Les ventes avec primes et les ventes liées déloyales
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Les ventes avec primes et les ventes liées déloyales
Université de Montpellier I CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE (UMR 5815 CNRS Dynamiques du Droit) Master 2 Droit de la Concurrence et de la Consommation Les ventes avec primes et les ventes liées déloyales Natasha MALVIYA Directeur de recherche : M. Malo DEPINCE, Maître de Conférence à l’Université de Montpellier 1, Co-directeur du Master 2 Droit de la Concurrence et de la Consommation 2011/2012 1 2 Les ventes liées et les ventes avec primes déloyales 3 4 Sommaire Introduction…………………………………………………………………………p.7 Partie I : Le principe de légalité des ventes liées et des ventes avec primes : une approche libérale plus juste du droit économique…………………………..……p. 15 Chapitre 1 : Une approche plus libérale : la modernisation du droit de la consommation favorable à la concurrence……………………………………………….……..……p. 16 Chapitre 2 : Une approche plus juste : l’appréciation casuistique au service de l’intérêt du consommateur………………………………………………………………...…..p. 34 Partie II : L’exception : les ventes liées et les ventes avec primes en tant que pratiques déloyales : l’existence de possibilités de réprimer ces pratiques……..p. 54 Chapitre 1 : La déloyauté au sens de la directive, condition de la condamnation des pratiques de vente liée et de vente avec prime……………………………..………..p. 56 Chapitre 2 : La contestation de l’approche casuistique en matière des ventes liées et des ventes avec primes………………………………………………………..………….p. 78 5 6 Les ventes liées et les ventes avec primes déloyales Introduction La refonte européenne du droit de la consommation est un thème qui occupe l’actualité juridique de manière conséquente. Le Code de la Consommation a en effet été modifié à de nombreuses reprises au cours des dernières années, souvent sous l’impulsion des textes européens qui se multiplient dans le but de consolider le marché intérieur par un droit économique unifié dans les différents Etats Membres de l’Union Européenne. Le droit de la consommation est un enjeu essentiel de la création de l’espace européen de libre-échange car il régit les relations commerciales entre les professionnels et les consommateurs, ce qui constitue une part essentielle des échanges économiques réalisés en Europe. Ainsi, la législation dans le domaine de la consommation a une influence majeure sur le commerce au sein de l’Union : la Commission a donc besoin de veiller à ce que les Etats aient une indépendance limitée quant aux règles qu’ils peuvent adopter en la matière. Cette volonté du législateur européen de maîtriser le droit de la consommation a donc un impact sur la manière dont le Code de la Consommation français envisage ses infractions, notamment en ce qui concerne les nombreuses pratiques qu’il prohibe. En particulier, on s’arrêtera sur les ventes liées et les ventes avec primes, qui connaissent aujourd’hui une modification fondamentale dans l’appréhension de leur interdiction. La vente liée ou vente subordonnée est le procédé qui consiste à vendre un bien simultanément à un autre dans le cadre d’un seul contrat sans qu’il soit possible d’acheter l’un sans l’autre. La vente avec prime, à l’inverse, s’analyse en la vente d’un produit donnant lieu à titre gratuit à l’acquisition d’un autre produit. Ces deux pratiques sont interdites par la Code de la Consommation, pour ce qui est des échanges commerciaux entre professionnels et consommateur au sens de ce texte. Elles sont à ce jour sanctionnées pénalement par deux ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. 7 Section 1 : La définition des pratiques de vente liée et de vente avec prime par le code de la consommation avant la loi du 17 mai 2011 Avant que ces textes ne soient modifiés par la loi du 17 mai 2011 dite de simplification et d’amélioration de la qualité du droit1, les articles L 122-1 et L 121-35 définissaient respectivement les pratiques de vente liée et de vente avec prime. L’article L 122-1 du Code de la Consommation en son alinéa premier décrivait, jusqu’à la réforme, l’infraction de vente liée comme le fait de : « subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit. » L’idée est donc d’interdire la pratique consistant pour un professionnel de conditionner la vente d’un produit à l’achat simultané d’un autre produit ou à la souscription à une prestation de service par le consommateur, de ne proposer un bien à la vente que dans une quantité imposée ou de vendre comme un lot plusieurs produits distincts. L’article L 121-35 du Code de la Consommation en son alinéa premier définissait jusqu’à la même réforme la pratique interdite de vente avec prime dans les termes suivants : « Est interdite toute vente ou offre de vente de produits ou de biens ou toute prestation ou offre de prestation de services faite aux consommateurs et donnant droit, à titre gratuit, immédiatement ou à terme, à une prime consistant en produits, biens ou services sauf s'ils sont identiques à ceux qui font l'objet de la vente ou de la prestation. » Ce texte visait donc à interdire les primes à l’achat lorsque celles-ci sont gratuites (et non les primes auto-payantes, où une partie du prix de la prime est intégré au prix d’achat) et ne vise pas le fait d’augmenter la quantité du même produit acheté en premier lieu (de type « pour deux achetés, un offert »). Par ailleurs, cette interdiction comportait des exceptions, énoncées en son alinéa deuxième, notamment si ces primes sont des « menus objets » qui sont les objets dont le prix n’excède pas 7% du prix Toutes Taxes Comprises du produit vendu lorsque celui-ci a une valeur inférieure ou égale à 80 euros, et dont le prix n’excède pas 5 euros plus 1% du prix du produit lorsque la valeur de celui-ci dépasse les 80 euros. On cherchait donc par-là à interdire une pratique susceptible de perturber la motivation de l’acheteur qui réalise la transaction 1 LOI n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit 8 par l’ajout d’un élément qui ne correspond pas au produit vendu, ce qui a pour conséquences de gonfler artificiellement la consommation et de fausser le jeu de la concurrence sur le produit faisant l’objet du contrat, dont les caractéristiques propres sont minimisées par l’ajout d’une prime. Section 2 : L’origine de ces interdictions et leur évolution L’interdiction de ces pratiques a son origine, en France, pendant la Seconde Guerre Mondiale et les années qui l’ont suivie, à une période économique difficile et où les « consommateurs » - anachronisme puisqu’à l’époque le concept tel que nous le connaissons aujourd’hui n’avait pas encore fait son apparition en France - étaient de manière générale en situation de faiblesse toute particulière. En effet, l’article L 122-1 du Code de la Consommation interdisant la vente liée a été créé par la loi du 21 octobre 1940, qui visait à lutter contre la pratique des commerçants qui, pour écouler leurs invendus résultant de l’état de pénurie, subordonnaient la vente d’un produit l’achat d’un autre produit. L’interdiction de la vente avec prime par l’article L 121-35 est intervenue un peu plus tard, par la loi n° 51-356 du 20 mars 1951 venant interdire le « système de vente avec timbres-primes ou tous autres titres analogues ou avec prime en nature », qui étaient des vignettes délivrées lors de la vente de certains produits qui, collectionnées par le consommateur, pouvaient être échangées contre des marchandises ou de l’argent. On reprochait notamment à ces pratiques d’inciter l’acheteur à acheter davantage, de fausser la concurrence loyale qui devrait se faire sur les caractéristiques propres du produit, et de justifier une augmentation des prix ou au moins empêcher leur baisse. Au fil du temps et avec le développement de la société de consommation, les consommateurs sont devenus moins fragiles par rapport à ce type d’offres parce qu’ils souffraient moins de difficultés économiques et parce leurs achats se sont multipliés, ce qui a conduit dans une certaine mesure à une libéralisation progressive de ces pratiques. En ce qui concerne les ventes subordonnées, la règle prévue par l’article L 122-1 s’est vue assouplir par son application par la jurisprudence, qui a parfois accepté certaines pratiques qui auraient été condamnées selon une stricte application du texte. Pour les 9 ventes avec primes, cet assouplissement s’est fait par des réformes législatives telles que celle opérée par l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, qui a limité le champ d’incrimination en y ajoutant des exceptions. Même avec cette libéralisation, ces pratiques sont restées interdites pénalement par le Code de la Consommation en principe, de sorte que ces pratiques ne pouvaient être considérée comme licites qu’à titre exceptionnel. Ce n’est que très récemment, en 2009, que cette vision a été modifiée pour la première fois. Section 3 : La modification de ces interdictions par la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales2 Le législateur européen s’est fixé comme objectif d’unifier le traitement des pratiques commerciales dans les différents Etats membres au moyen d’une directive d’harmonisation maximale : la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales. Ce type de texte a la particularité de ne pas laisser les Etats légiférer au-delà ou en deçà des dispositions du droit européen : ils doivent s’en tenir aux prévisions de la directive sans chercher à les rendre plus strictes ou au contraire moins contraignantes lors de la transposition en droit interne. §1 : L’interprétation de la directive par la Cour de Justice des Communautés Européennes dans l’arrêt VTB-VAB du 23 avril 20093 La France, et d’ailleurs bien d’autres pays, n’a pas tout de suite vu la portée exacte de la directive 2005/29 CE, et le législateur ne s’est pas rendu compte que par 2 PE et Cons. UE, dir. n° 2005/29, 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive n° 84/450/CEE du Conseil et les directives n° 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, ci-après la « directive sur les pratiques commerciales déloyales» Voir la reproduction en annexe 1 de ce document, p. 94 3 CJCE, 23 avr. 2009, aff. jtes C-261/07, VTB-VAB NV et C-299/07, Galatea BVBA (JOUE n° C 199, 25 août 2007) 10 une harmonisation maximale, cette directive ne laissait plus de place aux interdictions des pratiques commerciales ne correspondant pas à celles prohibées par le texte européen. Il a donc fallu attendre pour cela une condamnation de la Belgique par la Cour de Justice des Communautés Européennes pour l’interdiction de principe des « offres conjointes », pratique qui s’apparente à la vente liée et à la vente avec prime, dans une décision sur les affaires jointes « VTB VAB » et « Galatea BVBA » du 23 avril 2009. Cet arrêt a bouleversé l’approche français du droit des pratiques déloyales puisque c’est lui qui a mis en évidence le fait que ce droit est complètement géré par les dispositions de la directive, et qu’il fallait s’y conformer depuis la fin du délai de transposition (à partir du 13 juin 2007) alors même que les textes de droit interne ne correspondaient pas à celui de la directive. Ainsi, on a vu à partir de 2009 des juridictions françaises adopter le raisonnement de la directive en allant à l’encontre des articles du Code de la Consommation cités ci-avant. Le raisonnement à adopter en présence de tout type de pratique commerciale accusée d’être déloyale est détaillé dans l’arrêt VTB VAB. Il s’agit donc tout d’abord de s’assurer qu’il s’agisse d’une pratique commerciale d’une entreprise en direction du consommateur conformément à la définition dans son article 2 d). Puis, pour déterminer le caractère déloyal de la pratique, il faudra procéder à une analyse en trois étapes. §2 : Le nouveau raisonnement imposé par la directive pour la condamnation des pratiques commerciales déloyales La directive dresse une liste dans son annexe 1 de 31 pratiques interdites en toutes circonstances. Cette liste contient des pratiques qualifiées de trompeuses et d’autres dites agressives, et les pratiques qui y figurent sont décrites avec un degré important de précision. On pourra citer à titre d’exemple le point 9 de l’annexe qui prévoit l’interdiction en toutes circonstances de la pratique trompeuse qui consiste à : « Déclarer ou de toute autre manière donner l’impression que la vente d’un produit est licite alors qu’elle ne l’est pas. », ou encore le point 24 qui prévoit la condamnation de 11 la pratique agressive constituée par le fait de « Donner au consommateur l’impression qu’il ne pourra quitter les lieux avant qu’un contrat n’ait été conclu. » A défaut de correspondre à l’une des pratiques listées en annexe, la pratique en cause devra, avant de pouvoir être condamnée comme étant déloyale, faire l’objet d’une appréciation concrète pour correspondre aux autres cas de déloyautés prévus par la directive. L’arrêt VTB-VAB déclare justement que les ventes liées et les ventes avec primes ne figurent pas dans cette liste, et devront, par conséquent, toujours faire l’objet d’une analyse circonstanciée avant de pouvoir être condamnée. C’est là que s’opère le changement de raisonnement : désormais, il ne s’agira plus de vérifier la conformité de la pratique avec les définitions du Code de la Consommation, mais plutôt d’analyser les éléments concrets entourant la pratique pour voir s’ils correspondent aux critères d’appréciation des articles 5 à 9 de la directive, qui offrent des possibilités de qualification de la déloyauté en fonction des conditions précisées par ces articles. Dans un premier temps et toujours selon la Cour de Justice, il faudra rechercher la correspondance entre la pratique et les définitions générales des pratiques commerciales trompeuses et agressives donnée aux articles 6 à 9 de la directive. L’article 6 donne une définition plus large des actions trompeuses, l’article 7 des omissions trompeuses, l’article 8 des pratiques agressives et l’article 9 des pratiques incluant le harcèlement, la contrainte ou l’influence injustifiée se rapprochant de l’idée de l’agressivité4. Ces articles définissent les infractions mais citent également des cas concrets où la pratique serait considérée comme déloyale. C’est certainement en raison de ce degré de précision que l’on privilégie par rapport à l’article 5 l’appréciation en fonction de ces articles : les pratiques qui y sont réprimées sont encore assez précises, et ce sont les pratiques de nature à tromper le consommateur ou à le contraindre à contracter. En dernier lieu et en opposition avec l’interdiction de ces pratiques ciblées, on doit rechercher le caractère déloyal d’une pratique en vertu de l’article 5.2 de la directive, qui donne deux conditions cumulatives de la déloyauté : a) le fait pour la pratique d’être contraire aux exigences de la diligence professionnelle, et b) le fait qu’elle altère ou soit susceptible d’altérer substantiellement le comportement économique du consommateur moyen auquel elle s’adresse. Ces conditions-ci sont 4 Pour les textes complets, voir la directive en annexe 1, p.94 12 beaucoup plus larges, et n’ont plus pour but d’interdire un type particulier de pratiques non désirées par le législateur, mais plutôt de permettre aux Etats de continuer d’interdire à titre subsidiaire et selon une approche casuistique des pratiques ne pouvant pas rentrer dans les définitions des pratiques trompeuses et des pratiques agressives pouvant néanmoins être considérées comme déloyales en vertu des conditions posées ici comme étant la base de toute déloyauté. §3 : La conséquence de ce nouveau raisonnement pour l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes : la légalité de principe Les pratiques qui nous occupent, soit la vente avec prime et la vente subordonnée, devront donc désormais, selon l’arrêt VTB-VAB, passer par cette appréciation concrète des articles 5 à 9 pour pouvoir être interdites, et toujours au cas par cas. Ces pratiques sont donc en principe licites, à charge de prouver leur illicéité en vertu de ces dispositions. De manière à éclaircir la situation, le législateur français a pris acte de cette modification importante du droit des pratiques déloyales par la réforme du 17 mai 2011, en ajoutant à la fin du premier alinéa de chacun des articles du Code de la Consommation concerné (article L 121-35 et L 122-1) l’expression : « dès lors que la pratique en cause revêt un caractère déloyal au sens de l'article L. 120-1 », (l’article L 120-1 reprenant les conditions posées par l’article 5 de la directive). C’est donc acté, pour qu’une vente avec prime ou une vente subordonnée puisse être condamnée en France, il faudra d’abord qu’elle soit qualifiée comme étant déloyale au sens des dispositions de la directive. Ainsi, par une modification subtile de ces textes soixantenaires, le législateur français révolutionne à son tour la méthode de répression des ventes liées et des ventes avec primes. Cette modification législative de grande envergure dans le domaine des pratiques déloyales pose la question de la condamnation à venir de ces pratiques. Pour comprendre la direction prise par ce changement d’approche, on se demandera dans quelle mesure ces pratiques seront désormais interdites en France. 13 Pour répondre à cette interrogation, on consacrera une première partie au nouveau principe : la légalité des ventes avec primes et des ventes subordonnées (Partie I), pour ensuite étudier l’exception : la condamnation de ces pratiques en tant que pratiques commerciales déloyales (Partie II). 14 Partie I : Le principe de légalité des ventes liées et des ventes avec primes : une approche libérale plus juste du droit économique Désormais, la vente avec prime et la vente liée sont en principe licites. C’est maintenant inscrit dans le Code de la Consommation : il faut rechercher le caractère déloyal d’une vente avec prime ou d’une vente liée avant de pouvoir les condamner au visa respectivement des articles L 121-35 et L 122-1. Autrement dit, ces infractions pénales ne seront plus condamnées qu’en tant que pratiques commerciales déloyales au sens de la directive 2005/29/CE, parmi une multitude d’autres pratiques plus ou moins spécifiques. La nouvelle méthode d’analyse de ces pratiques est un raisonnement casuistique, qui accorde à une situation concrète une importance qui transcende les interdictions générales. Cette approche qui a donc été introduite en droit français par le droit européen illustre une volonté de moderniser les droits nationaux à la conception paternaliste de l’économie et de libérer la concurrence (Chapitre 1), ainsi qu’une volonté d’éviter des condamnations arbitraires pour au contraire aller au bout de l’intérêt du consommateur par une approche plus juste au plus près de la situation concrète (Chapitre 2). 15 Chapitre 1 : Une approche plus libérale : la modernisation du droit de la consommation favorable à la concurrence Les articles L 121-35 et L 122-1 du Code de la Consommation sont non seulement des textes pénaux à valeur sociale de protection des consommateurs, mais peuvent également être invoqués en justice par les concurrents des accusés, constituant ainsi de véritables gardes fous de la concurrence sur un marché. De ce fait, une approche plus souple concernant les condamnations pouvant découler de ces textes met le droit de la consommation en conformité avec l’étude des effets concrets des pratiques restrictives de concurrence, (section 1), et contribue d’autre part à libérer la concurrence (section 2). Section 1 : Une approche concrète du droit de la consommation en adéquation avec le droit de la concurrence L’idée de l’appréhension concrète du droit n’est pas nouvelle dans la politique législative européenne : le droit de la concurrence a connu, au cours de ces dernières années, une révolution dans le sens de la l’adaptation à l’économie. En effet, ce droit consiste à appliquer une règle juridique visant à encadrer une situation économique, et se doit donc d’être proche de cette matière et de ses méthodes d’analyse. La directive 2005/29/CE traduit en fait cette approche dans le droit de la consommation, puisque les pratiques commerciales qui affectent directement les consommateurs sont également des éléments déterminants de la concurrence sur le marché. La vente liée n’est pas qu’une infraction autonome du Code de la Consommation : elle est également réprimée en tant qu’abus si elle est pratiquée par une entreprise en position dominante, en vertu de l’article L 420-2 du Code de Commerce, et peut donc, dans certaines circonstances, constituer une pratique anticoncurrentielle. Sous cet angle concurrentialiste qui attache une importance croissante au contexte qui entoure les faits jugés, l’appréciation de la vente liée a déjà été modifiée au cours de ces dernières années par les instances européennes pour tenir compte des circonstances 16 concrètes de chaque espèce. Les institutions européennes ont donc déjà entamé la modernisation de l’approche concurrentialiste de la vente liée (§1), et le nouveau raisonnement de la directive 2005/29/CE transpose cette approche libérale dans le droit consumériste (§2). §1 : L’avènement européen de la modernisation de l’approche concurrentialiste de la vente liée Le tournant dans l’approche concurrentialiste des ventes liées s’est d’abord manifesté dans la décision du Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes rendue le 17 sept. 2007 dans l’affaire opposant la Commission à la société Microsoft5. L’affaire concerne de nombreuses questions de droit de la concurrence, notamment l’incrimination d’abus de position dominante dont la société Microsoft fait l’objet. En effet, c’est au titre d’«abus » dans le cadre de sa position dominante sur le marché que lui sont reprochées les autres pratiques litigieuses, dont la vente liée. On compte parmi ces pratiques, la préinstallation de logiciels de tout type sur l’écrasante majorité des ordinateurs, qui n’étaient pas uniquement des logiciels d’exploitation mais également des logiciels de jeux ou du multimédia (par exemple Windows Media Player), en rendant ainsi impossible l’acquisition d’un ordinateur sans logiciel Microsoft préinstallé. Ce procédé était accusé de constituer une vente liée condamnée par le droit des pratiques anticoncurrentielles au titre d’abus de position dominante de l’article 102 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (le pendant européen de l’article L 420-2 du Code de Commerce). Dans cette décision, le Tribunal inaugure l’application de ce que l’on appelle « la règle de raison », soit la détermination de la licéité de la pratique incriminée par l’analyse au cas par cas de leurs effets économiques. L’objectif du Tribunal est en effet de mettre un terme à la vision d’une vente liée qui n’aurait qu’à remplir les conditions matérielles d’un texte pour être constituée. Jusque-là, on considérait que l’infraction de 5 TPICE, 17 sept. 2007, aff. T-201/04, Microsoft corp. c/ Commission : Contrats, conc. consom. 2007, 47, Focus M. Debroux 17 vente liée se résumait à la réunion de conditions cumulatives : que la subordination concerne deux produits distincts, que le produit liant soit en position dominante sur le marché considéré, que le consommateur n’ait pas la possibilité d’acquérir l’un des deux produits sans l’autre et que cela retreigne la concurrence sur le marché. Ces conditions devaient donc toutes êtres réunies pour que l’infraction ne soit réalisée mais une fois remplies, la pratique était condamnée : la vente liée ainsi définie était interdite en soi. La méthode utilisée par le Tribunal pour caractériser la vente liée est modifiée dans ce jugement, dans un premier temps par la recherche de l’« effet concret » de ces pratiques sans présumer de l’illicéité d’une vente liée qui remplirait les conditions énumérées ci-avant (A), puis par l’ajout d’une autre condition à la condamnation : l'absence de justification objective au comportement reproché (B). A) La recherche de l’effet concret de la vente liée, rupture avec l’interdiction systématique en cas de correspondance entre la pratique incriminée et les conditions de l’infraction Le Tribunal salue dans ce jugement la méthode utilisée par la Commission, qui ne s’est pas contentée de rechercher si les faits reprochés à Microsoft étaient constitutifs d’une vente liée selon les seuls critères cités, mais a, en plus de cela, rajouté comme condition de la répression de ces pratiques le fait que celle-ci soit effectivement néfaste pour la concurrence dans le cas concret. Cette approche correspond à une nouvelle ère pour le droit européen de la concurrence : on voit la volonté des juristes de se rapprocher le plus possible des considérations d’ordre économique, puisque c’est une avant tout une situation économique que ce droit régule. Le professeur David Bosco commentera cet arrêt en affirmant que la décision s’inscrit dans une « approche économique de l’abus »6. En effet, c’est l’époque où la Commission cherche à mettre en place des règles de concurrence qui sortent de la rigidité purement juridique pour s’adapter à un droit basé 6 Contrats Concurrence Consommation n° 11, Novembre 2007, comm. 279 : Abus de position dominante de Microsoft : le Tribunal de première instance confirme... et Microsoft se soumet ! Commentaire par David BOSCO 18 avant tout sur des notions économiques. Elle estime que cette matière pragmatique mérite, avant de dégager une solution juridique, une étude des situations concrètes. Les juges européens mènent ce raisonnement dans cet arrêt de 2007, en recherchant en fonction des données de l’espèce la restriction de concurrence supposément causée par la vente liée de Microsoft. Voici un extrait de la décision (points 1088 et 1089) qui illustre cette appréciation concrète : « 1088 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la conclusion finale que la Commission formule, aux considérants 978 à 984 de la décision attaquée, à propos des effets anticoncurrentiels de la vente liée en cause est bien fondée. C’est, en effet, à bon droit que la Commission y relève les éléments suivants : – Microsoft utilise le système d’exploitation Windows pour PC clients comme canal de distribution afin de s’assurer un avantage concurrentiel considérable sur le marché des lecteurs multimédias (considérant 979 de la décision attaquée) ; – du fait de la vente liée en cause, les concurrents de Microsoft se trouvent a priori dans une position désavantageuse, et ce même si leurs produits devaient présenter des qualités intrinsèques supérieures à celles de Windows Media Player (même considérant) ; – Microsoft fausse le processus normal de la concurrence qui profiterait aux consommateurs en rendant possibles des cycles d’innovation plus rapides sous l’action d’une concurrence sans entrave fondée sur les mérites (considérant 980 de la décision attaquée) ; – la vente liée en cause renforce les barrières à l’entrée liées au contenu et aux applications, qui protègent Windows, et facilite l’apparition de barrières à l’entrée similaires en faveur de Windows Media Player (même considérant) ; – Microsoft se préserve de la concurrence effective que pourraient lui opposer des éditeurs de lecteurs multimédias potentiellement plus efficaces et réduit de la sorte les talents et le capital investis dans l’innovation en matière de lecteurs multimédias (considérant 981 de la décision attaquée) ; 19 – par la vente liée en cause, Microsoft peut étendre son emprise sur les marchés de logiciels multimédias adjacents et y affaiblir la concurrence effective, au détriment des consommateurs (considérant 982 de la décision attaquée) ; – par la vente liée en cause, Microsoft envoie des signaux qui découragent l’innovation dans toutes les technologies auxquelles elle pourrait un jour s’intéresser et qu’elle pourrait coupler à Windows à l’avenir (considérant 983 de la décision attaquée). 1089 En conséquence, la Commission était fondée à exposer, au considérant 984 de la décision attaquée, qu’il existait un risque significatif que la vente liée de Windows et de Windows Media Player conduise à un affaiblissement de la concurrence tel que le maintien d’une structure de concurrence effective ne soit plus assuré dans un proche avenir. » Cet extrait, et notamment la référence constante à la vente liée, est très significatif des considérations concrètes de l’effet des ventes liées dans le contexte de la vente de logiciels par Microsoft sur ce marché précis et par rapport à la position de la société sur le marché. De plus, le Tribunal considère aussi l’usage fait par Microsoft de cette pratique, et ce n’est que postérieurement à cette étude qu’il en vient à la conclusion qu’effectivement, la vente liée telle que pratiquée par Microsoft est de nature à restreindre la concurrence sur ce marché. C’est donc dans ce contexte de modernisation du droit de la concurrence que le Tribunal de Première Instance consacre, dans cette décision, une approche concrète en matière de vente liée anticoncurrentielle en allant expressément à l’encontre d’une condamnation per se de la pratique, conditionnée par la seule conformité aux critères de définition théorique de la vente subordonnée. Le deuxième aspect de cette décision qui renforce l’idée d’une appréciation in concreto des situations de ventes liées est la recherche de justifications objectives de la pratique en cause. 20 B) La recherche de justifications objectives à la pratique en cause Dans les paragraphes 869 et 1091 et suivants de la décision, le Tribunal pose expressément une autre condition dans l'appréciation de la vente liée : l'absence de justification objective au comportement reproché. Il subordonne ainsi toute condamnation pour vente liée à l’absence de telles justifications. La recherche de ce que l’on appelle des « justifications objectives », se traduit en pratique par le fait de donner à l’entreprise accusée la possibilité de trouver des arguments de défense alors que la Commission a déjà établi qu’en l’espèce le comportement a pour effet de restreindre la concurrence sur le marché : il s’agit de justifier la restriction de concurrence en attirant l’attention sur ses effets positifs. Ces arguments doivent constituer des « efficacités positives », du même type que celles que l’on recherche dans le but d’exempter au cas par cas les ententes illicites. On retrouve comme grands types de gains d’efficacité, d’une part, les effets positifs de la pratique sur la situation du consommateur : la baisse des prix, une meilleure qualité du service ou du produit, davantage d’informations, une utilisation facilitée du produit. D’autre part, il existe des gains d’efficacité pour l’entreprise dans son système de production par exemple, le fait que la pratique la rende plus compétitive. On peut citer ici l’affaire qui opposait en 2005 TPS à Canal Plus devant le Conseil de la Concurrence7. La société Canal + pratiquait des remises de couplage, c’est-à-dire qu’elle offrait une remise sur le prix total des abonnements lorsque le consommateur en choisissait deux au lieu d’un seul. Le Conseil a cependant jugé que le fait que Canal + réduisait ses coûts en ne vendant qu’un seul décodeur pour deux abonnements constituait un gain d’efficacité de nature à pouvoir justifier la pratique restrictive de concurrence. Le fait d’accorder cette justification du comportement même après la qualification de vente subordonnée restrictive de concurrence en fonction des circonstances de l’espèce est une démonstration forte de la volonté de ne condamner les ventes liées que lorsqu’elles sont véritablement néfastes et qu’elles n’apportent rien au consommateur et à la concurrence. On va encore plus loin dans ce sens, puisque l’on affirme par-là que non seulement la vente liée est licite par principe, mais que même 7 Décision n° 05-D-13 du 18 mars 2005 relative aux pratiques mises en œuvre par le groupe Canal Plus dans le secteur de la télévision à péage 21 dans des cas où les circonstances concrètes appelleraient à la condamner, elle pourra être considérée comme étant licite du fait des considérations d’efficacité. Cette méthode d’évaluation assied définitivement la licéité de principe des ventes subordonnées dans leur approche concurrentialiste. Par l’ajout de cette condition à la répression des ventes liées, le Tribunal affirme d’autant plus la légalité des ventes liées. En effet, il ne s’agit plus de poser le principe de légalité en conditionnant la condamnation à des considérations liées aux circonstances de l’espèce, mais au-delà de cela, on a ajouté une condition négative à l’incrimination : il faudrait donc, à l’inverse du raisonnement tenu jusqu’ici, véritablement chercher à dédouaner le comportement, trouver des « excuses » au recours à cette méthode de vente. Il est par ailleurs important de souligner que même si cette approche est moins répressive pour la vente liée, elle n’éradique pas complètement son interdiction. La preuve en est que dans l’affaire Microsoft précitée, le TPICE a condamné la société pour cet abus même après avoir mené le raisonnement pratique qu’on a décrit. Le nouveau raisonnement prôné par la directive de 2005 sur les pratiques commerciales déloyales correspond à la transposition dans le droit consumériste de cette approche libérale. §2 : Le nouveau raisonnement de la directive 2005/29/CE : la transposition de cette approche libérale dans le droit consumériste Au vu de la manière qu’a eu le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes de traiter les ventes liées anticoncurrentielles abus de position dominante, il n’est pas surprenant que soit modifié le droit de la consommation concernant ces pratiques, de manière à suivre la volonté d’instaurer un droit le plus proche possible des réalités économiques du marché intérieur. 22 Dans l’unification des différents droits nationaux que la directive opère par une harmonisation maximale, l’objectif poursuivi n’est pas l’abolition de ces interdictions, mais l’assouplissement de la méthode d’analyse de manière à correspondre au raisonnement tenu en droit de la concurrence. Le rapprochement entre ces deux matières est de plus en plus évident, comme le droit de concurrence a pour objet de réguler le marché et pour effet de protéger le consommateur ; alors que le droit de la consommation a pour objet de protéger le consommateur et pour effet de réguler le marché. En effet, la directive 2005/29/CE conserve une possibilité d’interdire ces pratiques. Le législateur européen n’a pas pour objectif la légalisation inconditionnelle de ces pratiques, la preuve en est que dans le « Programme préliminaire de la Communauté économique européenne pour une politique de protection et d’information des consommateurs »8 publié au Journal Officiel du 25 avril 1975, la Commission affirmait que la vente avec prime était une pratique abusive à l’égard des consommateurs, et qu’elle entendait protéger ces derniers contre ce procédé de vente. Par ailleurs, on notera que même avec une approche extrêmement libérale de l’appréciation de la licéité des ventes liées décrite au §1, cela n’a pas empêché la condamnation de Microsoft par les juridictions européennes à plusieurs reprises au cours des dernières années pour avoir eu recours à de telles pratiques abusives. Il s’agit donc d’adapter le droit de la consommation à la nouvelle méthode d’évaluation des pratiques en droit de la concurrence. Le droit de la consommation est un droit qui influence fortement les échanges et l’économie. Il a vocation à protéger les consommateurs, mais en imposant les règles aux professionnels, il restreint et dirige les échanges sur le marché et délimite l’activité des professionnels au moyen d’obligations et d’interdictions plus ou moins générales. De plus, les concurrents qui suivent les dispositions légales à leur frais et parfois à leur détriment peuvent aussi engager une action à l’encontre des professionnels qui n’observeraient pas leurs obligations légales. Ainsi, le droit de la consommation va au-delà de sa finalité première pour devenir un enjeu majeur dans la régulation des échanges. C’est pour cette raison que la Commission Européenne y a accordé autant d’importance pour la construction du 8 Programme préliminaire de la Communauté économique européenne pour une politique de protection et d'information des consommateurs publié au Journal Officiel du 25 avril 1975 - Numéro C 92 - Page 2 23 marché intérieur, et c’est aussi pourquoi il doit impliquer, avant toute interdiction générale, une analyse de la situation du professionnel mis en cause, d’une part pour faire face aux difficultés spécifiques des acteurs sur le marché, d’autre part pour appréhender le plus justement possible les effets indésirables des pratiques dans des circonstances concrètes. On veut apporter une mesure aux interdictions dont font l’objet les professionnels, en adaptant les interdictions à l’importance de leurs effets sur les consommateurs et sur leurs concurrents. Ce droit doit donc suivre une approche aussi concrète que celle qui est aujourd’hui caractéristique du droit de la concurrence dans l’Union Européenne, et n’exister que dans une grande proximité avec l’économie. Dans les points 80 et 81 de ses conclusions dans l’affaire « Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV » rendues le 3 septembre 20099, l’avocat général Trstenjak avance même l’idée d’imposer dans le droit de la consommation un « seuil de minimis » similaire à celui du droit de la concurrence notamment dans le domaine des ententes et des concentrations, dans le but de s’assurer de l’impact réel sur les consommateurs en fonction de la catégorie de personnes protégée. Cette idée est en effet très présente dans la nouvelle méthode prônée par la directive, puisqu’au moment de fixer les critères de la déloyauté, la directive retient qu’il faut le faire en fonction d’une « altération substantielle du comportement du consommateur ». Cet adjectif rappelle les qualificatifs des effets de la restriction de concurrence sur le commerce entre Etats membres, qui doit être « significative » pour attirer l’attention du juge européen. De même, l’arrêt de la Cour de Cassation dans l’affaire « Orange Sports »10 en application du nouveau raisonnement valide la vente liée au motif qu’elle : « n'était pas de nature à compromettre sensiblement l'aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause ». La Cour évoque ici clairement l’idée qu’avant de condamner une pratique, on doit d’abord vérifier que ses effets sur le consommateur soient assez conséquents pour le justifier. Elle transpose ainsi en droit de la consommation de la question de la « sensibilité » de la restriction de concurrence causée par une pratique. 