Mémoires d`un monde en devenir

Transcription

Mémoires d`un monde en devenir
MEMOIRES D’UN MONDE
EN DEVENIR
(Chronique d’un événement peu ordinaire
de la vie ordinaire)
.1.
« Sam, on est dans la merde »
.2.
Ca avait commencé quelques semaines plus tôt.
Catalan avait appelé Sam pour lui faire part de quelques petites
inquiétudes. Les statistiques du forum étaient loin d’aller en s’arrangeant, bien
au contraire. Sam l’avait écouté attentivement, l’air sombre.
« Je sais bien, cat. Mais je ne comprends pas trop, là…
- Mais tout de même, ces statistiques qui se barrent en sucette, ce n’est
quand même pas normal…
- Evidemment non, ça n’est pas normal, on dirait que le nombre de
visiteurs diminue de jours en jours. Si encore c’étaient les vacances, ou un truc
du genre, là je comprendrais mieux, tu vois. Mais ces derniers temps il n’y avait
jamais eu autant d’activité, on avait entre 200 et 250 messages postés par
tranche de 24 heures, parfois même beaucoup plus…
- Oui, c’est clair, je commençais vraiment à croire que je rêvais tout haut,
moi, on en parlait justement il n’y a pas longtemps avec gigi. Enfin, je suppose
que c’est même pas la peine de te le redire…
- Ouais, je me suis assez emmerdé à ce moment-là à faire le ménage
pendant deux jours dans la base de données, surtout avec cette invasion de
messages privés, y’en avait partout ! Et je ne te parle pas des demandes de plus
en plus précises des membres, y’a des moments où j’avais des envies de
m’arracher les cheveux…»
Le visage de Sam s’était alors éclairé d’un faible sourire. A faire le tri
dans les fichiers du forum, il s’était emporté l’espace d’un instant contre les 340
messages privés de bv, il avait même voulu lui en effacer quelques-uns, histoire
de le faire tourner en bourrique. Mais il aurait fallu un Kärcher pour nettoyer
tout le bins qu’il y avait dans sa boîte…
.3.
[ bv ]
Bv. L’homme de l’ombre.
Le ténébreux secret qui ne dévoile rien sur lui ferma la fenêtre du
programme qu’il était en train de tester et cliqua sur son menu « démarrer » et
sur « Arrêter l’ordinateur ». Alors qu’il regardait son écran virer au gris, il
entendit un drôle de clic dans la tour du pc. Et quand il se pencha en avant pour
écouter ça de plus près, le bruit recommença, faiblement, de façon répétée… Il y
avait quelque chose de pas normal là-dedans.
.4.
Le problème du nettoyage d’automne avait donné un peu de fil à retordre
à Sam, certes, mais ce n’était rien comparé au nouveau problème auquel ils
avaient alors commencé à faire face. Il avait passé la moitié de la nuit à y
réfléchir et à vérifier que tout était bien rangé à sa place dans la base de données.
Apparemment un certain nombre de membres s’étaient envolés du forum.
Ils apparaissaient toujours dans la liste des membres, la base de données se
souvenait d’eux, mais aucunes nouvelles d’eux depuis un bout de temps.
Comme si du jour au lendemain ils avaient décidé de ne plus venir poster dans
leur communauté préférée.
.5.
Bon, si des membres comme abisirine ou zoule ne venaient pas pendant
quelques jours, quelques semaines, ou même si il ne venaient plus du tout, à la
limite c’était normal, après tout certains membres n’avaient jamais écrit aucun
post, et d’autres n’avaient posté que 2 ou 3 messages à peine, pas de quoi se
rendre inoubliable, même si chaque pierre apportée à l’édifice du Monde de Gigi
contribuait à le maintenir debout. Sur l’ensemble des membres du forum,
nombreux étaient ceux qui venaient juste le temps de trouver ce qu’ils
cherchaient, puis s’envolaient vers d’autres sites…
Non, là, c’était différent. Plus grave. Et c’est un peu à cause de ça que l’on
commençait à se poser des questions au sein de l’administration du site, et à
chercher des réponses.
Ca faisait presque deux semaines que certains membres parmi les plus
actifs n’avaient pas posté un seul message. Plus rien.
La première à disparaître du forum avait été angelarva. Envolée l’artiste
du milieu modératrice du coin du feu. Elle avait proposé un jour d’écrire une
nouvelle en prenant comme personnages les membres du forum, et ça avait
semblé être une idée intéressante, puis elle avait pris ses marques au coin du feu,
absorbée dans les récits divers qui donnaient des ailes à certains membres. Mais
là, plus rien. Bon, peut-être était-elle partie en vacances, ou était-elle absorbée
dans l’écriture ? Personne n’aurait su le dire.
.6.
[ extrait d’une pensée d’angelarva]
Aujourd’hui j’ai recommencé à tousser. Rien de bon dans cette toux, elle
ne me quitte plus. Je vais devoir faire venir le médecin cette fois, j’ai un mal fou
à me lever du lit.
J’ai de la fièvre.
Je suis tellement désolée de n’avoir pas la force de retourner au coin du
feu dans le Monde de Gigi, j’espère qu’ils ne croient pas que je déserte, là-bas.
Mais je suis trop malade.
Et cette fièvre…
.7.
Mais il n’y avait pas qu’angelarva qui avait disparu du forum, sinon
encore, cela aurait pu passer inaperçu… Mais d’autres avaient disparu, du jour
au lendemain.
