Christophe Bassons : "Ce qui se passait durant l`ère Armstrong, ça

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Christophe Bassons : "Ce qui se passait durant l`ère Armstrong, ça
16/01/2013
Christophe Bassons : "Ce qui se passait durant l’ère Armstrong,
ça se passe aujourd’hui"
RECUEILLI PAR JENNIFER FRANCO
Christophe Bassons était cet après-midi en Ardèche pour sensibiliser les jeunes sportifs au dopage.
(JENNIFER FRANCO)
Christophe Bassons, âgé de 38 ans, ancien cycliste professionnel, a marqué les esprits de 1999 à
2002 pour sa lutte contre le dopage. Un engagement qui lui avait valu l’éviction du Tour de France
sous la pression de Lance Armstrong aujourd’hui déchu de ses sept titres pour dopage. Christophe
Bassons, invité au Creps de Vallon-Pont-d'Arc, en Ardèche, a longuement évoqué cette affaire ainsi
que les aveux accordés par Lance Armstrong à la présentatrice américaine Oprah Winfrey.
Christophe Bassons est aujourd'hui professeur de sport à la DRJS de Bordeaux. Il s'est confié à Midi
Libre en exclusivité avant de sensibiliser les étudiants à la question du dopage.
Qu’attendez-vous de l’interview d'Armstrong réalisée par Oprah Winfrey ?
Je reste assez prudent pour l’instant. Il ne faut pas oublier qu’Oprah Winfrey travaille pour une
chaîne en lien avec Discovery, qui fut le sponsor de Lance Armstrong pendant des années. Cette
interview s’est par ailleurs déroulée chez lui. Je crois donc qu’il y a eu un ensemble de négociations
derrière tout cela. À mon avis, on ne connaîtra jamais la vérité. Je n’attends pas seulement des
aveux de Lance Armstrong mais qu’il aille plus loin. Si on veut que cela serve à quelque chose, il
faut changer tout le système actuel, les personnes à la tête des instances nationales et
internationales, les managers sportifs, les consultants télé, toutes ces personnes condamnées pour
dopage ou impliquées dans certaines affaires. Est-ce que Lance Amstrong va aller au-delà de ses
propres aveux et parler de la totalité du système qu’il a mis en place, je ne sais pas. Néanmoins, il
y a un autre aspect qui serait important dans ses paroles, c’est peut-être qu’il s’excuse auprès des
personnes à qui il a fait du mal. Je ne pense pas du tout à moi. D’une part, toutes les personnes
atteintes du cancer qu’il a trompées. D’autre part, celles à qui il a pu voler des victoires et détruire
psychologiquement. Sa démarche sert son propre intérêt, pas celui du cyclisme.
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Pensez-vous réellement que l’affaire Armstrong réglera le problème du dopage ?
En aucun cas. On m’appelle souvent en me disant, “c’est une revanche pour vous, c’est la preuve
que vous aviez raison il y a quinze ans”. J’entends, mais j’aimerais qu'on se dise : “Si Bassons avait
raison il y a quinze ans, il a peut-être raison aujourd’hui en disant qu’il y a toujours du dopage.”
Après l’affaire Festina, tout le monde avait dit cela va beaucoup mieux. Sauf qu’après, on découvre
l’affaire Armstrong. Entre-temps, il y a eu l’affaire Puerto dite Fuentes. Focalisons-nous sur le
présent. Si on veut être efficace en prévention, il faut se dire que ce qui se passait durant l’ère
Armstrong, ça se passe aujourd’hui.
Que pensez-vous de la position de l’Union internationale du cyclisme accusée par le Comité
international olympique d’avoir protégé Lance Armstrong ?
Le rapport de l’Agence américaine de la lutte contre le dopage a dénoncé fortement le mauvais
fonctionnement de l’Union cycliste internationale. Lance Armstrong a eu l’intelligence - on ne peut
pas lui enlever - de créer autour de lui un empire où il a tenu tout le monde comme il le voulait.
