Les ventes avec primes et les ventes liées déloyales

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Les ventes avec primes et les ventes liées déloyales
Université de Montpellier I
CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU
MARCHE (UMR 5815 CNRS Dynamiques du Droit)
Master 2 Droit de la Concurrence et de la Consommation
Les ventes avec primes et les ventes
liées déloyales
Natasha MALVIYA
Directeur de recherche : M. Malo DEPINCE, Maître de Conférence à
l’Université de Montpellier 1, Co-directeur du Master 2 Droit de la
Concurrence et de la Consommation
2011/2012
1
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Les ventes liées et les ventes avec
primes déloyales
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4
Sommaire
Introduction…………………………………………………………………………p.7
Partie I : Le principe de légalité des ventes liées et des ventes avec primes : une
approche libérale plus juste du droit économique…………………………..……p. 15
Chapitre 1 : Une approche plus libérale : la modernisation du droit de la consommation
favorable à la concurrence……………………………………………….……..……p. 16
Chapitre 2 : Une approche plus juste : l’appréciation casuistique au service de l’intérêt
du consommateur………………………………………………………………...…..p. 34
Partie II : L’exception : les ventes liées et les ventes avec primes en tant que
pratiques déloyales : l’existence de possibilités de réprimer ces pratiques……..p. 54
Chapitre 1 : La déloyauté au sens de la directive, condition de la condamnation des
pratiques de vente liée et de vente avec prime……………………………..………..p. 56
Chapitre 2 : La contestation de l’approche casuistique en matière des ventes liées et des
ventes avec primes………………………………………………………..………….p. 78
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6
Les ventes liées et les ventes avec primes déloyales
Introduction
La refonte européenne du droit de la consommation est un thème qui occupe
l’actualité juridique de manière conséquente. Le Code de la Consommation a en effet
été modifié à de nombreuses reprises au cours des dernières années, souvent sous
l’impulsion des textes européens qui se multiplient dans le but de consolider le marché
intérieur par un droit économique unifié dans les différents Etats Membres de l’Union
Européenne.
Le droit de la consommation est un enjeu essentiel de la création de l’espace
européen de libre-échange car il régit les relations commerciales entre les professionnels
et les consommateurs, ce qui constitue une part essentielle des échanges économiques
réalisés en Europe. Ainsi, la législation dans le domaine de la consommation a une
influence majeure sur le commerce au sein de l’Union : la Commission a donc besoin de
veiller à ce que les Etats aient une indépendance limitée quant aux règles qu’ils peuvent
adopter en la matière.
Cette volonté du législateur européen de maîtriser le droit de la consommation a
donc un impact sur la manière dont le Code de la Consommation français envisage ses
infractions, notamment en ce qui concerne les nombreuses pratiques qu’il prohibe. En
particulier, on s’arrêtera sur les ventes liées et les ventes avec primes, qui connaissent
aujourd’hui une modification fondamentale dans l’appréhension de leur interdiction.
La vente liée ou vente subordonnée est le procédé qui consiste à vendre un bien
simultanément à un autre dans le cadre d’un seul contrat sans qu’il soit possible
d’acheter l’un sans l’autre. La vente avec prime, à l’inverse, s’analyse en la vente d’un
produit donnant lieu à titre gratuit à l’acquisition d’un autre produit. Ces deux pratiques
sont interdites par la Code de la Consommation, pour ce qui est des échanges
commerciaux entre professionnels et consommateur au sens de ce texte. Elles sont à ce
jour sanctionnées pénalement par deux ans d’emprisonnement et 150 000 euros
d’amende.
7
Section 1 : La définition des pratiques de vente liée et de vente avec prime par le
code de la consommation avant la loi du 17 mai 2011
Avant que ces textes ne soient modifiés par la loi du 17 mai 2011 dite de
simplification et d’amélioration de la qualité du droit1, les articles L 122-1 et L 121-35
définissaient respectivement les pratiques de vente liée et de vente avec prime.
L’article L 122-1 du Code de la Consommation en son alinéa premier décrivait,
jusqu’à la réforme, l’infraction de vente liée comme le fait de : « subordonner la vente
d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre
produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle
d'un autre service ou à l'achat d'un produit. » L’idée est donc d’interdire la pratique
consistant pour un professionnel de conditionner la vente d’un produit à l’achat
simultané d’un autre produit ou à la souscription à une prestation de service par le
consommateur, de ne proposer un bien à la vente que dans une quantité imposée ou de
vendre comme un lot plusieurs produits distincts.
L’article L 121-35 du Code de la Consommation en son alinéa premier
définissait jusqu’à la même réforme la pratique interdite de vente avec prime dans les
termes suivants : « Est interdite toute vente ou offre de vente de produits ou de biens ou
toute prestation ou offre de prestation de services faite aux consommateurs et donnant
droit, à titre gratuit, immédiatement ou à terme, à une prime consistant en produits,
biens ou services sauf s'ils sont identiques à ceux qui font l'objet de la vente ou de la
prestation. » Ce texte visait donc à interdire les primes à l’achat lorsque celles-ci sont
gratuites (et non les primes auto-payantes, où une partie du prix de la prime est intégré
au prix d’achat) et ne vise pas le fait d’augmenter la quantité du même produit acheté en
premier lieu (de type « pour deux achetés, un offert »). Par ailleurs, cette interdiction
comportait des exceptions, énoncées en son alinéa deuxième, notamment si ces primes
sont des « menus objets » qui sont les objets dont le prix n’excède pas 7% du prix
Toutes Taxes Comprises du produit vendu lorsque celui-ci a une valeur inférieure ou
égale à 80 euros, et dont le prix n’excède pas 5 euros plus 1% du prix du produit lorsque
la valeur de celui-ci dépasse les 80 euros. On cherchait donc par-là à interdire une
pratique susceptible de perturber la motivation de l’acheteur qui réalise la transaction
1
LOI n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit
8
par l’ajout d’un élément qui ne correspond pas au produit vendu, ce qui a pour
conséquences de gonfler artificiellement la consommation et de fausser le jeu de la
concurrence sur le produit faisant l’objet du contrat, dont les caractéristiques propres
sont minimisées par l’ajout d’une prime.
Section 2 : L’origine de ces interdictions et leur évolution
L’interdiction de ces pratiques a son origine, en France, pendant la Seconde
Guerre Mondiale et les années qui l’ont suivie, à une période économique difficile et où
les « consommateurs » - anachronisme puisqu’à l’époque le concept tel que nous le
connaissons aujourd’hui n’avait pas encore fait son apparition en France - étaient de
manière générale en situation de faiblesse toute particulière. En effet, l’article L 122-1
du Code de la Consommation interdisant la vente liée a été créé par la loi du 21 octobre
1940, qui visait à lutter contre la pratique des commerçants qui, pour écouler leurs
invendus résultant de l’état de pénurie, subordonnaient la vente d’un produit l’achat
d’un autre produit. L’interdiction de la vente avec prime par l’article L 121-35 est
intervenue un peu plus tard, par la loi n° 51-356 du 20 mars 1951 venant interdire le
« système de vente avec timbres-primes ou tous autres titres analogues ou avec prime en
nature », qui étaient des vignettes délivrées lors de la vente de certains produits qui,
collectionnées par le consommateur, pouvaient être échangées contre des marchandises
ou de l’argent. On reprochait notamment à ces pratiques d’inciter l’acheteur à acheter
davantage, de fausser la concurrence loyale qui devrait se faire sur les caractéristiques
propres du produit, et de justifier une augmentation des prix ou au moins empêcher leur
baisse.
Au fil du temps et avec le développement de la société de consommation, les
consommateurs sont devenus moins fragiles par rapport à ce type d’offres parce qu’ils
souffraient moins de difficultés économiques et parce leurs achats se sont multipliés, ce
qui a conduit dans une certaine mesure à une libéralisation progressive de ces pratiques.
En ce qui concerne les ventes subordonnées, la règle prévue par l’article L 122-1 s’est
vue assouplir par son application par la jurisprudence, qui a parfois accepté certaines
pratiques qui auraient été condamnées selon une stricte application du texte. Pour les
9
ventes avec primes, cet assouplissement s’est fait par des réformes législatives telles que
celle opérée par l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la
concurrence, qui a limité le champ d’incrimination en y ajoutant des exceptions.
Même avec cette libéralisation, ces pratiques sont restées interdites pénalement
par le Code de la Consommation en principe, de sorte que ces pratiques ne pouvaient
être considérée comme licites qu’à titre exceptionnel. Ce n’est que très récemment, en
2009, que cette vision a été modifiée pour la première fois.
Section 3 : La modification de ces interdictions par la directive 2005/29/CE du 11
mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales2
Le législateur européen s’est fixé comme objectif d’unifier le traitement des
pratiques commerciales dans les différents Etats membres au moyen d’une directive
d’harmonisation maximale : la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales
déloyales. Ce type de texte a la particularité de ne pas laisser les Etats légiférer au-delà
ou en deçà des dispositions du droit européen : ils doivent s’en tenir aux prévisions de la
directive sans chercher à les rendre plus strictes ou au contraire moins contraignantes
lors de la transposition en droit interne.
§1 : L’interprétation de la directive par la Cour de Justice des Communautés
Européennes dans l’arrêt VTB-VAB du 23 avril 20093
La France, et d’ailleurs bien d’autres pays, n’a pas tout de suite vu la portée
exacte de la directive 2005/29 CE, et le législateur ne s’est pas rendu compte que par
2
PE et Cons. UE, dir. n° 2005/29, 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises
vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive n° 84/450/CEE du Conseil et les
directives n° 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n°
2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, ci-après la « directive sur les pratiques commerciales
déloyales» Voir la reproduction en annexe 1 de ce document, p. 94
3
CJCE, 23 avr. 2009, aff. jtes C-261/07, VTB-VAB NV et C-299/07, Galatea BVBA (JOUE n° C 199, 25 août
2007)
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une harmonisation maximale, cette directive ne laissait plus de place aux interdictions
des pratiques commerciales ne correspondant pas à celles prohibées par le texte
européen. Il a donc fallu attendre pour cela une condamnation de la Belgique par la
Cour de Justice des Communautés Européennes pour l’interdiction de principe des
« offres conjointes », pratique qui s’apparente à la vente liée et à la vente avec prime,
dans une décision sur les affaires jointes « VTB VAB » et « Galatea BVBA » du 23
avril 2009.
Cet arrêt a bouleversé l’approche français du droit des pratiques déloyales
puisque c’est lui qui a mis en évidence le fait que ce droit est complètement géré par les
dispositions de la directive, et qu’il fallait s’y conformer depuis la fin du délai de
transposition (à partir du 13 juin 2007) alors même que les textes de droit interne ne
correspondaient pas à celui de la directive. Ainsi, on a vu à partir de 2009 des
juridictions françaises adopter le raisonnement de la directive en allant à l’encontre des
articles du Code de la Consommation cités ci-avant.
Le raisonnement à adopter en présence de tout type de pratique commerciale
accusée d’être déloyale est détaillé dans l’arrêt VTB VAB. Il s’agit donc tout d’abord de
s’assurer qu’il s’agisse d’une pratique commerciale d’une entreprise en direction du
consommateur conformément à la définition dans son article 2 d). Puis, pour déterminer
le caractère déloyal de la pratique, il faudra procéder à une analyse en trois étapes.
§2 : Le nouveau raisonnement imposé par la directive pour la condamnation des
pratiques commerciales déloyales
La directive dresse une liste dans son annexe 1 de 31 pratiques interdites en
toutes circonstances. Cette liste contient des pratiques qualifiées de trompeuses et
d’autres dites agressives, et les pratiques qui y figurent sont décrites avec un degré
important de précision. On pourra citer à titre d’exemple le point 9 de l’annexe qui
prévoit l’interdiction en toutes circonstances de la pratique trompeuse qui consiste à : «
Déclarer ou de toute autre manière donner l’impression que la vente d’un produit est
licite alors qu’elle ne l’est pas. », ou encore le point 24 qui prévoit la condamnation de
11
la pratique agressive constituée par le fait de « Donner au consommateur l’impression
qu’il ne pourra quitter les lieux avant qu’un contrat n’ait été conclu. »
A défaut de correspondre à l’une des pratiques listées en annexe, la pratique en
cause devra, avant de pouvoir être condamnée comme étant déloyale, faire l’objet d’une
appréciation concrète pour correspondre aux autres cas de déloyautés prévus par la
directive. L’arrêt VTB-VAB déclare justement que les ventes liées et les ventes avec
primes ne figurent pas dans cette liste, et devront, par conséquent, toujours faire l’objet
d’une analyse circonstanciée avant de pouvoir être condamnée. C’est là que s’opère le
changement de raisonnement : désormais, il ne s’agira plus de vérifier la conformité de
la pratique avec les définitions du Code de la Consommation, mais plutôt d’analyser les
éléments concrets entourant la pratique pour voir s’ils correspondent aux critères
d’appréciation des articles 5 à 9 de la directive, qui offrent des possibilités de
qualification de la déloyauté en fonction des conditions précisées par ces articles.
Dans un premier temps et toujours selon la Cour de Justice, il faudra rechercher
la correspondance entre la pratique et les définitions générales des pratiques
commerciales trompeuses et agressives donnée aux articles 6 à 9 de la directive.
L’article 6 donne une définition plus large des actions trompeuses, l’article 7 des
omissions trompeuses, l’article 8 des pratiques agressives et l’article 9 des pratiques
incluant le harcèlement, la contrainte ou l’influence injustifiée se rapprochant de l’idée
de l’agressivité4. Ces articles définissent les infractions mais citent également des cas
concrets où la pratique serait considérée comme déloyale. C’est certainement en raison
de ce degré de précision que l’on privilégie par rapport à l’article 5 l’appréciation en
fonction de ces articles : les pratiques qui y sont réprimées sont encore assez précises, et
ce sont les pratiques de nature à tromper le consommateur ou à le contraindre à
contracter.
En dernier lieu et en opposition avec l’interdiction de ces pratiques ciblées, on
doit rechercher le caractère déloyal d’une pratique en vertu de l’article 5.2 de la
directive, qui donne deux conditions cumulatives de la déloyauté : a) le fait pour la
pratique d’être contraire aux exigences de la diligence professionnelle, et b) le fait
qu’elle altère ou soit susceptible d’altérer substantiellement le comportement
économique du consommateur moyen auquel elle s’adresse. Ces conditions-ci sont
4
Pour les textes complets, voir la directive en annexe 1, p.94
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beaucoup plus larges, et n’ont plus pour but d’interdire un type particulier de pratiques
non désirées par le législateur, mais plutôt de permettre aux Etats de continuer
d’interdire à titre subsidiaire et selon une approche casuistique des pratiques ne pouvant
pas rentrer dans les définitions des pratiques trompeuses et des pratiques agressives
pouvant néanmoins être considérées comme déloyales en vertu des conditions posées ici
comme étant la base de toute déloyauté.
§3 : La conséquence de ce nouveau raisonnement pour l’interdiction des ventes
liées et des ventes avec primes : la légalité de principe
Les pratiques qui nous occupent, soit la vente avec prime et la vente
subordonnée, devront donc désormais, selon l’arrêt VTB-VAB, passer par cette
appréciation concrète des articles 5 à 9 pour pouvoir être interdites, et toujours au cas
par cas. Ces pratiques sont donc en principe licites, à charge de prouver leur illicéité en
vertu de ces dispositions.
De manière à éclaircir la situation, le législateur français a pris acte de cette
modification importante du droit des pratiques déloyales par la réforme du 17 mai 2011,
en ajoutant à la fin du premier alinéa de chacun des articles du Code de la
Consommation concerné (article L 121-35 et L 122-1) l’expression : « dès lors que la
pratique en cause revêt un caractère déloyal au sens de l'article L. 120-1 », (l’article L
120-1 reprenant les conditions posées par l’article 5 de la directive). C’est donc acté,
pour qu’une vente avec prime ou une vente subordonnée puisse être condamnée en
France, il faudra d’abord qu’elle soit qualifiée comme étant déloyale au sens des
dispositions de la directive. Ainsi, par une modification subtile de ces textes
soixantenaires, le législateur français révolutionne à son tour la méthode de répression
des ventes liées et des ventes avec primes.
Cette modification législative de grande envergure dans le domaine des
pratiques déloyales pose la question de la condamnation à venir de ces pratiques. Pour
comprendre la direction prise par ce changement d’approche, on se demandera dans
quelle mesure ces pratiques seront désormais interdites en France.
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Pour répondre à cette interrogation, on consacrera une première partie au
nouveau principe : la légalité des ventes avec primes et des ventes subordonnées (Partie
I), pour ensuite étudier l’exception : la condamnation de ces pratiques en tant que
pratiques commerciales déloyales (Partie II).
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Partie I : Le principe de légalité des ventes liées et des ventes
avec primes : une approche libérale plus juste du droit
économique
Désormais, la vente avec prime et la vente liée sont en principe licites. C’est
maintenant inscrit dans le Code de la Consommation : il faut rechercher le caractère
déloyal d’une vente avec prime ou d’une vente liée avant de pouvoir les condamner au
visa respectivement des articles L 121-35 et L 122-1. Autrement dit, ces infractions
pénales ne seront plus condamnées qu’en tant que pratiques commerciales déloyales au
sens de la directive 2005/29/CE, parmi une multitude d’autres pratiques plus ou moins
spécifiques.
La nouvelle méthode d’analyse de ces pratiques est un raisonnement casuistique,
qui accorde à une situation concrète une importance qui transcende les interdictions
générales. Cette approche qui a donc été introduite en droit français par le droit
européen illustre une volonté de moderniser les droits nationaux à la conception
paternaliste de l’économie et de libérer la concurrence (Chapitre 1), ainsi qu’une
volonté d’éviter des condamnations arbitraires pour au contraire aller au bout de
l’intérêt du consommateur par une approche plus juste au plus près de la situation
concrète (Chapitre 2).
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Chapitre 1 : Une approche plus libérale : la modernisation du droit de la
consommation favorable à la concurrence
Les articles L 121-35 et L 122-1 du Code de la Consommation sont non
seulement des textes pénaux à valeur sociale de protection des consommateurs, mais
peuvent également être invoqués en justice par les concurrents des accusés, constituant
ainsi de véritables gardes fous de la concurrence sur un marché. De ce fait, une
approche plus souple concernant les condamnations pouvant découler de ces textes met
le droit de la consommation en conformité avec l’étude des effets concrets des pratiques
restrictives de concurrence, (section 1), et contribue d’autre part à libérer la concurrence
(section 2).
Section 1 : Une approche concrète du droit de la consommation en adéquation avec
le droit de la concurrence
L’idée de l’appréhension concrète du droit n’est pas nouvelle dans la politique
législative européenne : le droit de la concurrence a connu, au cours de ces dernières
années, une révolution dans le sens de la l’adaptation à l’économie. En effet, ce droit
consiste à appliquer une règle juridique visant à encadrer une situation économique, et
se doit donc d’être proche de cette matière et de ses méthodes d’analyse. La directive
2005/29/CE traduit en fait cette approche dans le droit de la consommation, puisque les
pratiques commerciales qui affectent directement les consommateurs sont également
des éléments déterminants de la concurrence sur le marché.
La vente liée n’est pas qu’une infraction autonome du Code de la
Consommation : elle est également réprimée en tant qu’abus si elle est pratiquée par une
entreprise en position dominante, en vertu de l’article L 420-2 du Code de Commerce,
et peut donc, dans certaines circonstances, constituer une pratique anticoncurrentielle.
Sous cet angle concurrentialiste qui attache une importance croissante au contexte qui
entoure les faits jugés, l’appréciation de la vente liée a déjà été modifiée au cours de ces
dernières années par les instances européennes pour tenir compte des circonstances
16
concrètes de chaque espèce. Les institutions européennes ont donc déjà entamé la
modernisation de l’approche concurrentialiste de la vente liée (§1), et le nouveau
raisonnement de la directive 2005/29/CE transpose cette approche libérale dans le droit
consumériste (§2).
§1 : L’avènement européen de la modernisation de l’approche concurrentialiste de la
vente liée
Le tournant dans l’approche concurrentialiste des ventes liées s’est d’abord
manifesté dans la décision du Tribunal de Première Instance des Communautés
Européennes rendue le 17 sept. 2007 dans l’affaire opposant la Commission à la société
Microsoft5.
L’affaire concerne de nombreuses questions de droit de la concurrence,
notamment l’incrimination d’abus de position dominante dont la société Microsoft fait
l’objet. En effet, c’est au titre d’«abus » dans le cadre de sa position dominante sur le
marché que lui sont reprochées les autres pratiques litigieuses, dont la vente liée. On
compte parmi ces pratiques, la préinstallation de logiciels de tout type sur l’écrasante
majorité des ordinateurs, qui n’étaient pas uniquement des logiciels d’exploitation mais
également des logiciels de jeux ou du multimédia (par exemple Windows Media
Player), en rendant ainsi impossible l’acquisition d’un ordinateur sans logiciel Microsoft
préinstallé. Ce procédé était accusé de constituer une vente liée condamnée par le droit
des pratiques anticoncurrentielles au titre d’abus de position dominante de l’article 102
du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (le pendant européen de
l’article L 420-2 du Code de Commerce).
Dans cette décision, le Tribunal inaugure l’application de ce que l’on appelle
« la règle de raison », soit la détermination de la licéité de la pratique incriminée par
l’analyse au cas par cas de leurs effets économiques. L’objectif du Tribunal est en effet
de mettre un terme à la vision d’une vente liée qui n’aurait qu’à remplir les conditions
matérielles d’un texte pour être constituée. Jusque-là, on considérait que l’infraction de
5
TPICE, 17 sept. 2007, aff. T-201/04, Microsoft corp. c/ Commission : Contrats, conc. consom. 2007, 47, Focus
M. Debroux
17
vente liée se résumait à la réunion de conditions cumulatives : que la subordination
concerne deux produits distincts, que le produit liant soit en position dominante sur le
marché considéré, que le consommateur n’ait pas la possibilité d’acquérir l’un des deux
produits sans l’autre et que cela retreigne la concurrence sur le marché. Ces conditions
devaient donc toutes êtres réunies pour que l’infraction ne soit réalisée mais une fois
remplies, la pratique était condamnée : la vente liée ainsi définie était interdite en soi.
La méthode utilisée par le Tribunal pour caractériser la vente liée est modifiée
dans ce jugement, dans un premier temps par la recherche de l’« effet concret » de ces
pratiques sans présumer de l’illicéité d’une vente liée qui remplirait les conditions
énumérées ci-avant (A), puis par l’ajout d’une autre condition à la condamnation :
l'absence de justification objective au comportement reproché (B).
A)
La recherche de l’effet concret de la vente liée, rupture avec l’interdiction
systématique en cas de correspondance entre la pratique incriminée et les
conditions de l’infraction
Le Tribunal salue dans ce jugement la méthode utilisée par la Commission, qui
ne s’est pas contentée de rechercher si les faits reprochés à Microsoft étaient constitutifs
d’une vente liée selon les seuls critères cités, mais a, en plus de cela, rajouté comme
condition de la répression de ces pratiques le fait que celle-ci soit effectivement néfaste
pour la concurrence dans le cas concret.
Cette approche correspond à une nouvelle ère pour le droit européen de la
concurrence : on voit la volonté des juristes de se rapprocher le plus possible des
considérations d’ordre économique, puisque c’est une avant tout une situation
économique que ce droit régule. Le professeur David Bosco commentera cet arrêt en
affirmant que la décision s’inscrit dans une « approche économique de l’abus »6. En
effet, c’est l’époque où la Commission cherche à mettre en place des règles de
concurrence qui sortent de la rigidité purement juridique pour s’adapter à un droit basé
6
Contrats Concurrence Consommation n° 11, Novembre 2007, comm. 279 : Abus de position dominante de
Microsoft : le Tribunal de première instance confirme... et Microsoft se soumet ! Commentaire par David
BOSCO
18
avant tout sur des notions économiques. Elle estime que cette matière pragmatique
mérite, avant de dégager une solution juridique, une étude des situations concrètes.
Les juges européens mènent ce raisonnement dans cet arrêt de 2007, en
recherchant en fonction des données de l’espèce la restriction de concurrence
supposément causée par la vente liée de Microsoft. Voici un extrait de la décision
(points 1088 et 1089) qui illustre cette appréciation concrète :
« 1088 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la conclusion finale que
la Commission formule, aux considérants 978 à 984 de la décision attaquée, à propos
des effets anticoncurrentiels de la vente liée en cause est bien fondée. C’est, en effet, à
bon droit que la Commission y relève les éléments suivants :
–
Microsoft utilise le système d’exploitation Windows pour PC clients comme canal de
distribution afin de s’assurer un avantage concurrentiel considérable sur le marché des
lecteurs multimédias (considérant 979 de la décision attaquée) ;
–
du fait de la vente liée en cause, les concurrents de Microsoft se trouvent a priori dans
une position désavantageuse, et ce même si leurs produits devaient présenter des
qualités intrinsèques supérieures à celles de Windows Media Player (même
considérant) ;
–
Microsoft fausse le processus normal de la concurrence qui profiterait aux
consommateurs en rendant possibles des cycles d’innovation plus rapides sous
l’action d’une concurrence sans entrave fondée sur les mérites (considérant 980 de la
décision attaquée) ;
–
la vente liée en cause renforce les barrières à l’entrée liées au contenu et aux
applications, qui protègent Windows, et facilite l’apparition de barrières à l’entrée
similaires en faveur de Windows Media Player (même considérant) ;
–
Microsoft se préserve de la concurrence effective que pourraient lui opposer des
éditeurs de lecteurs multimédias potentiellement plus efficaces et réduit de la sorte les
talents et le capital investis dans l’innovation en matière de lecteurs multimédias
(considérant 981 de la décision attaquée) ;
19
–
par la vente liée en cause, Microsoft peut étendre son emprise sur les marchés de
logiciels multimédias adjacents et y affaiblir la concurrence effective, au détriment des
consommateurs (considérant 982 de la décision attaquée) ;
–
par la vente liée en cause, Microsoft envoie des signaux qui découragent l’innovation
dans toutes les technologies auxquelles elle pourrait un jour s’intéresser et qu’elle
pourrait coupler à Windows à l’avenir (considérant 983 de la décision attaquée).
1089 En conséquence, la Commission était fondée à exposer, au considérant 984 de la
décision attaquée, qu’il existait un risque significatif que la vente liée de Windows et
de Windows Media Player conduise à un affaiblissement de la concurrence tel que le
maintien d’une structure de concurrence effective ne soit plus assuré dans un proche
avenir. »
Cet extrait, et notamment la référence constante à la vente liée, est très
significatif des considérations concrètes de l’effet des ventes liées dans le contexte de la
vente de logiciels par Microsoft sur ce marché précis et par rapport à la position de la
société sur le marché. De plus, le Tribunal considère aussi l’usage fait par Microsoft de
cette pratique, et ce n’est que postérieurement à cette étude qu’il en vient à la conclusion
qu’effectivement, la vente liée telle que pratiquée par Microsoft est de nature à
restreindre la concurrence sur ce marché.
C’est donc dans ce contexte de modernisation du droit de la concurrence que le
Tribunal de Première Instance consacre, dans cette décision, une approche concrète en
matière de vente liée anticoncurrentielle en allant expressément à l’encontre d’une
condamnation per se de la pratique, conditionnée par la seule conformité aux critères de
définition théorique de la vente subordonnée.
Le deuxième aspect de cette décision qui renforce l’idée d’une appréciation in
concreto des situations de ventes liées est la recherche de justifications objectives de la
pratique en cause.
20
B)
La recherche de justifications objectives à la pratique en cause
Dans les paragraphes 869 et 1091 et suivants de la décision, le Tribunal pose
expressément une autre condition dans l'appréciation de la vente liée : l'absence de
justification objective au comportement reproché. Il subordonne ainsi toute
condamnation pour vente liée à l’absence de telles justifications.
La recherche de ce que l’on appelle des « justifications objectives », se traduit en
pratique par le fait de donner à l’entreprise accusée la possibilité de trouver des
arguments de défense alors que la Commission a déjà établi qu’en l’espèce le
comportement a pour effet de restreindre la concurrence sur le marché : il s’agit de
justifier la restriction de concurrence en attirant l’attention sur ses effets positifs. Ces
arguments doivent constituer des « efficacités positives », du même type que celles que
l’on recherche dans le but d’exempter au cas par cas les ententes illicites. On retrouve
comme grands types de gains d’efficacité, d’une part, les effets positifs de la pratique
sur la situation du consommateur : la baisse des prix, une meilleure qualité du service
ou du produit, davantage d’informations, une utilisation facilitée du produit. D’autre
part, il existe des gains d’efficacité pour l’entreprise dans son système de production par
exemple, le fait que la pratique la rende plus compétitive. On peut citer ici l’affaire qui
opposait en 2005 TPS à Canal Plus devant le Conseil de la Concurrence7. La société
Canal + pratiquait des remises de couplage, c’est-à-dire qu’elle offrait une remise sur le
prix total des abonnements lorsque le consommateur en choisissait deux au lieu d’un
seul. Le Conseil a cependant jugé que le fait que Canal + réduisait ses coûts en ne
vendant qu’un seul décodeur pour deux abonnements constituait un gain d’efficacité de
nature à pouvoir justifier la pratique restrictive de concurrence.
Le fait d’accorder cette justification du comportement même après la
qualification de vente subordonnée restrictive de concurrence en fonction des
circonstances de l’espèce est une démonstration forte de la volonté de ne condamner les
ventes liées que lorsqu’elles sont véritablement néfastes et qu’elles n’apportent rien au
consommateur et à la concurrence. On va encore plus loin dans ce sens, puisque l’on
affirme par-là que non seulement la vente liée est licite par principe, mais que même
7
Décision n° 05-D-13 du 18 mars 2005 relative aux pratiques mises en œuvre par le groupe Canal Plus dans le
secteur de la télévision à péage
21
dans des cas où les circonstances concrètes appelleraient à la condamner, elle pourra
être considérée comme étant licite du fait des considérations d’efficacité. Cette méthode
d’évaluation assied définitivement la licéité de principe des ventes subordonnées dans
leur approche concurrentialiste.
Par l’ajout de cette condition à la répression des ventes liées, le Tribunal affirme
d’autant plus la légalité des ventes liées. En effet, il ne s’agit plus de poser le principe
de légalité en conditionnant la condamnation à des considérations liées aux
circonstances de l’espèce, mais au-delà de cela, on a ajouté une condition négative à
l’incrimination : il faudrait donc, à l’inverse du raisonnement tenu jusqu’ici,
véritablement chercher à dédouaner le comportement, trouver des « excuses » au
recours à cette méthode de vente.
Il est par ailleurs important de souligner que même si cette approche est moins
répressive pour la vente liée, elle n’éradique pas complètement son interdiction. La
preuve en est que dans l’affaire Microsoft précitée, le TPICE a condamné la société
pour cet abus même après avoir mené le raisonnement pratique qu’on a décrit.
Le nouveau raisonnement prôné par la directive de 2005 sur les pratiques
commerciales déloyales correspond à la transposition dans le droit consumériste de cette
approche libérale.
§2 : Le nouveau raisonnement de la directive 2005/29/CE : la transposition de cette
approche libérale dans le droit consumériste
Au vu de la manière qu’a eu le Tribunal de Première Instance des Communautés
Européennes de traiter les ventes liées anticoncurrentielles abus de position dominante,
il n’est pas surprenant que soit modifié le droit de la consommation concernant ces
pratiques, de manière à suivre la volonté d’instaurer un droit le plus proche possible des
réalités économiques du marché intérieur.
22
Dans l’unification des différents droits nationaux que la directive opère par une
harmonisation maximale, l’objectif poursuivi n’est pas l’abolition de ces interdictions,
mais l’assouplissement de la méthode d’analyse de manière à correspondre au
raisonnement tenu en droit de la concurrence. Le rapprochement entre ces deux matières
est de plus en plus évident, comme le droit de concurrence a pour objet de réguler le
marché et pour effet de protéger le consommateur ; alors que le droit de la
consommation a pour objet de protéger le consommateur et pour effet de réguler le
marché.
En effet, la directive 2005/29/CE conserve une possibilité d’interdire ces
pratiques. Le législateur européen n’a pas pour objectif la légalisation inconditionnelle
de ces pratiques, la preuve en est que dans le « Programme préliminaire de la
Communauté économique européenne pour une politique de protection et d’information
des consommateurs »8 publié au Journal Officiel du 25 avril 1975, la Commission
affirmait que la vente avec prime était une pratique abusive à l’égard des
consommateurs, et qu’elle entendait protéger ces derniers contre ce procédé de vente.
Par ailleurs, on notera que même avec une approche extrêmement libérale de
l’appréciation de la licéité des ventes liées décrite au §1, cela n’a pas empêché la
condamnation de Microsoft par les juridictions européennes à plusieurs reprises au
cours des dernières années pour avoir eu recours à de telles pratiques abusives.
Il s’agit donc d’adapter le droit de la consommation à la nouvelle méthode
d’évaluation des pratiques en droit de la concurrence. Le droit de la consommation est
un droit qui influence fortement les échanges et l’économie. Il a vocation à protéger les
consommateurs, mais en imposant les règles aux professionnels, il restreint et dirige les
échanges sur le marché et délimite l’activité des professionnels au moyen d’obligations
et d’interdictions plus ou moins générales. De plus, les concurrents qui suivent les
dispositions légales à leur frais et parfois à leur détriment peuvent aussi engager une
action à l’encontre des professionnels qui n’observeraient pas leurs obligations légales.
Ainsi, le droit de la consommation va au-delà de sa finalité première pour devenir un
enjeu majeur dans la régulation des échanges. C’est pour cette raison que la
Commission Européenne y a accordé autant d’importance pour la construction du
8
Programme préliminaire de la Communauté économique européenne pour une politique de protection et
d'information des consommateurs publié au Journal Officiel du 25 avril 1975 - Numéro C 92 - Page 2
23
marché intérieur, et c’est aussi pourquoi il doit impliquer, avant toute interdiction
générale, une analyse de la situation du professionnel mis en cause, d’une part pour faire
face aux difficultés spécifiques des acteurs sur le marché, d’autre part pour appréhender
le plus justement possible les effets indésirables des pratiques dans des circonstances
concrètes. On veut apporter une mesure aux interdictions dont font l’objet les
professionnels, en adaptant les interdictions à l’importance de leurs effets sur les
consommateurs et sur leurs concurrents.
Ce droit doit donc suivre une approche aussi concrète que celle qui est
aujourd’hui caractéristique du droit de la concurrence dans l’Union Européenne, et
n’exister que dans une grande proximité avec l’économie. Dans les points 80 et 81 de
ses conclusions dans l’affaire « Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV »
rendues le 3 septembre 20099, l’avocat général Trstenjak avance même l’idée d’imposer
dans le droit de la consommation un « seuil de minimis » similaire à celui du droit de la
concurrence notamment dans le domaine des ententes et des concentrations, dans le but
de s’assurer de l’impact réel sur les consommateurs en fonction de la catégorie de
personnes protégée. Cette idée est en effet très présente dans la nouvelle méthode
prônée par la directive, puisqu’au moment de fixer les critères de la déloyauté, la
directive retient qu’il faut le faire en fonction d’une « altération substantielle du
comportement du consommateur ». Cet adjectif rappelle les qualificatifs des effets de la
restriction de concurrence sur le commerce entre Etats membres, qui doit être
« significative » pour attirer l’attention du juge européen. De même, l’arrêt de la Cour
de Cassation dans l’affaire « Orange Sports »10 en application du nouveau raisonnement
valide la vente liée au motif qu’elle : « n'était pas de nature à compromettre
sensiblement l'aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de
cause ». La Cour évoque ici clairement l’idée qu’avant de condamner une pratique, on
doit d’abord vérifier que ses effets sur le consommateur soient assez conséquents pour
le justifier. Elle transpose ainsi en droit de la consommation de la question de la
« sensibilité » de la restriction de concurrence causée par une pratique.
9
Conclusions de l’avocat général Trstenjak présentées le 3 septembre 2009. Cour de Justice des Communautés
Européennes 3 septembre 2009 C‑304/08, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV c/ Plus
Warenhandelsgesellschaft mbH
10
Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-15.304 et 09-66.970, FS-P+B, Free et SFR c/ France Télécom, Orange sports
et Ligue nationale de football : JurisData n° 2010-011628
24
Par ailleurs, ce changement de méthode correspond aux principes fondamentaux
de la jurisprudence européenne. Dans son considérant 6, la directive pose expressément
que « Conformément au principe de proportionnalité, la présente directive protège les
consommateurs des conséquences de ces pratiques déloyales dès lors qu’elles sont
substantielles, tout en reconnaissant que, dans certains cas, ces conséquences sont
négligeables. » Il s’agit donc de privilégier la liberté des échanges sur une approche
rigoriste qui tient à suivre aveuglément un principe sans attacher l’importance qui lui est
dû à l’impact véritable de la pratique sur le consommateur et sur le marché. En effet, le
principe de proportionnalité, principe essentiel d’appréciation du droit européen,
recommande d’analyser un texte de nature à restreindre les échanges entre Etats
Membres en mettant en balance les intérêts protégés et l’ampleur de l’interdiction. Lors
de cette analyse, on répond à la question de savoir si une protection efficace de ces
intérêts n’aurait pas pu être réalisée par une disposition moins restrictive. Le nouveau
raisonnement imposé par la directive est donc une transposition du principe de
proportionnalité, principe fondamental du droit européen, dans le droit de la
consommation français. On vise à chercher un équilibre entre la protection et
l’interdiction absolue, à trouver un juste milieu qui correspond aux circonstances de
l’espèce.
Le changement législatif opéré sous l’impulsion des institutions de l’Union
Européenne sur les ventes avec primes et sur les ventes subordonnées dans le cadre du
droit de la consommation constitue donc une nécessaire mise en conformité de ce droit
avec un raisonnement concret lié à l’économie et au marché, parallèlement à une
évolution similaire du droit de la concurrence auquel il s’apparente. En plus de
coïncider avec le droit de la concurrence, ce nouveau droit de la consommation est
favorable à la concurrence.
25
Section 2 : La légalité de principe des ventes avec primes et des ventes
subordonnées : une libéralisation de la concurrence dans le marché
commun
Pour permettre de comprendre l’évolution du raisonnement à l’égard de la
concurrence, nous devons dans un premier temps nous pencher sur les considérations
dirigistes qui avaient conduit à interdire les ventes liées et les ventes avec primes per se
(§1), pour ensuite mettre en évidence le fait que le changement de méthode favorise
également le jeu de la concurrence (§2).
§1 : Retour sur les considérations dirigistes ayant conduit à une interdiction per se des
ventes liées et des ventes avec primes
L’idée d’avoir un droit flexible et adaptable se distingue de l’intention des
rédacteurs des textes législatifs qui ont fondé, depuis plus d’un demi-siècle,
l’interdiction des ventes avec primes et des ventes subordonnées.
Même si ces pratiques ne sont généralement pas, à elles seules, de nature à faire
disparaître complètement la concurrence sur un marché comme le seraient des cartels ou
des abus de position dominante, elles ont été défendues en France au nom de la
protection de la concurrence, comme étant contraires aux résultats attendus dans des
situations de concurrence. On estimait alors que si, en ayant recours à ces pratiques, on
se faisait concurrence, on se faisait mal la concurrence, autrement dit une concurrence
déloyale. En effet, pour la vente avec prime, il s’agit de promouvoir la vente d’un
produit ou la prestation d’un service en attirant le consommateur au moyen d’une prime
annoncée comme étant gratuite, et pour la vente liée, de vendre plus en ne permettant
l’achat d’un produit qu’à la condition de l’achat d’un autre produit. Dans les deux cas,
le succès commercial du vendeur n’est pas dû aux mérites des produits vendus, mais à
leurs modalités de vente, plus ou moins honnêtes si elles précipitent ou faussent la
décision du consommateur, d’une part, ou si elles vont d’autre part jusqu’à contraindre
celui-ci à acheter un produit qu’il ne souhaitait pas acquérir. Or la concurrence, pour
26
continuer de correspondre à la conception européenne d’une concurrence pour le
progrès conformément aux idées à l’Ecole de Harvard reprises en Europe, doit avoir lieu
de manière à ce que la différence entre les chiffres d’affaires s’explique par de meilleurs
produits, une plus grande qualité, des services plus efficaces, des prix plus faibles ; et
non sur les astuces qui incitent les consommateurs à consommer davantage.
Il ne serait cependant pas incongru de se demander jusqu’où ces pratiques
divergent avec le but du progrès qu’on a décrit. N’existe-t-il pas des milliers de formes