9 Conclusions de l’avocat général Trstenjak présentées le 3 septembre 2009. Cour de Justice des Communautés Européennes 3 septembre 2009 C‑304/08, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV c/ Plus Warenhandelsgesellschaft mbH 10 Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-15.304 et 09-66.970, FS-P+B, Free et SFR c/ France Télécom, Orange sports et Ligue nationale de football : JurisData n° 2010-011628 24 Par ailleurs, ce changement de méthode correspond aux principes fondamentaux de la jurisprudence européenne. Dans son considérant 6, la directive pose expressément que « Conformément au principe de proportionnalité, la présente directive protège les consommateurs des conséquences de ces pratiques déloyales dès lors qu’elles sont substantielles, tout en reconnaissant que, dans certains cas, ces conséquences sont négligeables. » Il s’agit donc de privilégier la liberté des échanges sur une approche rigoriste qui tient à suivre aveuglément un principe sans attacher l’importance qui lui est dû à l’impact véritable de la pratique sur le consommateur et sur le marché. En effet, le principe de proportionnalité, principe essentiel d’appréciation du droit européen, recommande d’analyser un texte de nature à restreindre les échanges entre Etats Membres en mettant en balance les intérêts protégés et l’ampleur de l’interdiction. Lors de cette analyse, on répond à la question de savoir si une protection efficace de ces intérêts n’aurait pas pu être réalisée par une disposition moins restrictive. Le nouveau raisonnement imposé par la directive est donc une transposition du principe de proportionnalité, principe fondamental du droit européen, dans le droit de la consommation français. On vise à chercher un équilibre entre la protection et l’interdiction absolue, à trouver un juste milieu qui correspond aux circonstances de l’espèce. Le changement législatif opéré sous l’impulsion des institutions de l’Union Européenne sur les ventes avec primes et sur les ventes subordonnées dans le cadre du droit de la consommation constitue donc une nécessaire mise en conformité de ce droit avec un raisonnement concret lié à l’économie et au marché, parallèlement à une évolution similaire du droit de la concurrence auquel il s’apparente. En plus de coïncider avec le droit de la concurrence, ce nouveau droit de la consommation est favorable à la concurrence. 25 Section 2 : La légalité de principe des ventes avec primes et des ventes subordonnées : une libéralisation de la concurrence dans le marché commun Pour permettre de comprendre l’évolution du raisonnement à l’égard de la concurrence, nous devons dans un premier temps nous pencher sur les considérations dirigistes qui avaient conduit à interdire les ventes liées et les ventes avec primes per se (§1), pour ensuite mettre en évidence le fait que le changement de méthode favorise également le jeu de la concurrence (§2). §1 : Retour sur les considérations dirigistes ayant conduit à une interdiction per se des ventes liées et des ventes avec primes L’idée d’avoir un droit flexible et adaptable se distingue de l’intention des rédacteurs des textes législatifs qui ont fondé, depuis plus d’un demi-siècle, l’interdiction des ventes avec primes et des ventes subordonnées. Même si ces pratiques ne sont généralement pas, à elles seules, de nature à faire disparaître complètement la concurrence sur un marché comme le seraient des cartels ou des abus de position dominante, elles ont été défendues en France au nom de la protection de la concurrence, comme étant contraires aux résultats attendus dans des situations de concurrence. On estimait alors que si, en ayant recours à ces pratiques, on se faisait concurrence, on se faisait mal la concurrence, autrement dit une concurrence déloyale. En effet, pour la vente avec prime, il s’agit de promouvoir la vente d’un produit ou la prestation d’un service en attirant le consommateur au moyen d’une prime annoncée comme étant gratuite, et pour la vente liée, de vendre plus en ne permettant l’achat d’un produit qu’à la condition de l’achat d’un autre produit. Dans les deux cas, le succès commercial du vendeur n’est pas dû aux mérites des produits vendus, mais à leurs modalités de vente, plus ou moins honnêtes si elles précipitent ou faussent la décision du consommateur, d’une part, ou si elles vont d’autre part jusqu’à contraindre celui-ci à acheter un produit qu’il ne souhaitait pas acquérir. Or la concurrence, pour 26 continuer de correspondre à la conception européenne d’une concurrence pour le progrès conformément aux idées à l’Ecole de Harvard reprises en Europe, doit avoir lieu de manière à ce que la différence entre les chiffres d’affaires s’explique par de meilleurs produits, une plus grande qualité, des services plus efficaces, des prix plus faibles ; et non sur les astuces qui incitent les consommateurs à consommer davantage. Il ne serait cependant pas incongru de se demander jusqu’où ces pratiques divergent avec le but du progrès qu’on a décrit. N’existe-t-il pas des milliers de formes de ventes avec primes et de ventes liées, non seulement en ce qui concerne les produits qu’elles associent, mais aussi – et surtout – en ce qui concerne le contexte économique qui les entoure : qui les met en œuvre, et sur quel marché ? La question qu’on se pose dans ce changement de raisonnement, c’est : peut-il être juste d’écrire à titre définitif, dans un texte législatif – et pénal, qui plus est – que de telles pratiques sont toujours contraires à ce que l’on attend d’une situation de concurrence, même en prévoyant une série d’exceptions ? La Cour de Justice répond indirectement à cette question dans l’arrêt VTB-VAB du 23 avril 2009 et dans ceux qui suivront en imposant aux législateurs européens (dont un certain nombre avaient légiféré comme la France, notamment la Belgique, condamnée dans cet arrêt déterminant) une approche concrète de ces situations, tout en conservant comme mesure de la nocivité de ces pratiques la faculté pour le consommateur de faire un choix véritablement avantageux, puisque, selon la directive, l’un des critères de la déloyauté est justement l’altération du comportement du consommateur par la pratique commerciale. Ce critère se rapproche des raisons citées plus haut qui avaient conduit les législateurs à interdire ces pratiques dans un premier temps, car il s’agit de vérifier que le consommateur a choisi en connaissance de cause : pour déterminer si la pratique est déloyale : on s’en remet au jugement éclairé du consommateur, ce qui équivaut à défendre les meilleures offres. Certes, il faut rappeler que même si cela n’avait pas été le cas pour l’interdiction des ventes à primes, la jurisprudence française avait déjà pris l’initiative d’assouplir la condamnation des ventes liées en validant dans certaines espèces ces pratiques en fonction de la situation concrète. En effet, dès 1981, le Tribunal de Grande Instance de Paris avait jugé qu’une entreprise pouvait assortir son quotidien d’un supplément sans tomber sous le coup de l’infraction de vente subordonnée car le supplément formait un 27 produit unique avec le journal11. D’autres juridictions ont utilisé l’exception générale de « l’intérêt du consommateur » pour valider de telles ventes : par exemple, le Tribunal de Police de Paris avait pris en compte le « besoin du consommateur courant » en matière de ventes subordonnées dans le secteur des transports.12 Cependant, même si cela suffisait à mettre le droit français en conformité avec le droit européen puisque l’appréciation de cette conformité se fait en considérant à la fois les textes législatifs et l’interprétation qui en est faite par le juge interne comme l’a affirmé la Cour de Justice dans l’arrêt Von Colson13, cette situation était peu justifiable au sens des principes fondamentaux du droit pénal. Le principe de légalité des délits et des peines impose en effet que les textes répressifs soient précisément écrits, que les incriminations soient clairement délimitées, et que pour chacune d’entre elles une sanction soit définie à l’avance. De plus, comme le rappelle le professeur Stoffel-Munck dans un article de 200814, la loi pénale est d’interprétation stricte, et les magistrats devraient en principe se tenir aux textes. C’est en ce sens qu’on peut saluer l’inscription dans les textes de ce changement de méthode par la réforme du 17 Mai 2011 modifiant les articles L 122-1 et L 121-35 du Code de la Consommation qui a rajouté aux textes préexistants la recherche de la déloyauté de la pratique avant toute condamnation. En suivant ce raisonnement, on est passé d’un état de rigidité héritier du dirigisme économique d’après–guerre à une approche souple permettant d’être en phase avec l’économie, qui ne peut s’analyser qu’en fonction des indicateurs concrets. Le changement de perspective entamé par la Cour de Justice dès avril 2009 a immédiatement été repris, sur le terrain de la concurrence, par les juges français qui ont 11 TGI Paris, 27 mai 1981, Madame Figaro 12 T. pol. Paris, 7 mars 1997 13 CJCE, 10 avr. 1984, aff. 14/83, Sabine von Colson : Rec. CJCE 1984, p. 01891 : « L'obligation des États membres, découlant d'une directive, d'atteindre le résultat prévu par celle-ci, ainsi que leur devoir, en vertu de l'article [267] du Traité [sur le Fonctionnement de l’Union Européenne] de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution de cette obligation, s'imposent à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles » 14 Communication Commerce électronique n° 10, Octobre 2008, comm. 115 « Vente liée et logiciels préinstallés: la préinstallation est une pratique légitime mais le prix des licences de logiciels doit-il apparaître distinctement? » Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK 28 eu l’occasion de démontrer que le but poursuivi par l’interdiction rigide était également défendu par une plus grande souplesse dans l’appréhension de ces techniques de vente. §2 : Un changement de méthode favorable à la concurrence C’est dans l’affaire dite « Orange Sport » que les juges français ont pour la première fois pu faire application de l’appréciation in concreto d’une situation de vente liée dans un contexte purement concurrentiel dans l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 14 Mai 200915 (partiellement reproduit en annexe 2 de ce document, p.120), soit tout juste après que l’arrêt VTB-VAB ait été rendu par la Cour de Justice. Cet arrêt vient infirmer un jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 23 février 2009 qui condamnait au contraire la pratique comme étant une vente liée interdite par l’article L 122-1 du Code de la Consommation. Il s’agissait de la société France Télécom, qui proposait le service Orange Foot mais uniquement aux abonnés « triple play » de sa marque Orange. Pour accéder à ce service, il fallait donc absolument avoir préalablement contracté l’abonnement d’internet haut débit d’Orange, qui comprenait également des chaînes de télévision et la téléphonie fixe. L’impact de cette pratique était d’autant plus important qu’Orange avait obtenu, suite à un appel d’offre, les droits exclusifs sur trois des douze lots de la Ligue de football professionnel concernant la diffusion des championnats de football de la ligue 1. Des concurrents d’Orange proposant eux-mêmes des abonnements internet triple play, les sociétés Free et Neuf Cégétel (cette dernière ayant été absorbée par SFR entre temps), ont intenté une action contre France Télécom pour la vente subordonnée du service Orange Foot (qui permettait de suivre les matchs de ligue 1 en direct, à l’exclusion de toute autre chaîne en France) à l’abonnement triple play chez Orange. Considérant que l’offre Orange Foot et l’abonnement en soi étaient deux produits 15 CA Paris, 5e ch., 14 mai 2009, SA France Telecom et SA Orange Sports c/ SAS Free et SA Neuf Cegetel (absorbée par SFR), avec les interventions volontaires de l'assoc. « La Ligue de Football professionnel », de l'assoc. nationale des ligues de sport professionnel et du min. Éco., Industr. et Emploi (DGCCRF Paris) : JurisData n° 2009-003817 29 distincts, les juges du Tribunal de Commerce de Paris16 ont statué en première instance en faveur des concurrents de la société Orange et ont condamné cette dernière, en lui enjoignant sous astreinte la cessation de la subordination de l’accès à sa chaîne Orange Foot à l’abonnement internet haut débit chez Orange. L’arrêt d’appel, on l’a dit, vint infirmer ce jugement, suite à l’énoncé de la nouvelle méthode par la jurisprudence VTB VAB rendue par la Cour de Justice des Communautés Européennes le 23 avril 2009 et expressément citée par les juges de la Cour d’Appel de Paris dans leur décision. Les concurrents ont en effet dans un premier temps assis leur argumentation sur l’article L 122-1 du code de la consommation, article prohibant la pratique des ventes subordonnées. L’argument fondé sur ce seul article a été justement écarté par les juges d’appel qui ont rappelé la conséquence de la décision novatrice de la Cour de Justice, toute récente à l’époque. A ce titre, la Cour rappelle qu’il n’y a pas lieu de considérer l’interdiction posée par la loi française de manière absolue, mais qu’il faut, pour être en conformité avec le droit européen, que l’appréciation de ce texte soit faite à la lumière des critères posés par la directive. En d’autres termes, l’interdiction posée par le droit français ne constitue plus une infraction autonome, mais est conditionnée par les dispositions de la directive qui définissent le caractère déloyal de la pratique dont dépend entièrement la condamnation. Les juges du fond ont donc procédé à une analyse in concreto de la pratique en fonction des critères de la directive et des arguments des concurrents SFR et Free. Ces derniers ont, entre autres, invoqué le caractère agressif de la pratique, la rendant ainsi déloyale en vertu de l’article 8 de la directive. Cette allégation a été rejetée par la Cour d’Appel, mais on s’arrêtera sur la question de la contrainte énoncée à l’article 8 de la directive comme étant le facteur déterminant de la pratique commerciale agressive. Celui-ci dispose en effet qu’une pratique est agressive lorsque : « elle altère ou est susceptible d’altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, (…), la liberté de choix du consommateur moyen à l’égard d’un produit, et, par conséquent, l’amène à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. » Ce texte renvoie à l’idée qu’une pratique peut être qualifiée d’agressive si elle exerce une contrainte de nature à fausser la liberté du consommateur dans son choix 16 T. com. Paris, 23 févr. 2009, Free et Neuf Cegetel c/ France Télécom et Orange Sports, RG 2008/078679 30 commercial en faveur de tel ou tel produit. Les concurrents d’Orange évoquent donc l’argument de la contrainte pour justifier la déloyauté de la pratique. En réalité, on peut ici rapprocher cette idée de contrainte avec l’idée même qui était à la base de l’interdiction per se des ventes subordonnées. En effet, l’un des reproches majeurs qu’on a pu faire à ces pratiques, c’est qu’en liant l’achat d’un produit à celui d’un autre produit, on restreint la liberté du consommateur, qui se voit alors obligé, pour réaliser la transaction qu’il souhaite effectuer, à en faire une autre, ce qui s’apparente à une vente forcée. C’est bien en l’espèce ce qui a pu choquer dans la subordination d’Orange Foot à l’abonnement internet chez Orange : le consommateur devra, pour accéder au produit dont il désire bénéficier, résilier son abonnement éventuel chez un autre opérateur et ensuite contracter celui d’Orange, pour finalement avoir accès au service qu’il désirait acquérir : la chaîne Orange Foot. C’est à cet endroit-là que l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris fait intervenir l’enjeu concurrentiel des pratiques. Pour affirmer qu’il ne s’agit pas là d’une contrainte au sens de l’article 8, les juges repoussent les limites entre la déloyauté et le libre jeu de la concurrence, en déclarant que ce que les concurrents d’Orange qualifiaient de contrainte à la décision du consommateur n’est autre qu’une méthode de différenciation des produits visant à les rendre plus compétitifs. La Cour s’efforce ici de tenir un raisonnement concret, prenant en compte la situation du marché sur lequel on se trouve. Elle retient que sur le marché de l’abonnement internet-téléphonie-télévision, il est difficile de mettre en avant ses produits et services d’une autre manière que par une concurrence sur les prix. En effet, la distinction entre les différentes offres est faible dans le sens où le consommateur moyen a des besoins limités dans ces domaines et où le degré de concurrence élevé sur ce marché conduit les différents opérateurs à faire des offres similaires à des prix comparables. Pour les juges d’appel – et c’est là que se confirme l’idée que la libéralisation du droit de la concurrence est un enjeu majeur de cette réforme du droit de la consommation - le fait d’offrir une chaîne avec des programmes que les autres opérateurs ne sont pas en mesure de proposer constitue en réalité un rare argument de vente dans ce secteur, et vise à rendre son abonnement plus attractif en le différenciant des offres que pourraient proposer les concurrents. La Cour d’Appel insiste d’ailleurs sur le fait que l’exclusivité obtenue par la société France Télécom s’est faite à la suite 31 d’un appel d’offre qu’elle a remporté en proposant d’investir une somme plus élevée que ses concurrents. Le pourvoi formé par la suite par les sociétés SFR et Free en cassation de cette décision a été rejeté par la Chambre Commerciale le 13 juillet 201017, qui retient la validité des arguments de la Cour d’Appel. Elle affirme, pour fonder ce rejet, que « dans le cadre de la concurrence qu'ils se livrent, tous les fournisseurs d'accès à internet s'efforcent d'enrichir le contenu de leurs offres pour les rendre plus attractives par (…) l'acquisition de droits exclusifs sur des contenus audiovisuels cinématographiques ou sportifs événementiels. » La juridiction suprême adopte donc la même position en soutenant que la pratique d’Orange est davantage un facteur de concurrence qu’une pratique restrictive de concurrence. C’est bien là l’expression de la concurrence par les mérites, que l’on avait voulu protéger par un texte répressif d’interdiction pure et simple. En effet, pour défendre la légalité de cette pratique en vertu de la directive, les juges du fond s’appuient sur le contexte du marché en cause pour affirmer que la subordination ne s’apparente plus à une pratique restrictive de concurrence, et que même si la pratique présente les caractères qui, sous l’empire du seul article L 122-1 du Code de la Consommation, auraient suffi à constituer l’infraction, la situation concurrentielle dans le secteur fait de cette subordination un critère de différenciation des offres de nature à accroître la concurrence sur le marché. Ce procédé, dans ce cas concret et en tenant compte des spécificités du marché étudié, constitue déjà une preuve qu’Orange a voulu se démarquer de ses concurrents, en proposant un meilleur produit, plus attractif. On en revient donc à l’idée de la concurrence dans le but du progrès économique, où celui qui fait le plus de vente est nécessairement celui qui propose l’offre la plus avantageuse pour le consommateur, bien loin de constituer une contrainte sur ce dernier. Les décisions de la Cour d’Appel et de la Cour de Cassation sur cette affaire retentissent comme une réponse au passé législatif de l’interdiction, en démontrant que le but de la concurrence peut également être atteint en déclarant licite la vente liée. La nouvelle définition de ces infractions a donc permis d’appréhender la vente subordonnée comme étant un facteur de concurrence plutôt qu’une restriction de celle17 Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-15.304 et 09-66.970, FS-P+B, Free et SFR c/ France Télécom, Orange sports et Ligue nationale de football : JurisData n° 2010-011628 32 ci, et a permis aux juges français de reconnaître qu’il ne s’agit pas là de libérer la concurrence pour la libérer, mais qu’au contraire la libéralisation peut également contribuer à une « bonne » concurrence, celle où ceux qui remportent la compétition sont véritablement les plus efficaces. La légalité de principe des ventes liées et des ventes avec primes contribue non seulement à l’établissement d’un droit plus libéral conforme à une volonté d’assouplir les règles du marché pour les rendre plus en phase avec les réalités de ce dernier, mais se traduit également par la mise en place d’un droit plus juste, qui confère une place importante à l’intérêt du consommateur dans le cadre de l’exercice de ces pratiques. 33 Chapitre 2 : Une approche plus juste : l’appréciation casuistique au service de l’intérêt du consommateur La place occupée par l’intérêt du consommateur dans la réforme est double : premièrement, l’objectif du texte sur les pratiques commerciales déloyales est resté le même du point de vue du consommateur puisqu’il vise sa protection (section 1) ; deuxièmement, l’intérêt du consommateur occupe depuis la directive une place autonome puisqu’on le considère comme un point de référence pour interdire les pratiques de ventes liées et de ventes avec primes (section 2). Section 1 : La conservation du but premier de l’interdiction : la défense des intérêts des consommateurs Le nouveau raisonnement de la directive 2005/29/CE a pour objet de défendre les intérêts des consommateurs : par la méthode utilisée, car cette harmonisation des droits européens est protectrice du consommateur (§1), par la nature de la règle imposée, car en mettant en place une règle souple, elle cherche à se conformer aux besoins des consommateurs (§2), et par les conséquences de la réforme sur la concurrence , car un accroissement de concurrence est favorable à l’expression de l’intérêt du consommateur (§3). §1 : Une harmonisation des droits européens protectrice du consommateur L’un des objectifs de la directive 2005/29/CE est l’élimination des barrières juridiques aux échanges dans l’espace économique du marché intérieur. Cet objectif est affirmé notamment dans les considérants de cette directive, qui énoncent comme l’un des buts poursuivi par le texte celui de réduire les entraves au commerce transfrontalier. En effet, le droit de la consommation ne s’est pas développé de manière uniforme dans 34 tous les pays de l’Union Européenne, et certains pays ont un niveau de protection très faible du consommateur. Si les droits allemands et belges comportaient des dispositions comparables à celles de notre Code de la Consommation en matière de ventes avec primes et de ventes subordonnées, le droit espagnol est au contraire dépourvu de législation en la matière. Or les divergences entre ces droits nationaux créent au sein de l’Union une incertitude juridique de nature à dissuader les entreprises de se faire une place sur des marchés juridiquement distincts. Le considérant 4 de la directive reflète l’intention de supprimer cet obstacle aux échanges intracommunautaires : « [Les] entraves augmentent le coût à supporter par les entreprises pour exercer les libertés liées au marché intérieur, en particulier lorsqu’elles souhaitent s’engager dans la commercialisation, lancer des campagnes publicitaires ou offrir des promotions commerciales transfrontalière.» Pour y remédier, le législateur européen a choisi l’harmonisation maximale des différents droits européens, qui permet de condamner les législations nationales plus contraignantes ou moins sévères que les prévisions de la directive, même si elles existent « aux fins d’assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs », comme le rappelle le point 52 de l’arrêt VTB-VAB. De telles législations devront être modifiées pour se conformer à la directive, comme cela a été le cas pour l’interdiction Belge des offres conjointes condamnée en l’espèce. Cette démarche a pu faire craindre à certains que la directive ne consiste en réalité à diminuer la protection des consommateurs dans les Etats qui, comme la France, disposaient de prévisions législatives très complètes dans ce sens. En réalité, l’harmonisation européenne du droit de la consommation est un avantage pour le consommateur, en amont, parce que cette harmonisation se fait dans le sens de la protection du consommateur (A), et en aval, parce que le consommateur gagne en protection du fait de l’existence d’un droit unifié (B). A) L’harmonisation dans le but de protéger le consommateur en Europe Même si la directive existe pour répondre à ce besoin d’unification du droit au détriment des textes plus protecteurs de certains droit nationaux, elle indique également et de manière répétée que cette unification s’opère dans une visée protectrice du 35 consommateur. En effet, il ne faut pas oublier que de nombreux Etats Membres avaient jusqu’ici un droit de la consommation assez peu développé, probablement dû à leur politique économique et à leur processus d’industrialisation. On ne retrouvait pas dans leurs droits de codes autonomes de la consommation, et les règles régissant cette catégorie de contractants n’étaient pas particulièrement protectrices. On pourra citer à titre d’exemple la Roumanie, où les pratiques commerciales déloyales étaient soumises au droit commun du Code Civil. D’autres Etats tels que la Slovénie, l’Estonie ou encore Malte n’avaient aucune disposition dans ce sens. L’objectif d’unification en faveur du consommateur est expressément cité par la directive dans son considérant 11 : « Le niveau élevé de convergence résultant du rapprochement des dispositions nationales assuré par la présente directive crée un niveau commun élevé de protection des consommateurs. » Le but est donc d’unifier le droit, mais de manière à ce que le consommateur soit protégé uniformément dans toute l’Union Européenne. Dans le même considérant, on lit : « La présente directive établit une interdiction générale unique des pratiques commerciales déloyales qui altèrent le comportement économique des consommateurs. » : la directive a donc pour but d’unifier le droit pour protéger les consommateurs en condamnant les pratiques qui leur sont néfastes. En effet, la directive raisonne toujours en termes de protection du consommateur, et on cherche à défendre cette catégorie de contractants à travers l’interdiction en toutes circonstances des pratiques précisément décrites dans l’annexe 1 ainsi qu’à travers l’interdiction au cas par cas des pratiques trompeuses et agressives des articles 6 à 9 et des pratiques visées à l’article 5 qui altèrent le comportement économique du consommateur. Ces pratiques seront considérées comme déloyales selon la directive parce qu’elles faussent le consentement du consommateur, soit par la contrainte, soit par la tromperie ou par les procédés trompeurs. Toutes les interdictions du texte ont un caractère protecteur de l’intérêt du consommateur: ce dernier est au centre de la directive. L’unification des droits européens se fait donc dans le but de la défense des intérêts du consommateur. L’harmonisation des droits européens s’est donc centrée sur des considérations protectrices du consommateur. Ce dernier bénéficie également de cette harmonisation de manière indirecte, puisque le fait que les droits nationaux soient unifiés lui profite. 36 L’unification des droits nationaux en Europe : un avantage pour le B) consommateur L’uniformisation du traitement juridique des pratiques commerciales est également un avantage pour le consommateur. En effet, le considérant 4 de la directive indique également l’intention d’apporter un bénéfice au consommateur de manière indirecte, en créant pour lui une plus grande sécurité juridique au niveau de tous les pays européens : « Pour les consommateurs, [les disparités de législation] entraînent également des incertitudes quant à leurs droits et affaiblissent leur confiance dans le marché intérieur. » Cette réforme leur donne une plus grande sécurité car leurs droits sont les mêmes dans tous les Etats Membres. Ceci est particulièrement important à l’heure actuelle, où les consommateurs se déplacent énormément, où le commerce électronique se développe rapidement et où la mondialisation multiplie les éléments de rattachement à différents droits nationaux. Avec la transposition de cette directive dans les Etats membres, on n’aura plus besoin, pour savoir si une pratique est légale ou non dans l’Union Européenne, à rechercher le droit applicable en fonction des différents lieux de résidence ou de la nationalité des contractants, ni des lieux de signature ou de prestation des contrats, car tous les droits contiendront les mêmes interdictions. Cela aide considérablement les consommateurs à connaître leurs droits et donc à accepter telle ou telle offre et éventuellement à savoir quand il est opportun d’intenter une action en justice. Cette évolution est capitale car l’un des plus grands écueils du droit de la consommation en général, c’est justement le manque de réaction des consommateurs, souvent par manque de connaissances sur le caractère illégal de l’infraction dont ils sont victime. L’harmonisation des droits européens s’est donc faite dans un esprit favorable au consommateur, en veillant à ce que ces droits nationaux intègrent des dispositifs de protection du consommateur, mais aussi parce que le fait que les infractions soient les mêmes dans tous les Etats membre permet au consommateur de connaître ses droits à tout moment lors d’une transaction intra-communautaire. L’assouplissement de la règle est aussi un avantage apporté au consommateur par cette réforme. 37 §2 : Une règle souple en conformité avec les besoins des consommateurs L’objet de la directive 2005/29/CE est, comme on l’a exposé, d’abolir des législations nationales incriminant en toutes circonstances la vente liée et la vente avec prime, au profit d’une règle souple visant à étudier les circonstances de l’espèce avant de pouvoir se prononcer sur leur légalité. Bien qu’elles apparaissent comme étant une protection infaillible du consommateur de par leur caractère absolu, on peut se demander si ces règles anciennes d’application rigide n’allaient pas trop loin, même en ce qui concerne de la protection du consommateur. Michel Pédamon18 décrit le but principal du texte incriminant la vente avec prime comme étant de « prémunir les consommateurs contre leurs propres faiblesses ». De même, les travaux préparatoires de la Loi n° 51-356 du 20 mars 1951 créant l’interdiction de la vente avec prime citent l’idée qu’elle intervient pour empêcher que « le consommateur ne se trouve lésé et poussé à des achats hors de proportion avec ses ressources »19. Dans cette conception, on considère que le consommateur n’est pas à même de prendre la décision de contracter ou non alors même qu’il est en présence de toutes les informations lui permettant de faire son choix en connaissance de cause : on veut réguler jusqu’à sa décision commerciale, et on a une vision très négative des pratiques commerciales. L’intention derrière l’interdiction absolue semble donc aller très loin à l’encontre de la liberté contractuelle en considérant presque le consommateur comme un incapable, et elle est contraire à l’objectif que l’Union Européenne souhaite donner aujourd’hui à un texte de droit économique. On ne veut plus que la loi fasse une si grande ingérence dans les contrats privés, mais plutôt responsabiliser les différents acteurs de manière à pouvoir supprimer les interdictions trop lourdes, et ainsi libérer les échanges. Comme l’évoque le professeur Muriel Chagny dans son intervention lors du Forum Trans Europe Experts (TEE) sur le thème « Les enjeux juridiques européens » le 18 M. Pédamon, La réglementation des ventes avec primes : entre droit de la consommation et droit de la concurrence, in Études de droit de la consommation : Liber amicorum Jean Calais Auloy, éd. Dalloz 2004, p. 830 19 Travaux préparatoires à la loi : JOAN, 29 juill. 1950, p. 6126 38 31 Mars 201020, la question du degré de protection des consommateurs est précisément liée à la question de la qualité de la règle juridique qui la régit. Elle soutient en effet cette thèse en avançant qu’une règle d’interdiction systématique présente l’inconvénient d’être paternaliste pour le consommateur sans chercher ce qui lui nuit effectivement ; elle ajoute également que si l’on fait confiance aux juges sensés appliquer la règle, « une pratique effectivement nocive pour le consommateur ne devrait pas échapper à une condamnation judiciaire. » Selon ce raisonnement, le consommateur ne devrait pas s’inquiéter du passage d’une règle stricte à une règle souple, et il devrait au contraire s’en réjouir puisque cela serait de nature à le libérer des interdictions inutiles de pratiques qui ne l’affectent pas considérablement, pour lui permettre de voir sanctionner justement les pratiques qui lui portent véritablement préjudice. Le fait que la règle selon laquelle les pratiques sont condamnables se soit assouplie est donc un avantage apporté par cette réforme au consommateur. Plus indirectement, l’accroissement de la concurrence dû à la nouvelle règle européenne bénéficie également au consommateur. §3 : Un accroissement de la concurrence favorable au consommateur La volonté d’unifier le droit en vue de libérer les échanges dans le marché intérieur étant mise en avant dans la directive, certains auteurs craignent que ce but ne fasse de l’ombre à la volonté de protéger le consommateur des pratiques déloyales, et que le texte ne soit avant tout animé par la motivation de multiplier les transactions plutôt que de celle de protéger le consommateur. Dans un article paru peu après l’arrêt VTB VAB, le professeur Guy Raymond écrit en effet au sujet de cette réforme : « on regrettera que le droit communautaire se montre moins soucieux de la protection des 20 LES ENJEUX JURIDIQUES EUROPÉENS 31 mars 2010 Chambre de commerce et d’industrie de Paris, Atelier Droit des contrats, de la consommation et du commerce électronique sous la présidence de Martine Behar Touchais, professeur à l’Université de Paris Descartes (Paris V) « L’harmonisation totale du droit de la consommation dans le marché intérieur : amélioration ou dégradation du droit de la consommation en France? Illustration : les ventes liées à l’épreuve de la directive sur les pratiques commerciales déloyales » Muriel CHAGNY 39 consommateurs que d'établir un régime de libéralisme économique, certes tempéré, mais libéralisme quand même, dans l'espace européen et donc en France»21. En effet, on pourrait penser que même si le consommateur a une place de choix dans ces dispositions, l’avantage recherché est finalement celui des professionnels, qui bénéficient in fine de plus de marge de manœuvre puisqu’on diminue (pour la France) le degré d’interdiction qui passe d’être absolue à relative, et ils bénéficient en plus par ricochet d’une plus grande confiance des consommateurs qui auront donc tendance à consommer plus en général. Cependant, la libéralisation des échanges a pour conséquence un accroissement de la concurrence sur le marché, qui est avant tout un gain pour le consommateur. Plus de concurrence sur un marché veut dire un plus grand choix pour le consommateur sur les produits. Il a donc une voix plus importante: pour remporter le jeu de la concurrence, les entreprises devront s’efforcer de proposer des offres de plus en plus attrayantes pour le consommateur. Cette idée est avancée par le professeur Muriel Chagny, qui écrit : « cette liberté accrue peut apparaître favorable au développement de la compétition, dans l'intérêt notamment... du consommateur, du moins si son exercice est assorti d'un contrôle destiné à sanctionner les abus et déloyautés. »22 On peut soutenir cette idée en reprenant l’exemple de l’affaire « Orange Sports »23. Dans cette affaire, la Cour d’Appel de Paris a validé la subordination de l’accès à la chaîne Orange Foot à la souscription de l’abonnement internet Triple Play chez Orange entre autre au motif que la liberté des consommateurs de choisir n’était en rien altérée par ce procédé et qu’il était en réalité représentatif d’une volonté « d'enrichir le contenu de leurs offres pour les rendre plus attractives, par la mise en place de services innovants ou l'acquisition de droits exclusifs » . Dans le commentaire 21 In Contrats Concurrence Consommation n° 6, Juin 2009, comm. 183 Offre conjointe : une pratique commerciale déloyale ? Commentaire par Guy RAYMOND 22 Communication Commerce électronique n° 6, Juin 2010, comm. 63 : Il est interdit d'interdire les offres conjointes aux consommateurs (bis repetita) ! Commentaire par Muriel CHAGNY sur CJUE, 3e ch., 11 mars 2010, aff. C-522/08, Telekomunicaja Polska SA w Waeszawie 23 CA Paris, 5e ch., 14 mai 2009, SA France Telecom et SA Orange Sports c/ SAS Free et SA Neuf Cegetel (absorbée par SFR), avec les interventions volontaires de l'assoc. « La Ligue de Football professionnel », de l'assoc. nationale des ligues de sport professionnel et du min. Éco., Industr. et Emploi (DGCCRF Paris) : JurisData n° 2009-003817 (voir la reproduction à l’annexe 2 de ce document) 40 de cette décision fait par Philippe Stoffel-Munck24, celui-ci explique justement que : « l'avantage concurrentiel exclusif que tire l'opérateur de son investissement dans le football incite chacun des autres à améliorer son offre propre. » Ainsi, la concurrence en soi est déjà une avancée pour le consommateur, et si certains trouvent des techniques promotionnelles attrayantes, leurs concurrents devront eux-mêmes améliorer leur offre pour rester compétitifs de sorte que cela bénéficie directement au consommateur qui est à nouveau l’arbitre dans le jeu de la concurrence. Non seulement l’intérêt du consommateur est préservé dans cette réforme, mais au-delà de cela, l’idée de mettre le consommateur au centre des préoccupations en termes de pratiques commerciales déloyales constitue le point principal de la directive qui, comme on l’a dit, se réfère au point de vue du consommateur pour qualifier de déloyale une pratique commerciale. Elle va très loin puisqu’elle fait de l’intérêt du consommateur une mesure de l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes. Section 2 : L’apparition de l’intérêt du consommateur comme élément déterminant de la légalité de la pratique L’intérêt du consommateur était déjà un élément déterminant de la question de l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes. La preuve en est que ces infractions se trouvent dans le Code de la Consommation. Mais lorsque l’on constate que la jurisprudence a tenté de modifier le caractère systématique de l’interdiction pour juger des espèces en se rapprochant davantage de l’intérêt du consommateur, on réalise que l’interdiction systématique de ces pratiques était inadaptée à cet objectif de protection. La nouvelle souplesse de la règle permet au juge de mettre l’intérêt du consommateur au cœur de l’enjeu juridique (§1). La directive va cependant encore plus loin dans l’importance accordée à l’intérêt du consommateur puisqu’elle place le consommateur moyen comme mesure de l’interdiction de ces pratiques (§2). 