SST et de votre politique en matière de mesures disciplinaires. Règle 5 La mesure disciplinaire imposée doit être proportionnelle à l’infraction commise. Une sanction exagérée peut engendrer d’autres types de problème. Entre autres, l’employé risque de perdre toute motivation pour son travail. Cela peut aussi avoir pour effet d’apeurer les autres travailleurs. À l’inverse, un superviseur qui sanctionne avec mollesse démontrera, sans aucun doute, qu’il n’accorde pas l’importance voulue à la règle non respectée. Cela peut même aller jusqu’à démotiver les autres membres de l’équipe concernant le respect de la règle en question. Règle 6 Règle 8 Lorsque vous administrez une mesure disciplinaire, vous transmettez un message clair quant à vos attentes vis-à-vis l’importance du respect des règles SST, le moment n’est donc pas choisi pour que vous démontriez de l’empathie envers le sanctionné. Il faut donc éviter les : Je sais que ça doit pas être drôle de recevoir ça, mais j’ai pas le choix ou C’est eux autres qui veulent ça. Ce genre de réplique d’un superviseur doit tout simplement être banni. Surtout ! Évitez de généraliser. Vous donnez une mesure disciplinaire à un employé ? Ce n’est pas le temps de le traiter de tous les noms. Souvenez-vous que vous sanctionnez un comportement, pas une personne. Évitez donc les qualificatifs comme : irréfléchi, lâche, non coopératif, etc. Règle 7 La durée de la punition ne devrait jamais être trop longue. Explication : un employé qui se voit imposer une sanction trop longue dans le temps éprouvera du ressentiment et deviendra alors totalement démotivé par son travail. Il ne donnera plus le rendement que vous attendez de lui. Vous vous dites peut-être : Mais si vous saviez le geste qu’il a commis, il a failli tuer son collègue. Eh bien, s’il a failli causer la mort de son collègue, dû au non-respect d’une consigne claire et connue de sécurité, une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au congédiement devrait être imposée ! Règle 9 Sanctionnez en privé ! Ne commettez pas l’erreur d’humilier un de vos travailleurs en lui infligeant une mesure disciplinaire devant ses collègues. Ce n’est pas drôle de recevoir une punition et c’est encore moins amusant de la recevoir devant les autres. Convoquez-le plutôt dans un bureau où il est possible d’être seul avec lui. Règle 10 En conclusion, souvenez-vous bien de ceci et communiquez-le à vos employés : Le fait qu’un employé reçoive une mesure disciplinaire, après avoir contrevenu à une règle précise de SST, ne veut pas nécessairement dire que cette personne est un mauvais employé. Cela veut simplement dire que le comportement non adéquat que l’on a identifié peut engendrer un ou des risques d’accident à cette même personne ou à d’autres personnes dans l’entreprise. Et ce comportement non adéquat ne doit pas se reproduire. Un bon système de mesures disciplinaires, c’est important, surtout si on tient compte de son but ultime : la conservation des ressources humaines. Et ça, autant les employés que les représentants de l’employeur en bénéficient. Référence : Punishing Unsafe Behavior dans : Occupational Hazards, octobre 1998. Utilisez un système progressif pour vos mesures disciplinaires et informez vos gens à ce sujet. Le classique : un avis verbal, si récidive, un avis écrit, si récidive, un avis écrit + une journée sans solde, si récidive… congédiement. Ah oui ! Prenez bien soin de vous donner la marge de manœuvre nécessaire pour les cas plus graves. Vous vous imaginez donner un avis verbal à un employé qui vient de contribuer à l’amputation d’une jambe d’un collègue de travail parce qu’il n’a pas respecté une norme de sécurité claire, connue et comprise ? Connaissez-vous vos responsabilités légales en SST ? Pour vous renseigner sur ce sujet, un de nos conseillers peut présenter, directement dans votre entreprise, une conférence où il abordera : • vos obligations générales en vertu de la législation en SST • les conséquences d’un manquement à ces obligations Plus spécifiquement, vous apprendrez : • Quelles sont les possibilités de poursuites pénales par la CSST ? • Qui peut être poursuivi ? • Quel est le rôle du « représentant de l’employeur » dans le processus pénal ? • Que signifie la notion de « diligence raisonnable » ? Quelle en est la portée ? Pour plus de renseignements, appelez-nous au (514) 842-8401. CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 15 CONFORME OU NON CONFORME, TICKET OU PAS DE TICKET : TELLES SONT LES QUESTIONS ! Chaque jour, les superviseurs se retrouvent sur la ligne de front. Ils planifient les activités de production, gèrent