de ventes avec primes et de ventes liées, non seulement en ce qui concerne les produits
qu’elles associent, mais aussi – et surtout – en ce qui concerne le contexte économique
qui les entoure : qui les met en œuvre, et sur quel marché ? La question qu’on se pose
dans ce changement de raisonnement, c’est : peut-il être juste d’écrire à titre définitif,
dans un texte législatif – et pénal, qui plus est – que de telles pratiques sont toujours
contraires à ce que l’on attend d’une situation de concurrence, même en prévoyant une
série d’exceptions ?
La Cour de Justice répond indirectement à cette question dans l’arrêt VTB-VAB
du 23 avril 2009 et dans ceux qui suivront en imposant aux législateurs européens (dont
un certain nombre avaient légiféré comme la France, notamment la Belgique,
condamnée dans cet arrêt déterminant) une approche concrète de ces situations, tout en
conservant comme mesure de la nocivité de ces pratiques la faculté pour le
consommateur de faire un choix véritablement avantageux, puisque, selon la directive,
l’un des critères de la déloyauté est justement l’altération du comportement du
consommateur par la pratique commerciale. Ce critère se rapproche des raisons citées
plus haut qui avaient conduit les législateurs à interdire ces pratiques dans un premier
temps, car il s’agit de vérifier que le consommateur a choisi en connaissance de cause :
pour déterminer si la pratique est déloyale : on s’en remet au jugement éclairé du
consommateur, ce qui équivaut à défendre les meilleures offres.
Certes, il faut rappeler que même si cela n’avait pas été le cas pour l’interdiction
des ventes à primes, la jurisprudence française avait déjà pris l’initiative d’assouplir la
condamnation des ventes liées en validant dans certaines espèces ces pratiques en
fonction de la situation concrète. En effet, dès 1981, le Tribunal de Grande Instance de
Paris avait jugé qu’une entreprise pouvait assortir son quotidien d’un supplément sans
tomber sous le coup de l’infraction de vente subordonnée car le supplément formait un
27
produit unique avec le journal11. D’autres juridictions ont utilisé l’exception générale de
« l’intérêt du consommateur » pour valider de telles ventes : par exemple, le Tribunal de
Police de Paris avait pris en compte le « besoin du consommateur courant » en matière
de ventes subordonnées dans le secteur des transports.12 Cependant, même si cela
suffisait à mettre le droit français en conformité avec le droit européen puisque
l’appréciation de cette conformité se fait en considérant à la fois les textes législatifs et
l’interprétation qui en est faite par le juge interne comme l’a affirmé la Cour de Justice
dans l’arrêt Von Colson13, cette situation était peu justifiable au sens des principes
fondamentaux du droit pénal. Le principe de légalité des délits et des peines impose en
effet que les textes répressifs soient précisément écrits, que les incriminations soient
clairement délimitées, et que pour chacune d’entre elles une sanction soit définie à
l’avance. De plus, comme le rappelle le professeur Stoffel-Munck dans un article de
200814, la loi pénale est d’interprétation stricte, et les magistrats devraient en principe se
tenir aux textes. C’est en ce sens qu’on peut saluer l’inscription dans les textes de ce
changement de méthode par la réforme du 17 Mai 2011 modifiant les articles L 122-1 et
L 121-35 du Code de la Consommation qui a rajouté aux textes préexistants la
recherche de la déloyauté de la pratique avant toute condamnation.
En suivant ce raisonnement, on est passé d’un état de rigidité héritier du
dirigisme économique d’après–guerre à une approche souple permettant d’être en phase
avec l’économie, qui ne peut s’analyser qu’en fonction des indicateurs concrets.
Le changement de perspective entamé par la Cour de Justice dès avril 2009 a
immédiatement été repris, sur le terrain de la concurrence, par les juges français qui ont
11
TGI Paris, 27 mai 1981, Madame Figaro
12
T. pol. Paris, 7 mars 1997
13
CJCE, 10 avr. 1984, aff. 14/83, Sabine von Colson : Rec. CJCE 1984, p. 01891 : « L'obligation des États
membres, découlant d'une directive, d'atteindre le résultat prévu par celle-ci, ainsi que leur devoir, en vertu de
l'article [267] du Traité [sur le Fonctionnement de l’Union Européenne] de prendre toutes mesures générales
ou particulières propres à assurer l'exécution de cette obligation, s'imposent à toutes les autorités des États
membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles »
14
Communication Commerce électronique n° 10, Octobre 2008, comm. 115 « Vente liée et logiciels préinstallés:
la préinstallation est une pratique légitime mais le prix des licences de logiciels doit-il apparaître
distinctement? » Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK
28
eu l’occasion de démontrer que le but poursuivi par l’interdiction rigide était également
défendu par une plus grande souplesse dans l’appréhension de ces techniques de vente.
§2 : Un changement de méthode favorable à la concurrence
C’est dans l’affaire dite « Orange Sport » que les juges français ont pour la
première fois pu faire application de l’appréciation in concreto d’une situation de vente
liée dans un contexte purement concurrentiel dans l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du
14 Mai 200915 (partiellement reproduit en annexe 2 de ce document, p.120), soit tout
juste après que l’arrêt VTB-VAB ait été rendu par la Cour de Justice. Cet arrêt vient
infirmer un jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 23 février 2009 qui
condamnait au contraire la pratique comme étant une vente liée interdite par l’article L
122-1 du Code de la Consommation.
Il s’agissait de la société France Télécom, qui proposait le service Orange Foot
mais uniquement aux abonnés « triple play » de sa marque Orange. Pour accéder à ce
service, il fallait donc absolument avoir préalablement contracté l’abonnement
d’internet haut débit d’Orange, qui comprenait également des chaînes de télévision et la
téléphonie fixe. L’impact de cette pratique était d’autant plus important qu’Orange avait
obtenu, suite à un appel d’offre, les droits exclusifs sur trois des douze lots de la Ligue
de football professionnel concernant la diffusion des championnats de football de la
ligue 1.
Des concurrents d’Orange proposant eux-mêmes des abonnements internet triple
play, les sociétés Free et Neuf Cégétel (cette dernière ayant été absorbée par SFR entre
temps), ont intenté une action contre France Télécom pour la vente subordonnée du
service Orange Foot (qui permettait de suivre les matchs de ligue 1 en direct, à
l’exclusion de toute autre chaîne en France) à l’abonnement triple play chez Orange.
Considérant que l’offre Orange Foot et l’abonnement en soi étaient deux produits
15
CA Paris, 5e ch., 14 mai 2009, SA France Telecom et SA Orange Sports c/ SAS Free et SA Neuf Cegetel
(absorbée par SFR), avec les interventions volontaires de l'assoc. « La Ligue de Football professionnel », de
l'assoc. nationale des ligues de sport professionnel et du min. Éco., Industr. et Emploi (DGCCRF Paris) :
JurisData n° 2009-003817
29
distincts, les juges du Tribunal de Commerce de Paris16 ont statué en première instance
en faveur des concurrents de la société Orange et ont condamné cette dernière, en lui
enjoignant sous astreinte la cessation de la subordination de l’accès à sa chaîne Orange
Foot à l’abonnement internet haut débit chez Orange.
L’arrêt d’appel, on l’a dit, vint infirmer ce jugement, suite à l’énoncé de la
nouvelle méthode par la jurisprudence VTB VAB rendue par la Cour de Justice des
Communautés Européennes le 23 avril 2009 et expressément citée par les juges de la
Cour d’Appel de Paris dans leur décision. Les concurrents ont en effet dans un premier
temps assis leur argumentation sur l’article L 122-1 du code de la consommation, article
prohibant la pratique des ventes subordonnées. L’argument fondé sur ce seul article a
été justement écarté par les juges d’appel qui ont rappelé la conséquence de la décision
novatrice de la Cour de Justice, toute récente à l’époque. A ce titre, la Cour rappelle
qu’il n’y a pas lieu de considérer l’interdiction posée par la loi française de manière
absolue, mais qu’il faut, pour être en conformité avec le droit européen, que
l’appréciation de ce texte soit faite à la lumière des critères posés par la directive. En
d’autres termes, l’interdiction posée par le droit français ne constitue plus une infraction
autonome, mais est conditionnée par les dispositions de la directive qui définissent le
caractère déloyal de la pratique dont dépend entièrement la condamnation.
Les juges du fond ont donc procédé à une analyse in concreto de la pratique en
fonction des critères de la directive et des arguments des concurrents SFR et Free. Ces
derniers ont, entre autres, invoqué le caractère agressif de la pratique, la rendant ainsi
déloyale en vertu de l’article 8 de la directive. Cette allégation a été rejetée par la Cour
d’Appel, mais on s’arrêtera sur la question de la contrainte énoncée à l’article 8 de la
directive comme étant le facteur déterminant de la pratique commerciale agressive.
Celui-ci dispose en effet qu’une pratique est agressive lorsque : « elle altère ou est
susceptible d’altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte,
(…), la liberté de choix du consommateur moyen à l’égard d’un produit, et, par
conséquent, l’amène à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise
autrement. » Ce texte renvoie à l’idée qu’une pratique peut être qualifiée d’agressive si
elle exerce une contrainte de nature à fausser la liberté du consommateur dans son choix
16
T. com. Paris, 23 févr. 2009, Free et Neuf Cegetel c/ France Télécom et Orange Sports, RG 2008/078679
30
commercial en faveur de tel ou tel produit. Les concurrents d’Orange évoquent donc
l’argument de la contrainte pour justifier la déloyauté de la pratique.
En réalité, on peut ici rapprocher cette idée de contrainte avec l’idée même qui
était à la base de l’interdiction per se des ventes subordonnées. En effet, l’un des
reproches majeurs qu’on a pu faire à ces pratiques, c’est qu’en liant l’achat d’un produit
à celui d’un autre produit, on restreint la liberté du consommateur, qui se voit alors
obligé, pour réaliser la transaction qu’il souhaite effectuer, à en faire une autre, ce qui
s’apparente à une vente forcée. C’est bien en l’espèce ce qui a pu choquer dans la
subordination d’Orange Foot à l’abonnement internet chez Orange : le consommateur
devra, pour accéder au produit dont il désire bénéficier, résilier son abonnement
éventuel chez un autre opérateur et ensuite contracter celui d’Orange, pour finalement
avoir accès au service qu’il désirait acquérir : la chaîne Orange Foot.
C’est à cet endroit-là que l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris fait intervenir
l’enjeu concurrentiel des pratiques. Pour affirmer qu’il ne s’agit pas là d’une contrainte
au sens de l’article 8, les juges repoussent les limites entre la déloyauté et le libre jeu de
la concurrence, en déclarant que ce que les concurrents d’Orange qualifiaient de
contrainte à la décision du consommateur n’est autre qu’une méthode de différenciation
des produits visant à les rendre plus compétitifs.
La Cour s’efforce ici de tenir un raisonnement concret, prenant en compte la
situation du marché sur lequel on se trouve. Elle retient que sur le marché de
l’abonnement internet-téléphonie-télévision, il est difficile de mettre en avant ses
produits et services d’une autre manière que par une concurrence sur les prix. En effet,
la distinction entre les différentes offres est faible dans le sens où le consommateur
moyen a des besoins limités dans ces domaines et où le degré de concurrence élevé sur
ce marché conduit les différents opérateurs à faire des offres similaires à des prix
comparables. Pour les juges d’appel – et c’est là que se confirme l’idée que la
libéralisation du droit de la concurrence est un enjeu majeur de cette réforme du droit de
la consommation - le fait d’offrir une chaîne avec des programmes que les autres
opérateurs ne sont pas en mesure de proposer constitue en réalité un rare argument de
vente dans ce secteur, et vise à rendre son abonnement plus attractif en le différenciant
des offres que pourraient proposer les concurrents. La Cour d’Appel insiste d’ailleurs
sur le fait que l’exclusivité obtenue par la société France Télécom s’est faite à la suite
31
d’un appel d’offre qu’elle a remporté en proposant d’investir une somme plus élevée
que ses concurrents.
Le pourvoi formé par la suite par les sociétés SFR et Free en cassation de cette
décision a été rejeté par la Chambre Commerciale le 13 juillet 201017, qui retient la
validité des arguments de la Cour d’Appel. Elle affirme, pour fonder ce rejet, que « dans
le cadre de la concurrence qu'ils se livrent, tous les fournisseurs d'accès à internet
s'efforcent d'enrichir le contenu de leurs offres pour les rendre plus attractives par (…)
l'acquisition de droits exclusifs sur des contenus audiovisuels cinématographiques ou
sportifs événementiels. » La juridiction suprême adopte donc la même position en
soutenant que la pratique d’Orange est davantage un facteur de concurrence qu’une
pratique restrictive de concurrence.
C’est bien là l’expression de la concurrence par les mérites, que l’on avait voulu
protéger par un texte répressif d’interdiction pure et simple. En effet, pour défendre la
légalité de cette pratique en vertu de la directive, les juges du fond s’appuient sur le
contexte du marché en cause pour affirmer que la subordination ne s’apparente plus à
une pratique restrictive de concurrence, et que même si la pratique présente les
caractères qui, sous l’empire du seul article L 122-1 du Code de la Consommation,
auraient suffi à constituer l’infraction, la situation concurrentielle dans le secteur fait de
cette subordination un critère de différenciation des offres de nature à accroître la
concurrence sur le marché. Ce procédé, dans ce cas concret et en tenant compte des
spécificités du marché étudié, constitue déjà une preuve qu’Orange a voulu se
démarquer de ses concurrents, en proposant un meilleur produit, plus attractif. On en
revient donc à l’idée de la concurrence dans le but du progrès économique, où celui qui
fait le plus de vente est nécessairement celui qui propose l’offre la plus avantageuse
pour le consommateur, bien loin de constituer une contrainte sur ce dernier. Les
décisions de la Cour d’Appel et de la Cour de Cassation sur cette affaire retentissent
comme une réponse au passé législatif de l’interdiction, en démontrant que le but de la
concurrence peut également être atteint en déclarant licite la vente liée.
La nouvelle définition de ces infractions a donc permis d’appréhender la vente
subordonnée comme étant un facteur de concurrence plutôt qu’une restriction de celle17
Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-15.304 et 09-66.970, FS-P+B, Free et SFR c/ France Télécom, Orange
sports et Ligue nationale de football : JurisData n° 2010-011628
32
ci, et a permis aux juges français de reconnaître qu’il ne s’agit pas là de libérer la
concurrence pour la libérer, mais qu’au contraire la libéralisation peut également
contribuer à une « bonne » concurrence, celle où ceux qui remportent la compétition
sont véritablement les plus efficaces.
La légalité de principe des ventes liées et des ventes avec primes contribue non
seulement à l’établissement d’un droit plus libéral conforme à une volonté d’assouplir
les règles du marché pour les rendre plus en phase avec les réalités de ce dernier, mais
se traduit également par la mise en place d’un droit plus juste, qui confère une place
importante à l’intérêt du consommateur dans le cadre de l’exercice de ces pratiques.
33
Chapitre 2 : Une approche plus juste : l’appréciation casuistique au service
de l’intérêt du consommateur
La place occupée par l’intérêt du consommateur dans la réforme est double :
premièrement, l’objectif du texte sur les pratiques commerciales déloyales est resté le
même du point de vue du consommateur puisqu’il vise sa protection (section 1) ;
deuxièmement, l’intérêt du consommateur occupe depuis la directive une place
autonome puisqu’on le considère comme un point de référence pour interdire les
pratiques de ventes liées et de ventes avec primes (section 2).
Section 1 : La conservation du but premier de l’interdiction : la défense des
intérêts des consommateurs
Le nouveau raisonnement de la directive 2005/29/CE a pour objet de défendre
les intérêts des consommateurs : par la méthode utilisée, car cette harmonisation des
droits européens est protectrice du consommateur (§1), par la nature de la règle
imposée, car en mettant en place une règle souple, elle cherche à se conformer aux
besoins des consommateurs (§2), et par les conséquences de la réforme sur la
concurrence , car un accroissement de concurrence est favorable à l’expression de
l’intérêt du consommateur (§3).
§1 : Une harmonisation des droits européens protectrice du consommateur
L’un des objectifs de la directive 2005/29/CE est l’élimination des barrières
juridiques aux échanges dans l’espace économique du marché intérieur. Cet objectif est
affirmé notamment dans les considérants de cette directive, qui énoncent comme l’un
des buts poursuivi par le texte celui de réduire les entraves au commerce transfrontalier.
En effet, le droit de la consommation ne s’est pas développé de manière uniforme dans
34
tous les pays de l’Union Européenne, et certains pays ont un niveau de protection très
faible du consommateur. Si les droits allemands et belges comportaient des dispositions
comparables à celles de notre Code de la Consommation en matière de ventes avec
primes et de ventes subordonnées, le droit espagnol est au contraire dépourvu de
législation en la matière. Or les divergences entre ces droits nationaux créent au sein de
l’Union une incertitude juridique de nature à dissuader les entreprises de se faire une
place sur des marchés juridiquement distincts. Le considérant 4 de la directive reflète
l’intention de supprimer cet obstacle aux échanges intracommunautaires : « [Les]
entraves augmentent le coût à supporter par les entreprises pour exercer les libertés
liées au marché intérieur, en particulier lorsqu’elles souhaitent s’engager dans la
commercialisation, lancer des campagnes publicitaires ou offrir des promotions
commerciales transfrontalière.» Pour y remédier, le législateur européen a choisi
l’harmonisation maximale des différents droits européens, qui permet de condamner les
législations nationales plus contraignantes ou moins sévères que les prévisions de la
directive, même si elles existent « aux fins d’assurer un degré plus élevé de protection
des consommateurs », comme le rappelle le point 52 de l’arrêt VTB-VAB. De telles
législations devront être modifiées pour se conformer à la directive, comme cela a été le
cas pour l’interdiction Belge des offres conjointes condamnée en l’espèce. Cette
démarche a pu faire craindre à certains que la directive ne consiste en réalité à diminuer
la protection des consommateurs dans les Etats qui, comme la France, disposaient de
prévisions législatives très complètes dans ce sens.
En réalité, l’harmonisation européenne du droit de la consommation est un
avantage pour le consommateur, en amont, parce que cette harmonisation se fait dans le
sens de la protection du consommateur (A), et en aval, parce que le consommateur
gagne en protection du fait de l’existence d’un droit unifié (B).
A)
L’harmonisation dans le but de protéger le consommateur en Europe
Même si la directive existe pour répondre à ce besoin d’unification du droit au
détriment des textes plus protecteurs de certains droit nationaux, elle indique également
et de manière répétée que cette unification s’opère dans une visée protectrice du
35
consommateur. En effet, il ne faut pas oublier que de nombreux Etats Membres avaient
jusqu’ici un droit de la consommation assez peu développé, probablement dû à leur
politique économique et à leur processus d’industrialisation. On ne retrouvait pas dans
leurs droits de codes autonomes de la consommation, et les règles régissant cette
catégorie de contractants n’étaient pas particulièrement protectrices. On pourra citer à
titre d’exemple la Roumanie, où les pratiques commerciales déloyales étaient soumises
au droit commun du Code Civil. D’autres Etats tels que la Slovénie, l’Estonie ou encore
Malte n’avaient aucune disposition dans ce sens. L’objectif d’unification en faveur du
consommateur est expressément cité par la directive dans son considérant 11 : « Le
niveau élevé de convergence résultant du rapprochement des dispositions nationales
assuré par la présente directive crée un niveau commun élevé de protection des
consommateurs. » Le but est donc d’unifier le droit, mais de manière à ce que le
consommateur soit protégé uniformément dans toute l’Union Européenne.
Dans le même considérant, on lit : « La présente directive établit une
interdiction générale unique des pratiques commerciales déloyales qui altèrent le
comportement économique des consommateurs. » : la directive a donc pour but d’unifier
le droit pour protéger les consommateurs en condamnant les pratiques qui leur sont
néfastes. En effet, la directive raisonne toujours en termes de protection du
consommateur, et on cherche à défendre cette catégorie de contractants à travers
l’interdiction en toutes circonstances des pratiques précisément décrites dans l’annexe 1
ainsi qu’à travers l’interdiction au cas par cas des pratiques trompeuses et agressives des
articles 6 à 9 et des pratiques visées à l’article 5 qui altèrent le comportement
économique du consommateur. Ces pratiques seront considérées comme déloyales selon
la directive parce qu’elles faussent le consentement du consommateur, soit par la
contrainte, soit par la tromperie ou par les procédés trompeurs. Toutes les interdictions
du texte ont un caractère protecteur de l’intérêt du consommateur: ce dernier est au
centre de la directive. L’unification des droits européens se fait donc dans le but de la
défense des intérêts du consommateur.
L’harmonisation des droits européens s’est donc centrée sur des considérations
protectrices du consommateur. Ce dernier bénéficie également de cette harmonisation
de manière indirecte, puisque le fait que les droits nationaux soient unifiés lui profite.
36
L’unification des droits nationaux en Europe : un avantage pour le
B)
consommateur
L’uniformisation du traitement juridique des pratiques commerciales est
également un avantage pour le consommateur. En effet, le considérant 4 de la directive
indique également l’intention d’apporter un bénéfice au consommateur de manière
indirecte, en créant pour lui une plus grande sécurité juridique au niveau de tous les
pays européens : « Pour les consommateurs, [les disparités de législation] entraînent
également des incertitudes quant à leurs droits et affaiblissent leur confiance dans le
marché intérieur. » Cette réforme leur donne une plus grande sécurité car leurs droits
sont les mêmes dans tous les Etats Membres. Ceci est particulièrement important à
l’heure actuelle, où les consommateurs se déplacent énormément, où le commerce
électronique se développe rapidement et où la mondialisation multiplie les éléments de
rattachement à différents droits nationaux. Avec la transposition de cette directive dans
les Etats membres, on n’aura plus besoin, pour savoir si une pratique est légale ou non
dans l’Union Européenne, à rechercher le droit applicable en fonction des différents
lieux de résidence ou de la nationalité des contractants, ni des lieux de signature ou de
prestation des contrats, car tous les droits contiendront les mêmes interdictions. Cela
aide considérablement les consommateurs à connaître leurs droits et donc à accepter
telle ou telle offre et éventuellement à savoir quand il est opportun d’intenter une action
en justice. Cette évolution est capitale car l’un des plus grands écueils du droit de la
consommation en général, c’est justement le manque de réaction des consommateurs,
souvent par manque de connaissances sur le caractère illégal de l’infraction dont ils sont
victime.
L’harmonisation des droits européens s’est donc faite dans un esprit favorable au
consommateur, en veillant à ce que ces droits nationaux intègrent des dispositifs de
protection du consommateur, mais aussi parce que le fait que les infractions soient les
mêmes dans tous les Etats membre permet au consommateur de connaître ses droits à
tout moment lors d’une transaction intra-communautaire. L’assouplissement de la règle
est aussi un avantage apporté au consommateur par cette réforme.
37
§2 : Une règle souple en conformité avec les besoins des consommateurs
L’objet de la directive 2005/29/CE est, comme on l’a exposé, d’abolir des
législations nationales incriminant en toutes circonstances la vente liée et la vente avec
prime, au profit d’une règle souple visant à étudier les circonstances de l’espèce avant
de pouvoir se prononcer sur leur légalité.
Bien qu’elles apparaissent comme étant une protection infaillible du
consommateur de par leur caractère absolu, on peut se demander si ces règles anciennes
d’application rigide n’allaient pas trop loin, même en ce qui concerne de la protection
du consommateur. Michel Pédamon18 décrit le but principal du texte incriminant la
vente avec prime comme étant de « prémunir les consommateurs contre leurs propres
faiblesses ». De même, les travaux préparatoires de la Loi n° 51-356 du 20 mars 1951
créant l’interdiction de la vente avec prime citent l’idée qu’elle intervient pour
empêcher que « le consommateur ne se trouve lésé et poussé à des achats hors de
proportion avec ses ressources »19. Dans cette conception, on considère que le
consommateur n’est pas à même de prendre la décision de contracter ou non alors même
qu’il est en présence de toutes les informations lui permettant de faire son choix en
connaissance de cause : on veut réguler jusqu’à sa décision commerciale, et on a une
vision très négative des pratiques commerciales. L’intention derrière l’interdiction
absolue semble donc aller très loin à l’encontre de la liberté contractuelle en considérant
presque le consommateur comme un incapable, et elle est contraire à l’objectif que
l’Union Européenne souhaite donner aujourd’hui à un texte de droit économique. On ne
veut plus que la loi fasse une si grande ingérence dans les contrats privés, mais plutôt
responsabiliser les différents acteurs de manière à pouvoir supprimer les interdictions
trop lourdes, et ainsi libérer les échanges.
Comme l’évoque le professeur Muriel Chagny dans son intervention lors du
Forum Trans Europe Experts (TEE) sur le thème « Les enjeux juridiques européens » le
18
M. Pédamon, La réglementation des ventes avec primes : entre droit de la consommation et droit de la
concurrence, in Études de droit de la consommation : Liber amicorum Jean Calais Auloy, éd. Dalloz 2004, p.
830
19
Travaux préparatoires à la loi : JOAN, 29 juill. 1950, p. 6126
38
31 Mars 201020, la question du degré de protection des consommateurs est précisément
liée à la question de la qualité de la règle juridique qui la régit. Elle soutient en effet
cette thèse en avançant qu’une règle d’interdiction systématique présente l’inconvénient
d’être paternaliste pour le consommateur sans chercher ce qui lui nuit effectivement ;
elle ajoute également que si l’on fait confiance aux juges sensés appliquer la règle,
« une pratique effectivement nocive pour le consommateur ne devrait pas échapper à
une condamnation judiciaire. » Selon ce raisonnement, le consommateur ne devrait pas
s’inquiéter du passage d’une règle stricte à une règle souple, et il devrait au contraire
s’en réjouir puisque cela serait de nature à le libérer des interdictions inutiles de
pratiques qui ne l’affectent pas considérablement, pour lui permettre de voir sanctionner
justement les pratiques qui lui portent véritablement préjudice.
Le fait que la règle selon laquelle les pratiques sont condamnables se soit
assouplie est donc un avantage apporté par cette réforme au consommateur. Plus
indirectement, l’accroissement de la concurrence dû à la nouvelle règle européenne
bénéficie également au consommateur.
§3 : Un accroissement de la concurrence favorable au consommateur
La volonté d’unifier le droit en vue de libérer les échanges dans le marché
intérieur étant mise en avant dans la directive, certains auteurs craignent que ce but ne
fasse de l’ombre à la volonté de protéger le consommateur des pratiques déloyales, et
que le texte ne soit avant tout animé par la motivation de multiplier les transactions
plutôt que de celle de protéger le consommateur. Dans un article paru peu après l’arrêt
VTB VAB, le professeur Guy Raymond écrit en effet au sujet de cette réforme : « on
regrettera que le droit communautaire se montre moins soucieux de la protection des
20
LES ENJEUX JURIDIQUES EUROPÉENS 31 mars 2010 Chambre de commerce et d’industrie de Paris,
Atelier Droit des contrats, de la consommation et du commerce électronique sous la présidence de Martine
Behar Touchais, professeur à l’Université de Paris Descartes (Paris V) « L’harmonisation totale du droit de la
consommation dans le marché intérieur : amélioration ou dégradation du droit de la consommation en France?
Illustration : les ventes liées à l’épreuve de la directive sur les pratiques commerciales déloyales » Muriel
CHAGNY
39
consommateurs que d'établir un régime de libéralisme économique, certes tempéré,
mais libéralisme quand même, dans l'espace européen et donc en France»21. En effet,
on pourrait penser que même si le consommateur a une place de choix dans ces
dispositions, l’avantage recherché est finalement celui des professionnels, qui
bénéficient in fine de plus de marge de manœuvre puisqu’on diminue (pour la France) le
degré d’interdiction qui passe d’être absolue à relative, et ils bénéficient en plus par
ricochet d’une plus grande confiance des consommateurs qui auront donc tendance à
consommer plus en général. Cependant, la libéralisation des échanges a pour
conséquence un accroissement de la concurrence sur le marché, qui est avant tout un
gain pour le consommateur. Plus de concurrence sur un marché veut dire un plus grand
choix pour le consommateur sur les produits. Il a donc une voix plus importante: pour
remporter le jeu de la concurrence, les entreprises devront s’efforcer de proposer des
offres de plus en plus attrayantes pour le consommateur. Cette idée est avancée par le
professeur Muriel Chagny, qui écrit : « cette liberté accrue peut apparaître favorable au
développement de la compétition, dans l'intérêt notamment... du consommateur, du
moins si son exercice est assorti d'un contrôle destiné à sanctionner les abus et
déloyautés. »22
On peut soutenir cette idée en reprenant l’exemple de l’affaire « Orange
Sports »23. Dans cette affaire, la Cour d’Appel de Paris a validé la subordination de
l’accès à la chaîne Orange Foot à la souscription de l’abonnement internet Triple Play
chez Orange entre autre au motif que la liberté des consommateurs de choisir n’était en
rien altérée par ce procédé et qu’il était en réalité représentatif d’une volonté
« d'enrichir le contenu de leurs offres pour les rendre plus attractives, par la mise en
place de services innovants ou l'acquisition de droits exclusifs » . Dans le commentaire
21
In Contrats Concurrence Consommation n° 6, Juin 2009, comm. 183 Offre conjointe : une pratique
commerciale déloyale ? Commentaire par Guy RAYMOND
22
Communication Commerce électronique n° 6, Juin 2010, comm. 63 : Il est interdit d'interdire les offres
conjointes aux consommateurs (bis repetita) ! Commentaire par Muriel CHAGNY sur CJUE, 3e ch., 11 mars
2010, aff. C-522/08, Telekomunicaja Polska SA w Waeszawie
23
CA Paris, 5e ch., 14 mai 2009, SA France Telecom et SA Orange Sports c/ SAS Free et SA Neuf Cegetel
(absorbée par SFR), avec les interventions volontaires de l'assoc. « La Ligue de Football professionnel », de
l'assoc. nationale des ligues de sport professionnel et du min. Éco., Industr. et Emploi (DGCCRF Paris) :
JurisData n° 2009-003817 (voir la reproduction à l’annexe 2 de ce document)
40
de cette décision fait par Philippe Stoffel-Munck24, celui-ci explique justement que :
« l'avantage concurrentiel exclusif que tire l'opérateur de son investissement dans le
football incite chacun des autres à améliorer son offre propre. » Ainsi, la concurrence
en soi est déjà une avancée pour le consommateur, et si certains trouvent des techniques
promotionnelles attrayantes, leurs concurrents devront eux-mêmes améliorer leur offre
pour rester compétitifs de sorte que cela bénéficie directement au consommateur qui est
à nouveau l’arbitre dans le jeu de la concurrence.
Non seulement l’intérêt du consommateur est préservé dans cette réforme, mais
au-delà de cela, l’idée de mettre le consommateur au centre des préoccupations en
termes de pratiques commerciales déloyales constitue le point principal de la directive
qui, comme on l’a dit, se réfère au point de vue du consommateur pour qualifier de
déloyale une pratique commerciale. Elle va très loin puisqu’elle fait de l’intérêt du
consommateur une mesure de l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes.
Section 2 : L’apparition de l’intérêt du consommateur comme élément
déterminant de la légalité de la pratique
L’intérêt du consommateur était déjà un élément déterminant de la question de
l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes. La preuve en est que ces
infractions se trouvent dans le Code de la Consommation. Mais lorsque l’on constate
que la jurisprudence a tenté de modifier le caractère systématique de l’interdiction pour
juger des espèces en se rapprochant davantage de l’intérêt du consommateur, on réalise
que l’interdiction systématique de ces pratiques était inadaptée à cet objectif de
protection. La nouvelle souplesse de la règle permet au juge de mettre l’intérêt du
consommateur au cœur de l’enjeu juridique (§1). La directive va cependant encore plus
loin dans l’importance accordée à l’intérêt du consommateur puisqu’elle place le
consommateur moyen comme mesure de l’interdiction de ces pratiques (§2).
24
Communication Commerce électronique n° 7, Juillet 2009, comm. 68 « Triple Play et vente liée »
Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK
41
§1 : Une règle nouvelle permettant une condamnation en fonction de l’intérêt du
consommateur
On rappellera dans un premier temps que la jurisprudence a cherché, du moins
en ce qui concerne la vente liée, à apporter aux litiges une réponse qui soit plus en
adéquation avec l’intérêt du consommateur en assouplissant de son propre chef la règle
rigide (A). La directive consacre ce procédé en ouvrant la possibilité d’une évaluation
prenant en compte cette considération (B).
A)
Un besoin jurisprudentiel d’assouplir la règle pour coïncider avec l’intérêt
du consommateur
La jurisprudence en matière de vente liée concerne, ces dernières années,
presque uniquement le domaine de la vente d’ordinateurs avec logiciels préinstallés.
Dans ce domaine, elle a beaucoup hésité autant sur la solution à donner que sur
l’approche à adopter, et l’on retrouve de nombreuses décisions contradictoires. Ce
domaine a en effet été très problématique pour les juges car ils n’étaient souvent pas
convaincus de la qualification de vente liée dans ces cas et, quand ils l’étaient, ils
trouvaient que cette pratique en l’espèce ne méritait pas d’être condamnée en
application stricte de l’article L 122-1 du Code de la Consommation. Le fait que la
jurisprudence ait souvent essayé de justifier les ventes liées en invoquant l’argument de
l’intérêt du consommateur démontre son importance dans l’appréciation, et la directive
apporte aujourd’hui la possibilité de procéder à une véritable analyse de l’impact sur le
consommateur avant de prononcer toute condamnation à l’égard de ces ventes.
Il convient de rappeler que sous l’empire de l’ancien article L 122-1 du Code de
la Consommation, c’était la simple qualification de vente liée qui justifiait une
condamnation de la pratique. Or les juges du fond ont parfois eu des réticences à
condamner ces pratiques du fait de l’avantage qu’elles peuvent procurer au
consommateur. Il n’est pas dénué d’intérêt d’analyser les raisonnements adoptés par ces
juges qui ont admis la validité de ces pratiques, pour constater que l’approche concrète
42
était nécessaire de manière à ce que les juridictions puissent statuer sur une affaire
comme elles l’estiment le plus juste.
Certaines d’entre elles ont développé la théorie du « motif légitime ». En effet,
l’article L 122-1 du Code de la Consommation prohibant la vente liée disposait que :
« Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un
service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une
quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi
que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat
d'un produit. » Ainsi, on pourrait interpréter le texte comme posant une exception à
l’interdiction des ventes liées : la présence d’un « motif légitime » qui empêcherait cette
qualification. Dans des décisions de 1984 et de 1986, la Cour de Cassation a validé de
telles pratiques au motif qu’elles s’effectuaient «conformément à des pratiques
commerciales instaurées dans l'intérêt des consommateurs»25. En 199026 cependant,
elle estimait que la réalisation de l’infraction n’était pas écartée par la présence d’un
« motif légitime» car au vu de la formulation du texte, il ressortirait que cette exception
serait réservée au refus de vente, ce qui n’a pourtant pas empêché à de nombreuses
juridictions d’utiliser cette exception lorsqu’elles l’envisageaient opportun. Il est vrai
que la logique des deux textes est la même, et que si l’on admet une exception au refus
net de vendre un produit, on devrait pouvoir l’admettre pour le refus de vendre le
produit seul, soit la vente liée. Cette idée a servi entre autres à écarter la qualification de
vente subordonnée par les juges du Tribunal de Grande Instance de Paris dans l’affaire
qui opposait en 2008 l’association UFC Que Choisir à la société Darty dans le cadre du
contentieux de la vente d’ordinateur avec logiciel préinstallé27. Le jugement énonce
que : « il est évident que [le consommateur] recherche une utilisation immédiate et qu'il
n'est pas dans son intérêt de se retrouver en présence d'un matériel inexploitable. »
Comme le Tribunal juge que l’installation d’un logiciel est hors de portée du
consommateur pour des raisons techniques et financières, l’intérêt que trouve le
consommateur dans le fait que les logiciels soient préinstallés à l’ordinateur empêche la
25
Cass. crim., 29 oct. 1984, n° 83-93.563 : JurisData n° 1984-702198 ; Bull. crim. 1984, n° 324 ; JCP G 1985,
II, 20489, note G. Heidsieck. et Cass. crim., 2 juin 1986 : D. 1986, inf. rap. p. 400, obs.
26
Cass. crim., 12 févr. 1990, n° 80-89.815 : Bull. crim. 1990, n° 71 ; Gaz. Pal. 1990, 2, jurispr. p. 400, note J.P. Marchi ; JCP G 1990, II, 21582, note Ph. Conte.
27
TGI Paris, 24 juin 2008, UFC Que Choisir c/ Éts Darty et Fils
43
pratique d’être condamnée en vertu de l’article L 122-1, et le « motif légitime » que
représente l’intérêt du consommateur constitue alors une exception à l’interdiction de la
vente subordonnée.
D’autres argumentaires vont encore plus loin puisque des juges ont considéré
qu’en raison de la fonction attendue par le consommateur lors de son achat, la vente ne
pouvait être considérée comme une vente liée de deux produits distincts mais bien un
seul contrat, dont l’objet était la vente d’un seul produit composé de plusieurs éléments :
c’est l’ « approche fonctionnelle ». Cette théorie est soutenue par de nombreux membres
de la doctrine, notamment le professeur Stoffel-Munck qui écrit dans un article de
201028 « l'unicité d'une chose s'apprécie de manière fonctionnelle, de sorte que pour le
consommateur moyen, l'ordinateur et son logiciel forment un tout car seule la réunion
de ces deux éléments permet de réaliser la fonction par lui immédiatement désirée ».
Dans le même sens, le professeur Daniel Mainguy et Audrey Pagot, évoquent dans un
article de la même année29 l’idée de l’unicité contractuelle de la transaction : « Il ressort
(…) de l’étude de la jurisprudence que la pratique qui consiste à vendre des ordinateurs
avec des logiciels préinstallés nécessaires au fonctionnement de l’ordinateur est
considérée comme un seul contrat de vente indivisible. Cette pratique n’est donc pas
une vente liée. Pour qu’il y ait vente liée, il faut effectivement qu’il y ait un contrat
premier ou principal (…)». La fonction que l’on attend de l’achat d’un ordinateur n’est,
selon cette théorie, réalisée que si l’objet est accompagné de son logiciel d’exploitation,
ce qui conduit à dire que les deux produits acquis, l’appareil et la licence d’utilisation du
logiciel, n’en forment en réalité qu’un seul compte tenu de l’utilité recherchée par le
consommateur. Pour illustrer et appuyer cette argumentation, la jurisprudence et la
doctrine ont eu recours à de nombreuses comparaisons avec d’autres produits
composites qui se vendent comme un tout alors qu’ils comptent différents éléments,
comme une bouteille avec son bouchon, et celle d’une voiture avec son moteur, l’idée
28
Communication Commerce électronique n° 1, Janvier 2010, comm. 5 : Vente liée et logiciels pré-installés : la
pré-installation est une pratique légitime et le prix des licences de logiciels n'a pas à apparaître distinctement,
Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK sur : TGI Nanterre, 6e ch., 30 oct. 2009, UFC Que Choisir c/ Sté
HP France : JurisData n° 2009-015353 et CA Paris, 5e ch., 26 nov. 2009, UFC Que Choisir c/ Éts Darty et Fil :
JurisData n° 2009-015350
29
Vendredi 19 novembre 2010 La licéité des ventes liées non agressives et non trompeuses, commentaire de
Cass. 1e civ., 15 novembre 2010, n° 09-11161, FS-P+B+I, Audrey Pagot (Doctorante) et D. Mainguy
http://www.lexcellis-avocats.fr/article-la-liceite-des-ventes-liees-non-agressives-et-non-trompeuses61292421.html
44
sous-jacente étant que le logiciel d’exploitation pré-intégré à la machine en fait partie
intégrante car c’est lui qui permet l’utilisation de l’ordinateur.
Cette thèse a été reprise dans de nombreuses décisions, notamment dans le
jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre du 30 oct. 2009 dans l’affaire qui
opposait l’association UFC Que choisir à la société Hewlett Packard France30. Dans ce
jugement, les juges statuent dans le sens de l’absence de qualification de vente
subordonnée pour ce qui est de l’ordinateur avec son logiciel d’exploitation, car selon le
jugement : « Ordinateur et logiciel sont, aux yeux mais aussi dans l'intérêt de ce
consommateur moyen, un tout sur le marché de la vente par l'Internet d'ordinateurs
portables ou de bureau au Grand Public ». En raison de la difficulté pour le
consommateur moyen d’opérer une installation de logiciel sur un ordinateur qui en est
dépourvu, on considère que les deux produits n’en forment qu’un. La même solution est
dégagée dans le jugement de la Juridiction de Proximité d’Aix-en-Provence le 17 février
2011 dans l’affaire opposant un consommateur à la société Acer31, où la juridiction
considère que même si logiciel et ordinateur sont deux entités distinctes, le fait de
vendre l’ordinateur sans son logiciel d’exploitation constitue la vente d’un « matériel
inutilisable », ce qui est bien sûr contraire à l’intérêt du consommateur. En suivant le
même raisonnement, la Cour d’Appel de Montpellier32 va plus loin dans la même idée
puisqu’elle distingue la préinstallation de logiciels d’exploitation, indispensables à
l’utilisation immédiate du produit, avec les autres logiciels, tels que les jeux. La
justification est similaire à celles des autres juridictions : « La notion même de produit
fini inclut la possibilité pour le consommateur de pouvoir utiliser ce produit sans devoir
recourir à une acquisition supplémentaire. Or l'absence de système d'exploitation ne
permet pas d'utiliser la machine. Il est donc de l'intérêt du consommateur d'avoir un
système d'exploitation pré-installé ».
Certains auteurs ont critiqué les condamnations dans ce domaine par
l’application stricte de l’article L 122-1. Ils avançaient notamment que cet article était
utilisé pour forcer tout distributeur à vendre un type de produit, les ordinateurs non