Alors, quand on s’occupe d’un site ou d’un forum, on est habitués à ce
genre d’événement. Parfois, à cause des aléas de la vie, à cause d’une lassitude
qui s’installe, comme dans certains couples, des membres assidus s’en vont,
d’un seul coup, ils tirent leur révérence et s’éclipsent, ou partent sans même un
au revoir… Mais là, tout de même, angelarva… Elle serait partie sans même
écrire un dernier post ?
.8.
[flagg]
Flagg raccrocha le téléphone. Inquiet.
Angelarva malade. Et lui aussi avait la fièvre, de celles qui ne s’en vont
pas, même avec un wagon d’aspirine ou de médicaments divers.
Il avait presque l’impression qu’il arrivait au bout de ses batteries, comme
si il avait trop tiré sur ses réserves pendant longtemps… La fatigue était grande,
et il n’avait plus trop envie de grand-chose. Il se laissait porter, l’esprit emporté
par des rêveries peuplées de choses embrumées, au travers d’un mal de crâne
abominable…
La petite chenille verte du forum (ou cenille, pour les intimes) avait du
mal à y retourner, ces derniers temps.
.9.
Donc, ça avait commencé par angelarva. Mais elle n’était que la première
d’une longue série. Ronie aussi avait disparu de la surface de la section Zique, et
les nouveaux membres s’étaient cassé les dents sur le renommage des
fichiers .gig. Ils n’avaient qu’à penser au bouton « recherche », aussi, ah,
pourquoi fallait-il toujours tout expliquer aux petits nouveaux ?
On avait tout d’abord pensé qu’elle s’activait comme une dingue à upper
des chansons converties dans ce nouveau format, le .ogg. Mais il avait bien fallu
se faire une raison : ronie n’était plus là, et la jolie chatte à la démarche
gracieuse ne daignait plus poser les pattes dans les topics. On avait envisagé de
fermer la section musique, car personne ne voulait trop s’y risquer, à part peutêtre tapx si on était arrivé à l’attraper au vol, voire smeito79 également, mais lui
avait alors d’autres chats à fouetter, et il se consacrait à la conception d’une
toute nouvelle bannière pour le forum, qui, elle, n’aurait pas ralenti le temps
d’affichage des pages… Ce qui n’était rien comparé à son boulot de dingue sur
les scripts. Ca faisait partie de sa formation en PHP, et Sam lui donnait des cours
et des conseils avec beaucoup de bon cœur. Ils étaient comme des frères. Et ils
étaient loin de pouvoir se consacrer à autre chose que le PHP. Enfin bref, non,
décidément, la section Zique c’était ronie ou rien.
. 10 .
[ronie]
« Caroline, tu m’écoutes quand je te parle ?
- Hein ? Qu’est-ce qu’il y a ?
- Ben je sais pas moi, t’es toute bizarre ces derniers jours, on dirait que tu
te traînes… Un souci au boulot ?
- Hon hon, c’est pas ça… En fait je ne sais pas trop, j’ai les pensées dans
tous les sens. »
L’envie d’une cigarette n’avait jamais été aussi forte depuis qu’elle avait
arrêté de fumer.
« Chérie, vraiment… Tu t’angoisses pour le diplôme, c’est ça ?
- Mais non, c’est pas ça du tout, et ce diplôme, je le veux tellement, je
l’aurai, c’est sûr… »
Ronie tourna la tête vers la fenêtre, et regarda la pluie qui tombait. Elle
savait bien qu’elle se sortait toujours de tout, comme si quelqu’un la protégeait.
Mais là c’était un peu différent, et elle avait l’impression que quelque chose de
bizarre allait arriver, sans trop savoir quoi. Ca lui faisait presque peur, et ça ne
lui ressemblait pas du tout. Et du coup, elle préférait faire attention à ce qu’elle
faisait, et elle n’avait plus trop envie de rien, et encore moins d’allumer le pc
pour retrouver le forum et les membres ou non-membres qui réclamaient des
albums introuvables… Mais pourquoi avait-elle décidé d’arrêter de fumer
aussi… En plus avec ce fichu mal de crâne, ça n’était pas évident de réfléchir…
Elle devait couver quelque chose.
« Allez, viens, ma Jennifer Lopez à moi… Viens contre moi, chérie. »
Même ces mots ne lui firent pas le même effet que d’habitude.
. 11 .
« Si on appelait gigi ? », avait proposé Sam.
« Il devrait arriver dans pas trop longtemps, quand il a su ce qui se passait,
il a décidé de faire un tour par ici. Un peu comme toi.
- Ca ne m’étonne pas. Mais tu sais j’étais forcé de venir, ce site, ce forum,
ce sont un peu mes bébés. »
Catalan avait souri. « De beaux bébés en vérité. Ah, on a beaucoup avancé
quand tu nous as rejoints, gigi et moi... Allez viens, on va s’aérer la tête sur la
plage le temps qu’il arrive. En plus il faut sortir Sir Poch, ça fait un moment
qu’il tourne en rond.
- Un peu comme nous, quoi… Tu as raison, on sort.»
A ces mots, Sir Poch, bouledogue français à l’intelligence fine, remua les
oreilles et frétilla de la queue à l’idée d’aller se dégourdir les pattes.
. 12 .
[ yoyo ]
Yoyo referma son cahier. Il n’arrivait pas à s’y mettre, à ces devoirs qui
traînaient depuis quelques jours sur le coin de son bureau. Ces derniers jours il
était porté par le vague à l’âme.
Il s’était bien mis à Photoshop récemment, et apprenait à s’en servir, il
avait fait notamment une jolie image pour le forum, mais là… Plus envie.
L’ordinateur perdait de son attrait.
. 13 .
