Nordea Stable Return

Transcription

Nordea Stable Return
LES INTERVIEWS GERANTS
de Philippe Maupas
Philippe Maupas est diplômé d’HEC (1987), titulaire du CFA et du diplôme de
Chartered Alternative Investment Analyst (Caia). Il est actuellement président de
CFA Society France, actionnaire de Quantalys et consultant, après avoir été
directeur général de Morningstar, de La Cote Bleue et de KNEIP SAS.
Nordea 1 – Stable Return Fund
LU0227384020
Asbjorn Trolle Hansen, pouvez-­‐vous nous donner plus d’informations sur la société Nordea, qui n’est pas encore bien connue en France? Nordea Asset Management (NAM) est le principal gérant d’actifs en Europe du Nord, avec plus de 160 milliards d’euros d’actifs sous gestion. NAM appartient au groupe Nordea, qui fait partie des 50 banques les plus sûres du monde. NAM est un acteur global et gère toutes les classes d’actifs. Nos produits sont distribués par différents canaux, captifs ou non captifs, à parts égales en termes d’encours. Nordea 1 – Stable Return Fund est géré par l’équipe Multi Assets de Nordea, comment est-­‐elle structurée et combien de personnes interviennent dans la gestion du fonds au jour le jour ? L’équipe Multi Assets a été créée fin 2003 pour augmenter notre capacité à délivrer une bonne performance avec régularité et à fournir des conseils de qualité en matière d’allocation d’actifs quel que soit l’horizon d’investissement des clients. Depuis cette date, la taille de l’équipe et les actifs gérés ont crû régulièrement. L’équipe est composée aujourd’hui de plus de 40 professionnels de l’investissement et gère plus de 50 milliards d’euros. De plus, outre la gestion financière, elle est également en charge de l’allocation d’actifs pour la banque privée du groupe Nordea. Le fonds Nordea 1 – Stable Return Fund est géré collectivement par 3 gérants de portefeuille, Asbjorn Trolle Hansen, Claus Vorm et Kurt Kongsted, qui s’appuient sur le reste de l’équipe Multi Assets. Nordea 1 – Stable Return Fund investit en actions, obligations (y compris convertibles) et en instruments monétaires, qui sont des classes d’actifs usuelles. D’autres classes d’actifs (matières premières ou stratégies de performance absolue) n’apporteraient-­‐elles pas une diversification et une décorrélation supplémentaires ? Trouver des actifs réellement décorrélés pour réduire le risque du portefeuille est un aspect très important de notre approche. De nombreux gérants pensent que l’empilement de nombreuses classes d’actifs permet d’avoir un portefeuille diversifié. Pourtant, quand les marchés sont très stressés, le bénéfice de la diversification disparaît généralement. Si l’on regarde la performance de nombreuses classes d’actifs en 2008, seulement les obligations sûres (par exemple les obligations d’Etat et les obligations sécurisées) ont enregistré une performance positive. L’or était l’exception à cette règle, mais on notera que le comportement de l’or est difficile à anticiper, et le cours de l’or encore plus difficile à estimer. Les CTA (Commodity Trading Advisor, des fonds intervenant sur les marchés à terme et suiveurs de tendance – trend followers) ont également obtenu de bonnes performances, mais dans la période ayant suivi la crise financière, un cycle de court terme (avec de forts renversements de tendances de marché) a conduit ces stratégies à enregistrer de très médiocres performances. Les matières premières et les stratégies alternatives en général n’ont pas apporté de diversification et ont baissé en 2008. A la place, nous préférons nous concentrer sur les quelques actifs réellement diversifiés, y compris pendant les phases de stress. Au sein des classes d’actifs les plus courantes (actions, obligations, monétaire), nous trouvons suffisamment de facteurs de performance décorrélés. Par facteurs de performance, nous entendons les primes de risque composant le rendement attendu d’une classe d’actifs. Par exemple, quand on investit dans une obligation Investment Grade, la performance dépend de deux facteurs principaux : la trajectoire des taux d’intérêt des obligations d’Etat (prime liée au risque de duration), dont les performances sont généralement bonnes quand les marchés sont stressés, et les spreads de crédit (prime liée au risque de crédit), dont les performances sont généralement bonnes quand les marchés