La cheville : de la prévention des entorses externes à l

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La cheville : de la prévention des entorses externes à l
Transversales
Par Romain Terrier1,3, Nicolas Forestier 1,2, Pierre Bavazzano2 et Pascal Toschi3
3
1 - Laboratoire de Physiologie de l'Exercice (E.A. 4338). Université de Savoie
2 - UFR CISM - Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives. Université de Savoie
3 - CEVRES Santé, Savoie Technolac
La cheville : de la prévention
des entorses externes à l'optimisation
de la performance sportive
Présentation du dispositif MyoluxTM
En effet, (cf figure 3) la zone postérieure du
talus est moins large que la zone antérieure.
Ainsi, la largeur de la pince bi-malléolaire
restant égale en toutes circonstances, la
congruence* mécanique entre les malléoles
et le talus est d’autant moins bonne lorsque
le pied est en flexion plantaire.
Finalement, les structures passives n’autorisant pas une congruence* convenable,
seule une contraction musculaire active
permet de stabiliser efficacement l’arrière
pied.
Figure 1 :
Ostéologie du pied
Illustration issue de Brizon et Castaing (1965)
Figure 2 :
Vue dans le plan sagittal d'un pied droit
avec matérialisation de l'axe de Henke en rouge
1 - Rappels Anatomiques
L’arrière pied, interface directe entre le
sol et l’homme en locomotion, est une
structure particulièrement instable puisqu’il
n’existe aucune insertion tendineuse sur le
talus (anciennement astragale, cf. figure 1).
Cette instabilité est conditionnée par la
configuration de l’articulation entre le talus
et le calcaneus (anciennement calcacéum),
l’os le plus volumineux du tarse qui se situe
sous le talus.
Figure 3 :
Vue supérieure d’un pied. Le talus est moins large
en arrière, ce qui accentue l’instabilité de l’arrière
pied en situation de flexion plantaire.
Illustration issue de Brizon et Castaing (1965).
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Comme l’illustre la figure 2, cette mécanique sous-talienne est organisée autour
de l’axe de Henke (42° par rapport à l’axe
sagittal et en suivant une direction de dehors en dedans et d’arrière en avant).
L’instabilité de l’arrière pied est encore
plus importante lorsque la cheville est en
flexion plantaire.
La figure 4 (page ci-contre) illustre les tendons des muscles éverseurs (face externe)
et des muscles inverseurs (face interne) qui,
de par leurs trajets respectifs, permettent
d’assurer une bonne stabilité de l’arrière
pied.
Finalement, il apparaît qu’une activation
efficace des éverseurs et inverseurs est
nécessaire à la stabilisation de l’arrière
pied. L’activation des éverseurs, les muscles
fibulaires principalement, est particulièrement intéressante dans le cadre de la
prévention des entorses externes de cheville qui peuvent être définies comme des
mouvements d’inversion de trop grande
amplitude, au delà des limites élastiques
d’un ou plusieurs des trois faisceaux du
ligament latéral externe (LLE).
Plus généralement, cet article consiste à illustrer que la stabilisation musculaire active
de l’arrière pied est susceptible de servir
à deux objectifs qui ont un intérêt certain
dans le domaine sportif, et notamment en
athlétisme, à savoir la prévention des entorses et l’optimisation de la performance.
* La congruence représente le niveau
d'emboîtement de deux surfaces articulaires.
miter le risque de récidive. Il convient de
rapidement passer en revue l’évolution
des réflexions à ce sujet.
2.2 - Les méthodes de rééducation fonctionnelle
Figure 4 :
A gauche : Face externe de l'arrière pied. Les tendons des muscles éverseurs (fibulaires)
permettent de stabiliser la cheville contre les mouvements d'inversion.
A droite : Face interne de l'arrière pied. Les tendons des muscles inverseurs (tibial postérieur
et fléchisseurs communs des orteils) permettent de stabiliser la cheville contre les mouvements
d'éversion. Illustration issue de Brizon et Castaing (1965)
2 - La prévention
des entorses
2.1 - L’entorse externe de cheville
L’entorse externe de cheville est la lésion la plus fréquente du système musculo-squelettique (Linford et coll. 2006;
Williams et coll. 2007).