24 Communication Commerce électronique n° 7, Juillet 2009, comm. 68 « Triple Play et vente liée » Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK 41 §1 : Une règle nouvelle permettant une condamnation en fonction de l’intérêt du consommateur On rappellera dans un premier temps que la jurisprudence a cherché, du moins en ce qui concerne la vente liée, à apporter aux litiges une réponse qui soit plus en adéquation avec l’intérêt du consommateur en assouplissant de son propre chef la règle rigide (A). La directive consacre ce procédé en ouvrant la possibilité d’une évaluation prenant en compte cette considération (B). A) Un besoin jurisprudentiel d’assouplir la règle pour coïncider avec l’intérêt du consommateur La jurisprudence en matière de vente liée concerne, ces dernières années, presque uniquement le domaine de la vente d’ordinateurs avec logiciels préinstallés. Dans ce domaine, elle a beaucoup hésité autant sur la solution à donner que sur l’approche à adopter, et l’on retrouve de nombreuses décisions contradictoires. Ce domaine a en effet été très problématique pour les juges car ils n’étaient souvent pas convaincus de la qualification de vente liée dans ces cas et, quand ils l’étaient, ils trouvaient que cette pratique en l’espèce ne méritait pas d’être condamnée en application stricte de l’article L 122-1 du Code de la Consommation. Le fait que la jurisprudence ait souvent essayé de justifier les ventes liées en invoquant l’argument de l’intérêt du consommateur démontre son importance dans l’appréciation, et la directive apporte aujourd’hui la possibilité de procéder à une véritable analyse de l’impact sur le consommateur avant de prononcer toute condamnation à l’égard de ces ventes. Il convient de rappeler que sous l’empire de l’ancien article L 122-1 du Code de la Consommation, c’était la simple qualification de vente liée qui justifiait une condamnation de la pratique. Or les juges du fond ont parfois eu des réticences à condamner ces pratiques du fait de l’avantage qu’elles peuvent procurer au consommateur. Il n’est pas dénué d’intérêt d’analyser les raisonnements adoptés par ces juges qui ont admis la validité de ces pratiques, pour constater que l’approche concrète 42 était nécessaire de manière à ce que les juridictions puissent statuer sur une affaire comme elles l’estiment le plus juste. Certaines d’entre elles ont développé la théorie du « motif légitime ». En effet, l’article L 122-1 du Code de la Consommation prohibant la vente liée disposait que : « Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit. » Ainsi, on pourrait interpréter le texte comme posant une exception à l’interdiction des ventes liées : la présence d’un « motif légitime » qui empêcherait cette qualification. Dans des décisions de 1984 et de 1986, la Cour de Cassation a validé de telles pratiques au motif qu’elles s’effectuaient «conformément à des pratiques commerciales instaurées dans l'intérêt des consommateurs»25. En 199026 cependant, elle estimait que la réalisation de l’infraction n’était pas écartée par la présence d’un « motif légitime» car au vu de la formulation du texte, il ressortirait que cette exception serait réservée au refus de vente, ce qui n’a pourtant pas empêché à de nombreuses juridictions d’utiliser cette exception lorsqu’elles l’envisageaient opportun. Il est vrai que la logique des deux textes est la même, et que si l’on admet une exception au refus net de vendre un produit, on devrait pouvoir l’admettre pour le refus de vendre le produit seul, soit la vente liée. Cette idée a servi entre autres à écarter la qualification de vente subordonnée par les juges du Tribunal de Grande Instance de Paris dans l’affaire qui opposait en 2008 l’association UFC Que Choisir à la société Darty dans le cadre du contentieux de la vente d’ordinateur avec logiciel préinstallé27. Le jugement énonce que : « il est évident que [le consommateur] recherche une utilisation immédiate et qu'il n'est pas dans son intérêt de se retrouver en présence d'un matériel inexploitable. » Comme le Tribunal juge que l’installation d’un logiciel est hors de portée du consommateur pour des raisons techniques et financières, l’intérêt que trouve le consommateur dans le fait que les logiciels soient préinstallés à l’ordinateur empêche la 25 Cass. crim., 29 oct. 1984, n° 83-93.563 : JurisData n° 1984-702198 ; Bull. crim. 1984, n° 324 ; JCP G 1985, II, 20489, note G. Heidsieck. et Cass. crim., 2 juin 1986 : D. 1986, inf. rap. p. 400, obs. 26 Cass. crim., 12 févr. 1990, n° 80-89.815 : Bull. crim. 1990, n° 71 ; Gaz. Pal. 1990, 2, jurispr. p. 400, note J.P. Marchi ; JCP G 1990, II, 21582, note Ph. Conte. 27 TGI Paris, 24 juin 2008, UFC Que Choisir c/ Éts Darty et Fils 43 pratique d’être condamnée en vertu de l’article L 122-1, et le « motif légitime » que représente l’intérêt du consommateur constitue alors une exception à l’interdiction de la vente subordonnée. D’autres argumentaires vont encore plus loin puisque des juges ont considéré qu’en raison de la fonction attendue par le consommateur lors de son achat, la vente ne pouvait être considérée comme une vente liée de deux produits distincts mais bien un seul contrat, dont l’objet était la vente d’un seul produit composé de plusieurs éléments : c’est l’ « approche fonctionnelle ». Cette théorie est soutenue par de nombreux membres de la doctrine, notamment le professeur Stoffel-Munck qui écrit dans un article de 201028 « l'unicité d'une chose s'apprécie de manière fonctionnelle, de sorte que pour le consommateur moyen, l'ordinateur et son logiciel forment un tout car seule la réunion de ces deux éléments permet de réaliser la fonction par lui immédiatement désirée ». Dans le même sens, le professeur Daniel Mainguy et Audrey Pagot, évoquent dans un article de la même année29 l’idée de l’unicité contractuelle de la transaction : « Il ressort (…) de l’étude de la jurisprudence que la pratique qui consiste à vendre des ordinateurs avec des logiciels préinstallés nécessaires au fonctionnement de l’ordinateur est considérée comme un seul contrat de vente indivisible. Cette pratique n’est donc pas une vente liée. Pour qu’il y ait vente liée, il faut effectivement qu’il y ait un contrat premier ou principal (…)». La fonction que l’on attend de l’achat d’un ordinateur n’est, selon cette théorie, réalisée que si l’objet est accompagné de son logiciel d’exploitation, ce qui conduit à dire que les deux produits acquis, l’appareil et la licence d’utilisation du logiciel, n’en forment en réalité qu’un seul compte tenu de l’utilité recherchée par le consommateur. Pour illustrer et appuyer cette argumentation, la jurisprudence et la doctrine ont eu recours à de nombreuses comparaisons avec d’autres produits composites qui se vendent comme un tout alors qu’ils comptent différents éléments, comme une bouteille avec son bouchon, et celle d’une voiture avec son moteur, l’idée 28 Communication Commerce électronique n° 1, Janvier 2010, comm. 5 : Vente liée et logiciels pré-installés : la pré-installation est une pratique légitime et le prix des licences de logiciels n'a pas à apparaître distinctement, Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK sur : TGI Nanterre, 6e ch., 30 oct. 2009, UFC Que Choisir c/ Sté HP France : JurisData n° 2009-015353 et CA Paris, 5e ch., 26 nov. 2009, UFC Que Choisir c/ Éts Darty et Fil : JurisData n° 2009-015350 29 Vendredi 19 novembre 2010 La licéité des ventes liées non agressives et non trompeuses, commentaire de Cass. 1e civ., 15 novembre 2010, n° 09-11161, FS-P+B+I, Audrey Pagot (Doctorante) et D. Mainguy http://www.lexcellis-avocats.fr/article-la-liceite-des-ventes-liees-non-agressives-et-non-trompeuses61292421.html 44 sous-jacente étant que le logiciel d’exploitation pré-intégré à la machine en fait partie intégrante car c’est lui qui permet l’utilisation de l’ordinateur. Cette thèse a été reprise dans de nombreuses décisions, notamment dans le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre du 30 oct. 2009 dans l’affaire qui opposait l’association UFC Que choisir à la société Hewlett Packard France30. Dans ce jugement, les juges statuent dans le sens de l’absence de qualification de vente subordonnée pour ce qui est de l’ordinateur avec son logiciel d’exploitation, car selon le jugement : « Ordinateur et logiciel sont, aux yeux mais aussi dans l'intérêt de ce consommateur moyen, un tout sur le marché de la vente par l'Internet d'ordinateurs portables ou de bureau au Grand Public ». En raison de la difficulté pour le consommateur moyen d’opérer une installation de logiciel sur un ordinateur qui en est dépourvu, on considère que les deux produits n’en forment qu’un. La même solution est dégagée dans le jugement de la Juridiction de Proximité d’Aix-en-Provence le 17 février 2011 dans l’affaire opposant un consommateur à la société Acer31, où la juridiction considère que même si logiciel et ordinateur sont deux entités distinctes, le fait de vendre l’ordinateur sans son logiciel d’exploitation constitue la vente d’un « matériel inutilisable », ce qui est bien sûr contraire à l’intérêt du consommateur. En suivant le même raisonnement, la Cour d’Appel de Montpellier32 va plus loin dans la même idée puisqu’elle distingue la préinstallation de logiciels d’exploitation, indispensables à l’utilisation immédiate du produit, avec les autres logiciels, tels que les jeux. La justification est similaire à celles des autres juridictions : « La notion même de produit fini inclut la possibilité pour le consommateur de pouvoir utiliser ce produit sans devoir recourir à une acquisition supplémentaire. Or l'absence de système d'exploitation ne permet pas d'utiliser la machine. Il est donc de l'intérêt du consommateur d'avoir un système d'exploitation pré-installé ». Certains auteurs ont critiqué les condamnations dans ce domaine par l’application stricte de l’article L 122-1. Ils avançaient notamment que cet article était utilisé pour forcer tout distributeur à vendre un type de produit, les ordinateurs non équipés de logiciels d’exploitation, alors qu’ils devraient en principe rester libres de 30 TGI Nanterre, 6e ch., 30 oct. 2009, UFC Que Choisir c/ Sté HP France : JurisData n° 2009-015353 31 TGI Aix-en-Provence, 17 février 2011, Perrono c/ Acer 32 CA Montpellier, 7 mai 2009, SA Dell Southern Europe : JurisData n° 2009-006020 45 s’adresser à la clientèle qu’ils choisissent, en l’occurrence les consommateurs n’ayant pas les capacités techniques de se doter un ordinateur « nu », puisque d’autres produits sont proposés chez des commerçants spécialisés. Le professeur Stoffel-Munck argumente en ce sens dans son commentaire de l’arrêt de la Cour d’Appel de Versailles du 5 mai 201133 qui opposait l’association UFC Que Choisir à la société HewlettPackard France, en rappelant que « les fabricants d'ordinateurs ont, partout dans le monde, organisé leur production de manière à intégrer les logiciels d'exploitation dans les machines et le prix de gros des ordinateurs (…) [et que] les licences d'exploitation des logiciels sont sans aucun doute facturées en tenant compte de cette donnée de masse. ». Ainsi, empêcher ce type de vente reviendrait à changer tout le système de vente dans cette industrie, et ce dans le but de remettre au consommateur un « matériel incapable de fonctionner en l'état ». M. Stoffel-Munck s’élève contre les décisions qui, en acceptant d’interdire de telles ventes en vertu de l’article L 122-1 du Code de la Consommation, détournent le texte prohibitif pour en faire une véritable obligation d’offrir certains types de produits, car selon lui: « il s'agit de lutter contre la manière dont on conduit un consommateur à acquérir un produit, non de dire quels produits on doit lui proposer à la vente. » Il critique l’ingérence des pouvoirs législatifs et judiciaires dans les activités commerciales qui ne devraient selon lui se voir contraintes artificiellement de vendre un produit pour lequel la demande n’est pas significative. De nombreuses juridictions ainsi de que des membres de la doctrine ont donc ressenti le besoin de replacer l’intérêt du consommateur au centre du texte prohibant la vente liée. En effet, ils ont contesté l’interdiction absolue dont elle faisait l’objet et les juges ont tenté de trouver des parades à son application en asseyant leur argumentation sur l’avantage apporté au consommateur. En ce sens, la directive 2005/29/CE a marqué une avancée puisqu’elle a donné aux juges un pouvoir d’appréciation de la situation bien plus ample. 33 Communication Commerce électronique n° 11, Novembre 2011, étude 21 : La vente d'un ordinateur prééquipé de logiciels caractérise une pratique dé-loyale . - (CA Versailles, 3e ch., 5 mai 2011, n° 09/09169, UFC Que Choisir c/ SAS Hewlett-Packard France) Etude par Philippe STOFFEL-MUNCK 46 B) La directive 2005/29/CE : l’instauration d’une méthode d’analyse permettant de replacer l’intérêt du consommateur au centre de l’appréciation La nouvelle méthode permet aux juges du fond d’évaluer les pratiques en tenant compte de l’intérêt des consommateurs en l’espèce, que ce soit pour les condamner ou au contraire pour les valider. On peut par exemple citer, dans le sens de la validation d’une vente liée contraire aux intérêts du consommateur, l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 26 novembre 2009 sur l’affaire opposant l’association UFC Que Choisir à Darty34, où les juges du fond ont décidé que le fait de ne pas indiquer les prix des logiciels vendus séparément ne constituait pas une altération substantielle du comportement du consommateur puisque ce qui est déterminant du consentement du consommateur à contracter la vente, c’est le prix global qu’il va effectivement payer pour se procurer le produit. Ainsi, son intérêt n’est pas négligé par l’absence d’affichage des prix. Ne remplissant pas les conditions posées par la directive, cette pratique n’a pu être qualifiée de déloyale, et a donc été validée par les juges d’appel. D’autres décisions ont condamné des ventes liées en procédant à une analyse conforme à la directive en mettant en avant le fait que l’intérêt du consommateur s’opposait à la validation de la vente liée. C’est le cas de la décision de la Juridiction de Proximité de Lorient du 27 août 2009 sur l’affaire où un consommateur mettait en cause la société Asus35, et dans laquelle les juges ont confirmé l’interdiction de la vente liée pratiquée par Asus en affirmant que la lourdeur de la désinstallation du logiciel suffisait à ce que les deux produits constituent un lot interdit comme étant contraire à l’intérêt du consommateur, car : « l’intérêt du consommateur se trouverait dans la mise en place d’un système d’optionalité des logiciels». En effet, cette décision s’appuie sur le raisonnement de la directive pour condamner la pratique en affirmant que l’intérêt du consommateur ne va pas dans le sens de la pratique parce que celle-ci contraint le choix du consommateur, constituant ainsi une altération substantielle du comportement du consommateur, ce qui la rend la déloyale selon la directive. De la même manière, l’arrêt 34 35 CA Paris, 26 nov. 2009, SAS DARTY et Fils c/ UFC Que Choisir : JurisData n° 2009-015350 T. prox. Lorient, 27 Août 2009, Magnien c/Asus 47 de la Juridiction de Proximité de Toulouse en date du 20 mai 2011 dans l’affaire opposant un consommateur à la société Dell36 admet que ce sont bien deux produits distincts et que la subordination de l’achat de l’un à l’achat de l’autre sans possibilité de résilier indépendamment l’achat du logiciel constitue une pratique déloyale au sens de la directive. Le contrat proposé au consommateur est donc de nature à nuire à sa liberté de choix, ce qui est contraire à son intérêt. La nouvelle méthode a donc permis aux juridictions de remettre la question de l’intérêt du consommateur au cœur de l’analyse de la déloyauté. Elle va cependant encore plus loin en faisant de la notion de « consommateur moyen » la mesure de la déloyauté du comportement du professionnel. §2 : La mesure du comportement déloyal : le « consommateur moyen » L’une des grandes innovations de la directive 2005/29/CE est l’introduction d’un concept abstrait tel que le « bon père de famille » dans le droit de la consommation : la notion de « consommateur moyen » (A). Cette notion est, dans la directive, le point de référence selon lequel on apprécie la légalité d’une pratique commerciale (B). A) L’introduction par la directive 2005/29/CE de la notion de consommateur moyen Dans de nombreuses dispositions visant à donner des définitions des pratiques légales et illégales, la directive se réfère abondamment à la notion de consommateur moyen, qu’elle utilise comme référence. Le considérant 18 explique cette notion de manière plus détaillée, en énonçant que même si l’objectif fixé par la directive est de protéger tous les consommateurs contre les pratiques déloyales, elle a cependant jugé nécessaire d’évaluer leur effet néfaste sur un « consommateur typique fictif ». La 36 Jur. proximité Toulouse, 20 mai 2011, n° 91-09-000641, M. V. c/ SA Dell 48 directive fait à ce stade référence au principe de proportionnalité cher au droit européen comme on l’a évoqué au Chapitre 1 (p.21), pour justifier cette approche. Le but est de fonder la condamnation d’une pratique non pas sur la question de savoir si elle a effectivement causé un tort à un consommateur en particulier, mais il s’agit plutôt de mettre un modèle abstrait en fonction duquel on évalue toute pratique. L’idée est de ne pas condamner une pratique pour la simple raison qu’un consommateur s’est estimé lésé en vertu des dispositions de la directive, ni de considérer comme valide toutes les pratiques contre lesquelles aucun consommateur ne se sera élevé : on veut trouver un juste milieu, et éviter à la fois les condamnations trop légères et la légitimation généralisée de pratiques nocives. Le considérant 18 précise donc de manière générale les caractéristiques du consommateur moyen. Celui-ci doit être « normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques ». Cette définition du consommateur moyen est vague, ce qui correspond à la souplesse de la notion et au fait qu’il faille qu’elle s’adapte aux contextes respectifs des différents Etats Membres. De plus, les instances de l’Union Européenne marquent ici leur volonté de ne pas protéger in abstracto le consommateur parce qu’il est consommateur, mais plutôt de protéger un consommateur qui a cherché à s’informer, et qui a un cheminement de pensée rationnel. Il faut donc que le consommateur n’ait pas, pour ainsi dire, bien voulu se laisser berner. Il ne doit pas avoir été trop crédule, et la décision qu’il a prise au vu des informations dont il disposait ou au vu de la situation où il se trouvait doit paraître sensée, et doit être celle qu’un consommateur raisonnable aurait pu prendre dans un cas similaire. On ne souhaite pas surprotéger les consommateurs à la manière des législations paternalistes évoquées au Chapitre 1, donc on ne protègera pas, au-delà du consommateur moyen, un consommateur particulièrement négligent ou inconsidéré, et on ne condamnera pas les pratiques qui n’étaient susceptible de nuire qu’à ce type-là de consommateurs. On pourra citer à titre d’exemple un arrêt de la Cour d’Appel de Paris de 2007 opposant l’association de consommateurs UFC Que Choisir à la Société Unilever France37, concernant l’allégation de publicité trompeuse au sujet des propriétés du produit de cette dernière. En effet, elle commercialisait les produits Fruit d’Or Pro activ en indiquant qu’ils permettaient de lutter contre le cholestérol alors que ce n’était 37 Cour d'appel Paris Chambre 25, section A 16 Novembre 2007 N° 06/13276 UFC QUE CHOISIR / MAAF ASSURANCES 49 pas strictement le cas. La Cour d’Appel de Paris a cependant relaxé la société Unilever aux motifs que « le message, axé sur le traitement diététique -étant relevé qu'il n'est pas contesté que la prise en charge de la réduction du taux de cholestérol s'appuie notamment sur un régime alimentaire adapté - ne pouvait laisser penser au consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé que la seule consommation de produits Fruit d'Or Pro.activ était de nature à faire baisser son taux de cholestérol ». Ainsi, la Cour déboutera l’UFC de sa demande aux motifs que le consommateur moyen devait bien savoir que l’information n’était pas à prendre au pied de la lettre. De plus, cette notion est adaptable, aux termes du considérant 18, puisque pour protéger un groupe particulier identifiable (la directive cite expressément l’exemple des enfants), il faut se référer au consommateur moyen de ce groupe en particulier. Le considérant 18 précise tout de même : « La notion de consommateur moyen n’est pas une notion statistique. Les juridictions et les autorités nationales devront s’en remettre à leur propre faculté de jugement, en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de Justice, pour déterminer la réaction typique du consommateur moyen dans un cas donné. » En réalité, les juges ont une certaine marge de manœuvre quant à l’appréciation du consommateur moyen, ils doivent se référer aux décisions qu’il serait éclairé de prendre pour un consommateur, et pas forcément ce que fait la majorité des consommateurs. C’est au juge national de se mettre dans la situation de ce qu’il estime être le consommateur moyen dans son propre Etat en fonction comme on l’a dit des facteurs sociaux, linguistiques etc, pour pouvoir déterminer si la pratique est déloyale ou non. Le but est de chercher un modèle adaptable aux circonstances mais assez stricte pour que les valeurs défendues par la directive, et particulièrement l’honnêteté des professionnels, soient protégées par le juge. La directive introduit la notion de consommateur moyen pour en faire la mesure de la déloyauté des pratiques commerciales. 50 B) Le consommateur moyen, référentiel de la déloyauté d’une pratique commerciale Selon ce texte du Conseil, l’analyse du caractère déloyal en général doit se faire en répondant à la question de savoir si la pratique mise en œuvre était de nature à « altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen», selon l’article 5.2. b) ; l’action trompeuse est, quant à elle, une pratique « susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen » en vertu de l’article 6.1 et une omission trompeuse est constituée lorsque le professionnel « omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin », selon l’article 7.1. De même, une pratique commerciale est réputée agressive en vertu de l’article 8 de la directive lorsqu’elle « altère ou est susceptible d’altérer de manière significative (…) la liberté de choix du consommateur moyen.» Ceci démontre l’omniprésence du référentiel du consommateur moyen dans les différentes définitions des pratiques déloyales selon la directive. En effet, ce qui ressort de quasiment toutes les dispositions de la directive, c’est qu’une pratique commerciale est déloyale dès lors qu’elle trouble la liberté du consommateur moyen de prendre une décision commerciale en connaissance de cause. C’est avant tout ce critère qui détermine le caractère déloyal d’une pratique, autant pour la pratique trompeuse que pour la pratique agressive et pour la pratique déloyale en fonction des critères posés par l’article 5.2. On doit, pour procéder à cette qualification, se demander principalement si un consommateur qui aurait pris ses précautions pour bien être informé, et qui aurait fini par prendre sa décision au regard des informations dont il disposait, aurait été susceptible d’arriver à une fin qu’il n’avait pas désirée au départ. Il apparaît donc que la déloyauté ne se mesure pas, même lorsqu’il s’agit de protéger la concurrence sur un marché et les différents concurrents, en fonction du fait que le comportement reproché attaque directement les autres professionnels, mais au contraire elle se mesure systématiquement en fonction de l’effet de la pratique sur le consommateur moyen. A ceux qui se sont élevés contre la directive au motif qu’elle défend davantage la concurrence que les consommateurs, on doit donc répondre que le consommateur a dans tous les cas la place principale dans l’appréciation de la déloyauté : s’il n’était pas le destinataire direct des dispositions en cause, il en resterait pourtant l’objet. Même dans l’annexe qui ne donne pas de critères d’appréciation de l’interdiction et cite simplement 51 les pratiques déloyales per se, on constate que les pratiques répertoriées constituent toutes des manières de léser le consommateur. On pourra citer comme exemple tiré de l’annexe 1 de la directive, intitulé « Pratiques réputées déloyales en toutes circonstances » : « 15) Déclarer que le professionnel est sur le point de cesser ses activités ou de les établir ailleurs alors que tel n’est pas le cas. 16) Affirmer d’un produit qu’il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard. 17) Affirmer faussement qu’un produit est de nature à guérir des maladies, des dysfonctionnements ou des malformations. 18) Communiquer des informations factuellement inexactes sur les conditions de marché ou sur les possibilités de trouver le produit, dans le but d’inciter le consommateur à acquérir celui-ci à des conditions moins favorables que les conditions normales de marché. 19) Affirmer dans le cadre d’une pratique commerciale qu’un concours est organisé ou qu’un prix peut être gagné sans attribuer les prix décrits ou un équivalent raisonnable. » Cette directive accorde donc une place prépondérante à l’intérêt du consommateur surtout dans sa liberté de faire un choix commercial en connaissance de cause : c’est le fait qu’une pratique soit contraire à l’intérêt du consommateur qui la rend déloyale. De ce point de vue, elle présente une amélioration de la situation du consommateur puisque son bien-être devient la préoccupation principale lorsqu’il s’agit de condamner les pratiques, ce qui n’était pas le cas des anciens textes de droit interne incriminant les ventes liées et les ventes avec prime qui se contentaient de définir une infraction, et laissaient au juge le soin de condamner systématiquement quand la qualification correspondait aux dispositions. Depuis la directive, on a remis l’intérêt du consommateur au cœur des considérations relatives à la déloyauté des pratiques commerciales, pour être plus en adéquation avec ses besoins sans avoir une approche paternaliste qui l’empêcherait par principe de consentir à participer à certains contrats. 52 C’est en cela qu’est très utile le concept de consommateur moyen, qui permet de réguler l’intensité de la déloyauté en n’accordant pas de protection particulière pour les consommateurs qui auraient pris des décisions commerciales à la légère ou de manière déraisonnable, sans chercher les informations pertinentes pour contracter. La création et la consolidation d’un véritable marché intérieur au sein de l’Union Européenne demande un droit qui puisse appréhender au mieux les différentes situations économiques. Le droit de la concurrence été modifié pour s’adapter aux cas concrets qu’il a pour objet de régir, et il était normal que le droit de la consommation, qui a luimême un impact sur le marché, suive cette évolution. La directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales opère ce changement de méthode notamment pour l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes en les conditionnant à la qualification de la déloyauté pour chaque pratique en particulier. L’harmonisation est favorable à la concurrence car elle unifie le droit du marché créant une plus grande confiance pour les différents opérateurs. La directive bénéficie également au consommateur puisqu’elle reprend le but de protection du consommateur, et parce que la nouvelle méthode d’analyse qu’elle impose permet au juge de décider en fonction de l’intérêt du consommateur. La répression des ventes liées et des ventes avec primes n’est toutefois pas abolie, et la directive autorise leur interdiction à titre d’exception dans les conditions qu’elle prévoit. 53 PARTIE II : L’exception à la légalité : la possibilité de condamner les ventes liées et les ventes avec primes lorsqu’elles sont déloyales au sens de la directive Bien que la vente liée et de la vente avec prime en France ne soient plus, depuis la directive de 2005, des pratiques interdites en soi et sur le seul fondement du code de la consommation, elles peuvent toujours faire l’objet de condamnations au cas par cas. La question à laquelle doivent répondre les juridictions pour statuer sur la licéité de ces pratiques n’est plus celle de savoir si les pratiques remplissent les conditions d’incrimination des articles L 122-1 et L 121-35, mais celle de savoir si ces pratiques remplissent les critères de la déloyauté posés par la directive et détaillés par la jurisprudence, ce qui déterminera leur choix soit dans le sens de la condamnation soit dans celui de la validation. Pour les pratiques qui ne sont pas listées à l’annexe 1 de la directive comme c’est le cas de la vente liée et de la vente avec prime déloyale selon l’arrêt VTB VAB de la Cour de Justice, la déloyauté s’analyse d’abord en se demandant si les pratiques en question constituent des pratiques trompeuses décrites aux articles 6 et 7 ou encore des pratiques agressives définies aux articles 8 et 9. A défaut d’être qualifiées comme telles, ces pratiques ne pourront être jugées déloyales et donc ne pourront interdites que si elles rassemblent les deux conditions cumulatives posées à l’article 5. 2) de la directive. Même si les décisions de la Cour de Justice des Communautés Européennes imposent de suivre ces trois étapes de raisonnement, la doctrine et les juges français ont eu tendance à considérer que les ventes liées et les ventes avec primes sont plus susceptibles d’appartenir à cette dernière catégorie, et à les évaluer surtout en fonction des deux conditions de l’article 5.2). Cela peut s’expliquer par le fait que les articles 6 à 9 décrivent des comportements assez spécifiques38, et qu’ils ne semblent pas prévus pour englober les pratiques qui nous occupent. En effet ces pratiques se réfèrent explicitement à des procédés très offensifs pour le consommateur, qui, en se référant à la contrainte par exemple (article 8) et touchent directement la validité du consentement, 38 Voir les textes de ces articles dans la directive reproduite en annexe 1 de ce document p.94 54 alors qu’on n’associe pas immédiatement cet aspect-là à l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes. Il paraît donc plus intéressant d’analyser dans un premier temps les conditions de la déloyauté pour les pratiques non trompeuses et non agressives (Chapitre 1), pour ensuite s’attarder sur la contestation de la légalité de principe de ces pratiques (Chapitre 2). 55 Chapitre 1 : La déloyauté au sens de la directive : la condition de la condamnation des pratiques de vente liée et de vente avec prime L’article 5.2) de la directive, transposé en droit français à l’article L 120-1 du Code de la Consommation, pose les deux conditions cumulatives pour que les pratiques qui ne sont ni trompeuse ni agressive en vertu des articles 6 à 9 puissent être condamnées comme pratiques commerciales déloyales. On évalue d’une part le comportement du professionnel, qui doit avoir commis un manquement à la diligence professionnelle (section 1) et d’autre part l’effet de la pratique sur le consommateur, puisqu’elle doit être susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement du consommateur moyen (section 2). Section 1 : La condamnation de pratiques contraires à la diligence professionnelle (article 5.2 a) La directive donne des éléments de définition complétés par la jurisprudence européenne et interne, qui ont permis de distinguer deux formes de manquements à la diligence professionnelle : le non-respect des règles liées à l’exercice de la profession (§1) et l’absence de respect du consommateur (§2). §1 : Le non-respect des règles liées à l’exercice de la profession La directive elle-même donne des éléments d’appréciation de la pratique par rapport à l’exigence de diligence professionnelle. En effet, l’article 2 de la directive 2005/29/CE prend soin de définir les termes qu’elle utilise, et l’article 2.h) établit que la diligence professionnelle s’évalue : «conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité ». Cette définition 56 reflète l’idée que l’on va s’attacher, pour déterminer la déloyauté d’un comportement, au degré de compétence dont le professionnel a fait preuve et à son honnêteté compte tenu de l’activité exercée. Il s’agit pour le professionnel, selon les termes employés par cette directive, de respecter l’intégrité dans les pratiques commerciales en fonction de son domaine d’activité. Cette définition donne l’idée générale, c’est-à-dire celle que le professionnel doit respecter un certain nombre de règles, pas nécessairement écrites, et relatives à l’exercice de sa profession en particulier. Elle est cependant très large et ne donne que l’esprit global de ce qui est réprimé, sans donner de description précise du comportement prohibé. C’est là encore la marque qu’on laisse une place importante à l’appréciation jurisprudentielle, de manière à être au plus près de la réalité de l’infraction et à ne poser d’interdictions générales que pour les pratiques précisément définies dans l’annexe 1. La doctrine ainsi que la jurisprudence interne et européenne ont eu l’occasion de préciser la teneur de la notion de diligence professionnelle. Le professeur Guy Raymond en délimite les contours en se référant aux règles régissant l’exercice des professions commerciales. Il écrit dans le Jurisclasseur de mai 200839: « Le manquement à la diligence professionnelle s'appréciera par rapport à la déontologie professionnelle. Il s'agira du non-respect de règles, écrites ou non écrites, auxquelles les professionnels se conforment habituellement. » En premier lieu donc, il s’agira de rechercher si le comportement du professionnel n’est pas contraire au « code de déontologie » qui régit sa profession. Ces codes de déontologie sont en principe des textes publiés par décret et régissant l’exercice de professions particulières telles que celle d’architecte, de sage-femme, de chirurgien-dentiste, etc. On constate cependant que les professions ainsi réglementées ne sont pas celles susceptibles de se livrer à des pratiques commerciales, et notamment des ventes, comme le seraient des distributeurs. En revanche, en ce qui concerne les professions commerciales, il existe des organisations professionnelles rassemblant certains types de commerçants, qui possèdent des règles internes appelées «code de déontologie », « code de bonne 39 JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 900 : PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES ET AGRESSIVES > I. - Principes généraux gouvernant les pratiques commerciales déloyales Cote : 05,2008Date de fraîcheur : 15 Novembre 2008 B. - Déloyauté de la pratique commerciale 57 conduite » ou « code professionnel », mais ne présentant pas de caractère légal ni réglementaire. On peut notamment citer le Code de déontologie de la fédération de la vente directe, le Code professionnel de la vente à distance établi par la Fédération des entreprises de ventes à distance, le Code de déontologie du marketing téléphonique, ou encore le Code de déontologie publicitaire de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP). Même s’ils n’ont pas de valeur légale, ces « codes » ont leur importance puisqu’ils uniformisent la conduite des professionnels dans certains domaines et leurs règles sont souvent assorties de sanctions disciplinaires internes à l’organisation. On constate qu’aucun de ces textes n’impose en tant que telle une interdiction des ventes liées ou des ventes avec primes, sans doute parce que cette interdiction figurait depuis longtemps et dans des termes clairs dans le Code de la Consommation. On remarquera cependant que le « Code sur les pratiques de publicité et de communication commerciale » de la Chambre de Commerce Internationale de Paris40 qui fait partie des réglementations générales régulant les membres de l’ARPP, est entièrement rédigé dans la préoccupation de la perception donnée par le professionnel au consommateur. Il prend soin de définir dans son article 7 le terme « gratuit » dans une offre commerciale comme caractérisant exclusivement une offre qui « n’implique aucune obligation de quelque nature que ce soit; ou lorsque l’unique obligation est le paiement de frais d’expédition et de traitement, pour un montant n’excédant pas les coûts estimés à exposer par le professionnel de la communication ; ou en conjonction avec l’achat d’un autre produit, à condition que le prix de ce produit n’ait pas été augmenté afin de couvrir tout ou partie du coût de l’offre ». Ici, on reconnait l’interdiction de présenter au consommateur un produit ou un service comme étant gratuit alors qu’il paye en réalité le produit par son achat, ce qui est également ce que l’on cherche à éviter par l’interdiction de la vente avec prime. Cet argument pourrait servir à caractériser la vente avec prime comme étant contraire à la diligence professionnelle lorsqu’elle intègre une partie du prix de la prime au prix total de l’achat, et constituer ainsi, pour les professionnels liés à ce « code », un pas vers la condamnation de la vente avec prime en tant que pratique commerciale déloyale. 