Moniteurs-Educateurs et Educateurs Spécialisés en

Transcription

Moniteurs-Educateurs et Educateurs Spécialisés en
Compte rendu du séminaire du 22 Octobre 2012
à Cambrai (59)
Droits d'auteur enregistrés, CopyrightDepot.com sous le numéro 00051635-1
Thématique :
« Moniteurs-Educateurs et Educateurs Spécialisés en
internat : même métier, même combat ? »
Ounane Aïssa
Le 22 octobre 2012, l'Association de réinsertion par l'éducation (ARPE)
a organisé un séminaire sur le thème de «Moniteurs-Educateurs et
éducateurs spécialisés en internat : même métier, même combat ?» dans
l'objectif de tenter de clarifier les compétences et les spécificités respectives
de chacun.
Etaient présents : Monsieur Jean-Raymond Wattiez, Président de la
Maison de l'Emploi de Cambrai, Mr Christian Hilaire, Directeur Général de
l'ARPE, Mme Odile Purvot, chef de service en charge des formations
sanitaires et sociales au Conseil Régional, Mme Laure Decouvelaere,
Secrétaire Générale d'UNIFAF, Fonds d'assurance formation de la branche
sanitaire, sociale et médico-sociale privée à but non lucratif, Monsieur
1
Francis Gosset, Délégué Régional de l'UNAFORIS, Union Nationale des
Associations de Formation du Champ Sanitaire et Social, et Mr Roland
Dequidt, animateur du comité local de la CRESS, Chambre Régionale
Economie Sociale et Solidaire.
Des professionnels en poste ainsi que des étudiants venus de diverses
écoles d'éducateurs étaient également réunis pour inscrire le débat.
Dans un premier temps, Mr Watiez a introduit la thématique en
basant particulièrement son intervention au travers d'une approche
historique en lien avec le métier de Moniteur-Educateur et d'Educateur
spécialisé. Il a affirmé que les fondements de ces deux métiers étaient
identiques, sous couvert du mouvement du scoutisme. Il a, par la suite,
rappelé la création des deux diplômes, celui d'Educateur Spécialisé créé en
1967 et celui de Moniteur-Educateur en 1970.
Dans ce contexte, Mr Wattiez a affirmé qu’à cette époque, on
commençait à tendre vers les distinctions des fonctions des deux
professionnels : « l'éducateur spécialisé s'adresse à un type de public, et le
moniteur-éducateur à un autre type ». Néanmoins, il a ajouté que les
différences sont souvent peu repérables pour les travailleurs sociaux et que,
du point de vue des financeurs, cela n'est pas assimilable.
Il s'est ensuite attardé sur l'intitulé du séminaire en interrogeant le
terme de « même combat? ». En effet, il a tenté d'apporter une réponse
assez explicite en orientant sa réflexion sur deux sens. Le premier est de
2
signifier que nous devons continuer le même combat au sens politique,
défendre la part éducative de notre travail, et de continuer à se battre contre
les inégalités sociales.
Le second sens a été plus spécifiquement abordé dans la
compréhension du terme « même combat », notamment dans un appel au
secours en faisant directement référence aux travailleurs sociaux.
Effectivement, comme il l'a fait remarquer : « on peut se demander où sont
les travailleurs sociaux? » ; « s'agit-il d'un combat à la Foucault? ». Il y aurait
ici une perte d'engagement de la part des éducateurs.
Dans cet angle, il a également abordé la nécessité de mener un
combat au niveau des contenus de la formation notamment sur celle de
l'Educateur Spécialisé. Il a mis en évidence le fait qu'il est nécessaire de
mettre en place un travail d'animation qui serait une piste d'évolution qui,
au-delà de l’exercice connu jusqu’ici, irait sur le champ de la notion de
passeur dans un contexte économique, politique.
La deuxième partie du séminaire a été organisé par Mr Hilaire qui a
présenté de manière synthétique la façon dont l'ARPE et l'organisme de
formation AFERTES ont tenté de repérer et de valoriser les spécificités du
Moniteur-Educateur et de l'Educateur Spécialisé au travers d’une rechercheaction.
A travers une étude et notamment une grille, les acteurs ont repéré
les compétences des deux professionnels. Il semblerait que l'action de
3
l'Educateur Spécialisé se situerait davantage sur un rapport de travail avec
les familles, de partenariat et réseau, alors que le Moniteur-Educateur se
situerait sur des animations de vie quotidienne, d'organisation... au sens
éclectique et noble du terme.
A ce titre, Mr Hilaire a également fait référence à la responsabilité des
institutions en notant que « c'est aussi les institutions qui portent l'absence
des distinctions » et que ce n'est donc pas forcément la faute des éducateurs
si beaucoup ont du mal à situer leur champ d'intervention.
Il a ensuite axé la question de l'engagement au centre de sa réflexion.