En effet, elle représente à elle seule 25%
de l’ensemble des traumatismes sportifs
(O’Loughlin et coll. 2009). Plus problématique, d’après Anandacoomarasamy et
Barnsley (2005), 75% de ces traumatismes
engendrent un syndrome d’instabilité
chronique de la cheville qui conditionne
un taux de récurrence traumatique élevé
de l’ordre de 28% (Swenson et coll. 2009).
Dans le cas précis de l’athlétisme, une
étude épidémiologique récente (Edouard
et Morel 2010) s’est attachée à caractériser
l’ensemble des blessures survenues lors
de la saison 2008-2009 dans deux clubs
de niveau National.
Les données ont révélé que 100% des blessures observées affectaient les membres
inférieurs, et que 9% de ces traumatismes
représentaient des atteintes de l’articulation de la cheville.
L’entorse externe de cheville engendre
des conséquences économiques importantes puisque, en France, le montant
direct de leur prise en charge est estimé
à plus d’un milliard d’euros par an.
Figure 5 :
Matérialisation de l'axe de Henké, qui conditionne
le mouvement d'inversion de l'arrière-pied,
au moyen d'un articulateur
De plus, les coûts indirects liés à l’absentéisme dans le milieu sportif ou dans le milieu professionnel ainsi que leurs répercutions sociétales ne sont pas négligeables.
Dès lors, l’optimisation des méthodes
de rééducation fonctionnelle apparaît
comme indispensable dans le but de li-
Freeman et coll. (1965) ont proposé une
hypothèse selon laquelle la stabilité de la
cheville serait assurée par une boucle de
rétroaction qualifiée de proprioceptive. En
d’autres termes, ce sont les retours d’informations fournies par des mécanorécepteurs périphériques de type articulaires,
musculaires, tendineux ou encore cutanés
en direction du Système Nerveux Central
(SNC) qui conditionneraient la mise en jeu
de réflexes musculaires protecteurs.
L’entorse de cheville étant associée à une
altération des mécanorécepteurs périphériques, Freeman et ses collaborateurs argumentèrent en faveur d’une méthode
rééducative basée sur une sollicitation des
mécanorécepteurs par un travail sur plan
instable afin de rétablir la performance de
cette boucle rétroactive. C’est ce principe
qui, encore à ce jour, fait référence dans
le monde de la kinésithérapie.
Pourtant, dès 1988, Thonnard démontrait
de manière très convaincante que l’optimisation de la boucle de rétroaction ne
permet pas de protéger efficacement la
cheville contre les risques traumatiques.
En effet, alors que le mécanisme lésionnel
s’opère en 30 millisecondes environ, de
nombreux travaux attestent que le délai
de la boucle de rétroaction (i.e. le temps
nécessaire pour activer les muscles fibulaires qui contrent le mouvement lésionnel)
nécessite de 60 à 80 millisecondes.
Ainsi, il semble que seul un mécanisme de
pro-activation, c’est à dire une activation
des muscles fibulaires anticipée par rapport à la pose du talon au sol, permette
de protéger efficacement la cheville de
manière à limiter le risque d’entorses ainsi
que leurs récidives.
C’est dans cet esprit que l’orthèse Myolux
Medik™ a été développée par la société
CEVRES santé basée sur le technopôle de
Savoie Technolac, au Bourget du lac (73).
2.3 - Le dispositif Myolux Medik™
Comme nous l’avons mentionné auparavant, les caractéristiques du mouvement
d’inversion, potentiellement traumatique,
sont conditionnées par la configuration
de l’articulation sous-talienne organisée
autour de l’axe de Henké. Les figures 5A
(position neutre) et 5B (inversion) matérialisent cet axe de rotation au moyen d’un
articulateur.