équipés de logiciels d’exploitation, alors qu’ils devraient en principe rester libres de
30
TGI Nanterre, 6e ch., 30 oct. 2009, UFC Que Choisir c/ Sté HP France : JurisData n° 2009-015353
31
TGI Aix-en-Provence, 17 février 2011, Perrono c/ Acer
32
CA Montpellier, 7 mai 2009, SA Dell Southern Europe : JurisData n° 2009-006020
45
s’adresser à la clientèle qu’ils choisissent, en l’occurrence les consommateurs n’ayant
pas les capacités techniques de se doter un ordinateur « nu », puisque d’autres produits
sont proposés chez des commerçants spécialisés. Le professeur Stoffel-Munck
argumente en ce sens dans son commentaire de l’arrêt de la Cour d’Appel de Versailles
du 5 mai 201133 qui opposait l’association UFC Que Choisir à la société HewlettPackard France, en rappelant que « les fabricants d'ordinateurs ont, partout dans le
monde, organisé leur production de manière à intégrer les logiciels d'exploitation dans
les machines et le prix de gros des ordinateurs (…) [et que] les licences d'exploitation
des logiciels sont sans aucun doute facturées en tenant compte de cette donnée de
masse. ». Ainsi, empêcher ce type de vente reviendrait à changer tout le système de
vente dans cette industrie, et ce dans le but de remettre au consommateur un « matériel
incapable de fonctionner en l'état ». M. Stoffel-Munck s’élève contre les décisions qui,
en acceptant d’interdire de telles ventes en vertu de l’article L 122-1 du Code de la
Consommation, détournent le texte prohibitif pour en faire une véritable obligation
d’offrir certains types de produits, car selon lui: « il s'agit de lutter contre la manière
dont on conduit un consommateur à acquérir un produit, non de dire quels produits on
doit lui proposer à la vente. » Il critique l’ingérence des pouvoirs législatifs et
judiciaires dans les activités commerciales qui ne devraient selon lui se voir contraintes
artificiellement de vendre un produit pour lequel la demande n’est pas significative.
De nombreuses juridictions ainsi de que des membres de la doctrine ont donc
ressenti le besoin de replacer l’intérêt du consommateur au centre du texte prohibant la
vente liée. En effet, ils ont contesté l’interdiction absolue dont elle faisait l’objet et les
juges ont tenté de trouver des parades à son application en asseyant leur argumentation
sur l’avantage apporté au consommateur. En ce sens, la directive 2005/29/CE a marqué
une avancée puisqu’elle a donné aux juges un pouvoir d’appréciation de la situation
bien plus ample.
33
Communication Commerce électronique n° 11, Novembre 2011, étude 21 : La vente d'un ordinateur prééquipé de logiciels caractérise une pratique dé-loyale . - (CA Versailles, 3e ch., 5 mai 2011, n° 09/09169, UFC
Que Choisir c/ SAS Hewlett-Packard France) Etude par Philippe STOFFEL-MUNCK
46
B)
La directive 2005/29/CE : l’instauration d’une méthode d’analyse
permettant de replacer l’intérêt du consommateur au centre de
l’appréciation
La nouvelle méthode permet aux juges du fond d’évaluer les pratiques en tenant
compte de l’intérêt des consommateurs en l’espèce, que ce soit pour les condamner ou
au contraire pour les valider. On peut par exemple citer, dans le sens de la validation
d’une vente liée contraire aux intérêts du consommateur, l’arrêt de la Cour d’Appel de
Paris du 26 novembre 2009 sur l’affaire opposant l’association UFC Que Choisir à
Darty34, où les juges du fond ont décidé que le fait de ne pas indiquer les prix des
logiciels vendus séparément ne constituait pas une altération substantielle du
comportement du consommateur puisque ce qui est déterminant du consentement du
consommateur à contracter la vente, c’est le prix global qu’il va effectivement payer
pour se procurer le produit. Ainsi, son intérêt n’est pas négligé par l’absence d’affichage
des prix. Ne remplissant pas les conditions posées par la directive, cette pratique n’a pu
être qualifiée de déloyale, et a donc été validée par les juges d’appel.
D’autres décisions ont condamné des ventes liées en procédant à une analyse
conforme à la directive en mettant en avant le fait que l’intérêt du consommateur
s’opposait à la validation de la vente liée. C’est le cas de la décision de la Juridiction de
Proximité de Lorient du 27 août 2009 sur l’affaire où un consommateur mettait en cause
la société Asus35, et dans laquelle les juges ont confirmé l’interdiction de la vente liée
pratiquée par Asus en affirmant que la lourdeur de la désinstallation du logiciel suffisait
à ce que les deux produits constituent un lot interdit comme étant contraire à l’intérêt du
consommateur, car : « l’intérêt du consommateur se trouverait dans la mise en place
d’un système d’optionalité des logiciels». En effet, cette décision s’appuie sur le
raisonnement de la directive pour condamner la pratique en affirmant que l’intérêt du
consommateur ne va pas dans le sens de la pratique parce que celle-ci contraint le choix
du consommateur, constituant ainsi une altération substantielle du comportement du
consommateur, ce qui la rend la déloyale selon la directive. De la même manière, l’arrêt
34
35
CA Paris, 26 nov. 2009, SAS DARTY et Fils c/ UFC Que Choisir : JurisData n° 2009-015350
T. prox. Lorient, 27 Août 2009, Magnien c/Asus
47
de la Juridiction de Proximité de Toulouse en date du 20 mai 2011 dans l’affaire
opposant un consommateur à la société Dell36 admet que ce sont bien deux produits
distincts et que la subordination de l’achat de l’un à l’achat de l’autre sans possibilité de
résilier indépendamment l’achat du logiciel constitue une pratique déloyale au sens de la
directive. Le contrat proposé au consommateur est donc de nature à nuire à sa liberté de
choix, ce qui est contraire à son intérêt.
La nouvelle méthode a donc permis aux juridictions de remettre la question de
l’intérêt du consommateur au cœur de l’analyse de la déloyauté. Elle va cependant
encore plus loin en faisant de la notion de « consommateur moyen » la mesure de la
déloyauté du comportement du professionnel.
§2 : La mesure du comportement déloyal : le « consommateur moyen »
L’une des grandes innovations de la directive 2005/29/CE est l’introduction d’un
concept abstrait tel que le « bon père de famille » dans le droit de la consommation : la
notion de « consommateur moyen » (A). Cette notion est, dans la directive, le point de
référence selon lequel on apprécie la légalité d’une pratique commerciale (B).
A)
L’introduction par la directive 2005/29/CE de la notion de consommateur
moyen
Dans de nombreuses dispositions visant à donner des définitions des pratiques
légales et illégales, la directive se réfère abondamment à la notion de consommateur
moyen, qu’elle utilise comme référence. Le considérant 18 explique cette notion de
manière plus détaillée, en énonçant que même si l’objectif fixé par la directive est de
protéger tous les consommateurs contre les pratiques déloyales, elle a cependant jugé
nécessaire d’évaluer leur effet néfaste sur un « consommateur typique fictif ». La
36
Jur. proximité Toulouse, 20 mai 2011, n° 91-09-000641, M. V. c/ SA Dell
48
directive fait à ce stade référence au principe de proportionnalité cher au droit européen
comme on l’a évoqué au Chapitre 1 (p.21), pour justifier cette approche. Le but est de
fonder la condamnation d’une pratique non pas sur la question de savoir si elle a
effectivement causé un tort à un consommateur en particulier, mais il s’agit plutôt de
mettre un modèle abstrait en fonction duquel on évalue toute pratique. L’idée est de ne
pas condamner une pratique pour la simple raison qu’un consommateur s’est estimé lésé
en vertu des dispositions de la directive, ni de considérer comme valide toutes les
pratiques contre lesquelles aucun consommateur ne se sera élevé : on veut trouver un
juste milieu, et éviter à la fois les condamnations trop légères et la légitimation
généralisée de pratiques nocives.
Le considérant 18 précise donc de manière générale les caractéristiques du
consommateur moyen. Celui-ci doit être « normalement informé et raisonnablement
attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques ». Cette
définition du consommateur moyen est vague, ce qui correspond à la souplesse de la
notion et au fait qu’il faille qu’elle s’adapte aux contextes respectifs des différents Etats
Membres. De plus, les instances de l’Union Européenne marquent ici leur volonté de ne
pas protéger in abstracto le consommateur parce qu’il est consommateur, mais plutôt de
protéger un consommateur qui a cherché à s’informer, et qui a un cheminement de
pensée rationnel. Il faut donc que le consommateur n’ait pas, pour ainsi dire, bien voulu
se laisser berner. Il ne doit pas avoir été trop crédule, et la décision qu’il a prise au vu
des informations dont il disposait ou au vu de la situation où il se trouvait doit paraître
sensée, et doit être celle qu’un consommateur raisonnable aurait pu prendre dans un cas
similaire. On ne souhaite pas surprotéger les consommateurs à la manière des
législations paternalistes évoquées au Chapitre 1, donc on ne protègera pas, au-delà du
consommateur moyen, un consommateur particulièrement négligent ou inconsidéré, et
on ne condamnera pas les pratiques qui n’étaient susceptible de nuire qu’à ce type-là de
consommateurs. On pourra citer à titre d’exemple un arrêt de la Cour d’Appel de Paris
de 2007 opposant l’association de consommateurs UFC Que Choisir à la Société
Unilever France37, concernant l’allégation de publicité trompeuse au sujet des propriétés
du produit de cette dernière. En effet, elle commercialisait les produits Fruit d’Or Pro
activ en indiquant qu’ils permettaient de lutter contre le cholestérol alors que ce n’était
37
Cour d'appel Paris Chambre 25, section A 16 Novembre 2007 N° 06/13276 UFC QUE CHOISIR / MAAF
ASSURANCES
49
pas strictement le cas. La Cour d’Appel de Paris a cependant relaxé la société Unilever
aux motifs que « le message, axé sur le traitement diététique -étant relevé qu'il n'est pas
contesté que la prise en charge de la réduction du taux de cholestérol s'appuie
notamment sur un régime alimentaire adapté - ne pouvait laisser penser au
consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé que la
seule consommation de produits Fruit d'Or Pro.activ était de nature à faire baisser son
taux de cholestérol ». Ainsi, la Cour déboutera l’UFC de sa demande aux motifs que le
consommateur moyen devait bien savoir que l’information n’était pas à prendre au pied
de la lettre.
De plus, cette notion est adaptable, aux termes du considérant 18, puisque pour
protéger un groupe particulier identifiable (la directive cite expressément l’exemple des
enfants), il faut se référer au consommateur moyen de ce groupe en particulier.
Le considérant 18 précise tout de même : « La notion de consommateur moyen
n’est pas une notion statistique. Les juridictions et les autorités nationales devront s’en
remettre à leur propre faculté de jugement, en tenant compte de la jurisprudence de la
Cour de Justice, pour déterminer la réaction typique du consommateur moyen dans un
cas donné. » En réalité, les juges ont une certaine marge de manœuvre quant à
l’appréciation du consommateur moyen, ils doivent se référer aux décisions qu’il serait
éclairé de prendre pour un consommateur, et pas forcément ce que fait la majorité des
consommateurs. C’est au juge national de se mettre dans la situation de ce qu’il estime
être le consommateur moyen dans son propre Etat en fonction comme on l’a dit des
facteurs sociaux, linguistiques etc, pour pouvoir déterminer si la pratique est déloyale
ou non. Le but est de chercher un modèle adaptable aux circonstances mais assez stricte
pour que les valeurs défendues par la directive, et particulièrement l’honnêteté des
professionnels, soient protégées par le juge.
La directive introduit la notion de consommateur moyen pour en faire la mesure
de la déloyauté des pratiques commerciales.
50
B)
Le consommateur moyen, référentiel de la déloyauté d’une pratique
commerciale
Selon ce texte du Conseil, l’analyse du caractère déloyal en général doit se faire
en répondant à la question de savoir si la pratique mise en œuvre était de nature à
« altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur
moyen», selon l’article 5.2. b) ; l’action trompeuse est, quant à elle, une pratique
« susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen » en vertu de l’article 6.1 et
une omission trompeuse est constituée lorsque le professionnel « omet une information
substantielle dont le consommateur moyen a besoin », selon l’article 7.1. De même, une
pratique commerciale est réputée agressive en vertu de l’article 8 de la directive
lorsqu’elle « altère ou est susceptible d’altérer de manière significative (…) la liberté
de choix du consommateur moyen.»
Ceci démontre l’omniprésence du référentiel du consommateur moyen dans les
différentes définitions des pratiques déloyales selon la directive. En effet, ce qui ressort
de quasiment toutes les dispositions de la directive, c’est qu’une pratique commerciale
est déloyale dès lors qu’elle trouble la liberté du consommateur moyen de prendre une
décision commerciale en connaissance de cause. C’est avant tout ce critère qui
détermine le caractère déloyal d’une pratique, autant pour la pratique trompeuse que
pour la pratique agressive et pour la pratique déloyale en fonction des critères posés par
l’article 5.2. On doit, pour procéder à cette qualification, se demander principalement si
un consommateur qui aurait pris ses précautions pour bien être informé, et qui aurait fini
par prendre sa décision au regard des informations dont il disposait, aurait été
susceptible d’arriver à une fin qu’il n’avait pas désirée au départ. Il apparaît donc que la
déloyauté ne se mesure pas, même lorsqu’il s’agit de protéger la concurrence sur un
marché et les différents concurrents, en fonction du fait que le comportement reproché
attaque directement les autres professionnels, mais au contraire elle se mesure
systématiquement en fonction de l’effet de la pratique sur le consommateur moyen. A
ceux qui se sont élevés contre la directive au motif qu’elle défend davantage la
concurrence que les consommateurs, on doit donc répondre que le consommateur a dans
tous les cas la place principale dans l’appréciation de la déloyauté : s’il n’était pas le
destinataire direct des dispositions en cause, il en resterait pourtant l’objet. Même dans
l’annexe qui ne donne pas de critères d’appréciation de l’interdiction et cite simplement
51
les pratiques déloyales per se, on constate que les pratiques répertoriées constituent
toutes des manières de léser le consommateur. On pourra citer comme exemple tiré de
l’annexe 1 de la directive, intitulé « Pratiques réputées déloyales en toutes
circonstances » :
« 15) Déclarer que le professionnel est sur le point de cesser ses activités ou de les
établir ailleurs alors que tel n’est pas le cas.
16) Affirmer d’un produit qu’il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard.
17) Affirmer faussement qu’un produit est de nature à guérir des maladies, des
dysfonctionnements ou des malformations.
18) Communiquer des informations factuellement inexactes sur les conditions de
marché ou sur les possibilités de trouver le produit, dans le but d’inciter le
consommateur à acquérir celui-ci à des conditions moins favorables que les conditions
normales de marché.
19) Affirmer dans le cadre d’une pratique commerciale qu’un concours est organisé ou
qu’un prix peut être gagné sans attribuer les prix décrits ou un équivalent
raisonnable. »
Cette directive accorde donc une place prépondérante à l’intérêt du
consommateur surtout dans sa liberté de faire un choix commercial en connaissance de
cause : c’est le fait qu’une pratique soit contraire à l’intérêt du consommateur qui la
rend déloyale. De ce point de vue, elle présente une amélioration de la situation du
consommateur puisque son bien-être devient la préoccupation principale lorsqu’il s’agit
de condamner les pratiques, ce qui n’était pas le cas des anciens textes de droit interne
incriminant les ventes liées et les ventes avec prime qui se contentaient de définir une
infraction, et laissaient au juge le soin de condamner systématiquement quand la
qualification correspondait aux dispositions. Depuis la directive, on a remis l’intérêt du
consommateur au cœur des considérations relatives à la déloyauté des pratiques
commerciales, pour être plus en adéquation avec ses besoins sans avoir une approche
paternaliste qui l’empêcherait par principe de consentir à participer à certains contrats.
52
C’est en cela qu’est très utile le concept de consommateur moyen, qui permet de réguler
l’intensité de la déloyauté en n’accordant pas de protection particulière pour les
consommateurs qui auraient pris des décisions commerciales à la légère ou de manière
déraisonnable, sans chercher les informations pertinentes pour contracter.
La création et la consolidation d’un véritable marché intérieur au sein de l’Union
Européenne demande un droit qui puisse appréhender au mieux les différentes situations
économiques. Le droit de la concurrence été modifié pour s’adapter aux cas concrets
qu’il a pour objet de régir, et il était normal que le droit de la consommation, qui a luimême un impact sur le marché, suive cette évolution. La directive 2005/29/CE sur les
pratiques commerciales déloyales opère ce changement de méthode notamment pour
l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes en les conditionnant à la
qualification de la déloyauté pour chaque pratique en particulier. L’harmonisation est
favorable à la concurrence car elle unifie le droit du marché créant une plus grande
confiance pour les différents opérateurs. La directive bénéficie également au
consommateur puisqu’elle reprend le but de protection du consommateur, et parce que
la nouvelle méthode d’analyse qu’elle impose permet au juge de décider en fonction de
l’intérêt du consommateur.
La répression des ventes liées et des ventes avec primes n’est toutefois pas
abolie, et la directive autorise leur interdiction à titre d’exception dans les conditions
qu’elle prévoit.
53
PARTIE II : L’exception à la légalité : la possibilité de
condamner les ventes liées et les ventes avec primes
lorsqu’elles sont déloyales au sens de la directive
Bien que la vente liée et de la vente avec prime en France ne soient plus, depuis
la directive de 2005, des pratiques interdites en soi et sur le seul fondement du code de
la consommation, elles peuvent toujours faire l’objet de condamnations au cas par cas.
La question à laquelle doivent répondre les juridictions pour statuer sur la licéité de ces
pratiques n’est plus celle de savoir si les pratiques remplissent les conditions
d’incrimination des articles L 122-1 et L 121-35, mais celle de savoir si ces pratiques
remplissent les critères de la déloyauté posés par la directive et détaillés par la
jurisprudence, ce qui déterminera leur choix soit dans le sens de la condamnation soit
dans celui de la validation.
Pour les pratiques qui ne sont pas listées à l’annexe 1 de la directive comme
c’est le cas de la vente liée et de la vente avec prime déloyale selon l’arrêt VTB VAB de
la Cour de Justice, la déloyauté s’analyse d’abord en se demandant si les pratiques en
question constituent des pratiques trompeuses décrites aux articles 6 et 7 ou encore des
pratiques agressives définies aux articles 8 et 9. A défaut d’être qualifiées comme telles,
ces pratiques ne pourront être jugées déloyales et donc ne pourront interdites que si elles
rassemblent les deux conditions cumulatives posées à l’article 5. 2) de la directive.
Même si les décisions de la Cour de Justice des Communautés Européennes imposent
de suivre ces trois étapes de raisonnement, la doctrine et les juges français ont eu
tendance à considérer que les ventes liées et les ventes avec primes sont plus
susceptibles d’appartenir à cette dernière catégorie, et à les évaluer surtout en fonction
des deux conditions de l’article 5.2). Cela peut s’expliquer par le fait que les articles 6 à
9 décrivent des comportements assez spécifiques38, et qu’ils ne semblent pas prévus
pour englober les pratiques qui nous occupent. En effet ces pratiques se réfèrent
explicitement à des procédés très offensifs pour le consommateur, qui, en se référant à
la contrainte par exemple (article 8) et touchent directement la validité du consentement,
38
Voir les textes de ces articles dans la directive reproduite en annexe 1 de ce document p.94
54
alors qu’on n’associe pas immédiatement cet aspect-là à l’interdiction des ventes liées et
des ventes avec primes.
Il paraît donc plus intéressant d’analyser dans un premier temps les conditions
de la déloyauté pour les pratiques non trompeuses et non agressives (Chapitre 1), pour
ensuite s’attarder sur la contestation de la légalité de principe de ces pratiques (Chapitre
2).
55
Chapitre 1 : La déloyauté au sens de la directive : la condition de la
condamnation des pratiques de vente liée et de vente avec
prime
L’article 5.2) de la directive, transposé en droit français à l’article L 120-1 du
Code de la Consommation, pose les deux conditions cumulatives pour que les pratiques
qui ne sont ni trompeuse ni agressive en vertu des articles 6 à 9 puissent être
condamnées comme pratiques commerciales déloyales. On évalue d’une part le
comportement du professionnel, qui doit avoir commis un manquement à la diligence
professionnelle (section 1) et d’autre part l’effet de la pratique sur le consommateur,
puisqu’elle doit être susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement du
consommateur moyen (section 2).
Section 1 : La condamnation de pratiques contraires à la diligence professionnelle
(article 5.2 a)
La directive donne des éléments de définition complétés par la jurisprudence
européenne et interne, qui ont permis de distinguer deux formes de manquements à la
diligence professionnelle : le non-respect des règles liées à l’exercice de la profession
(§1) et l’absence de respect du consommateur (§2).
§1 : Le non-respect des règles liées à l’exercice de la profession
La directive elle-même donne des éléments d’appréciation de la pratique par
rapport à l’exigence de diligence professionnelle. En effet, l’article 2 de la directive
2005/29/CE prend soin de définir les termes qu’elle utilise, et l’article 2.h) établit que la
diligence professionnelle s’évalue : «conformément aux pratiques de marché honnêtes
et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité ». Cette définition
56
reflète l’idée que l’on va s’attacher, pour déterminer la déloyauté d’un comportement,
au degré de compétence dont le professionnel a fait preuve et à son honnêteté compte
tenu de l’activité exercée. Il s’agit pour le professionnel, selon les termes employés par
cette directive, de respecter l’intégrité dans les pratiques commerciales en fonction de
son domaine d’activité.
Cette définition donne l’idée générale, c’est-à-dire celle que le professionnel doit
respecter un certain nombre de règles, pas nécessairement écrites, et relatives à
l’exercice de sa profession en particulier. Elle est cependant très large et ne donne que
l’esprit global de ce qui est réprimé, sans donner de description précise du
comportement prohibé. C’est là encore la marque qu’on laisse une place importante à
l’appréciation jurisprudentielle, de manière à être au plus près de la réalité de
l’infraction et à ne poser d’interdictions générales que pour les pratiques précisément
définies dans l’annexe 1. La doctrine ainsi que la jurisprudence interne et européenne
ont eu l’occasion de préciser la teneur de la notion de diligence professionnelle.
Le professeur Guy Raymond en délimite les contours en se référant aux règles
régissant l’exercice des professions commerciales. Il écrit dans le Jurisclasseur de mai
200839: « Le manquement à la diligence professionnelle s'appréciera par rapport à la
déontologie professionnelle. Il s'agira du non-respect de règles, écrites ou non écrites,
auxquelles les professionnels se conforment habituellement. »
En premier lieu donc, il s’agira de rechercher si le comportement du
professionnel n’est pas contraire au « code de déontologie » qui régit sa profession. Ces
codes de déontologie sont en principe des textes publiés par décret et régissant
l’exercice de professions particulières telles que celle d’architecte, de sage-femme, de
chirurgien-dentiste, etc. On constate cependant que les professions ainsi réglementées
ne sont pas celles susceptibles de se livrer à des pratiques commerciales, et notamment
des ventes, comme le seraient des distributeurs.
En revanche, en ce qui concerne les professions commerciales, il existe des
organisations professionnelles rassemblant certains types de commerçants, qui
possèdent des règles internes appelées «code de déontologie », « code de bonne
39
JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 900 : PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES ET
AGRESSIVES > I. - Principes généraux gouvernant les pratiques commerciales déloyales Cote : 05,2008Date
de fraîcheur : 15 Novembre 2008 B. - Déloyauté de la pratique commerciale
57
conduite » ou « code professionnel », mais ne présentant pas de caractère légal ni
réglementaire. On peut notamment citer le Code de déontologie de la fédération de la
vente directe, le Code professionnel de la vente à distance établi par la Fédération des
entreprises de ventes à distance, le Code de déontologie du marketing téléphonique, ou
encore le Code de déontologie publicitaire de l’Autorité de Régulation Professionnelle
de la Publicité (ARPP). Même s’ils n’ont pas de valeur légale, ces « codes » ont leur
importance puisqu’ils uniformisent la conduite des professionnels dans certains
domaines et leurs règles sont souvent assorties de sanctions disciplinaires internes à
l’organisation. On constate qu’aucun de ces textes n’impose en tant que telle une
interdiction des ventes liées ou des ventes avec primes, sans doute parce que cette
interdiction figurait depuis longtemps et dans des termes clairs dans le Code de la
Consommation.
On remarquera cependant que le « Code sur les pratiques de publicité et de
communication commerciale » de la Chambre de Commerce Internationale de Paris40
qui fait partie des réglementations générales régulant les membres de l’ARPP, est
entièrement rédigé dans la préoccupation de la perception donnée par le professionnel
au consommateur. Il prend soin de définir dans son article 7 le terme « gratuit » dans
une offre commerciale comme caractérisant exclusivement une offre qui « n’implique
aucune obligation de quelque nature que ce soit; ou lorsque l’unique obligation est le
paiement de frais d’expédition et de traitement, pour un montant n’excédant pas les
coûts estimés à exposer par le professionnel de la communication ; ou en conjonction
avec l’achat d’un autre produit, à condition que le prix de ce produit n’ait pas été
augmenté afin de couvrir tout ou partie du coût de l’offre ». Ici, on reconnait
l’interdiction de présenter au consommateur un produit ou un service comme étant
gratuit alors qu’il paye en réalité le produit par son achat, ce qui est également ce que
l’on cherche à éviter par l’interdiction de la vente avec prime. Cet argument pourrait
servir à caractériser la vente avec prime comme étant contraire à la diligence
professionnelle lorsqu’elle intègre une partie du prix de la prime au prix total de l’achat,
et constituer ainsi, pour les professionnels liés à ce « code », un pas vers la
condamnation de la vente avec prime en tant que pratique commerciale déloyale.
40
Code ICC Consolidé sur les pratiques de publicité et de Communication Commerciale, Document No. 24046/660, Août 2011
58
La directive donne une place importante à ces codes de conduite dans
l’évaluation de la loyauté des pratiques commerciales, et les définit à l’article 2 f)
comme étant : « un accord ou un ensemble de règles qui ne sont pas imposés par les
dispositions législatives, réglementaires ou administratives d’un État membre et qui
définissent le comportement des professionnels qui s’engagent à être liés par lui en ce
qui concerne une ou plusieurs pratiques commerciales ou un ou plusieurs secteurs
d’activité ». Dans son considérant 20, le texte exprime la volonté du législateur
européen de voir inscrites dans ces codes de conduite des règles rappelant l’interdiction
d’exercer des pratiques commerciales déloyales, ainsi que l’intention de prendre en
considération ces codes dans la détermination de la diligence professionnelle dans les
différents cas : « Dans les secteurs dans lesquels le comportement des professionnels est
soumis à des exigences contraignantes spécifiques, il convient que celles-ci soient
également prises en considération aux fins des exigences en matière de diligence
professionnelle dans le secteur concerné ». A l’heure actuelle, les associations
professionnelles en France n’ont pas véritablement mis l’accent sur les pratiques
commerciales déloyales, ni sur les ventes liées et les ventes avec primes.
Enfin, le professeur Guy Raymond indique qu’à titre subsidiaire, on définit la
diligence professionnelle quant aux usages de la profession, soit aux règles non écrites
suivies par des personnes exerçant des professions déterminées qu'elles considèrent
obligatoires pour régler leurs transactions. La Cour de Cassation énonce, dans un arrêt
du 17 janvier 199641 concernant la tromperie, que : « les juges du fond ont tout pouvoir
pour reconnaître ou dénoncer l'existence d'un usage ». Selon M. Raymond, on pourrait
donc évaluer la conformité d’une pratique à la diligence professionnelle en fonction de
son appartenance à un usage de la profession concernée.
Ces propos doivent cependant être nuancés dans le sens où une pratique, fut-elle
généralisée, n’en perd pas pour autant son caractère déloyal si celui-ci est démontré par
ailleurs. De même, le fait qu’une pratique soit au contraire innovante et très peu
répandue n’en fait pas pour autant une pratique contraire à la diligence professionnelle.
C’est en effet ce que rappelle le professeur Marie Malaurie-Vignal dans son
41
Cass. crim., 17 janv. 1996 : Bull. crim. 1996, n° 30 ; JurisData n° 1996-001042
59
commentaire42 de l’arrêt de la Cour de Cassation du 15 novembre 2010 dans le cadre de
l’affaire Lenovo : « La Cour de cassation, le 13 juillet 2010, a considéré que l'adoption
par des concurrents de pratiques similaires n'est pas de nature à retirer à la pratique
son caractère déloyal. À l'inverse, une pratique inédite peut être déloyale. L'essentiel
est de procéder à une analyse concrète du comportement du professionnel ». Dans
l’affaire Orange Sports43 à laquelle elle se réfère, les concurrents d’Orange invoquaient
l’argument que le caractère inédit de la pratique la rendait contraire à la diligence
professionnelle en verrouillant le marché des offres de triple play. La Cour a donc
rappelé, à juste titre, que la diligence professionnelle ne s’arrête pas à l’harmonisation
des comportements, car cela aurait justement pour effet d’empêcher l’innovation sur un
marché.
En pratique cependant, on notera que les juges français ont très peu fait
référence à ces règles régissant l’exercice d’une profession pour condamner une
pratique comme étant contraire à la diligence professionnelle, notamment en ce qui
concerne la vente liée. En effet, non seulement ces « codes » et usages n’ont, pour la
plupart, pas suivi les recommandations de la directive selon lesquels ils devraient
inclure des éléments relatifs à la déloyauté des pratiques commerciales, mais aussi il
apparaît que les juges ont tendance à déterminer eux-mêmes au cas par cas les
comportements répréhensibles. Ainsi, ils accordent une importance toute particulière à
la question du respect du consommateur par le professionnel.
§2 : L’absence de respect du consommateur
L’article 2h) de la directive définit également la diligence professionnelle
comme étant « le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est
raisonnablement sensé faire preuve vis-à-vis du consommateur ». On retrouve ici l’idée
42
Contrats Concurrence Consommation n° 1, Janvier 2011, comm. 9 : Conditions d'interdiction des ventes liées,
Commentaire par Marie MALAURIE-VIGNAL sur l’arret LENOVO 1è civ 15 nov 2010
43
Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-15.304 et 09-66.970, FS-P+B, Free et SFR c/ France Télécom, Orange sports
et Ligue nationale de football : JurisData n° 2010-011628
60
de protection du consommateur, et l’idée que le consommateur est la mesure de la
déloyauté du comportement. La définition de la diligence professionnelle se construit
donc également autour du respect du consommateur. Cet élément va dans le sens de la
condamnation du comportement de professionnels qui consisteraient à ne pas donner au
consommateur les informations nécessaires pour qu’il puisse faire son choix dans de
bonnes conditions.
Cet élément de définition est, là encore, relativement vague. On peut
légitimement se demander ce que le législateur européen entend par «la compétence
spécialisée et les soins ». Ceci laisse une place conséquente à l’interprétation des juges
du fond qui sont les plus à même de vérifier la coïncidence entre le texte et l’espèce
concrète à laquelle ils sont confrontés. C’est donc dans la jurisprudence et surtout dans
les conclusions de l’avocat général sur diverses affaires de la Cour de Justice de l’Union
Européenne que l’on trouve des ébauches de définitions.
Dans le cadre de l’affaire « Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs
eV », l’Avocat Général Madame V. Trstenjak de la Cour de Justice des Communautés
Européennes précise la notion de diligence professionnelle en se rapportant à l’effet
potentiel de la pratique sur le consommateur, dans ses conclusions rendues le 3
septembre 200944. En l’espèce, il s’agissait d’une législation allemande prévoyant une
interdiction générale des concours et des jeux promotionnels avec obligation d’achat, et
ne subordonnant pas la condamnation à une appréciation casuistique. Alors que cette
disposition courrait le risque d’être jugée contraire à la directive, l’avocat général
développe la définition à son sens de la diligence professionnelle en affirmant que ce
qui rend contraire à la diligence professionnelle ces pratiques interdites par la loi
allemande, c’est le fait que l’association de la promotion des ventes et de la perspective
de gains d’un jeu peut être de nature « à éveiller la passion du jeu », comme elle le
souligne dans le point 93 de ses conclusions. En effet, madame Trstenjak affirme dans
le même point qu’« une telle pratique commerciale ressortit à certains égards à de la
manipulation et peut, dans certaines circonstances, constituer une violation de la
diligence professionnelle. » Le terme fort « manipulation » employé par elle affirme
44
Conclusions de l’avocat général Trstenjak présentées le 3 septembre 2009. Cour de Justice des Communautés
Européennes 3 septembre 2009 C‑304/08, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV c/ Plus
Warenhandelsgesellschaft mbH
61
l’idée que ce qui est contraire à la diligence professionnelle, c’est le fait d’utiliser des
faiblesses du consommateur pour l’inciter à consommer.
Loin de cantonner le manquement à la diligence professionnel à une véritable
volonté de la part de l’auteur de la pratique de nuire au consommateur, l’avocat général
Trstenjak donne d’autres éléments définissant le manquement à la diligence
professionnelle en envisageant l’attitude globale du professionnel au cours de la
transaction, dans le contexte d’une autre affaire « Jana Pereniová et Vladislav Pereni c/
SOS financ spol »45. L’espèce est assez éloignée des questions qui nous occupent,
puisqu’il s’agit de l’annulation en Slovaquie d’un contrat de crédit à la consommation
dans son ensemble alors que seules certaines clauses avaient un caractère déloyal. La
détermination de la déloyauté de ces clauses passait cependant par la démonstration
d’un manquement à la diligence professionnelle, ce qui a donné à l’avocat général
l’occasion compléter la définition de cette dernière. Elle rappelle dans ce contexte la
raison pour laquelle le consommateur doit être protégé, c’est-à-dire sa position de
faiblesse par rapport au professionnel, surtout pour ce qui est de sa possibilité réduite de
négocier, et des informations dont il dispose sur le produit ou le service qui est l’objet
du contrat et qui est proposé par le professionnel. Pour ces raisons, elle déclare qu’ : « il
est permis d'attendre d'un professionnel qu'il (…) accorde un soin particulier à ses
relations avec un consommateur, d'autant plus que ce dernier doit se fier à l'expertise
du professionnel». La diligence professionnelle se mesure donc en fonction de
l’expertise dont l’auteur de la pratique aura fait preuve face au consommateur. On
comprend par là qu’il doit l’informer de manière claire, précise et adéquate par rapport à
ses besoins, et ce pour combler justement l’écart entre le manque d’information du
consommateur sur le produit et la bonne connaissance que doit justement en avoir un
professionnel qui le propose à la vente. S’il ne donne pas les informations nécessaires
ou s’il n’en a lui-même pas connaissance, il commet un manquement à la diligence
professionnelle. Cette dernière peut donc être définie comme étant un comportement à
adopter vis-à-vis du consommateur, conformément à ce qui a été cité : le professionnel
doit être honnête et compétent au moment de dispenser les informations.
En termes de décisions jurisprudentielles, seules quelques-unes s’attardent à
expliquer en quoi un comportement est effectivement contraire à la diligence
45
Conclusions de l'avocat général Trstenjak présentées le 29 novembre 2011. Cour de justice de l’Union
Européenne 29 novembre 2011 C-453/10 Jana Pereniová et Vladislav Pereni c/ SOS financ spol
62
professionnelle. Beaucoup ne relèvent que les termes de la directive sans les
approfondir à la manière de l’avocat général. On trouve cependant certaines décisions
qui, dans leur description précise des faits suivies des appréciations qui en découlent,
affinent l’image de la diligence professionnelle dans le sens de la protection du
consommateur. En effet, dans un domaine bien distinct de celui des ventes liées et des
ventes avec primes, on retrouve l’idée de la mauvaise information du consommateur
dans l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 20 Novembre 2009 « S.A.S. Cema / S.A.S.
Unilever France »46. Dans cette décision, les juges du fond établissent que le fait qu’une
pratique « consiste à affirmer faussement qu'un produit est de nature à guérir des
maladies, des dysfonctionnements ou des malformations » la rend contraire à la
diligence professionnelle. Là encore, et même si cette affirmation est grave au point
sans doute de constituer avant tout une pratique trompeuse prohibée en toutes
circonstances, on retrouve ici l’idée qu’une pratique est contraire à la diligence
professionnelle lorsque son auteur n’a pas eu le rôle d’information avec la rigueur qui
est attendue de la part d’une personne de sa qualité, sensée en savoir plus que le
consommateur sur les produits qu’elle propose à la vente.
Pour ce qui est des décisions relatives à la vente liée, la Cour d’Appel de
Versailles dans son arrêt du 5 Mai 201147 énumère dans son argumentation les faits qui
rapprochent le comportement reproché d’une pratique commerciale déloyale de par son
manque de diligence professionnelle. Il s’agit d’une affaire concernant la vente
d’ordinateurs avec logiciels préinstallés, dans laquelle s’opposaient l’association UFC
Que Choisir et la société Hewlett-Packard France. L’association de consommateurs
accusait HP de commettre le délit de vente liée tout en présentant la vente d’un
ordinateur avec son logiciel comme la vente d’un seul produit. La Cour d’Appel
condamnera HP à afficher le prix des logiciels, au motif que la pratique est déloyale au
sens de la directive car contraire à la diligence professionnelle, du fait de la négligence
du professionnel quant aux besoins d’information du consommateur : « Considérant que
la vente par la société HEWLETT PACKARD FRANCE sur son site ouvert aux
particuliers: http//welcom.hp.com/country/fr/fr/welcom.Html d'ordinateurs avec des
46
Cour d'appel Paris Chambre 25, section B 20 Novembre 2009 N° 06/18824 S.A.S. CEMA, société ayant
absorbé la société CEMA S.A.S. UNILEVER France (Inédit)
47
Cour d'appel Versailles Chambre 3, 5 Mai 2011 N° 09/09169 Union Federale des Consommateurs - QUE
CHOISIR 'UFC QUE CHOISIR' c/ S.A.S. HEWLETT-PACKARD FRANCE 'HP FRANCE', ASSOCIATION DE
DROIT DU MARKETING
63
logiciels pré installés sans mention du prix que représentent les logiciels et sans
possibilité d'y renoncer avec déduction du prix correspondant à la licence, est contraire
aux exigences de la diligence professionnelle eu égard aux possibilités techniques
actuelles ». Cet arrêt montre encore que c’est en fonction des possibilités offertes au
consommateur que l’on mesure la diligence professionnelle. Dans ce cas, ce manque
d’information a justifié une condamnation du vendeur pour la pratique commerciale
déloyale de vente liée ; on en déduit que dans les cas où la vente subordonnée de deux
produits comporte une lacune dans l’information au consommateur, la pratique pourrait
être considérée comme contraire à la diligence professionnelle, ce qui n’est cependant
pas une caractéristique générale de ce type de ventes. On suppose donc que peu de
ventes liées seront contraires à la diligence professionnelle évoquée dans ces termes, ce
qui les rend difficilement déloyales au sens de la directive.
L’exigence de diligence professionnelle est donc matérialisée d’une part, par
l’exigence du respect des règles régissant la profession (tels que les codes de
déontologie, les codes de bonne conduite ou les usages professionnels) et, d’autre part,
par celle d’un comportement respectueux et informatif à l’égard du consommateur. Elle
n’est cependant que l’une des deux conditions cumulatives à la qualification de la
déloyauté d’une pratique commerciale. La deuxième condition de la déloyauté selon
l’article 5.2b) de la directive et de l’article L 120-1 du Code de la Consommation est le
fait qu’elle « altère ou soit susceptible d’altérer substantiellement le comportement
économique du consommateur moyen ».
Section 2 : La condamnation de pratiques susceptibles d’altérer substantiellement
le comportement économique du consommateur moyen (article 5. 2.b)
L’expression est définie à l’article 2 e) de la directive, comme étant :
« l’utilisation d’une pratique commerciale compromettant sensiblement l’aptitude du
consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par
conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ».
Cet élément est très représentatif de la volonté générale de la directive d’interdire les
64
pratiques en fonction de leurs conséquences sur la liberté de choix du consommateur
(§1). Cette manière d’appréhender le critère de l’altération du comportement du
consommateur le rapproche en réalité des questions relatives au vice du consentement
en droit civil (§2).
§1 : La faculté pour le consommateur de faire son choix en connaissance de cause
En observant les commentaires de la doctrine ainsi que les motifs des décisions
judiciaires concernant le critère de l’altération du comportement, on note qu’il est
souvent assimilé à l’idée du défaut d’information dispensée au consommateur, ou même
à la présence d’éléments trompeur parmi les informations données (A), en excluant de la
définition les conceptions plus larges (B).
A)
Une dispense d’information de nature à tromper le consommateur sur le
produit
A l’analyse des jurisprudences qui développent ce que l’on entend par
« altération substantielle du comportement économique de consommateur », on constate
que c’est une notion assez proche de la tromperie. En effet, les juges assimilent l’idée
que le comportement économique ait été altéré à l’idée que les informations données au
consommateur étaient fausses ou insuffisantes pour qu’il puisse « faire son choix en
connaissance de cause ». C’est donc du côté des informations précontractuelles qu’il va
désormais falloir se tourner pour vérifier si une vente liée ou une vente avec prime
constitue une pratique déloyale au sens de la directive, et donc pour savoir si elle est
condamnable.
Dans certaines affaires ne concernant pas spécifiquement la vente liée ou la
vente avec prime, on trouve en effet ce rapprochement. C’est notamment le cas dans