[ DIOUL DU ]
Au bout d’un quai, en Bretagne, à cet endroit qu’il appelait « le
Terminus », DIOUL DU était assis, les pieds dans le vide, et contemplait la mer.
La veille, il avait passé l’après-midi à chercher de bons liens à transmettre dans
le forum, puis il avait passé la soirée à rire en regardant les jolies filles du coin
de l’œil dans un estaminet du port de commerce… En rentrant chez lui, il avait
parcouru lentement les rues à angles droits, comme coupés au couteau, et dans la
lumière blafarde d’un lampadaire fatigué, il avait vu un chat noir sur le bord du
trottoir… Ce chat ressemblait terriblement à son ami de toujours qui l’avait
quitté un matin, victime d’une saloperie de cancer… Dioul Du, le diable noir,
d'une gentillesse et d'une intelligence surprenantes. Là, dans la nuit, l'espace de
cinq secondes, leurs regards s’étaient croisés, étrange sensation. Puis le chat était
parti, se fondant avec la noirceur de la nuit.
Et assis là, le regard perdu, DIOUL DU ne savait pas si c’était le vague à
l’âme qui s’éternisait depuis, ou si il avait attrapé une quelconque saloperie,
mais il avait le ventre à l’envers. Des envies de pleurer, presque. De vomir,
sûrement.
Même les vagues se taisaient…
. 14 .
Les pieds dans l’eau, tout en marchant le long des vagues qui venaient
s’écraser sur leurs pieds, Sam et catalan étaient restés silencieux… Les
souvenirs des premiers jours leur étaient revenus droit dans les pensées…
Oh, il était loin le temps où rien n’existait encore du Monde de Gigi, à
part le dessin animé du même nom. Et un jour, une idée. Une rencontre entre
deux personnes. Gigi et catalan. Une même vision des choses. Et la naissance
d’un rêve qui allait prendre corps et vie à mesure que les années étaient
passées… Tout venait de Soundforge, en fait. Soundforge. Un ange passa dans
le regard de catalan. Fichu programme à débloquer, celui-là, mais après tout pas
tant que ça. Le premier d’une longue série.
. 15 .
[Zargone]
Pur-sang rouge feu devenu licorne blanche, Zargone, petit à petit, s’était
fait une jolie place dans le Monde de Gigi. Jusqu’à créer un Petit Monde de Gigi,
réservé aux initiés, pour trouver des cerises à n’en plus finir, quitte à planter les
cerisiers tout seul. Quitte à créer les cerises tout seul, et à transmettre un peu de
son savoir pour assurer la relève derrière lui.
Mais là, voilà qu’après de nombreuses journées passer à s’occuper de son
jardin pas si secret, il commençait, lui aussi, à fatiguer. Ras-le-bol ou juste un
petit coup de mou ? Allez savoir, mais il préférait largement profiter des bords
de sa piscine au soleil plutôt que de passer du temps sur son ordinateur. Cela ne
lui ressemblait pas. Mais alors pas du tout.
. 16 .
Comme les ressources d’internet étaient trop dispersées, pas assez
ordonnées, et bien trop dures parfois à dénicher, gigi avait trouvé le temps et
l’opportunité de faire un petit site en html, réservé à quelques initiés, juste pour
avoir à s’éviter de chercher sur les moteurs de recherche les quelques astuces ou
cerises qui leur manquaient. Un as de la recherche, gigi, il s’infiltrait n’importe
où, et vas-y que je te visite des pages incompréhensibles pour le commun des
mortels, et d’ailleurs son pc avait été, et était toujours, le seul à parler autant de
langues dans un rayon de 500 bornes. Puis le site s’était agrandi, avait pris de
l’importance et ramassé tellement de suffrages qu’après avoir envisagé en
plaisantant la Hotline de « service-après-download » 24 heures sur 24, catalan
avait décidé d’ouvrir un forum, lieu d’échange et de partage de tout et de rien. Et
chacun avait pris sa part du boulot à faire, Gigi gardant le site principalement, et
catalan s’occupant du forum.
Naissance du forum. Un beau bébé. Puis un jour arrivée quasimiraculeuse de Sam, qui avait mis là-dedans une bonne dose de php. Un petit
coup de baguette magique, celle-là même qu’utilisait la vraie Gigi du dessin
animé, et paf ! explosion de couleur violette dans tous les sens. Pourquoi le
violet, d’ailleurs, cela resterait à jamais un mystère que de nombreux membres
avaient essayé de résoudre. Un site et un forum, tout deux dissociés, mais tous
deux liés par un même état d’esprit.
Telle avait été la Genèse du Monde de Gigi.
L’Utopie était née, restait à faire en sorte qu’elle vive.
. 17 .
[HarvestR]
La spiritualité. Le partage. La culture. La gentillesse. Autant de choses qui
faisaient partie du quotidien d’HarvestR. Autant de choses qui lui permettaient
d’avancer. Et qui lui avaient fait rejoindre la team du Monde de Gigi. En tant
qu’administrateur, il pouvait encore davantage aider les membres, et avait créé
seul le chan IRC du Monde de Gigi, qui avait bien commencé et se gardait tout
seul, avec juste un Cerbere à la porte pour en garder l’entrée… Sauf que depuis
le Cerbere était devenu Aphrodite, question de sensibilité masculine sans
doute…
Tout ça donc avait très bien commencé et tournait à merveille, jusqu’à
cette accumulation de bugs dans le serveur. Plus rien ne semblait vouloir
fonctionner, et le chat se trouvait désert car personne ne pouvait plus y accéder.