En effet, il a par exemple abordé le positionnement de beaucoup
d'éducateurs que l'on pourrait appeler (sans jugement) « Educateur à
l'occasion » notamment lors de la célèbre fête de Noël. En effet, beaucoup
d'éducateurs préfèrent rentrer chez eux pendant cette fête, se retrouver en
famille laissant enfants et adolescents « seuls ».
Concernant son positionnement quant à la distinction des fonctions
du Moniteur-Educateur et de l'Educateur Spécialisé, elle n'a selon lui aucun
sens. Il faut avant tout l'articuler vers le haut (niveau politique et
institutionnel). Il a affirmé qu'il faudrait un système éducatif universel en
France, un référentiel unique qui prendrait en compte les spécificités des
deux professionnels.
Au sujet de l'intervention de Mr Gosset, son point de vue est explicite.
En effet, il a davantage exprimé le fait que nous avons ensemble à mener « le
4
même combat » au niveau politique, social, mais que nous ne faisons pas
pour autant le même métier. Il faut entendre ici que les MoniteursEducateurs et les Educateurs Spécialisés doivent pouvoir militer contre
toutes les formes d'injustices mais qu'il faut parier sur la complémentarité
de ces deux métiers plutôt que défendre l'idée que nous « faisons tous le
même boulot » car les enjeux sont également cliniques.
Enfin, le séminaire s'est terminé par une synthèse du Psychologue Mr
Scuderi Christophe qui a corroboré les réflexions menées tout le long du
débat en développant davantage un sens critique.
Rappelant les grandes idées des différents protagonistes, il a émis
l'idée que « le même combat? » ne se situe pas entre nous mais bien contre
ceux qui détruisent progressivement et pernicieusement l'humain; évidence
que les éducateurs perdent de vue parfois.
Le psychologue a abordé différents niveaux dans la distinction du
travail du Moniteur-Educateur et de l'Educateur Spécialisé. Le premier
niveau fait référence au fait qu'effectivement, en pratique, on ne distingue
pas de différences entre le travail du Moniteur-Educateur et l'Educateur
Spécialisé en internat, mais qu'au niveau législatif il y en a (dans les textes, le
ME gère l'ensemble du quotidien, et l'ES est plutôt dans un rapport de
famille, partenariat).
Retenons ici qu'il est alors nécessaire d'allier complémentarité et
spécificités de chacun pour que les professionnels puissent se voir accorder
5
une place respective sans se « marcher dessus ». Notons aussi que les enjeux
sont souvent d’ordres institutionnels ce qui ne facilite pas toujours la
cohérence d'une mise en complémentarité.
Dans le second niveau, la différence est liée au sens éducatif en
internat. Monsieur Scuderi affirme que l'on manque de professionnels qui
pensent et réfléchissent sur leur pratique, et ce, que ce soit les MoniteursEducateurs ou les Educateurs Spécialisés.
Faisant référence à Foucault, il parle alors de la fin de l'idéologie. En
effet, le psychologue affirme que la perte de la recherche de sens est surtout
liée au fait que les gens ne croient plus en rien, que la quête de spiritualité
est rejetée de la part d'un grand nombre d'êtres humains. Il n'est rien de le
dire, cela a des répercussions sur nos pratiques et le sens même de nos
métiers.
Rappelons ici tout de même, qu'à la source, les métiers d'Educateur
Spécialisé et de Moniteur-Educateur proviennent d'une valeur religieuse, et
en ce sens, il appartient donc à chacun de prendre en compte cette
dimension et de ne bannir cette vérité.
Enfin, Mr Scuderi a terminé son intervention en interrogeant le sens
de la fonction éducative en expliquant que le travail éducatif est celui
d'accueillir des publics en difficultés, de les accompagner à surmonter leurs
souffrances, mais il faut considérer l'Autre comme étant notre semblable :
« l'enfant doit être l'idéal de nous ». En ce sens, les internats ne doivent pas
6
être des lieux de surveillance!
Outre les réflexions, des intervenants, des professionnels et
éducateurs en formation ont souhaité prendre la parole notamment en
mettant en exergue qu'il n'était pas judicieux de mettre « les professionnels
dans des tiroirs ». En effet, l'erreur est de croire qu'il suffirait d'être diplômé
Moniteur-Educateur ou Educateur Spécialisé pour se prétendre éducateur.
En d'autres termes, comprenons qu'il ne suffit pas uniquement d'être
(certifié éducateur) pour prétendre avoir la capacité à travailler avec les
familles, en partenariat, au quotidien, à penser sa pratique... La dimension
de la personnalité est donc à prendre sérieusement en compte.
Ce n'est donc pas forcément l'obtention du diplôme qui marque le
professionnalisme et les compétences, c'est le sens que l'on donne à sa
réussite, à sa pratique qui fait l'éducateur (ME/ES) ; c'est tout un art!
7