l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 25 Mai 2011 opposant la société Herta au
65
Syndicat des labels porc et industrie Sylaporc 48, où il avait été jugé que le mauvais
emploi du terme « label » constituait une altération substantielle du comportement
économique du consommateur. Le « label » est défini par le Code Rural comme étant :
« une marque spéciale créée par un syndicat professionnel et apposée sur un produit
destiné à la vente pour en certifier l'origine et les conditions de fabrication ». En
l’espèce, la société Herta avait utilisé ce terme pour décrire ses produits, en le
combinant aux mentions « Charte de qualité » et « contrôlé par un organisme
indépendant » dans un encart publicitaire, alors que les produits en questions ne
disposaient pas réellement d’un label tel que défini ci-dessus. La société accusée fut
condamnée pour concurrence déloyale et parasitaire envers le syndicat Sylaporc
regroupant les professionnels de la charcuterie, demandeur, aux motifs que : « [ses
agissements ont été] de nature à altérer de manière substantielle le comportement du
consommateur final en induisant en erreur ce dernier sur la qualité du produit litigieux,
cette présentation pouvant lui laisser faussement croire à un produit bénéficiant d'un
label dans les conditions susvisées », aux termes de la décision. C’est donc avant tout
parce que l’indication induisait le consommateur en erreur quant aux qualités du produit
que l’on a considéré que la pratique altérait le comportement du consommateur. Il s’agit
donc d’une information destinée à tromper le consommateur sur le produit, et à rendre
ce dernier plus attractif en exagérant ses qualités.
Une autre décision de la Cour d’Appel de Paris datant du 28 septembre 2011 et
concernant la Société Anonyme Leguide49, qui a pour objet le référencement sur ses
sites internet des produits de différents vendeurs. Dans cette affaire, les juges du fond
ont estimé que le fait de faire apparaître prioritairement les produits des sociétés qui
l’avaient spécialement rémunéré dans ce but sans l’indiquer au consommateur était
selon l’arrêt « susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement
économique du consommateur qui est orienté d'abord vers les produits et offres des
e.marchands 'payants' et ne dispos[ait] pas ainsi de critères objectifs de choix ». Ainsi,
on attache là encore une importance à la faculté du consommateur de faire un choix en
connaissance de cause. En l’espèce, le consommateur ne savait pas quel critère
48
Cour d'appel Paris Pôle 5, chambre 4, 25 Mai 2011 N° 08/24218 S.A.S. HERTA c/ SYNDICAT DES LABELS
PORC ET CHARCUTERIES – SYLAPORC Numéro JurisData : 2011-014195
49
Cour d'appel Paris Pôle 5, chambre 10, 28 Septembre 2011 N° 10/08374 S.A. LEGUIDE.COM c/ S.A.R.L.
PEWTERPASSION.COM (ETAINPASSION.COM), S.A.R.L. SAUMON'S (ETAINS DU CAMPANILE) (Inédit)
66
gouvernait l’ordre d’apparition des produits dans le tableau de référencement : il était
automatiquement poussé vers ces produits, et pouvait penser que le critère était la
qualité, la demande, ou d’autres. Si on l’informait du critère réellement utilisé, il serait
probablement plus enclin à consulter les références suivantes. Ici, les juges demandent à
ce que l’on dote le consommateur de critères objectifs de choix : c’est l’idée qu’on ne
doit pas l’induire en erreur par les informations qu’on lui donne ou au contraire par
l’omission de l’informer. On se rapproche donc à nouveau de la tromperie.
Pour ce qui est du domaine de la vente liée, l’arrêt de la Juridiction de Proximité
de Lorient du 27 août 2009 pour l’affaire opposant un consommateur à la société Asus50
donne également des détails pour la définition en ce sens de l’altération du
comportement économique. En effet, le juge de proximité a jugé en l’espèce que le fait
de ne pas avoir indiqué clairement que les ordinateurs étaient pré-équipés de logiciels,
de ne pas avoir indiqué leur prix et de ne pas avoir été en mesure d’expliquer comment
les désinstaller, est une altération substantielle du comportement du consommateur. Il
statue en précisant que : « il ne peut être sérieusement contesté que les modalités de la
vente mises en place par la société ASUS ont pour effet de contraindre de manière quasi
directe le consommateur de conserver le système d’exploitation Windows de
Microsoft.» Là, il va jusqu’à assimiler ce procédé à une vente forcée : non seulement le
juge évoque ici la contrainte, mais également le fait que c’est le manque d’information
dont disposait le vendeur et des informations données au consommateur qui est la cause
de cette contrainte. C’est le défaut d’information qui empêche le consommateur de
conclure le contrat qu’il souhaitait conclure en réalité. C’est d’autant plus vrai que,
comme l’a justement fait remarquer Me Frédéric Cuif51, le type de pratique qui consiste
à vendre en une seule fois ordinateur et logiciel sans montrer la différence qui existe
entre ces deux produits a tendance à faire croire au consommateur qu’il ne s’agit que
d’un seul produit élimine complètement la possibilité de choix des logiciels pour le
consommateur qui n’est même pas conscient de l’existence d’alternatives. Il écrit en
effet : « si dans (…) [l’] esprit [des consommateurs], un ordinateur n'est aujourd'hui
vendu qu'avec Windows préchargé, c'est seulement et uniquement à cause de la
50
T. prox. Lorient, 27 Août 2009, Magnien c/Asus
51
« Double condamnation de SAMSUNG : la fourniture de logiciels non demandés est interdite » lundi 2 avril
2012 par Me Frédéric CUIF, en ligne à la page : http://www.cuifavocats.com/Double-condamnation-deSAMSUNG-la
67
pratique des constructeurs et du défaut manifeste d'information auquel ils se livrent à
leur égard, notamment sur le prix des logiciels et le fait qu'ils les payent. Autrement dit,
si les constructeurs informaient mieux le consommateur, ce dernier ne serait pas «pieds
et poings liés à son logiciel ». »
L’altération du comportement économique s’analyse donc comme la possibilité
pour le consommateur de faire son choix en connaissance de cause, en fonction des
informations qui lui ont été fournies et de la position dans laquelle il était placé par le
professionnel lors de son achat : il ne doit pas avoir été induit en erreur de quelque
manière que ce soit, et doit avoir pu disposer de critères objectifs de choix.
L’appréciation de cette condition de la déloyauté devra donc se limiter à cela et
exclure la condamnation de pratiques qui ne correspondent pas cette description.
L’altération substantielle du comportement économique : une notion
B)
limitée aux informations nécessaires données au consommateur
Les juges et la doctrine ont limité la notion d’altération substantielle, d’une part
en excluant les pratiques visant simplement à inciter le consommateur à contracter (1),
d’autre part en accentuant le caractère déterminant des informations omises pour son
choix (2).
1. Une notion distincte de l’influence de la pratique sur le consommateur
La notion d’altération du comportement du consommateur devait être précisée,
car c’est justement le propre de toute pratique commerciale d’inciter le consommateur à
contracter. Le professeur Monique Luby donne, dans son article « La directive 2005/29
sur les pratiques commerciales déloyales : (une illustration de la nouvelle approche
68
prônée par la Commission européenne) »52, son interprétation de la formule. Pour elle,
ce sont : « des pratiques susceptibles d'influer sur la perception d'un produit, sans
altérer l'aptitude à prendre une décision en connaissance de cause, tels le placement
légitime de produits, la différenciation des marques - publicité fondée sur la notoriété
d'une marque...-, ou les incitations à l'achat, ne sont pas condamnées ». Cette
interprétation doctrinale de la nouvelle législation confirme que c’est uniquement la
question de faculté pour le consommateur de faire son choix de manière éclairée qui est
en cause. On ne cherche pas à condamner les stratégies commerciales visant à mettre en
avant le produit dans l’esprit du consommateur, et qui n’apparaîtraient comme
trompeuse que si l’on imaginait à la place du consommateur les raisons pour lesquelles
il aurait contracté, mais on évalue au contraire la déloyauté d’une pratique en se
demandant objectivement s’il était capable, compte tenu des informations dont il
disposait, de prendre librement une décision commerciale.
La jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne donne une
interprétation similaire. Les juges européens insistent sur le fait qu’il faut plus que la
simple incitation à acheter pour constituer une « altération substantielle du
comportement économique du consommateur » au sens de la directive. Les arrêts qui
ont respectivement marqué la fin de l’interdiction per se des ventes avec primes et des
jeux et concours promotionnels (c’est-à-dire les opérations de jeux ou concours
subordonnées à l'acquisition d'un bien ou d'un service) font foi de cette interprétation.
Dans ces décisions, on note que le critère de l’altération du comportement n’a pas été
rempli pour les juges européens qui ont considéré que ces pratiques ne pouvaient être
interdites en toutes circonstances, alors que l’on pouvait soutenir qu’elles influençaient
le comportement du consommateur dans le sens de la consommation.
Pour ce qui est de l’affaire concernant les jeux promotionnels, l’avocat général
Trstenjak argumentait en faveur de l’interdiction dans le point 71 ses conclusions sur
l’affaire « Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV » rendues le 3
septembre 200953 en avançant que: « l'offre combinant participation à un jeu
52
Europe n° 11, Novembre 2005, étude 11 La directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales. - (une
illustration de la nouvelle approche prônée par la Commission européenne) Etude par Monique LUBY
Professeur à l'Université de Pau
53
Conclusions de l’avocat général Trstenjak présentées le 3 septembre 2009. Cour de Justice des Communautés
Européennes 3 septembre 2009 C‑304/08, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV c/ Plus
Warenhandelsgesellschaft mbH
69
promotionnel et vente de marchandises peut faire basculer la décision d'achat même
d'un consommateur moyen raisonnable de telle façon que cette décision ne sera plus
fondée sur des considérations rationnelles, mais sur le désir d'emporter le lot mis en
jeu. »Le fait que la législation nationale ait été censurée par la Cour alors même que les
pratiques interdites avaient, selon l’avocat général, un effet sur la décision du
consommateur de contracter montre que les juges européens cherchent à limiter
l’appréciation de l’altération. En effet, ce n’est pas l’influence sur la prise de décision
qui pose problème, et on se désintéresse des raisons qui ont pu conduire le
consommateur à contracter, tant qu’il l’a fait en disposant de toutes les informations
nécessaires pour acheter en connaissance de cause.
Dans le cas des ventes avec primes, l’arrêt de la Cour de Justice du 9 novembre
2010 Mediaprint Zeitungs und Zeitschriftenverlag GmbH54 énonce dans son considérant
46 que le seul fait de proposer une prime à l’achat d’un produit ne peut à lui seul
constituer une altération substantielle du comportement économique du consommateur.
Dans ce type d’offre en général, le consommateur contracte encore en connaissance de
cause, il disposait de toutes les informations, il n’a donc pas été trompé avant de
contracter. Les raisons hypothétiques pour lesquelles il a contracté, la loi et le juge
doivent s’en désintéresser selon la directive. On ne cherche pas à choisir à la place du
consommateur comme le feraient des législations plus dirigistes, on veut au contraire lui
donner les bons outils pour qu’il puisse lui-même faire un choix commercial parmi une
quantité de propositions : c’est là que l’on retrouve le raisonnement de la directive, qui
confirme l’idée que l’altération du comportement se mesure en fonction de la faculté
pour le consommateur de connaître parfaitement les conditions avant de contracter. On
refuse donc de considérer une technique de vente en général comme une altération du
comportement de consommateur sous prétexte qu’elle influencerait sa décision
commerciale : ce n’est pas une simple influence que ce critère condamne, mais une
manipulation qui relèverait davantage de la tromperie.
54
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 9 novembre 2010, Cour de justice des Communautés européennes aff.
C-540/08 “Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG c/ "Österreich"-Zeitungsverlag
GmbH”
70
C’est donc dans la mesure où elles induiront véritablement le consommateur en
erreur que les pratiques de ventes liées et de ventes avec primes seront condamnables
sous l’empire de la nouvelle loi. Mais même dans ces cas, les informations omises
devront être « substantielles » pour altérer le comportement du consommateur dans le
sens voulu par la directive.
2.
Une notion cantonnée à une dispense des seules informations
« substantielles »
Pour rester en cohérence avec l’esprit de la directive, il fallait donner un sens
restrictif à l’expression large d’ « altération du comportement économique du
consommateur ». Ceci se traduit dans le texte de la directive par la présence du
qualificatif « substantiel » accompagnant l’altération, qui vient limiter l’ampleur
apparente de ces termes vagues. Comme on l’a évoqué dans la première partie (p.21), la
présence de cet élément montre la volonté du législateur de tempérer l’interdiction en ne
considérant que les problèmes majeurs, dans un raisonnement parallèle à celui qui a
conduit les autorités européennes à instaurer un seuil de minimis en droit de la
concurrence conduisant à ne pas étudier les pratiques n’ayant qu’un faible impact sur le
commerce interétatique pour ce marché-là55. Le critère de l’altération substantiel se
limitera donc, à la manière des restrictions de concurrence, à l’appréciation des effets
concrets de la pratique.
Le caractère substantiel de l’altération s’est particulièrement illustré dans
l’évaluation de l’importance des informations manquantes. Dans l’affaire concernant la
vente liée de logiciels préinstallés opposant l’association UFC Que Choisir à la société
Hewlett Packard France, la Tribunal de Grande Instance de Nanterre56 avait jugé que le
défaut d’information donnée au consommateur sur les prix des logiciels n’était pas
substantiel dans la décision du consommateur d’acheter le produit. Selon les termes de
la décision : « [cela] ne revêt pas (…) un caractère substantiel puisque, ce qui importe
55
Voir Partie 1, Chapitre I, Section 1, §2 : « Le nouveau raisonnement de la directive 2005/29/CE : la
transposition de cette approche libérale dans le droit consumériste »
56
TGI Nanterre, 6e ch., 30 oct. 2009, UFC Que Choisir c/ Sté HP France : JurisData n° 2009-015353
71
avant tout pour le consommateur, c'est de connaître le prix global de l'objet proposé à
la vente ». Le professeur Michel Stoffel-Munck défend également ce point de vue57, en
partant du principe que le consommateur moyen sait qu’il s’agit d’un produit distinct et
qu’il peut s’informer seul du prix du logiciel vendu individuellement. Même si la Cour
d’Appel de Versailles est revenue sur cette appréciation en décidant dans la même
affaire que cette information avait en fait un caractère substantiel : du fait de la
proportion élevée du prix de la licence d’utilisation du logiciel par rapport au prix
global, et parce que le fait de ne pas afficher le prix empêchait le consommateur de
comparer l’offre avec celles des concurrents et donc de prendre une décision éclairée.
On comprend par la position des juges de première instance l’application que peut avoir
le terme « substantiel » dans l’appréciation des informations dispensées au
consommateur. Guy Raymond résume bien cette idée dans le Jurisclasseur Concurrence
Consommation de mai 2008 58: « L'altération doit être substantielle, c'est-à-dire qu'elle
doit être importante ; si l'altération n'atteint pas fondamentalement la décision du
consommateur, elle ne devrait pas être prise en compte. »
Ce que l’on a beaucoup reproché à la vente avec prime, c’est justement son effet
trompeur sur le consommateur, compte tenu du fait que la prime est présentée comme
étant gratuite alors que bien souvent son prix est intégré au prix de l’achat. L’allégation
de la gratuité de la prime serait donc, seulement dans ces cas-là, de nature à constituer
un défaut d’information altérant le comportement économique du consommateur.
Cependant ce type d’offres constitue des « primes auto-payantes » qui n’étaient pas
visées par l’interdiction de l’article L 121-35 avant la réforme de 2011. D’autres
préoccupations ont donc conduit le législateur à prohiber les primes, et celles-ci ne sont
pas reprises dans la nouvelle interdiction. En effet, comme l’énonce Me Régis Fabre
dans son ouvrage « Droit de la Publicité et de la Promotion des ventes »59, la vente avec
prime est nocive à trois égards : par son caractère trompeur, par la fausse présentation
57
Communication Commerce électronique n° 10, Octobre 2008, comm. 115 Vente liée et logiciels préinstallés :
la préinstallation est une pratique légitime mais le prix des licences de logiciels doit-il apparaître distinctement?
Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK
58
JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 900 : PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES ET
AGRESSIVES > I. - Principes généraux gouvernant les pratiques commerciales déloyales Cote : 05,2008 (Guy
Raymond)
59
Droit de la publicité et de la promotion des ventes - Edition 2006 3e édition Régis Fabre, Marie-Pierre
Bonnet-Desplan, Nadine Sermet, Nicolas Genty DALLOZ-SIREY
72
de gratuité de la prime; par son caractère inflationniste puisque cette fausse perception
du prix par le consommateur permet au commerçant d’augmenter artificiellement le prix
du produit vendu ; et par la concurrence déloyale résultant de ces offres, considérant que
le but de la concurrence, soit de récompenser le meilleur produit, est faussé au profit
d’une concurrence sur l’existence de primes. Or au regard de l’étude menée ci-avant des
conditions d’incrimination d’un professionnel pour pratique déloyale, on constate que
l’on se concentre sur l’élément trompeur de la pratique pour la condamner, et qu’on met
de côté les autres fléaux de cette pratique dont on ne protège plus le marché que dans la
mesure où elles serait une conséquence de la tromperie du consommateur moyen, et
plus sur la base des considérations qui avaient motivé les premiers textes.
En ce qui concerne la vente liée, sa nocivité n’est pas, en général, relative à la
question du manque d’information, de sorte que ce n’est que dans des cas spécifiques
que l’infraction pourra correspondre à ces critères.
Comme on l’a démontré, l’altération du comportement du consommateur se
traduit par la question de l’exactitude des informations entre les mains du
consommateur et de leur aspect déterminant dans sa décision de contracter. Cela n’est
pas sans rappeler les vices du consentement en droit commun des contrats.
§2 : Un rapprochement avec le vice du consentement en droit civil
Dans son article paru dans la revue Europe n° 11 de novembre 200560, le
professeur Monique Luby détaille comme on l’a vu précédemment en quoi la notion
d’altération du comportement est limitée aux informations dont disposait le
consommateur lors de sa prise de décision. Cela lui permet de conclure sur une
interrogation quant à la teneur de cette condition compte tenu de sa proximité avec le
droit commun des obligations des Etats membres.
60
Europe n° 11, Novembre 2005, étude 11 La directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales. - (une
illustration de la nouvelle approche prônée par la Commission européenne) Etude par Monique LUBY
Professeur à l'Université de Pau
73
En effet, se demander si le consommateur a pris une décision en connaissance de
cause, et s’interroger sur le fait qu’une information manquante était déterminante de son
consentement, n’est-ce pas parler de la validité du consentement, en s’aventurant sur le
terrain de l’erreur, du dol et de la réticence dolosive ? C’est ce que suggèrent certains
auteurs, et particulièrement le professeur Guy Raymond61 qui écrit que le fait que la
directive définisse l’altération du comportement comme étant le fait pour une pratique
de « [compromettre] sensiblement l'aptitude du consommateur à prendre une décision
en connaissance de cause et l'[amener] par conséquent à prendre une décision
commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement », c’est ramener cette question à l’étude
des vices du consentement. Selon lui, « Viser l'altération économique du comportement
c'est dire autrement que le consentement doit être sain et éclairé et qu'il ne doit pas être
entaché d'un vice du consentement. L'article L. 120-1 renvoie donc, implicitement, aux
articles 1109 et suivants du Code civil. » Cette position est défendable, dans le sens où
un consommateur dépourvu d’information nécessaire à sa prise de décision ne peut en
effet remplir les conditions de l’article 1109 du Code Civil selon lequel le consentement
du consommateur doit être éclairé. Lorsque les juridictions se sont interrogées sur ce
critère, comme l’a fait notamment la Cour d’Appel de Versailles au sujet du caractère
substantiel ou non du prix des logiciels préinstallés, ne posaient-elles pas en réalité la
question de savoir si l’information manquante était déterminante du consentement au
contrat de la part du consommateur? La distinction est en effet peu claire.
Plus concrètement, le fait pour un professionnel de violer la diligence
professionnelle en altérant le comportement du consommateur, ou comme on l’a détaillé
ci-avant, ne pas donner au consommateur les informations nécessaires et suffisantes
pour qu’il puisse faire un choix économique, n’est-ce pas constituer un dol ou une
réticence dolosive ? Le fait de tromper le consommateur sur un élément essentiel du
contrat constitue exactement la définition du dol. En effet, selon l’article 1116 du Code
Civil qui interdit les pratiques dolosives: « le dol est une cause de nullité de la
convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une ou l'autre des parties sont telles,
qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. » L’idée
de l’importance des éléments trompeurs dans la décision de contracter coïncide ici avec
le principe de substantialité de l’altération économique du comportement. Cependant,
61
JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 900 : PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES ET
AGRESSIVES > I. - Principes généraux gouvernant les pratiques commerciales déloyales Cote : 05,2008 (Guy
Raymond)
74
l’élément déterminant de la qualification du dol, c’est l’élément intentionnel du
coupable de la pratique qui n’est pas explicitement exigé dans les dispositions de la
directive. Ceci peut paraitre assez déroutant car si la qualification de dol a pour finalité
l’annulation d’un contrat, la qualification de pratique commerciale déloyale a pour but
la sanction pénale d’un comportement illicite, qui peut aller jusqu’à deux ans de prison
et 150 000 euros d’amende selon le Code de la Consommation. Peut-être que le
caractère pénal du texte en cause implique un élément intentionnel à la pratique
prohibée, mais là encore, celui-ci ne doit pas être recherché. En effet, même pour les
pratiques trompeuses de l’article 6 qui servent à prohiber la publicité trompeuse, on
condamne le fait de donner des informations « susceptibles d’induire en erreur », même
si celles-ci ne sont ni fausses ni mensongères : la qualification est donc plus facile que
celle du dol puisqu’elle repose sur les effets de la pratique et non sur l’intention
délictuelle du professionnel.
Le caractère intentionnel n’est en revanche pas requis pour l’erreur viciant le
consentement, où la fausse idée du contractant sur le contrat empêche également la
rencontre des consentements à l’origine de la formation du contrat. L’article 1110 du
Code Civil définissant l’erreur la décrit comme étant une cause de nullité de la
convention à la condition qu’elle « tombe sur la substance même de la chose qui en est
l'objet ». Selon cette définition, on ne trouve pas beaucoup de points distinguant ce vice
du consentement du droit commun des contrats et l’altération du comportement,
puisqu’on exige des deux qu’ils portent sur un élément essentiel du contrat, autrement
dit, ils doivent être substantiels.
Cependant, les décisions de l’affaire Guerby c/ Darty rappellent que l’approche
civiliste ne peut se substituer à une appréciation en fonction des conditions de la
directive sur les pratiques commerciales déloyales. Dans le jugement de première
instance de la juridiction de proximité de Paris du 25 septembre 2008 62, le juge s’était
basé sur une approche purement civiliste pour statuer à l’encontre du consommateur au
motif que : « Que dès lors, Monsieur GUERBY reconnaît avoir été parfaitement
informé de son achat, Qu'il a eu le choix d'acheter ou non », décidant ainsi qu’il n’y
avait pas de défaut d’information de nature à constituer un vice du consentement, ni de
ce fait de contrainte à l’achat. Cette décision a pourtant été cassée par la Cour de
62
Juridiction de proximité de Paris 1er du 25 septembre 2008, Arrêt Guerby ¢ Darty
75
Cassation dans un arrêt du 15 novembre 201063, au motif que le juge devait analyser la
question sous l’angle de l’article L 122-1 du Code de la Consommation (tel qu’en
vigueur en 2008) à la lumière des dispositions de la directive 2005/29/CE sur les
pratiques commerciales déloyales : c’est donc que l’appréciation en fonction de ces
derniers textes dépasse, en théorie du moins, la seule évaluation des vices du
consentement. La Cour se contente cependant de cet argument, sans distinguer les deux
approches au fond : le débat reste entier. Il reste encore à pouvoir dire en quoi la
condition d’une altération substantielle du comportement du consommateur se
différencie de l’erreur vice du consentement.
Le fait qu’on ne soit plus véritablement capable de distinguer clairement des
infractions du Code de la Consommation avec les causes de nullité du droit commun
des contrats du Code Civil est relativement interpellant quant au degré de protection
attendue de la part de la directive. N’est-on pas en droit d’attendre du droit de la
consommation, qui est sensé refléter l’inégalité entre le professionnel et le
consommateur et la corriger, une protection allant au-delà de celle réservée à un
contractant quelconque? Cela aurait été souhaitable si l’on désirait garder un droit
spécial autonome ayant pour objet la protection du consommateur.
63
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2010, 08-20.227, Arrêt Guerby ¢ Darty, Inédit
76
A l’heure de dresser un bilan des interprétations des deux conditions
cumulatives, on constate qu’elles se recoupent entre elles. En effet, le respect de la
diligence professionnelle constitue l’obligation pour le professionnel de donner au
consommateur les informations dont il a besoin, et l’altération du comportement du
consommateur n’est réalisée selon la directive que lorsque celui-ci ne dispose pas des
informations nécessaires pour faire son choix en connaissance de cause. De plus, le fait
de fonder la déloyauté sur le manque d’informations précontractuelles, se rapproche
certes de l’étude des vices du consentement, mais est également très semblable à la
tromperie réprimée par la même directive, qui réprime en particulier les actions
trompeuses et omissions trompeuses (articles 6 et 7). Cela signifierait que l’article 5
servirait surtout à condamner les pratiques qui, sans pouvoir rentrer dans les définitions
plus précises des articles 6 et 7, seraient en réalité des pratiques trompeuses. Il
semblerait alors que cet article 5 soit une sorte de soupape de secours, qui est incluse
dans le texte surtout pour éviter de légaliser les pratiques que n’aurait pas prévu
expressément le législateur européen.
Les deux critères de l’article 5.2 sont définis par rapport aux informations
dispensées au consommateur et à leur importance dans sa prise de décision, ce qui les
rapproche de la prohibition des pratiques commerciales trompeuses. La considération du
manque d’informations nécessaires est cependant loin d’être au cœur des
préoccupations liées à la vente subordonnée et à la vente avec prime. En effet et comme
on l’a écrit, ce n’est plus que dans des cas marginaux centrés sur l’effet trompeur de la
pratique qu’elles pourront être condamnées comme étant déloyales au sens de cet article
5.2. On comprend donc que la directive, en posant ces conditions, ne cherchait pas à
interdire ces pratiques, mais seulement à condamner l’effet trompeur des pratiques
commerciales en général sur le consommateur. Cette observation confirme l’idée que
l’interdiction de ces pratiques ne se fera désormais qu’à titre exceptionnel.
Après avoir conclu à la difficulté de qualifier, selon ces critères, la vente liée et
la vente avec prime comme des pratiques déloyales, il faut aborder les différentes
sources de contestation de la méthode d’appréciation concrète de ces infractions.
77
Chapitre 2 : La contestation de l’approche casuistique en matière de vente
liée et de vente avec prime
En France, à la fois la doctrine et la jurisprudence ont émis des avis
contestataires vis-à-vis de la légalité de principe de ces pratiques. Sur le plan théorique,
certains objectifs poursuivis par les anciens textes sont délaissés par l’interdiction de ces
pratiques au cas par cas (section 1), et en pratique, nous étudierons le manque de
cohérence dans l’appréciation des critères par la jurisprudence (section 2). On ouvrira le
développement sur une éventuelle possibilité de revenir à une interdiction en toutes
circonstances de ces pratiques en vertu de la directive (section 3).
Section 1 : Un nouveau raisonnement délaissant certains objectifs poursuivis par
les anciens textes
Même si l’interdiction subsiste pour des cas qui rassemblent les conditions de la
déloyauté, certaines préoccupations qui avaient guidé les rédacteurs des textes
précédents vers une interdiction in abstracto des ventes avec primes et des ventes liées
sont écartées si l’on refuse de considérer que ce qui en fait des pratiques néfastes est
inhérent à leur nature même. C’est surtout vrai pour les ventes avec primes, comme en
témoigne le fait que contrairement aux ventes liées, la jurisprudence n’a pas tenté au
cours des années d’assouplir la règle d’interdiction absolue posée par le Code de la
Consommation.
En effet, le professeur Michel Pédamon affirme, au sujet du processus européen
de libéralisation de ces ventes entamé il y a une dizaine d’années: « les mesures
proposées sont manifestement trop brutales, elles vont trop loin : elles entraînent un
véritable bouleversement des règles en vigueur, une atténuation de la protection des
consommateurs, sans assurer pour autant « l’égalisation des conditions de la
78
concurrence et la sécurité juridique de entreprises »64. Plus récemment, les mêmes
écueils ont été évoqués par le Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi
dans une réponse ministérielle du 4 Mai 2010, où celui-ci énonce que : « la France ne
se satisfait pas de la situation actuelle, qui se traduit par une diminution du degré de
protection des intérêts des consommateurs et une insécurité juridique pour les
opérateurs. »
On retrouve donc deux critiques majeures de ce changement de méthode : d’une
part, un défaut de protection du consommateur (§1), et d’autre part, une insécurité
juridique résultant de l’approche casuistique (§2).
§1 : Un défaut de protection du consommateur
De nombreux juristes favorables à l’interdiction des ventes avec primes ont
justifié la survivance de ce texte par le fait que le consommateur est perturbé par la
présence de la prime, qui le pousse à consommer davantage et sans se concentrer sur les
qualités intrinsèques du produit qu’il achète. Une réponse ministérielle65 datant du 21
octobre 1985 dit de cette pratique, alors même que cette époque a connu un
développement de la pensée libérale comme en témoignera la réforme de ce texte
opérée par l’ordonnance de 1986, qu’ « elle fausse le jugement du consommateur
détourné de son choix initial fondé sur un rapport qualité-prix ». La Cour de Justice des
Communautés Européennes avait d’ailleurs elle-même statué en ce sens66 dans un arrêt
datant de 1982 qui prône le caractère déloyal des primes et la nécessité des législations
qui les interdisent : "On ne saurait méconnaître que l'offre de primes en nature comme
moyen de promotion des ventes peut induire en erreur les consommateurs sur les prix
réels des produits et fausser les conditions d'une concurrence basée sur la compétitivité.
Une législation qui, pour cette raison, restreint ou même interdit de telles pratiques
64
M. Pédamon, La réglementation des ventes avec primes : entre droit de la consommation et droit de la
concurrence, in Études de droit de la consommation : Liber amicorum Jean Calais Auloy, éd. Dalloz 2004, p.
830
65
Rép. Min. 61280 JOAN 21 oct. 1985 p. 4975
66
CJCE, 15 déc. 1982 aff. 286/81, “Oosthoek's Uitgeversmaatschappij”
79
commerciales est donc de nature à contribuer à la protection des consommateurs et à la
loyauté des transactions commerciales." Cette affirmation est directement contredite par
l’arrêt de la CJCE du 9 novembre 201067 qui énonce que l’offre d’une prime à l’achat
d’un bien ou d’un service ne constitue pas en soi une altération du comportement
économique du consommateur moyen. L’objectif de l’interdiction qui consistait à
assurer une réelle évaluation des produits eux-mêmes par le consommateur avant tout
achat est loin d’être repris par les critères posés par la directive et détaillés ci-avant.
Au-delà des considérations relatives aux éléments protecteurs qui ont disparu
avec la mise en place du prisme de la déloyauté préalable à toute condamnation de telles
pratiques, l’intérêt du consommateur peut également être menacé par le fait que la
preuve de la déloyauté, qui dépend à présent de considérations vaguement délimitées, ne
soit devenue plus difficile à rapporter pour le consommateur, comme le souligne
monsieur Nicolas Dupont68. En effet, pour un consommateur, il est particulièrement
délicat de prouver ce qui, dans l’absolu, serait en mesure d’altérer le comportement d’un
consommateur moyen, puisque ces notions sont abstraites et si modulables en fonction
de la situation envisagée que même en présence d’une véritable déloyauté vis-à-vis du
consommateur, il serait peu aisé pour ce dernier de le démontrer en fonction des critères
de la directive. Ainsi, non seulement cette méthode laisserait passer des situations non
prévues par la directive mais tout de même dangereuses pour le consommateur, mais
quand bien même une pratique aurait des chances d’être qualifiée comme déloyale en
vertu de ces dispositions, le manque de précision dont elle fait preuve empêcherait
celui-ci de l’établir.
Finalement, en faisant le bilan de la jurisprudence de la Cour de Justice, on
constate que la France est loin d’être la seule à avoir prohibé en principe ce type de
pratiques. A travers les différents arrêts qu’on a cités, on constate que la Belgique,
l’Allemagne, l’Autriche mais aussi la Pologne étaient dotées de telles interdictions qui
ont été condamnées par la Cour de l’Union Européenne. Ce point est notamment
soulevé par Me Lila Ferchiche et Me Pascal Wilhelm, qui écrivent en 2009 « comment
les institutions européennes peuvent-elles expliquer les multiples condamnations d'États
67
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 9 novembre 2010, Cour de justice des Communautés européennes aff.
C-540/08 “Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG c/ "Österreich"-Zeitungsverlag
GmbH”
68
La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 51, 23 Décembre 2010, 2135 « Vente liée d'ordinateurs et de
logiciels : une victoire en demi-teinte des consommateurs » Nicolas Dupont
80
membres (ou la remise en cause de leur législation) au motif que leurs dispositions
internes assurent un degré plus élevé de protection des consommateurs que celui prévu
par les directives d'harmonisation totale, alors que l'objectif poursuivi et clairement
affiché de ces institutions est précisément le renforcement des droits des consommateurs
européens ? »69 Ils relient cet état de fait à la question du degré de protection du
consommateur par la directive, car si de nombreux Etats sont contraints de modifier leur
législation à la baisse, c’est que l’harmonisation dégrade pour eux le niveau de
protection.
En France, le Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi a émis,
dans sa réponse publiée au Journal Officielle le 4 Mai 2010 à une question au
Gouvernement de la part du Député UMP Lionel Tardy au sujet de la fin de
l’interdiction absolue de ces pratiques, une critique virulente de ce changement
d’approche, et annonce même que : « La France entend demander à [l’occasion de la
présentation par la Commission Européenne qui doit avoir lieu en 2011 d’un bilan
d'application de la directive 2005/29 CE], et en relation si possible avec d'autres États
membres, une révision de cette directive, afin de pouvoir maintenir un encadrement
juridique des pratiques précitées et plus généralement des pratiques dites
promotionnelles,
approprié
à
la
protection
des
intérêts
économiques
des
consommateurs. » Même si cette réponse n’a pas été suivie de faits, et que, bien loin de
demander une réforme, la France a avalisé la position de la Cour de Justice en
transposant dans le Code de la Consommation l’exigence de déloyauté comme
condition de la condamnation de ces ventes par la loi du 17 mai 2011, elle reflète
l’insatisfaction des instances dirigeantes françaises sur la fin de la condamnation per se.
Cette nouvelle méthode présente donc des lacunes en termes de protection du
consommateur, et elle ne résout pas non plus le problème de l’insécurité juridique.
69
Contrats Concurrence Consommation n° 7, Juillet 2009, étude 8 Le sort des ventes subordonnées et des ventes
avec primes en droit français de la consommation, après l'arrêt de la CJCE du 23 avril 2009 Etude par Pascal
WILHELM avocat Associé Wilhelm & Associés et Lila FERCHICHE avocat à la Cour Wilhelm & Associés
81
§2 : L’insécurité juridique générée par ce nouveau critère d’interdiction
Comme l’a évoqué le professeur Chagny70, le but premier affiché du législateur
européen était d’unifier les différents droits européens avec cette directive
d’harmonisation maximale pour éliminer les barrières légales aux échanges entre Etats
Membres de l’Union Européenne. Il s’agissait en effet d’éliminer les trop grandes
disparités entre les différentes législations nationales pour renforcer la confiance des
professionnels aussi bien que des consommateurs et les encourager ainsi à rentrer dans
les relations contractuelles transfrontières. On peut citer à l’appui de cette idée l’un des
tout premiers considérants de la directive, considérant 4 :
« Ces disparités entraînent une incertitude quant aux règles nationales applicables aux
pratiques commerciales déloyales portant atteinte aux intérêts économiques des
consommateurs et créent de nombreuses entraves touchant les entreprises et les
consommateurs. Ces entraves augmentent le coût à supporter par les entreprises pour
exercer les libertés liées au marché intérieur, en particulier lorsqu’elles souhaitent
s’engager dans une commercialisation, lancer des campagnes publicitaires ou offrir des
promotions commerciales transfrontalières. Pour les consommateurs, de telles entraves
entraînent également des incertitudes quant à leurs droits et affaiblissent leur confiance
dans le marché intérieur. »
Le professeur Monique Luby appuyait cette idée en 200571 avec des données
concrètes, en écrivant que : « cette disparité induit une insécurité juridique qui incite les
entreprises et les consommateurs à se replier sur leur marché national, freinant la
réalisation du marché intérieur. Les consommateurs de l'UE font preuve d'une
70
LES ENJEUX JURIDIQUES EUROPÉENS 31 mars 2010 Chambre de commerce et d’industrie de Paris
Atelier Droit des contrats, de la consommation et du commerce électronique sous la présidence de Martine
Behar Touchais, professeur à l’Université de Paris Descartes (Paris V) « L’harmonisation totale du droit de la
consommation dans le marché intérieur : amélioration ou dégradation du droit de la consommation en France?
Illustration : les ventes liées à l’épreuve de la directive sur les pratiques commerciales déloyales » Muriel
CHAGNY
71
Europe n° 11, Novembre 2005, étude 11 : La directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales. (une illustration de la nouvelle approche prônée par la Commission européenne) Etude par Monique LUBY,
Professeur à l'Université de Pau
82
confiance nettement moindre à l'égard des achats transfrontaliers (32 %) par rapport
aux achats effectués dans leurs pays (56 %). Et les entreprises, victimes de distorsions
de concurrence et de coûts accrus vu la diversité des contraintes nationales, sont
réticentes à avoir des activités transfrontières de marketing et de vente. Ce qui fait pâtir
l'économie de l'UE d'un « coût d'opportunité » résidant dans la hausse du PIB non
réalisée ». Une harmonisation maximale dans ce domaine était donc la bienvenue pour
renforcer le commerce entre Etats membres.
Cependant, si cette harmonisation a apporté une certaine sécurité juridique au
niveau transfrontalier, certains auteurs regretteront qu’elle ne l’ait diminuée de manière
générale. Le législateur a certes veillé à unifier les différentes législations européennes,
mais sans donner au texte la précision nécessaire pour que tous les juges nationaux
l’appliquent de la même manière, et, pire encore, pour que les juges d’un même Etat ne
sache comment l’appliquer, comme en témoigne le fait qu’on ait dû attendre quatre ans
avant de s’apercevoir que les interdictions françaises des ventes liées et des ventes avec
primes étaient contraires à la directive ! A part la sécurité apportée par l’annexe 1
imposant aux Etats Membres de condamner en toutes circonstances certaines pratiques,
les critères d’appréciation sont tellement casuistiques qu’il résulte assez difficile pour
les professionnels d’évaluer en amont la conformité de leurs pratiques avec la directive
comme cette dernière les y invite pourtant.
Me Anne-Laure Falkman développe cette idée dans son article paru en 2011
« Les ventes subordonnées, ventes avec primes et loteries sont désormais officiellement
licites : avancée juridique ou casse-tête à venir ? »72 . Selon ses termes, « Il est à
craindre que [la notion d’altération du comportement économique du consommateur]
donne lieu à des décisions de justice extrêmement casuistiques créant de fait une
incertitude pour tout commerçant lors du lancement d'une nouvelle opération. »
En ce qui concerne la vente avec prime, l’ancien texte était, comme on l’a
exposé en introduction, assorti de nombreuses exceptions, quant au prix de la prime par
exemple ou quant au type d’objet offert (exception pour les « menus objets »). Or
comme le souligne Me Falkman toujours dans le même article, la réforme du 17 mai
2011 n’a pas abrogé les exceptions prévues initialement à l’interdiction systématique de
72
Contrats Concurrence Consommation n° 8, Août 2011, alerte 64 « Les ventes subordonnées, ventes avec
primes et loteries sont désormais officiellement licites : avancée juridique ou casse-tête à venir ? » Focus par
Anne-Laure Falkman Counsel, August & Debouzy
83
ce type d’offre promotionnelle. Comme elle l’exprime, « Doit-on comprendre que la
remise d'une prime de faible valeur (répondant à la règle des 7 % rappelée ci-dessus)
doit être considérée de facto comme loyale et que seules les primes de valeur plus
importante doivent subir l'examen de loyauté ? ». Le législateur n’apporte pas de
réponse à cette question, ce qui rend encore plus confuse l’analyse de leurs
comportements par les commerçants an amont ainsi que celle des juges en aval. En
effet, le nouveau texte de l’article L 121-35 ne pose l’exigence de la déloyauté qu’au
premier alinéa qui prévoit l’interdiction de principe, sans toucher les exceptions décrites
dans les alinéas suivants, alors que la directive n’opère pas de distinction.
De plus, il faut rappeler que ces dispositions du Code de la Consommation
constituent des articles de droit pénal. Evaluer sa pratique par rapport à ces textes, ce