Et comme plus aucun programme ne voulait rien savoir, quel était l’intérêt
de continuer à surveiller ça de près ? Peut-être était-ce le moment de prendre
quelque recul, quelques jours sans pc ? L’envie n’était plus vraiment là.
. 18 .
Le Monde de Gigi devait vivre, et le Monde de Gigi s’était cassé la figure
en l’espace de quelques jours.
Déserté.
Abandonné.
. 19 .
[ jeel ]
Jeel le grand rêveur… Il passait ses journées à rêver, les yeux perdus dans
le vague et les oreilles aux aguets, les pensées remplies de musique, son idéal…
Il avait une sorte de mantra « Toujours espérer le mieux »… Toujours garder la
foi. Et pourtant, là, il n’y parvenait pas.
Le Monde de Gigi qui se vidait, c’était comme une partie de son idéal qui
s’écroulait.
Sans idéal, il n’avait plus d’objectif à atteindre. Et plus envie d’avancer. Il
était triste.
. 20 .
[GentilScorpion – Grand011]
Grand011 posa son verre sur la table.
« Bon, alors, dis-moi GS, c’est quoi cette histoire ?
- Il n’y a pas grand-chose à comprendre. Je n’arrive plus à me connecter
au site, ni au forum, tout est bloqué. Comme si tout avait disparu. Et pourtant
tout est encore là, j’ai eu cat au téléphone hier.
- Non mais c’est quoi ce bordel ?
- Je ne sais pas. Je ne sais pas du tout… »
Leurs regards se perdirent dans le vague. Une journée sans le forum, pour
GentilScorpion, c’était impensable. Alors toute une semaine… Heureusement
qu’il pouvait compter sur Grand011. Lui était là. Ensemble ils auraient une
vision plus claire de l’ensemble. Enfin du moins l’espéraient-ils.
. 21 .
[extrait du journal de silver]
Si vous voulez savoir pourquoi les oiseaux chantent (mode d'emploi) :
Prenez un avion, montez à 4 000 mètres-sol et sautez. Vous tomberez
d'abord (un peu comme dans vos cauchemars d'enfant) mais bientôt l'air vous
portera et vous aurez l'impression de voler. Non, pas seulement l'impression.
Vous volez, le cerveau nettoyé de toute pensée. Avec juste le bruit de l'air qui se
frotte à vous - puisque vous chutez à plus de 200 km/h. (Chute, chuuuuut, chut.
Libre). 60 secondes de bonheur. Une éternité. Mais la terre commence à se
rapprocher, que faire ? Prolonger, quelques secondes encore ou remonter en
tirant sur les sangles du parachute.
Un jour peut-être on préfèrera ces quelques secondes.
Ne serait-ce pas une belle mort que de s'écraser ainsi sur un glacier. Se
reposer au milieu des montagnes (et peut-être chuter encore, mais vers le haut
cette fois)…
. 22 .
Le forum. Un va-et-vient de membres.
Le forum en avait vu des vertes et des pas mûres. De plus, avec les
hébergeurs qui devenaient un peu plus regardants avec le temps, il fallait faire
attention. Et que ce soit pour le forum ou le site en lui-même, il avait fallu faire
des sacrifices…
Un soir dans la team. Les esprits étaient fatigués. La situation devenait
plus que périlleuse. Quand on donne naissance à un bébé, l’important est qu’il
vive. Et si la situation était restée telle quelle, le bébé n’aurait pas fait deux pas
avant de se casser la figure. Et la décision était tombée, comme un couperet. Il
fallait mettre en place des limitations.
Croyez-le ou pas, mais certains en avaient pleuré.
Car quand on regarde un monde se créer et qu’on sait au fond de soi qu’on
peut être fier d’en faire partie, quand on sait que le mot le plus important de ce
monde est « Partage », avec une majuscule, alors on y réfléchit à deux fois avant
de faire le grand ménage, même si c’est pour permettre au monde de rester en
vie.
Certains administrateurs ou modérateurs avaient versé des larmes de
devoir passer le forum en accès privé. N’était-ce pas aller à l’encontre des
valeurs qui étaient portées aux nues dans la communauté ? Néanmoins, il fallait
en passer par là. Et concernant le site, il avait fallu mettre en place une limitation.
Pas plus de 20 connectés en même temps, pour alléger la bande passante et
éviter d’attirer de trop gros soupçons…
. 23 .
[ snake ]
Depuis la fenêtre de sa cuisine, snake contemplait le paysage. La rue qui
descendait en contrebas sur fond d’un soleil qui commençait à redescendre
lentement sur la droite, hors de vue…
Dans ses mains un scénario. Le sien. Son bébé. Le fruit d’une partie de sa
vie, et sa petite fierté. Sans doute le moment était-il venu de lui donner des ailes.
Restait à savoir comment. Il avait le choix entre le flanquer par la fenêtre pour
voir comment les feuilles iraient se perdre dans les rayons du soleil de l’aprèsmidi, ou alors l’envoyer à droite et à gauche, sous la lueur d’autres lampes de
bureau, sous d’autres yeux qui lui donneraient, ou pas, autant d’importance que
lui-même lui en donnait.
Il sourit à quelques anges et prit sa décision. Il ferma la fenêtre de la
cuisine. Et alla chercher son manteau. La poste n’était pas si loin à pied…
. 24 .
[ djedje ]
Djedje était malade. Fébrile, il se recroquevilla sous les couvertures.
Il pensait au forum, et regrettait de ne pouvoir y aller ces derniers jours. Il
adorait y lire des morceaux de vie, répartis dans les sections, il aimait y croiser
des gens…
Mais là, ce n’était pas possible. Il était trop malade.
. 25 .