40 Code ICC Consolidé sur les pratiques de publicité et de Communication Commerciale, Document No. 24046/660, Août 2011 58 La directive donne une place importante à ces codes de conduite dans l’évaluation de la loyauté des pratiques commerciales, et les définit à l’article 2 f) comme étant : « un accord ou un ensemble de règles qui ne sont pas imposés par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives d’un État membre et qui définissent le comportement des professionnels qui s’engagent à être liés par lui en ce qui concerne une ou plusieurs pratiques commerciales ou un ou plusieurs secteurs d’activité ». Dans son considérant 20, le texte exprime la volonté du législateur européen de voir inscrites dans ces codes de conduite des règles rappelant l’interdiction d’exercer des pratiques commerciales déloyales, ainsi que l’intention de prendre en considération ces codes dans la détermination de la diligence professionnelle dans les différents cas : « Dans les secteurs dans lesquels le comportement des professionnels est soumis à des exigences contraignantes spécifiques, il convient que celles-ci soient également prises en considération aux fins des exigences en matière de diligence professionnelle dans le secteur concerné ». A l’heure actuelle, les associations professionnelles en France n’ont pas véritablement mis l’accent sur les pratiques commerciales déloyales, ni sur les ventes liées et les ventes avec primes. Enfin, le professeur Guy Raymond indique qu’à titre subsidiaire, on définit la diligence professionnelle quant aux usages de la profession, soit aux règles non écrites suivies par des personnes exerçant des professions déterminées qu'elles considèrent obligatoires pour régler leurs transactions. La Cour de Cassation énonce, dans un arrêt du 17 janvier 199641 concernant la tromperie, que : « les juges du fond ont tout pouvoir pour reconnaître ou dénoncer l'existence d'un usage ». Selon M. Raymond, on pourrait donc évaluer la conformité d’une pratique à la diligence professionnelle en fonction de son appartenance à un usage de la profession concernée. Ces propos doivent cependant être nuancés dans le sens où une pratique, fut-elle généralisée, n’en perd pas pour autant son caractère déloyal si celui-ci est démontré par ailleurs. De même, le fait qu’une pratique soit au contraire innovante et très peu répandue n’en fait pas pour autant une pratique contraire à la diligence professionnelle. C’est en effet ce que rappelle le professeur Marie Malaurie-Vignal dans son 41 Cass. crim., 17 janv. 1996 : Bull. crim. 1996, n° 30 ; JurisData n° 1996-001042 59 commentaire42 de l’arrêt de la Cour de Cassation du 15 novembre 2010 dans le cadre de l’affaire Lenovo : « La Cour de cassation, le 13 juillet 2010, a considéré que l'adoption par des concurrents de pratiques similaires n'est pas de nature à retirer à la pratique son caractère déloyal. À l'inverse, une pratique inédite peut être déloyale. L'essentiel est de procéder à une analyse concrète du comportement du professionnel ». Dans l’affaire Orange Sports43 à laquelle elle se réfère, les concurrents d’Orange invoquaient l’argument que le caractère inédit de la pratique la rendait contraire à la diligence professionnelle en verrouillant le marché des offres de triple play. La Cour a donc rappelé, à juste titre, que la diligence professionnelle ne s’arrête pas à l’harmonisation des comportements, car cela aurait justement pour effet d’empêcher l’innovation sur un marché. En pratique cependant, on notera que les juges français ont très peu fait référence à ces règles régissant l’exercice d’une profession pour condamner une pratique comme étant contraire à la diligence professionnelle, notamment en ce qui concerne la vente liée. En effet, non seulement ces « codes » et usages n’ont, pour la plupart, pas suivi les recommandations de la directive selon lesquels ils devraient inclure des éléments relatifs à la déloyauté des pratiques commerciales, mais aussi il apparaît que les juges ont tendance à déterminer eux-mêmes au cas par cas les comportements répréhensibles. Ainsi, ils accordent une importance toute particulière à la question du respect du consommateur par le professionnel. §2 : L’absence de respect du consommateur L’article 2h) de la directive définit également la diligence professionnelle comme étant « le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement sensé faire preuve vis-à-vis du consommateur ». On retrouve ici l’idée 42 Contrats Concurrence Consommation n° 1, Janvier 2011, comm. 9 : Conditions d'interdiction des ventes liées, Commentaire par Marie MALAURIE-VIGNAL sur l’arret LENOVO 1è civ 15 nov 2010 43 Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-15.304 et 09-66.970, FS-P+B, Free et SFR c/ France Télécom, Orange sports et Ligue nationale de football : JurisData n° 2010-011628 60 de protection du consommateur, et l’idée que le consommateur est la mesure de la déloyauté du comportement. La définition de la diligence professionnelle se construit donc également autour du respect du consommateur. Cet élément va dans le sens de la condamnation du comportement de professionnels qui consisteraient à ne pas donner au consommateur les informations nécessaires pour qu’il puisse faire son choix dans de bonnes conditions. Cet élément de définition est, là encore, relativement vague. On peut légitimement se demander ce que le législateur européen entend par «la compétence spécialisée et les soins ». Ceci laisse une place conséquente à l’interprétation des juges du fond qui sont les plus à même de vérifier la coïncidence entre le texte et l’espèce concrète à laquelle ils sont confrontés. C’est donc dans la jurisprudence et surtout dans les conclusions de l’avocat général sur diverses affaires de la Cour de Justice de l’Union Européenne que l’on trouve des ébauches de définitions. Dans le cadre de l’affaire « Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV », l’Avocat Général Madame V. Trstenjak de la Cour de Justice des Communautés Européennes précise la notion de diligence professionnelle en se rapportant à l’effet potentiel de la pratique sur le consommateur, dans ses conclusions rendues le 3 septembre 200944. En l’espèce, il s’agissait d’une législation allemande prévoyant une interdiction générale des concours et des jeux promotionnels avec obligation d’achat, et ne subordonnant pas la condamnation à une appréciation casuistique. Alors que cette disposition courrait le risque d’être jugée contraire à la directive, l’avocat général développe la définition à son sens de la diligence professionnelle en affirmant que ce qui rend contraire à la diligence professionnelle ces pratiques interdites par la loi allemande, c’est le fait que l’association de la promotion des ventes et de la perspective de gains d’un jeu peut être de nature « à éveiller la passion du jeu », comme elle le souligne dans le point 93 de ses conclusions. En effet, madame Trstenjak affirme dans le même point qu’« une telle pratique commerciale ressortit à certains égards à de la manipulation et peut, dans certaines circonstances, constituer une violation de la diligence professionnelle. » Le terme fort « manipulation » employé par elle affirme 44 Conclusions de l’avocat général Trstenjak présentées le 3 septembre 2009. Cour de Justice des Communautés Européennes 3 septembre 2009 C‑304/08, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV c/ Plus Warenhandelsgesellschaft mbH 61 l’idée que ce qui est contraire à la diligence professionnelle, c’est le fait d’utiliser des faiblesses du consommateur pour l’inciter à consommer. Loin de cantonner le manquement à la diligence professionnel à une véritable volonté de la part de l’auteur de la pratique de nuire au consommateur, l’avocat général Trstenjak donne d’autres éléments définissant le manquement à la diligence professionnelle en envisageant l’attitude globale du professionnel au cours de la transaction, dans le contexte d’une autre affaire « Jana Pereniová et Vladislav Pereni c/ SOS financ spol »45. L’espèce est assez éloignée des questions qui nous occupent, puisqu’il s’agit de l’annulation en Slovaquie d’un contrat de crédit à la consommation dans son ensemble alors que seules certaines clauses avaient un caractère déloyal. La détermination de la déloyauté de ces clauses passait cependant par la démonstration d’un manquement à la diligence professionnelle, ce qui a donné à l’avocat général l’occasion compléter la définition de cette dernière. Elle rappelle dans ce contexte la raison pour laquelle le consommateur doit être protégé, c’est-à-dire sa position de faiblesse par rapport au professionnel, surtout pour ce qui est de sa possibilité réduite de négocier, et des informations dont il dispose sur le produit ou le service qui est l’objet du contrat et qui est proposé par le professionnel. Pour ces raisons, elle déclare qu’ : « il est permis d'attendre d'un professionnel qu'il (…) accorde un soin particulier à ses relations avec un consommateur, d'autant plus que ce dernier doit se fier à l'expertise du professionnel». La diligence professionnelle se mesure donc en fonction de l’expertise dont l’auteur de la pratique aura fait preuve face au consommateur. On comprend par là qu’il doit l’informer de manière claire, précise et adéquate par rapport à ses besoins, et ce pour combler justement l’écart entre le manque d’information du consommateur sur le produit et la bonne connaissance que doit justement en avoir un professionnel qui le propose à la vente. S’il ne donne pas les informations nécessaires ou s’il n’en a lui-même pas connaissance, il commet un manquement à la diligence professionnelle. Cette dernière peut donc être définie comme étant un comportement à adopter vis-à-vis du consommateur, conformément à ce qui a été cité : le professionnel doit être honnête et compétent au moment de dispenser les informations. En termes de décisions jurisprudentielles, seules quelques-unes s’attardent à expliquer en quoi un comportement est effectivement contraire à la diligence 45 Conclusions de l'avocat général Trstenjak présentées le 29 novembre 2011. Cour de justice de l’Union Européenne 29 novembre 2011 C-453/10 Jana Pereniová et Vladislav Pereni c/ SOS financ spol 62 professionnelle. Beaucoup ne relèvent que les termes de la directive sans les approfondir à la manière de l’avocat général. On trouve cependant certaines décisions qui, dans leur description précise des faits suivies des appréciations qui en découlent, affinent l’image de la diligence professionnelle dans le sens de la protection du consommateur. En effet, dans un domaine bien distinct de celui des ventes liées et des ventes avec primes, on retrouve l’idée de la mauvaise information du consommateur dans l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 20 Novembre 2009 « S.A.S. Cema / S.A.S. Unilever France »46. Dans cette décision, les juges du fond établissent que le fait qu’une pratique « consiste à affirmer faussement qu'un produit est de nature à guérir des maladies, des dysfonctionnements ou des malformations » la rend contraire à la diligence professionnelle. Là encore, et même si cette affirmation est grave au point sans doute de constituer avant tout une pratique trompeuse prohibée en toutes circonstances, on retrouve ici l’idée qu’une pratique est contraire à la diligence professionnelle lorsque son auteur n’a pas eu le rôle d’information avec la rigueur qui est attendue de la part d’une personne de sa qualité, sensée en savoir plus que le consommateur sur les produits qu’elle propose à la vente. Pour ce qui est des décisions relatives à la vente liée, la Cour d’Appel de Versailles dans son arrêt du 5 Mai 201147 énumère dans son argumentation les faits qui rapprochent le comportement reproché d’une pratique commerciale déloyale de par son manque de diligence professionnelle. Il s’agit d’une affaire concernant la vente d’ordinateurs avec logiciels préinstallés, dans laquelle s’opposaient l’association UFC Que Choisir et la société Hewlett-Packard France. L’association de consommateurs accusait HP de commettre le délit de vente liée tout en présentant la vente d’un ordinateur avec son logiciel comme la vente d’un seul produit. La Cour d’Appel condamnera HP à afficher le prix des logiciels, au motif que la pratique est déloyale au sens de la directive car contraire à la diligence professionnelle, du fait de la négligence du professionnel quant aux besoins d’information du consommateur : « Considérant que la vente par la société HEWLETT PACKARD FRANCE sur son site ouvert aux particuliers: http//welcom.hp.com/country/fr/fr/welcom.Html d'ordinateurs avec des 46 Cour d'appel Paris Chambre 25, section B 20 Novembre 2009 N° 06/18824 S.A.S. CEMA, société ayant absorbé la société CEMA S.A.S. UNILEVER France (Inédit) 47 Cour d'appel Versailles Chambre 3, 5 Mai 2011 N° 09/09169 Union Federale des Consommateurs - QUE CHOISIR 'UFC QUE CHOISIR' c/ S.A.S. HEWLETT-PACKARD FRANCE 'HP FRANCE', ASSOCIATION DE DROIT DU MARKETING 63 logiciels pré installés sans mention du prix que représentent les logiciels et sans possibilité d'y renoncer avec déduction du prix correspondant à la licence, est contraire aux exigences de la diligence professionnelle eu égard aux possibilités techniques actuelles ». Cet arrêt montre encore que c’est en fonction des possibilités offertes au consommateur que l’on mesure la diligence professionnelle. Dans ce cas, ce manque d’information a justifié une condamnation du vendeur pour la pratique commerciale déloyale de vente liée ; on en déduit que dans les cas où la vente subordonnée de deux produits comporte une lacune dans l’information au consommateur, la pratique pourrait être considérée comme contraire à la diligence professionnelle, ce qui n’est cependant pas une caractéristique générale de ce type de ventes. On suppose donc que peu de ventes liées seront contraires à la diligence professionnelle évoquée dans ces termes, ce qui les rend difficilement déloyales au sens de la directive. L’exigence de diligence professionnelle est donc matérialisée d’une part, par l’exigence du respect des règles régissant la profession (tels que les codes de déontologie, les codes de bonne conduite ou les usages professionnels) et, d’autre part, par celle d’un comportement respectueux et informatif à l’égard du consommateur. Elle n’est cependant que l’une des deux conditions cumulatives à la qualification de la déloyauté d’une pratique commerciale. La deuxième condition de la déloyauté selon l’article 5.2b) de la directive et de l’article L 120-1 du Code de la Consommation est le fait qu’elle « altère ou soit susceptible d’altérer substantiellement le comportement économique du consommateur moyen ». Section 2 : La condamnation de pratiques susceptibles d’altérer substantiellement le comportement économique du consommateur moyen (article 5. 2.b) L’expression est définie à l’article 2 e) de la directive, comme étant : « l’utilisation d’une pratique commerciale compromettant sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ». Cet élément est très représentatif de la volonté générale de la directive d’interdire les 64 pratiques en fonction de leurs conséquences sur la liberté de choix du consommateur (§1). Cette manière d’appréhender le critère de l’altération du comportement du consommateur le rapproche en réalité des questions relatives au vice du consentement en droit civil (§2). §1 : La faculté pour le consommateur de faire son choix en connaissance de cause En observant les commentaires de la doctrine ainsi que les motifs des décisions judiciaires concernant le critère de l’altération du comportement, on note qu’il est souvent assimilé à l’idée du défaut d’information dispensée au consommateur, ou même à la présence d’éléments trompeur parmi les informations données (A), en excluant de la définition les conceptions plus larges (B). A) Une dispense d’information de nature à tromper le consommateur sur le produit A l’analyse des jurisprudences qui développent ce que l’on entend par « altération substantielle du comportement économique de consommateur », on constate que c’est une notion assez proche de la tromperie. En effet, les juges assimilent l’idée que le comportement économique ait été altéré à l’idée que les informations données au consommateur étaient fausses ou insuffisantes pour qu’il puisse « faire son choix en connaissance de cause ». C’est donc du côté des informations précontractuelles qu’il va désormais falloir se tourner pour vérifier si une vente liée ou une vente avec prime constitue une pratique déloyale au sens de la directive, et donc pour savoir si elle est condamnable. Dans certaines affaires ne concernant pas spécifiquement la vente liée ou la vente avec prime, on trouve en effet ce rapprochement. C’est notamment le cas dans l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 25 Mai 2011 opposant la société Herta au 65 Syndicat des labels porc et industrie Sylaporc 48, où il avait été jugé que le mauvais emploi du terme « label » constituait une altération substantielle du comportement économique du consommateur. Le « label » est défini par le Code Rural comme étant : « une marque spéciale créée par un syndicat professionnel et apposée sur un produit destiné à la vente pour en certifier l'origine et les conditions de fabrication ». En l’espèce, la société Herta avait utilisé ce terme pour décrire ses produits, en le combinant aux mentions « Charte de qualité » et « contrôlé par un organisme indépendant » dans un encart publicitaire, alors que les produits en questions ne disposaient pas réellement d’un label tel que défini ci-dessus. La société accusée fut condamnée pour concurrence déloyale et parasitaire envers le syndicat Sylaporc regroupant les professionnels de la charcuterie, demandeur, aux motifs que : « [ses agissements ont été] de nature à altérer de manière substantielle le comportement du consommateur final en induisant en erreur ce dernier sur la qualité du produit litigieux, cette présentation pouvant lui laisser faussement croire à un produit bénéficiant d'un label dans les conditions susvisées », aux termes de la décision. C’est donc avant tout parce que l’indication induisait le consommateur en erreur quant aux qualités du produit que l’on a considéré que la pratique altérait le comportement du consommateur. Il s’agit donc d’une information destinée à tromper le consommateur sur le produit, et à rendre ce dernier plus attractif en exagérant ses qualités. Une autre décision de la Cour d’Appel de Paris datant du 28 septembre 2011 et concernant la Société Anonyme Leguide49, qui a pour objet le référencement sur ses sites internet des produits de différents vendeurs. Dans cette affaire, les juges du fond ont estimé que le fait de faire apparaître prioritairement les produits des sociétés qui l’avaient spécialement rémunéré dans ce but sans l’indiquer au consommateur était selon l’arrêt « susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur qui est orienté d'abord vers les produits et offres des e.marchands 'payants' et ne dispos[ait] pas ainsi de critères objectifs de choix ». Ainsi, on attache là encore une importance à la faculté du consommateur de faire un choix en connaissance de cause. En l’espèce, le consommateur ne savait pas quel critère 48 Cour d'appel Paris Pôle 5, chambre 4, 25 Mai 2011 N° 08/24218 S.A.S. HERTA c/ SYNDICAT DES LABELS PORC ET CHARCUTERIES – SYLAPORC Numéro JurisData : 2011-014195 49 Cour d'appel Paris Pôle 5, chambre 10, 28 Septembre 2011 N° 10/08374 S.A. LEGUIDE.COM c/ S.A.R.L. PEWTERPASSION.COM (ETAINPASSION.COM), S.A.R.L. SAUMON'S (ETAINS DU CAMPANILE) (Inédit) 66 gouvernait l’ordre d’apparition des produits dans le tableau de référencement : il était automatiquement poussé vers ces produits, et pouvait penser que le critère était la qualité, la demande, ou d’autres. Si on l’informait du critère réellement utilisé, il serait probablement plus enclin à consulter les références suivantes. Ici, les juges demandent à ce que l’on dote le consommateur de critères objectifs de choix : c’est l’idée qu’on ne doit pas l’induire en erreur par les informations qu’on lui donne ou au contraire par l’omission de l’informer. On se rapproche donc à nouveau de la tromperie. Pour ce qui est du domaine de la vente liée, l’arrêt de la Juridiction de Proximité de Lorient du 27 août 2009 pour l’affaire opposant un consommateur à la société Asus50 donne également des détails pour la définition en ce sens de l’altération du comportement économique. En effet, le juge de proximité a jugé en l’espèce que le fait de ne pas avoir indiqué clairement que les ordinateurs étaient pré-équipés de logiciels, de ne pas avoir indiqué leur prix et de ne pas avoir été en mesure d’expliquer comment les désinstaller, est une altération substantielle du comportement du consommateur. Il statue en précisant que : « il ne peut être sérieusement contesté que les modalités de la vente mises en place par la société ASUS ont pour effet de contraindre de manière quasi directe le consommateur de conserver le système d’exploitation Windows de Microsoft.» Là, il va jusqu’à assimiler ce procédé à une vente forcée : non seulement le juge évoque ici la contrainte, mais également le fait que c’est le manque d’information dont disposait le vendeur et des informations données au consommateur qui est la cause de cette contrainte. C’est le défaut d’information qui empêche le consommateur de conclure le contrat qu’il souhaitait conclure en réalité. C’est d’autant plus vrai que, comme l’a justement fait remarquer Me Frédéric Cuif51, le type de pratique qui consiste à vendre en une seule fois ordinateur et logiciel sans montrer la différence qui existe entre ces deux produits a tendance à faire croire au consommateur qu’il ne s’agit que d’un seul produit élimine complètement la possibilité de choix des logiciels pour le consommateur qui n’est même pas conscient de l’existence d’alternatives. Il écrit en effet : « si dans (…) [l’] esprit [des consommateurs], un ordinateur n'est aujourd'hui vendu qu'avec Windows préchargé, c'est seulement et uniquement à cause de la 50 T. prox. Lorient, 27 Août 2009, Magnien c/Asus 51 « Double condamnation de SAMSUNG : la fourniture de logiciels non demandés est interdite » lundi 2 avril 2012 par Me Frédéric CUIF, en ligne à la page : http://www.cuifavocats.com/Double-condamnation-deSAMSUNG-la 67 pratique des constructeurs et du défaut manifeste d'information auquel ils se livrent à leur égard, notamment sur le prix des logiciels et le fait qu'ils les payent. Autrement dit, si les constructeurs informaient mieux le consommateur, ce dernier ne serait pas «pieds et poings liés à son logiciel ». » L’altération du comportement économique s’analyse donc comme la possibilité pour le consommateur de faire son choix en connaissance de cause, en fonction des informations qui lui ont été fournies et de la position dans laquelle il était placé par le professionnel lors de son achat : il ne doit pas avoir été induit en erreur de quelque manière que ce soit, et doit avoir pu disposer de critères objectifs de choix. L’appréciation de cette condition de la déloyauté devra donc se limiter à cela et exclure la condamnation de pratiques qui ne correspondent pas cette description. L’altération substantielle du comportement économique : une notion B) limitée aux informations nécessaires données au consommateur Les juges et la doctrine ont limité la notion d’altération substantielle, d’une part en excluant les pratiques visant simplement à inciter le consommateur à contracter (1), d’autre part en accentuant le caractère déterminant des informations omises pour son choix (2). 1. Une notion distincte de l’influence de la pratique sur le consommateur La notion d’altération du comportement du consommateur devait être précisée, car c’est justement le propre de toute pratique commerciale d’inciter le consommateur à contracter. Le professeur Monique Luby donne, dans son article « La directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales : (une illustration de la nouvelle approche 68 prônée par la Commission européenne) »52, son interprétation de la formule. Pour elle, ce sont : « des pratiques susceptibles d'influer sur la perception d'un produit, sans altérer l'aptitude à prendre une décision en connaissance de cause, tels le placement légitime de produits, la différenciation des marques - publicité fondée sur la notoriété d'une marque...-, ou les incitations à l'achat, ne sont pas condamnées ». Cette interprétation doctrinale de la nouvelle législation confirme que c’est uniquement la question de faculté pour le consommateur de faire son choix de manière éclairée qui est en cause. On ne cherche pas à condamner les stratégies commerciales visant à mettre en avant le produit dans l’esprit du consommateur, et qui n’apparaîtraient comme trompeuse que si l’on imaginait à la place du consommateur les raisons pour lesquelles il aurait contracté, mais on évalue au contraire la déloyauté d’une pratique en se demandant objectivement s’il était capable, compte tenu des informations dont il disposait, de prendre librement une décision commerciale. La jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne donne une interprétation similaire. Les juges européens insistent sur le fait qu’il faut plus que la simple incitation à acheter pour constituer une « altération substantielle du comportement économique du consommateur » au sens de la directive. Les arrêts qui ont respectivement marqué la fin de l’interdiction per se des ventes avec primes et des jeux et concours promotionnels (c’est-à-dire les opérations de jeux ou concours subordonnées à l'acquisition d'un bien ou d'un service) font foi de cette interprétation. Dans ces décisions, on note que le critère de l’altération du comportement n’a pas été rempli pour les juges européens qui ont considéré que ces pratiques ne pouvaient être interdites en toutes circonstances, alors que l’on pouvait soutenir qu’elles influençaient le comportement du consommateur dans le sens de la consommation. Pour ce qui est de l’affaire concernant les jeux promotionnels, l’avocat général Trstenjak argumentait en faveur de l’interdiction dans le point 71 ses conclusions sur l’affaire « Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV » rendues le 3 septembre 200953 en avançant que: « l'offre combinant participation à un jeu 52 Europe n° 11, Novembre 2005, étude 11 La directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales. - (une illustration de la nouvelle approche prônée par la Commission européenne) Etude par Monique LUBY Professeur à l'Université de Pau 53 Conclusions de l’avocat général Trstenjak présentées le 3 septembre 2009. Cour de Justice des Communautés Européennes 3 septembre 2009 C‑304/08, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV c/ Plus Warenhandelsgesellschaft mbH 69 promotionnel et vente de marchandises peut faire basculer la décision d'achat même d'un consommateur moyen raisonnable de telle façon que cette décision ne sera plus fondée sur des considérations rationnelles, mais sur le désir d'emporter le lot mis en jeu. »Le fait que la législation nationale ait été censurée par la Cour alors même que les pratiques interdites avaient, selon l’avocat général, un effet sur la décision du consommateur de contracter montre que les juges européens cherchent à limiter l’appréciation de l’altération. En effet, ce n’est pas l’influence sur la prise de décision qui pose problème, et on se désintéresse des raisons qui ont pu conduire le consommateur à contracter, tant qu’il l’a fait en disposant de toutes les informations nécessaires pour acheter en connaissance de cause. Dans le cas des ventes avec primes, l’arrêt de la Cour de Justice du 9 novembre 2010 Mediaprint Zeitungs und Zeitschriftenverlag GmbH54 énonce dans son considérant 46 que le seul fait de proposer une prime à l’achat d’un produit ne peut à lui seul constituer une altération substantielle du comportement économique du consommateur. Dans ce type d’offre en général, le consommateur contracte encore en connaissance de cause, il disposait de toutes les informations, il n’a donc pas été trompé avant de contracter. Les raisons hypothétiques pour lesquelles il a contracté, la loi et le juge doivent s’en désintéresser selon la directive. On ne cherche pas à choisir à la place du consommateur comme le feraient des législations plus dirigistes, on veut au contraire lui donner les bons outils pour qu’il puisse lui-même faire un choix commercial parmi une quantité de propositions : c’est là que l’on retrouve le raisonnement de la directive, qui confirme l’idée que l’altération du comportement se mesure en fonction de la faculté pour le consommateur de connaître parfaitement les conditions avant de contracter. On refuse donc de considérer une technique de vente en général comme une altération du comportement de consommateur sous prétexte qu’elle influencerait sa décision commerciale : ce n’est pas une simple influence que ce critère condamne, mais une manipulation qui relèverait davantage de la tromperie. 54 Arrêt de la Cour (grande chambre) du 9 novembre 2010, Cour de justice des Communautés européennes aff. C-540/08 “Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG c/ "Österreich"-Zeitungsverlag GmbH” 70 C’est donc dans la mesure où elles induiront véritablement le consommateur en erreur que les pratiques de ventes liées et de ventes avec primes seront condamnables sous l’empire de la nouvelle loi. Mais même dans ces cas, les informations omises devront être « substantielles » pour altérer le comportement du consommateur dans le sens voulu par la directive. 2. Une notion cantonnée à une dispense des seules informations « substantielles » Pour rester en cohérence avec l’esprit de la directive, il fallait donner un sens restrictif à l’expression large d’ « altération du comportement économique du consommateur ». Ceci se traduit dans le texte de la directive par la présence du qualificatif « substantiel » accompagnant l’altération, qui vient limiter l’ampleur apparente de ces termes vagues. Comme on l’a évoqué dans la première partie (p.21), la présence de cet élément montre la volonté du législateur de tempérer l’interdiction en ne considérant que les problèmes majeurs, dans un raisonnement parallèle à celui qui a conduit les autorités européennes à instaurer un seuil de minimis en droit de la concurrence conduisant à ne pas étudier les pratiques n’ayant qu’un faible impact sur le commerce interétatique pour ce marché-là55. Le critère de l’altération substantiel se limitera donc, à la manière des restrictions de concurrence, à l’appréciation des effets concrets de la pratique. Le caractère substantiel de l’altération s’est particulièrement illustré dans l’évaluation de l’importance des informations manquantes. Dans l’affaire concernant la vente liée de logiciels préinstallés opposant l’association UFC Que Choisir à la société Hewlett Packard France, la Tribunal de Grande Instance de Nanterre56 avait jugé que le défaut d’information donnée au consommateur sur les prix des logiciels n’était pas substantiel dans la décision du consommateur d’acheter le produit. Selon les termes de la décision : « [cela] ne revêt pas (…) un caractère substantiel puisque, ce qui importe 55 Voir Partie 1, Chapitre I, Section 1, §2 : « Le nouveau raisonnement de la directive 2005/29/CE : la transposition de cette approche libérale dans le droit consumériste » 56 TGI Nanterre, 6e ch., 30 oct. 2009, UFC Que Choisir c/ Sté HP France : JurisData n° 2009-015353 71 avant tout pour le consommateur, c'est de connaître le prix global de l'objet proposé à la vente ». Le professeur Michel Stoffel-Munck défend également ce point de vue57, en partant du principe que le consommateur moyen sait qu’il s’agit d’un produit distinct et qu’il peut s’informer seul du prix du logiciel vendu individuellement. Même si la Cour d’Appel de Versailles est revenue sur cette appréciation en décidant dans la même affaire que cette information avait en fait un caractère substantiel : du fait de la proportion élevée du prix de la licence d’utilisation du logiciel par rapport au prix global, et parce que le fait de ne pas afficher le prix empêchait le consommateur de comparer l’offre avec celles des concurrents et donc de prendre une décision éclairée. On comprend par la position des juges de première instance l’application que peut avoir le terme « substantiel » dans l’appréciation des informations dispensées au consommateur. Guy Raymond résume bien cette idée dans le Jurisclasseur Concurrence Consommation de mai 2008 58: « L'altération doit être substantielle, c'est-à-dire qu'elle doit être importante ; si l'altération n'atteint pas fondamentalement la décision du consommateur, elle ne devrait pas être prise en compte. » Ce que l’on a beaucoup reproché à la vente avec prime, c’est justement son effet trompeur sur le consommateur, compte tenu du fait que la prime est présentée comme étant gratuite alors que bien souvent son prix est intégré au prix de l’achat. L’allégation de la gratuité de la prime serait donc, seulement dans ces cas-là, de nature à constituer un défaut d’information altérant le comportement économique du consommateur. Cependant ce type d’offres constitue des « primes auto-payantes » qui n’étaient pas visées par l’interdiction de l’article L 121-35 avant la réforme de 2011. D’autres préoccupations ont donc conduit le législateur à prohiber les primes, et celles-ci ne sont pas reprises dans la nouvelle interdiction. En effet, comme l’énonce Me Régis Fabre dans son ouvrage « Droit de la Publicité et de la Promotion des ventes »59, la vente avec prime est nocive à trois égards : par son caractère trompeur, par la fausse présentation 57 Communication Commerce électronique n° 10, Octobre 2008, comm. 115 Vente liée et logiciels préinstallés : la préinstallation est une pratique légitime mais le prix des licences de logiciels doit-il apparaître distinctement? Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK 58 JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 900 : PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES ET AGRESSIVES > I. - Principes généraux gouvernant les pratiques commerciales déloyales Cote : 05,2008 (Guy Raymond) 59 Droit de la publicité et de la promotion des ventes - Edition 2006 3e édition Régis Fabre, Marie-Pierre Bonnet-Desplan, Nadine Sermet, Nicolas Genty DALLOZ-SIREY 72 de gratuité de la prime; par son caractère inflationniste puisque cette fausse perception du prix par le consommateur permet au commerçant d’augmenter artificiellement le prix du produit vendu ; et par la concurrence déloyale résultant de ces offres, considérant que le but de la concurrence, soit de récompenser le meilleur produit, est faussé au profit d’une concurrence sur l’existence de primes. Or au regard de l’étude menée ci-avant des conditions d’incrimination d’un professionnel pour pratique déloyale, on constate que l’on se concentre sur l’élément trompeur de la pratique pour la condamner, et qu’on met de côté les autres fléaux de cette pratique dont on ne protège plus le marché que dans la mesure où elles serait une conséquence de la tromperie du consommateur moyen, et plus sur la base des considérations qui avaient motivé les premiers textes. En ce qui concerne la vente liée, sa nocivité n’est pas, en général, relative à la question du manque d’information, de sorte que ce n’est que dans des cas spécifiques que l’infraction pourra correspondre à ces critères. Comme on l’a démontré, l’altération du comportement du consommateur se traduit par la question de l’exactitude des informations entre les mains du consommateur et de leur aspect déterminant dans sa décision de contracter. Cela n’est pas sans rappeler les vices du consentement en droit commun des contrats. §2 : Un rapprochement avec le vice du consentement en droit civil Dans son article paru dans la revue Europe n° 11 de novembre 200560, le professeur Monique Luby détaille comme on l’a vu précédemment en quoi la notion d’altération du comportement est limitée aux informations dont disposait le consommateur lors de sa prise de décision. Cela lui permet de conclure sur une interrogation quant à la teneur de cette condition compte tenu de sa proximité avec le droit commun des obligations des Etats membres. 60 Europe n° 11, Novembre 2005, étude 11 La directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales. - (une illustration de la nouvelle approche prônée par la Commission européenne) Etude par Monique LUBY Professeur à l'Université de Pau 73 En effet, se demander si le consommateur a pris une décision en connaissance de cause, et s’interroger sur le fait qu’une information manquante était déterminante de son consentement, n’est-ce pas parler de la validité du consentement, en s’aventurant sur le terrain de l’erreur, du dol et de la réticence dolosive ? C’est ce que suggèrent certains auteurs, et particulièrement le professeur Guy Raymond61 qui écrit que le fait que la directive définisse l’altération du comportement comme étant le fait pour une pratique de « [compromettre] sensiblement l'aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l'[amener] par conséquent à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement », c’est ramener cette question à l’étude des vices du consentement. Selon lui, « Viser l'altération économique du comportement c'est dire autrement que le consentement doit être sain et éclairé et qu'il ne doit pas être entaché d'un vice du consentement. L'article L. 120-1 renvoie donc, implicitement, aux articles 1109 et suivants du Code civil. » Cette position est défendable, dans le sens où un consommateur dépourvu d’information nécessaire à sa prise de décision ne peut en effet remplir les conditions de l’article 1109 du Code Civil selon lequel le consentement du consommateur doit être éclairé. Lorsque les juridictions se sont interrogées sur ce critère, comme l’a fait notamment la Cour d’Appel de Versailles au sujet du caractère substantiel ou non du prix des logiciels préinstallés, ne posaient-elles pas en réalité la question de savoir si l’information manquante était déterminante du consentement au contrat de la part du consommateur? La distinction est en effet peu claire. Plus concrètement, le fait pour un professionnel de violer la diligence professionnelle en altérant le comportement du consommateur, ou comme on l’a détaillé ci-avant, ne pas donner au consommateur les informations nécessaires et suffisantes pour qu’il puisse faire un choix économique, n’est-ce pas constituer un dol ou une réticence dolosive ? Le fait de tromper le consommateur sur un élément essentiel du contrat constitue exactement la définition du dol. En effet, selon l’article 1116 du Code Civil qui interdit les pratiques dolosives: « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une ou l'autre des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. » L’idée de l’importance des éléments trompeurs dans la décision de contracter coïncide ici avec le principe de substantialité de l’altération économique du comportement. Cependant, 61 JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 900 : PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES ET AGRESSIVES > I. - Principes généraux gouvernant les pratiques commerciales déloyales Cote : 05,2008 (Guy Raymond) 74 l’élément déterminant de la qualification du dol, c’est l’élément intentionnel du coupable de la pratique qui n’est pas explicitement exigé dans les dispositions de la directive. Ceci peut paraitre assez déroutant car si la qualification de dol a pour finalité l’annulation d’un contrat, la qualification de pratique commerciale déloyale a pour but la sanction pénale d’un comportement illicite, qui peut aller jusqu’à deux ans de prison et 150 000 euros d’amende selon le Code de la Consommation. Peut-être que le caractère pénal du texte en cause implique un élément intentionnel à la pratique prohibée, mais là encore, celui-ci ne doit pas être recherché. En effet, même pour les pratiques trompeuses de l’article 6 qui servent à prohiber la publicité trompeuse, on condamne le fait de donner des informations « susceptibles d’induire en erreur », même si celles-ci ne sont ni fausses ni mensongères : la qualification est donc plus facile que celle du dol puisqu’elle repose sur les effets de la pratique et non sur l’intention délictuelle du professionnel. Le caractère intentionnel n’est en revanche pas requis pour l’erreur viciant le consentement, où la fausse idée du contractant sur le contrat empêche également la rencontre des consentements à l’origine de la formation du contrat. L’article 1110 du Code Civil définissant l’erreur la décrit comme étant une cause de nullité de la convention à la condition qu’elle « tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ». Selon cette définition, on ne trouve pas beaucoup de points distinguant ce vice du consentement du droit commun des contrats et l’altération du comportement, puisqu’on exige des deux qu’ils portent sur un élément essentiel du contrat, autrement dit, ils doivent être substantiels. Cependant, les décisions de l’affaire Guerby c/ Darty rappellent que l’approche civiliste ne peut se substituer à une appréciation en fonction des conditions de la directive sur les pratiques commerciales déloyales. Dans le jugement de première instance de la juridiction de proximité de Paris du 25 septembre 2008 62, le juge s’était basé sur une approche purement civiliste pour statuer à l’encontre du consommateur au motif que : « Que dès lors, Monsieur GUERBY reconnaît avoir été parfaitement informé de son achat, Qu'il a eu le choix d'acheter ou non », décidant ainsi qu’il n’y avait pas de défaut d’information de nature à constituer un vice du consentement, ni de ce fait de contrainte à l’achat. Cette décision a pourtant été cassée par la Cour de 62 Juridiction de proximité de Paris 1er du 25 septembre 2008, Arrêt Guerby ¢ Darty 75 Cassation dans un arrêt du 15 novembre 201063, au motif que le juge devait analyser la question sous l’angle de l’article L 122-1 du Code de la Consommation (tel qu’en vigueur en 2008) à la lumière des dispositions de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales : c’est donc que l’appréciation en fonction de ces derniers textes dépasse, en théorie du moins, la seule évaluation des vices du consentement. La Cour se contente cependant de cet argument, sans distinguer les deux approches au fond : le débat reste entier. Il reste encore à pouvoir dire en quoi la condition d’une altération substantielle du comportement du consommateur se différencie de l’erreur vice du consentement. Le fait qu’on ne soit plus véritablement capable de distinguer clairement des infractions du Code de la Consommation avec les causes de nullité du droit commun des contrats du Code Civil est relativement interpellant quant au degré de protection attendue de la part de la directive. N’est-on pas en droit d’attendre du droit de la consommation, qui est sensé refléter l’inégalité entre le professionnel et le consommateur et la corriger, une protection allant au-delà de celle réservée à un contractant quelconque? Cela aurait été souhaitable si l’on désirait garder un droit spécial autonome ayant pour objet la protection du consommateur. 