les horaires, règlent les problèmes techniques et d’approvisionnement, font modifier des équipements, trouvent des solutions aux conflits entre les employés, etc. Et quoi encore ? Ils doivent également s’assurer que les activités de leur secteur s’effectuent dans le respect de la santé, de la sécurité et de l’intégrité physique du personnel dont ils sont responsables. Et, en cas de non-respect de leurs obligations, constaté lors de la visite d’un inspecteur ou à la suite d’un accident, ils s’exposent à recevoir une infraction, à être poursuivis et à devoir démontrer qu’ils ont effectivement fait preuve de diligence raisonnable. LISTE DE VÉRIFICATION Je suis superviseur et… RÔLES ET RESPONSABILITÉS DU SUPERVISEUR 1. 2. 3. 4. Je connais mes responsabilités en SST. Je connais les tâches qui sont exercées par mon personnel. Je sais toujours qui sont les personnes sous ma responsabilité. Je coordonne le travail avec les autres superviseurs, le service de la maintenance et les entrepreneurs pour m’assurer que la sécurité des personnes sous ma responsabilité n’est pas compromise. Lorsque je confie un travail 5. Mes attentes en matière de santé et de sécurité du travail sont claires. 6. Je prends le temps de vérifier si mes directives sont bien comprises. 7. Je vérifie de quelle façon les employés pensent effectuer le travail. Au besoin, je rappelle la nécessité de cadenasser l’équipement et précise les équipements de protection individuelle qu’ils doivent porter. LOIS ET RÈGLEMENTS Et, pour un superviseur, faire preuve de diligence raisonnable va bien au-delà de se laisser porter par un prétendu bon système de gestion de prévention, avec tous ses beaux programmes et ses belles procédures écrites. Cela signifie que, comme toute personne responsable, il agit afin de réaliser ce qui est prescrit et même plus. Quelles sont justement les responsabilités du superviseur en SST ? Par quels gestes quotidiens, peut-il démontrer qu’il a effectivement fait preuve de diligence raisonnable ? Voici une liste de vérification qui permettra à tout superviseur de mieux comprendre la nature de ses responsabilités et de vérifier de quelle façon les obligations légales en SST prennent place dans son quotidien. Pour vous évaluer, lisez les énoncés suivants et cochez « oui », « non » ou « non applicable » en fonction de ce qui représente le mieux votre situation. 16 8. Je suis familier avec les dispositions des lois et des règlements en SST qui s’appliquent au travail sous ma supervision. 9. Je connais les règles de sécurité, les politiques et les procédures qui s’appliquent à mon secteur. 10. Je m’assure en tout temps de faire respecter les règles et procédures de l’entreprise. En ce qui concerne les travaux dangereux ou exécutés occasionnellement 11. Je fournis, selon le besoin, une copie des procédures sécuritaires à mes employés. 12. Je les explique clairement. 13. Je prends le temps de vérifier qu’elles sont bien comprises. 14. Je vérifie régulièrement si mes employés portent leurs équipements de protection individuelle. 15. J’utilise la discipline en vue de renforcer le respect des procédures et des règles de sécurité en vigueur dans l’entreprise (en dernier recours, après la sensibilisation, la persuasion et l’élimination des obstacles). 16. Je documente et conserve tous les rappels effectués auprès des employés (note, lettre, avis disciplinaire). Lors d’une visite de l’inspecteur de la CSST 17. Je collabore avec lui. 18. Je m’efforce de lui transmettre l’information qu’il me demande. 19. Je l’aide à accomplir ses tâches de façon positive. 20. S’il dénote une dérogation, je vois à corriger la situation dans le délai requis. CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 Oui Non N/A Oui Non N/A INFORMATION ET FORMATION 21. J’effectue régulièrement des rappels auprès de mes employés au sujet des risques et des dangers auxquels ils sont exposés (intervention informelle, rencontre de mise au point, réunion de sécurité, etc.). 22. Lors de l’embauche de nouveaux employés ou de mutation de main-d’œuvre, je m’assure de leur fournir l’entraînement approprié (tâches, procédures de travail sécuritaires, équipements de protection individuelle, procédures d’urgence, etc.). À la suite des activités de formation 23. Je m’assure personnellement que les employés intègrent bien la formation reçue. 24. Lorsque j’observe que les pratiques de travail sécuritaires sont mises en application, j’en profite pour faire du renforcement positif. 25. J’interviens auprès de l’employé pour corriger les lacunes identifiées. 