n’est donc pas simplement prévoir les effets d’un contrat de droit civil, c’est
véritablement juger des conséquences d’une sanction pénale ! Cela est d’autant plus
grave que ce flou est contraire au principe de légalité du droit pénal qui exige des
incriminations qu’elles soient claires et précises. Ce principe est protégé par l’article 7
de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, ce qui pourrait
induire une réforme. Cependant si la directive s’impose à tous les Etats Membres de
l’Union Européenne, elle ne leur impose aucunement de sanctionner pénalement les
pratiques commerciales. En effet, l’article 13 est ainsi rédigé : « Sanctions : Les États
membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des
dispositions nationales prises en application de la présente directive, et mettent tout en
œuvre pour en assurer l’exécution. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives,
proportionnées et dissuasives. » On en déduira que si une condamnation en ce sens
intervient, ce sera certainement le législateur français qui se verra contraint de
dépénaliser ces textes plutôt que l’Union Européenne de changer sa méthode d’analyse.
Ces critiques de l’approche pratique s’illustrent par le manque de solution
jurisprudentielle concluante dans l’appréciation de ces pratiques par rapport aux critères
de l’article 5.
84
Section 2 : Un manque de cohérence dans la condamnation des pratiques
L’insécurité juridique résultant de cette nouvelle approche est reflétée par le
manque de ligne directrice dégagée par les décisions concernant ces pratiques rendues
après la jurisprudence VTB-VAB du 23 avril 2009. Cette incertitude est confirmée par
l’étude de la jurisprudence concernant ces pratiques qui ont suivi l’affirmation de la
nouvelle méthode.
Premièrement, on constate que les décisions de ces trois dernières années se
concentrent dans le domaine de la vente liée sans que l’on ne puisse trouver d’exemple
traitant de cas de vente avec prime dans cette période, et les décisions au sujet de la
vente liée traitent quasi-exclusivement des ventes d’ordinateurs subordonnées à l’achat
de logiciels pré installés, à l’exception des arrêts dans l’affaire « Orange Sports » au
sujet des offres Triple Play d’abonnements à internet, qu’on a déjà évoqués ici.
En deuxième lieu, il convient de noter que dans la jurisprudence postérieure à
l’arrêt VTB-VAB concernant des ventes liées, les juges du fond ont souvent été
sanctionnés par les niveaux supérieurs de juridiction pour avoir statué sans tenir compte
du raisonnement imposé par la directive 2005/29/CE. En effet, ces derniers ont parfois
mal effectué l’appréciation en fonction des critères de la directive ou ont purement et
simplement ignoré son application, en continuant d’appliquer les reliquats de l’ancienne
méthode. Ceci a provoqué leur sanction par les juges subséquents sans que ces
condamnations ne puissent être concluantes quant au fond de l’affaire. De ce fait, les
décisions dans ces affaires n’apportent pas d’éléments sur la manière dont il faudrait
appliquer la directive et sur la conclusion qu’on pourra en tirer pour ces pratiques.
En éliminant de notre étude les décisions qui ont sanctionné les juges pour une
mauvaise application voire une inapplication du raisonnement dicté par la directive
2005/29/CE, on peut conserver au titre des décisions définitives trois décisions ayant
validé la pratique de vente liée (§1), et trois décisions ayant condamné la pratique en
vertu de l’article 5. 2 de la directive (§2).
85
§1 : Les décisions définitives ayant validé les pratiques en vertu de l’article 5. 2
S’agissant des validations de la pratique, on compte le jugement du Tribunal de
Grande Instance de Bobigny du 15 Mai 2009 opposant l’association UFC Que Choisir à
la société Auchan73, qui vendait des ordinateurs avec des logiciels préinstallés sans
possibilité d’y renoncer lors de l’acquisition et sans indiquer le prix des logiciels
pourtant intégré au prix total du bien. Les juges de première instance statueront dans le
sens de la validité de la pratique en interprétant l’interdiction des ventes liées de l’article
L 122-1 du Code de la Consommation à la lumière du droit européen. En effet, ils
jugent que cette pratique ne constitue ni une pratique trompeuse, ni une pratique
agressive, ni une pratique déloyale en général selon les dispositions de la directive sans
donner de détail sur les motifs, mais imposera tout de même à Auchan d’afficher les
prix des logiciels vendus sur le fondement de l'article 7 de l'arrêté du 3 décembre 1987
qui exige de mentionner le prix de chaque produit lorsque ceux-ci sont vendus par lot.
La deuxième décision définitive venant valider une vente liée est celle de la
Cour de Cassation dite « Orange Sports » du 13 juillet 201074. Dans cet arrêt, les juges
de la cour supérieure ont rejeté le pourvoi formé contre la décision de la Cour d’Appel
de Paris du 14 Mai 200975 et affirment que la subordination de l’accès à la chaîne
Orange Foot à l’abonnement triple play d’Orange ne constitue pas une pratique
commerciale déloyale au sens de l’article 5 de la directive 2005/29/CE et n’est donc pas
condamnable selon le droit positif français. Les arguments opposés aux concurrents
d’Orange, Free et SFR, qui avaient intenté l’action est que le fait ce type d’offre ainsi
que le fait que la chaîne en question ait une exclusivité sur certains événements sportifs
constitue avant tout manière de diversifier l’offre sur un marché très compétitif et où les
acteurs ont du mal à se différencier. On juge que le contexte dans lequel cette pratique
s’est réalisée l’empêche d’être condamnée en vertu de la directive.
73
TGI Bobigny, 15 mai 2009, aff. 06/14817, Assoc. UFC Que Choisir c/ Auchan France, définitif.
74
Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-15.304 et 09-66.970, FS-P+B, Free et SFR c/ France Télécom, Orange sports
et Ligue nationale de football : JurisData n° 2010-011628
75
CA Paris, 5e ch., 14 mai 2009, SA France Telecom et SA Orange Sports c/ SAS Free et SA Neuf Cegetel
(absorbée par SFR), avec les interventions volontaires de l'assoc. « La Ligue de Football professionnel », de
l'assoc. nationale des ligues de sport professionnel et du min. Éco., Industr. et Emploi (DGCCRF Paris) :
JurisData n° 2009-003817 (Voir la décision reproduite à l’annexe 2 de ce document p. 120)
86
La dernière décision est celle de la première chambre civile de la Cour de
Cassation du 12 juillet 201276 cassant un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 5 Mai
201177 dans l’affaire qui opposait l’association UFC Que Choisir à la société Hewlett
Packard France. Les juges du fond avaient condamné HP en considérant que sa vente
d’ordinateur avec logiciels préinstallés constituait une vente liée déloyale au sens de la
directive 2005/29/CE. Les motifs de l’arrêt étaient que le fait de ne pas indiquer le prix
des logiciels et de ne pas offrir de faculté d’y renoncer avant l’achat avec déduction du
prix total du bien constituait un manquement à la diligence professionnelle ainsi qu’une
altération du comportement du consommateur, l’information concernant le prix du
logiciel devant être regardée comme substantielle à la décision de contracter. Les juges
ont donc évalué la pratique concrètement, conformément aux dispositions de la
directive. Cette décision a cependant été cassée par la l’arrêt qui nous occupe. La
juridiction suprême la critique pour ne pas avoir tiré les conclusions qui s’imposaient,
compte tenu de ce que la société HP proposait des ordinateurs non pré-équipés « nus »
sur son site dédié aux professionnels, et que les consommateurs intéressés par ce type
d’achat pouvaient parfaitement s’y rendre et y effectuer leur transaction même si la
société ne garantissait pas qu’elle pourrait installer un système d’exploitation sur ce
types de produits. Ici la Cour de Cassation montre sa détermination à éviter les
condamnations trop rapides de ces pratiques alors qu’en considérant la situation dans sa
globalité, on pouvait éviter une telle condamnation.
Les argumentaires présentés reflètent bien l’idée d’une étude très casuistique de
chaque espèce. On ne peut donc en tirer un enseignement général quant à la tendance
jurisprudentielle, ni en tirer de critères concrets fondant la validité de ces pratiques.
Trois autres décisions ont au contraire condamné de telles pratiques en vertu du même
texte.
76
Arrêt n° 833 du 12 juillet 2012 (11-18.807) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI : FR :
CCASS : 2012 : C100833
77
CA Versailles, 3e ch., 5 mai 2011, n° 09/09169
87
§2 : Les décisions définitives ayant condamné les pratiques en vertu de l’article 5. 2
En ce qui concerne les décisions définitives ayant condamné ces pratiques sur le
fondement de l’article 5. 2 de la directive 2005/29/CE, elles sont également au nombre
de trois. La première est celle de la juridiction de proximité de Lorient du 27 Aout
200978, qui concernait l’affaire Magnien contre Asus. Dans cette affaire, les juges du
fond ont condamné la pratique en jugeant qu’elle était effectivement contraire à la
diligence professionnelle et qu’elle altérait substantiellement le comportement du
consommateur, en raison du caractère contraignant de la renonciation aux logiciels
préinstallés. Ils jugent en effet que le manque d’information sur le prix des logiciels
diminue l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause
de manière à constituer une altération de son comportement. De plus, le fait que M.
Magnien n’en ait pas été informé avant l’achat constitue, selon le jugement, un
manquement à la diligence professionnelle. Le juge en conclura que cette pratique a
« pour effet de contraindre de manière quasi directe, le consommateur, à conserver le
système d’exploitation Windows de Microsoft. »
La deuxième décision définitive en ce sens est celle de la juridiction de
proximité de Toulouse du 20 Mai 2011, dans l’affaire Vermel contre la société Dell 79.
Là encore, les juges constatent que le prix affiché de l’ordinateur ne comportait pas de
distinction en fonction de la pré installation ou non du logiciel, à laquelle il était par
ailleurs impossible de renoncer et donc de s’en faire rembourser. Les juges estiment que
ces conditions sont très rigides et en défaveur du consommateur, et diminuent la
capacité pour le consommateur de contracter en connaissance de cause, le contraignant
donc à conserver le produit non désiré. Ils en concluent que cette pratique est contraire
aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère substantiellement le
comportement économique du consommateur, constituant ainsi une vente liée déloyale
au sens de la directive.
78
Jur. proximité Lorient, 27 août 2009, n° 91-08-000276, M.E c/ SARL ASUS France et SARL No Work Tech. Jur. proximité Lorient, n° 91-09-000255, M.E c/ SARL ASUS France et SARL No Work Tech.
79
Jur. proximité Toulouse, 20 mai 2011, n° 91-09-000641, M. V. c/ SA Dell.
88
La dernière décision définitive à pencher vers la déloyauté d’une vente liée en
vertu de l’article 5 de la directive est l’arrêt de la Cour de Cassation du 6 octobre
201180, intervenu dans l’affaire opposant l’association UFC Que Choisir à la société
Darty, toujours dans le domaine de la vente d’ordinateurs avec logiciels préinstallés. Cet
arrêt casse celui de la Cour d’Appel de Paris du 26 novembre 2009 81 où les juges du
fond avaient jugé que le prix des logiciels préinstallés ainsi que leurs conditions
d’utilisation n’étaient pas une information substantielle de nature à altérer le
comportement économique du consommateur, et que les informations dispensées, à
savoir l’identification du matériel délivré, suffisait à permettre au consommateur de
trouver par ses propres moyens des informations complémentaires. La juridiction
supérieure censure ce raisonnement en estimant que les informations manquantes étaient
essentielles à la vente des logiciels, sans lesquelles le consommateur moyen ne pouvait
prendre une décision en connaissance de cause. Même si cette décision ne donne pas de
solution concrète au litige puisque les juges de cassation n’ont pas vocation à apprécier
les faits au fond de l’affaire, elle se situe dans la lignée des décisions en faveur d’une
condamnation de ces pratiques en affirmant le caractère essentiel des informations
omises par la société Darty.
Le bilan est donc peu concluant quant au critère d’appréciation de la déloyauté.
On remarquera que dans les jugements cités (des juridictions de proximité de Lorient et
de Toulouse), c’est l’idée de contrainte qui semble justifier la condamnation. Dans ce
cas, on peut se demander pourquoi les juges se sont fondés sur l’article 5, et pas sur
l’article 8 qui incrimine les pratiques agressives et évoque expressément la contrainte
comme élément de la qualification.
A l’étude de ces décisions favorables ou défavorables à l’exercice de telles
pratiques, on ne peut que constater la disparité des jurisprudences concernant les ventes
liées, et leur difficulté à se rassembler sur une interprétation bien définie des critères de
l’article 5 de la directive, même lorsque les espèces sont très proches comme on
l’observe dans le domaine de la vente d’ordinateurs avec ses logiciels qui concerne, à
une exception près, toutes les décisions étudiées. Les juges ne s’accordent ni sur le
80
Cass. 1re civ., 6 oct. 2011, n° 10-10.800, UFC Que Choisir SAS Darty et fils : JurisData n° 2011-021022
81
CA Paris, 5e ch., 26 nov. 2009, n° 08/12771, Darty c/ UFC Que Choisir : JurisData n° 2009-015350
89
dispositif ni sur les motifs. Cette cacophonie est une conséquence logique de
l’instauration d’une approche casuistique où l’étude de la déloyauté se fait en fonction
de la situation concrète du litige. Ceci contribue à une incertitude quant à la solution
juridique qui pourra être donnée, de nature à engendrer une insécurité juridique pour les
professionnels, et, bien loin de leur donner une plus grande liberté d’action, leur faire
ainsi douter de la validité de leurs pratiques.
Certaines décisions récentes ont été plus audacieuses et déterminées à conserver
une forte interdiction des ventes liées, au moins en ce qui concerne vente d’ordinateurs
avec logiciels préinstallés.
Section 3 : Les possibilités d’un retour à l’interdiction des ventes liées et des ventes
avec primes en toutes circonstances en vertu de la directive
Malgré un départ centré sur les conditions de l’article 5 de la directive comme
seule possibilité de condamnation de ces ventes, des juges du fond ont plus récemment
qualifié la vente liée comme étant trompeuse ou agressive en vertu des articles 6 à 9 de
la directive (§1). Par ailleurs il faudra envisager des pistes qui conduiraient à une
qualification de certains types de ventes liées ou des ventes avec primes comme
déloyale per se en vertu de l’annexe 1 (§2).
§1 : La vente liée comme pratique agressive ou comme pratique trompeuse des articles
6à9
Diverses jurisprudences ont retenu que les pratiques de ventes liées et de ventes
avec primes n’avaient pas leur place parmi les pratiques trompeuses et agressives telles
que définies aux articles 6 à 9 de la directive, mais qu’elles devaient au contraire faire
l’objet d’un examen concret en fonction des conditions posées par l’article 5. 2 avant
qu’on ne puisse conclure à la déloyauté, et donc les condamner.
90
Toujours dans le domaine des logiciels préinstallés on a cependant eu, au cours
de l’année 2012, diverses décisions qui remettent en cause l’idée que les ventes
subordonnées ne puissent être considérées comme déloyales que si elles remplissent les
critères de l’article 5 de la directive. Au contraire, ces décisions ont commencé à
appréhender la vente liée de logiciels comme une pratique agressive interdite par la
directive en son article 8, ou comme une pratique trompeuse incriminée à l’article 6 et
7. Dès lors qu’une pratique correspond à la définition donnée par ces pratiques, elle est
condamnable en vertu de la directive, ce qui rend l’appréciation plus rapide et
l’interdiction plus absolue.
Il convient de rappeler que dans les décisions antérieures, les demandeurs
avaient déjà avancé des arguments en faveur de la qualification de pratique trompeuse
ou de pratique agressive pour les ventes liées. On peut citer par exemple le jugement du
Tribunal de Grande Instance de Bobigny du 15 mai 200982, qui réfute sans développer
son raisonnement ces qualifications en ce qui concerne les ventes liées de logiciels. Audelà de ce type de contentieux, les concurrents d’Orange avaient également soulevé les
arguments de la pratique trompeuse et de la pratique agressive, dans le cadre de l’affaire
« Orange Sports »83. Ils invoquaient en effet que l’offre d’Orange pour le service
Orange Foot n’informait le consommateur que du prix du service, sans préciser qu’il
devrait également changer d’abonnement s’il n’était pas encore chez Orange, alors que
ce changement aurait également des coûts d’autant plus que, selon eux, l’offre triple
play d’Orange avait un prix supérieur à celle de ses concurrents. Pour eux, cela
constituait une omission trompeuse au sens de l’article 7 de la directive. Ils avançaient
d’autre part que le fait d’obliger le consommateur à procéder à ce changement
d’abonnement était une contrainte exercée sur le consommateur correspondant aux
éléments requis à la qualification de pratique agressive de l’article 8 de la directive
définie comme étant une pratique qui «elle altère ou est susceptible d’altérer de
manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la
force physique, ou d’une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du
consommateur moyen ».
82
TGI Bobigny, 15 mai 2009, aff. 06/14817, Assoc. UFC Que Choisir c/ Auchan France, définitif
83
CA Paris, 5e ch., 14 mai 2009, SA France Telecom et SA Orange Sports c/ SAS Free et SA Neuf Cegetel
(absorbée par SFR), avec les interventions volontaires de l'assoc. « La Ligue de Football professionnel », de
l'assoc. nationale des ligues de sport professionnel et du min. Éco., Industr. et Emploi (DGCCRF Paris) :
JurisData n° 2009-003817 (Voir la décision reproduite en annexe 2 de ce document, p.120)
91
Ces arguments invoqués en appel n’avaient cependant pas porté leurs fruits
puisque les juges du fond ont, dans cette espèce, rejeté cette argumentation. Pour ce qui
est de la pratique trompeuse, ils ont jugé que les informations données sur l’offre
n’induisaient pas le consommateur moyen en erreur car l’offre mentionnait que : « pour
profiter de l'option Orange Foot, il est nécessaire d'être client de la télévision d'Orange
», renseignant ainsi l’acheteur sur la subordination de l’offre à un abonnement chez
Orange. En ce qui concerne les allégations de pratique agressive, les juges considèrent
que le fait qu’un consommateur doive s’abonner à Orange pour bénéficier du service en
question ne constitue pas une contrainte au sens de l’article 8 de la directive, puisque
cela fait justement partie de la stratégie commerciale d’Orange pour attirer de nouveaux
clients.
Ainsi, on pourrait penser que la vente liée ne peut être considérée comme une
pratique à proprement parler trompeuse ou agressive conformément aux articles 6 à 9 de
la directive. Cependant, en suivant le raisonnement de l’arrêt VTB-VAB, on ne peut
véritablement établir de généralité sur ces pratiques, et on doit en déterminer la portée
au cas par cas. On ne peut donc exclure la possibilité que, dans certains cas, les
pratiques de ventes subordonnées ne puissent rentrer dans le champ des pratiques
trompeuses ou agressives des articles 6 à 9.
C’est dans ce sens qu’ont raisonné certains juges du fond en qualifiant des
ventes subordonnées d’ordinateurs à l’achat de leur logiciel d’exploitation de pratique
agressive. Ce fut notamment le cas de la décision de la juridiction de proximité de
Saint-Denis du 10 janvier 2012, dans un litige opposant un consommateur, M. Marty, à
la société Samsung, constructeur d’ordinateurs. Voici un extrait des motifs de la
décision :
« si, comme le soutient la société SAMSUNG, dans l'esprit de la majorité des
consommateurs, un ordinateur est nécessairement vendu avec un système
d'exploitation en l'espèce fourni par la société Microsoft, c'est en raison des pratiques
des assembleurs ; Que ces agissements sont constitutifs de pratiques commerciales
agressives ;
Qu'ainsi, il convient de déclarer déloyale en toutes circonstances à raison de son
caractère agressif, la pratique consistant pour la société SAMSUNG, à revendre un
système d'exploitation acquis par ses soins sans que Monsieur MARTY le lui ait
92
demandé, et d'exiger le renvoi de l'ordinateur pour la désinstallation et le
remboursement dudit système d'exploitation. »
Ce jugement est particulièrement audacieux car il contre l’argument de
l’avantage apporté par la pratique au consommateur moyen en affirmant pour la
première fois que ce sont les pratiques en cause qui sont à l’origine de l’ignorance du
consommateur, et que s’il n’est pas gêné par ces pratiques, c’est justement à cause d’un
manque d’information généralisé. C’est sur cet élément que se fonde le juge du fond
pour soutenir l’agressivité de la pratique. Ainsi, les arguments souvent soulevés selon
lesquels cette pratique est en réalité favorable au consommateur puisque celui-ci n’a pas
les connaissances requises pour se munir lui-même de logiciels à partir d’un ordinateur
« nu » sont balayés par les considérations du juge. En effet, si le consommateur n’a pas
même conscience du fait qu’il pourrait acheter un ordinateur nu pour ensuite le munir
du logiciel d’exploitation de son choix, c’est justement parce que la pratique de pré
installation des logiciels est extrêmement répandue. Cet élément a son importance car il
rappelle que la notion de consommateur moyen n’est pas une notion figée mais une
notion sur laquelle influent différents critères, et l’un d’entre eux est peut-être le
comportement des professionnels en général.
Cette jurisprudence n’est pas isolée, et cette position a été réitérée par la
juridiction de proximité de Caen dans une décision du 10 mai 2012, qui opposait une
consommatrice à la société Samsung, fabricant d’ordinateurs. En l’espèce, la pratique
était à nouveau le fait pour Samsung de ne pas offrir la possibilité au consommateur
d’acheter un ordinateur dépourvu de logiciels, de ne pas offrir la possibilité de refuser le
contrat de licence au démarrage de l’ordinateur et de ne proposer qu’une procédure de
désinstallation lourde et coûteuse donc extrêmement dissuasive pour le consommateur.
Le juge de proximité a retenu en l’espèce l’existence dans ce procédé d’une pratique
agressive en raisonnant de la manière suivante :
« Cette absence totale de choix combinée à une procédure particulièrement lourde de
désinstallation de logiciels et de remboursement y afférent constitue une pratique
commerciale déloyale en toutes circonstances au sens de la Directive communautaire
2005/29/CE puisqu'elle met en œuvre tant une influence injustifiée qu'une contrainte
à l'égard du consommateur. »
93
Une autre décision, toujours d’une juridiction de proximité, en date du 18 avril
2012, défend la thèse de l’interdiction en toutes circonstances de ce type de pratiques.
Cette affaire opposait cette fois un consommateur au distributeur des ordinateurs
Samsung, Auchan, pour une espèce autrement similaire à celle du jugement analysé
précédemment. Alors même que le juge conclue également à l’existence d’une vente
liée, il statue en la qualifiant non pas uniquement de pratique déloyale au sens de
l’article 5, mais va jusqu’à condamner le fabricant pour pratique trompeuse aux motifs
suivants :
« Attendu que selon (...) la directive (...), constitue une pratique commerciale trompeuse
l'information qui induit ou qui est susceptible d'induire en erreur le consommateur
moyen en ce qui concerne le prix ou le mode de calcul du prix de nature à l'amener à
prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement. (...)
Attendu qu'en l'espèce, la société AUCHAN n'a pas affiché le prix de l'ordinateur et de
façon distinctive le prix des logiciels pré-installés, qu'elle n'a fourni à Monsieur Z,
avant l'achat du 23 avril 2010, aucune information sur le prix de chacun de ces
éléments alors que l'ordinateur et les logiciels pré-installés constituent des éléments
distincts, qu'une telle pratique commerciale est trompeuse au sens de (...) la Directive
(...) puisque l'absence d'information sur les prix a induit en erreur Monsieur Z et l'a
amené à prendre une décision, à savoir l'achat de l'ensemble qu'il n'aurait pas prise
autrement puisqu'il ne souhaitait acheter que l'ordinateur sans les logiciels préinstallés, que cette pratique trompeuse est interdite en application de l'article L. 122-1
du code de la consommation. »
Cette qualification n’est en réalité pas des plus inattendues car de l’analyse faite
dans le Chapitre premier de cette Partie ressort clairement une grande proximité entre
les caractères objectifs de la déloyauté de l’article 5 et la définition à la fois française et
européenne de l’action trompeuse. En effet, on a conclu qu’à la fois le non-respect de la
diligence professionnelle et l’altération du comportement économique du consommateur
renvoyaient à un manque ou à une absence d’information qui aurait déterminé le
consentement de la victime à contracter. Ceci est en fait constitutif d’une omission
trompeuse conformément à l’article 7 de la directive, qui énonce qu’une pratique est
trompeuse si « elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a
besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en
94
connaissance de cause. » De même, comme on l’a noté à la Section précédente au sujet
des juridictions de Lorient et de Toulouse ayant condamné la vente liée, l’aspect
contraignant de la pratique la rapproche d’une pratique agressive au sens de la directive.
Si l’on peut s’accorder à dire que la vente liée dans ce contexte constitue une
pratique trompeuse au sens de l’article 7 ou de pratique agressive de l’article 8, on doit
néanmoins s’attarder sur les conséquences d’une telle qualification. Dans ces jugements,
les juges en tirent la conclusion que ce type de ventes est une pratique déloyale interdite
en toutes circonstances. Concrètement, cela permettrait de cesser d’abandonner la
rechercher des conditions de l’article 5.2 pour pouvoir condamner certaines pratiques
définies par la jurisprudence comme étant trompeuse ou agressives.
Cette affirmation ne semble pas être en adéquation avec la lettre et l’esprit de la
directive et du code de la consommation. En effet, les articles L 121-1 et suivants et L
122-11 et suivants qui interdisent respectivement les pratiques trompeuses et les
pratiques agressives distinguent les pratiques interdites en toutes circonstances, qui
correspondent à celles listées en annexe de la directive, des pratiques simplement
présumées déloyales, qui représentent les pratiques condamnables en vertu des articles 6
à 9 de la directive. En effet, ces derniers articles insistent sur le fait qu’il faille là encore
apprécier les circonstances de l’espèce avant de pouvoir déduire la déloyauté : c’est
notamment le cas de l’article 7.1, qui donne une définition générale de l’omission
trompeuse (qui concernerait justement l’omission de l’information sur les prix des
logiciels). Il énonce en effet : « Une pratique commerciale est réputée trompeuse si,
dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des
circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle
omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu
du contexte (…)». On note en effet que le texte insiste sur la nécessité d’une
appréciation concrète même pour rentrer dans cette qualification. On en conclut donc
que si, dans les affaires citées ci-avant, on a pu qualifier ces ventes de pratiques
trompeuses ou de pratiques agressives, c’est en fonction de la vente telle qu’elle était
proposée en l’espèce. Les juges tiennent compte lors de cette qualification d’éléments
précis appartenant à cette offre-là, comme la lourdeur de la procédure de désinstallation,
qui ne peuvent être généralisés à toutes les ventes d’ordinateurs avec logiciels
préinstallés. Ainsi, même si l’on analyse les ventes de logiciels préinstallés comme un
type particulier de vente liée qui s’identifierait à une pratique agressive ou trompeuse
95
(encore faudrait-il se mettre d’accord entre ces qualifications), cela ne peut faire
disparaître des disparités -certes minimes- sur les faits de l’espèce qui pourraient servir
de prétexte pour ressusciter pour chaque nouveau cas l’exigence de l’appréciation
concrète des faits avant une quelconque qualification prohibitive.
Etudions à présent ce en quoi la méthode concrète pourrait permettre d’interdire
à certaines conditions des ventes liées et des ventes avec primes en vertu de l’annexe 1.
§2 : Un retour possible dans certains cas à l’interdiction absolue en vertu de l’annexe 1
Pour ce qui est des ventes avec primes, il convient de faire remarquer que lors de
l’appréciation de cette pratique dans les décisions VAT-VTB du 23 avril 2009 et
Mediaprint Zeitungs und Zeitschriftenverlag GmbH du 9 novembre 201084, la Cour de
Justice des Communautés Européennes n’a pas envisagé, ne serait-ce que pour la
réfuter, la correspondance entre l’interdiction des ventes avec primes et le point 20 de
l’annexe 1 de la directive qui interdit les pratiques ayant pour objet de « décrire un
produit comme étant gratuit, « à titre gracieux », « sans frais » ou autres termes
similaires si le consommateur doit payer quoi que ce soit d’autre que les coûts
inévitables liés à la réponse à la pratique commerciale et au fait de prendre possession
ou livraison de l’article ». En effet, cet argument n’a pas été avancé par les défenseurs
des législations nationales belges et allemandes, et l’hypothèse n’a donc pas été
expressément rejetée dans les développements de la Cour, comme l’a fait remarquer le
professeur Guy Raymond85.
Cependant et comme on l’a développé dans la Section 1 §1 A) de ce Chapitre,
l’interdiction des ventes avec primes repose entre autres sur la volonté d’interdire une
pratique qui aurait pour effet de faire croire au consommateur qu’en plus d’un achat, il
84
CJUE, 9 nov. 2010, aff. C-540/08, Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG c/
"Österreich"-Zeitungsverlag GmbH
85
JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 907 : PROMOTION DES VENTES PAR UN
AVANTAGE CONSOMMATEUR > II. - Promotions par la remise d'un objet à titre gratuit (Guy Raymond) Cote
: 04,2010
96
reçoit gratuitement une prime, alors que le coût de la prime est parfois intégré au prix
total payé par l’acheteur. Sous cet aspect-là, la vente avec prime dite « auto-payante »
s’apparente fortement à la pratique prohibée en toutes circonstances par le point 20 de
l’annexe 1 de la directive sur les pratiques commerciales déloyales.
A la lecture de l’annexe 1, d’autres pratiques prohibées en principe semblent
correspondre à la vente liée et à la vente avec prime. Le point 31 de l’annexe prohibe en
effet le fait pour un professionnel de : « Donner la fausse impression que le
consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera en accomplissant tel acte un prix ou
un autre avantage équivalent, alors que, en fait, (…) l’accomplissement d’une action en
rapport avec la demande du prix ou autre avantage équivalent est subordonné à
l’obligation pour le consommateur de verser de l’argent ou de supporter un coût. » En
effet, si une vente avec prime intègre le prix de la prime au prix global de la vente, on
peut considérer que la prime aura été remise à condition pour le consommateur d’en
supporter le coût. Cet argument n’a, lui non plus, jamais été invoqué auprès de la Cour
de Justice de l’Union Européenne.
Le point 29 de l’annexe dispose quant à lui qu’est prohibée en toutes
circonstance la pratique consistant à : « Exiger le paiement immédiat ou différé de
produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés, ou
exiger leur renvoi ou leur conservation, sauf lorsqu’il s’agit d’un produit de
substitution fourni conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 97/7/CE
(fournitures non demandées). » Cette formulation est assez évocatrice des situations de
ventes liées de logiciels puisqu’il s’agit bien de la fourniture de produits non demandés
par le consommateur. Plus généralement, subordonner l’achat d’un produit à l’achat
d’un autre produit non désiré par le consommateur, n’est-ce pas constituer justement
cette fourniture non demandée ? Il semblerait que ces pratiques soient très proches,
voire équivalentes.
La Cour de Justice exige une appréciation concrète des faits avant toute
condamnation de ces pratiques au titre de la déloyauté. En allant au bout de ce
raisonnement, on ne peut exclure qu’en fonction des circonstances qui l’entourent, une
pratique pouvant être qualifiée de vente liée ou de vente avec prime puisse également
correspondre à l’une des pratiques interdites per se par l’annexe 1 (comme celles qu’on
vient de citer). En réalité, le fait d’adopter une approche concrète, c’est surtout changer
97
l’angle d’appréciation : si on ne peut plus établir de généralité sur la vente liée et sur la
vente avec prime en tant que telles, on ne peut exclure qu’en particulier, elles ne soient
qualifiées de manière à correspondre aux autres pratiques déloyales, que ce soit en vertu
des articles 6 à 9, ou en vertu de l’annexe 1, ce qui permettrait d’interdire en toutes
circonstances ces ventes lorsqu’elles ont la forme des pratiques décrites ci-avant et
interdites en vertu de l’annexe 1 de la directive.
98
Conclusion
La méthode d’analyse qui consiste à évaluer au cas par cas les ventes avec
primes et les ventes liées avant leur condamnation, instaurée par la directive
d’harmonisation maximale 2005/29/CE, constitue une amélioration en termes
d’accroissement de la concurrence intracommunautaire et même par certains aspects en
termes de protection du consommateur.
Le critère de la déloyauté qui fonde l’interdiction de ces pratiques est défini par
la directive, et peut se résumer comme étant l’absence de faculté pour le consommateur
de faire un choix commercial libre, à l’exclusion de la simple influence du professionnel
dans ce choix, contrairement aux anciens textes.
La question de la liberté du choix ne correspond donc plus véritablement aux
buts principaux de ces interdictions, ce qui rendra sans doute peu fréquentes les
condamnations des ventes liées et des ventes avec primes comme pratiques
commerciales déloyales. De plus, la méthode casuistique a été critiquée pour
l’insécurité juridique qui en résulte, ce qui n’est favorable ni au consommateur ni à la
concurrence.
Ces constatations ont conduit la jurisprudence à évoluer sur ces questions et à
tendre vers une interdiction plus stricte des ventes liées. A ce stade, on ne peut exclure
que d’autres évolutions aient lieu en ce sens.
99
Annexes
Annexe 1 : Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai
2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des
consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du
Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen
et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du
Conseil
("directive sur les pratiques commerciales déloyales")
(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 95,
vu la proposition de la Commission,
vu l'avis du Comité économique et social européen [1],
statuant conformément à la procédure visée à l'article 251 du traité [2],
considérant ce qui suit:
(1) L'article 153, paragraphe 1, et paragraphe 3, point a), du traité prévoit que la
Communauté contribue à la réalisation d'un niveau élevé de protection des
consommateurs par les mesures qu'elle adopte en application de l'article 95 du traité.
(2) Conformément à l'article 14, paragraphe 2, du traité, le marché intérieur comporte
un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises et
des services et la liberté d'établissement sont assurées. Le développement de pratiques
commerciales loyales au sein de l'espace sans frontières intérieures est essentiel pour
favoriser l'expansion des activités transfrontalières.
(3) Les législations des États membres en matière de pratiques commerciales déloyales
présentent des différences marquées, qui peuvent entraîner des distorsions sensibles de
concurrence et faire obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur. Dans le
domaine de la publicité, la directive 84/450/CEE du Conseil du 10 septembre 1984
relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et
administratives des États membres en matière de publicité trompeuse et de publicité
comparative [3] fixe des critères minimaux visant à une harmonisation de la législation
sur la publicité trompeuse, mais ne fait pas obstacle au maintien ou à l'adoption par les
États membres de mesures apportant aux consommateurs une protection plus étendue.
En conséquence, les dispositions législatives des États membres en matière de publicité
trompeuse présentent des divergences importantes.
100
(4) Ces disparités entraînent une incertitude quant aux règles nationales applicables aux
pratiques commerciales déloyales portant atteinte aux intérêts économiques des
consommateurs et créent de nombreuses entraves touchant les entreprises et les
consommateurs. Ces entraves augmentent le coût à supporter par les entreprises pour
exercer les libertés liées au marché intérieur, en particulier lorsqu'elles souhaitent
s'engager dans une commercialisation, lancer des campagnes publicitaires ou offrir des
promotions commerciales transfrontalières. Pour les consommateurs, de telles entraves
entraînent également des incertitudes quant à leurs droits et affaiblissent leur confiance
dans le marché intérieur.
(5) En l'absence de règles uniformes à l'échelon communautaire, des obstacles à la libre
circulation transfrontalière des services et des marchandises ou à la liberté
d'établissement pourraient se justifier, à la lumière de la jurisprudence de la Cour de
justice des Communautés européennes, dès lors qu'ils visent à protéger des objectifs
reconnus d'intérêt public et qu'ils sont proportionnés à ces objectifs. Compte tenu des
objectifs communautaires, tels que définis dans les dispositions du traité et du droit
communautaire dérivé relatives à la liberté de circulation, et conformément à la
politique de la Commission en matière de communications commerciales, précisée dans
la communication de la Commission intitulée "Suivi du Livre vert: les communications
commerciales dans le marché intérieur", ces obstacles devraient être éliminés. Ils ne
peuvent l'être qu'en établissant, à l'échelon communautaire, des règles uniformes qui
assurent un niveau élevé de protection des consommateurs, et en clarifiant certaines
notions juridiques, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché
intérieur et afin d'assurer la sécurité juridique.
(6) La présente directive a dès lors pour objet de rapprocher les législations des États
membres relatives aux pratiques commerciales déloyales, y compris la publicité
déloyale, portant atteinte directement aux intérêts économiques des consommateurs et,
par conséquent, indirectement aux intérêts économiques des concurrents légitimes.
Conformément au principe de proportionnalité, la présente directive protège les
consommateurs des conséquences de ces pratiques commerciales déloyales dès lors
qu'elles sont substantielles, tout en reconnaissant que, dans certains cas, ces
conséquences sont négligeables. Elle ne couvre ni n'affecte les législations nationales
relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte uniquement aux
intérêts économiques de concurrents ou qui concernent une transaction entre
professionnels; pour tenir pleinement compte du principe de subsidiarité, les États
membres conserveront, s'ils le souhaitent, la faculté de réglementer les pratiques visées,
conformément à la législation communautaire. La présente directive ne couvre ni
n'affecte les dispositions de la directive 84/450/CEE ayant trait à la publicité trompeuse
pour les entreprises mais pas pour les consommateurs ainsi qu'à la publicité
comparative. La présente directive n'affecte pas non plus les pratiques publicitaires et
commerciales admises, comme le placement légitime de produits, la différenciation des
marques ou les incitations à l'achat, qui peuvent légitimement influencer la perception
101
d'un produit par le consommateur ainsi que son comportement, sans altérer son aptitude
à prendre une décision en connaissance de cause.
(7) La présente directive porte sur les pratiques commerciales qui visent directement à
influencer les décisions commerciales des consommateurs à l'égard de produits. Elle ne
s'applique pas aux pratiques commerciales mises en œuvre principalement à d'autres
fins, parmi lesquelles figurent par exemple les communications commerciales destinées
aux investisseurs, telles que les rapports annuels et la documentation promotionnelle des
entreprises. Elle ne s'applique pas aux prescriptions légales concernant le bon goût et la
bienséance, qui sont très variables d'un État membre à l'autre. Des pratiques
commerciales telles que, par exemple, la sollicitation commerciale dans la rue peuvent
être malvenues dans certains États membres pour des raisons culturelles. Les États
membres devraient par conséquent avoir la possibilité de continuer à interdire certaines
pratiques commerciales sur leur territoire, conformément au droit communautaire, pour
des motifs de bon goût et de bienséance, même lorsque ces pratiques ne restreignent pas
la liberté de choix des consommateurs. Il serait judicieux, lors de l'application de la
directive, notamment des clauses générales, de tenir largement compte des circonstances
de chaque espèce.
(8) La présente directive protège expressément les intérêts économiques des
consommateurs contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises à leur
égard. Dès lors, elle protège aussi indirectement les entreprises légitimes contre les
concurrents qui ne suivent pas les règles du jeu fixées par la présente directive,
garantissant ainsi une concurrence loyale dans le secteur d'activité qu'elle coordonne. Il
va de soi qu'il existe d'autres pratiques commerciales qui, si elles ne portent pas atteinte
aux consommateurs, peuvent néanmoins porter préjudice aux concurrents et aux clients
des entreprises. Il convient que la Commission examine attentivement s'il y a lieu
d'envisager une action communautaire en ce qui concerne la concurrence déloyale audelà du champ d'application de la présente directive et formule, si nécessaire, une
proposition législative couvrant ces autres formes de concurrence déloyale.
(9) La présente directive s'applique sans préjudice des recours individuels formés par les
personnes lésées par une pratique commerciale déloyale. Elle s'applique également sans
préjudice des règles communautaires et nationales relatives au droit des contrats, aux
droits de propriété intellectuelle, aux questions de santé et de sécurité liées aux produits,
aux conditions d'établissement et aux régimes d'autorisation, notamment les règles qui,
conformément au droit communautaire, concernent les activités de jeux d'argent, et des
règles communautaires en matière de concurrence et des dispositions nationales visant à
les mettre en œuvre. Les États membres pourront ainsi maintenir ou instaurer sur leur
territoire des mesures de restriction ou d'interdiction de pratiques commerciales pour
des motifs de protection de la santé et de la sécurité des consommateurs, quel que soit le
lieu d'établissement du professionnel, par exemple pour ce qui concerne l'alcool, le
tabac ou les produits pharmaceutiques. Eu égard à leur complexité et aux graves risques
qui leur sont propres, les services financiers et les biens immobiliers doivent faire l'objet
de prescriptions détaillées, y compris l'instauration d'obligations positives à respecter
102
par les professionnels. C'est la raison pour laquelle, s'agissant des services financiers et
des biens immobiliers, la présente directive s'applique sans préjudice de la faculté pour
les États membres d'adopter des mesures qui aillent au delà des dispositions de la
présente directive, pour protéger les intérêts économiques des consommateurs. Il ne
convient pas que la présente directive réglemente la certification et l'indication du titre
des ouvrages en métal précieux.
(10) Il est nécessaire de veiller à ce que la relation entre la présente directive et la