Une limitation. Et des dizaines de posts de protestations avaient fleuri sur
le forum. Et des « Grrr », et des « Je n’arrive pas à accéder au site !!!!! », et des
« Là, je râle !!! ». A profusion.
A vous dégoûter de faire des efforts pour garder le site sur pieds.
Néanmoins, toute la team avait continué avec la même placidité et la
même humilité de répondre aux topics. Garder le sourire malgré les protestations,
et faire en sorte que les membres se rendent compte à quel point tout le monde
avait besoin de tout le monde. Tous dans le même bateau. En essayant de se
débrouiller pour qu’il ne coule pas.
Cela, beaucoup de membres l’avaient compris, et faisaient preuve de
beaucoup de patience. Après tout, le site était une chance, pas juste un
supermarché de la cerise où venir faire son marché chaque jour. Mais d’autres
personnes avaient du mal à se mettre ça dans le crâne, et ça donnait lieu à
quelques explications un peu houleuses sur le forum. Ceci dit, quand on y
réfléchissait, c’était peu cher payé le fait de restreindre l’accès alors qu’on
prônait la valeur du partage.
Mais là, c’était partager avec moins de monde ou ne plus partager du tout.
Le choix avait été vite fait.
Au pire, il fallait juste pousser un petit coup de gueule de temps en temps.
. 26 .
[scoubidou68]
En matière de coups de gueule, l’un des plus aptes à l’ouvrir était sans
conteste le gentil chien-chien du forum, scoubidou68. Même si derrière se
cachait un homme débordant de gentillesse.
Depuis janvier 2003, il faisait partie du forum et gardait les topics avec
assiduité. Un « ARF !! » par-ci par-là, un peu de « attention-je-vous-ai-à-l’œil »,
mais surtout beaucoup de bon cœur.
Enfin, en tout cas, actuellement il ne pouvait pas aller faire entendre ses
aboiements ou jappements de bonheur sur le forum pour la bonne raison que le
forum en question était en erreur 403 depuis le début de la semaine. Alors que
Sam se tuait à lui dire que ça devait merdouiller chez lui vu que tout allait bien
sur le serveur. Après vérifications de routine, analyses et re-analyses, suivies de
deux restaurations complètes du système, toujours le même problème ; c’était à
n’y rien comprendre.
. 27 .
[ zaza ]
En matière de coups de gueule, il y avait aussi zaza. Zaza l’homme à
l’avatar insupportable qui vous regardait du coin de l’œil… Zaza le susceptible
aussi… Mais plein de bonne volonté et animé d’un esprit de partage comme on
n’en voyait pas assez sans doute. Avide d’apprendre encore et toujours, il y
passait du temps. Ca demande du boulot de vouloir se lancer dans la recherche
nucléaire…
Lui aussi ne trouvait que cette page d’erreur 403 à la place du forum, et ça,
ça, c’était pire que de se poser la question de savoir si la fermentation du
glycérol allait bien donner du 1,3-propanediol ou pas… A s’en manger la
cravate. Beurk.
. 28 .
Un jour le vent avait commencé à tourner.
Et le Monde de Gigi paraissait surveillé.
Là, il y avait vraiment danger. Danger de voir tout s’écrouler, bien sûr,
mais aussi danger de voir certaines personnes convoquées là où il ne faut pas,
danger de vivre des confiscations de matériel et des études approfondies des
répertoires téléphoniques, enfin bref, tout le tralala qui va avec. Et ça, c’était
hors de question. Au-delà du partage, il y avait des vies humaines, des gens, qui
risquaient… quoi ? Après tout c’était bien flou, mais c’était surtout dangereux.
Et comme le vent tournait et que les comptes sur lesquels étaient déposés
les programmes disparaissaient à mesure qu’ils étaient remplis, comme il y avait
des dénonciations qui flottaient dans les airs, alors le temps était venu de faire
ses choix.
Ce que les administrateurs avaient fait.
Et la fermeture du site avait été prévue pour le 3 mars 2004, à 20 heures.
. 29 .
La fermeture du site.
Etait-ce la mort d’un bébé ? On pouvait le voir comme ça. Et se taper la
tête contre les murs.
Ou on pouvait le voir autrement, par exemple comme la fin logique de
quatre années magnifiques au cours desquelles il y avait eu un nombre
incalculable de partage entre des gens qui ne se connaissaient même pas, des
rencontres, des échanges, des sourires et des éclats de rire devant des topics qui
se barraient en sucette.
C’était sans doute ça qu’il fallait retenir.
Mais fermer le site avait été une épreuve bien plus que douloureuse.
. 30 .
[Message d’erreur relevé sur la page du site au moment même de sa fermeture,
le 3 mars à 20h07]
Warning: Unknown(): Your script possibly relies on a session side-effect
which existed until PHP 4.2.3. Please be advised that the session extension does
not consider global variables as a source of data, unless register_globals is
enabled. You can disable this functionality and this warning by setting
session.bug_compat_42 or session.bug_compat_warn to off, respectively. in
Unknown on line 0
Apparemment le site avait eu un peu de mal à mourir…
. 31 .
[Wolferine]
Passionné d'informatique depuis un peu plus d’un an mais encore novice,
Wolferine avait arpenté beaucoup de sites ou de forums sans vraiment trouver
une aide ou quelque chose d'intéressant. Et puis un jour, au hasard de ses
promenades sur internet, il avait découvert le Monde de Gigi. Et là, le bonheur.