aiment le risque. Ainsi dans une classe d’actifs traditionnelle, nous pouvons déjà trouver et isoler deux facteurs de performance ayant des comportements différents selon la position dans le cycle économique. Dans les actions (et notamment dans les actions à faible risque), nous trouvons également des facteurs de performance fonctionnant dans différents environnements de marché. Vous écrivez que votre approche de l’allocation d’actifs ne ressemble pas à celles de la plupart des fonds diversifiés. Qu’est-­‐ce qui vous différencie de fonds cherchant à maximiser la performance en faisant du market timing? De fonds utilisant une approche de type risk parity ? Par rapport aux fonds diversifiés traditionnels (60% actions /40% obligations), nous sommes totalement libres, de ce fait nous ne cherchons pas à battre un indice à tout prix. Nous gardons toujours en tête notre budget de risque (l’objectif étant d’avoir une faible probabilité de perte à un horizon de trois ans), et sur cette base nous recherchons les actifs ayant les primes de risque les plus élevées (correspondant aux rendements attendus les plus élevés). Nous ne recherchons pas à atteindre la performance maximum en acceptant le risque correspondant. Par rapport aux gérants de portefeuille à forte conviction faisant du market timing, notre allocation d’actifs est basée sur des vues de long terme (liées aux primes de risques). Nous n’avons pas la prétention d’être des gourous des marchés capables d’investir sur les bons actifs au meilleur moment. Nous cherchons plutôt à construire un portefeuille tout-­‐terrain, en combinant en permanence actifs “sûrs” et risqués afin de pouvoir traverser toutes les configurations de marché. Cela signifie que chaque classe d’actifs (selon qu’elle est sûre ou risquée) contribue proportionnellement au risque global du portefeuille. Utiliser les primes de risque nous permet de limiter les erreurs importantes dans les prévisions de rendement, car au fil du temps les investisseurs doivent capter la prime de risque d’un investissement. Notre philosophie d’investissement n’est ni du market timing, ni une simple allocation en fonction de rendements attendus, mais l’allocation d’un budget de risque à différentes classes d’actifs. Notre philosophie est similaire à celle des fonds Risk Parity mais la mise en œuvre est assez différente. L’une des principales faiblesses des fonds Risk Parity est leur dépendance élevée à la poche obligataire sûre pour générer de la performance (dans la mesure où cette poche représente une partie importante de l’actif en raison de son risque plus faible). Dans les dernières décennies, caractérisées par un environnement de baisse des taux, cette approche a bien marché, mais aujourd’hui le rendement attendu des obligations gouvernementales est très bas (le Bund allemand à 10 ans flirte avec le niveau de 1%). En outre, leur univers d’investissement est assez limité (actions, obligations, indices de matières premières), ils ne font pas de sélection de titres, ne sont pas efficients au sens de l’approche frontière efficiente et ont un budget de risque rigide (généralement assez élevé). Vous écrivez dans votre documentation commerciale que l’Allocation d’Actifs Stratégique (AAS) est relativement stable car elle découle d’une vision à 10 ans. Quelle est votre AAS aujourd’hui ? A fin juillet: -­‐
-­‐
-­‐
L’exposition nette aux actions était d’environ 35% La composition de la poche taux était ainsi : obligations d’Etat USA (avec une duration de 5 ans) environ 25%, obligations européennes couvertes et obligations hypothécaires danoises 20%, Cross Crédit Europe 2% Enfin, notre exposition au Dollar US était d’environ 22%. L’allocation d’actifs actuelle du fonds est très proche de l’Allocation d’Actifs Stratégique. Votre poche actions est avant tout composée d’actions que vous qualifiez de « stables ». De quelles actions s’agit-­‐il et en quoi constituent-­‐elles un meilleur investissement que les actions « non-­‐stables »? Le concept “d’action stable” est né et a été développé en 2005 par l’équipe Multi Assets de Nordea. L’équipe de recherche a prouvé que, contrairement au postulat du MEDAF – Modèle d’Evaluation des Actifs Financiers ou CAPM en anglais – les actions peu volatiles pouvaient générer une performance équivalente sur la durée à celle du