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Transversales
• D’autre part des stratégies dites de
délestage qui consistent à protéger la
cheville lorsqu’une déstabilisation en
inversion survient. Le délestage permet
de retarder l’instant d’occurrence du pic
de force verticale sur le membre déstabilisé (qui correspond à l’instant le plus
critique pour le risque traumatique), ce
qui laisse le temps de mettre sa cheville
en protection au moyen d’une activation
des muscles fibulaires.
Figure 6 :
Le chausson Myolux MedikTM permet de reproduire fidèlement le mouvement
d'inversion de l'arrière pied au moyen de son articulateur
Le département scientifique de la société
CEVRES santé, en collaboration étroite
avec le Laboratoire de Physiologie de
l’Exercice (E.A. 4338) du département
STAPS de l’Université de Savoie ont réalisé
un certain nombre de travaux permettant
de déterminer si le dispositif Myolux™
favorisait l’émergence de ces mécanismes
de défense naturels.
2.4 - Les principales études
2.4.1 - L’activation anticipée des muscles
fibulaires
Figure 7 :
A gauche la condition marche normale, à droite avec Myolux Medik.
En haut les profils d'activité du court fibulaire, en bas du long fibulaire. Les traits verticaux
rouges représentent l'instant de pose du talon au sol, alors que les traits verticaux en pointillés
noirs représentent les occurrences d'activation musculaires. Les zones surlignées en jaune
mettent en évidence l'activation anticipée des fibulaires en condition de marche avec l'orthèse
Myolux MedikTM
Comme l’illustrent les figures 6A (posi-
➟ tion neutre) et 6B (inversion), le Myolux
Medik™ est un chausson équipé d'un articulateur d'arrière-pied qui externalise
la mécanique sous talienne et autorise la
reproduction fidèle du mouvement traumatique.
Figure 8 :
En bleu, le profil de force verticale sous
l’appui déstabilisé, en noir l’activité électrique
du long fibulaire. La première inflexion du
profil de force verticale objective la stratégie
de décharge utilisée par le sujet afin de
retarder l’occurrence du pic de force
verticale. De ce fait, l’activation des fibulaires
(ici, seul le long fibulaire est représenté) peut
anticiper cet instant critique pour le risque
traumatique
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En reproduisant le mouvement traumatique, l’objectif est en quelque sorte
de transposer le principe du vaccin à la
problématique de l’entorse de cheville.
Il s’agit finalement d’ “agresser“ l’organisme dans des proportions parfaitement
contrôlées afin que ce dernier développe
deux types de mécanismes de défense
naturels.
• D’une part une activation anticipée des
muscles fibulaires par rapport à la pose
du talon, telle qu’évoquée précédemment. Cette stratégie permet de verrouiller la cheville et ainsi d’éviter les
déstabilisations en inversion.
Cet aspect a fait l’objet d’une étude publiée dans la revue International Journal of
Sport Medicine (Forestier et Toschi, 2005).
Les auteurs ont comparé les délais entre
la pose du talon au sol et l’activation des
muscles fibulaires lors de la marche normale (non appareillée) d’une part et de
la marche équipée de l’orthèse Myolux
Medik™ d’autre part.
Dans le cas de la marche normale, les
fibulaires s’activaient en moyenne 144
millisecondes après la pose du talon au
sol. Au contraire, lors de la marche avec
Myolux Medik™ les fibulaires s’activaient
en moyenne 77 millisecondes avant la pose
du talon au sol. Ce résultat est illustré par
des données représentatives sur la figure 7.
Ces données suggèrent que la déstabilisation d'une amplitude sub-traumatique de
15° engendrée par l’articulateur du Myolux
Medik™ est contrôlée par une réorganisation du contrôle neuromusculaire de la
cheville en locomotion. L’automatisation de
la stratégie de pro-activation des fibulaires
en locomotion offre ainsi de nouvelles perpectives efficaces en terme de rééducation
et de lutte contre les récidives.
2.4.2 - Les stratégies de délestage
Une étude récente (Terrier et Forestier,
2010, rédaction en cours) a cherché à évaluer si une déstabilisation en inversion engendrée lors de la marche au moyen d’un
Myolux Medik™ permettait de solliciter
les stratégies de délestage du membre
déstabilisé, stratégies qui conditionnent la
protection musculaire active et efficace de
2 b Une rééducation en locomotion (figure 9), qui permet de travailler dans les
conditions réelles où une entorse est susceptible de se produire afin de développer
des mécanismes de protection adaptés et
réellement efficaces.