législation communautaire existante soit cohérente, en particulier lorsque des
dispositions détaillées concernant les pratiques commerciales déloyales s'appliquent à
des secteurs spécifiques. La présente directive modifie donc la directive 84/450/CEE, la
directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la
protection des consommateurs en matière de contrats à distance [4], la directive
98/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 relative aux actions en
cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs [5] et la directive
2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 concernant la
commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs [6]. La
présente directive ne s'applique, en conséquence, que lorsqu'il n'existe pas de
dispositions communautaires spécifiques régissant des aspects particuliers des pratiques
commerciales déloyales, telles que des prescriptions en matière d'information ou des
règles régissant la présentation des informations au consommateur. Elle apporte une
protection aux consommateurs lorsqu'il n'existe aucune législation sectorielle spécifique
à l'échelon communautaire et interdit aux professionnels de donner une fausse
impression de la nature des produits. Ceci est particulièrement important dans le cas de
produits complexes comportant un niveau de risque élevé pour les consommateurs,
comme certains produits liés à des services financiers. La présente directive complète
par conséquent l'acquis communautaire applicable aux pratiques commerciales portant
préjudice aux intérêts économiques des consommateurs.
(11) Le niveau élevé de convergence résultant du rapprochement des dispositions
nationales assuré par la présente directive crée un niveau commun élevé de protection
des consommateurs. La présente directive établit une interdiction générale unique des
pratiques commerciales déloyales qui altèrent le comportement économique des
consommateurs. Elle établit également des règles sur les pratiques commerciales
agressives, qui ne sont pas actuellement réglementées au niveau communautaire.
(12) L'harmonisation augmentera considérablement la sécurité juridique tant pour les
consommateurs que pour les professionnels. Les consommateurs et les professionnels
pourront ainsi s'appuyer sur un cadre réglementaire unique basé sur des concepts
juridiques clairement définis réglementant tous les aspects des pratiques commerciales
déloyales au sein de l'Union européenne. Ceci aura pour conséquence d'éliminer les
entraves résultant de la disparité des règles relatives aux pratiques commerciales
déloyales portant atteinte aux intérêts économiques des consommateurs et de permettre
la réalisation du marché intérieur dans ce domaine.
103
(13) Pour atteindre les objectifs communautaires en éliminant les entraves au marché
intérieur, il est nécessaire de remplacer les clauses générales et principes juridiques
divergents actuellement en vigueur dans les États membres. L'interdiction générale
commune et unique établie par la présente directive couvre donc les pratiques
commerciales déloyales altérant le comportement économique des consommateurs. Afin
de renforcer la confiance des consommateurs, l'interdiction générale devrait aussi
s'appliquer aux pratiques commerciales déloyales qui sont utilisées en dehors de toute
relation contractuelle entre le professionnel et le consommateur ou consécutivement à la
conclusion d'un contrat ou durant l'exécution de celui-ci. Cette interdiction générale est
développée par les règles relatives aux deux types de pratiques commerciales de loin les
plus nombreuses, à savoir les pratiques commerciales trompeuses et les pratiques
commerciales agressives.
(14) Il est souhaitable que les pratiques commerciales trompeuses couvrent les
pratiques, y compris la publicité trompeuse, qui, en induisant le consommateur en
erreur, l'empêchent de faire un choix en connaissance de cause et donc de façon
efficace. En conformité avec les législations et les pratiques des États membres sur la
publicité trompeuse, la présente directive distingue, parmi les pratiques trompeuses, les
actions trompeuses et les omissions trompeuses. En ce qui concerne les omissions, la
présente directive énumère un nombre limité d'informations clés dont le consommateur
a besoin pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause. Ces
informations ne devront pas être fournies dans toutes les publicités mais seulement
lorsque le professionnel fera une invitation à l'achat, concept clairement défini par la
présente directive. L'approche adoptée dans la présente directive, qui consiste en une
harmonisation complète, n'empêche pas les États membres de préciser dans leur droit
national les principales caractéristiques de produits particuliers, par exemple les objets
de collection ou les biens électriques, dont l'omission serait substantielle lors d'une
invitation à l'achat. La présente directive n'entend pas réduire le choix des
consommateurs en interdisant la promotion de produits qui semblent similaires à
d'autres produits, à moins que cette similarité ne sème la confusion dans l'esprit des
consommateurs quant à l'origine commerciale du produit et soit donc trompeuse. Il
convient que la présente directive s'applique sans préjudice de la législation
communautaire existante qui laisse expressément aux État membres le choix entre
plusieurs options réglementaires aux fins de la protection des consommateurs en matière
de pratiques commerciales. La présente directive devrait en particulier s'appliquer sans
préjudice de l'article 13, paragraphe 3, de la directive 2002/58/CE du Parlement
européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à
caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications
électroniques [7].
(15) Lorsque la législation communautaire fixe des prescriptions en matière
d'information applicables à la publicité, à la communication commerciale et au
marketing, les informations en question sont réputées substantielles au sens de la
présente directive. Les États membres auront la faculté de maintenir ou d'instaurer des
104
prescriptions en matière d'information liées au droit des contrats ou ayant des
implications en matière de droit des contrats lorsque cette possibilité est prévue par les
clauses minimales comprises dans les instruments de droit communautaire existants. On
trouvera à l'annexe II une liste non exhaustive de ce type de prescriptions en matière
d'information telles qu'elles figurent dans l'acquis. Étant donné que la présente directive
vise à procéder à une harmonisation totale, seules les informations exigées en vertu de
la législation communautaire sont considérées comme étant substantielles aux fins de
son article 7, paragraphe 5. Si les États membres ont introduit des prescriptions en
matière d'information au-delà ou en sus de ce qui est spécifié par la législation
communautaire, en vertu des clauses minimales, le non-respect de ces prescriptions ne
sera pas considéré comme une omission trompeuse au sens de la présente directive. Par
contre, les États membres auront la faculté, lorsque les clauses minimales comprises
dans la législation communautaire le permettent, de maintenir ou d'instaurer des
dispositions plus strictes, conformes à la législation communautaire, pour assurer un
niveau plus élevé de protection des droits contractuels individuels des consommateurs.
(16) Les dispositions sur les pratiques commerciales agressives devraient couvrir les
pratiques qui altèrent de manière significative la liberté de choix du consommateur. Il
s'agit de pratiques incluant le harcèlement, la contrainte, y compris le recours à la force
physique, ou une influence injustifiée.
(17) Afin d'apporter une plus grande sécurité juridique, il est souhaitable d'identifier les
pratiques commerciales qui sont, en toutes circonstances, déloyales. L'annexe I contient
donc la liste complète de toutes ces pratiques. Il s'agit des seules pratiques
commerciales qui peuvent être considérées comme déloyales sans une évaluation au cas
par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9. Cette liste ne peut être modifiée que
par une révision de la directive.
(18) Il convient de protéger tous les consommateurs des pratiques commerciales
déloyales. La Cour de justice a toutefois estimé nécessaire, lorsqu'elle a statué sur des
affaires de publicité depuis la transposition de la directive 84/450/CEE, d'examiner leurs
effets pour un consommateur typique fictif. Conformément au principe de
proportionnalité, et en vue de permettre l'application effective des protections qui en
relèvent, la présente directive prend comme critère d'évaluation le consommateur
moyen qui est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu
des facteurs sociaux, culturels et linguistiques, selon l'interprétation donnée par la Cour
de justice, mais prévoit également des dispositions visant à empêcher l'exploitation de
consommateurs dont les caractéristiques les rendent particulièrement vulnérables aux
pratiques commerciales déloyales. Lorsqu'une pratique commerciale s'adresse
spécifiquement à un groupe particulier de consommateurs, comme les enfants, il est
souhaitable que son incidence soit évaluée du point de vue du membre moyen de ce
groupe. Par conséquent, il convient d'inscrire sur la liste des pratiques réputées
déloyales en toutes circonstances une disposition qui, sans édicter une interdiction totale
de la publicité à destination des enfants, protège ces derniers d'incitations directes à
acheter. La notion de consommateur moyen n'est pas une notion statistique. Les
105
juridictions et les autorités nationales devront s'en remettre à leur propre faculté de
jugement, en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de justice, pour déterminer la
réaction typique du consommateur moyen dans un cas donné.
(19) Lorsque certaines caractéristiques, telles que l'âge, une infirmité physique ou
mentale ou la crédulité, rendent un groupe particulier de consommateurs
particulièrement vulnérable à une pratique commerciale ou au produit qu'elle concerne,
ou lorsque le comportement économique de ce seul groupe de consommateurs est
susceptible d'être altéré par cette pratique d'une manière que le professionnel peut
raisonnablement prévoir, il y a lieu de veiller à ce que ce groupe soit suffisamment
protégé, en évaluant la pratique en cause du point de vue du membre moyen de ce
groupe.
(20) Il convient de prévoir un rôle pour des codes de conduite, qui permettent aux
professionnels d'appliquer les principes de la présente directive de manière effective
dans des domaines économiques particuliers. Dans les secteurs dans lesquels le
comportement des professionnels est soumis à des exigences contraignantes spécifiques,
il convient que celles-ci soient également prises en considération aux fins des exigences
en matière de diligence professionnelle dans le secteur concerné. Le contrôle exercé par
les responsables des codes au niveau national ou communautaire afin d'éliminer les
pratiques commerciales déloyales peut éviter le recours à une action administrative ou
judiciaire et devrait dès lors être encouragé. Dans le but d'assurer un niveau élevé de
protection des consommateurs, les organisations de consommateurs pourraient être
informées de l'élaboration des codes de conduite et y être associées.
(21) Les personnes ou organisations considérées, selon la législation nationale, comme
ayant un intérêt légitime à agir doivent disposer de voies de recours pour engager une
action contre des pratiques commerciales déloyales, soit devant un tribunal, soit auprès
d'une autorité administrative compétente pour statuer sur les plaintes ou pour engager
une action en justice appropriée. Bien que la charge de la preuve doive être déterminée
conformément à la législation nationale, il convient que les tribunaux et les autorités
administratives soient habilités à exiger des professionnels qu'ils fournissent des
preuves sur l'exactitude de leurs allégations factuelles.
(22) Il est nécessaire que les États membres déterminent le régime des sanctions
applicables aux violations des dispositions de la présente directive et veillent à leur mise
en œuvre. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et
dissuasives.
(23) Étant donné que les objectifs de la présente directive, à savoir éliminer les entraves
au fonctionnement du marché intérieur que constituent les législations nationales sur les
pratiques commerciales déloyales et assurer un niveau commun élevé de protection des
consommateurs, en rapprochant les dispositions législatives, réglementaires et
administratives des États membres concernant les pratiques commerciales déloyales, ne
peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres et peuvent donc
être mieux réalisés au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des
106
mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité.
Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, la présente
directive n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs.
(24) Il convient de procéder au réexamen de la présente directive afin de garantir que les
obstacles au marché intérieur ont été traités et qu'un niveau élevé de protection des
consommateurs est atteint. Ce réexamen pourrait donner lieu à une proposition de la
Commission visant à modifier la présente directive, ce qui pourrait comporter une
prorogation limitée de la dérogation prévue à l'article 3, paragraphe 5, et/ou une
modification d'autres législations en matière de protection des consommateurs, reflétant
l'engagement pris par la Commission dans le cadre de sa stratégie pour la politique des
consommateurs de réexaminer l'acquis existant afin d'atteindre un niveau commun élevé
de protection des consommateurs.
(25) La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui
sont reconnus notamment par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
ONT ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE:
CHAPITRE I
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article premier
Objectif
L'objectif de la présente directive est de contribuer au bon fonctionnement du marché
intérieur et d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en rapprochant
les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres
relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte aux intérêts
économiques des consommateurs.
Article 2
Définitions
Aux fins de la présente directive, on entend par:
a) "consommateur": toute personne physique qui, pour les pratiques commerciales
relevant de la présente directive, agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son
activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale;
b) "professionnel": toute personne physique ou morale qui, pour les pratiques
commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui entrent dans le cadre
de son activité, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, et toute personne
agissant au nom ou pour le compte d'un professionnel;
107
c) "produit": tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et les
obligations;
d) "pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs" (ci-après
également dénommées "pratiques commerciales"): toute action, omission, conduite,
démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la
part d'un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture
d'un produit aux consommateurs;
e) "altération substantielle du comportement économique des consommateurs":
l'utilisation d'une pratique commerciale compromettant sensiblement l'aptitude du
consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l'amenant par
conséquent à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement;
f) "code de conduite": un accord ou un ensemble de règles qui ne sont pas imposés par
les dispositions législatives, réglementaires ou administratives d'un État membre et qui
définissent le comportement des professionnels qui s'engagent à être liés par lui en ce
qui concerne une ou plusieurs pratiques commerciales ou un ou plusieurs secteurs
d'activité;
g) "responsable de code": toute entité, y compris un professionnel ou groupe de
professionnels, responsable de l'élaboration et de la révision d'un code de conduite et/ou
de la surveillance du respect de ce code par ceux qui se sont engagés à être liés par lui;
h) "diligence professionnelle": le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le
professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur,
conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi
dans son domaine d'activité;
i) "invitation à l'achat": une communication commerciale indiquant les caractéristiques
du produit et son prix de façon appropriée en fonction du moyen utilisé pour cette
communication commerciale et permettant ainsi au consommateur de faire un achat;
j) "influence injustifiée": l'utilisation d'une position de force vis-à-vis du consommateur
de manière à faire pression sur celui-ci, même sans avoir recours à la force physique ou
menacer de le faire, de telle manière que son aptitude à prendre une décision en
connaissance de cause soit limitée de manière significative;
k) "décision commerciale": toute décision prise par un consommateur concernant
l'opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d'acheter, de faire un
paiement intégral ou partiel pour un produit, de conserver ou de se défaire d'un produit
ou d'exercer un droit contractuel en rapport avec le produit; une telle décision peut
amener le consommateur, soit à agir, soit à s'abstenir d'agir;
l) "profession réglementée": une activité ou un ensemble d'activités professionnelles
dont l'accès, l'exercice ou une des modalités d'exercice est subordonné directement ou
108
indirectement à des dispositions législatives, réglementaires ou administratives relatives
à la possession de qualifications professionnelles déterminées.
Article 3
Champ d'application
1. La présente directive s'applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises
vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l'article 5, avant, pendant et après une
transaction commerciale portant sur un produit.
2. La présente directive s'applique sans préjudice du droit des contrats, ni, en particulier,
des règles relatives à la validité, à la formation ou aux effets des contrats.
3. La présente directive s'applique sans préjudice des dispositions communautaires ou
nationales relatives à la santé et à la sécurité des produits.
4. En cas de conflit entre les dispositions de la présente directive et d'autres règles
communautaires régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales
déloyales, ces autres règles priment et s'appliquent à ces aspects spécifiques.
5. Pendant une période de six ans à compter du 12 juin 2007, les États membres ont la
faculté de continuer à appliquer des dispositions nationales dont la présente directive
opère le rapprochement, plus restrictives ou plus rigoureuses que la présente directive et
qui mettent en œuvre des directives incluant des clauses d'harmonisation minimale. Ces
mesures doivent être essentielles pour garantir que les consommateurs soient protégés
de manière adéquate contre les pratiques commerciales déloyales et doivent être
proportionnées à cet objectif à atteindre. La révision visée à l'article 18 peut, s'il y a lieu,
comprendre une proposition visant à proroger cette dérogation pour une durée limitée.
6. Les États membres notifient sans délai à la Commission toute disposition nationale
appliquée au titre du paragraphe 5.
7. La présente directive s'applique sans préjudice des règles régissant la compétence des
tribunaux.
8. La présente directive s'applique sans préjudice des conditions d'établissement ou des
régimes d'autorisation ou des codes de déontologie ou de toute autre disposition
spécifique régissant les professions réglementées que les États membres peuvent
imposer aux professionnels, conformément à la législation communautaire, pour
garantir que ceux-ci répondent à un niveau élevé d'intégrité.
9. Pour ce qui est des "services financiers", au sens de la directive 2002/65/CE, et des
biens immobiliers, les États membres peuvent imposer des exigences plus restrictives
ou plus rigoureuses que celles prévues par la présente directive dans le domaine dans
lequel cette dernière vise au rapprochement des dispositions en vigueur.
109
10. La présente directive ne vise pas l'application des dispositions législatives,
réglementaires et administratives des États membres en matière de certification et
d'indication du titre des ouvrages en métal précieux.
Article 4
Marché intérieur
Les États membres ne restreignent ni la libre prestation de services, ni la libre
circulation des marchandises pour des raisons relevant du domaine dans lequel la
présente directive vise au rapprochement des dispositions en vigueur.
CHAPITRE 2
PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES
Article 5
Interdiction des pratiques commerciales déloyales
1. Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.
2. Une pratique commerciale est déloyale si:
a) elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle,
et
b) elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement
économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu'elle touche ou auquel
elle s'adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu'une pratique commerciale est
ciblée vers un groupe particulier de consommateurs.
3. Les pratiques commerciales qui sont susceptibles d'altérer de manière substantielle le
comportement économique d'un groupe clairement identifiable de consommateurs parce
que ceux-ci sont particulièrement vulnérables à la pratique utilisée ou au produit qu'elle
concerne en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité,
alors que l'on pourrait raisonnablement attendre du professionnel qu'il prévoie cette
conséquence, sont évaluées du point de vue du membre moyen de ce groupe. Cette
disposition est sans préjudice de la pratique publicitaire courante et légitime consistant à
formuler des déclarations exagérées ou des déclarations qui ne sont pas destinées à être
comprises au sens littéral.
4. En particulier, sont déloyales les pratiques commerciales qui sont:
a) trompeuses au sens des articles 6 et 7,
ou
b) agressives au sens des articles 8 et 9.
110
5. L'annexe I contient la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes
circonstances. Cette liste unique s'applique dans tous les États membres et ne peut être
modifiée qu'au travers d'une révision de la présente directive.
Section 1
Pratiques commerciales trompeuses
Article 6
Actions trompeuses
1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations
fausses, et qu'elle est donc mensongère ou que, d'une manière quelconque, y compris
par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d'induire en erreur le
consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement
correctes, en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects ci-après et que, dans un cas
comme dans l'autre, elle l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision
commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement:
a) l'existence ou la nature du produit;
b) les caractéristiques principales du produit, telles que sa disponibilité, ses avantages,
les risques qu'il présente, son exécution, sa composition, ses accessoires, le service
après-vente et le traitement des réclamations, le mode et la date de fabrication ou de
prestation, sa livraison, son aptitude à l'usage, son utilisation, sa quantité, ses
spécifications, son origine géographique ou commerciale ou les résultats qui peuvent
être attendus de son utilisation, ou les résultats et les caractéristiques essentielles des
tests ou contrôles effectués sur le produit;
c) l'étendue des engagements du professionnel, la motivation de la pratique
commerciale et la nature du processus de vente, ainsi que toute affirmation ou tout
symbole faisant croire que le professionnel ou le produit bénéficie d'un parrainage ou
d'un appui direct ou indirect;
d) le prix ou le mode de calcul du prix, ou l'existence d'un avantage spécifique quant au
prix;
e) la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une
réparation;
f) la nature, les qualités et les droits du professionnel ou de son représentant, tels que
son identité et son patrimoine, ses qualifications, son statut, son agrément, son
affiliation ou ses liens et ses droits de propriété industrielle, commerciale ou
intellectuelle ou les récompenses et distinctions qu'il a reçues;
g) les droits du consommateur, en particulier le droit de remplacement ou de
remboursement selon les dispositions de la directive 1999/44/CE du Parlement
111
européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties
des biens de consommation [8], ou les risques qu'il peut encourir.
2. Une pratique commerciale est également réputée trompeuse si, dans son contexte
factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle amène ou
est susceptible d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale
qu'il n'aurait pas prise autrement, et qu'elle implique:
a) toute activité de marketing concernant un produit, y compris la publicité comparative,
créant une confusion avec un autre produit, marque, nom commercial ou autre signe
distinctif d'un concurrent;
b) le non-respect par le professionnel d'engagements contenus dans un code de conduite
par lequel il s'est engagé à être lié, dès lors:
i) que ces engagements ne sont pas de simples aspirations, mais sont fermes et
vérifiables,
et
ii) que le professionnel indique, dans le cadre d'une pratique commerciale, qu'il est lié
par le code.
Article 7
Omissions trompeuses
1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel,
compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites
propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle
dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une
décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l'amène ou est
susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise
autrement.
2. Une pratique commerciale est également considérée comme une omission trompeuse
lorsqu'un professionnel, compte tenu des aspects mentionnés au paragraphe 1, dissimule
une information substantielle visée audit paragraphe ou la fournit de façon peu claire,
inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ou lorsqu'il n'indique pas sa véritable intention
commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte et lorsque, dans l'un ou
l'autre cas, le consommateur moyen est ainsi amené ou est susceptible d'être amené à
prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.
3. Lorsque le moyen de communication utilisé aux fins de la pratique commerciale
impose des limites d'espace ou de temps, il convient, en vue de déterminer si des
informations ont été omises, de tenir compte de ces limites ainsi que de toute mesure
prise par le professionnel pour mettre les informations à la disposition du consommateur
par d'autres moyens.
112
4. Lors d'une invitation à l'achat, sont considérées comme substantielles, dès lors
qu'elles ne ressortent pas déjà du contexte, les informations suivantes:
a) les caractéristiques principales du produit, dans la mesure appropriée eu égard au
moyen de communication utilisé et au produit concerné;
b) l'adresse géographique et l'identité du professionnel, par exemple sa raison sociale et,
le cas échéant, l'adresse géographique et l'identité du professionnel pour le compte
duquel il agit;
c) le prix toutes taxes comprises, ou, lorsque la nature du produit signifie que le prix ne
peut raisonnablement pas être calculé à l'avance, la manière dont le prix est calculé,
ainsi que, le cas échéant, tous les coûts supplémentaires de transport, de livraison et
postaux, ou, lorsque ces coûts ne peuvent raisonnablement pas être calculés à l'avance,
la mention que ces coûts peuvent être à la charge du consommateur;
d) les modalités de paiement, de livraison, d'exécution et de traitement des réclamations,
si elles diffèrent des conditions de la diligence professionnelle;
e) pour les produits et transactions impliquant un droit de rétractation ou d'annulation,
l'existence d'un tel droit.
5. Les informations qui sont prévues par le droit communautaire et qui sont relatives
aux communications commerciales, y compris la publicité ou le marketing, et dont une
liste non exhaustive figure à l'annexe II, sont réputées substantielles.
Section 2
Pratiques commerciales agressives
Article 8
Pratiques commerciales agressives
Une pratique commerciale est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte
tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible
d'altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le
recours à la force physique, ou d'une influence injustifiée, la liberté de choix ou de
conduite du consommateur moyen à l'égard d'un produit, et, par conséquent, l'amène ou
est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise
autrement.
Article 9
Utilisation du harcèlement, de la contrainte ou d'une influence injustifiée
Afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte,
y compris la force physique, ou à une influence injustifiée, les éléments suivants sont
pris en considération:
113
a) le moment et l'endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature et sa persistance;
b) le recours à la menace physique ou verbale;
c) l'exploitation en connaissance de cause par le professionnel de tout malheur ou
circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur,
dans le but d'influencer la décision du consommateur à l'égard du produit;
d) tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le
professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et
notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur;
e) toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible.
CHAPITRE 3
CODES DE CONDUITE
Article 10
Codes de conduite
La présente directive n'exclut pas le contrôle, que les États membres peuvent
encourager, des pratiques commerciales déloyales par les responsables de codes de
conduite, ni le recours à ces derniers par les personnes ou organisations visées à l'article
11, s'il existe des procédures devant de telles entités en sus des procédures judiciaires ou
administratives visées audit article.
Le recours à de tels organismes de contrôle ne vaut en aucun cas renoncement à une
voie de recours judiciaire ou administrative visée à l'article 11.
CHAPITRE 4
DISPOSITIONS FINALES
Article 11
Application de la législation
1. Les États membres veillent à ce qu'il existe des moyens adéquats et efficaces pour
lutter contre les pratiques commerciales déloyales afin de faire respecter les dispositions
de la présente directive dans l'intérêt des consommateurs.
Ces moyens doivent inclure des dispositions juridiques aux termes desquelles les
personnes ou organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à
lutter contre les pratiques commerciales déloyales, y compris les concurrents, peuvent:
a) intenter une action en justice contre ces pratiques commerciales déloyales,
et/ou
114
b) porter ces pratiques commerciales déloyales devant une autorité administrative
compétente soit pour statuer sur les plaintes, soit pour engager les poursuites judiciaires
appropriées.
Il appartient à chaque État membre de décider laquelle de ces procédures sera retenue et
s'il convient que les tribunaux ou les autorités administratives puissent exiger le recours
préalable à d'autres voies établies de règlement des plaintes, y compris celles
mentionnées à l'article 10. Les consommateurs doivent avoir accès à ces moyens, qu'ils
soient établis sur le territoire du même État membre que le professionnel ou sur celui
d'un autre État membre.
Il incombe à chaque État membre de décider:
a) si ces moyens juridiques peuvent être mis en œuvre séparément ou conjointement
contre un certain nombre de professionnels du même secteur économique,
et
b) si ces moyens juridiques peuvent être mis en œuvre contre le responsable d'un code
lorsque ce code encourage le non-respect des prescriptions légales.
2. Dans le cadre des dispositions juridiques visées au paragraphe 1, les États membres
confèrent aux tribunaux ou aux autorités administratives des pouvoirs les habilitant,
dans les cas où ceux-ci estiment que ces mesures sont nécessaires compte tenu de tous
les intérêts en jeu, et notamment de l'intérêt général:
a) à ordonner la cessation de pratiques commerciales déloyales ou à engager les
poursuites appropriées en vue de faire ordonner la cessation desdites pratiques,
ou
b) si la pratique commerciale déloyale n'a pas encore été mise en œuvre mais est
imminente, à interdire cette pratique ou à engager les poursuites appropriées en vue de
faire ordonner son interdiction,
même en l'absence de preuve d'une perte ou d'un préjudice réels, ou d'une intention ou
d'une négligence de la part du professionnel.
Les États membres prévoient en outre que les mesures visées au premier alinéa peuvent
être prises dans le cadre d'une procédure accélérée:
- soit avec effet provisoire,
- soit avec effet définitif,
étant entendu qu'il appartient à chaque État membre de déterminer laquelle de ces deux
options sera retenue.
115
En outre, les États membres peuvent conférer aux tribunaux ou aux autorités
administratives des compétences les habilitant, en vue d'éliminer les effets persistants de
pratiques commerciales déloyales dont la cessation a été ordonnée par une décision
définitive:
a) à exiger la publication de ladite décision en tout ou en partie et dans la forme qu'ils
jugent adéquate;
b) à exiger, en outre, la publication d'un communiqué rectificatif.
3. Les autorités administratives visées au paragraphe 1 doivent:
a) être composées de manière à ce que leur impartialité ne puisse être mise en doute;
b) avoir des pouvoirs suffisants, lorsqu'elles statuent sur des plaintes, pour surveiller et
imposer de façon efficace le respect de leurs décisions;
c) motiver en principe leurs décisions.
Lorsque les pouvoirs visés au paragraphe 2 sont exclusivement exercés par une autorité
administrative, celle-ci doit toujours motiver ses décisions. En outre, dans ce cas, des
procédures doivent être prévues selon lesquelles tout exercice impropre ou injustifié des
pouvoirs de l'autorité administrative ou tout manquement impropre ou injustifié à
l'exercice desdits pouvoirs peuvent faire l'objet d'un recours juridictionnel.
Article 12
Tribunaux et autorités administratives: justification des allégations
Les États membres confèrent aux tribunaux ou aux autorités administratives des
pouvoirs les habilitant, lors d'une procédure judiciaire ou administrative visée à l'article
11:
a) à exiger que le professionnel fournisse des preuves sur l'exactitude de ses allégations
factuelles en rapport avec une pratique commerciale si, compte tenu de l'intérêt légitime
du professionnel et de toute autre partie à la procédure, une telle exigence paraît
appropriée au vu des circonstances du cas d'espèce,
et
b) à considérer des allégations factuelles comme inexactes si les preuves exigées
conformément au point a) ne sont pas apportées ou sont jugées insuffisantes par le
tribunal ou l'autorité administrative.
Article 13
Sanctions
Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des
dispositions nationales prises en application de la présente directive, et mettent tout en
116
œuvre pour en assurer l'exécution. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives,
proportionnées et dissuasives.
Article 14
Modifications de la directive 84/450/CEE
La directive 84/450/CEE est modifiée comme suit:
1) L'article premier est remplacé par le texte suivant:
"Article premier
La présente directive a pour objet de protéger les professionnels contre la publicité
trompeuse et ses conséquences déloyales et d'établir les conditions dans lesquelles la
publicité comparative est considérée comme licite."
2) À l'article 2:
- le point 3 est remplacé par le texte suivant:
"3. "professionnel": toute personne physique ou morale qui agit à des fins qui entrent
dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale et toute
personne agissant au nom ou pour le compte d'un professionnel."
;
- le point suivant est ajouté:
"4. "responsable de code": toute entité, y compris un professionnel ou groupe de
professionnels, responsable de l'élaboration et de la révision d'un code de conduite et/ou
de la surveillance du respect de ce code par ceux qui se sont engagés à être liés par lui."
3) L'article 3 bis est remplacé par le texte suivant:
"Article 3 bis
1. Pour ce qui concerne la comparaison, la publicité comparative est licite dès lors que
les conditions suivantes sont remplies:
a) elle n'est pas trompeuse au sens de l'article 2, paragraphe 2, de l'article 3 et de l'article
7, paragraphe 1, de la présente directive ou des articles 6 et 7 de la directive 2005/29/CE
du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques
commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché
intérieur [];
b) elle compare des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même
objectif;
117
c) elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes,
vérifiables et représentatives de ces biens et services, y compris éventuellement le prix;
d) elle n'entraîne pas le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux,
autres signes distinctifs, biens, services, activités ou situation d'un concurrent;
e) pour les produits ayant une appellation d'origine, elle porte dans chaque cas sur des
produits ayant la même appellation;
f) elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom
commercial ou à d'autres signes distinctifs d'un concurrent ou de l'appellation d'origine
de produits concurrents;
g) elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction
d'un bien ou d'un service portant une marque ou un nom commercial protégés;
h) elle ne soit pas source de confusion parmi les professionnels, entre l'annonceur et un
concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou
services de l'annonceur et ceux d'un concurrent.
4) À l'article 4, le paragraphe 1 est remplacé par le texte suivant:
"1. Les États membres veillent à ce qu'il existe des moyens adéquats et efficaces pour
lutter contre la publicité trompeuse et faire respecter les dispositions en matière de
publicité comparative dans l'intérêt des professionnels et des concurrents. Ces moyens
doivent inclure des dispositions juridiques aux termes desquelles les personnes ou
organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à lutter contre la
publicité trompeuse ou à réglementer la publicité comparative peuvent:
a) intenter une action en justice contre une telle publicité,
ou
b) porter une telle publicité devant une autorité administrative compétente soit pour
statuer sur les plaintes, soit pour engager les poursuites judiciaires appropriées.
Il appartient à chaque État membre de décider laquelle de ces procédures sera retenue et
s'il convient que les tribunaux ou les autorités administratives puissent exiger le recours
préalable à d'autres voies établies de règlement des plaintes, y compris celles
mentionnées à l'article 5.
Il incombe à chaque État membre de décider:
a) si ces moyens juridiques peuvent être mis en œuvre séparément ou conjointement
contre un certain nombre de professionnels du même secteur économique,
et
118
b) si ces moyens juridiques peuvent être mis en œuvre contre le responsable d'un code
lorsque ce code encourage le non respect des prescriptions légales."
5) À l'article 7, le paragraphe 1 est remplacé par le texte suivant:
"1. La présente directive ne fait pas obstacle au maintien ou à l'adoption par les États
membres de dispositions visant à assurer, en matière de publicité trompeuse, une
protection plus étendue des professionnels et des concurrents."
Article 15
Modifications des directives 97/7/CE et 2002/65/CE
1) L'article 9 de la directive 97/7/CE est remplacé par le texte suivant:
"Article 9
Fourniture non demandée
Étant donné que les pratiques de fourniture non demandée sont interdites par la directive
2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques
commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché
intérieur [], les États membres prennent les mesures nécessaires pour dispenser le
consommateur de toute contre-prestation en cas de fourniture non demandée, l'absence
de réponse ne valant pas consentement.
2) L'article 9 de la directive 2002/65/CE est remplacé par le texte suivant:
"Article 9
Étant donné que les pratiques de fourniture non demandée sont interdites par la directive
2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques
commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché
intérieur [], et sans préjudice des dispositions en vigueur dans la législation des États
membres relatives à la reconduction tacite de contrats à distance lorsque celles-ci
permettent une telle reconduction tacite, les États membres prennent les mesures
nécessaires pour dispenser le consommateur de toute obligation en cas de fourniture non
demandée, l'absence de réponse ne valant pas consentement.
Article 16
Modifications des directives 98/27/CE et du règlement (CE) no 2006/2004
1) À l'annexe de la directive 98/27/CE, le point 1 est remplacé par le texte suivant:
"1. Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative
aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans
le marché intérieur (JO L 149 du 11.6.2005, p. 22.)"
119
2) À l'annexe du règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil du
27 octobre 2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales responsables de
l'application de la législation en matière de protection des consommateurs ("règlement
sur la coopération en matière de protection des consommateurs") [12] le point suivant
est ajouté:
"16. La directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005
relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des
consommateurs dans le marché intérieur (JO L 149 du 11.6.2005, p. 22.)"
Article 17
Information
Les États membres prennent les mesures appropriées pour informer les consommateurs
des dispositions de droit national qui transposent la présente directive et incitent, le cas
échéant, les professionnels et les responsables de code à faire connaître leurs codes de
conduite aux consommateurs.
Article 18
Révision
1. Au plus tard le 12 juin 2006, la Commission soumet au Parlement européen et au
Conseil un rapport global sur l'application de son article 3, paragraphe 9, de la présente
directive et en particulier sur l'application de son article 4 et de son annexe I, sur
l'ampleur de toute harmonisation et simplification supplémentaires du droit
communautaire en matière de protection des consommateurs et, compte tenu de l'article
3, paragraphe 5, sur toute mesure qu'il convient de prendre sur le plan communautaire
afin de veiller à maintenir des niveaux appropriés de protection des consommateurs. Ce
rapport est accompagné, si besoin est, d'une proposition de révision de la présente
directive ou d'autres parties pertinentes du droit communautaire.
2. Le Parlement européen et le Conseil s'efforcent d'agir, conformément au traité, dans
un délai de deux ans à compter de la présentation par la Commission de toute
proposition présentée en vertu du paragraphe 1.
Article 19
Transposition
Les États membres adoptent et publient au plus tard le 12 juin 2007 les dispositions
législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la
présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission et ils lui notifient
sans retard toute modification ultérieure.
Ils appliquent ces dispositions au plus tard le 12 décembre 2007. Lorsque les États
membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente
120
directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle.
Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.
Article 20
Entrée en vigueur
La présente directive entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal
officiel de l'Union européenne.
Article 21
Destinataires
Les États membres sont destinataires de la présente directive.
Fait à Strasbourg, le 11 mai 2005.
Par le Parlement européen
Le président
J. P. Borrell Fontelles
Par le Conseil
Le président
N. Schmit
[1] JO C 108 du 30.4.2004, p. 81.
[2] Avis du Parlement européen du 20 avril 2004 (JO C 104 E du 30.4.2004, p. 260), position commune
du Conseil du 15 novembre 2004 (JO C 38 E du 15.2.2005, p. 1) et position du Parlement européen du 24
février 2005 (non encore parue au Journal officiel). Décision du Conseil du 12 avril 2005.
[3] JO L 250 du 19.9.1984, p. 17. Directive modifiée par la directive 97/55/CE du Parlement européen et