marché, tout en ayant un risque très inférieur. Ceci nous a amenés dans l’univers où l’on trouvait déjà les portefeuilles traditionnels à faible béta. Ceci ne nous suffisait pas. Plutôt que de rechercher les seules actions à faible volatilité, Nordea est allé encore plus loin et a examiné la stabilité des composants du prix, des bénéfices, des dividendes, de l’EBITDA et des cash flows. Dans la mesure où ce processus de sélection regarde avant tout dans le passé, nous utilisons également un “radar de surprise” pour nous assurer que la stabilité observée sera pérenne. Il est important de noter que les aspects de valorisation influent sur nos décisions d’investissement. Les actions stables visent à surperformer le marché global avec seulement deux tiers du risque sur un cycle d’investissement complet. La sélection des obligations est confiée à l’équipe obligataire de Nordea alors que la sélection des actions est faite par l’équipe Multi Assets. Quelles sont les forces de l’équipe obligataire de Nordea ? Combien d’actifs gère-­‐t-­‐elle ? La sélection des obligations peut être confiée (mais pas toujours) aux équipes obligataires de Nordea, quand celles-­‐ci peuvent gérer une classe d’actifs avec un faible écart de suivi par rapport à un indice utilisé dans le processus d’optimisation de notre allocation d’actifs stratégique. Plutôt que d’utiliser un indice, l’équipe de spécialistes peut ajouter un peu d’alpha (sur le modèle d’un indice tilté) via la sélection de titres. Actuellement, c’est l’équipe Multi Assets qui gère la partie Obligations du Trésor américains dans la poche obligataire, car aucune sélection de valeurs n’est nécessaire. Les obligations hypothécaires danoises et les obligations sécurisées européennes (qui représentent plus de la moitié de la poche obligataire), sont gérées par l’équipe Nordea en charge des obligations en couronnes danoises et en euro, dont les actifs totaux sont supérieurs à 20 milliards d’euros et qui gère avec succès ces stratégies depuis des années. Les obligations hypothécaires danoises ont un poids significatif (9,73% du portefeuille à fin juin 2014, mais seulement 1,59% de la contribution au risque total), est-­‐ce justifié par leurs caractéristiques de rendement et de volatilité, ou s’agit-­‐il d’un biais domestique de votre gestion ? Il ne s’agit ni d’un biais domestique, ni d’un pari macro-­‐économique sur le marché danois. Nous trouvons dans ces obligations un potentiel attractif par rapport à d’autres obligations sécurisées européennes. La plupart de ces obligations hypothécaires sont de court terme dans le portefeuille (duration inférieure à 2 ans), ce qui explique leur faible contribution au risque. Nous préférons les obligations hypothécaires danoises courtes aux produits monétaires, elles offrent en outre un surcroît de rendement par rapport aux obligations gouvernementales core, avec une sécurité élevée en raison de leur structure même (double droit de recours contre le collatéral et le bilan de la banque). L’obligataire représente au 30 juin 55% de l’exposition nette du portefeuille et environ 40% de la contribution au risque, avec une importante position en bons du trésor des Etats-­‐Unis, une duration modifiée faible (2,66), un fort biais en faveur des émissions les mieux notées (AAA et AA) et une exposition presque nulle aux obligations haut rendement. Est-­‐ce que cette répartition reflète une vision macro-­‐économique? Comme nous l’avons dit précédemment, nous ne cherchons pas à faire des paris macro. Mais d’un point de vue stratégique de long terme et par rapport à la courbe des taux allemands, les Etats-­‐Unis, particulièrement la partie longue de la courbe, nous semble plus intéressante en terme de prix et offre un rendement intéressant. La majeure partie de notre poche obligataire sert à contrebalancer le risque des actions, c’est pourquoi nous donnons la préférence aux obligations de grande qualité, comme les bons du trésor américains et les obligations européennes sécurisées. Par rapport à l’historique du fonds, la duration actuelle est plutôt élevée, car nous trouvons la prime de risque de duration aux Etats-­‐Unis attractive. Vous mentionnez dans votre documentation commerciale l’importance du contrôle de risque ex ante et un objectif de probabilité de perte en capital inférieure à 3%. La perte maximum depuis le lancement du fonds s’est élevée à 17,52% (entre le 12/10/2007 et le 09/03/2009) : qu’est-­‐ce qui n’a pas marché dans votre approche durant cette période, quels enseignements en avez-­‐vous tiré et comment avez-­‐vous modifié votre approche (si vous l’avez modifiée) ? Le drawdown a en effet été élevé en 2007-­‐ 2008. Deux raisons : les actions stables ont sous-­‐
