Privatisations en trompe

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Privatisations en trompe
MERCREDI 5 OCTOBRE 2016
LE TEMPS
Economie 15
Privatisations en trompe-l’œil à Moscou
PÉTROLE L
e Kremlin a autorisé le géant d’Etat Rosneft à participer à la privatisation du groupe Bashneft
EMMANUEL GRYNSZPAN, MOSCOU
t @ _zerez_
Après une altercation au sommet, le gouvernement a fini par
céder vendredi: Rosneft pourra
acheter les 50,08% de Bashneft
«privatisés» par l’Etat russe. Une
privatisation aux allures de renationalisation, car Rosneft – le premier groupe pétrolier russe – est
contrôlé à 70% par l’Etat. C’est une
victoire pour son patron, Igor
Setchine, surnommé le «Monsieur
énergie» de son vieil ami Vladimir
Poutine.
Pas moins de trois ministres
s’étaient publiquement élevés au
début de l’été contre la participation de Rosneft dans la privatisation du cinquième producteur
russe de pétrole. Il avait même été
question de reporter la privatisation à l’année prochaine. Mais le
budget russe ne peut attendre, et
le gouvernement a réitéré sa
volonté de procéder à la vente
avant la fin de 2016.
Formellement, il existe un autre
prétendant. Le second groupe
pétrolier russe, Lukoil – un groupe
privé –, s’est dit dans le passé intéressé par Bashneft, mais pas au
prix que Rosneft est prêt à payer.
Selon la presse russe, Igor Setchine
Le groupe public Rosneft pourra acheter les 50,08% de Bashneft «privatisés» par l’Etat russe. (SERGEI KARPUKHIN/REUTERS)
aurait proposé 5 milliards de dollars (environ 4,9 milliards de dollars) pour 50% de Bashneft.
Le plus gros morceau privatisé
par l’Etat russe est une part de
19,5% dans Rosneft (dont il gardera au final 50% plus une action).
Le premier vice-premier ministre,
Igor Chouvalov, a indiqué vendredi que l’intérêt pour cette part
venait «principalement d’investisseurs étrangers». Il a évalué à
un total de 15,9 milliards de dollars les recettes de l’Etat russe
PANORAMA
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Les Suisses s’attendent à des Creux de la vague surmonté
prix immobiliers en hausse dans l’industrie
En Suisse, deux tiers de la population s’attend
à une nouvelle augmentation des prix des
maisons et appartements ainsi que des taux
hypothécaires au cours des cinq prochaines
années. C’est ce que révèle une enquête
publiée par le spécialiste hypothécaire
MoneyPark et le réseau de courtiers AlaCasa.
ch mardi. Seule une personne sur sept
prévoit une baisse des prix de l’immobilier.
Ces attentes à la hausse sont à l’opposé de
celles de la plupart des experts immobiliers,
explique Stefan Heitmann, fondateur et
directeur général de MoneyPark. ATS
Durant le troisième trimestre, la plupart des
secteurs industriels ont enregistré une baisse
de leurs chiffres d’affaires par rapport à la
même période de 2015, selon le moniteur du
troisième trimestre de Credit Suisse. Mais la
tendance devrait s’inverser. Selon les
économistes de la grande banque, le creux de
la vague semble être surmonté. Pour le secteur
de la construction de machines, ils jugent les
perspectives modérément positives. En se
basant sur l’environnement global, ils
prédisent une croissance des chiffres
d’affaires en 2017 dans cette branche. ATS
La Comco sanctionne des
entreprises de construction
Adecco acquiert la société
américaine D4
La Commission de la concurrence (Comco) a
sanctionné sept entreprises actives dans la
construction de routes et le génie civil, pour
un montant total d’amendes d’environ
5 millions de francs. Elles ont pratiqué des
ententes illégales entre 2002 et 2009. Ces
sociétés se sont entendues sur les prix ainsi
que sur la répartition de plusieurs centaines
de soumissions publiques et privées dans les
districts de See-Gaster (SG), de March (SZ) et
de Höfe (SZ). Une huitième entreprise
impliquée n’a pas été sanctionnée en raison
de sa coopération, a indiqué mardi la
Commission de la concurrence. La décision
peut être attaquée devant le Tribunal
administratif fédéral. ATS
Adecco, numéro un du travail temporaire, a
acquis D4, spécialiste du recrutement de
conseillers en conflits sur les brevets et en
enquêtes numériques. La société américaine
dégage un chiffre d’affaires annuel de quelque
30 millions de dollars (environ 29 millions de
francs). Le montant de la transaction fait
l’objet d’une clause de confidentialité, a
indiqué mardi Adecco. Cette acquisition doit
renforcer la position dominante de l’unité
«Special Counsel» sur le marché du
recrutement de conseillers juridiques aux
Etats-Unis. D4 fournit une gamme complète
d’analyse de données et de services dans
l’innovation pour les cabinets d’avocats et les
entreprises. AFP
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pour la vente des parts des deux
groupes pétroliers.