26. Lors de l’intégration de nouveaux équipements, procédés ou matériaux, je m’assure que la formation du personnel visé soit mise à jour. 27. J’effectue des rappels spécifiques (mise au point, formation) auprès des employés qui ne respectent pas les procédures de travail sécuritaires. CONTRÔLE DES RISQUES 28. Je connais les risques et les dangers associés au travail sous ma supervision. Interprétation des résultats Entre 35 et 42 « oui ». Vous connaissez bien vos responsabilités en SST et vous les accomplissez d’une façon très satisfaisante, continuez votre beau travail ! Entre 25 et 34 « oui ». Vous connaissez certaines de vos responsabilités en SST, mais des améliorations sont requises afin de démontrer que vous faites preuve de diligence raisonnable. Lors des inspections de mon secteur de travail 29. J’identifie les problèmes liés à la SST et les causes de ceux-ci dans le but d’implanter les mesures correctives appropriées, et ce, dans un délai raisonnable. 30. Je m’assure que les gardes de sécurité sont en place et que les dispositifs de sécurité fonctionnent adéquatement. Je procède à une enquête et analyse détaillée des incidents et des accidents 31. J’identifie les causes de ces événements. 32. Je mets en place les mesures correctives appropriées pour éviter un événement semblable. Je prends un temps particulier pour observer les pratiques de travail de mon personnel 33. Je détecte les manquements en ce qui a trait à la sécurité. 34. Je compile mes observations (positives et négatives) dans un registre. 35. Je souligne rapidement mes observations aux personnes concernées afin que les pratiques de travail inadéquates soient corrigées. 36. J’encourage mon personnel à me rapporter les situations problématiques et à ne pas couvrir les erreurs. 37. J’écoute attentivement leurs suggestions, j’en prends note et j’exerce un suivi à la suite de la mise en place des correctifs. 38. Je demeure sensible aux événements qui peuvent augmenter les situations dangereuses et déploie les efforts nécessaires en vue d’éliminer ou de contrôler ces risques (lors de mouvements de main-d’œuvre, de changements dans la nature du travail à accomplir, de périodes d’arrêt de production, etc.). 39. Je prends rapidement action lorsque j’apprends qu’un danger ou un risque n’est pas contrôlé ou éliminé par mes activités et procédures existantes. 40. J’enquête soigneusement le droit de refus exercé par un employé. 41. Je fais preuve de créativité lors de la résolution d’un problème complexe de santé et sécurité. 42. Pour les problèmes de santé et sécurité qui ne relèvent pas de ma responsabilité, je m’adresse aux personnes qui disposent des habiletés ou du pouvoir de les régler. Total des « oui » CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 Moins de 25 « oui ». Des mesures immédiates doivent être mises en place afin de corriger la situation. En cas d’accident ou lors de la visite d’un inspecteur, vous seriez susceptible d’être poursuivi et vous pourriez difficilement démontrer que vous avez réalisé concrètement ce qu’il fallait en matière de SST. Quant aux énoncés où vous avez coché « non » ou « non applicable », ceux-ci devraient être sérieusement évalués en vue de déterminer comment vous y conformer. Les attentes de l’entreprise à l’égard de ses superviseurs D’un exercice de vérification comme celui-là, il est possible de ressortir le profil d’un superviseur sérieux en SST. Un tel superviseur se doit d’être qualifié par sa formation, ses connaissances et son expérience à organiser le travail efficacement. Sa connaissance des lois et des règlements en SST, particulièrement ceux qui s’appliquent à son secteur, fait de lui une personne avisée et soucieuse d’être continuellement au courant des dangers et des risques potentiels ou présents dans son milieu de travail, en vue de prendre les mesures correctives appropriées, s’il y a lieu. Une façon d’agir fort intéressante afin que l’équipe de travail soit plus en santé et en sécurité ! 17 UNE INFRACTION – DEUX TICKETS Vous avez donné à contrat des rénovations importantes du local de danse moderne que votre école occupe. Un sentiment de sécurité vous habite : par ce contrat, vous vous croyez à l’abri des obligations qu’a l’entreprise de rénovation au sujet de la santé et de la sécurité de ses propres employés. Après tout, ce ne sont pas vos employés et vous n’y connaissez rien à la rénovation et aux règles de sécurité de la construction. Mais voilà que le législateur a jugé qu’en ces circonstances, on n’est pas trop de deux entités pour voir à la santé et sécurité des travailleurs de la construction. Non seulement vous n’êtes pas soustrait aux obligations imposées à l’employeurrénovateur, désormais, vous les partagez ! 