63 Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2010, 08-20.227, Arrêt Guerby ¢ Darty, Inédit 76 A l’heure de dresser un bilan des interprétations des deux conditions cumulatives, on constate qu’elles se recoupent entre elles. En effet, le respect de la diligence professionnelle constitue l’obligation pour le professionnel de donner au consommateur les informations dont il a besoin, et l’altération du comportement du consommateur n’est réalisée selon la directive que lorsque celui-ci ne dispose pas des informations nécessaires pour faire son choix en connaissance de cause. De plus, le fait de fonder la déloyauté sur le manque d’informations précontractuelles, se rapproche certes de l’étude des vices du consentement, mais est également très semblable à la tromperie réprimée par la même directive, qui réprime en particulier les actions trompeuses et omissions trompeuses (articles 6 et 7). Cela signifierait que l’article 5 servirait surtout à condamner les pratiques qui, sans pouvoir rentrer dans les définitions plus précises des articles 6 et 7, seraient en réalité des pratiques trompeuses. Il semblerait alors que cet article 5 soit une sorte de soupape de secours, qui est incluse dans le texte surtout pour éviter de légaliser les pratiques que n’aurait pas prévu expressément le législateur européen. Les deux critères de l’article 5.2 sont définis par rapport aux informations dispensées au consommateur et à leur importance dans sa prise de décision, ce qui les rapproche de la prohibition des pratiques commerciales trompeuses. La considération du manque d’informations nécessaires est cependant loin d’être au cœur des préoccupations liées à la vente subordonnée et à la vente avec prime. En effet et comme on l’a écrit, ce n’est plus que dans des cas marginaux centrés sur l’effet trompeur de la pratique qu’elles pourront être condamnées comme étant déloyales au sens de cet article 5.2. On comprend donc que la directive, en posant ces conditions, ne cherchait pas à interdire ces pratiques, mais seulement à condamner l’effet trompeur des pratiques commerciales en général sur le consommateur. Cette observation confirme l’idée que l’interdiction de ces pratiques ne se fera désormais qu’à titre exceptionnel. Après avoir conclu à la difficulté de qualifier, selon ces critères, la vente liée et la vente avec prime comme des pratiques déloyales, il faut aborder les différentes sources de contestation de la méthode d’appréciation concrète de ces infractions. 77 Chapitre 2 : La contestation de l’approche casuistique en matière de vente liée et de vente avec prime En France, à la fois la doctrine et la jurisprudence ont émis des avis contestataires vis-à-vis de la légalité de principe de ces pratiques. Sur le plan théorique, certains objectifs poursuivis par les anciens textes sont délaissés par l’interdiction de ces pratiques au cas par cas (section 1), et en pratique, nous étudierons le manque de cohérence dans l’appréciation des critères par la jurisprudence (section 2). On ouvrira le développement sur une éventuelle possibilité de revenir à une interdiction en toutes circonstances de ces pratiques en vertu de la directive (section 3). Section 1 : Un nouveau raisonnement délaissant certains objectifs poursuivis par les anciens textes Même si l’interdiction subsiste pour des cas qui rassemblent les conditions de la déloyauté, certaines préoccupations qui avaient guidé les rédacteurs des textes précédents vers une interdiction in abstracto des ventes avec primes et des ventes liées sont écartées si l’on refuse de considérer que ce qui en fait des pratiques néfastes est inhérent à leur nature même. C’est surtout vrai pour les ventes avec primes, comme en témoigne le fait que contrairement aux ventes liées, la jurisprudence n’a pas tenté au cours des années d’assouplir la règle d’interdiction absolue posée par le Code de la Consommation. En effet, le professeur Michel Pédamon affirme, au sujet du processus européen de libéralisation de ces ventes entamé il y a une dizaine d’années: « les mesures proposées sont manifestement trop brutales, elles vont trop loin : elles entraînent un véritable bouleversement des règles en vigueur, une atténuation de la protection des consommateurs, sans assurer pour autant « l’égalisation des conditions de la 78 concurrence et la sécurité juridique de entreprises »64. Plus récemment, les mêmes écueils ont été évoqués par le Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi dans une réponse ministérielle du 4 Mai 2010, où celui-ci énonce que : « la France ne se satisfait pas de la situation actuelle, qui se traduit par une diminution du degré de protection des intérêts des consommateurs et une insécurité juridique pour les opérateurs. » On retrouve donc deux critiques majeures de ce changement de méthode : d’une part, un défaut de protection du consommateur (§1), et d’autre part, une insécurité juridique résultant de l’approche casuistique (§2). §1 : Un défaut de protection du consommateur De nombreux juristes favorables à l’interdiction des ventes avec primes ont justifié la survivance de ce texte par le fait que le consommateur est perturbé par la présence de la prime, qui le pousse à consommer davantage et sans se concentrer sur les qualités intrinsèques du produit qu’il achète. Une réponse ministérielle65 datant du 21 octobre 1985 dit de cette pratique, alors même que cette époque a connu un développement de la pensée libérale comme en témoignera la réforme de ce texte opérée par l’ordonnance de 1986, qu’ « elle fausse le jugement du consommateur détourné de son choix initial fondé sur un rapport qualité-prix ». La Cour de Justice des Communautés Européennes avait d’ailleurs elle-même statué en ce sens66 dans un arrêt datant de 1982 qui prône le caractère déloyal des primes et la nécessité des législations qui les interdisent : "On ne saurait méconnaître que l'offre de primes en nature comme moyen de promotion des ventes peut induire en erreur les consommateurs sur les prix réels des produits et fausser les conditions d'une concurrence basée sur la compétitivité. Une législation qui, pour cette raison, restreint ou même interdit de telles pratiques 64 M. Pédamon, La réglementation des ventes avec primes : entre droit de la consommation et droit de la concurrence, in Études de droit de la consommation : Liber amicorum Jean Calais Auloy, éd. Dalloz 2004, p. 830 65 Rép. Min. 61280 JOAN 21 oct. 1985 p. 4975 66 CJCE, 15 déc. 1982 aff. 286/81, “Oosthoek's Uitgeversmaatschappij” 79 commerciales est donc de nature à contribuer à la protection des consommateurs et à la loyauté des transactions commerciales." Cette affirmation est directement contredite par l’arrêt de la CJCE du 9 novembre 201067 qui énonce que l’offre d’une prime à l’achat d’un bien ou d’un service ne constitue pas en soi une altération du comportement économique du consommateur moyen. L’objectif de l’interdiction qui consistait à assurer une réelle évaluation des produits eux-mêmes par le consommateur avant tout achat est loin d’être repris par les critères posés par la directive et détaillés ci-avant. Au-delà des considérations relatives aux éléments protecteurs qui ont disparu avec la mise en place du prisme de la déloyauté préalable à toute condamnation de telles pratiques, l’intérêt du consommateur peut également être menacé par le fait que la preuve de la déloyauté, qui dépend à présent de considérations vaguement délimitées, ne soit devenue plus difficile à rapporter pour le consommateur, comme le souligne monsieur Nicolas Dupont68. En effet, pour un consommateur, il est particulièrement délicat de prouver ce qui, dans l’absolu, serait en mesure d’altérer le comportement d’un consommateur moyen, puisque ces notions sont abstraites et si modulables en fonction de la situation envisagée que même en présence d’une véritable déloyauté vis-à-vis du consommateur, il serait peu aisé pour ce dernier de le démontrer en fonction des critères de la directive. Ainsi, non seulement cette méthode laisserait passer des situations non prévues par la directive mais tout de même dangereuses pour le consommateur, mais quand bien même une pratique aurait des chances d’être qualifiée comme déloyale en vertu de ces dispositions, le manque de précision dont elle fait preuve empêcherait celui-ci de l’établir. Finalement, en faisant le bilan de la jurisprudence de la Cour de Justice, on constate que la France est loin d’être la seule à avoir prohibé en principe ce type de pratiques. A travers les différents arrêts qu’on a cités, on constate que la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche mais aussi la Pologne étaient dotées de telles interdictions qui ont été condamnées par la Cour de l’Union Européenne. Ce point est notamment soulevé par Me Lila Ferchiche et Me Pascal Wilhelm, qui écrivent en 2009 « comment les institutions européennes peuvent-elles expliquer les multiples condamnations d'États 67 Arrêt de la Cour (grande chambre) du 9 novembre 2010, Cour de justice des Communautés européennes aff. C-540/08 “Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG c/ "Österreich"-Zeitungsverlag GmbH” 68 La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 51, 23 Décembre 2010, 2135 « Vente liée d'ordinateurs et de logiciels : une victoire en demi-teinte des consommateurs » Nicolas Dupont 80 membres (ou la remise en cause de leur législation) au motif que leurs dispositions internes assurent un degré plus élevé de protection des consommateurs que celui prévu par les directives d'harmonisation totale, alors que l'objectif poursuivi et clairement affiché de ces institutions est précisément le renforcement des droits des consommateurs européens ? »69 Ils relient cet état de fait à la question du degré de protection du consommateur par la directive, car si de nombreux Etats sont contraints de modifier leur législation à la baisse, c’est que l’harmonisation dégrade pour eux le niveau de protection. En France, le Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi a émis, dans sa réponse publiée au Journal Officielle le 4 Mai 2010 à une question au Gouvernement de la part du Député UMP Lionel Tardy au sujet de la fin de l’interdiction absolue de ces pratiques, une critique virulente de ce changement d’approche, et annonce même que : « La France entend demander à [l’occasion de la présentation par la Commission Européenne qui doit avoir lieu en 2011 d’un bilan d'application de la directive 2005/29 CE], et en relation si possible avec d'autres États membres, une révision de cette directive, afin de pouvoir maintenir un encadrement juridique des pratiques précitées et plus généralement des pratiques dites promotionnelles, approprié à la protection des intérêts économiques des consommateurs. » Même si cette réponse n’a pas été suivie de faits, et que, bien loin de demander une réforme, la France a avalisé la position de la Cour de Justice en transposant dans le Code de la Consommation l’exigence de déloyauté comme condition de la condamnation de ces ventes par la loi du 17 mai 2011, elle reflète l’insatisfaction des instances dirigeantes françaises sur la fin de la condamnation per se. Cette nouvelle méthode présente donc des lacunes en termes de protection du consommateur, et elle ne résout pas non plus le problème de l’insécurité juridique. 69 Contrats Concurrence Consommation n° 7, Juillet 2009, étude 8 Le sort des ventes subordonnées et des ventes avec primes en droit français de la consommation, après l'arrêt de la CJCE du 23 avril 2009 Etude par Pascal WILHELM avocat Associé Wilhelm & Associés et Lila FERCHICHE avocat à la Cour Wilhelm & Associés 81 §2 : L’insécurité juridique générée par ce nouveau critère d’interdiction Comme l’a évoqué le professeur Chagny70, le but premier affiché du législateur européen était d’unifier les différents droits européens avec cette directive d’harmonisation maximale pour éliminer les barrières légales aux échanges entre Etats Membres de l’Union Européenne. Il s’agissait en effet d’éliminer les trop grandes disparités entre les différentes législations nationales pour renforcer la confiance des professionnels aussi bien que des consommateurs et les encourager ainsi à rentrer dans les relations contractuelles transfrontières. On peut citer à l’appui de cette idée l’un des tout premiers considérants de la directive, considérant 4 : « Ces disparités entraînent une incertitude quant aux règles nationales applicables aux pratiques commerciales déloyales portant atteinte aux intérêts économiques des consommateurs et créent de nombreuses entraves touchant les entreprises et les consommateurs. Ces entraves augmentent le coût à supporter par les entreprises pour exercer les libertés liées au marché intérieur, en particulier lorsqu’elles souhaitent s’engager dans une commercialisation, lancer des campagnes publicitaires ou offrir des promotions commerciales transfrontalières. Pour les consommateurs, de telles entraves entraînent également des incertitudes quant à leurs droits et affaiblissent leur confiance dans le marché intérieur. » Le professeur Monique Luby appuyait cette idée en 200571 avec des données concrètes, en écrivant que : « cette disparité induit une insécurité juridique qui incite les entreprises et les consommateurs à se replier sur leur marché national, freinant la réalisation du marché intérieur. Les consommateurs de l'UE font preuve d'une 70 LES ENJEUX JURIDIQUES EUROPÉENS 31 mars 2010 Chambre de commerce et d’industrie de Paris Atelier Droit des contrats, de la consommation et du commerce électronique sous la présidence de Martine Behar Touchais, professeur à l’Université de Paris Descartes (Paris V) « L’harmonisation totale du droit de la consommation dans le marché intérieur : amélioration ou dégradation du droit de la consommation en France? Illustration : les ventes liées à l’épreuve de la directive sur les pratiques commerciales déloyales » Muriel CHAGNY 71 Europe n° 11, Novembre 2005, étude 11 : La directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales. (une illustration de la nouvelle approche prônée par la Commission européenne) Etude par Monique LUBY, Professeur à l'Université de Pau 82 confiance nettement moindre à l'égard des achats transfrontaliers (32 %) par rapport aux achats effectués dans leurs pays (56 %). Et les entreprises, victimes de distorsions de concurrence et de coûts accrus vu la diversité des contraintes nationales, sont réticentes à avoir des activités transfrontières de marketing et de vente. Ce qui fait pâtir l'économie de l'UE d'un « coût d'opportunité » résidant dans la hausse du PIB non réalisée ». Une harmonisation maximale dans ce domaine était donc la bienvenue pour renforcer le commerce entre Etats membres. Cependant, si cette harmonisation a apporté une certaine sécurité juridique au niveau transfrontalier, certains auteurs regretteront qu’elle ne l’ait diminuée de manière générale. Le législateur a certes veillé à unifier les différentes législations européennes, mais sans donner au texte la précision nécessaire pour que tous les juges nationaux l’appliquent de la même manière, et, pire encore, pour que les juges d’un même Etat ne sache comment l’appliquer, comme en témoigne le fait qu’on ait dû attendre quatre ans avant de s’apercevoir que les interdictions françaises des ventes liées et des ventes avec primes étaient contraires à la directive ! A part la sécurité apportée par l’annexe 1 imposant aux Etats Membres de condamner en toutes circonstances certaines pratiques, les critères d’appréciation sont tellement casuistiques qu’il résulte assez difficile pour les professionnels d’évaluer en amont la conformité de leurs pratiques avec la directive comme cette dernière les y invite pourtant. Me Anne-Laure Falkman développe cette idée dans son article paru en 2011 « Les ventes subordonnées, ventes avec primes et loteries sont désormais officiellement licites : avancée juridique ou casse-tête à venir ? »72 . Selon ses termes, « Il est à craindre que [la notion d’altération du comportement économique du consommateur] donne lieu à des décisions de justice extrêmement casuistiques créant de fait une incertitude pour tout commerçant lors du lancement d'une nouvelle opération. » En ce qui concerne la vente avec prime, l’ancien texte était, comme on l’a exposé en introduction, assorti de nombreuses exceptions, quant au prix de la prime par exemple ou quant au type d’objet offert (exception pour les « menus objets »). Or comme le souligne Me Falkman toujours dans le même article, la réforme du 17 mai 2011 n’a pas abrogé les exceptions prévues initialement à l’interdiction systématique de 72 Contrats Concurrence Consommation n° 8, Août 2011, alerte 64 « Les ventes subordonnées, ventes avec primes et loteries sont désormais officiellement licites : avancée juridique ou casse-tête à venir ? » Focus par Anne-Laure Falkman Counsel, August & Debouzy 83 ce type d’offre promotionnelle. Comme elle l’exprime, « Doit-on comprendre que la remise d'une prime de faible valeur (répondant à la règle des 7 % rappelée ci-dessus) doit être considérée de facto comme loyale et que seules les primes de valeur plus importante doivent subir l'examen de loyauté ? ». Le législateur n’apporte pas de réponse à cette question, ce qui rend encore plus confuse l’analyse de leurs comportements par les commerçants an amont ainsi que celle des juges en aval. En effet, le nouveau texte de l’article L 121-35 ne pose l’exigence de la déloyauté qu’au premier alinéa qui prévoit l’interdiction de principe, sans toucher les exceptions décrites dans les alinéas suivants, alors que la directive n’opère pas de distinction. De plus, il faut rappeler que ces dispositions du Code de la Consommation constituent des articles de droit pénal. Evaluer sa pratique par rapport à ces textes, ce n’est donc pas simplement prévoir les effets d’un contrat de droit civil, c’est véritablement juger des conséquences d’une sanction pénale ! Cela est d’autant plus grave que ce flou est contraire au principe de légalité du droit pénal qui exige des incriminations qu’elles soient claires et précises. Ce principe est protégé par l’article 7 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, ce qui pourrait induire une réforme. Cependant si la directive s’impose à tous les Etats Membres de l’Union Européenne, elle ne leur impose aucunement de sanctionner pénalement les pratiques commerciales. En effet, l’article 13 est ainsi rédigé : « Sanctions : Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales prises en application de la présente directive, et mettent tout en œuvre pour en assurer l’exécution. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. » On en déduira que si une condamnation en ce sens intervient, ce sera certainement le législateur français qui se verra contraint de dépénaliser ces textes plutôt que l’Union Européenne de changer sa méthode d’analyse. Ces critiques de l’approche pratique s’illustrent par le manque de solution jurisprudentielle concluante dans l’appréciation de ces pratiques par rapport aux critères de l’article 5. 84 Section 2 : Un manque de cohérence dans la condamnation des pratiques L’insécurité juridique résultant de cette nouvelle approche est reflétée par le manque de ligne directrice dégagée par les décisions concernant ces pratiques rendues après la jurisprudence VTB-VAB du 23 avril 2009. Cette incertitude est confirmée par l’étude de la jurisprudence concernant ces pratiques qui ont suivi l’affirmation de la nouvelle méthode. Premièrement, on constate que les décisions de ces trois dernières années se concentrent dans le domaine de la vente liée sans que l’on ne puisse trouver d’exemple traitant de cas de vente avec prime dans cette période, et les décisions au sujet de la vente liée traitent quasi-exclusivement des ventes d’ordinateurs subordonnées à l’achat de logiciels pré installés, à l’exception des arrêts dans l’affaire « Orange Sports » au sujet des offres Triple Play d’abonnements à internet, qu’on a déjà évoqués ici. En deuxième lieu, il convient de noter que dans la jurisprudence postérieure à l’arrêt VTB-VAB concernant des ventes liées, les juges du fond ont souvent été sanctionnés par les niveaux supérieurs de juridiction pour avoir statué sans tenir compte du raisonnement imposé par la directive 2005/29/CE. En effet, ces derniers ont parfois mal effectué l’appréciation en fonction des critères de la directive ou ont purement et simplement ignoré son application, en continuant d’appliquer les reliquats de l’ancienne méthode. Ceci a provoqué leur sanction par les juges subséquents sans que ces condamnations ne puissent être concluantes quant au fond de l’affaire. De ce fait, les décisions dans ces affaires n’apportent pas d’éléments sur la manière dont il faudrait appliquer la directive et sur la conclusion qu’on pourra en tirer pour ces pratiques. En éliminant de notre étude les décisions qui ont sanctionné les juges pour une mauvaise application voire une inapplication du raisonnement dicté par la directive 2005/29/CE, on peut conserver au titre des décisions définitives trois décisions ayant validé la pratique de vente liée (§1), et trois décisions ayant condamné la pratique en vertu de l’article 5. 2 de la directive (§2). 85 §1 : Les décisions définitives ayant validé les pratiques en vertu de l’article 5. 2 S’agissant des validations de la pratique, on compte le jugement du Tribunal de Grande Instance de Bobigny du 15 Mai 2009 opposant l’association UFC Que Choisir à la société Auchan73, qui vendait des ordinateurs avec des logiciels préinstallés sans possibilité d’y renoncer lors de l’acquisition et sans indiquer le prix des logiciels pourtant intégré au prix total du bien. Les juges de première instance statueront dans le sens de la validité de la pratique en interprétant l’interdiction des ventes liées de l’article L 122-1 du Code de la Consommation à la lumière du droit européen. En effet, ils jugent que cette pratique ne constitue ni une pratique trompeuse, ni une pratique agressive, ni une pratique déloyale en général selon les dispositions de la directive sans donner de détail sur les motifs, mais imposera tout de même à Auchan d’afficher les prix des logiciels vendus sur le fondement de l'article 7 de l'arrêté du 3 décembre 1987 qui exige de mentionner le prix de chaque produit lorsque ceux-ci sont vendus par lot. La deuxième décision définitive venant valider une vente liée est celle de la Cour de Cassation dite « Orange Sports » du 13 juillet 201074. Dans cet arrêt, les juges de la cour supérieure ont rejeté le pourvoi formé contre la décision de la Cour d’Appel de Paris du 14 Mai 200975 et affirment que la subordination de l’accès à la chaîne Orange Foot à l’abonnement triple play d’Orange ne constitue pas une pratique commerciale déloyale au sens de l’article 5 de la directive 2005/29/CE et n’est donc pas condamnable selon le droit positif français. Les arguments opposés aux concurrents d’Orange, Free et SFR, qui avaient intenté l’action est que le fait ce type d’offre ainsi que le fait que la chaîne en question ait une exclusivité sur certains événements sportifs constitue avant tout manière de diversifier l’offre sur un marché très compétitif et où les acteurs ont du mal à se différencier. On juge que le contexte dans lequel cette pratique s’est réalisée l’empêche d’être condamnée en vertu de la directive. 73 TGI Bobigny, 15 mai 2009, aff. 06/14817, Assoc. UFC Que Choisir c/ Auchan France, définitif. 74 Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-15.304 et 09-66.970, FS-P+B, Free et SFR c/ France Télécom, Orange sports et Ligue nationale de football : JurisData n° 2010-011628 75 CA Paris, 5e ch., 14 mai 2009, SA France Telecom et SA Orange Sports c/ SAS Free et SA Neuf Cegetel (absorbée par SFR), avec les interventions volontaires de l'assoc. « La Ligue de Football professionnel », de l'assoc. nationale des ligues de sport professionnel et du min. Éco., Industr. et Emploi (DGCCRF Paris) : JurisData n° 2009-003817 (Voir la décision reproduite à l’annexe 2 de ce document p. 120) 86 La dernière décision est celle de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 12 juillet 201276 cassant un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 5 Mai 201177 dans l’affaire qui opposait l’association UFC Que Choisir à la société Hewlett Packard France. Les juges du fond avaient condamné HP en considérant que sa vente d’ordinateur avec logiciels préinstallés constituait une vente liée déloyale au sens de la directive 2005/29/CE. Les motifs de l’arrêt étaient que le fait de ne pas indiquer le prix des logiciels et de ne pas offrir de faculté d’y renoncer avant l’achat avec déduction du prix total du bien constituait un manquement à la diligence professionnelle ainsi qu’une altération du comportement du consommateur, l’information concernant le prix du logiciel devant être regardée comme substantielle à la décision de contracter. Les juges ont donc évalué la pratique concrètement, conformément aux dispositions de la directive. Cette décision a cependant été cassée par la l’arrêt qui nous occupe. La juridiction suprême la critique pour ne pas avoir tiré les conclusions qui s’imposaient, compte tenu de ce que la société HP proposait des ordinateurs non pré-équipés « nus » sur son site dédié aux professionnels, et que les consommateurs intéressés par ce type d’achat pouvaient parfaitement s’y rendre et y effectuer leur transaction même si la société ne garantissait pas qu’elle pourrait installer un système d’exploitation sur ce types de produits. Ici la Cour de Cassation montre sa détermination à éviter les condamnations trop rapides de ces pratiques alors qu’en considérant la situation dans sa globalité, on pouvait éviter une telle condamnation. Les argumentaires présentés reflètent bien l’idée d’une étude très casuistique de chaque espèce. On ne peut donc en tirer un enseignement général quant à la tendance jurisprudentielle, ni en tirer de critères concrets fondant la validité de ces pratiques. Trois autres décisions ont au contraire condamné de telles pratiques en vertu du même texte. 76 Arrêt n° 833 du 12 juillet 2012 (11-18.807) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI : FR : CCASS : 2012 : C100833 77 CA Versailles, 3e ch., 5 mai 2011, n° 09/09169 87 §2 : Les décisions définitives ayant condamné les pratiques en vertu de l’article 5. 2 En ce qui concerne les décisions définitives ayant condamné ces pratiques sur le fondement de l’article 5. 2 de la directive 2005/29/CE, elles sont également au nombre de trois. La première est celle de la juridiction de proximité de Lorient du 27 Aout 200978, qui concernait l’affaire Magnien contre Asus. Dans cette affaire, les juges du fond ont condamné la pratique en jugeant qu’elle était effectivement contraire à la diligence professionnelle et qu’elle altérait substantiellement le comportement du consommateur, en raison du caractère contraignant de la renonciation aux logiciels préinstallés. Ils jugent en effet que le manque d’information sur le prix des logiciels diminue l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause de manière à constituer une altération de son comportement. De plus, le fait que M. Magnien n’en ait pas été informé avant l’achat constitue, selon le jugement, un manquement à la diligence professionnelle. Le juge en conclura que cette pratique a « pour effet de contraindre de manière quasi directe, le consommateur, à conserver le système d’exploitation Windows de Microsoft. » La deuxième décision définitive en ce sens est celle de la juridiction de proximité de Toulouse du 20 Mai 2011, dans l’affaire Vermel contre la société Dell 79. Là encore, les juges constatent que le prix affiché de l’ordinateur ne comportait pas de distinction en fonction de la pré installation ou non du logiciel, à laquelle il était par ailleurs impossible de renoncer et donc de s’en faire rembourser. Les juges estiment que ces conditions sont très rigides et en défaveur du consommateur, et diminuent la capacité pour le consommateur de contracter en connaissance de cause, le contraignant donc à conserver le produit non désiré. Ils en concluent que cette pratique est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère substantiellement le comportement économique du consommateur, constituant ainsi une vente liée déloyale au sens de la directive. 78 Jur. proximité Lorient, 27 août 2009, n° 91-08-000276, M.E c/ SARL ASUS France et SARL No Work Tech. Jur. proximité Lorient, n° 91-09-000255, M.E c/ SARL ASUS France et SARL No Work Tech. 79 Jur. proximité Toulouse, 20 mai 2011, n° 91-09-000641, M. V. c/ SA Dell. 88 La dernière décision définitive à pencher vers la déloyauté d’une vente liée en vertu de l’article 5 de la directive est l’arrêt de la Cour de Cassation du 6 octobre 201180, intervenu dans l’affaire opposant l’association UFC Que Choisir à la société Darty, toujours dans le domaine de la vente d’ordinateurs avec logiciels préinstallés. Cet arrêt casse celui de la Cour d’Appel de Paris du 26 novembre 2009 81 où les juges du fond avaient jugé que le prix des logiciels préinstallés ainsi que leurs conditions d’utilisation n’étaient pas une information substantielle de nature à altérer le comportement économique du consommateur, et que les informations dispensées, à savoir l’identification du matériel délivré, suffisait à permettre au consommateur de trouver par ses propres moyens des informations complémentaires. La juridiction supérieure censure ce raisonnement en estimant que les informations manquantes étaient essentielles à la vente des logiciels, sans lesquelles le consommateur moyen ne pouvait prendre une décision en connaissance de cause. Même si cette décision ne donne pas de solution concrète au litige puisque les juges de cassation n’ont pas vocation à apprécier les faits au fond de l’affaire, elle se situe dans la lignée des décisions en faveur d’une condamnation de ces pratiques en affirmant le caractère essentiel des informations omises par la société Darty. Le bilan est donc peu concluant quant au critère d’appréciation de la déloyauté. On remarquera que dans les jugements cités (des juridictions de proximité de Lorient et de Toulouse), c’est l’idée de contrainte qui semble justifier la condamnation. Dans ce cas, on peut se demander pourquoi les juges se sont fondés sur l’article 5, et pas sur l’article 8 qui incrimine les pratiques agressives et évoque expressément la contrainte comme élément de la qualification. A l’étude de ces décisions favorables ou défavorables à l’exercice de telles pratiques, on ne peut que constater la disparité des jurisprudences concernant les ventes liées, et leur difficulté à se rassembler sur une interprétation bien définie des critères de l’article 5 de la directive, même lorsque les espèces sont très proches comme on l’observe dans le domaine de la vente d’ordinateurs avec ses logiciels qui concerne, à une exception près, toutes les décisions étudiées. Les juges ne s’accordent ni sur le 80 Cass. 1re civ., 6 oct. 2011, n° 10-10.800, UFC Que Choisir SAS Darty et fils : JurisData n° 2011-021022 81 CA Paris, 5e ch., 26 nov. 2009, n° 08/12771, Darty c/ UFC Que Choisir : JurisData n° 2009-015350 89 dispositif ni sur les motifs. Cette cacophonie est une conséquence logique de l’instauration d’une approche casuistique où l’étude de la déloyauté se fait en fonction de la situation concrète du litige. Ceci contribue à une incertitude quant à la solution juridique qui pourra être donnée, de nature à engendrer une insécurité juridique pour les professionnels, et, bien loin de leur donner une plus grande liberté d’action, leur faire ainsi douter de la validité de leurs pratiques. Certaines décisions récentes ont été plus audacieuses et déterminées à conserver une forte interdiction des ventes liées, au moins en ce qui concerne vente d’ordinateurs avec logiciels préinstallés. Section 3 : Les possibilités d’un retour à l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes en toutes circonstances en vertu de la directive Malgré un départ centré sur les conditions de l’article 5 de la directive comme seule possibilité de condamnation de ces ventes, des juges du fond ont plus récemment qualifié la vente liée comme étant trompeuse ou agressive en vertu des articles 6 à 9 de la directive (§1). Par ailleurs il faudra envisager des pistes qui conduiraient à une qualification de certains types de ventes liées ou des ventes avec primes comme déloyale per se en vertu de l’annexe 1 (§2). §1 : La vente liée comme pratique agressive ou comme pratique trompeuse des articles 6à9 Diverses jurisprudences ont retenu que les pratiques de ventes liées et de ventes avec primes n’avaient pas leur place parmi les pratiques trompeuses et agressives telles que définies aux articles 6 à 9 de la directive, mais qu’elles devaient au contraire faire l’objet d’un examen concret en fonction des conditions posées par l’article 5. 2 avant qu’on ne puisse conclure à la déloyauté, et donc les condamner. 90 Toujours dans le domaine des logiciels préinstallés on a cependant eu, au cours de l’année 2012, diverses décisions qui remettent en cause l’idée que les ventes subordonnées ne puissent être considérées comme déloyales que si elles remplissent les critères de l’article 5 de la directive. Au contraire, ces décisions ont commencé à appréhender la vente liée de logiciels comme une pratique agressive interdite par la directive en son article 8, ou comme une pratique trompeuse incriminée à l’article 6 et 7. Dès lors qu’une pratique correspond à la définition donnée par ces pratiques, elle est condamnable en vertu de la directive, ce qui rend l’appréciation plus rapide et l’interdiction plus absolue. Il convient de rappeler que dans les décisions antérieures, les demandeurs avaient déjà avancé des arguments en faveur de la qualification de pratique trompeuse ou de pratique agressive pour les ventes liées. On peut citer par exemple le jugement du Tribunal de Grande Instance de Bobigny du 15 mai 200982, qui réfute sans développer son raisonnement ces qualifications en ce qui concerne les ventes liées de logiciels. Audelà de ce type de contentieux, les concurrents d’Orange avaient également soulevé les arguments de la pratique trompeuse et de la pratique agressive, dans le cadre de l’affaire « Orange Sports »83. Ils invoquaient en effet que l’offre d’Orange pour le service Orange Foot n’informait le consommateur que du prix du service, sans préciser qu’il devrait également changer d’abonnement s’il n’était pas encore chez Orange, alors que ce changement aurait également des coûts d’autant plus que, selon eux, l’offre triple play d’Orange avait un prix supérieur à celle de ses concurrents. Pour eux, cela constituait une omission trompeuse au sens de l’article 7 de la directive. Ils avançaient d’autre part que le fait d’obliger le consommateur à procéder à ce changement d’abonnement était une contrainte exercée sur le consommateur correspondant aux éléments requis à la qualification de pratique agressive de l’article 8 de la directive définie comme étant une pratique qui «elle altère ou est susceptible d’altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d’une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen ». 