Ce qu’il en avait pensé ? Il se disait que c’était un forum magnifique, et
même exceptionnel. Il y avait trouvé, de ses propres mots, convivialité,
sympathie, entraide et humour. Il avait trouvé une famille. Et des centaines de
personnes avaient suivi le même chemin que lui, en ayant les mêmes pensées.
Des milliers de gens venaient sur le forum au début pour y trouver de l’aide
concernant l’informatique, puis ils y restaient, pour l’ambiance. Et ils y
revenaient, parce que ça leur plaisait.
Wolferine regarda sa fille, la lumière de sa vie. La plus belle, évidemment.
Et il soupira en regardant le ciel, ému aux larmes devant tant de bonheur de la
voir jouer devant lui.
. 32 .
Si la fermeture du site relevait d’une « mise en sécurité » du Monde de
Gigi, le forum restait problématique. En effet, c’était quand même là le cœur de
tout, l’endroit où tout le monde se retrouvait pour parler mais aussi, et surtout,
pour échanger des liens et des cerises, des numéros de série et des programmes.
Il fallait faire en sorte de nettoyer le forum de toute trace compromettante.
Et le forum s’était transformé.
On avait supprimé les sections dangereuses pour ne laisser que celles où
la famille se retrouverait, juste pour échanger des idées.
Il restait le coin du feu, ainsi que les sections général, humour, au secours
et remerciements / coups de gueule. Il restait également la section inspirée par
Zargone, trucs et astuces, et la cuisine du Monde de Gigi, qui se trouvait sur un
autre forum, ne tarda pas à venir trouver sa place tout naturellement.
. 33 .
[Message trouvé lors de la transformation du forum, le 3 mars 2004 à 21h13]
Impossible de se connecter à la base de données
. 34 .
[Extrait du message affiché sur la page d’accueil du site]
Le site du Monde de GIGI est définitivement fermé
La faute à qui ??? A personne ! Nous sommes tout simplement fatigués.
Cela fait maintenant 4 ans que nous tentons d'apporter notre vision au monde du
W*rez.
4 ans que nous luttons pour un vrai partage sans aucune limite ! En créant
le Monde de GIGI nous avons essayé de créer un site que nous aurions aimé
trouver lorsque nous débutions. Sur cette idée là beaucoup d'entre vous nous ont
suivis et parfois même devancés en aidant les plus démunis mais surtout les plus
débutants d'entre vous. De cette union de personnes qui partageaient un même
but, le PARTAGE, est née la communauté du Monde de GIGI. Présente sur le
forum cette communauté ressemble de plus en plus à une famille ... et cette
famille restera soudée pour apporter aide et soutien à ceux qui en ont besoin
mais aussi échanges de discussions et de points de vue.
Le site est fermé mais le forum reste ouvert à ceux qui veulent avec nous
parler et discourir de choses et d'autres ... mais le W*rez ne sera plus présent.
[…]
Une page est tournée mais le livre reste ouvert, à vous de décider quel sera
le contenu des différents chapitres ... que ce soit ici ou ailleurs.
. 35 .
« Sam, on est dans la merde. »
Sam sortit de sa rêverie.
« Je sais, cat, je sais. Tu me l’as déjà dit quand on était dans la
maison. Tiens, voilà gigi. »
Gigi arrivait, courant presque dans le sable. L’air sombre.
« Salut vous deux. Alors, dites-moi, où on en est ?
- On n’en sait rien, c’est ça le problème, répondit Sam. On ne sait pas où
on en est. Les membres disparaissent, ne postent plus. En plus apparemment il y
a un bug monstrueux avec la base de données, je sais pas…
- On reçoit des mails et des coups de téléphone à n’en plus finir, dit
catalan. Tout a l’air de rouler partout dans la base mysql, tout a été vérifié et revérifié par Sam, mais beaucoup n’arrivent plus à accéder au forum. On est
submergés.
- Ok, bon, on va voir ça. Vous venez ?
- Gigi… , commença catalan.
- Quoi ?
- Non, rien… Enfin si. On est contents que tu sois là. »
. 36 .
Les heures qui suivirent furent les plus longues du Monde de Gigi. Les
restrictions, les fermetures temporaires ou définitives, ce n’était rien à côté de ça.
Catalan, Sam et gigi étaient comme des chirurgiens qui essaient de sauver
un patient malade. Avec de drôles de petites larmes au coin des yeux, ils
constataient l’étendue des dégâts, et ne trouvaient pas de réponses.
Ils décidèrent de dormir à tour de rôle, pour qu’il y ait toujours au moins
deux personnes sur le terrain.
Et ça dura…
Et ça dura…
Des jours, sans doute. Ou plus que ça.
. 37 .
Catalan dormait.
Et rêvait.
Dans son rêve, une voix d’enfant.
Il était sur la plage, assis dans le sable, le regard tourné vers les vagues,
perdu dans ses pensées.
Et dans son dos une voix de jeune garçon, tout douce : « C’est toi,
catalan ?
- Oui, c’est moi », murmura-t-il.
- C’est quoi, ton rêve ? » La question était si pure, si naïve…
Il soupira légèrement et se retourna vers le garçon, avec au bord des lèvres
une réponse de convenance, style « Je ne sais pas. »
Mais en voyant le petit garçon à la voix toute douce les mots battirent en
retraite. Il avait un sourire comme seuls en ont les enfants, et arborait fièrement
un tee-shirt rouge sur lequel était écrit en lettres blanches : « Je suis black
w@rrior_67 ».
Et catalan sourit dans son sommeil.
Il avait trouvé la voie.
. 38 .
Catalan descendit l’escalier et trouva Sam et gigi devant le pc. Ils avaient
une mine de déterrés.