1. LSST, article 1, Définitions. Aussi, la CSST a produit un guide de 25 pages intitulé « Délimitation d’un chantier de construction et identification du maître d’œuvre ». Voir aussi l’affaire Ville de Québec et Savard et Dion (1986) CALP 1, qui a dégagé les principes servant à identifier le maître d’œuvre sur un chantier de construction. 2. Le maître d’œuvre, sur un chantier de construction, se voit aussi imposer d’importantes obligations en vertu du Code de sécurité pour les travaux de construction (R.R.Q., 1981, c. S-2.1, r. 6), notamment à l’article 2.4.4 qui prévoit que : « Sur un chantier de construction, le contrôle de la circulation, l’utilisation des voies publiques, l’installation électrique temporaire, la tenue des lieux, la sécurité du public, l’accès au chantier, la protection contre l’incendie, les rampes et les garde-corps permanents, le chauffage temporaire et les autres mesures générales de sécurité sont sous la responsabilité du maître d’œuvre ». 3. CSST c. Construction Reliance du Canada, TT 500-63-004850001, (juge Bernard Lesage), 17-11-2000. 18 De prof de danse à maître d’œuvre ou l’art de cumuler les titres… Une histoire vécue : ce n’est pas une histoire de « Bonhomme sept heures » Que vous soyez une ville, une usine de produits chimiques, une institution d’enseignement ou un hôpital (ou toute autre entreprise), vous pouvez un jour être le maître d’œuvre d’un chantier de construction. Un chantier est un lieu où s’effectuent des travaux de fondation, d’érection, d’entretien, de rénovation, de réparation, de modification ou de démolition de bâtiments (et bien plus). Le maître d’œuvre est le propriétaire ou la personne qui, sur ce chantier, a la responsabilité de l’exécution de l’ensemble des travaux1. Si vous vous lancez dans ce qui pourrait être un chantier de construction, si modeste soit-il, assurezvous de vérifier si vous n’acquérez pas en même temps un nouveau titre ! Dans une affaire récente, le Tribunal du travail a reconnu la culpabilité d’un maître d’œuvre à l’infraction d’avoir compromis la santé et la sécurité d’un travailleur alors que celui-ci circulait sur une poutrelle d’acier, à une hauteur de trente-cinq pieds du sol, sans protection individuelle3. Et ceci, malgré le fait que l’employeur (le sous-traitant, monteur d’acier) ait plaidé coupable à la même infraction. En fait, le président de l’entreprise soustraitante, lui-même monteur d’acier, et un de ses employés s’activaient en hauteur sans utiliser un échafaudage hydraulique pourtant disponible à proximité. … et l’art de cumuler les obligations « Le maître d’œuvre doit respecter au même titre que l’employeur les obligations imposées à l’employeur par la présente loi et les règlements notamment prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur de la construction » (art. 196, LSST).2 Qui dit obligations dit responsabilités. Comme maître d’œuvre, on ne peut pas déléguer cette responsabilité, on la partage avec l’employeur. Et si on ne rencontre pas ses obligations, on peut être sujet à infraction pénale… C’est ainsi qu’une infraction peut occasionner deux tickets. Tout comme l’employeur, vous pourriez, à titre de maître d’œuvre, avoir à répondre de vos actions ou omissions et à démontrer que vous avez fait preuve de diligence raisonnable, le cas échéant. Le maître d’œuvre a plaidé que son innocence ne faisait pas de doute : il avait engagé un sous-traitant compétent et expérimenté et il n’y avait pas d’indice préalable que ce dernier commettrait une bêtise. De plus, l’équipement de sécurité approprié était installé. Selon lui, il était certain qu’il n’avait pas à surveiller le travail de chaque travailleur comme l’employeur doit le faire sur une base raisonnablement fréquente. Le tribunal a jugé autrement. Le juge a rappelé que « (…) la loi, particulièrement par son article 196 LSST, a voulu donner des obligations positives au maître d’œuvre en ce qui concerne le fonctionnement de ses sous-traitants. Ce devoir légal à double palier quant aux opérations de premières lignes, a été imposé pour se prémunir contre le laxisme et le mauvais exemple ». CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 Il a été jugé que se fier aveuglément à la compétence du sous-traitant et se résigner à une conduite dangereuse systémique des travailleurs concernés et de leur employeur, ce n’est pas de la diligence raisonnable. Cela peut se prévenir : ou l’art de prévoir le pire Partager des obligations de sécurité avec l’autre employeur, ce n’est pas une mince affaire. Ainsi, intégrer la gestion des soustraitants dans un programme