Figure 9 :
Equipé du Myolux MedikTM et au moyen de la pelote d'avant-pied, il est possible de se déplacer
en marchant, en courant ou encore de reproduire des situations sportives variées
l’automatisation des stratégies de délestage et de pro-activation des éverseurs.
Néanmoins, comme l’a souligné Fayolle
(2006), l’entorse externe de cheville et l’immobilisation articulaire temporaire subséquente engendrent une perte de force
des éverseurs.
La restauration du niveau de force de ces
muscles est donc un objectif à part entière
du processus de rééducation. Cependant,
les travaux de Collado et coll. (2010) ont mis
en évidence que le déficit de force persiste
y comprit chez des sujets ayant suivi une
rééducation dite traditionnelle.
Figure 10 :
Le chausson Myolux SoftTM
utilisé pour la prolongation des soins
à domicile
la cheville au moment du pic de force verticale. La figure 8 illustre clairement le fait
que la sollicitation du mécanisme de délestage semble être particulièrement optimisée si la déstabilisation survient lorsqu’un
pourcentage élevé du poids du corps est
appliqué sur le membre au moment de la
déstabilisation (80% en l’occurrence).
2.4.3 - Renforcement musculaire des fibulaires
L’utilisation du Myolux Medik™ en locomotion durant la rééducation optimise
Par ailleurs, le mémoire de fin d’étude
en kinésithérapie de Maréchal (2008) qui
s’est attaché à comparer l’effet de trois
protocoles de renforcement musculaires
(travail analytique contre résistance manuelle, électromyostimulation et avec Myolux Medik™, chacun composé de 8 séances
sur 4 semaines) sur la force des éverseurs
en concentrique et en excentrique révèle
que la force des éverseurs a augmenté de
manière significative seulement au sein
du groupe entrainé au moyen du Myolux
Medik™.
Il semble donc que ce dispositif soit effectivement adapté à la restauration et
à l’entretien des capacités de force des
muscles fibulaires.
2.4.4 - En résumé : les avantages du Myolux Medik™
Les avantages du Myolux Medik™ dans le
cadre de la rééducation de l’entorse externe de cheville peuvent être synthétisés
comme suit :
1 b Une spécificité de l’axe de déstabilisation. Fidèle au mouvement traumatique
ce dernier permet de solliciter de manière
optimale l’ensemble des mécanorécepteurs proprioceptifs de la cheville.
3 b Un renforcement musculaire ciblé
sur les fibulaires, sur l’amplitude totale de
l’articulation (45°), relatif au poids de corps
réalisé, de manière excentrique (ralentissement de la “descente“ en inversion) et
concentrique (“remontée“ en éversion
explosive).
Il reste cependant à vérifier si ces avantages
se traduisent par une meilleure efficacité vis
à vis de la prise en charge thérapeutique.
C’est l’objectif des études cliniques.
2.5 - Validations cliniques
Un suivi du taux de récurrence d’entorses
externes de la cheville chez des patients
traités avec le Myolux Medik™ a été réalisé
sur quatre ans, en cabinet de kinésithérapie. Une cohorte de 66 individus a pris
part à cette étude. Les résultats sont encourageants puisqu’ils attestent que seuls
12% des individus ont récidivé, contre 28%
en moyenne dans le cadre d’une prise en
charge thérapeutique classique (Swenson
et coll. 2009).
Une analyse plus fine des données révèle
que lorsque les 10 séances initiales sont
suivies d'une séance d'entretien mensuelle, le taux de récidive chute à 3%. Ce
résultat suggère fortement que la protection articulaire active bien qu’optimisée
par une rééducation avec Myolux Medik™
s’estompe avec le temps.
Il apparaît donc opportun voire essentiel
de proposer des « piqûres de rappel » afin
d’entretenir l’efficacité de la vaccination
contre les entorses externes de cheville.