du Conseil (JO L 290 du 23.10.1997, p. 18).
[4] JO L 144 du 4.6.1997, p. 19. Directive modifiée par la directive 2002/65/CE (JO L 271 du 9.10.2002,
p. 16).
[5] JO L 166 du 11.6.1998, p. 51. Directive modifiée en dernier lieu par la directive 2002/65/CE.
[6] JO L 271 du 9.10.2002, p. 16.
[7] JO L 201 du 31.7.2002, p. 37.
[8] JO L 171 du 7.7.1999, p. 12.
[] JO L 149 du 11.6.2005, p. 22."
[] JO L 149 du 11.6.2005, p. 22."
[] JO L 149 du 11.6.2005, p. 22."
121
[12] JO L 364 du 9.12.2004, p. 1.
ANNEXE I
PRATIQUES COMMERCIALES
CIRCONSTANCES
RÉPUTÉES
DÉLOYALES
EN
TOUTES
Pratiques commerciales trompeuses
1) Pour un professionnel, se prétendre signataire d'un code de conduite alors qu'il ne
l'est pas.
2) Afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent sans avoir obtenu
l'autorisation nécessaire.
3) Affirmer qu'un code de conduite a reçu l'approbation d'un organisme public ou autre
alors que ce n'est pas le cas.
4) Affirmer qu'un professionnel (y compris ses pratiques commerciales) ou qu'un
produit a été agréé, approuvé ou autorisé par un organisme public ou privé alors que ce
n'est pas le cas ou sans respecter les conditions de l'agrément, de l'approbation ou de
l'autorisation reçue.
5) Proposer l'achat de produits à un prix indiqué sans révéler les raisons plausibles que
pourrait avoir le professionnel de penser qu'il ne pourra fournir lui même, ou faire
fournir par un autre professionnel, les produits en question ou des produits équivalents
au prix indiqué, pendant une période et dans des quantités qui soient raisonnables
compte tenu du produit, de l'ampleur de la publicité faite pour le produit et du prix
proposé (publicité appât).
6) Proposer l'achat de produits à un prix indiqué, et ensuite:
a) refuser de présenter aux consommateurs l'article ayant fait l'objet de la publicité,
ou
b) refuser de prendre des commandes concernant cet article ou de le livrer dans un délai
raisonnable,
ou
c) en présenter un échantillon défectueux,
dans le but de faire la promotion d'un produit différent (amorcer et ferrer).
7) Déclarer faussement qu'un produit ne sera disponible que pendant une période très
limitée ou qu'il ne sera disponible que sous des conditions particulières pendant une
période très limitée afin d'obtenir une décision immédiate et priver les consommateurs
d'une possibilité ou d'un délai suffisant pour opérer un choix en connaissance de cause.
122
8) S'engager à fournir un service après-vente aux consommateurs avec lesquels le
professionnel a communiqué avant la transaction dans une langue qui n'est pas une
langue officielle de l'État membre dans lequel il est établi et, ensuite, assurer ce service
uniquement dans une autre langue sans clairement en informer le consommateur avant
que celui-ci ne s'engage dans la transaction.
9) Déclarer ou de toute autre manière donner l'impression que la vente d'un produit est
licite alors qu'elle ne l'est pas.
10) Présenter les droits conférés au consommateur par la loi comme constituant une
caractéristique propre à la proposition faite par le professionnel.
11) Utiliser un contenu rédactionnel dans les médias pour faire la promotion d'un
produit, alors que le professionnel a financé celle-ci lui-même, sans l'indiquer
clairement dans le contenu ou à l'aide d'images ou de sons clairement identifiables par le
consommateur (publi-reportage). Cette disposition s'entend sans préjudice de la
directive 89/552/CEE [1].
12) Formuler des affirmations factuellement inexactes en ce qui concerne la nature et
l'ampleur des risques auxquels s'expose le consommateur sur le plan de sa sécurité
personnelle ou de celle de sa famille s'il n'achète pas le produit.
13) Promouvoir un produit similaire à celui d'un fabricant particulier de manière à
inciter délibérément le consommateur à penser que le produit provient de ce même
fabricant alors que tel n'est pas le cas.
14) Créer, exploiter ou promouvoir un système de promotion pyramidale dans lequel un
consommateur verse une participation en échange de la possibilité de percevoir une
contrepartie provenant essentiellement de l'entrée d'autres consommateurs dans le
système plutôt que de la vente ou de la consommation de produits.
15) Déclarer que le professionnel est sur le point de cesser ses activités ou de les établir
ailleurs alors que tel n'est pas le cas.
16) Affirmer d'un produit qu'il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard.
17) Affirmer faussement qu'un produit est de nature à guérir des maladies, des
dysfonctionnements ou des malformations.
18) Communiquer des informations factuellement inexactes sur les conditions de
marché ou sur les possibilités de trouver le produit, dans le but d'inciter le
consommateur à acquérir celui-ci à des conditions moins favorables que les conditions
normales de marché.
19) Affirmer dans le cadre d'une pratique commerciale qu'un concours est organisé ou
qu'un prix peut être gagné sans attribuer les prix décrits ou un équivalent raisonnable.
123
20) Décrire un produit comme étant "gratuit", "à titre gracieux", "sans frais" ou autres
termes similaires si le consommateur doit payer quoi que ce soit d'autre que les coûts
inévitables liés à la réponse à la pratique commerciale et au fait de prendre possession
ou livraison de l'article.
21) Inclure dans le matériel promotionnel une facture ou un document similaire
demandant paiement qui donne au consommateur l'impression qu'il a déjà commandé le
produit commercialisé alors que ce n'est pas le cas.
22) Faussement affirmer ou donner l'impression que le professionnel n'agit pas à des
fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou
libérale, ou se présenter faussement comme un consommateur.
23) Créer faussement l'impression que le service après-vente en rapport avec un produit
est disponible dans un État membre autre que celui dans lequel le produit est vendu.
Pratiques commerciales agressives
24) Donner au consommateur l'impression qu'il ne pourra quitter les lieux avant qu'un
contrat n'ait été conclu.
25) Effectuer des visites personnelles au domicile du consommateur, en ignorant sa
demande de voir le professionnel quitter les lieux ou de ne pas y revenir, sauf si et dans
la mesure où la législation nationale l'autorise pour assurer l'exécution d'une obligation
contractuelle.
26) Se livrer à des sollicitations répétées et non souhaitées par téléphone, télécopieur,
courrier électronique ou tout autre outil de communication à distance, sauf si et dans la
mesure où la législation nationale l'autorise pour assurer l'exécution d'une obligation
contractuelle. Cette disposition s'entend sans préjudice de l'article 10 de la directive
97/7/CE, et des directives 95/46/CE [2] et 2002/58/CE.
27) Obliger un consommateur qui souhaite demander une indemnité au titre d'une police
d'assurance à produire des documents qui ne peuvent raisonnablement être considérés
comme pertinents pour établir la validité de la demande ou s'abstenir systématiquement
de répondre à des correspondances pertinentes, dans le but de dissuader ce
consommateur d'exercer ses droits contractuels.
28) Dans une publicité, inciter directement les enfants à acheter ou à persuader leurs
parents ou d'autres adultes de leur acheter le produit faisant l'objet de la publicité. Cette
disposition ne porte pas atteinte à l'article 16 de la directive 89/552/CEE sur la
radiodiffusion télévisuelle.
29) Exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans
que le consommateur les ait demandés, ou exiger leur renvoi ou leur conservation, sauf
lorsqu'il s'agit d'un produit de substitution fourni conformément à l'article 7, paragraphe
3, de la directive 97/7/CE (fournitures non demandées).
124
30) Informer explicitement le consommateur que s'il n'achète pas le produit ou le
service, l'emploi ou les moyens d'existence du professionnel seront menacés.
31) Donner la fausse impression que le consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera
en accomplissant tel acte un prix ou un autre avantage équivalent, alors que, en fait,
- soit il n'existe pas de prix ou autre avantage équivalent,
- soit l'accomplissement d'une action en rapport avec la demande du prix ou autre
avantage équivalent est subordonné à l'obligation pour le consommateur de verser de
l'argent ou de supporter un coût.
[1] Directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 visant à la coordination de
certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres
relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298 du 17.10.1989,
p. 23). Directive modifiée par la directive 97/36/CE du Parlement européen et du
Conseil (JO L 202 du 30.7.1997, p. 60).
[2] Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995
relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à
caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281 du 23.11.1995, p.
31). Directive modifiée par le règlement (CE) no 1882/2003 (JO L 284 du 31.10.2003,
p. 1).
-------------------------------------------------20050511
ANNEXE II
DISPOSITIONS COMMUNAUTAIRES ÉTABLISSANT DES RÈGLES
MATIÈRE DE PUBLICITÉ ET DE COMMUNICATION COMMERCIALE
EN
Articles 4 et 5 de la directive 97/7/CE
Article 3 de la directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990 concernant les
voyages, vacances et circuits à forfait [1]
Article 3, paragraphe 3, de la directive 94/47/CE du Parlement européen et du Conseil
du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des
contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens
immobiliers [2]
Article 3, paragraphe 4, de la directive 98/6/CE du Parlement européen et du Conseil du
16 février 1998 relative à la protection des consommateurs en matière d'indication des
prix des produits offerts aux consommateurs [3]
125
Articles 86 à 100 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6
novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage
humain [4]
Articles 5 et 6 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8
juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de
l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur
("directive sur le commerce électronique") [5]
Article 1er, point d), de la directive 98/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 16
février 1998 modifiant la directive 87/102/CEE du Conseil relative au rapprochement
des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en
matière de crédit à la consommation [6]
Articles 3 et 4 de la directive 2002/65/CE
Article 1er, point 9), de la directive 2001/107/CE du Parlement européen et du Conseil
du 21 janvier 2002 modifiant la directive 85/611/CEE du Conseil portant coordination
des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains
organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) en vue d'introduire
une réglementation relative aux sociétés de gestion et aux prospectus simplifiés [7]
Articles 12 et 13 de la directive 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 9
décembre 2002 sur l'intermédiation en assurance [8]
Article 36 de la directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 5
novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie [9]
Article 19 de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril
2004 concernant les marchés d'instruments financiers [10]
Articles 31 et 43 de la directive 92/49/CEE du Conseil du 18 juin 1992 portant
coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant
l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie [11] (troisième directive "assurance
non vie")
Articles 5, 7 et 8 de la directive 2003/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 4
novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs
mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation [12]
[1] JO L 158 du 23.6.1990, p. 59.
[2] JO L 280 du 29.10.1994, p. 83.
[3] JO L 80 du 18.3.1998, p. 27.
[4] JO L 311 du 28.11.2001, p. 67. Directive modifiée en dernier lieu par la directive 2004/27/CE (JO L
136 du 30.4.2004, p. 34).
[5] JO L 178 du 17.7.2000, p. 1.
126
[6] JO L 101 du 1.4.1998, p. 17.
[7] JO L 41 du 13.2.2002, p. 20.
[8] JO L 9 du 15.1.2003, p. 3.
[9] JO L 345 du 19.12.2002, p. 1. Directive modifiée par la directive 2004/66/CE du Conseil (JO L 168
du 1.5.2004, p. 35).
[10] JO L 145 du 30.4.2004, p. 1.
[11] JO L 228 du 11.8.1992, p. 1. Directive modifiée en dernier lieu par la directive 2002/87/CE du
Parlement européen et du Conseil (JO L 35 du 11.2.2003, p. 1). [12] JO L 345 du 31.12.2003, p. 64.
127
Annexe 2 : CA Paris, 5e ch., 14 mai 2009, SA France Telecom et SA Orange Sports
c/ SAS Free et SA Neuf Cegetel (absorbée par SFR), avec les interventions
volontaires de l'assoc. « La Ligue de Football professionnel », de l'assoc. nationale
des ligues de sport professionnel et du min. Éco., Industr. et Emploi (DGCCRF
Paris) : JurisData n° 2009-003817
La société Free (Free) est un opérateur de communications électroniques, filiale à 100 %
du groupe Big qui a été le premier, en 2003, à commercialiser dans les zones
dégroupées des offres dites multiservices, dites aussi « Multiplay », ou même « Triple
Play » en l'espèce, combinant l'accès à Internet haut débit (ADSL), la téléphonie fixe
illimitée par Internet et des services de télévision par ADSL. Elle dispose actuellement
d'une base d'abonnés proche de 4 millions qui la place, en qualité de fournisseur d'accès
Internet (FAI), en deuxième position en part de marché (25 %) derrière France Télécom.
La société Neuf Cegetel, détenue depuis le 19 juin 2008 par la Société Française de
Radiotélé-phone (SFR), elle-même filiale à 56 % de Vivendi, qui contrôle également
Canal Plus et Vodafone, propose au public une offre d'accès Internet haut débit. Elle
aussi a lancé une offre multiservices combinant l'accès à Internet haut débit, la
téléphonie fixe, la télévision par ADSL et d'autres services à la carte.
La société France Télécom (France Télécom) est l'opérateur historique de
télécommunications en France. Elle commercialise des offres de téléphonie mobile,
Internet haut débit et télévision sous la marque Orange, laquelle est devenue depuis
2006 la marque unique du groupe. Elle aussi propose des offres multiservices
combinant des services d'accès Internet haut débit, de téléphonie illimitée et de
télévision par ADSL. Pour les zones non éligibles à la télévision par ADSL, elle a
également mis en place, en juillet 2008, une offre permettant l'accès à des services de
télévision numérique par satellite. Depuis 2007, elle s'est lancée dans l'édition de
contenus audiovisuels via sa filiale, la société Orange Sports, qui exploite et édite des
services de communication audiovisuelle, notamment des émissions de télévision, et en
particulier le service Orange Sports Info ainsi que, depuis août 2008, le service Orange
Foot, devenu Orange Sports le 10 janvier 2009.
En effet, le 6 février 2008, France Télécom a obtenu, dans le cadre d'un appel à
candidatures lancé par la Ligue de football professionnel pour la retransmission des
matchs de la ligue 1 de football pour la période 2008-2012, les droits exclusifs sur trois
des douze lots pour un montant annuel de 203 millions d'euros, le groupe Canal Plus
ayant remporté les neuf autres pour la somme de 465 millions d'euros par an.
La chaîne Orange Sports est diffusée à la fois par satellite et sur les réseaux ADSL, sous
condition de souscription préalable à un abonnement à l'une des offres Internet haut
débit d'Orange. Elle est alors accessible en option payante, à raison de 6 euros par mois.
Estimant que France Télécom et Orange commettent des actes de concurrence déloyale
en subordonnant, en violation de l'article L. 122-1 du Code de la consommation,
l'abonnement à Orange Foot à la souscription d'un abonnement à Internet haut débit
128
Orange, Free a, après une première tentative infructueuse en référé (ordonnance du
président du tribunal de commerce de Paris, en date du 1er juillet 2008, disant n'y avoir
heu à référé), assigné France Télécom à bref délai, le 30 octobre 2008, pour qu'il lui soit
ordonné sous astreinte :
- de cesser de subordonner l'abonnement à Orange Foot à la souscription d'un
abonnement à Internet haut débit Orange ;
- de diffuser sur son site Internet un communiqué en ce sens ;
- d'adresser un courrier à ses abonnés en ce sens ;
et demandant une expertise pour apprécier son préjudice commercial ainsi qu'une
provision de 5 millions d'euros.
De son côté, la société Neuf Cegetel, qui s'était déjà associée par voie d'intervention
volontaire principale à la procédure de référé susmentionnée, a assigné également
France Télécom à jour fixe, le 31 octobre 2008, à des fins similaires.
Les affaires ont été jointes.
La ligue de football professionnel est intervenue volontairement à l'instance au soutien
des intérêts de France Télécom et de Orange Sports, lesquelles se sont opposées aux
demandes en réclamant reconventionnellement des dommages et intérêts pour
procédure abusive.
Par jugement du 23 février 2009, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de
commerce de Paris a :
- fait injonction à France Télécom, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard
pendant trois mois, à compter du délai d'un mois à compter de la signification du
jugement, de cesser de subordonner l'abonnement à Orange Foot à la souscription d'un
abonnement Internet haut débit Orange, tout en se réservant le droit de liquider
l'astreinte ;
- fait injonction à France Telecom de diffuser pendant deux mois un communiqué sur la
page d'accueil de son site Internet www.Orange.fr, situé au même endroit que les
publicités pour son offre Orange Foot, comportant les termes suivants : « Par jugement
du 23 février 2009, le tribunal de commerce de Paris a enjoint à la société France
Télécom de cesser de subordonner l'accès à sa chaîne Orange Foot à la souscription d'un
abonnement Internet haut débit Orange, cette pratique étant constitutive de vente
subordonnée interdite par la loi » ;
- désigné un collège expertal composé de M. Didier Faury, qui le présidera, et M. JeanPaul Aymeri pour évaluer le quantum du préjudice subi par Free et Neuf Cegetel à partir
du nombre d'abonnements à une offre d'accès Internet Orange en même temps qu'à
Orange Foot souscrits par désabonnement de Free et Neuf Cegetel et plus généralement
du nombre d'abonnements à une offre d'accès Internet Orange souscrits en conséquence
129
de la commercialisation illicite de l'offre Orange Foot et dont Free et Neuf Cegetel ont
pu être privées de ce fait ;
- débouté Free et Neuf Cegetel de leurs autres demandes de publication ;
- débouté France Télécom et Orange Sports, et la Ligue de football professionnel de
leurs demandes reconventionnelles,
- condamné France Télécom et Orange Sports à payer à chacune des sociétés Free et
Neuf Cegetel la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de
procédure civile.
La cour :
Vu l'appel de ce jugement interjeté par France Télécom et Orange Sports le 27 février
2009 ; (...)
Vu les conclusions signifiées le 30 avril 2009 par lesquelles Free soulève l'irrecevabilité
de l'intervention volontaire de l'Association nationale des Ligues de Sport Professionnel
et du ministre chargé de l'Économie, poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a
prononcé des injonctions et retenu le principe de la responsabilité civile de France
Télécom et d'Orange Sports à son égard pour concurrence déloyale et, pour le surplus,
demande à la cour :
- de lui donner acte de ce qu'elle n'a jamais soutenu que l'application de l'article L. 1221 du Code de la consommation devait nécessairement conduire France Télécom à la
laisser commercialiser la chaîne Orange Sports au sein de ses offres de plan de services
;
- d'évoquer l'appréciation du préjudice ;
- de juger que l'article L. 122-1du Code de la consommation n'est pas incompatible avec
le droit communautaire ; (...)
- à titre subsidiaire, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des
communautés européennes afin de déterminer si la directive n° 2005/29/CE doit être
interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une disposition nationale telle que celle de
l'article L, 122-1 du Code de la consommation qui interdit les ventes subordonnées d'un
vendeur professionnel à un consommateur en fonction des circonstances spécifiques du
cas d'espèce et qui portent préjudice au consommateur en raison de leur caractère
déloyal ; (...)
Vu les conclusions signifiées le 24 avril 2009 par lesquelles la Ligue de football
professionnel demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré son
intervention volontaire recevable, de l'infirmer en ses autres dispositions et, statuant à
nouveau, de dire l'article L. 122-1 du Code de la consommation inapplicable car
contraire à une norme supérieure du droit communautaire, de faire droit aux demandes
130
de France Télécom et Orange Sports, enfin de condamner Free et Neuf Cegetel au
paiement de 25 000 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées le 24 avril 2009 par lesquelles l'Association nationale des
ligues de sport professionnel (PANLSP) demande à la cour, vu l'article 554 du Code de
procédure civile, la directive n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11
mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des
consommateurs dans le marché intérieur, interprétée par l'arrêt de la CJCE du 23 avril
2009 (aff. C-261/07 et C-299/07), vu le principe de primauté du droit communautaire,
vu l'article L. 122-1 du Code de la consommation, de lui donner acte de son intervention
en cause d'appel, de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé recevable et bien fondée
l'intervention volontaire de la Ligue de football professionnel en première instance,
d'infirmer le jugement dans toutes ses autres dispositions et de faire droit aux demandes
des sociétés France Telecom et Orange Sports et de la Ligue de football professionnel ;
Vu les conclusions d'intervention du ministre do l'Économie, en date du 29 avril 2009,
par lesquelles ce dernier expose que l'article L. 122-1 du Code de la consommation ne
lui paraît pas être la base juridique la plus adaptée pour apporter la réponse appropriée
aux préoccupations fondamentales des concurrents d'Orange relatives à la distribution
d'Orange Sports, lesquelles touchent à la question de l'exclusivité commerciale, soit au
premier chef au droit de la concurrence, précisant qu'il a d'ailleurs saisi l'Autorité de la
concurrence d'une demande d'avis à ce sujet ;
Sur ce : (...)
- sur le fond
Considérant que France Télécom et Orange Sports soutiennent que l'offre multiservice
incluant l'offre Orange Sports constitue un produit unique, excluant de ce fait la
qualification de vente subordonnée illicite au sens de l'article L. 122-1 du Code de la
consommation, qu'à tout le moins, la commercialisation de l'offre Orange Sports dans le
cadre de l'offre multiservices de France Télécom est justifiée par un usage commercial,
excluant encore de ce fait la qualification de vente subordonnée illicite au sens de
l'article L. 122-1 du Code de la consommation, qu'en tout état de cause, il résulte d'une
jurisprudence constante que le droit national doit être interprété de façon telle, quand
c'est possible, qu'il soit conforme au droit communautaire, qu'à cet égard, la cour devrait
retenir que l'article L. 122-1 du Code de la consommation permet une appréciation au
cas par cas, en ce qu'il ne prohibe pas la commercialisation d'un produit unique ou
répondant à un usage commercial constant, ce qui est le cas en l'espèce, qu'ainsi, la cour
devrait rejeter l'analyse du tribunal qui conduirait inexorablement à constater
l'incompatibilité de l'article L. 122-1 du Code de la consommation avec la directive n°
2005-28/CE, ce qu'elle ne ferait qu'il titre infiniment subsidiaire ; qu'elles en déduisent
qu'elles ne se sont pas rendues coupables d'actes de concurrence déloyale, de sorte que
les demandes de Free et SFR doivent être rejetées, et soulignent également l'absence de
preuve du lien de causalité et du préjudice prétendument subi du fait de la pratique
dénoncée, justifiant l'annulation de l'expertise ordonnée par le jugement ;
131
Considérant que la Ligue de football professionnel et l'ANLSP soulèvent à titre
principal l'in-compatibilité de l'article L. 122-1 du Code de la consommation avec le
droit communautaire, compte tenu de la jurisprudence récente de la Cour de justice des
communautés européennes, et, pour le surplus, se rangent aux observations de France
Télécom et Orange quant à l'application de cet article à la pratique en cause ;
Considérant que SFR et Free estiment que l'article L. 122-1 du Code de la
consommation, en ce qu'il permet une appréciation au cas par cas de la pratique,
n'institue pas une interdiction généralisée et ne contrevient donc pas au droit
communautaire, selon la jurisprudence en cause ; qu'elles invitent la cour à retenir, au
sens de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, que la pratique reprochée
"altère ou est susceptible d'altérer, de manière significative, du fait de la contrainte, la
liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l'égard d'un produit et, par
conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale
qu'il n'aurait pas prise autrement » ; qu'en particulier, SFR prétend que l'offre de Orange
exerce une contrainte sur le consommateur, d'une part, parce qu'elle est trompeuse, le
site Orange.fr invitant le consommateur à s'abonner pour le prix, modique, de 6 euros
par mois, sans l'aviser qu'il devra aussi quitter son FAI s'il en a déjà un et, de toute
façon, acquitter le coût de l'abonnement à la fourniture d'accès par Orange, plus élevé
que ceux proposés parles concurrents, d'autre part, parce qu'elle est agressive en ce
qu'elle impose un changement de fournisseur de télécommunications sans nécessité
alors que l'autodistribution de la chaîne sur des réseaux tiers permettrait de ne pas
exercer cette contrainte ; que Free estime également que l'offre d'Orange exerce une
contrainte sur le consommateur, atteint dans sa liberté de contracter s'il veut regarder la
retransmission des matchs de football de ligue I retransmis sur la chaîne Orange Sports
exclusivement, puisqu'il est alors obligé, le cas échéant, de résilier l'abonnement ADSL
déjà souscrit auprès d'un opérateur concurrent et, de toute façon, de souscrire à l'offre
multiservices la plus chère du marché, dont il ne veut pas nécessairement ;
Que, pour ce qui est du droit national, elles font valoir que la commercialisation des
chaînes de télévision est indépendante de l'offre triple play du FAI, laquelle associe trois
services de communications électroniques, Internet, la téléphonie et la télévision, qui
sont d'ailleurs accessibles au consommateur séparément, s'il le souhaite, alors que les
chaînes peuvent être commercialisées, soit par les FAI, qui jouent alors le rôle de
distributeurs de services de communications, audiovisuelles, soit par l'éditeur de la
chaîne lui-même, en autodistribution, le FAI agissant alors comme un simple
transporteur, à l'instar de ce que fait Télédiffusion de France (TDF) pour la télédiffusion
hertzienne ou Astra et Eutelsat lorsqu'elle est effectuée par satellite ; qu'elles ajoutent
que si Orange Sports n'est actuellement accessible que via le FAI Orange, cette
situation, qui ne résulte nullement d'une contrainte technique, n'est pas le standard du
marché et résulte d'une stratégie commerciale d'Orange ; qu'elles soulignent que cette
situation est préjudiciable, tant au consommateur, contraint de résilier son abonnement
chez un autre FAI au profit de Orange s'il souhaite voir la retransmission des matchs
achetée par Orange Sports, en particulier ceux du samedi soir, et aux autres FAI, qui
132
n'ont pas les moyens d'investir dans les contenus télévisuels de France Telecom, et qui
voient ainsi leurs abonnés détournés par le biais d'un comportement illicite, cette
pratique étant d'autant plus grave que le marché est mature et que le recrutement de
nouveaux clients est difficile, et alors en outre que les trois principaux FAI ont annoncé
des investissements importants afin de développer la fibre optique de très haut débit, qui
devront être amortis par les abonnements souscrits ;
Considérant que l'article L. 122-1 du Code de la consommation, en sa rédaction issue de
la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, dispose que « il est interdit de refuser à un
consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime, et
de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat
concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la
prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit » ;
Considérant que le tribunal de commerce a jugé que France Telecom et Orange violent
ce texte en subordonnant l'abonnement à la chaîne Orange Sports à la souscription d'un
abonnement à Internet haut débit Orange ;
Considérant que, par arrêt du 23 avril 2009 (C-261/07 et C-299/07 Total Belgium NV et
Galatea BVBA contre Sanoma Magazines Belgium NV), rendu sur renvoi préjudiciel, la
Cour de justice des communautés européennes (la CJCE) a dit pour droit que la
directive n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative
aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans
le marché Intérieur et modifiant la directive n° 84/450/CEE du Conseil et les directives
n° 97/7/CE, n° 98/27/CE et n° 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le
règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, doit être interprétée
en ce sens qu'elle s'oppose à une réglementation nationale - en l'espèce la loi belge - qui,
sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas
d'espèce, interdit toute offre conjointe faite par un vendeur à un consommateur ;
Considérant qu'au vu de cette jurisprudence, les quatre parties principales demandent à
la cour, non d'écarter la loi nationale comme incompatible avec le droit communautaire,
mais de l'interpréter dans un sens qui la rende conforme au droit communautaire ;
Considérant qu'il résulte en effet d'une jurisprudence constante de la CJCE depuis l'arrêt
du 10 avril 1984 (V. Colson et Kamann 14/83, Rec. p. 1891, pt 26), que l'obligation des
États membres, découlant d'une directive, d'atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi
que leur devoir, en vertu de l'article 10 du traité instituant la Communauté européenne
(TCE), de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer
l'exécution de cette obligation s'imposent à toutes les autorités des États membres y
compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles (V.
notamment, arrêts du 13 nov. 1990, aff. C-106/89, Marleasing, Rec. p. I-4135, pt 8. Faccini Dori, préc., pt 26. - 18 déc. 1997, aff. C-129/96, Inter-Environnement Wallonie,
Rec. p. I-7411, pt 40. - 25 févr. 1999, aff. C-131/97, Carbonari e.a., Rec. p. I-1103, pt
48) ;
133
Que le devoir des juridictions nationales d'assurer la protection juridique découlant pour
les justiciables des dispositions du droit communautaire et de garantir le plein effet de
celles-ci s'impose de plus fort lorsque l'État membre a déjà pris les dispositions en vue
de transposer une directive qui vise à conférer des droits aux particuliers, ce qui laisse
présumer, eu égard à l'article 249, alinéa 3, du TCE, qu'ayant utilisé la marge
d'appréciation dont il bénéficie en vertu de cette disposition, il a eu l'intention d'exécuter
pleinement les obligations découlant de la directive concernée (V. arrêt du 16 déc. 1993,
C-334/92, Wagner Miret, Rec. p. I-6911, pt 20) ; que tel est cas en l'espèce, la
transposition de la directive ayant été opérée essentiellement par la loi n ° 2008-776 du
4 août 2008 ;
Qu'en outre, selon la jurisprudence de la CJCE, doivent être considérées comme
relevant du champ d'application de la directive, non seulement les dispositions
nationales dont l'objectif exprès est de transposer ladite directive, mais également, à
compter de la date d'entrée en vigueur de cette directive, les dispositions nationales
préexistantes, susceptibles d'assurer la conformité du droit national à celle-ci ;
Qu'ainsi, le principe d'interprétation conforme requiert que la cour fasse tout ce qui
relève de sa compétence, en prenant en considération l'ensemble des règles du droit
national, pour garantir, dans le cadre de l'application de l'article L.122-1 du Code de la
consommation au présent litige, la pleine effectivité de la directive du 11 mai 2005 sur
les pratiques commerciales déloyales ;
Considérant qu'à cet égard, l'arrêt du 23 avril 2009, même s'il ne concerne pas la loi
française, contient les motifs propres à éclairer la cour sur la manière d'interpréter la
règle communautaire en cette matière et peut donc être transposé, sans doute réel, au
présent litige, sans qu'il soit nécessaire de poser une question préjudicielle ainsi que le
requièrent SFR et Free à titre subsidiaire ;
Qu'en effet, tout d'abord, aucune des parties ne conteste que les offres en cause
constituent des actes commerciaux s'inscrivant dans le cadre de la stratégie commerciale
de France Telecom et d'Orange et visant directement à la promotion et à l'écoulement
des ventes de ces dernières, constituant à ce titre des pratiques commerciales au sens de
l'article 2, sous d), de la directive n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil,
du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis
des consommateurs dans le marché intérieur, et qu'elles relèvent, en conséquence, du
champ d'application de celle-ci ;
Qu'ensuite, la Cour de justice rappelle :
- que la directive vise à établir, conformément à ses cinquième et sixième considérants
ainsi qu'à son article 1er, des règles uniformes relatives aux pratiques commerciales
déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, afin de contribuer au bon
fonctionnement du marché intérieur et d'assurer un niveau élevé de protection de ces
derniers, qu'elle procède ainsi à une harmonisation complète desdites règles au niveau
communautaire de telle sorte que, comme le prévoit expressément l'article 4, les États
134
membres ne peuvent pas adopter des mesures plus restrictives que celles définies par la
directive, même aux fins d'assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs
;
- qu'en outre, l'article 5 de la directive prévoit l'interdiction des pratiques commerciales
déloyales et énonce les critères permettant de déterminer un tel caractère déloyal ;
- qu'ainsi, et conformément au paragraphe 2 de cette disposition, une pratique
commerciale est déloyale si elle est contraire aux exigences de la diligence
professionnelle et altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le
comportement économique du consommateur moyen par rapport au produit, que l'article
5, paragraphe 4, définit deux catégories précises de pratiques commerciales déloyales, à
savoir les « pratiques trompeuses » et les « pratiques agressives » répondant aux critères
spécifiés respectivement aux articles 6 et 7 ainsi que 8 et 9 de la directive ;
- qu'en vertu de ces dispositions, de telles pratiques sont interdites lorsque, compte tenu
de leurs caractéristiques et du contexte factuel, elles amènent ou sont susceptibles
d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas
prise autrement, que la directive établit également, à son annexe 1, une liste exhaustive
de 31 pratiques commerciales qui, conformément à l'article 5, paragraphe 5, de la
directive, sont réputées déloyales « en toutes circonstances », de sorte que, ainsi que le
précise expressément le dix-septième considérant de la directive, il s'agit des seules
pratiques commerciales qui peuvent être considérées comme déloyales sans faire l'objet
d'une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9 de la directive ;
Considérant que l'offre subordonnée ne figure pas parmi les pratiques énumérées à
l'annexe 1 et, plus particulièrement, n'entre pas dans les prévisions du point 6 qui vise le
fait de "proposer l'achat de produits à un prix indiqué et ensuite de refuser de présenter
aux consommateurs l'article ayant fait l'objet de la publicité ou de refuser de prendre des
commandes concernant cet article ou de le livrer dans un délai raisonnable ou d'en
présenter un échantillon défectueux dans le but de faire la promotion d'un produit
différent (amorcer et ferrer)", ainsi que le prétend à tort SFR, au prix d'une reproduction
tronquée de ce texte ;
Considérant que, dans une telle hypothèse, la Cour de justice préconise de vérifier, à la
lumière du contenu et de l'économie générale des dispositions de la directive, rappelées
aux paragraphes précédents, si le texte qui la prohibe, soit l'article L. 122-I du Code de
la consommation, répond aux exigences posées par la directive ;
Considérant qu'à l'instar de ce qu'a constaté la Cour de justice dans l'arrêt précité à
propos de la loi belge, il doit être relevé que l'article L. 122-1 du Code de la
consommation, qui établit le principe de l'interdiction des ventes subordonnées, alors
même que de telles pratiques ne sont pas visées à l'annexe I de la directive - laquelle
énumère de manière exhaustive les seules pratiques commerciales interdites en toutes
circonstances, comme telles dispensées d'un examen au cas par cas - se heurte au régime
institué par la directive en ce qu'il prohibe, de manière générale et préventive, les offres
135
subordonnées indépendamment de toute vérification de leur caractère déloyal au regard
des critères posés aux articles 5 à 9 de la directive ;
Considérant que cette interprétation ne saurait être remise en cause par le fait que la
jurisprudence nationale prévoit un certain nombre d'exceptions à la prohibition des
offres subordonnées, en particulier lorsque les biens vendus constituent un produit
unique ou que les offres en cause relèvent d'un usage commercial constant, comme le
prétendent France Telecom et Orange ; qu'en effet, même si ces assouplissements sont
susceptibles de restreindre la portée de l'interdiction des offres subordonnées, il n'en
reste pas moins qu'ils ne sauraient, du fait de leur nature limitée et prédéfinie, se
substituer à l'analyse, qui doit être nécessairement menée au regard du contexte factuel
de chaque espèce, du caractère déloyal d'une pratique commerciale à la lumière des
critères énoncés aux articles 5 à 9 de la directive ;
Considérant qu'à ce stade du raisonnement, il convient de rappeler que c'est aux
juridictions nationales que le législateur communautaire a confié la mission d'évaluer le
caractère loyal d'une pratique commerciale eu égard aux circonstances de l'espèce et en
particulier du point de vue de son influence sur le comportement économique d'un
consommateur moyen ; que le principe d'interprétation conforme commande donc à la
cour de procéder à cette appréciation, conformément aux critères énoncés dans la
directive ;
Considérant que l'article 5 de la directive précise qu'une pratique commerciale est
déloyale si, à la fois, elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et si
elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement
économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu'elle touche ou auquel
elle s'adresse, en particulier lorsqu'elle est trompeuse au sens des articles 6 et 7, ou
agressive au sens des articles 8 et 9 ;
Considérant que, pour ce qui est du moyen tiré du caractère trompeur de l'offre d'Orange
Sports « pour un consommateur d'attention moyenne », invoqué par SFR pour la
première fois dans ses ultimes écritures devant la cour, deux jours avant l'audience, en
ce que le site Orange.fr mettrait en avant le coût modique de la souscription à la chaîne,
en tant qu'option payante, sans attirer son attention sur la nécessité de souscrire un
abonnement ADSL, chez Orange et sur le coût de cet abonnement, le seul élément
soumis à la cour à ce titre, qui se résume à un écran sur lequel s'affiche la possibilité de
souscrire à l'option Orange Foot pour 6 euros par mois, assortie de la précision que «
pour profiter de l'option Orange Foot, il est nécessaire d'être client de la télévision
d'Orange » (§ 146 et suivants des conclusions du 30 avril 2009), ne permet pas de
caractériser une pratique commerciale trompeuse susceptible d'induire en erreur « un
consommateur moyen », au sens des articles 6 ou 7 de la directive ;
Considérant que, s'agissant de l'offre subordonnée, l'article 8 dispose qu'une pratique
commerciale est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes
ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible d'altérer de
manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la
136
force physique, ou d'une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du
consommateur moyen à l'égard d'un produit, et, par conséquent, l'amène ou est
susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise
autrement, cependant que l'article 9 précise que les critères à prendre à considération
afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte,
y compris la force physique, ou à une influence injustifiée sont :
a) le moment et l'endroit où la pratique est mise en oeuvre, sa nature et sa persistance ;
b) le recours à la menace physique ou verbale ;
c) l'exploitation en connaissance de cause par le professionnel de tout malheur ou
circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur,
dans le but d'influencer la décision du consommateur à l'égard du produit ;
d) tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le
professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et
notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ;
e) toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible ;
Considérant, d'abord, que les parties n'invoquent aucun élément précis au soutien de
leur affir-mation selon laquelle l'offre litigieuse serait contraire à la diligence
professionnelle ;
Qu'ensuite, l'analyse de l'offre au regard des critères énumérés à l'article 9 ne conduit
pas à retenir qu'elle recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique,
ou à une influence injustifiée ;
Qu'enfin, et contrairement à ce que prétendent SFR et Free, le seul fait que le
consommateur doive souscrire un abonnement ADSL Orange pour obtenir l'accès à la
chaîne Orange Sports ne répond pas à la définition de la contrainte énoncée à l'article 8 ;
qu'il est constant en effet que, dans le cadre de la concurrence qu'ils se livrent, tous les
FAI s'efforcent d'enrichir le contenu de leurs offres pour les rendre plus attractives, par
la mise en place de services innovants ou l'acquisition de droits exclusifs sur des
contenus audiovisuels, cinématographiques ou sportifs événementiels ; qu'ainsi, Free
proposait récemment 16 bouquets d'environ 150 chaînes, ayant intégré récemment 28
nouvelles chaînes dont 6 sportives, outre 50 chaînes à l'unité, et SFR, pour sa part,
offrait 14 bouquets de plus de 150 chaînes et 11 chaînes à l'unité, dont la chaîne
brésilienne TB Globe Internacional qui n'est pas accessible autrement en France ; qu'en
outre, l'ARCEP a relevé dans un avis du 8 janvier 2008 l'existence d'accords exclusifs,
conclus entre Free et le groupe Canal + pour l'accès des abonnés de Free à la plateforme VoD « Canal Play », ou encore entre Neuf Cegetel et Universel Music pour la
fourniture d'une offre de location illimitée de titres dans le cadre du forfait 100 % Neuf
Box ; qu'il résulte nécessairement de cette configuration du marché, et en particulier de
la structure de l'offre, que le consommateur moyen qui s'apprête à souscrire un
abonnement ADSL se détermine, précisément, en considération des services qui y sont
137
associés et, partant, des capacités de différenciation de ces dernières par rapport aux
offres concurrentes ; que, dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le fait que
l'accès à la chaîne Orange Sports soit associé exclusivement à l'offre ADSL de Orange
altère de façon significative sa liberté de choix à l'égard des offres ADSL, bien au
contraire, l'essentiel au sens de la directive étant qu'il soit libre de ne pas y souscrire, ce
qui n'est pas contesté en l'espèce ;
Considérant que, dans ces conditions, il ne peut être fait grief à France Télécom et
Orange d'avoir enfreint l'article L. 122-1 du Code de la consommation, tel qu'interprété
à la lumière de la directive n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11
mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des
consommateurs dans le marché intérieur ; qu'il suit de là que le jugement doit être
infirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il déclare la Ligue de football
professionnel recevable en son intervention volontaire, et les demandes de Free et SFR
rejetées ; (...)
138
Bibliographie
Ouvrages