C’est pour cela que j’ai été très surpris quand l’UCI a décidé de sanctionner Lance Armstrong parce
que je savais très bien que si l’UCI le faisait tomber, il ferait tomber l’UCI.
Une décennie après l’affaire Festina, que pensez-vous de la réaction du peloton face aux cas de
dopage ?
Ce que je constate, c’est que lorsqu’il y a des affaires de dopage, les journalistes viennent me
parler à moi. Pourquoi ? Car parmi les coureurs ou les ex-coureurs, personne ne veut s’exprimer. Sur
ce plan-là, cela n’a donc pas beaucoup évolué. Il y a toujours un silence qui plane sur ce milieu.
Pour pouvoir parler, il faut assumer ce que l’on fait et être irréprochable. Sur un Tour de France, la
quasi-totalité des cyclistes est assistée médicalement. Avec ceux qui vont prendre des produits
interdits et tomber directement dans le dopage, et les autres qui vont rester dans le domaine de
l’autorisé. Quand vous êtes un cycliste professionnel et que les médias vous portent et le public
vous voit comme un athlète hors-norme, il est finalement difficile d’avouer que le Tour de France,
vous le faites parce que vous êtes assisté médicalement. Le jour où ces sportifs reconnaîtront que
leur performance de trois semaines de course, ils ne la doivent pas à eux seuls mais à une aide
médicale, ils pourront alors ouvertement parler des autres.
En 1999, vous avez subi d’énormes pressions, notamment de la part d’Armstrong qui vous a
poussé à quitter le Tour de France. Pouvez-vous revenir sur cet épisode douloureux ?
Avec du recul, je ne vais pas vous dire que le l'ai mal vécu même si ça a été une époque difficile.
Armstrong m’a dit clairement ce que tout le monde pensait. Sur le Tour de France de 1999,
personne ne parlait de dopage, moi j’ai osé. Je me suis mis à dos tout le peloton. Jusqu’à le
provoquer sur cette étape qui partait de Sestriere où il avait été décidé de rouler tranquillement.
Moi, je l’ai appris par un mécano, plus personne ne me parlant. J’ai alors décidé d’attaquer dès le
départ. Armstrong est venu m’attraper par l’épaule en me disant “que je faisais du mal au
cyclisme, que ce que je disais était faux et que je n’avais rien à faire ici.” Après, au sein même de
mon équipe, on m’a fait le reproche que si on ne gagnait pas c’est parce que je m’étais mis à dos
tout le peloton. Du coup, j’ai fini par craquer nerveusement au bout de la 16e étape. J’ai quitté le
Tour et j’ai enchaîné avec six mois de dépression derrière. Je reste persuadé d’avoir fait le bon
choix. Mais ce qui est le plus difficile, c’est que l’on a essayé de m’empêcher de parler.
Avez-vous parfois regretté de ne pas vous être dopé ?
Non. Parfois, il m’arrive de me demander comment j’ai fait pour être aussi strict dans mes
décisions. Parce que ça a toujours été un non absolu. Et maintenant que je travaille dans la
prévention où justement l’objectif c’est d’essayer de comprendre les décisions des uns et des
autres, je me dis que j’aurai pu glisser ver le dopage. Au départ, je crois que je suis rentré en
résistance. À l’époque, j’avais les meilleurs tests physiques de l’équipe, j’avais des capacités qui
faisaient penser que j’avais des qualités. Je voulais démontrer que l’on pouvait y arriver sans
dopage. Au bout de deux, trois ans, j’ai compris que ce n’était plus possible et fort heureusement,
l’affaire Festina a éclaté. L’affaire Festina m’a sauvé. Là, je me suis retrouvé dans un face à face
avec le milieu.
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Depuis 2002, vous faites partie de l’Agence pour la lutte contre le dopage en Aquitaine. Y a-t-il
eu une évolution dans ce sens-là ?