global de gestion de la SST et, par exemple, prévoir contractuellement les exigences relatives à la SST et des clauses de pénalité en cas de non-respect, vous permettront de partager… moins de risques. QUESTION/RÉPONSE ? Étant une entreprise de compétence fédérale, devons-nous nous soumettre aux mêmes obligations en matière de SST qu’une entreprise de compétence provinciale ? NON ! En prévention, les entreprises de compétence fédérale sont soumises au Code canadien du travail (CCT), partie II, alors que les entreprises de compétence provinciale sont soumises à la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Et, même si, à première vue, la mécanique de diligence raisonnable au fédéral peut sembler similaire à celle des entreprises de compétence provinciale, il y a quand même des différences importantes ! 1. RSST, section IV 2. RCSST, section XVII Au fédéral, un système plus normatif Alors que la loi au Québec, en matière de SST, vise l’obligation générale de fournir un environnement sécuritaire, la législation fédérale a une approche axée en bonne partie sur l’obligation de moyens assez précis. Le CCT prescrit maintes fois la conformité à plusieurs normes : ainsi, les éléments à inspecter d’un outil, la fréquence d’inspection et les modalités d’utilisation sont souvent définis ! Autre exemple, le Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST) pour les entreprises de compétence provinciale exige la planification des mesures d’urgence en général1 alors que le Règlement canadien sur la santé et la sécurité du travail (RCSST), pour les entreprises de compétence fédérale, exige que les mesures d’urgence pour certains sinistres soient planifiées à l’aide de plans spécifiques, selon des exigences à inclure à même la procédure, etc.2 Bref, la législation fédérale est plus précise quant aux actions à prendre en tant qu’employeur. Une législation plus cœrcitive Au fédéral, on ne prend pas de demimesures quand il s’agit d’amendes ! Regardons l’article 148 du Code canadien du travail, partie II : 148. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, quiconque contrevient à la présente partie commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité : a) par mise en accusation, une amende maximale de 1 000 000 $ et un emprisonnement maximal de deux ans, ou l’une de ces peines; b) par procédure sommaire, une amende maximale de 100 000 $. (nos soulignés) Ainsi, le CCT a non seulement des dispositions plus sévères quant au montant des amendes mais, en plus, il permet d’emprisonner les contrevenants – raison de plus pour prendre ses responsabilités ! Que faire pour éviter des poursuites pénales? Tout comme les entreprises de compétence provinciale, pour éviter les poursuites, vous devez, en tant qu’employeur, faire preuve de diligence raisonnable. Comment ? En fournissant un environnement de travail sécuritaire selon les modalités prévues par le code et son règlement. Nous vous invitons à lire l’article 125 du CCT qui dicte les 45 principales obligations des employeurs en matière de SST. N’oubliez pas que les directeurs et les gestionnaires de votre entreprise doivent recevoir une formation appropriée à leur fonction en SST, et doivent êtres informés de leurs responsabilités en la matière. Selon le CCT, la responsabilité de diligence raisonnable doit être partagée à tous les niveaux ! Et ce n’est pas tout ! Pour être diligent, vous devez aussi respecter les trois droits principaux suivants de vos travailleurs : • le droit d’être informés des dangers connus ou prévisibles existant sur le lieu de travail; • le droit de participer à la prévention des accidents de travail; • le droit de refuser un travail dangereux. Le CCT et son règlement se trouvent à l’adresse suivante : http://lois.justice.gc.ca/fr/ Ressources humaines et Développement des compétences Canada a publié un petit guide fort intéressant intitulé Obligations des employeurs et des employés que l’on peut consulter au www.rhdcc.gc.ca, sous la rubrique Gestion des ressources humaines, Santé et sécurité au travail, Publications (brochure 2A). SONDAGE CONVERGENCE SONDAGE CONVERGENCE Merci chers lecteurs ! Dans le dernier numéro de Convergence, paru au mois de mai, nous sollicitions votre opinion sur la revue. Vous avez été nombreux à nous faire part de votre appréciation et de vos commentaires. Nous vous remercions pour votre belle collaboration. Votre opinion nous est précieuse. Soyez assurés que nous examinons les résultats de ce sondage avec attention. L’équipe de Convergence CENTRE PATRONAL DE SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC CONVERGENCE août 2004 19