L’analyste pétrolier Mikhaïl
Kroutikhine doute du désir des
investisseurs pour «une part
minoritaire [de Rosneft] ne donnant pas de réel droit de vote dans
Agrochimie
Syngenta
augmente
sa capacité
de production
Syngenta a achevé des projets
d’augmentation de capacité de
production sur des sites clés au Brésil
et en Suisse. Le groupe agrochimique
bâlois a investi 240 millions de dollars
(231 millions de francs) au total. Ces
investissements concernent deux
usines au Brésil ainsi que l’extension
du site de fabrication du
S-métolachlore à Kaisten (AG). ATS
un groupe qui, afin de rendre possible son expansion insensée, a
gagé auprès des Chinois une
énorme partie de sa production
pétrolière future. Les investisseurs
sérieux sont effrayés par la politisation de certaines décisions de
Rosneft, douteuses du point de vue
de la logique commerciale.»
Chatouilleux sur le chapitre des
privatisations, Igor Setchine a assigné en justice le quotidien RBK
pour avoir «nuit à la réputation»
de Rosneft. Et lui réclame la
somme record de 3,12 milliards de
roubles (50 millions de francs).
RBK avait mentionné une requête
d’Igor Setchine auprès du gouvernement russe pour que ce dernier
impose une condition supplémentaire à l’acheteur des 19,5%. A
savoir l’interdiction de passer un
accord d’actionnaire avec le pétrolier britannique BP, qui détient
19,75% de Rosneft. RBK avance que
Setchine veut éviter que BP ne
monte au capital son groupe,
jusqu’à posséder une minorité de
blocage, soit 25%.
Limiter le déficit public
Deux logiques apparemment
incompatibles s’affrontent dans la
nouvelle vague de privatisations
décidée par le Kremlin. La pre-
mière consiste à récolter des fonds
pour un budget de plus en plus
menacé par le déficit. Ce dernier
devrait gonfler à 3,66% du produit
intérieur brut, soit au-dessus de la
ligne rouge des 3% dictée par le
Kremlin, a indiqué lundi le Ministère des finances russe. La seconde
logique est de consolider le
contrôle de l’Etat dans le secteur
le plus stratégique qui soit pour la
Russie: l’énergie.
Parallèlement à la nationalisation du pétrole, Moscou s’efforce
depuis quinze ans d’augmenter sa
production pétrolière tout en refusant de coopérer avec l’OPEP. Avec
une inflexion depuis la semaine
dernière. Dans l’espoir de voir le
baril repartir à la hausse, Moscou
envisage de ne pas augmenter sa
production, qui culmine à
11,75 millions de barils par jour,
alors que l’OPEP vient de décider
une réduction de sa production.
Une «solidarité» dont beaucoup
d’experts doutent.
La Russie n’est pas la seule à s’efforcer de gagner des parts de marché. La concurrence au sein de
l’OPEP ne fait que croître, avec un
record de 33,75 millions de barils
par jour produits par le cartel en
septembre, selon une enquête
publiée mardi par Bloomberg. n