Les moyens de luttes ont beaucoup évolué, notamment en terme de détection de substances. Il y a
eu aussi la mise en place de la lutte contre les trafics de produits dopants. Désormais, les voitures,
les hôtels sont contrôlés par la police, la gendarmerie, les douanes. Et en France, ce qui fait peur,
c’est la justice. Après, les méthodes de dopage, elles évoluent aussi, tellement il y a d’enjeux. On a
toujours cette course de retard. C’est pour cela que je crois beaucoup en la prévention. Mais en
celle des conduites dopantes et non pas du dopage.
La pression subie par Armstrong il y a dix ans, aujourd’hui déchu de ses sept titres, vous laisset-elle un goût amer ?
Non. Ce qui me laisse amer c’est le temps perdu. Et ça depuis Festina car tout le monde dit vouloir
lutter mais au final nul ne se positionne. On stagne depuis quinze ans. Moi, j’ai l’impression de
prendre des risques depuis toutes ces années. Je me prends une claque de la fédération, qui, il me
semble, est censée me soutenir.
Le champion de l'anti-dopage suspendu
Le “Monsieur propre” du cyclisme a été sanctionné par la commission de discipline de la Fédération
française de cyclisme, pour ne pas s’être présenté à un contrôle antidopage, lors du championnat
de France de marathon de VTT, qui s’est déroulé le 1er septembre à Langon (Ille-et-Vilaine).
Pas connaissance du contrôle
"Au début, je pensais que cela était dû à des négligences de certaines personnes. Après, je me suis
dit que c’était tellement aberrant - en première instance j’ai été condamné à 14 mois - d’un
contrôle dont je n’avais pas la connaissance. En appel, le conseil fédéral reconnaît ma bonne foi
mais me sanctionne quand même d’un mois. Là, je me retrouve dans la situation où l’Agence
française de lutte contre le dopage se saisit de mon dossier. Il va falloir encore que j’aille me
défendre à Paris. À ce jour, cela m’a coûté 3 600 €, tout ça pour pouvoir essayer de montrer que je
suis innocent. Dernièrement, il a fallu que je provoque, volontairement par voix de presse, que
j’allais au tribunal administratif et me réservais le droit d’attaquer en justice le ministère des
Sports, qui est quand même mon employeur et l’Agence française de lutte contre le dopage, pour
manquements car ils ont fait des erreurs dans leurs missions. Et là, comme par hasard, on se saisit
du dossier. Chacun doit prendre ses responsabilités. Et ce sont ces gens qui sont à la tête de ces
instances gouvernementales ou autres qui vont aller dire aux sportifs “il faut parler, casser
l’omerta”. Mais eux ne prennent pas position."
Comment Armstrong s'est dopé
L'ex-coureur cycliste américain Lance Armstrong, déchu de ses sept titres sur le Tour de France et
suspendu à vie, va probablement avouer s'être dopé, jeudi soir, sur la télé américaine. Une question
demeure : comment a-t-il pu déjouer les contrôles antidopage pendant près de dix ans ? Sans doute
grâce à des fuites et des complicités au sein du système. Mais selon le spécialiste montpelliérain du
dopage sanguin, Michel, Audran, le Texan et son entourage savaient surtout parfaitement comment
utiliser les produits interdits pour déjouer les contrôles.
Commentaire :
Mila12 le 16/01/2013, 21h25La vraie "valeur" sportive d'Armstrong est celle de ses débuts pro : Un
bon coureur de classiques, incapable de "passer" la montagne dans le tour. Ensuite, le dopage prend
le relais ... Le plus grave, c'est qu'il a volé des victoires à des coureurs "propres" meilleurs que lui et
qui à cause des tricheurs sont passés à côté de grandes carrières. C'est cette "spoliation" qui est
impardonnable, et c'est pour cela qu'il doit rester suspendu à vie, même s'il avoue. En tous cas
chapeau M Bassons, pour votre courage et votre dignité, continuez la lutte
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