C’est dans cet esprit que le Myolux Soft™
(figure 10) a été développé. Ce dispositif
miniaturisé prescrit par un médecin ou un
kinésithérapeute permet la prolongation
des soins à domicile.
Une étude clinique d’envergure, indépendante et multicentrique, réalisée sur
216 patients, en collaboration avec les Hospices Civils de Lyon, est actuellement en
cours dans l’objectif de tester l’efficacité
d’un protocole de rééducation en cabinet
de kinésithérapie avec Myolux Medik™
suivi par une prolongation des soins à domicile avec Myolux Soft™.
Cette étude devrait permettre d’objectiver
clairement les apports d’une telle prise
en charge.
➟
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Transversales
Figure 11 :
Illustration des contraintes sur la cheville, avec des appuis externes et en flexion plantaire particulièrement chargés, lors de différents lancers,
tels que le marteau (à gauche), le disque (au centre) ou le javelot (à droite).
Photos ASA Aix-les-Bains, championnat de France 2010
➟ 2.6 - Les utilisations
2.6.1 - En réhabilitation
Comme nous avons eu l’occasion de l’évoquer précédemment, le dispositif Myolux™
est utilisé en tant qu’outil de rééducation
par les kinésithérapeutes. Une rééducation
efficace doit être envisagée comme une
démarche de prévention des risques de
récidives. Une démarche strictement préventive apparaît d’autant plus pertinente.
2.6.2 - En prévention
C’est dans le cadre d’une démarche de
prévention pure que le service de santé
des armées Françaises s’est intéressé au
dispositif Myolux™. En effet, les personnels
de l’armée sont particulièrement sujets
aux risques d’entorses externes de cheville puisque le port prolongé des rangers
contribue à déconditionner la protection
articulaire active.
Ce type de déconditionnement a clairement été mis en évidence chez les moniteurs qui portent durant la saison hivernale
leurs chaussures de ski environ 6 heures
par jour.
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L’impact de cette immobilisation temporaire sur les capacités proprioceptives de la
cheville ainsi que sur la force des muscles
fibulaires a récemment été objectivé (Picot
2010, Picot et coll. 2010).
Ainsi, les moniteurs de ski en dehors des
pistes en fin de saison comme les personnels de l’armée lors de leurs séances de
préparation physique sans rangers sont
tout particulièrement exposés au risque
traumatique.
Dans le monde du sport, certains clubs
professionnels tels que le Chambéry Savoie Handball ou le CSBJ Bourgoin-Jallieu
utilisent également le Myolux™ dans une
démarche préventive.
2.6.3 - Intérêts en athlétisme
Comme en témoigne la récente étude
d’Edouard et Morel (2010) précédemment
citée, les athlètes sont particulièrement
confrontés au risque d’entorse externe
de la cheville, et ce quelle que soit leur
spécialité. Une analyse des appuis et des
répartitions des pressions permet néanmoins de mieux cerner les contraintes et
les risques associés.
En effet, entre la pose d’appui du triple
sauteur, du marcheur ou du lanceur de
marteau, le projet de réalisation de performance est identique, mais les modalités d’effectuation sont différentes (angles,
pressions, durées).
2.6.3.1 - Caractériser l’appui en athlétisme
L’appui peut être défini comme « étant
un support ou le soutien d’un corps ou
d’un système. C’est une zone d’interaction de deux systèmes entre eux » (Bourdon et Renault 2010). En athlétisme, c’est
« l’organisation corporelle que l’athlète
met en place lorsqu’il est en contact avec
le sol ou lorsqu’il entre en contact avec
le sol pour, de façon efficace, créer une
pression orientée et dosée en fonction de
son intention » (Bourdon et Gozzoli 2006).
L’intention, en lien avec le but de l’activité
et les conditions réglementaires, implique
des appuis spécifiques avec des pressions
de natures différentes.
2.6.3.2 - L’efficacité des appuis
« L’appui peut être considéré comme le
principal élément de transmission des
forces exercées au sol » (Bourdon et Re-
Figure 12 :
Compte tenu de l'instabilité de l'arrière-pied
(en vert), un gainage musculaire apparaît
nécessaire à l'optimisation des forces
propulsives produites par les fléchisseurs
plantaires (en rouge).