« Je tiens quelque chose, écoutez-moi. Le Monde de Gigi, ce n’est pas
QUE le forum. Le Monde de Gigi, c’est bien plus que ça.
- Oui je sais, dit Sam. On le sait tous les trois.
- Derrière le forum il y a des personnes. Derrière un pseudo il y a une
personne. »
L’image du petit garçon au tee-shirt rouge lui repassa devant les yeux.
« Et ces personnes comptent sur nous. Il y en a beaucoup qui comptent sur
nous, qui tiennent à nous. Si ce que je dis a un sens, alors on peut les prévenir.
On peut leur dire qu’on est toujours là. On peut leur montrer. On va leur donner
rendez-vous.
- Comment tu veux faire ça ?
- Simplement. On va les prévenir. Mais pas par l’intermédiaire du forum.
De toute façon il est grillé, ça ne sert à rien de s’escrimer dessus. Sam tu vires
tout. Tu vides la base de données. Tu vires tous les membres. On repart de zéro.
On efface les sections, si ça se trouve elles sont infectées, il y a un truc qui se
ballade dedans, comme un virus on un truc du genre. Tu vides tout et tu nous
fais une jolie page d’index. Et sur la page d’index, on explique. Là, il n’y aurait
plus aucune raison que les membres, visiteurs, peu importe, ne puissent pas la
voir. Et on leur donne rendez-vous. »
Et des étincelles brillaient au fond de ses yeux.
« Quant à gigi et moi, on va prendre nos téléphones et on va se
débrouiller. »
. 39 .
Catalan et gigi passèrent des coups de téléphone, à toutes les personnes
qu’ils avaient dans leur répertoire.
« Tu as bien compris ? Noté la date et l’heure ? »
« Ok, qui tu peux prévenir ? »
« Ok, ça fait deux membres de plus, c’est bon, demande-leur de prévenir à
leur tour ceux qu’ils ont dans leur carnet »
« Tu pourras venir ? Ah cool. A bientôt alors. »
. 40 .
Et les membres, qui entre eux avaient noué des liens, se prévenaient par
mail ou par téléphone.
Et ça faisait une chaîne de personnes incroyable au bout du compte.
. 41 .
[La page d’index du forum]
Vous nous avez suivis pendant toutes ces années. Vous nous avez
appréciés, et vous avez partagé avec nous.
Aujourd’hui nous avons besoin de vous, et nous voulons vous prouver que
nous sommes là.
Nous vous donnons un rendez-vous. Un rendez-vous entre amis.
Nous serons dans le parc du Château de Versailles, près du grand canal,
le 03 juillet 2004. Aux alentours de midi.
Répandez l’information autour de vous.
Nous serons là.
. 42 .
Le rendez-vous avait été donné pendant les vacances, pour donner la
possibilité à un maximum de gens de se libérer, et de venir avec leurs enfants si
ils le désiraient.
. 43 .
« Allo, cat ? C’est Sam.
- Salut, Sam. Ca va ?
- Oui, ça va. Mais bon… Allez, je te le dis. Je suis stressé comme à mon
premier rendez-vous. Vous venez dormir à la maison avec ta femme demain ?
Ca vous fera moins de route pour après-demain.
- Ok, et gigi nous rejoint chez toi après-demain dans la matinée. On ira
ensemble. Tous les trois.
- D’accord… Cat ?
- Oui ?
- Nom de dieu, cat, j’ai peur. Peur qu’il n’y ait personne au bout du
compte.
- J’ai pensé à ça aussi, beaucoup. Et dans un sens, c’est vrai, il se pourrait
bien qu’il n’y ait pas grand monde. Voire même personne… »
Il regarda par la fenêtre. Le temps était au gris.
« J’ai peur aussi. »
. 44 .
3 juillet 2004.
Il faisait un soleil magnifique.
« Cassandra ? Va voir maman, ma puce… Papa revient bientôt. »
Angelarva ouvrit les yeux et vit une adorable petite fille en robe rose qui
avançait vers sa mère en titubant. Elle ne devait pas être loin de ses premiers pas.
Un peu éblouie par le soleil qui brillait de mille feux en cette journée si
particulière, elle mit sa main gauche en visière sur son front et sourit en voyant
les trois hommes qui s’avançaient vers elle, le long du chemin. A la limite,
l’espace d’un instant, on aurait presque cru qu’eux aussi en étaient à leurs
premiers pas. Ils avaient l’air à la fois déterminés et perdus.
Elle se leva du banc où elle était assise et les regarda approcher. Ils
avaient l’air épuisé de trois hommes qui cherchaient le sommeil sans le trouver
depuis plus d’une semaine, et pourtant, quand leurs regards se posèrent sur elle,
ils esquissèrent un sourire.
Elle soupira. Ils amenaient avec eux une telle histoire, tant de moments
vécus… Ils étaient épuisés, ils avaient de grosses cernes sous les yeux, et
pourtant ils avaient l’allure fière d’avoir traversé tant d’épreuves difficiles… On
aurait dit…
« Ils ont l’air si fatigués… », prononça une voix féminine derrière
angelarva. Cette dernière n’eut même pas besoin de se retourner pour savoir que
c’était ronie.
« Salut Caroline. Je suis contente que tu sois là.
- Je n’allais pas laisser passer l’occasion, tu penses bien. C’est trop bon de
voir ça.
- C’est bon de le voir, et c’est bon de le vivre… C’est une journée
magnifique. » Elle soupira un grand coup. « Mon dieu, regarde-les. On dirait
trois mousquetaires. »
. 45 .
« Ange ? », demanda catalan.