82 TGI Bobigny, 15 mai 2009, aff. 06/14817, Assoc. UFC Que Choisir c/ Auchan France, définitif 83 CA Paris, 5e ch., 14 mai 2009, SA France Telecom et SA Orange Sports c/ SAS Free et SA Neuf Cegetel (absorbée par SFR), avec les interventions volontaires de l'assoc. « La Ligue de Football professionnel », de l'assoc. nationale des ligues de sport professionnel et du min. Éco., Industr. et Emploi (DGCCRF Paris) : JurisData n° 2009-003817 (Voir la décision reproduite en annexe 2 de ce document, p.120) 91 Ces arguments invoqués en appel n’avaient cependant pas porté leurs fruits puisque les juges du fond ont, dans cette espèce, rejeté cette argumentation. Pour ce qui est de la pratique trompeuse, ils ont jugé que les informations données sur l’offre n’induisaient pas le consommateur moyen en erreur car l’offre mentionnait que : « pour profiter de l'option Orange Foot, il est nécessaire d'être client de la télévision d'Orange », renseignant ainsi l’acheteur sur la subordination de l’offre à un abonnement chez Orange. En ce qui concerne les allégations de pratique agressive, les juges considèrent que le fait qu’un consommateur doive s’abonner à Orange pour bénéficier du service en question ne constitue pas une contrainte au sens de l’article 8 de la directive, puisque cela fait justement partie de la stratégie commerciale d’Orange pour attirer de nouveaux clients. Ainsi, on pourrait penser que la vente liée ne peut être considérée comme une pratique à proprement parler trompeuse ou agressive conformément aux articles 6 à 9 de la directive. Cependant, en suivant le raisonnement de l’arrêt VTB-VAB, on ne peut véritablement établir de généralité sur ces pratiques, et on doit en déterminer la portée au cas par cas. On ne peut donc exclure la possibilité que, dans certains cas, les pratiques de ventes subordonnées ne puissent rentrer dans le champ des pratiques trompeuses ou agressives des articles 6 à 9. C’est dans ce sens qu’ont raisonné certains juges du fond en qualifiant des ventes subordonnées d’ordinateurs à l’achat de leur logiciel d’exploitation de pratique agressive. Ce fut notamment le cas de la décision de la juridiction de proximité de Saint-Denis du 10 janvier 2012, dans un litige opposant un consommateur, M. Marty, à la société Samsung, constructeur d’ordinateurs. Voici un extrait des motifs de la décision : « si, comme le soutient la société SAMSUNG, dans l'esprit de la majorité des consommateurs, un ordinateur est nécessairement vendu avec un système d'exploitation en l'espèce fourni par la société Microsoft, c'est en raison des pratiques des assembleurs ; Que ces agissements sont constitutifs de pratiques commerciales agressives ; Qu'ainsi, il convient de déclarer déloyale en toutes circonstances à raison de son caractère agressif, la pratique consistant pour la société SAMSUNG, à revendre un système d'exploitation acquis par ses soins sans que Monsieur MARTY le lui ait 92 demandé, et d'exiger le renvoi de l'ordinateur pour la désinstallation et le remboursement dudit système d'exploitation. » Ce jugement est particulièrement audacieux car il contre l’argument de l’avantage apporté par la pratique au consommateur moyen en affirmant pour la première fois que ce sont les pratiques en cause qui sont à l’origine de l’ignorance du consommateur, et que s’il n’est pas gêné par ces pratiques, c’est justement à cause d’un manque d’information généralisé. C’est sur cet élément que se fonde le juge du fond pour soutenir l’agressivité de la pratique. Ainsi, les arguments souvent soulevés selon lesquels cette pratique est en réalité favorable au consommateur puisque celui-ci n’a pas les connaissances requises pour se munir lui-même de logiciels à partir d’un ordinateur « nu » sont balayés par les considérations du juge. En effet, si le consommateur n’a pas même conscience du fait qu’il pourrait acheter un ordinateur nu pour ensuite le munir du logiciel d’exploitation de son choix, c’est justement parce que la pratique de pré installation des logiciels est extrêmement répandue. Cet élément a son importance car il rappelle que la notion de consommateur moyen n’est pas une notion figée mais une notion sur laquelle influent différents critères, et l’un d’entre eux est peut-être le comportement des professionnels en général. Cette jurisprudence n’est pas isolée, et cette position a été réitérée par la juridiction de proximité de Caen dans une décision du 10 mai 2012, qui opposait une consommatrice à la société Samsung, fabricant d’ordinateurs. En l’espèce, la pratique était à nouveau le fait pour Samsung de ne pas offrir la possibilité au consommateur d’acheter un ordinateur dépourvu de logiciels, de ne pas offrir la possibilité de refuser le contrat de licence au démarrage de l’ordinateur et de ne proposer qu’une procédure de désinstallation lourde et coûteuse donc extrêmement dissuasive pour le consommateur. Le juge de proximité a retenu en l’espèce l’existence dans ce procédé d’une pratique agressive en raisonnant de la manière suivante : « Cette absence totale de choix combinée à une procédure particulièrement lourde de désinstallation de logiciels et de remboursement y afférent constitue une pratique commerciale déloyale en toutes circonstances au sens de la Directive communautaire 2005/29/CE puisqu'elle met en œuvre tant une influence injustifiée qu'une contrainte à l'égard du consommateur. » 93 Une autre décision, toujours d’une juridiction de proximité, en date du 18 avril 2012, défend la thèse de l’interdiction en toutes circonstances de ce type de pratiques. Cette affaire opposait cette fois un consommateur au distributeur des ordinateurs Samsung, Auchan, pour une espèce autrement similaire à celle du jugement analysé précédemment. Alors même que le juge conclue également à l’existence d’une vente liée, il statue en la qualifiant non pas uniquement de pratique déloyale au sens de l’article 5, mais va jusqu’à condamner le fabricant pour pratique trompeuse aux motifs suivants : « Attendu que selon (...) la directive (...), constitue une pratique commerciale trompeuse l'information qui induit ou qui est susceptible d'induire en erreur le consommateur moyen en ce qui concerne le prix ou le mode de calcul du prix de nature à l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement. (...) Attendu qu'en l'espèce, la société AUCHAN n'a pas affiché le prix de l'ordinateur et de façon distinctive le prix des logiciels pré-installés, qu'elle n'a fourni à Monsieur Z, avant l'achat du 23 avril 2010, aucune information sur le prix de chacun de ces éléments alors que l'ordinateur et les logiciels pré-installés constituent des éléments distincts, qu'une telle pratique commerciale est trompeuse au sens de (...) la Directive (...) puisque l'absence d'information sur les prix a induit en erreur Monsieur Z et l'a amené à prendre une décision, à savoir l'achat de l'ensemble qu'il n'aurait pas prise autrement puisqu'il ne souhaitait acheter que l'ordinateur sans les logiciels préinstallés, que cette pratique trompeuse est interdite en application de l'article L. 122-1 du code de la consommation. » Cette qualification n’est en réalité pas des plus inattendues car de l’analyse faite dans le Chapitre premier de cette Partie ressort clairement une grande proximité entre les caractères objectifs de la déloyauté de l’article 5 et la définition à la fois française et européenne de l’action trompeuse. En effet, on a conclu qu’à la fois le non-respect de la diligence professionnelle et l’altération du comportement économique du consommateur renvoyaient à un manque ou à une absence d’information qui aurait déterminé le consentement de la victime à contracter. Ceci est en fait constitutif d’une omission trompeuse conformément à l’article 7 de la directive, qui énonce qu’une pratique est trompeuse si « elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en 94 connaissance de cause. » De même, comme on l’a noté à la Section précédente au sujet des juridictions de Lorient et de Toulouse ayant condamné la vente liée, l’aspect contraignant de la pratique la rapproche d’une pratique agressive au sens de la directive. Si l’on peut s’accorder à dire que la vente liée dans ce contexte constitue une pratique trompeuse au sens de l’article 7 ou de pratique agressive de l’article 8, on doit néanmoins s’attarder sur les conséquences d’une telle qualification. Dans ces jugements, les juges en tirent la conclusion que ce type de ventes est une pratique déloyale interdite en toutes circonstances. Concrètement, cela permettrait de cesser d’abandonner la rechercher des conditions de l’article 5.2 pour pouvoir condamner certaines pratiques définies par la jurisprudence comme étant trompeuse ou agressives. Cette affirmation ne semble pas être en adéquation avec la lettre et l’esprit de la directive et du code de la consommation. En effet, les articles L 121-1 et suivants et L 122-11 et suivants qui interdisent respectivement les pratiques trompeuses et les pratiques agressives distinguent les pratiques interdites en toutes circonstances, qui correspondent à celles listées en annexe de la directive, des pratiques simplement présumées déloyales, qui représentent les pratiques condamnables en vertu des articles 6 à 9 de la directive. En effet, ces derniers articles insistent sur le fait qu’il faille là encore apprécier les circonstances de l’espèce avant de pouvoir déduire la déloyauté : c’est notamment le cas de l’article 7.1, qui donne une définition générale de l’omission trompeuse (qui concernerait justement l’omission de l’information sur les prix des logiciels). Il énonce en effet : « Une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte (…)». On note en effet que le texte insiste sur la nécessité d’une appréciation concrète même pour rentrer dans cette qualification. On en conclut donc que si, dans les affaires citées ci-avant, on a pu qualifier ces ventes de pratiques trompeuses ou de pratiques agressives, c’est en fonction de la vente telle qu’elle était proposée en l’espèce. Les juges tiennent compte lors de cette qualification d’éléments précis appartenant à cette offre-là, comme la lourdeur de la procédure de désinstallation, qui ne peuvent être généralisés à toutes les ventes d’ordinateurs avec logiciels préinstallés. Ainsi, même si l’on analyse les ventes de logiciels préinstallés comme un type particulier de vente liée qui s’identifierait à une pratique agressive ou trompeuse 95 (encore faudrait-il se mettre d’accord entre ces qualifications), cela ne peut faire disparaître des disparités -certes minimes- sur les faits de l’espèce qui pourraient servir de prétexte pour ressusciter pour chaque nouveau cas l’exigence de l’appréciation concrète des faits avant une quelconque qualification prohibitive. Etudions à présent ce en quoi la méthode concrète pourrait permettre d’interdire à certaines conditions des ventes liées et des ventes avec primes en vertu de l’annexe 1. §2 : Un retour possible dans certains cas à l’interdiction absolue en vertu de l’annexe 1 Pour ce qui est des ventes avec primes, il convient de faire remarquer que lors de l’appréciation de cette pratique dans les décisions VAT-VTB du 23 avril 2009 et Mediaprint Zeitungs und Zeitschriftenverlag GmbH du 9 novembre 201084, la Cour de Justice des Communautés Européennes n’a pas envisagé, ne serait-ce que pour la réfuter, la correspondance entre l’interdiction des ventes avec primes et le point 20 de l’annexe 1 de la directive qui interdit les pratiques ayant pour objet de « décrire un produit comme étant gratuit, « à titre gracieux », « sans frais » ou autres termes similaires si le consommateur doit payer quoi que ce soit d’autre que les coûts inévitables liés à la réponse à la pratique commerciale et au fait de prendre possession ou livraison de l’article ». En effet, cet argument n’a pas été avancé par les défenseurs des législations nationales belges et allemandes, et l’hypothèse n’a donc pas été expressément rejetée dans les développements de la Cour, comme l’a fait remarquer le professeur Guy Raymond85. Cependant et comme on l’a développé dans la Section 1 §1 A) de ce Chapitre, l’interdiction des ventes avec primes repose entre autres sur la volonté d’interdire une pratique qui aurait pour effet de faire croire au consommateur qu’en plus d’un achat, il 84 CJUE, 9 nov. 2010, aff. C-540/08, Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG c/ "Österreich"-Zeitungsverlag GmbH 85 JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 907 : PROMOTION DES VENTES PAR UN AVANTAGE CONSOMMATEUR > II. - Promotions par la remise d'un objet à titre gratuit (Guy Raymond) Cote : 04,2010 96 reçoit gratuitement une prime, alors que le coût de la prime est parfois intégré au prix total payé par l’acheteur. Sous cet aspect-là, la vente avec prime dite « auto-payante » s’apparente fortement à la pratique prohibée en toutes circonstances par le point 20 de l’annexe 1 de la directive sur les pratiques commerciales déloyales. A la lecture de l’annexe 1, d’autres pratiques prohibées en principe semblent correspondre à la vente liée et à la vente avec prime. Le point 31 de l’annexe prohibe en effet le fait pour un professionnel de : « Donner la fausse impression que le consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera en accomplissant tel acte un prix ou un autre avantage équivalent, alors que, en fait, (…) l’accomplissement d’une action en rapport avec la demande du prix ou autre avantage équivalent est subordonné à l’obligation pour le consommateur de verser de l’argent ou de supporter un coût. » En effet, si une vente avec prime intègre le prix de la prime au prix global de la vente, on peut considérer que la prime aura été remise à condition pour le consommateur d’en supporter le coût. Cet argument n’a, lui non plus, jamais été invoqué auprès de la Cour de Justice de l’Union Européenne. Le point 29 de l’annexe dispose quant à lui qu’est prohibée en toutes circonstance la pratique consistant à : « Exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés, ou exiger leur renvoi ou leur conservation, sauf lorsqu’il s’agit d’un produit de substitution fourni conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 97/7/CE (fournitures non demandées). » Cette formulation est assez évocatrice des situations de ventes liées de logiciels puisqu’il s’agit bien de la fourniture de produits non demandés par le consommateur. Plus généralement, subordonner l’achat d’un produit à l’achat d’un autre produit non désiré par le consommateur, n’est-ce pas constituer justement cette fourniture non demandée ? Il semblerait que ces pratiques soient très proches, voire équivalentes. La Cour de Justice exige une appréciation concrète des faits avant toute condamnation de ces pratiques au titre de la déloyauté. En allant au bout de ce raisonnement, on ne peut exclure qu’en fonction des circonstances qui l’entourent, une pratique pouvant être qualifiée de vente liée ou de vente avec prime puisse également correspondre à l’une des pratiques interdites per se par l’annexe 1 (comme celles qu’on vient de citer). En réalité, le fait d’adopter une approche concrète, c’est surtout changer 97 l’angle d’appréciation : si on ne peut plus établir de généralité sur la vente liée et sur la vente avec prime en tant que telles, on ne peut exclure qu’en particulier, elles ne soient qualifiées de manière à correspondre aux autres pratiques déloyales, que ce soit en vertu des articles 6 à 9, ou en vertu de l’annexe 1, ce qui permettrait d’interdire en toutes circonstances ces ventes lorsqu’elles ont la forme des pratiques décrites ci-avant et interdites en vertu de l’annexe 1 de la directive. 98 Conclusion La méthode d’analyse qui consiste à évaluer au cas par cas les ventes avec primes et les ventes liées avant leur condamnation, instaurée par la directive d’harmonisation maximale 2005/29/CE, constitue une amélioration en termes d’accroissement de la concurrence intracommunautaire et même par certains aspects en termes de protection du consommateur. Le critère de la déloyauté qui fonde l’interdiction de ces pratiques est défini par la directive, et peut se résumer comme étant l’absence de faculté pour le consommateur de faire un choix commercial libre, à l’exclusion de la simple influence du professionnel dans ce choix, contrairement aux anciens textes. La question de la liberté du choix ne correspond donc plus véritablement aux buts principaux de ces interdictions, ce qui rendra sans doute peu fréquentes les condamnations des ventes liées et des ventes avec primes comme pratiques commerciales déloyales. De plus, la méthode casuistique a été critiquée pour l’insécurité juridique qui en résulte, ce qui n’est favorable ni au consommateur ni à la concurrence. Ces constatations ont conduit la jurisprudence à évoluer sur ces questions et à tendre vers une interdiction plus stricte des ventes liées. A ce stade, on ne peut exclure que d’autres évolutions aient lieu en ce sens. 99 Annexes Annexe 1 : Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil ("directive sur les pratiques commerciales déloyales") (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE, vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 95, vu la proposition de la Commission, vu l'avis du Comité économique et social européen [1], statuant conformément à la procédure visée à l'article 251 du traité [2], considérant ce qui suit: (1) L'article 153, paragraphe 1, et paragraphe 3, point a), du traité prévoit que la Communauté contribue à la réalisation d'un niveau élevé de protection des consommateurs par les mesures qu'elle adopte en application de l'article 95 du traité. (2) Conformément à l'article 14, paragraphe 2, du traité, le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises et des services et la liberté d'établissement sont assurées. Le développement de pratiques commerciales loyales au sein de l'espace sans frontières intérieures est essentiel pour favoriser l'expansion des activités transfrontalières. (3) Les législations des États membres en matière de pratiques commerciales déloyales présentent des différences marquées, qui peuvent entraîner des distorsions sensibles de concurrence et faire obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur. Dans le domaine de la publicité, la directive 84/450/CEE du Conseil du 10 septembre 1984 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative [3] fixe des critères minimaux visant à une harmonisation de la législation sur la publicité trompeuse, mais ne fait pas obstacle au maintien ou à l'adoption par les États membres de mesures apportant aux consommateurs une protection plus étendue. En conséquence, les dispositions législatives des États membres en matière de publicité trompeuse présentent des divergences importantes. 100 (4) Ces disparités entraînent une incertitude quant aux règles nationales applicables aux pratiques commerciales déloyales portant atteinte aux intérêts économiques des consommateurs et créent de nombreuses entraves touchant les entreprises et les consommateurs. Ces entraves augmentent le coût à supporter par les entreprises pour exercer les libertés liées au marché intérieur, en particulier lorsqu'elles souhaitent s'engager dans une commercialisation, lancer des campagnes publicitaires ou offrir des promotions commerciales transfrontalières. Pour les consommateurs, de telles entraves entraînent également des incertitudes quant à leurs droits et affaiblissent leur confiance dans le marché intérieur. (5) En l'absence de règles uniformes à l'échelon communautaire, des obstacles à la libre circulation transfrontalière des services et des marchandises ou à la liberté d'établissement pourraient se justifier, à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, dès lors qu'ils visent à protéger des objectifs reconnus d'intérêt public et qu'ils sont proportionnés à ces objectifs. Compte tenu des objectifs communautaires, tels que définis dans les dispositions du traité et du droit communautaire dérivé relatives à la liberté de circulation, et conformément à la politique de la Commission en matière de communications commerciales, précisée dans la communication de la Commission intitulée "Suivi du Livre vert: les communications commerciales dans le marché intérieur", ces obstacles devraient être éliminés. Ils ne peuvent l'être qu'en établissant, à l'échelon communautaire, des règles uniformes qui assurent un niveau élevé de protection des consommateurs, et en clarifiant certaines notions juridiques, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur et afin d'assurer la sécurité juridique. (6) La présente directive a dès lors pour objet de rapprocher les législations des États membres relatives aux pratiques commerciales déloyales, y compris la publicité déloyale, portant atteinte directement aux intérêts économiques des consommateurs et, par conséquent, indirectement aux intérêts économiques des concurrents légitimes. Conformément au principe de proportionnalité, la présente directive protège les consommateurs des conséquences de ces pratiques commerciales déloyales dès lors qu'elles sont substantielles, tout en reconnaissant que, dans certains cas, ces conséquences sont négligeables. Elle ne couvre ni n'affecte les législations nationales relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte uniquement aux intérêts économiques de concurrents ou qui concernent une transaction entre professionnels; pour tenir pleinement compte du principe de subsidiarité, les États membres conserveront, s'ils le souhaitent, la faculté de réglementer les pratiques visées, conformément à la législation communautaire. La présente directive ne couvre ni n'affecte les dispositions de la directive 84/450/CEE ayant trait à la publicité trompeuse pour les entreprises mais pas pour les consommateurs ainsi qu'à la publicité comparative. La présente directive n'affecte pas non plus les pratiques publicitaires et commerciales admises, comme le placement légitime de produits, la différenciation des marques ou les incitations à l'achat, qui peuvent légitimement influencer la perception 101 d'un produit par le consommateur ainsi que son comportement, sans altérer son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause. (7) La présente directive porte sur les pratiques commerciales qui visent directement à influencer les décisions commerciales des consommateurs à l'égard de produits. Elle ne s'applique pas aux pratiques commerciales mises en œuvre principalement à d'autres fins, parmi lesquelles figurent par exemple les communications commerciales destinées aux investisseurs, telles que les rapports annuels et la documentation promotionnelle des entreprises. Elle ne s'applique pas aux prescriptions légales concernant le bon goût et la bienséance, qui sont très variables d'un État membre à l'autre. Des pratiques commerciales telles que, par exemple, la sollicitation commerciale dans la rue peuvent être malvenues dans certains États membres pour des raisons culturelles. Les États membres devraient par conséquent avoir la possibilité de continuer à interdire certaines pratiques commerciales sur leur territoire, conformément au droit communautaire, pour des motifs de bon goût et de bienséance, même lorsque ces pratiques ne restreignent pas la liberté de choix des consommateurs. Il serait judicieux, lors de l'application de la directive, notamment des clauses générales, de tenir largement compte des circonstances de chaque espèce. (8) La présente directive protège expressément les intérêts économiques des consommateurs contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises à leur égard. Dès lors, elle protège aussi indirectement les entreprises légitimes contre les concurrents qui ne suivent pas les règles du jeu fixées par la présente directive, garantissant ainsi une concurrence loyale dans le secteur d'activité qu'elle coordonne. Il va de soi qu'il existe d'autres pratiques commerciales qui, si elles ne portent pas atteinte aux consommateurs, peuvent néanmoins porter préjudice aux concurrents et aux clients des entreprises. Il convient que la Commission examine attentivement s'il y a lieu d'envisager une action communautaire en ce qui concerne la concurrence déloyale audelà du champ d'application de la présente directive et formule, si nécessaire, une proposition législative couvrant ces autres formes de concurrence déloyale. (9) La présente directive s'applique sans préjudice des recours individuels formés par les personnes lésées par une pratique commerciale déloyale. Elle s'applique également sans préjudice des règles communautaires et nationales relatives au droit des contrats, aux droits de propriété intellectuelle, aux questions de santé et de sécurité liées aux produits, aux conditions d'établissement et aux régimes d'autorisation, notamment les règles qui, conformément au droit communautaire, concernent les activités de jeux d'argent, et des règles communautaires en matière de concurrence et des dispositions nationales visant à les mettre en œuvre. Les États membres pourront ainsi maintenir ou instaurer sur leur territoire des mesures de restriction ou d'interdiction de pratiques commerciales pour des motifs de protection de la santé et de la sécurité des consommateurs, quel que soit le lieu d'établissement du professionnel, par exemple pour ce qui concerne l'alcool, le tabac ou les produits pharmaceutiques. Eu égard à leur complexité et aux graves risques qui leur sont propres, les services financiers et les biens immobiliers doivent faire l'objet de prescriptions détaillées, y compris l'instauration d'obligations positives à respecter 102 par les professionnels. C'est la raison pour laquelle, s'agissant des services financiers et des biens immobiliers, la présente directive s'applique sans préjudice de la faculté pour les États membres d'adopter des mesures qui aillent au delà des dispositions de la présente directive, pour protéger les intérêts économiques des consommateurs. Il ne convient pas que la présente directive réglemente la certification et l'indication du titre des ouvrages en métal précieux. (10) Il est nécessaire de veiller à ce que la relation entre la présente directive et la législation communautaire existante soit cohérente, en particulier lorsque des dispositions détaillées concernant les pratiques commerciales déloyales s'appliquent à des secteurs spécifiques. La présente directive modifie donc la directive 84/450/CEE, la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance [4], la directive 98/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs [5] et la directive 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs [6]. La présente directive ne s'applique, en conséquence, que lorsqu'il n'existe pas de dispositions communautaires spécifiques régissant des aspects particuliers des pratiques commerciales déloyales, telles que des prescriptions en matière d'information ou des règles régissant la présentation des informations au consommateur. Elle apporte une protection aux consommateurs lorsqu'il n'existe aucune législation sectorielle spécifique à l'échelon communautaire et interdit aux professionnels de donner une fausse impression de la nature des produits. Ceci est particulièrement important dans le cas de produits complexes comportant un niveau de risque élevé pour les consommateurs, comme certains produits liés à des services financiers. La présente directive complète par conséquent l'acquis communautaire applicable aux pratiques commerciales portant préjudice aux intérêts économiques des consommateurs. (11) Le niveau élevé de convergence résultant du rapprochement des dispositions nationales assuré par la présente directive crée un niveau commun élevé de protection des consommateurs. La présente directive établit une interdiction générale unique des pratiques commerciales déloyales qui altèrent le comportement économique des consommateurs. Elle établit également des règles sur les pratiques commerciales agressives, qui ne sont pas actuellement réglementées au niveau communautaire. (12) L'harmonisation augmentera considérablement la sécurité juridique tant pour les consommateurs que pour les professionnels. Les consommateurs et les professionnels pourront ainsi s'appuyer sur un cadre réglementaire unique basé sur des concepts juridiques clairement définis réglementant tous les aspects des pratiques commerciales déloyales au sein de l'Union européenne. Ceci aura pour conséquence d'éliminer les entraves résultant de la disparité des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales portant atteinte aux intérêts économiques des consommateurs et de permettre la réalisation du marché intérieur dans ce domaine. 103 (13) Pour atteindre les objectifs communautaires en éliminant les entraves au marché intérieur, il est nécessaire de remplacer les clauses générales et principes juridiques divergents actuellement en vigueur dans les États membres. L'interdiction générale commune et unique établie par la présente directive couvre donc les pratiques commerciales déloyales altérant le comportement économique des consommateurs. Afin de renforcer la confiance des consommateurs, l'interdiction générale devrait aussi s'appliquer aux pratiques commerciales déloyales qui sont utilisées en dehors de toute relation contractuelle entre le professionnel et le consommateur ou consécutivement à la conclusion d'un contrat ou durant l'exécution de celui-ci. Cette interdiction générale est développée par les règles relatives aux deux types de pratiques commerciales de loin les plus nombreuses, à savoir les pratiques commerciales trompeuses et les pratiques commerciales agressives. (14) Il est souhaitable que les pratiques commerciales trompeuses couvrent les pratiques, y compris la publicité trompeuse, qui, en induisant le consommateur en erreur, l'empêchent de faire un choix en connaissance de cause et donc de façon efficace. En conformité avec les législations et les pratiques des États membres sur la publicité trompeuse, la présente directive distingue, parmi les pratiques trompeuses, les actions trompeuses et les omissions trompeuses. En ce qui concerne les omissions, la présente directive énumère un nombre limité d'informations clés dont le consommateur a besoin pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause. Ces informations ne devront pas être fournies dans toutes les publicités mais seulement lorsque le professionnel fera une invitation à l'achat, concept clairement défini par la présente directive. L'approche adoptée dans la présente directive, qui consiste en une harmonisation complète, n'empêche pas les États membres de préciser dans leur droit national les principales caractéristiques de produits particuliers, par exemple les objets de collection ou les biens électriques, dont l'omission serait substantielle lors d'une invitation à l'achat. La présente directive n'entend pas réduire le choix des consommateurs en interdisant la promotion de produits qui semblent similaires à d'autres produits, à moins que cette similarité ne sème la confusion dans l'esprit des consommateurs quant à l'origine commerciale du produit et soit donc trompeuse. Il convient que la présente directive s'applique sans préjudice de la législation communautaire existante qui laisse expressément aux État membres le choix entre plusieurs options réglementaires aux fins de la protection des consommateurs en matière de pratiques commerciales. La présente directive devrait en particulier s'appliquer sans préjudice de l'article 13, paragraphe 3, de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques [7]. (15) Lorsque la législation communautaire fixe des prescriptions en matière d'information applicables à la publicité, à la communication commerciale et au marketing, les informations en question sont réputées substantielles au sens de la présente directive. Les États membres auront la faculté de maintenir ou d'instaurer des 104 prescriptions en matière d'information liées au droit des contrats ou ayant des implications en matière de droit des contrats lorsque cette possibilité est prévue par les clauses minimales comprises dans les instruments de droit communautaire existants. On trouvera à l'annexe II une liste non exhaustive de ce type de prescriptions en matière d'information telles qu'elles figurent dans l'acquis. Étant donné que la présente directive vise à procéder à une harmonisation totale, seules les informations exigées en vertu de la législation communautaire sont considérées comme étant substantielles aux fins de son article 7, paragraphe 5. Si les États membres ont introduit des prescriptions en matière d'information au-delà ou en sus de ce qui est spécifié par la législation communautaire, en vertu des clauses minimales, le non-respect de ces prescriptions ne sera pas considéré comme une omission trompeuse au sens de la présente directive. Par contre, les États membres auront la faculté, lorsque les clauses minimales comprises dans la législation communautaire le permettent, de maintenir ou d'instaurer des dispositions plus strictes, conformes à la législation communautaire, pour assurer un niveau plus élevé de protection des droits contractuels individuels des consommateurs. (16) Les dispositions sur les pratiques commerciales agressives devraient couvrir les pratiques qui altèrent de manière significative la liberté de choix du consommateur. Il s'agit de pratiques incluant le harcèlement, la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou une influence injustifiée. (17) Afin d'apporter une plus grande sécurité juridique, il est souhaitable d'identifier les pratiques commerciales qui sont, en toutes circonstances, déloyales. L'annexe I contient donc la liste complète de toutes ces pratiques. Il s'agit des seules pratiques commerciales qui peuvent être considérées comme déloyales sans une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9. Cette liste ne peut être modifiée que par une révision de la directive. (18) Il convient de protéger tous les consommateurs des pratiques commerciales déloyales. La Cour de justice a toutefois estimé nécessaire, lorsqu'elle a statué sur des affaires de publicité depuis la transposition de la directive 84/450/CEE, d'examiner leurs effets pour un consommateur typique fictif. Conformément au principe de proportionnalité, et en vue de permettre l'application effective des protections qui en relèvent, la présente directive prend comme critère d'évaluation le consommateur moyen qui est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques, selon l'interprétation donnée par la Cour de justice, mais prévoit également des dispositions visant à empêcher l'exploitation de consommateurs dont les caractéristiques les rendent particulièrement vulnérables aux pratiques commerciales déloyales. Lorsqu'une pratique commerciale s'adresse spécifiquement à un groupe particulier de consommateurs, comme les enfants, il est souhaitable que son incidence soit évaluée du point de vue du membre moyen de ce groupe. Par conséquent, il convient d'inscrire sur la liste des pratiques réputées déloyales en toutes circonstances une disposition qui, sans édicter une interdiction totale de la publicité à destination des enfants, protège ces derniers d'incitations directes à acheter. La notion de consommateur moyen n'est pas une notion statistique. Les 105 juridictions et les autorités nationales devront s'en remettre à leur propre faculté de jugement, en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de justice, pour déterminer la réaction typique du consommateur moyen dans un cas donné. (19) Lorsque certaines caractéristiques, telles que l'âge, une infirmité physique ou mentale ou la crédulité, rendent un groupe particulier de consommateurs particulièrement vulnérable à une pratique commerciale ou au produit qu'elle concerne, ou lorsque le comportement économique de ce seul groupe de consommateurs est susceptible d'être altéré par cette pratique d'une manière que le professionnel peut raisonnablement prévoir, il y a lieu de veiller à ce que ce groupe soit suffisamment protégé, en évaluant la pratique en cause du point de vue du membre moyen de ce groupe. (20) Il convient de prévoir un rôle pour des codes de conduite, qui permettent aux professionnels d'appliquer les principes de la présente directive de manière effective dans des domaines économiques particuliers. Dans les secteurs dans lesquels le comportement des professionnels est soumis à des exigences contraignantes spécifiques, il convient que celles-ci soient également prises en considération aux fins des exigences en matière de diligence professionnelle dans le secteur concerné. Le contrôle exercé par les responsables des codes au niveau national ou communautaire afin d'éliminer les pratiques commerciales déloyales peut éviter le recours à une action administrative ou judiciaire et devrait dès lors être encouragé. Dans le but d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, les organisations de consommateurs pourraient être informées de l'élaboration des codes de conduite et y être associées. (21) Les personnes ou organisations considérées, selon la législation nationale, comme ayant un intérêt légitime à agir doivent disposer de voies de recours pour engager une action contre des pratiques commerciales déloyales, soit devant un tribunal, soit auprès d'une autorité administrative compétente pour statuer sur les plaintes ou pour engager une action en justice appropriée. Bien que la charge de la preuve doive être déterminée conformément à la législation nationale, il convient que les tribunaux et les autorités administratives soient habilités à exiger des professionnels qu'ils fournissent des preuves sur l'exactitude de leurs allégations factuelles. (22) Il est nécessaire que les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions de la présente directive et veillent à leur mise en œuvre. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. (23) Étant donné que les objectifs de la présente directive, à savoir éliminer les entraves au fonctionnement du marché intérieur que constituent les législations nationales sur les pratiques commerciales déloyales et assurer un niveau commun élevé de protection des consommateurs, en rapprochant les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les pratiques commerciales déloyales, ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres et peuvent donc être mieux réalisés au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des 106 mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, la présente directive n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs. (24) Il convient de procéder au réexamen de la présente directive afin de garantir que les obstacles au marché intérieur ont été traités et qu'un niveau élevé de protection des consommateurs est atteint. Ce réexamen pourrait donner lieu à une proposition de la Commission visant à modifier la présente directive, ce qui pourrait comporter une prorogation limitée de la dérogation prévue à l'article 3, paragraphe 5, et/ou une modification d'autres législations en matière de protection des consommateurs, reflétant l'engagement pris par la Commission dans le cadre de sa stratégie pour la politique des consommateurs de réexaminer l'acquis existant afin d'atteindre un niveau commun élevé de protection des consommateurs. (25) La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus notamment par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ONT ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE: CHAPITRE I DISPOSITIONS GÉNÉRALES Article premier Objectif L'objectif de la présente directive est de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en rapprochant les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte aux intérêts économiques des consommateurs. Article 2 Définitions Aux fins de la présente directive, on entend par: a) "consommateur": toute personne physique qui, pour les pratiques commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale; b) "professionnel": toute personne physique ou morale qui, pour les pratiques commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, et toute personne agissant au nom ou pour le compte d'un professionnel; 107 c) "produit": tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et les obligations; d) "pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs" (ci-après également dénommées "pratiques commerciales"): toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d'un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs; e) "altération substantielle du comportement économique des consommateurs": l'utilisation d'une pratique commerciale compromettant sensiblement l'aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l'amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement; f) "code de conduite": un accord ou un ensemble de règles qui ne sont pas imposés par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives d'un État membre et qui définissent le comportement des professionnels qui s'engagent à être liés par lui en ce qui concerne une ou plusieurs pratiques commerciales ou un ou plusieurs secteurs d'activité; g) "responsable de code": toute entité, y compris un professionnel ou groupe de professionnels, responsable de l'élaboration et de la révision d'un code de conduite et/ou de la surveillance du respect de ce code par ceux qui se sont engagés à être liés par lui; h) "diligence professionnelle": le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d'activité; i) "invitation à l'achat": une communication commerciale indiquant les caractéristiques du produit et son prix de façon appropriée en fonction du moyen utilisé pour cette communication commerciale et permettant ainsi au consommateur de faire un achat; j) "influence injustifiée": l'utilisation d'une position de force vis-à-vis du consommateur de manière à faire pression sur celui-ci, même sans avoir recours à la force physique ou menacer de le faire, de telle manière que son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause soit limitée de manière significative; k) "décision commerciale": toute décision prise par un consommateur concernant l'opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d'acheter, de faire un paiement intégral ou partiel pour un produit, de conserver ou de se défaire d'un produit ou d'exercer un droit contractuel en rapport avec le produit; une telle décision peut amener le consommateur, soit à agir, soit à s'abstenir d'agir; l) "profession réglementée": une activité ou un ensemble d'activités professionnelles dont l'accès, l'exercice ou une des modalités d'exercice est subordonné directement ou 108 indirectement à des dispositions législatives, réglementaires ou administratives relatives à la possession de qualifications professionnelles déterminées. Article 3 Champ d'application 1. La présente directive s'applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l'article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit. 2. La présente directive s'applique sans préjudice du droit des contrats, ni, en particulier, des règles relatives à la validité, à la formation ou aux effets des contrats. 3. La présente directive s'applique sans préjudice des dispositions communautaires ou nationales relatives à la santé et à la sécurité des produits. 4. En cas de conflit entre les dispositions de la présente directive et d'autres règles communautaires régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, ces autres règles priment et s'appliquent à ces aspects spécifiques. 5. Pendant une période de six ans à compter du 12 juin 2007, les États membres ont la faculté de continuer à appliquer des dispositions nationales dont la présente directive opère le rapprochement, plus restrictives ou plus rigoureuses que la présente directive et qui mettent en œuvre des directives incluant des clauses d'harmonisation minimale. Ces mesures doivent être essentielles pour garantir que les consommateurs soient protégés de manière adéquate contre les pratiques commerciales déloyales et doivent être proportionnées à cet objectif à atteindre. La révision visée à l'article 18 peut, s'il y a lieu, comprendre une proposition visant à proroger cette dérogation pour une durée limitée. 6. Les États membres notifient sans délai à la Commission toute disposition nationale appliquée au titre du paragraphe 5. 7. La présente directive s'applique sans préjudice des règles régissant la compétence des tribunaux. 8. La présente directive s'applique sans préjudice des conditions d'établissement ou des régimes d'autorisation ou des codes de déontologie ou de toute autre disposition spécifique régissant les professions réglementées que les États membres peuvent imposer aux professionnels, conformément à la législation communautaire, pour garantir que ceux-ci répondent à un niveau élevé d'intégrité. 9. Pour ce qui est des "services financiers", au sens de la directive 2002/65/CE, et des biens immobiliers, les États membres peuvent imposer des exigences plus restrictives ou plus rigoureuses que celles prévues par la présente directive dans le domaine dans lequel cette dernière vise au rapprochement des dispositions en vigueur. 