Illustration issue de Brizon et Castaing (1965)
nault 2010) par l’intermédiaire du pied posé
au sol. L’athlète recherche donc une organisation corporelle qui lui permet de produire
le meilleur compromis force / conservation
de vitesse. Quatre types d’appuis sont investis dans la motricité athlétique de façon
intense : « la création d’un déplacement
du centre de gravité (CG), le maintien
d’un déplacement du CG, la déformation
de trajectoire du CG, la réduction du déplacement du CG » (Bourdon et Gozzoli
2006). Ces types d’appuis s’effectuent en
utilisant des déplacements linéaires, en
rotations, ou encore des enchaînements
de sauts. L’efficacité des appuis est donc
liée à ce que l’on appelle généralement la
technique de l’athlète.
Cette technique vise à produire le plus
de force possible utilisable (loi d’action
- réaction) en relation avec les possibilités musculo-squelettiques de l’athlète. La
contradiction que doit donc gérer l’athlète
est la recherche de rigidité du pied (donc
de la cheville) tout en préservant des mobilités articulaires nécessaires à la réalisation
d’appui (le balayage des secteurs d’impulsion dans les sauts par exemple).
2.6.3.3 - Des appuis sous haute pression !
La nécessité de produire des forces au sol
importantes, afin d’animer le corps d’une
grande vitesse pour construire les trajectoires les plus efficaces (bonds dans les
sauts, jets dans les lancers ou foulées en
course par exemple), implique des pressions d’appuis importantes.
Ces pressions sont liées au déplacement
plutôt horizontal de l'athlète devenant plutôt vertical avec une présence des deux
composantes.
3 - L’optimisation de
la performance sportive :
le cas de l’athlétisme
Selon la spécialité, on constate des pressions (ou des forces d’impulsion verticale)
importantes. Par exemple en saut en longueur les mesures révèlent des valeurs de
plus de 12 000 newtons (Klimmer, 1986),
soit plus de douze fois le poids de corps
de l’athlète alors qu’en sprint, ces valeurs
représentent 950 newtons. Ces appuis
sont complexes car ils intègrent des mouvements multidimensionnels comme les
appuis en rotation dans certains lancers,
la résistance à la force centrifuge dans les
courses en virage, la nécessité d’attaquer
par le talon en marche … D’où la nécessité
d’apprendre à l’athlète des mécanismes
d’anticipation et de protection de la cheville.
Dans certaines disciplines, des préparateurs physiques et entraîneurs émettent
actuellement l’hypothèse qu’un travail
spécifique au moyen du Myolux Medik™
puisse optimiser le niveau de performance
des sportifs en augmentant la capacité de
gainage de l’arrière-pied.
Comme le rappelle Tropp (2002), l’entorse
de cheville résulte de l’application d’une
pression excessive sur une cheville en inversion. De plus, l’excès de pression peut lui
même induire une inversion et engendrer
du même coup le traumatisme.
On comprend dès lors que les activités
athlétiques associées à des pressions importantes placent de fait l’athlète dans
des conditions particulièrement risquées
vis à vis du risque d’occurrence d’entorse
externe de la cheville. Au sein du processus
d’éducation athlétique, l’entraîneur doit
intégrer des apprentissages nécessaires
à la réalisation de ces appuis sous haute
pression afin de limiter le risque traumatique et d’optimiser la performance.
Cette éducation doit donc être ciblée
sur plusieurs dimensions : multiplicité et
variété des appuis, vigilance du maintien
des alignements, gestion de l’intensité des
appuis.
Le travail avec un outil comme Myolux™
peut s’avérer pertinent afin de développer cette fameuse intelligence du pied qui
nous est si chère en athlétisme.
Au-delà des activités de courses et de saut,
et comme nous l’avons déjà évoqué, les
activités de lancers ne sont pas en reste
vis à vis des contraintes appliquées sur
la cheville.