Droit de la publicité et de la promotion des ventes - Edition 2006 3e édition Régis
Fabre, Marie-Pierre Bonnet-Desplan, Nadine Sermet, Nicolas Genty DALLOZ-SIREY

M. Pédamon, « La réglementation des ventes avec primes : entre droit de la
consommation et droit de la concurrence », in Études de droit de la consommation :
Liber amicorum Jean Calais Auloy, éd. Dalloz 2004, p. 830
Articles de revue

La Semaine Juridique Edition Générale n° 27, 29 Juin 2009, 84 « L'infraction de vente
liée à la dérive...Observations sur les malfaçons du droit de la consommation »
Étude rédigée par Philippe Stoffel-Munck professeur à l'université Panthéon-Sorbonne
(Paris I)

Contrats Concurrence Consommation n° 3, Mars 2010, alerte 22 « Ventes
subordonnées, ventes avec primes et loteries sont-elles désormais licites par
principe ? » Focus par Mahasti RAZAVI avocat associé, August & Debouzy et AnneLaure FALKMAN avocat Of-counsel, August & Debouzy

Contrats Concurrence Consommation n° 2, Février 2012, étude 4 « Retour sur le
contentieux de la vente d'ordinateurs avec logiciels préinstallés » Etude par Pascal
WILHELM avocat associé, Wilhelm & Associés et Delphine PRIOUX avocat, Wilhelm
& Associés

Europe n° 11, Novembre 2005, étude 11 « La directive 2005/29 sur les pratiques
commerciales déloyales . - (une illustration de la nouvelle approche prônée par la
Commission européenne) » Etude par Monique LUBY Professeur à l'Université de
Pau

Contrats Concurrence Consommation n° 7, Juillet 2009, étude 8 « Le sort des ventes
subordonnées et des ventes avec primes en droit français de la consommation,
après l'arrêt de la CJCE du 23 avril 2009 » Etude par Pascal WILHELM avocat
139
Associé Wilhelm & Associés et Lila FERCHICHE avocat à la Cour Wilhelm &
Associés

Contrats Concurrence Consommation n° 8, Août 2011, alerte 64 « Les ventes
subordonnées, ventes avec primes et loteries sont désormais officiellement licites :
avancée juridique ou casse-tête à venir ? » Focus par Anne-Laure Falkman Counsel,
August & Debouzy

Revue juridique de l'économie publique n° 655, Juillet 2008, chron. 3 « Chronique
annuelle 2007 de jurisprudence communautaire » Chronique par Francis DONNAT
maître des requêtes au Conseil d'État référendaire à la Cour de justice des Communautés
européennes

Concurrences N° 2-2010, Droit & économie, A. Perrot, A. Wachsmann, L. Flochel,
« Les gains d’efficacité et les arguments pro‑concurrentiels en matière de
concentrations et de pratiques unilatérales »

JurisClasseur
Concurrence
-
Consommation
>
Fasc.
900
:
PRATIQUES
COMMERCIALES DÉLOYALES ET AGRESSIVES > I. - Principes généraux
gouvernant les pratiques commerciales déloyales (Guy Raymond) Cote : 05,2008

JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 907 : PROMOTION DES
VENTES PAR UN AVANTAGE CONSOMMATEUR > II. - Promotions par la
remise d'un objet à titre gratuit (Guy Raymond) Cote : 04,2010
Notes de jurisprudence

Contrats Concurrence Consommation n° 7, Juillet 2011, comm. 178 « Éléments
constitutifs d'une pratique commerciale trompeuse » Commentaire par Guy
RAYMOND

Contrats Concurrence Consommation n° 2, Février 2012, comm. 56 « Pour être
déloyale la pratique commerciale doit avoir affecté le comportement du
consommateur » Commentaire par Guy RAYMOND

Contrats Concurrence Consommation n° 3, Mars 2010, comm. 86 « Vendre un
ordinateur et son système d'exploitation est-il contraire à l'interdiction de la vente par lot
? » Commentaire par Guy RAYMOND

Communication Commerce électronique n° 10, Octobre 2008, comm. 115 « Vente liée
et logiciels préinstallés : la préinstallation est une pratique légitime mais le prix des
140
licences de logiciels doit-il apparaître distinctement ? » Commentaire par Philippe
STOFFEL-MUNCK

Contrats Concurrence Consommation n° 1, Janvier 2011, comm. 9 « Conditions
d'interdiction des ventes liées » Commentaire par Marie MALAURIE-VIGNAL

Contrats Concurrence Consommation n° 3, Mars 2010, comm. 85 « La vente d'un
ordinateur avec logiciel intégré sans information spécifique est-elle constitutive de
pratique commerciale trompeuse ? » Commentaire par Guy RAYMOND

Communication Commerce électronique n° 11, Novembre 2011, étude 21 « La vente
d'un ordinateur pré-équipé de logiciels caractérise une pratique dé-loyale . - (CA
Versailles, 3e ch., 5 mai 2011, n° 09/09169, UFC Que Choisir c/ SAS HewlettPackard France) » Etude par Philippe STOFFEL-MUNCK agrégé des facultés de droit
professeur à l'université Panthéon-Sorbonne (Paris 1)

Communication Commerce électronique n° 1, Janvier 2010, comm. 5 « Vente liée et
logiciels pré-installés : la pré-installation est une pratique légitime et le prix des
licences de logiciels n'a pas à apparaître distinctement » Commentaire par Philippe
STOFFEL-MUNCK

La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 51, 23 Décembre 2010, 2135 « Vente
liée d'ordinateurs et de logiciels : une victoire en demi-teinte des consommateurs »
Commentaire par Nicolas DUPONT docteur en droit Université Paris Ouest Nanterre
La Défense

Contrats Concurrence Consommation n° 7, Juillet 2009, comm. 201 « L'affaire
Orange Sports : brèves remarques sur ses aspects concurrentiels » Commentaire
par David BOSCO

Communication Commerce électronique n° 10, Octobre 2010, comm. 98 « Les
pratiques commerciales déloyales vis-à-vis des consommateurs devant la Cour de
cassation ! » Commentaire par Muriel CHAGNY

Contrats Concurrence Consommation n° 6, Juin 2009, comm. 183 « Offre conjointe :
une pratique commerciale déloyale ? » Commentaire par Guy RAYMOND

Contrats Concurrence Consommation n° 1, Janvier 2011, comm. 21 « Promotion des
ventes et droit de l'Union européenne » Commentaire par Guy RAYMOND

La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 25, 18 Juin 2009, act. 299 « Télévision
par ADSL : oui à l'exclusivité Orange Foot . - CA Paris, 14 mai 2009 » Aperçu
rapide par Dan Roskis avocat associé, Eversheds LLP
141

Communication Commerce électronique n° 7, Juillet 2009, comm. 68 « Triple Play et
vente liée » Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK

Contrats Concurrence Consommation n° 11, Novembre 2010, comm. 253 « Une offre
de vente liée n'est pas une pratique déloyale per se » Commentaire par Marie
Malaurie-Vignal

Contrats Concurrence Consommation n° 11, Novembre 2007, comm. 279 « Abus de
position dominante de Microsoft : le Tribunal de première instance confirme... et
Microsoft se soumet ! » Commentaire par David BOSCO

Communication Commerce électronique n° 6, Juin 2010, comm. 63 « Il est interdit
d'interdire les offres conjointes aux consommateurs (bis repetita) ! » Commentaire
par Muriel CHAGNY

Contrats Concurrence Consommation n° 11, Novembre 2009, comm. 280 « Vendre en
un seul lot l'ordinateur et des logiciels constitue-t-il une vente liée ? »
Autres lectures

Article sur le site du cabinet d’avocats LEXCELLIS : « La licéité des ventes liées non
agressives et non trompeuses » Cass. 1e civ., 15 novembre 2010, n° 09-11161, FSP+B+I Audrey Pagot (Doctorante) et D. Mainguy, vendredi 19 novembre 2010
(http://www.lexcellis-avocats.fr/article-la-liceite-des-ventes-liees-non-agressives-etnon-trompeuses-61292421.html)

Articles sur le blog de Me Frédéric Cuif, notamment :
-
« Pratiques commerciales déloyales : pas de distinction entre constructeurs et
revendeurs » du 18 juillet 2012 (http://www.cuifavocats.com/Pratiques-commercialesdeloyales,52)
-
« Double condamnation de Samsung : la fourniture de logiciels non demandés est
interdite » du 2 avril 2012 (http://www.cuifavocats.com/Double-condamnation-deSAMSUNG-la)
-
« Arrêt HP France ¢ UFC Que-Choisir du 12 juillet 2012 : La réponse de la Cour
de
cassation
à
un
débat
incomplet »
du
20
(http://www.cuifavocats.com/Arret-HP-France-c-UFC-Que-Choisir)
142
juillet
2012
-
« Arrêt Guerby ¢ Darty du 15 novembre 2010 : la Cour de cassation étend sa
jurisprudence » du 23 janvier 2011 (http://www.cuifavocats.com/Arret-Guerby-cDarty-du-15)
-
« Les pratiques commerciales de ASUS sévèrement sanctionnées » du 10 décembre
2009 (http://www.cuifavocats.com/Les-pratiques-commerciales-de-ASUS)

LES ENJEUX JURIDIQUES EUROPÉENS 31 mars 2010 Chambre de commerce et
d’industrie de Paris, Atelier Droit des contrats, de la consommation et du commerce
électronique sous la présidence de Martine Behar Touchais, professeur à l’Université de
Paris Descartes (Paris V) ; « L’harmonisation totale du droit de la consommation
dans le marché intérieur amélioration ou dégradation du droit de la consommation
en France ? Illustration : les ventes liées à l’épreuve de la directive sur les
pratiques commerciales déloyales » Muriel CHAGNY, Professeur à l’Université de
Versailles-Saint-Quentin, Forum de Trans Europe Experts, 31 mars 2010

Compendium de Droit de la consommation Analyse comparative E. Directive sur
la vente à distance (97/7) 555 E. Directive sur la vente à distance (97/7) Rédigé par
Hans Schulte-Nölke et Andreas Börger
143
Table des matières
Page
Sommaire.…...…………………………………………………………………….......5
Introduction…………………………………………………………………………...7
Section 1 : La définition des pratiques de vente liée et de vente avec prime par le
code de la consommation avant la loi du 17 mai 2011 ………………………….......8
Section 2 : L’origine de ces interdictions et leur évolution ………………………...9
Section 3 : La modification de ces interdictions par la directive 2005/29/CE du 11
mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales ……………………………….10
§1 : L’interprétation de le directive par la Cour de Justice des Communautés
Européennes dans l’arrêt VTB VAB du 23 avril 2009…………………………..10
§2 : Le nouveau raisonnement imposé par la directive pour la condamnation des
pratiques commerciales déloyales ………………………………………………11
§3 : La conséquence de ce nouveau raisonnement pour l’interdiction des ventes
liées et des ventes avec primes : la légalité de principe ………………………...13
Partie I : Le principe de légalité des ventes liées et des ventes avec primes : une
approche libérale plus juste du droit économique………………………………... 15
Chapitre 1 : Une approche plus libérale : la modernisation du droit de la consommation
favorable à la concurrence…………………………………………………………16
Section 1 : Une approche concrète du droit de la consommation en adéquation avec
le droit de la concurrence ………………………………………………………….16
§1 : L’avènement européen de la modernisation de l’approche concurrentialiste de
la vente liée …………………………………………………………………….17
A) La recherche de l’effet concret de la vente liée, rupture avec l’interdiction
systématique en cas de correspondance entre la pratique incriminée et les
conditions de l’infraction ………………………………………………….....18
144
B) La recherche de justifications objectives à la pratique en cause …………..21
§2 : Le nouveau raisonnement de la directive 2005/29/CE : la transposition de
cette approche libérale dans le droit consumériste ……………………………..22
Section 2 : La légalité de principe des ventes avec primes et des ventes
subordonnées: une libéralisation de la concurrence dans le marché commun
…………………………………………………………………………………...26
§1 : Retour sur les considérations dirigistes ayant conduit à une interdiction per se
des ventes liées et des ventes avec primes ……………………………………26
§2 : Un changement de méthode favorable à la concurrence ………………….29
Chapitre 2 : Une approche plus juste : l’appréciation casuistique au service de l’intérêt
du consommateur……………………………………………………………………...34
Section 1 : La conservation du but premier de l’interdiction : la défense des
intérêts des consommateurs ………………………………………………...….34
§1 : Une harmonisation des droits européens protectrice du consommateur
……………………………………………………………………………..….34
A) L’harmonisation dans le but de protéger le consommateur en Europe
……………………………………………………………………………..35
B) L’unification des droits nationaux en Europe : un avantage pour le
consommateur ……………………………………………………….……37
§2 : Une règle souple en conformité avec les besoins des consommateurs
…………………………………………………………………………………38
§3 : Un accroissement de la concurrence favorable au consommateur
………………………………………………………………………………....39
Section 2 : L’apparition de l’intérêt du consommateur comme élément déterminant
de la légalité de la pratique …………………………………………….………..41
145
§1 : Une règle nouvelle permettant une condamnation en fonction de l’intérêt du
consommateur ………………………………………..……………………….42
A) Un besoin jurisprudentiel d’assouplir la règle pour coïncider avec l’intérêt
du consommateur …………………………………………………………42
B) La directive 2005/29/CE : l’instauration d’une méthode d’analyse
permettant de replacer l’intérêt du consommateur au centre de l’appréciation
……………………………………………………………………………...47
§2 : La mesure du comportement déloyal : le « consommateur moyen »
…………………………………………………………………………….…..48
A) L’introduction par la directive 2005/29/CE de la notion de consommateur
moyen ………………………………………………..…………….………48
B) Le consommateur moyen, référentiel de la déloyauté d’une pratique
commerciale ………………………………………………………..….…..51
Partie II : L’exception à la légalité : la possibilité de condamner les ventes liées et
les ventes avec primes lorsqu’elles sont déloyales au sens de la
directive………..…………………………………………………………………....... 54
Chapitre 1 : La déloyauté au sens de la directive : la condition de la condamnation des
pratiques de vente liée et de vente avec prime …...…………………………………. 56
Section 1 : La condamnation de pratiques contraires à la diligence professionnelle
(article 5.2 a)………………………………………….…………………..……..56
§1 : Le non-respect des règles liées à l’exercice de la profession ……………..56
§2 : L’absence de respect du consommateur …………………………………..60
Section 2 : La condamnation de pratiques susceptibles d’altérer substantiellement le
comportement économique du consommateur moyen (article 5.2. b)……………....64
146
§1 : La faculté pour le consommateur de faire son choix en connaissance de cause
………………………………………………………………………………...65
A) Une dispense d’information de nature à tromper le consommateur sur le
produit ………………………………………………………………………65
B) L’altération substantielle du comportement économique : une notion limitée
aux informations nécessaires données au consommateur …..………………68
1.
Une notion distincte de l’influence de la pratique sur le
consommateur…………………………………………………………..68
2.
Une notion cantonnée à une dispense des seules informations «
substantielles » ……………………………………………………………71
§2 : Un rapprochement avec le vice du consentement en droit civil …………..73
Chapitre 2 : La contestation de l’approche casuistique en matière de vente liée et de
vente avec prime……………………………………………………………………… 78
Section 1 : Un nouveau raisonnement délaissant certains objectifs poursuivis par les
anciens textes ……………………………………………..……………………...78
§1 : Un défaut de protection du consommateur ……………………………..79
§2 : L’insécurité juridique générée par ce nouveau critère d’interdiction ……..82
Section 2 : Un manque de cohérence dans la condamnation des pratiques ………85
§1 : Les décisions définitives ayant validé les pratiques en vertu de l’article 5.2
…………………………………………………………………………………..86
§2 : Les décisions définitives ayant condamné les pratiques en vertu de l’article
5.2 ................................................................................................................88
Section 3 : Vers un retour à l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes
en toutes circonstances en vertu de la directive ? …………………………………90
147
§1 : La vente liée comme pratique agressive ou comme pratique trompeuse des
articles 6 à 9.................…………………………………….…………………90
§2 : Un retour possible dans certains cas à l’interdiction absolue en vertu de
l’annexe 1 …………………………………………………………………….96
Conclusion ..………………………………………………………………………….99
Annexes……………………………………………………………………………….100
Annexe 1 : Directive 2005/29/CE sur les Pratiques commerciales déloyales…….100
Annexe 2 : Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 14 mai 2009 dans l’affaire « Orange
Sports »……………………………………………………………………………128
Bibliographie …………………………..…………………………………………..139
148