109 10. La présente directive ne vise pas l'application des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de certification et d'indication du titre des ouvrages en métal précieux. Article 4 Marché intérieur Les États membres ne restreignent ni la libre prestation de services, ni la libre circulation des marchandises pour des raisons relevant du domaine dans lequel la présente directive vise au rapprochement des dispositions en vigueur. CHAPITRE 2 PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES Article 5 Interdiction des pratiques commerciales déloyales 1. Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. 2. Une pratique commerciale est déloyale si: a) elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle, et b) elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu'elle touche ou auquel elle s'adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu'une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs. 3. Les pratiques commerciales qui sont susceptibles d'altérer de manière substantielle le comportement économique d'un groupe clairement identifiable de consommateurs parce que ceux-ci sont particulièrement vulnérables à la pratique utilisée ou au produit qu'elle concerne en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité, alors que l'on pourrait raisonnablement attendre du professionnel qu'il prévoie cette conséquence, sont évaluées du point de vue du membre moyen de ce groupe. Cette disposition est sans préjudice de la pratique publicitaire courante et légitime consistant à formuler des déclarations exagérées ou des déclarations qui ne sont pas destinées à être comprises au sens littéral. 4. En particulier, sont déloyales les pratiques commerciales qui sont: a) trompeuses au sens des articles 6 et 7, ou b) agressives au sens des articles 8 et 9. 110 5. L'annexe I contient la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances. Cette liste unique s'applique dans tous les États membres et ne peut être modifiée qu'au travers d'une révision de la présente directive. Section 1 Pratiques commerciales trompeuses Article 6 Actions trompeuses 1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses, et qu'elle est donc mensongère ou que, d'une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d'induire en erreur le consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement correctes, en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects ci-après et que, dans un cas comme dans l'autre, elle l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement: a) l'existence ou la nature du produit; b) les caractéristiques principales du produit, telles que sa disponibilité, ses avantages, les risques qu'il présente, son exécution, sa composition, ses accessoires, le service après-vente et le traitement des réclamations, le mode et la date de fabrication ou de prestation, sa livraison, son aptitude à l'usage, son utilisation, sa quantité, ses spécifications, son origine géographique ou commerciale ou les résultats qui peuvent être attendus de son utilisation, ou les résultats et les caractéristiques essentielles des tests ou contrôles effectués sur le produit; c) l'étendue des engagements du professionnel, la motivation de la pratique commerciale et la nature du processus de vente, ainsi que toute affirmation ou tout symbole faisant croire que le professionnel ou le produit bénéficie d'un parrainage ou d'un appui direct ou indirect; d) le prix ou le mode de calcul du prix, ou l'existence d'un avantage spécifique quant au prix; e) la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation; f) la nature, les qualités et les droits du professionnel ou de son représentant, tels que son identité et son patrimoine, ses qualifications, son statut, son agrément, son affiliation ou ses liens et ses droits de propriété industrielle, commerciale ou intellectuelle ou les récompenses et distinctions qu'il a reçues; g) les droits du consommateur, en particulier le droit de remplacement ou de remboursement selon les dispositions de la directive 1999/44/CE du Parlement 111 européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation [8], ou les risques qu'il peut encourir. 2. Une pratique commerciale est également réputée trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle amène ou est susceptible d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, et qu'elle implique: a) toute activité de marketing concernant un produit, y compris la publicité comparative, créant une confusion avec un autre produit, marque, nom commercial ou autre signe distinctif d'un concurrent; b) le non-respect par le professionnel d'engagements contenus dans un code de conduite par lequel il s'est engagé à être lié, dès lors: i) que ces engagements ne sont pas de simples aspirations, mais sont fermes et vérifiables, et ii) que le professionnel indique, dans le cadre d'une pratique commerciale, qu'il est lié par le code. Article 7 Omissions trompeuses 1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement. 2. Une pratique commerciale est également considérée comme une omission trompeuse lorsqu'un professionnel, compte tenu des aspects mentionnés au paragraphe 1, dissimule une information substantielle visée audit paragraphe ou la fournit de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ou lorsqu'il n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte et lorsque, dans l'un ou l'autre cas, le consommateur moyen est ainsi amené ou est susceptible d'être amené à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement. 3. Lorsque le moyen de communication utilisé aux fins de la pratique commerciale impose des limites d'espace ou de temps, il convient, en vue de déterminer si des informations ont été omises, de tenir compte de ces limites ainsi que de toute mesure prise par le professionnel pour mettre les informations à la disposition du consommateur par d'autres moyens. 112 4. Lors d'une invitation à l'achat, sont considérées comme substantielles, dès lors qu'elles ne ressortent pas déjà du contexte, les informations suivantes: a) les caractéristiques principales du produit, dans la mesure appropriée eu égard au moyen de communication utilisé et au produit concerné; b) l'adresse géographique et l'identité du professionnel, par exemple sa raison sociale et, le cas échéant, l'adresse géographique et l'identité du professionnel pour le compte duquel il agit; c) le prix toutes taxes comprises, ou, lorsque la nature du produit signifie que le prix ne peut raisonnablement pas être calculé à l'avance, la manière dont le prix est calculé, ainsi que, le cas échéant, tous les coûts supplémentaires de transport, de livraison et postaux, ou, lorsque ces coûts ne peuvent raisonnablement pas être calculés à l'avance, la mention que ces coûts peuvent être à la charge du consommateur; d) les modalités de paiement, de livraison, d'exécution et de traitement des réclamations, si elles diffèrent des conditions de la diligence professionnelle; e) pour les produits et transactions impliquant un droit de rétractation ou d'annulation, l'existence d'un tel droit. 5. Les informations qui sont prévues par le droit communautaire et qui sont relatives aux communications commerciales, y compris la publicité ou le marketing, et dont une liste non exhaustive figure à l'annexe II, sont réputées substantielles. Section 2 Pratiques commerciales agressives Article 8 Pratiques commerciales agressives Une pratique commerciale est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible d'altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d'une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l'égard d'un produit, et, par conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement. Article 9 Utilisation du harcèlement, de la contrainte ou d'une influence injustifiée Afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique, ou à une influence injustifiée, les éléments suivants sont pris en considération: 113 a) le moment et l'endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature et sa persistance; b) le recours à la menace physique ou verbale; c) l'exploitation en connaissance de cause par le professionnel de tout malheur ou circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d'influencer la décision du consommateur à l'égard du produit; d) tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur; e) toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible. CHAPITRE 3 CODES DE CONDUITE Article 10 Codes de conduite La présente directive n'exclut pas le contrôle, que les États membres peuvent encourager, des pratiques commerciales déloyales par les responsables de codes de conduite, ni le recours à ces derniers par les personnes ou organisations visées à l'article 11, s'il existe des procédures devant de telles entités en sus des procédures judiciaires ou administratives visées audit article. Le recours à de tels organismes de contrôle ne vaut en aucun cas renoncement à une voie de recours judiciaire ou administrative visée à l'article 11. CHAPITRE 4 DISPOSITIONS FINALES Article 11 Application de la législation 1. Les États membres veillent à ce qu'il existe des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales afin de faire respecter les dispositions de la présente directive dans l'intérêt des consommateurs. Ces moyens doivent inclure des dispositions juridiques aux termes desquelles les personnes ou organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à lutter contre les pratiques commerciales déloyales, y compris les concurrents, peuvent: a) intenter une action en justice contre ces pratiques commerciales déloyales, et/ou 114 b) porter ces pratiques commerciales déloyales devant une autorité administrative compétente soit pour statuer sur les plaintes, soit pour engager les poursuites judiciaires appropriées. Il appartient à chaque État membre de décider laquelle de ces procédures sera retenue et s'il convient que les tribunaux ou les autorités administratives puissent exiger le recours préalable à d'autres voies établies de règlement des plaintes, y compris celles mentionnées à l'article 10. Les consommateurs doivent avoir accès à ces moyens, qu'ils soient établis sur le territoire du même État membre que le professionnel ou sur celui d'un autre État membre. Il incombe à chaque État membre de décider: a) si ces moyens juridiques peuvent être mis en œuvre séparément ou conjointement contre un certain nombre de professionnels du même secteur économique, et b) si ces moyens juridiques peuvent être mis en œuvre contre le responsable d'un code lorsque ce code encourage le non-respect des prescriptions légales. 2. Dans le cadre des dispositions juridiques visées au paragraphe 1, les États membres confèrent aux tribunaux ou aux autorités administratives des pouvoirs les habilitant, dans les cas où ceux-ci estiment que ces mesures sont nécessaires compte tenu de tous les intérêts en jeu, et notamment de l'intérêt général: a) à ordonner la cessation de pratiques commerciales déloyales ou à engager les poursuites appropriées en vue de faire ordonner la cessation desdites pratiques, ou b) si la pratique commerciale déloyale n'a pas encore été mise en œuvre mais est imminente, à interdire cette pratique ou à engager les poursuites appropriées en vue de faire ordonner son interdiction, même en l'absence de preuve d'une perte ou d'un préjudice réels, ou d'une intention ou d'une négligence de la part du professionnel. Les États membres prévoient en outre que les mesures visées au premier alinéa peuvent être prises dans le cadre d'une procédure accélérée: - soit avec effet provisoire, - soit avec effet définitif, étant entendu qu'il appartient à chaque État membre de déterminer laquelle de ces deux options sera retenue. 115 En outre, les États membres peuvent conférer aux tribunaux ou aux autorités administratives des compétences les habilitant, en vue d'éliminer les effets persistants de pratiques commerciales déloyales dont la cessation a été ordonnée par une décision définitive: a) à exiger la publication de ladite décision en tout ou en partie et dans la forme qu'ils jugent adéquate; b) à exiger, en outre, la publication d'un communiqué rectificatif. 3. Les autorités administratives visées au paragraphe 1 doivent: a) être composées de manière à ce que leur impartialité ne puisse être mise en doute; b) avoir des pouvoirs suffisants, lorsqu'elles statuent sur des plaintes, pour surveiller et imposer de façon efficace le respect de leurs décisions; c) motiver en principe leurs décisions. Lorsque les pouvoirs visés au paragraphe 2 sont exclusivement exercés par une autorité administrative, celle-ci doit toujours motiver ses décisions. En outre, dans ce cas, des procédures doivent être prévues selon lesquelles tout exercice impropre ou injustifié des pouvoirs de l'autorité administrative ou tout manquement impropre ou injustifié à l'exercice desdits pouvoirs peuvent faire l'objet d'un recours juridictionnel. Article 12 Tribunaux et autorités administratives: justification des allégations Les États membres confèrent aux tribunaux ou aux autorités administratives des pouvoirs les habilitant, lors d'une procédure judiciaire ou administrative visée à l'article 11: a) à exiger que le professionnel fournisse des preuves sur l'exactitude de ses allégations factuelles en rapport avec une pratique commerciale si, compte tenu de l'intérêt légitime du professionnel et de toute autre partie à la procédure, une telle exigence paraît appropriée au vu des circonstances du cas d'espèce, et b) à considérer des allégations factuelles comme inexactes si les preuves exigées conformément au point a) ne sont pas apportées ou sont jugées insuffisantes par le tribunal ou l'autorité administrative. Article 13 Sanctions Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales prises en application de la présente directive, et mettent tout en 116 œuvre pour en assurer l'exécution. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Article 14 Modifications de la directive 84/450/CEE La directive 84/450/CEE est modifiée comme suit: 1) L'article premier est remplacé par le texte suivant: "Article premier La présente directive a pour objet de protéger les professionnels contre la publicité trompeuse et ses conséquences déloyales et d'établir les conditions dans lesquelles la publicité comparative est considérée comme licite." 2) À l'article 2: - le point 3 est remplacé par le texte suivant: "3. "professionnel": toute personne physique ou morale qui agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale et toute personne agissant au nom ou pour le compte d'un professionnel." ; - le point suivant est ajouté: "4. "responsable de code": toute entité, y compris un professionnel ou groupe de professionnels, responsable de l'élaboration et de la révision d'un code de conduite et/ou de la surveillance du respect de ce code par ceux qui se sont engagés à être liés par lui." 3) L'article 3 bis est remplacé par le texte suivant: "Article 3 bis 1. Pour ce qui concerne la comparaison, la publicité comparative est licite dès lors que les conditions suivantes sont remplies: a) elle n'est pas trompeuse au sens de l'article 2, paragraphe 2, de l'article 3 et de l'article 7, paragraphe 1, de la présente directive ou des articles 6 et 7 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur []; b) elle compare des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif; 117 c) elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens et services, y compris éventuellement le prix; d) elle n'entraîne pas le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activités ou situation d'un concurrent; e) pour les produits ayant une appellation d'origine, elle porte dans chaque cas sur des produits ayant la même appellation; f) elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ou à d'autres signes distinctifs d'un concurrent ou de l'appellation d'origine de produits concurrents; g) elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction d'un bien ou d'un service portant une marque ou un nom commercial protégés; h) elle ne soit pas source de confusion parmi les professionnels, entre l'annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l'annonceur et ceux d'un concurrent. 4) À l'article 4, le paragraphe 1 est remplacé par le texte suivant: "1. Les États membres veillent à ce qu'il existe des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre la publicité trompeuse et faire respecter les dispositions en matière de publicité comparative dans l'intérêt des professionnels et des concurrents. Ces moyens doivent inclure des dispositions juridiques aux termes desquelles les personnes ou organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à lutter contre la publicité trompeuse ou à réglementer la publicité comparative peuvent: a) intenter une action en justice contre une telle publicité, ou b) porter une telle publicité devant une autorité administrative compétente soit pour statuer sur les plaintes, soit pour engager les poursuites judiciaires appropriées. Il appartient à chaque État membre de décider laquelle de ces procédures sera retenue et s'il convient que les tribunaux ou les autorités administratives puissent exiger le recours préalable à d'autres voies établies de règlement des plaintes, y compris celles mentionnées à l'article 5. Il incombe à chaque État membre de décider: a) si ces moyens juridiques peuvent être mis en œuvre séparément ou conjointement contre un certain nombre de professionnels du même secteur économique, et 118 b) si ces moyens juridiques peuvent être mis en œuvre contre le responsable d'un code lorsque ce code encourage le non respect des prescriptions légales." 5) À l'article 7, le paragraphe 1 est remplacé par le texte suivant: "1. La présente directive ne fait pas obstacle au maintien ou à l'adoption par les États membres de dispositions visant à assurer, en matière de publicité trompeuse, une protection plus étendue des professionnels et des concurrents." Article 15 Modifications des directives 97/7/CE et 2002/65/CE 1) L'article 9 de la directive 97/7/CE est remplacé par le texte suivant: "Article 9 Fourniture non demandée Étant donné que les pratiques de fourniture non demandée sont interdites par la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur [], les États membres prennent les mesures nécessaires pour dispenser le consommateur de toute contre-prestation en cas de fourniture non demandée, l'absence de réponse ne valant pas consentement. 2) L'article 9 de la directive 2002/65/CE est remplacé par le texte suivant: "Article 9 Étant donné que les pratiques de fourniture non demandée sont interdites par la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur [], et sans préjudice des dispositions en vigueur dans la législation des États membres relatives à la reconduction tacite de contrats à distance lorsque celles-ci permettent une telle reconduction tacite, les États membres prennent les mesures nécessaires pour dispenser le consommateur de toute obligation en cas de fourniture non demandée, l'absence de réponse ne valant pas consentement. Article 16 Modifications des directives 98/27/CE et du règlement (CE) no 2006/2004 1) À l'annexe de la directive 98/27/CE, le point 1 est remplacé par le texte suivant: "1. Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur (JO L 149 du 11.6.2005, p. 22.)" 119 2) À l'annexe du règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales responsables de l'application de la législation en matière de protection des consommateurs ("règlement sur la coopération en matière de protection des consommateurs") [12] le point suivant est ajouté: "16. La directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur (JO L 149 du 11.6.2005, p. 22.)" Article 17 Information Les États membres prennent les mesures appropriées pour informer les consommateurs des dispositions de droit national qui transposent la présente directive et incitent, le cas échéant, les professionnels et les responsables de code à faire connaître leurs codes de conduite aux consommateurs. Article 18 Révision 1. Au plus tard le 12 juin 2006, la Commission soumet au Parlement européen et au Conseil un rapport global sur l'application de son article 3, paragraphe 9, de la présente directive et en particulier sur l'application de son article 4 et de son annexe I, sur l'ampleur de toute harmonisation et simplification supplémentaires du droit communautaire en matière de protection des consommateurs et, compte tenu de l'article 3, paragraphe 5, sur toute mesure qu'il convient de prendre sur le plan communautaire afin de veiller à maintenir des niveaux appropriés de protection des consommateurs. Ce rapport est accompagné, si besoin est, d'une proposition de révision de la présente directive ou d'autres parties pertinentes du droit communautaire. 2. Le Parlement européen et le Conseil s'efforcent d'agir, conformément au traité, dans un délai de deux ans à compter de la présentation par la Commission de toute proposition présentée en vertu du paragraphe 1. Article 19 Transposition Les États membres adoptent et publient au plus tard le 12 juin 2007 les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission et ils lui notifient sans retard toute modification ultérieure. Ils appliquent ces dispositions au plus tard le 12 décembre 2007. Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente 120 directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres. Article 20 Entrée en vigueur La présente directive entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne. Article 21 Destinataires Les États membres sont destinataires de la présente directive. Fait à Strasbourg, le 11 mai 2005. Par le Parlement européen Le président J. P. Borrell Fontelles Par le Conseil Le président N. Schmit [1] JO C 108 du 30.4.2004, p. 81. [2] Avis du Parlement européen du 20 avril 2004 (JO C 104 E du 30.4.2004, p. 260), position commune du Conseil du 15 novembre 2004 (JO C 38 E du 15.2.2005, p. 1) et position du Parlement européen du 24 février 2005 (non encore parue au Journal officiel). Décision du Conseil du 12 avril 2005. [3] JO L 250 du 19.9.1984, p. 17. Directive modifiée par la directive 97/55/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 290 du 23.10.1997, p. 18). [4] JO L 144 du 4.6.1997, p. 19. Directive modifiée par la directive 2002/65/CE (JO L 271 du 9.10.2002, p. 16). [5] JO L 166 du 11.6.1998, p. 51. Directive modifiée en dernier lieu par la directive 2002/65/CE. [6] JO L 271 du 9.10.2002, p. 16. [7] JO L 201 du 31.7.2002, p. 37. [8] JO L 171 du 7.7.1999, p. 12. [] JO L 149 du 11.6.2005, p. 22." [] JO L 149 du 11.6.2005, p. 22." [] JO L 149 du 11.6.2005, p. 22." 121 [12] JO L 364 du 9.12.2004, p. 1. ANNEXE I PRATIQUES COMMERCIALES CIRCONSTANCES RÉPUTÉES DÉLOYALES EN TOUTES Pratiques commerciales trompeuses 1) Pour un professionnel, se prétendre signataire d'un code de conduite alors qu'il ne l'est pas. 2) Afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent sans avoir obtenu l'autorisation nécessaire. 3) Affirmer qu'un code de conduite a reçu l'approbation d'un organisme public ou autre alors que ce n'est pas le cas. 4) Affirmer qu'un professionnel (y compris ses pratiques commerciales) ou qu'un produit a été agréé, approuvé ou autorisé par un organisme public ou privé alors que ce n'est pas le cas ou sans respecter les conditions de l'agrément, de l'approbation ou de l'autorisation reçue. 5) Proposer l'achat de produits à un prix indiqué sans révéler les raisons plausibles que pourrait avoir le professionnel de penser qu'il ne pourra fournir lui même, ou faire fournir par un autre professionnel, les produits en question ou des produits équivalents au prix indiqué, pendant une période et dans des quantités qui soient raisonnables compte tenu du produit, de l'ampleur de la publicité faite pour le produit et du prix proposé (publicité appât). 6) Proposer l'achat de produits à un prix indiqué, et ensuite: a) refuser de présenter aux consommateurs l'article ayant fait l'objet de la publicité, ou b) refuser de prendre des commandes concernant cet article ou de le livrer dans un délai raisonnable, ou c) en présenter un échantillon défectueux, dans le but de faire la promotion d'un produit différent (amorcer et ferrer). 7) Déclarer faussement qu'un produit ne sera disponible que pendant une période très limitée ou qu'il ne sera disponible que sous des conditions particulières pendant une période très limitée afin d'obtenir une décision immédiate et priver les consommateurs d'une possibilité ou d'un délai suffisant pour opérer un choix en connaissance de cause. 122 8) S'engager à fournir un service après-vente aux consommateurs avec lesquels le professionnel a communiqué avant la transaction dans une langue qui n'est pas une langue officielle de l'État membre dans lequel il est établi et, ensuite, assurer ce service uniquement dans une autre langue sans clairement en informer le consommateur avant que celui-ci ne s'engage dans la transaction. 9) Déclarer ou de toute autre manière donner l'impression que la vente d'un produit est licite alors qu'elle ne l'est pas. 10) Présenter les droits conférés au consommateur par la loi comme constituant une caractéristique propre à la proposition faite par le professionnel. 11) Utiliser un contenu rédactionnel dans les médias pour faire la promotion d'un produit, alors que le professionnel a financé celle-ci lui-même, sans l'indiquer clairement dans le contenu ou à l'aide d'images ou de sons clairement identifiables par le consommateur (publi-reportage). Cette disposition s'entend sans préjudice de la directive 89/552/CEE [1]. 12) Formuler des affirmations factuellement inexactes en ce qui concerne la nature et l'ampleur des risques auxquels s'expose le consommateur sur le plan de sa sécurité personnelle ou de celle de sa famille s'il n'achète pas le produit. 13) Promouvoir un produit similaire à celui d'un fabricant particulier de manière à inciter délibérément le consommateur à penser que le produit provient de ce même fabricant alors que tel n'est pas le cas. 14) Créer, exploiter ou promouvoir un système de promotion pyramidale dans lequel un consommateur verse une participation en échange de la possibilité de percevoir une contrepartie provenant essentiellement de l'entrée d'autres consommateurs dans le système plutôt que de la vente ou de la consommation de produits. 15) Déclarer que le professionnel est sur le point de cesser ses activités ou de les établir ailleurs alors que tel n'est pas le cas. 16) Affirmer d'un produit qu'il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard. 17) Affirmer faussement qu'un produit est de nature à guérir des maladies, des dysfonctionnements ou des malformations. 18) Communiquer des informations factuellement inexactes sur les conditions de marché ou sur les possibilités de trouver le produit, dans le but d'inciter le consommateur à acquérir celui-ci à des conditions moins favorables que les conditions normales de marché. 19) Affirmer dans le cadre d'une pratique commerciale qu'un concours est organisé ou qu'un prix peut être gagné sans attribuer les prix décrits ou un équivalent raisonnable. 123 20) Décrire un produit comme étant "gratuit", "à titre gracieux", "sans frais" ou autres termes similaires si le consommateur doit payer quoi que ce soit d'autre que les coûts inévitables liés à la réponse à la pratique commerciale et au fait de prendre possession ou livraison de l'article. 21) Inclure dans le matériel promotionnel une facture ou un document similaire demandant paiement qui donne au consommateur l'impression qu'il a déjà commandé le produit commercialisé alors que ce n'est pas le cas. 22) Faussement affirmer ou donner l'impression que le professionnel n'agit pas à des fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, ou se présenter faussement comme un consommateur. 23) Créer faussement l'impression que le service après-vente en rapport avec un produit est disponible dans un État membre autre que celui dans lequel le produit est vendu. Pratiques commerciales agressives 24) Donner au consommateur l'impression qu'il ne pourra quitter les lieux avant qu'un contrat n'ait été conclu. 25) Effectuer des visites personnelles au domicile du consommateur, en ignorant sa demande de voir le professionnel quitter les lieux ou de ne pas y revenir, sauf si et dans la mesure où la législation nationale l'autorise pour assurer l'exécution d'une obligation contractuelle. 26) Se livrer à des sollicitations répétées et non souhaitées par téléphone, télécopieur, courrier électronique ou tout autre outil de communication à distance, sauf si et dans la mesure où la législation nationale l'autorise pour assurer l'exécution d'une obligation contractuelle. Cette disposition s'entend sans préjudice de l'article 10 de la directive 97/7/CE, et des directives 95/46/CE [2] et 2002/58/CE. 27) Obliger un consommateur qui souhaite demander une indemnité au titre d'une police d'assurance à produire des documents qui ne peuvent raisonnablement être considérés comme pertinents pour établir la validité de la demande ou s'abstenir systématiquement de répondre à des correspondances pertinentes, dans le but de dissuader ce consommateur d'exercer ses droits contractuels. 28) Dans une publicité, inciter directement les enfants à acheter ou à persuader leurs parents ou d'autres adultes de leur acheter le produit faisant l'objet de la publicité. Cette disposition ne porte pas atteinte à l'article 16 de la directive 89/552/CEE sur la radiodiffusion télévisuelle. 29) Exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés, ou exiger leur renvoi ou leur conservation, sauf lorsqu'il s'agit d'un produit de substitution fourni conformément à l'article 7, paragraphe 3, de la directive 97/7/CE (fournitures non demandées). 124 30) Informer explicitement le consommateur que s'il n'achète pas le produit ou le service, l'emploi ou les moyens d'existence du professionnel seront menacés. 31) Donner la fausse impression que le consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera en accomplissant tel acte un prix ou un autre avantage équivalent, alors que, en fait, - soit il n'existe pas de prix ou autre avantage équivalent, - soit l'accomplissement d'une action en rapport avec la demande du prix ou autre avantage équivalent est subordonné à l'obligation pour le consommateur de verser de l'argent ou de supporter un coût. [1] Directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298 du 17.10.1989, p. 23). Directive modifiée par la directive 97/36/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 202 du 30.7.1997, p. 60). [2] Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281 du 23.11.1995, p. 31). Directive modifiée par le règlement (CE) no 1882/2003 (JO L 284 du 31.10.2003, p. 1). -------------------------------------------------20050511 ANNEXE II DISPOSITIONS COMMUNAUTAIRES ÉTABLISSANT DES RÈGLES MATIÈRE DE PUBLICITÉ ET DE COMMUNICATION COMMERCIALE EN Articles 4 et 5 de la directive 97/7/CE Article 3 de la directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait [1] Article 3, paragraphe 3, de la directive 94/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers [2] Article 3, paragraphe 4, de la directive 98/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 relative à la protection des consommateurs en matière d'indication des prix des produits offerts aux consommateurs [3] 125 Articles 86 à 100 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain [4] Articles 5 et 6 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ("directive sur le commerce électronique") [5] Article 1er, point d), de la directive 98/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 modifiant la directive 87/102/CEE du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation [6] Articles 3 et 4 de la directive 2002/65/CE Article 1er, point 9), de la directive 2001/107/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 janvier 2002 modifiant la directive 85/611/CEE du Conseil portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) en vue d'introduire une réglementation relative aux sociétés de gestion et aux prospectus simplifiés [7] Articles 12 et 13 de la directive 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 décembre 2002 sur l'intermédiation en assurance [8] Article 36 de la directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie [9] Article 19 de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers [10] Articles 31 et 43 de la directive 92/49/CEE du Conseil du 18 juin 1992 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie [11] (troisième directive "assurance non vie") Articles 5, 7 et 8 de la directive 2003/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation [12] [1] JO L 158 du 23.6.1990, p. 59. [2] JO L 280 du 29.10.1994, p. 83. [3] JO L 80 du 18.3.1998, p. 27. [4] JO L 311 du 28.11.2001, p. 67. Directive modifiée en dernier lieu par la directive 2004/27/CE (JO L 136 du 30.4.2004, p. 34). [5] JO L 178 du 17.7.2000, p. 1. 126 [6] JO L 101 du 1.4.1998, p. 17. [7] JO L 41 du 13.2.2002, p. 20. [8] JO L 9 du 15.1.2003, p. 3. [9] JO L 345 du 19.12.2002, p. 1. Directive modifiée par la directive 2004/66/CE du Conseil (JO L 168 du 1.5.2004, p. 35). [10] JO L 145 du 30.4.2004, p. 1. [11] JO L 228 du 11.8.1992, p. 1. Directive modifiée en dernier lieu par la directive 2002/87/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 35 du 11.2.2003, p. 1). [12] JO L 345 du 31.12.2003, p. 64. 127 Annexe 2 : CA Paris, 5e ch., 14 mai 2009, SA France Telecom et SA Orange Sports c/ SAS Free et SA Neuf Cegetel (absorbée par SFR), avec les interventions volontaires de l'assoc. « La Ligue de Football professionnel », de l'assoc. nationale des ligues de sport professionnel et du min. Éco., Industr. et Emploi (DGCCRF Paris) : JurisData n° 2009-003817 La société Free (Free) est un opérateur de communications électroniques, filiale à 100 % du groupe Big qui a été le premier, en 2003, à commercialiser dans les zones dégroupées des offres dites multiservices, dites aussi « Multiplay », ou même « Triple Play » en l'espèce, combinant l'accès à Internet haut débit (ADSL), la téléphonie fixe illimitée par Internet et des services de télévision par ADSL. Elle dispose actuellement d'une base d'abonnés proche de 4 millions qui la place, en qualité de fournisseur d'accès Internet (FAI), en deuxième position en part de marché (25 %) derrière France Télécom. La société Neuf Cegetel, détenue depuis le 19 juin 2008 par la Société Française de Radiotélé-phone (SFR), elle-même filiale à 56 % de Vivendi, qui contrôle également Canal Plus et Vodafone, propose au public une offre d'accès Internet haut débit. Elle aussi a lancé une offre multiservices combinant l'accès à Internet haut débit, la téléphonie fixe, la télévision par ADSL et d'autres services à la carte. La société France Télécom (France Télécom) est l'opérateur historique de télécommunications en France. Elle commercialise des offres de téléphonie mobile, Internet haut débit et télévision sous la marque Orange, laquelle est devenue depuis 2006 la marque unique du groupe. Elle aussi propose des offres multiservices combinant des services d'accès Internet haut débit, de téléphonie illimitée et de télévision par ADSL. Pour les zones non éligibles à la télévision par ADSL, elle a également mis en place, en juillet 2008, une offre permettant l'accès à des services de télévision numérique par satellite. Depuis 2007, elle s'est lancée dans l'édition de contenus audiovisuels via sa filiale, la société Orange Sports, qui exploite et édite des services de communication audiovisuelle, notamment des émissions de télévision, et en particulier le service Orange Sports Info ainsi que, depuis août 2008, le service Orange Foot, devenu Orange Sports le 10 janvier 2009. En effet, le 6 février 2008, France Télécom a obtenu, dans le cadre d'un appel à candidatures lancé par la Ligue de football professionnel pour la retransmission des matchs de la ligue 1 de football pour la période 2008-2012, les droits exclusifs sur trois des douze lots pour un montant annuel de 203 millions d'euros, le groupe Canal Plus ayant remporté les neuf autres pour la somme de 465 millions d'euros par an. La chaîne Orange Sports est diffusée à la fois par satellite et sur les réseaux ADSL, sous condition de souscription préalable à un abonnement à l'une des offres Internet haut débit d'Orange. Elle est alors accessible en option payante, à raison de 6 euros par mois. Estimant que France Télécom et Orange commettent des actes de concurrence déloyale en subordonnant, en violation de l'article L. 122-1 du Code de la consommation, l'abonnement à Orange Foot à la souscription d'un abonnement à Internet haut débit 128 Orange, Free a, après une première tentative infructueuse en référé (ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris, en date du 1er juillet 2008, disant n'y avoir heu à référé), assigné France Télécom à bref délai, le 30 octobre 2008, pour qu'il lui soit ordonné sous astreinte : - de cesser de subordonner l'abonnement à Orange Foot à la souscription d'un abonnement à Internet haut débit Orange ; - de diffuser sur son site Internet un communiqué en ce sens ; - d'adresser un courrier à ses abonnés en ce sens ; et demandant une expertise pour apprécier son préjudice commercial ainsi qu'une provision de 5 millions d'euros. De son côté, la société Neuf Cegetel, qui s'était déjà associée par voie d'intervention volontaire principale à la procédure de référé susmentionnée, a assigné également France Télécom à jour fixe, le 31 octobre 2008, à des fins similaires. Les affaires ont été jointes. La ligue de football professionnel est intervenue volontairement à l'instance au soutien des intérêts de France Télécom et de Orange Sports, lesquelles se sont opposées aux demandes en réclamant reconventionnellement des dommages et intérêts pour procédure abusive. Par jugement du 23 février 2009, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a : - fait injonction à France Télécom, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard pendant trois mois, à compter du délai d'un mois à compter de la signification du jugement, de cesser de subordonner l'abonnement à Orange Foot à la souscription d'un abonnement Internet haut débit Orange, tout en se réservant le droit de liquider l'astreinte ; - fait injonction à France Telecom de diffuser pendant deux mois un communiqué sur la page d'accueil de son site Internet www.Orange.fr, situé au même endroit que les publicités pour son offre Orange Foot, comportant les termes suivants : « Par jugement du 23 février 2009, le tribunal de commerce de Paris a enjoint à la société France Télécom de cesser de subordonner l'accès à sa chaîne Orange Foot à la souscription d'un abonnement Internet haut débit Orange, cette pratique étant constitutive de vente subordonnée interdite par la loi » ; - désigné un collège expertal composé de M. Didier Faury, qui le présidera, et M. JeanPaul Aymeri pour évaluer le quantum du préjudice subi par Free et Neuf Cegetel à partir du nombre d'abonnements à une offre d'accès Internet Orange en même temps qu'à Orange Foot souscrits par désabonnement de Free et Neuf Cegetel et plus généralement du nombre d'abonnements à une offre d'accès Internet Orange souscrits en conséquence 129 de la commercialisation illicite de l'offre Orange Foot et dont Free et Neuf Cegetel ont pu être privées de ce fait ; - débouté Free et Neuf Cegetel de leurs autres demandes de publication ; - débouté France Télécom et Orange Sports, et la Ligue de football professionnel de leurs demandes reconventionnelles, - condamné France Télécom et Orange Sports à payer à chacune des sociétés Free et Neuf Cegetel la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. La cour : Vu l'appel de ce jugement interjeté par France Télécom et Orange Sports le 27 février 2009 ; (...) Vu les conclusions signifiées le 30 avril 2009 par lesquelles Free soulève l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de