« Appelle-moi Gaëlle. Les anges c’est bon pour les pseudos. Tu as l’air
fatigué.
- Pas dormi de la nuit. On est resté avec Sam à attendre que le jour se lève,
à attendre que gigi débarque pour pouvoir se mettre en route.
- Je comprends. Je n’ai pas beaucoup dormi non plus. »
Ils restèrent là, tous, à se regarder. Puis angelarva prit catalan dans ses
bras, tandis que ronie faisait la bise à Sam, puis à gigi. Tout le monde se dit
bonjour.
Ils étaient tous profondément émus.
Sam brisa le silence.
« Nous sommes carrément en avance, non ? »
Et ronie lui répondit avec l’air un peu malicieux « Tout dépend de ce que
tu appelles carrément en avance…
- Qu’est-ce que tu veux dire ? »
Angelarva fit quelques pas en avant, puis se retourna.
« Vous venez ? J’ai quelque chose à vous montrer. »
. 46 .
Ils avancèrent.
Et passèrent un rideau d’arbres.
Et se trouvèrent juste à côté du grand canal.
. 47 .
Sur la pelouse, des dizaines, des centaines de gens. Des hommes, des
femmes, des enfants qui couraient en riant.
Des dizaines de couvertures posées par terre, et tout le nécessaire pour un
pique-nique réussi.
Des gens qui se serraient la main, ou qui tombaient dans les bras les uns
des autres.
Des gens qui arrivaient juste, à l’air ébahi de voir tant de gens réunis là,
des gens qui souriaient en disant « C’est pas vrai… ».
Des bribes de conversation « Ah c’est toi alors milexup ? », « Quelqu’un
aurait vu astérix ? », « …depuis le temps que j’ai envie de voir à quoi tu
ressembles… », « moi c’est djedje, et toi ? », « …tu crois qu’on le verra ? »,
« … c’est de toi qu’on m’a parlé alors ? », « Je te présente ma femme,
Marie… », « Enchantée… »…
Des gens.
Tous réunis.
Ensemble.
Les regards se tournèrent vers eux.
Parmi les gens qui les regardaient certains inclinèrent la tête, brièvement,
en signe de remerciement.
Les trois mousquetaires.
Jamais ils n’auraient cru ça possible. Et ça se réalisait sous leurs yeux.
Ils pleuraient.
Epilogue
[Extrait d’une conversation entre angelarva et Sam]
« Tu as trouvé alors ce qui empêchait l’accès au forum ?
- Je ne sais pas si c’était ça, mais j’ai trouvé un truc bizarre. Normalement
il n’avait aucun moyen d’infecter les ordinateurs. C’était les gens qui étaient
visés. Une espèce de ver, un virus. Mais inoffensif pour les PCs. Je n’avais
jamais vu ça…
- Un virus ? Bizarre, en effet. Et il s’appelait comment ?
- Attends que je me souvienne, c’était un truc du genre… Ah oui, ça y est,
ça me revient… W32.Emp@thy. Quoi ? Qu’est-ce qui te fait sourire ? »
Angelarva détourna le regard et regarda sa fille qui jouait avec les autres
enfants.
« Non, rien. Mais c’était pas un virus. C’était une chance. »
Ceci n’est pas une FIN…
(… le livre reste ouvert)
Empathie.
Nom féminin.
« Capacité de se mettre à la place de l’autre et de ressentir ses sentiments
et ses émotions »
« L'empathie suppose que vous soyez sensible, à tout moment, au flot
changeant des significations chez l'autre personne, mais aussi à sa peur, à sa
colère, à sa tendresse, à sa confusion ou à quoi que ce soit qu'elle est en train
d'éprouver. Cela implique que vous entriez pour un moment dans la vie de
l'autre, que vous vous y déplaciez délicatement, que vous perceviez les
significations dont l'autre est à peine conscient. » (Extrait de Carl Rogers, tiré
de Comprendre Carl Rogers, de Brian THORN, chez PRIVAT)
Remerciements :
Je tiens à remercier tous ceux dont les noms suivent, car ils m’ont tous
montré, à divers moments, que l’on pouvait y croire : croire au partage, croire à
la gentillesse, croire à tout ce qui vaut le coup que la vie soit vécue. Croire en
l’humanité.
Toutes mes excuses à ceux que j’ai oubliés, ceux qui n’ont été que
simples visiteurs mais qui ont su montrer une facette magnifique de leur
personnalité, ou ceux qui parfois ont su, en un seul post, me donner le sourire
d’une journée.
Merci à vous, et rendez-vous dans une autre vie. La vraie.
angelarva ([email protected])
MERCI à : @mapoire, ALBERT, alfbe, anacharsis, arlequin2k3, astérix,
auzan00, azerty99_71, bardamu, bedarix, bens02, berper100, bibibe, Bisounours,
bonobo, Breizhdin, bv, calimero25111, Captain, catalan, choupe, clod06,
daboum, dad, DedenK, DIOUL DU, djedje, doulcelena, Dream, engivled,
esoxlucius2004, esra, Eve, Firebirds, flagg, Foxy Devil, Géni@l Olivier,
GentilScorpion, Gentle, gigi, gquik, HarvestR, hulk15, jannot, jell, Jeff,
jmichelsuder, juanphi, jump2010, Kashtin, kesako, kitesurfer.dll, kromagne,
kwet, LA MATRICE, la mouche, Labulle, lancien, Laure., leouf, leroumain,
mikrofree, milexup, Mistral, Mitch, mlkjhg, mustang, nathbest, Neogege,
NonoST, obiwan-kanabis, orka, papi, PATOCHE, pelikan, penseur, PHARAON,
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