performé pendant la deuxième partie du rebond boursier (en raison de la sous-­‐pondération en financières) et ont souffert comme le marché global dans le mouvement de vente systématique de fin 2007 ; notre poche actions des pays émergents a baissé (nous étions alors exposés au marché global, pas aux seules actions stables). Il est important de noter que la probabilité de perte s’apprécie sur un horizon de trois ans. Quand on regarde la performance glissante à trois ans (graphique ci-­‐dessous), on voit que nous avons atteint cet objectif. Par conséquent, nous avons décidé d’augmenter légèrement la contribution au risque des actifs les plus sûrs (en 2008, la répartition était à parité entre les deux types d’actifs) et d’investir dans des actions stables des marchés émergents, pour avoir une exposition aux émergents mais avec un risque moindre (en 2011). Du 3 Novembre 2005 au 31 Juillet 2014, la performance annualisée du fonds (part BP EUR) s’est élevée à 4,55% et sa volatilité annualisée à 5,26% (données mensuelles). Les investisseurs peuvent-­‐ils compter sur comportement similaire dans le futur ou les attentes en matière de performance doivent-­‐elles être ajustées à la baisse en raison du niveau très bas des taux d’intérêt ? Nous sommes vraiment satisfaits de notre historique de performance et du profil risque/rendement de notre stratégie. Il est vrai que le contexte de taux bas est un défi pour de nombreux fonds diversifiés ayant un fort biais taux, qui ont pu obtenir d’excellentes performances avec un faible risque dans les deux dernières années, mais une telle performance sera difficile à répéter. En ce qui concerne notre stratégie, la performance a surtout été le fait de la poche actions stables, plus que de la baisse des taux d’intérêt et des paris de duration, tout en maîtrisant le risque. Si l’attrait pour les actions stables continue -­‐ ce qui devrait être le cas dans un environnement toujours incertain -­‐ et leurs valorisations restent attrayantes, nous pensons pouvoir continuer à délivrer de bonnes performances dans un environnement de taux bas. La réglementation se durcit et la rémunération variable de certains gérants de portefeuilles n’est pas toujours alignée avec les intérêts des investisseurs. Comment vous assurez-­‐vous chez Nordea que les bonus de vos gérants de portefeuilles sont bien en phase avec les intérêts de vos clients ? Nordea offre une rémunération compétitive, mais n’est pas parmi les institutions les mieux-­‐
disantes du marché. Notre approche en matière de rémunération reconnaît l’importance de packages équilibrés et fournit des packages différenciés adaptés aux objectifs de l’entreprise et aux pratiques locales, tout en s’assurant que ces packages encouragent une gestion des risques judicieuse et efficace, dissuadent une prise de risque excessive et ne soient pas en contradiction avec les objectifs de long terme de Nordea. Plus particulièrement pour le directeur des investissements, les gérants de portefeuille et les analystes, la rémunération se compose d’un salaire fixe et d’un variable annuel pouvant dépasser 100% du salaire fixe de base. Notre structure de rémunération est très compétitive afin de pouvoir attirer et fidéliser les meilleurs professionnels de l’investissement. Le bonus discrétionnaire dépend de : La performance sur 1 et 3 ans ; Une comparaison avec un groupe de concurrents ; La contribution de l’individu, la qualité de la recherche. Nordea encourage l’implication de long terme de ses collaborateurs via différents mécanismes. Créer un environnement qui décourage la prise de risque de court terme fait partie de nos meilleures pratiques. Créer un environnement de travail agréable et lier la rémunération à une vision de long terme fait partie des stratégies mises en place par la société pour motiver ses collaborateurs et les faire adhérer à sa vision. •
•
•
Cet entretien a été réalisé le 18 août 2014.