En effet, comme l’illustre la figure 11, les
chevilles des lanceurs sont soumises à des
contraintes importantes, en appui externe
et parfois en flexion plantaire, situation
particulièrement pathogène du fait de la
moindre congruence du talus dans la pince
bi-malléolaire (cf. paragraphe sur les rappels anatomiques).
C’est notamment le cas de la Fédération
Française de Gymnastique qui a engagé
récemment une étude visant à évaluer l’effet d’un protocole de gainage de l’arrière
pied (i.e. renforcement des éverseurs et
inverseurs) au moyen du Myolux Medik™
sur la capacité de restitution de l’énergie
élastique emmagasinée par le revêtement
de sol et donc, par conséquent, sur la performance.
En ce qui concerne l’athlétisme, Alain
Troncal (2002) a insisté sur la nécessité d’
“apprendre à stabiliser le pied avant la
propulsion pour offrir un appui solide aux
muscles propulseurs“ et de “travailler le
pied en renforçant les muscles qui ne sont
pas propulseurs“.
Ces conseils avisés doivent encore une
fois être analysés au regard de l’instabilité “passive“ (i.e. mécanique) de l’arrière
pied.
Comme l’illustre la figure 12, les muscles
propulseurs fléchisseurs plantaires sont
insérés sur le calcaneus, l’os du talon. La
faible congruence mécanique de l’arrière
pied, également illustrée sur la figure 12,
n’autorise pas une transmission efficace
des forces propulsives.
C’est pourquoi un gainage musculaire
efficace de l’arrière pied semble théoriquement représenter un facteur de performance non négligeable, notamment
pour les disciplines de course et de saut.
Cette hypothèse nécessite néanmoins
d’être étoffée de données objectives.
Dans cet objectif, une collaboration entre
la société CEVRES santé et le Laboratoire
de Physiologie de l’Exercice d’une part et
l’ASA Aix-les-bains d’autre part est actuellement en construction.
Affaire à suivre… ■
➟
Juin 2011 - AEFA N°202 - 37
Transversales
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Mots Croisés n° 82
Robert Rongy
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HORIZONTALEMENT :
1. - Jouer les pythonisses… ou les turfistes ! 2. - Avance
en liquide. - Esprit de corps. 3. - Fait le Tour. - Oncle
d’Amérique. - A son château. 4. - Au bout du quai. Note. - Il est noir à Saumur. 5. - British water. - Administra.
6. - Lettres de LAVILLENIE. - Sa table est appréciée dans
le monde athlétique en particulier chez les décathloniens.
7. - EDWARDS était l’albatros, lui sera-t-il l’aigle noir ? Marque le passage (pas pour le relayeur). 8. - Me rendrai.
- Chemise grossière. 9. - A montré la voie olympique
en 84 à Los Angeles. - Inoui mais fort désordonné !
10. - Vieille habitude. - A l’entrée du stade. - Pronom.
11. - Nouveaux critères de classement en finale des
Interclubs. 12. - Autonomiste voire dissident.
VERTICALEMENT :
1. - Robes de chambre. 2. - Mauvaise soupe.
- Malformation mal gênante pour la course à pied.
3. - Faisais le vide. - Le mois des Interclubs. - Phonétiquement : arme blanche. 4. - La tête de NAPOLEON le
ventre de BONAPARTE. - Projectiles divers qui piquent,
qui planent ou font des gros trous. 5. - Déplacera. - C’est
trop mal foutu ! 6. - Note. - Le seul lanceur ayant dépassé
l’hectomètre. - Donne le ton. 7. - A potron-minet. Vas-y ! - C’est pas brillant ! 8. - Avec Pierrot CARRAZ
c’est le coach dans le vent ! - Ici. 9. - Erzatzs alimentaires.
10. - Vert et noir pour Arthur Rimbaud. - Savoyard voisin
de Christophe LEMAITRE a même fait mieux que lui à
BERCY. - A l’entrée du stade. 11. - Huile d’Orient. - Au
bout du sautoir. - Note. 12. - Il est bondissant s’agissant
du ballon chez certains collègues profs de gym !
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