l'Association nationale des Ligues de Sport Professionnel et du ministre chargé de l'Économie, poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé des injonctions et retenu le principe de la responsabilité civile de France Télécom et d'Orange Sports à son égard pour concurrence déloyale et, pour le surplus, demande à la cour : - de lui donner acte de ce qu'elle n'a jamais soutenu que l'application de l'article L. 1221 du Code de la consommation devait nécessairement conduire France Télécom à la laisser commercialiser la chaîne Orange Sports au sein de ses offres de plan de services ; - d'évoquer l'appréciation du préjudice ; - de juger que l'article L. 122-1du Code de la consommation n'est pas incompatible avec le droit communautaire ; (...) - à titre subsidiaire, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des communautés européennes afin de déterminer si la directive n° 2005/29/CE doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une disposition nationale telle que celle de l'article L, 122-1 du Code de la consommation qui interdit les ventes subordonnées d'un vendeur professionnel à un consommateur en fonction des circonstances spécifiques du cas d'espèce et qui portent préjudice au consommateur en raison de leur caractère déloyal ; (...) Vu les conclusions signifiées le 24 avril 2009 par lesquelles la Ligue de football professionnel demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré son intervention volontaire recevable, de l'infirmer en ses autres dispositions et, statuant à nouveau, de dire l'article L. 122-1 du Code de la consommation inapplicable car contraire à une norme supérieure du droit communautaire, de faire droit aux demandes 130 de France Télécom et Orange Sports, enfin de condamner Free et Neuf Cegetel au paiement de 25 000 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Vu les conclusions signifiées le 24 avril 2009 par lesquelles l'Association nationale des ligues de sport professionnel (PANLSP) demande à la cour, vu l'article 554 du Code de procédure civile, la directive n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, interprétée par l'arrêt de la CJCE du 23 avril 2009 (aff. C-261/07 et C-299/07), vu le principe de primauté du droit communautaire, vu l'article L. 122-1 du Code de la consommation, de lui donner acte de son intervention en cause d'appel, de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé recevable et bien fondée l'intervention volontaire de la Ligue de football professionnel en première instance, d'infirmer le jugement dans toutes ses autres dispositions et de faire droit aux demandes des sociétés France Telecom et Orange Sports et de la Ligue de football professionnel ; Vu les conclusions d'intervention du ministre do l'Économie, en date du 29 avril 2009, par lesquelles ce dernier expose que l'article L. 122-1 du Code de la consommation ne lui paraît pas être la base juridique la plus adaptée pour apporter la réponse appropriée aux préoccupations fondamentales des concurrents d'Orange relatives à la distribution d'Orange Sports, lesquelles touchent à la question de l'exclusivité commerciale, soit au premier chef au droit de la concurrence, précisant qu'il a d'ailleurs saisi l'Autorité de la concurrence d'une demande d'avis à ce sujet ; Sur ce : (...) - sur le fond Considérant que France Télécom et Orange Sports soutiennent que l'offre multiservice incluant l'offre Orange Sports constitue un produit unique, excluant de ce fait la qualification de vente subordonnée illicite au sens de l'article L. 122-1 du Code de la consommation, qu'à tout le moins, la commercialisation de l'offre Orange Sports dans le cadre de l'offre multiservices de France Télécom est justifiée par un usage commercial, excluant encore de ce fait la qualification de vente subordonnée illicite au sens de l'article L. 122-1 du Code de la consommation, qu'en tout état de cause, il résulte d'une jurisprudence constante que le droit national doit être interprété de façon telle, quand c'est possible, qu'il soit conforme au droit communautaire, qu'à cet égard, la cour devrait retenir que l'article L. 122-1 du Code de la consommation permet une appréciation au cas par cas, en ce qu'il ne prohibe pas la commercialisation d'un produit unique ou répondant à un usage commercial constant, ce qui est le cas en l'espèce, qu'ainsi, la cour devrait rejeter l'analyse du tribunal qui conduirait inexorablement à constater l'incompatibilité de l'article L. 122-1 du Code de la consommation avec la directive n° 2005-28/CE, ce qu'elle ne ferait qu'il titre infiniment subsidiaire ; qu'elles en déduisent qu'elles ne se sont pas rendues coupables d'actes de concurrence déloyale, de sorte que les demandes de Free et SFR doivent être rejetées, et soulignent également l'absence de preuve du lien de causalité et du préjudice prétendument subi du fait de la pratique dénoncée, justifiant l'annulation de l'expertise ordonnée par le jugement ; 131 Considérant que la Ligue de football professionnel et l'ANLSP soulèvent à titre principal l'in-compatibilité de l'article L. 122-1 du Code de la consommation avec le droit communautaire, compte tenu de la jurisprudence récente de la Cour de justice des communautés européennes, et, pour le surplus, se rangent aux observations de France Télécom et Orange quant à l'application de cet article à la pratique en cause ; Considérant que SFR et Free estiment que l'article L. 122-1 du Code de la consommation, en ce qu'il permet une appréciation au cas par cas de la pratique, n'institue pas une interdiction généralisée et ne contrevient donc pas au droit communautaire, selon la jurisprudence en cause ; qu'elles invitent la cour à retenir, au sens de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, que la pratique reprochée "altère ou est susceptible d'altérer, de manière significative, du fait de la contrainte, la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l'égard d'un produit et, par conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement » ; qu'en particulier, SFR prétend que l'offre de Orange exerce une contrainte sur le consommateur, d'une part, parce qu'elle est trompeuse, le site Orange.fr invitant le consommateur à s'abonner pour le prix, modique, de 6 euros par mois, sans l'aviser qu'il devra aussi quitter son FAI s'il en a déjà un et, de toute façon, acquitter le coût de l'abonnement à la fourniture d'accès par Orange, plus élevé que ceux proposés parles concurrents, d'autre part, parce qu'elle est agressive en ce qu'elle impose un changement de fournisseur de télécommunications sans nécessité alors que l'autodistribution de la chaîne sur des réseaux tiers permettrait de ne pas exercer cette contrainte ; que Free estime également que l'offre d'Orange exerce une contrainte sur le consommateur, atteint dans sa liberté de contracter s'il veut regarder la retransmission des matchs de football de ligue I retransmis sur la chaîne Orange Sports exclusivement, puisqu'il est alors obligé, le cas échéant, de résilier l'abonnement ADSL déjà souscrit auprès d'un opérateur concurrent et, de toute façon, de souscrire à l'offre multiservices la plus chère du marché, dont il ne veut pas nécessairement ; Que, pour ce qui est du droit national, elles font valoir que la commercialisation des chaînes de télévision est indépendante de l'offre triple play du FAI, laquelle associe trois services de communications électroniques, Internet, la téléphonie et la télévision, qui sont d'ailleurs accessibles au consommateur séparément, s'il le souhaite, alors que les chaînes peuvent être commercialisées, soit par les FAI, qui jouent alors le rôle de distributeurs de services de communications, audiovisuelles, soit par l'éditeur de la chaîne lui-même, en autodistribution, le FAI agissant alors comme un simple transporteur, à l'instar de ce que fait Télédiffusion de France (TDF) pour la télédiffusion hertzienne ou Astra et Eutelsat lorsqu'elle est effectuée par satellite ; qu'elles ajoutent que si Orange Sports n'est actuellement accessible que via le FAI Orange, cette situation, qui ne résulte nullement d'une contrainte technique, n'est pas le standard du marché et résulte d'une stratégie commerciale d'Orange ; qu'elles soulignent que cette situation est préjudiciable, tant au consommateur, contraint de résilier son abonnement chez un autre FAI au profit de Orange s'il souhaite voir la retransmission des matchs achetée par Orange Sports, en particulier ceux du samedi soir, et aux autres FAI, qui 132 n'ont pas les moyens d'investir dans les contenus télévisuels de France Telecom, et qui voient ainsi leurs abonnés détournés par le biais d'un comportement illicite, cette pratique étant d'autant plus grave que le marché est mature et que le recrutement de nouveaux clients est difficile, et alors en outre que les trois principaux FAI ont annoncé des investissements importants afin de développer la fibre optique de très haut débit, qui devront être amortis par les abonnements souscrits ; Considérant que l'article L. 122-1 du Code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, dispose que « il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit » ; Considérant que le tribunal de commerce a jugé que France Telecom et Orange violent ce texte en subordonnant l'abonnement à la chaîne Orange Sports à la souscription d'un abonnement à Internet haut débit Orange ; Considérant que, par arrêt du 23 avril 2009 (C-261/07 et C-299/07 Total Belgium NV et Galatea BVBA contre Sanoma Magazines Belgium NV), rendu sur renvoi préjudiciel, la Cour de justice des communautés européennes (la CJCE) a dit pour droit que la directive n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché Intérieur et modifiant la directive n° 84/450/CEE du Conseil et les directives n° 97/7/CE, n° 98/27/CE et n° 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une réglementation nationale - en l'espèce la loi belge - qui, sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas d'espèce, interdit toute offre conjointe faite par un vendeur à un consommateur ; Considérant qu'au vu de cette jurisprudence, les quatre parties principales demandent à la cour, non d'écarter la loi nationale comme incompatible avec le droit communautaire, mais de l'interpréter dans un sens qui la rende conforme au droit communautaire ; Considérant qu'il résulte en effet d'une jurisprudence constante de la CJCE depuis l'arrêt du 10 avril 1984 (V. Colson et Kamann 14/83, Rec. p. 1891, pt 26), que l'obligation des États membres, découlant d'une directive, d'atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir, en vertu de l'article 10 du traité instituant la Communauté européenne (TCE), de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution de cette obligation s'imposent à toutes les autorités des États membres y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles (V. notamment, arrêts du 13 nov. 1990, aff. C-106/89, Marleasing, Rec. p. I-4135, pt 8. Faccini Dori, préc., pt 26. - 18 déc. 1997, aff. C-129/96, Inter-Environnement Wallonie, Rec. p. I-7411, pt 40. - 25 févr. 1999, aff. C-131/97, Carbonari e.a., Rec. p. I-1103, pt 48) ; 133 Que le devoir des juridictions nationales d'assurer la protection juridique découlant pour les justiciables des dispositions du droit communautaire et de garantir le plein effet de celles-ci s'impose de plus fort lorsque l'État membre a déjà pris les dispositions en vue de transposer une directive qui vise à conférer des droits aux particuliers, ce qui laisse présumer, eu égard à l'article 249, alinéa 3, du TCE, qu'ayant utilisé la marge d'appréciation dont il bénéficie en vertu de cette disposition, il a eu l'intention d'exécuter pleinement les obligations découlant de la directive concernée (V. arrêt du 16 déc. 1993, C-334/92, Wagner Miret, Rec. p. I-6911, pt 20) ; que tel est cas en l'espèce, la transposition de la directive ayant été opérée essentiellement par la loi n ° 2008-776 du 4 août 2008 ; Qu'en outre, selon la jurisprudence de la CJCE, doivent être considérées comme relevant du champ d'application de la directive, non seulement les dispositions nationales dont l'objectif exprès est de transposer ladite directive, mais également, à compter de la date d'entrée en vigueur de cette directive, les dispositions nationales préexistantes, susceptibles d'assurer la conformité du droit national à celle-ci ; Qu'ainsi, le principe d'interprétation conforme requiert que la cour fasse tout ce qui relève de sa compétence, en prenant en considération l'ensemble des règles du droit national, pour garantir, dans le cadre de l'application de l'article L.122-1 du Code de la consommation au présent litige, la pleine effectivité de la directive du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales ; Considérant qu'à cet égard, l'arrêt du 23 avril 2009, même s'il ne concerne pas la loi française, contient les motifs propres à éclairer la cour sur la manière d'interpréter la règle communautaire en cette matière et peut donc être transposé, sans doute réel, au présent litige, sans qu'il soit nécessaire de poser une question préjudicielle ainsi que le requièrent SFR et Free à titre subsidiaire ; Qu'en effet, tout d'abord, aucune des parties ne conteste que les offres en cause constituent des actes commerciaux s'inscrivant dans le cadre de la stratégie commerciale de France Telecom et d'Orange et visant directement à la promotion et à l'écoulement des ventes de ces dernières, constituant à ce titre des pratiques commerciales au sens de l'article 2, sous d), de la directive n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, et qu'elles relèvent, en conséquence, du champ d'application de celle-ci ; Qu'ensuite, la Cour de justice rappelle : - que la directive vise à établir, conformément à ses cinquième et sixième considérants ainsi qu'à son article 1er, des règles uniformes relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, afin de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et d'assurer un niveau élevé de protection de ces derniers, qu'elle procède ainsi à une harmonisation complète desdites règles au niveau communautaire de telle sorte que, comme le prévoit expressément l'article 4, les États 134 membres ne peuvent pas adopter des mesures plus restrictives que celles définies par la directive, même aux fins d'assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs ; - qu'en outre, l'article 5 de la directive prévoit l'interdiction des pratiques commerciales déloyales et énonce les critères permettant de déterminer un tel caractère déloyal ; - qu'ainsi, et conformément au paragraphe 2 de cette disposition, une pratique commerciale est déloyale si elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen par rapport au produit, que l'article 5, paragraphe 4, définit deux catégories précises de pratiques commerciales déloyales, à savoir les « pratiques trompeuses » et les « pratiques agressives » répondant aux critères spécifiés respectivement aux articles 6 et 7 ainsi que 8 et 9 de la directive ; - qu'en vertu de ces dispositions, de telles pratiques sont interdites lorsque, compte tenu de leurs caractéristiques et du contexte factuel, elles amènent ou sont susceptibles d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, que la directive établit également, à son annexe 1, une liste exhaustive de 31 pratiques commerciales qui, conformément à l'article 5, paragraphe 5, de la directive, sont réputées déloyales « en toutes circonstances », de sorte que, ainsi que le précise expressément le dix-septième considérant de la directive, il s'agit des seules pratiques commerciales qui peuvent être considérées comme déloyales sans faire l'objet d'une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9 de la directive ; Considérant que l'offre subordonnée ne figure pas parmi les pratiques énumérées à l'annexe 1 et, plus particulièrement, n'entre pas dans les prévisions du point 6 qui vise le fait de "proposer l'achat de produits à un prix indiqué et ensuite de refuser de présenter aux consommateurs l'article ayant fait l'objet de la publicité ou de refuser de prendre des commandes concernant cet article ou de le livrer dans un délai raisonnable ou d'en présenter un échantillon défectueux dans le but de faire la promotion d'un produit différent (amorcer et ferrer)", ainsi que le prétend à tort SFR, au prix d'une reproduction tronquée de ce texte ; Considérant que, dans une telle hypothèse, la Cour de justice préconise de vérifier, à la lumière du contenu et de l'économie générale des dispositions de la directive, rappelées aux paragraphes précédents, si le texte qui la prohibe, soit l'article L. 122-I du Code de la consommation, répond aux exigences posées par la directive ; Considérant qu'à l'instar de ce qu'a constaté la Cour de justice dans l'arrêt précité à propos de la loi belge, il doit être relevé que l'article L. 122-1 du Code de la consommation, qui établit le principe de l'interdiction des ventes subordonnées, alors même que de telles pratiques ne sont pas visées à l'annexe I de la directive - laquelle énumère de manière exhaustive les seules pratiques commerciales interdites en toutes circonstances, comme telles dispensées d'un examen au cas par cas - se heurte au régime institué par la directive en ce qu'il prohibe, de manière générale et préventive, les offres 135 subordonnées indépendamment de toute vérification de leur caractère déloyal au regard des critères posés aux articles 5 à 9 de la directive ; Considérant que cette interprétation ne saurait être remise en cause par le fait que la jurisprudence nationale prévoit un certain nombre d'exceptions à la prohibition des offres subordonnées, en particulier lorsque les biens vendus constituent un produit unique ou que les offres en cause relèvent d'un usage commercial constant, comme le prétendent France Telecom et Orange ; qu'en effet, même si ces assouplissements sont susceptibles de restreindre la portée de l'interdiction des offres subordonnées, il n'en reste pas moins qu'ils ne sauraient, du fait de leur nature limitée et prédéfinie, se substituer à l'analyse, qui doit être nécessairement menée au regard du contexte factuel de chaque espèce, du caractère déloyal d'une pratique commerciale à la lumière des critères énoncés aux articles 5 à 9 de la directive ; Considérant qu'à ce stade du raisonnement, il convient de rappeler que c'est aux juridictions nationales que le législateur communautaire a confié la mission d'évaluer le caractère loyal d'une pratique commerciale eu égard aux circonstances de l'espèce et en particulier du point de vue de son influence sur le comportement économique d'un consommateur moyen ; que le principe d'interprétation conforme commande donc à la cour de procéder à cette appréciation, conformément aux critères énoncés dans la directive ; Considérant que l'article 5 de la directive précise qu'une pratique commerciale est déloyale si, à la fois, elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et si elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu'elle touche ou auquel elle s'adresse, en particulier lorsqu'elle est trompeuse au sens des articles 6 et 7, ou agressive au sens des articles 8 et 9 ; Considérant que, pour ce qui est du moyen tiré du caractère trompeur de l'offre d'Orange Sports « pour un consommateur d'attention moyenne », invoqué par SFR pour la première fois dans ses ultimes écritures devant la cour, deux jours avant l'audience, en ce que le site Orange.fr mettrait en avant le coût modique de la souscription à la chaîne, en tant qu'option payante, sans attirer son attention sur la nécessité de souscrire un abonnement ADSL, chez Orange et sur le coût de cet abonnement, le seul élément soumis à la cour à ce titre, qui se résume à un écran sur lequel s'affiche la possibilité de souscrire à l'option Orange Foot pour 6 euros par mois, assortie de la précision que « pour profiter de l'option Orange Foot, il est nécessaire d'être client de la télévision d'Orange » (§ 146 et suivants des conclusions du 30 avril 2009), ne permet pas de caractériser une pratique commerciale trompeuse susceptible d'induire en erreur « un consommateur moyen », au sens des articles 6 ou 7 de la directive ; Considérant que, s'agissant de l'offre subordonnée, l'article 8 dispose qu'une pratique commerciale est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible d'altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la 136 force physique, ou d'une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l'égard d'un produit, et, par conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, cependant que l'article 9 précise que les critères à prendre à considération afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique, ou à une influence injustifiée sont : a) le moment et l'endroit où la pratique est mise en oeuvre, sa nature et sa persistance ; b) le recours à la menace physique ou verbale ; c) l'exploitation en connaissance de cause par le professionnel de tout malheur ou circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d'influencer la décision du consommateur à l'égard du produit ; d) tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ; e) toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible ; Considérant, d'abord, que les parties n'invoquent aucun élément précis au soutien de leur affir-mation selon laquelle l'offre litigieuse serait contraire à la diligence professionnelle ; Qu'ensuite, l'analyse de l'offre au regard des critères énumérés à l'article 9 ne conduit pas à retenir qu'elle recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique, ou à une influence injustifiée ; Qu'enfin, et contrairement à ce que prétendent SFR et Free, le seul fait que le consommateur doive souscrire un abonnement ADSL Orange pour obtenir l'accès à la chaîne Orange Sports ne répond pas à la définition de la contrainte énoncée à l'article 8 ; qu'il est constant en effet que, dans le cadre de la concurrence qu'ils se livrent, tous les FAI s'efforcent d'enrichir le contenu de leurs offres pour les rendre plus attractives, par la mise en place de services innovants ou l'acquisition de droits exclusifs sur des contenus audiovisuels, cinématographiques ou sportifs événementiels ; qu'ainsi, Free proposait récemment 16 bouquets d'environ 150 chaînes, ayant intégré récemment 28 nouvelles chaînes dont 6 sportives, outre 50 chaînes à l'unité, et SFR, pour sa part, offrait 14 bouquets de plus de 150 chaînes et 11 chaînes à l'unité, dont la chaîne brésilienne TB Globe Internacional qui n'est pas accessible autrement en France ; qu'en outre, l'ARCEP a relevé dans un avis du 8 janvier 2008 l'existence d'accords exclusifs, conclus entre Free et le groupe Canal + pour l'accès des abonnés de Free à la plateforme VoD « Canal Play », ou encore entre Neuf Cegetel et Universel Music pour la fourniture d'une offre de location illimitée de titres dans le cadre du forfait 100 % Neuf Box ; qu'il résulte nécessairement de cette configuration du marché, et en particulier de la structure de l'offre, que le consommateur moyen qui s'apprête à souscrire un abonnement ADSL se détermine, précisément, en considération des services qui y sont 137 associés et, partant, des capacités de différenciation de ces dernières par rapport aux offres concurrentes ; que, dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le fait que l'accès à la chaîne Orange Sports soit associé exclusivement à l'offre ADSL de Orange altère de façon significative sa liberté de choix à l'égard des offres ADSL, bien au contraire, l'essentiel au sens de la directive étant qu'il soit libre de ne pas y souscrire, ce qui n'est pas contesté en l'espèce ; Considérant que, dans ces conditions, il ne peut être fait grief à France Télécom et Orange d'avoir enfreint l'article L. 122-1 du Code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ; qu'il suit de là que le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il déclare la Ligue de football professionnel recevable en son intervention volontaire, et les demandes de Free et SFR rejetées ; (...) 138 Bibliographie Ouvrages Droit de la publicité et de la promotion des ventes - Edition 2006 3e édition Régis Fabre, Marie-Pierre Bonnet-Desplan, Nadine Sermet, Nicolas Genty DALLOZ-SIREY M. Pédamon, « La réglementation des ventes avec primes : entre droit de la consommation et droit de la concurrence », in Études de droit de la consommation : Liber amicorum Jean Calais Auloy, éd. Dalloz 2004, p. 830 Articles de revue La Semaine Juridique Edition Générale n° 27, 29 Juin 2009, 84 « L'infraction de vente liée à la dérive...Observations sur les malfaçons du droit de la consommation » Étude rédigée par Philippe Stoffel-Munck professeur à l'université Panthéon-Sorbonne (Paris I) Contrats Concurrence Consommation n° 3, Mars 2010, alerte 22 « Ventes subordonnées, ventes avec primes et loteries sont-elles désormais licites par principe ? » Focus par Mahasti RAZAVI avocat associé, August & Debouzy et AnneLaure FALKMAN avocat Of-counsel, August & Debouzy Contrats Concurrence Consommation n° 2, Février 2012, étude 4 « Retour sur le contentieux de la vente d'ordinateurs avec logiciels préinstallés » Etude par Pascal WILHELM avocat associé, Wilhelm & Associés et Delphine PRIOUX avocat, Wilhelm & Associés Europe n° 11, Novembre 2005, étude 11 « La directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales . - (une illustration de la nouvelle approche prônée par la Commission européenne) » Etude par Monique LUBY Professeur à l'Université de Pau Contrats Concurrence Consommation n° 7, Juillet 2009, étude 8 « Le sort des ventes subordonnées et des ventes avec primes en droit français de la consommation, après l'arrêt de la CJCE du 23 avril 2009 » Etude par Pascal WILHELM avocat 139 Associé Wilhelm & Associés et Lila FERCHICHE avocat à la Cour Wilhelm & Associés Contrats Concurrence Consommation n° 8, Août 2011, alerte 64 « Les ventes subordonnées, ventes avec primes et loteries sont désormais officiellement licites : avancée juridique ou casse-tête à venir ? » Focus par Anne-Laure Falkman Counsel, August & Debouzy Revue juridique de l'économie publique n° 655, Juillet 2008, chron. 3 « Chronique annuelle 2007 de jurisprudence communautaire » Chronique par Francis DONNAT maître des requêtes au Conseil d'État référendaire à la Cour de justice des Communautés européennes Concurrences N° 2-2010, Droit & économie, A. Perrot, A. Wachsmann, L. Flochel, « Les gains d’efficacité et les arguments pro‑concurrentiels en matière de concentrations et de pratiques unilatérales » JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 900 : PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES ET AGRESSIVES > I. - Principes généraux gouvernant les pratiques commerciales déloyales (Guy Raymond) Cote : 05,2008 JurisClasseur Concurrence - Consommation > Fasc. 907 : PROMOTION DES VENTES PAR UN AVANTAGE CONSOMMATEUR > II. - Promotions par la remise d'un objet à titre gratuit (Guy Raymond) Cote : 04,2010 Notes de jurisprudence Contrats Concurrence Consommation n° 7, Juillet 2011, comm. 178 « Éléments constitutifs d'une pratique commerciale trompeuse » Commentaire par Guy RAYMOND Contrats Concurrence Consommation n° 2, Février 2012, comm. 56 « Pour être déloyale la pratique commerciale doit avoir affecté le comportement du consommateur » Commentaire par Guy RAYMOND Contrats Concurrence Consommation n° 3, Mars 2010, comm. 86 « Vendre un ordinateur et son système d'exploitation est-il contraire à l'interdiction de la vente par lot ? » Commentaire par Guy RAYMOND Communication Commerce électronique n° 10, Octobre 2008, comm. 115 « Vente liée et logiciels préinstallés : la préinstallation est une pratique légitime mais le prix des 140 licences de logiciels doit-il apparaître distinctement ? » Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK Contrats Concurrence Consommation n° 1, Janvier 2011, comm. 9 « Conditions d'interdiction des ventes liées » Commentaire par Marie MALAURIE-VIGNAL Contrats Concurrence Consommation n° 3, Mars 2010, comm. 85 « La vente d'un ordinateur avec logiciel intégré sans information spécifique est-elle constitutive de pratique commerciale trompeuse ? » Commentaire par Guy RAYMOND Communication Commerce électronique n° 11, Novembre 2011, étude 21 « La vente d'un ordinateur pré-équipé de logiciels caractérise une pratique dé-loyale . - (CA Versailles, 3e ch., 5 mai 2011, n° 09/09169, UFC Que Choisir c/ SAS HewlettPackard France) » Etude par Philippe STOFFEL-MUNCK agrégé des facultés de droit professeur à l'université Panthéon-Sorbonne (Paris 1) Communication Commerce électronique n° 1, Janvier 2010, comm. 5 « Vente liée et logiciels pré-installés : la pré-installation est une pratique légitime et le prix des licences de logiciels n'a pas à apparaître distinctement » Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 51, 23 Décembre 2010, 2135 « Vente liée d'ordinateurs et de logiciels : une victoire en demi-teinte des consommateurs » Commentaire par Nicolas DUPONT docteur en droit Université Paris Ouest Nanterre La Défense Contrats Concurrence Consommation n° 7, Juillet 2009, comm. 201 « L'affaire Orange Sports : brèves remarques sur ses aspects concurrentiels » Commentaire par David BOSCO Communication Commerce électronique n° 10, Octobre 2010, comm. 98 « Les pratiques commerciales déloyales vis-à-vis des consommateurs devant la Cour de cassation ! » Commentaire par Muriel CHAGNY Contrats Concurrence Consommation n° 6, Juin 2009, comm. 183 « Offre conjointe : une pratique commerciale déloyale ? » Commentaire par Guy RAYMOND Contrats Concurrence Consommation n° 1, Janvier 2011, comm. 21 « Promotion des ventes et droit de l'Union européenne » Commentaire par Guy RAYMOND La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 25, 18 Juin 2009, act. 299 « Télévision par ADSL : oui à l'exclusivité Orange Foot . - CA Paris, 14 mai 2009 » Aperçu rapide par Dan Roskis avocat associé, Eversheds LLP 141 Communication Commerce électronique n° 7, Juillet 2009, comm. 68 « Triple Play et vente liée » Commentaire par Philippe STOFFEL-MUNCK Contrats Concurrence Consommation n° 11, Novembre 2010, comm. 253 « Une offre de vente liée n'est pas une pratique déloyale per se » Commentaire par Marie Malaurie-Vignal Contrats Concurrence Consommation n° 11, Novembre 2007, comm. 279 « Abus de position dominante de Microsoft : le Tribunal de première instance confirme... et Microsoft se soumet ! » Commentaire par David BOSCO Communication Commerce électronique n° 6, Juin 2010, comm. 63 « Il est interdit d'interdire les offres conjointes aux consommateurs (bis repetita) ! » Commentaire par Muriel CHAGNY Contrats Concurrence Consommation n° 11, Novembre 2009, comm. 280 « Vendre en un seul lot l'ordinateur et des logiciels constitue-t-il une vente liée ? » Autres lectures Article sur le site du cabinet d’avocats LEXCELLIS : « La licéité des ventes liées non agressives et non trompeuses » Cass. 1e civ., 15 novembre 2010, n° 09-11161, FSP+B+I Audrey Pagot (Doctorante) et D. Mainguy, vendredi 19 novembre 2010 (http://www.lexcellis-avocats.fr/article-la-liceite-des-ventes-liees-non-agressives-etnon-trompeuses-61292421.html) Articles sur le blog de Me Frédéric Cuif, notamment : - « Pratiques commerciales déloyales : pas de distinction entre constructeurs et revendeurs » du 18 juillet 2012 (http://www.cuifavocats.com/Pratiques-commercialesdeloyales,52) - « Double condamnation de Samsung : la fourniture de logiciels non demandés est interdite » du 2 avril 2012 (http://www.cuifavocats.com/Double-condamnation-deSAMSUNG-la) - « Arrêt HP France ¢ UFC Que-Choisir du 12 juillet 2012 : La réponse de la Cour de cassation à un débat incomplet » du 20 (http://www.cuifavocats.com/Arret-HP-France-c-UFC-Que-Choisir) 142 juillet 2012 - « Arrêt Guerby ¢ Darty du 15 novembre 2010 : la Cour de cassation étend sa jurisprudence » du 23 janvier 2011 (http://www.cuifavocats.com/Arret-Guerby-cDarty-du-15) - « Les pratiques commerciales de ASUS sévèrement sanctionnées » du 10 décembre 2009 (http://www.cuifavocats.com/Les-pratiques-commerciales-de-ASUS) LES ENJEUX JURIDIQUES EUROPÉENS 31 mars 2010 Chambre de commerce et d’industrie de Paris, Atelier Droit des contrats, de la consommation et du commerce électronique sous la présidence de Martine Behar Touchais, professeur à l’Université de Paris Descartes (Paris V) ; « L’harmonisation totale du droit de la consommation dans le marché intérieur amélioration ou dégradation du droit de la consommation en France ? Illustration : les ventes liées à l’épreuve de la directive sur les pratiques commerciales déloyales » Muriel CHAGNY, Professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin, Forum de Trans Europe Experts, 31 mars 2010 Compendium de Droit de la consommation Analyse comparative E. Directive sur la vente à distance (97/7) 555 E. Directive sur la vente à distance (97/7) Rédigé par Hans Schulte-Nölke et Andreas Börger 143 Table des matières Page Sommaire.…...…………………………………………………………………….......5 Introduction…………………………………………………………………………...7 Section 1 : La définition des pratiques de vente liée et de vente avec prime par le code de la consommation avant la loi du 17 mai 2011 ………………………….......8 Section 2 : L’origine de ces interdictions et leur évolution ………………………...9 Section 3 : La modification de ces interdictions par la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales ……………………………….10 §1 : L’interprétation de le directive par la Cour de Justice des Communautés Européennes dans l’arrêt VTB VAB du 23 avril 2009…………………………..10 §2 : Le nouveau raisonnement imposé par la directive pour la condamnation des pratiques commerciales déloyales ………………………………………………11 §3 : La conséquence de ce nouveau raisonnement pour l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes : la légalité de principe ………………………...13 Partie I : Le principe de légalité des ventes liées et des ventes avec primes : une approche libérale plus juste du droit économique………………………………... 15 Chapitre 1 : Une approche plus libérale : la modernisation du droit de la consommation favorable à la concurrence…………………………………………………………16 Section 1 : Une approche concrète du droit de la consommation en adéquation avec le droit de la concurrence ………………………………………………………….16 §1 : L’avènement européen de la modernisation de l’approche concurrentialiste de la vente liée …………………………………………………………………….17 A) La recherche de l’effet concret de la vente liée, rupture avec l’interdiction systématique en cas de correspondance entre la pratique incriminée et les conditions de l’infraction ………………………………………………….....18 144 B) La recherche de justifications objectives à la pratique en cause …………..21 §2 : Le nouveau raisonnement de la directive 2005/29/CE : la transposition de cette approche libérale dans le droit consumériste ……………………………..22 Section 2 : La légalité de principe des ventes avec primes et des ventes subordonnées: une libéralisation de la concurrence dans le marché commun …………………………………………………………………………………...26 §1 : Retour sur les considérations dirigistes ayant conduit à une interdiction per se des ventes liées et des ventes avec primes ……………………………………26 §2 : Un changement de méthode favorable à la concurrence ………………….29 Chapitre 2 : Une approche plus juste : l’appréciation casuistique au service de l’intérêt du consommateur……………………………………………………………………...34 Section 1 : La conservation du but premier de l’interdiction : la défense des intérêts des consommateurs ………………………………………………...….34 §1 : Une harmonisation des droits européens protectrice du consommateur ……………………………………………………………………………..….34 A) L’harmonisation dans le but de protéger le consommateur en Europe ……………………………………………………………………………..35 B) L’unification des droits nationaux en Europe : un avantage pour le consommateur ……………………………………………………….……37 §2 : Une règle souple en conformité avec les besoins des consommateurs …………………………………………………………………………………38 §3 : Un accroissement de la concurrence favorable au consommateur ………………………………………………………………………………....39 Section 2 : L’apparition de l’intérêt du consommateur comme élément déterminant de la légalité de la pratique …………………………………………….………..41 145 §1 : Une règle nouvelle permettant une condamnation en fonction de l’intérêt du consommateur ………………………………………..……………………….42 A) Un besoin jurisprudentiel d’assouplir la règle pour coïncider avec l’intérêt du consommateur …………………………………………………………42 B) La directive 2005/29/CE : l’instauration d’une méthode d’analyse permettant de replacer l’intérêt du consommateur au centre de l’appréciation ……………………………………………………………………………...47 §2 : La mesure du comportement déloyal : le « consommateur moyen » …………………………………………………………………………….…..48 A) L’introduction par la directive 2005/29/CE de la notion de consommateur moyen ………………………………………………..…………….………48 B) Le consommateur moyen, référentiel de la déloyauté d’une pratique commerciale ………………………………………………………..….…..51 Partie II : L’exception à la légalité : la possibilité de condamner les ventes liées et les ventes avec primes lorsqu’elles sont déloyales au sens de la directive………..…………………………………………………………………....... 54 Chapitre 1 : La déloyauté au sens de la directive : la condition de la condamnation des pratiques de vente liée et de vente avec prime …...…………………………………. 56 Section 1 : La condamnation de pratiques contraires à la diligence professionnelle (article 5.2 a)………………………………………….…………………..……..56 §1 : Le non-respect des règles liées à l’exercice de la profession ……………..56 §2 : L’absence de respect du consommateur …………………………………..60 Section 2 : La condamnation de pratiques susceptibles d’altérer substantiellement le comportement économique du consommateur moyen (article 5.2. b)……………....64 146 §1 : La faculté pour le consommateur de faire son choix en connaissance de cause ………………………………………………………………………………...65 A) Une dispense d’information de nature à tromper le consommateur sur le produit ………………………………………………………………………65 B) L’altération substantielle du comportement économique : une notion limitée aux informations nécessaires données au consommateur …..………………68 1. Une notion distincte de l’influence de la pratique sur le consommateur…………………………………………………………..68 2. Une notion cantonnée à une dispense des seules informations « substantielles » ……………………………………………………………71 §2 : Un rapprochement avec le vice du consentement en droit civil …………..73 Chapitre 2 : La contestation de l’approche casuistique en matière de vente liée et de vente avec prime……………………………………………………………………… 78 Section 1 : Un nouveau raisonnement délaissant certains objectifs poursuivis par les anciens textes ……………………………………………..……………………...78 §1 : Un défaut de protection du consommateur ……………………………..79 §2 : L’insécurité juridique générée par ce nouveau critère d’interdiction ……..82 Section 2 : Un manque de cohérence dans la condamnation des pratiques ………85 §1 : Les décisions définitives ayant validé les pratiques en vertu de l’article 5.2 …………………………………………………………………………………..86 §2 : Les décisions définitives ayant condamné les pratiques en vertu de l’article 5.2 ................................................................................................................88 Section 3 : Vers un retour à l’interdiction des ventes liées et des ventes avec primes en toutes circonstances en vertu de la directive ? …………………………………90 147 §1 : La vente liée comme pratique agressive ou comme pratique trompeuse des articles 6 à 9.................…………………………………….…………………90 §2 : Un retour possible dans certains cas à l’interdiction absolue en vertu de l’annexe 1 …………………………………………………………………….96 Conclusion ..………………………………………………………………………….99 Annexes……………………………………………………………………………….100 Annexe 1 : Directive 2005/29/CE sur les Pratiques commerciales déloyales…….100 Annexe 2 : Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 14 mai 2009 dans l’affaire « Orange Sports »……………………………………………………………………………128 Bibliographie …………………………..…………………………………………..139 148