Intervention de Vital Kamerhe aux journées d`évaluation du

Transcription

Intervention de Vital Kamerhe aux journées d`évaluation du
MOT D’ENCOURAGEMENT ET TEMOIGNAGE DU PRESIDENT NATIONAL DE L’UNC, L’HONORABLE VITAL KAMERHE, AUX ASSISES DE LA SOCIETE CIVILE SUR LA QUALITÉ DU PROCESSUS DÉMOCRATIQUE : TRANSITION, ÉCHÉANCES ET CYCLES ÉLECTORAUX À TOUS LES NIVEAUX. PLACE ET POIDS DE L’OPINION NATIONALE (Kinshasa, du 11 au 13 avril 2013) Honorables, Mesdames et Messieurs, Chers amis, Le Professeur LOMBEYA BOSONGO, ici présent, Modérateur Général des présentes assises, a été mon professeur de sociologie en 1er graduat à la faculté des sciences économiques de l’Université de Kinshasa. Il m’a enseigné la théorie structurelle d’Emile DURKHEIM, grand philosophe français, la théorie de l’évolution de Charles Darwin et bien d’autres notions intéressantes de sociologie. En 1ère licence d’économie rurale, il m’a donné le cours de gestion des coopératives et il m’avait dit, je m’en souviens encore comme si c’était hier, : « si vous terminez avec distinction vous devenez mon assistant ». Le professeur NYEMBO m’avait fait la même promesse. J’ai dit au professeur LOMBEYA que j’allais terminer ma licence en Economie avec mention DISTINCTION. Et j’avais fait la même promesse au professeur NYEMBO SHABANI, qui nous avait donné les cours de l’économie de développement et de micro-­‐économie en première licence. A la fin de ma licence, j’étais lauréat proclamé par le Père Léon de Saint Moulin à l’amphithéâtre de l’UNIKIN. Et me suis retrouvé entre deux géants ; LOMBEYA BOSONGO recteur à l’Université de Lubumbashi, NYEMBO SHABANI, Vice-­‐Premier Ministre de l’économie, qui m’avaient tous les deux, retenu comme assistant. J’étais aussi retenu comme assistant du Professeur KIONI KIA BANTU, actuellement professeur à Louvain la neuve, en Belgique, pour le cours de mathématique en 2ième graduat. Le cours d’économie du Tiers monde m’avait été enseigné en deuxième graduat, à l’époque, par le Professeur KABEYA TSHIKUKU dont je salue la présence. Ce professeur d’une rhétorique sans pareil et d’une grande maîtrise de la science économique, était le modèle de quasiment toute notre promotion. …..Sun-­‐City, DIX ANS après ! UNC-­‐VK Page 1 sur 15 Le professeur LOMBEYA voulait m’amener à Lubumbashi, je lui avais dit, c’était une prophétie : « vous deviendrez Commissaire d’Etat, (Ministre de l’époque) je voudrais faire de la politique, je reste à Kinshasa, vous me prendrez dans votre cabinet. » (J’étais déjà membre influent de l’UDPS UNIKIN). Je suis donc resté avec le professeur NYEMBO SHABANI, et 3 mois après le Professeur LOMBEYA était nommé Commissaire d’Etat à l’Enseignement Supérieur, Universitaire et Recherche Scientifique. Il a honoré sa promesse et m’a nommé, retenez bien votre souffle, Coordonateur de la cellule d’études et de planification de l’enseignement supérieur universitaire, à l’âge de 26 ans et j’étais donc le rapporteur adjoint de la réforme de l’enseignement universitaire aux côtés du Recteur MPEYE, du Père Léon de Saint Moulin et de Monseigneur TSHIBANGU TSHISHIKU. Professeur LOMBEYA, c’est un grand honneur pour moi aujourd’hui, l’élève, d’être à coté de son maître. J’ai tenu donc à faire publiquement ce témoignage et à vous rendre ce grand hommage combien mérité ! Mesdames et Messieurs, Je voudrais dire toute ma joie de retrouver aujourd’hui Me Azarias RUBERWA, Olivier KAMITATU, ces deux messieurs, frères et amis qui m’ont à la fois fait souffrir et donné beaucoup de joie. Ces deux brillants messieurs ont su intériorisé la dialectique. Ils ont compris que c’est du choc des idées que jaillit la lumière. Et qu’un débat d’idées vaut mieux que des considérations sur les individus ; ce qui ne fait pas avancer la cité. A Lusaka quand j’ai vu KAMITATU, (On s’était connu bien avant ! On était amis ! Avec d’autres amis de promotion, Big Master NZUKA, Jean Lucien BUSSA, Jean-­‐
Marie BOOLE, KOTO EYOLANGO (Kolos), Bavon Nsa MPUTU, Jean-­‐Marie BAMPORIKI…, on avait ensemble mené la lutte pour la réinstallation de l’inspection générale des finances). Je disais quand j’ai vu Olivier Kamitatu,… j’étais étonné ! Olivier rebelle ? Il me dit : « oui, Vital, je suis rebelle. » On s’est embrassé spontanément. (Il ne sait pas les remontrances que cette accolade entre amis et frères, m’avaient valu au niveau de la délégation gouvernementale ? « Tu as embrassé un rebelle ? »« C’est mon frère et c’est spontanément que je l’ai fait, je n’ai pas eu le temps de réfléchir. » …..Sun-­‐City, DIX ANS après ! UNC-­‐VK Page 2 sur 15 Maitre Azarias RUBERWA, à l’époque n’était pas aussi célèbre que Maitre NYARUGABO. A l’entrée de l’AFDL, le nom de NYARUGABO était connu parce qu’il était Secrétaire Général à la Présidence, et Directeur Général de l’Office de biens mal acquis (OBMA).(Je l’avais désespérément cherché à Lusaka, il n’y était pas. Par contre j’avais vu Bizima KARAHA et à ses cotés, un gars, qui était intervenu deux ou trois fois, je m’étais dit : « ce monsieur est tout sauf bête, il est intelligent. »Nous avions commencé par l’adversité avant de devenir des amis. J’avais vu aussi Joseph MUDUMBI et bien d’autres. En effet, comme l’a dit RUBERWA, à trois, nous avons rédigé le chapitre 5 de l’accord de Lusaka qui prévoyait la tenue du dialogue inter congolais. Mesdames et Messieurs, Il faut dire que ce sont des congolais courageux comme Yerodia Abdoulaye NDOMBASI, j’espère que, Olivier et Azarias, ne vont pas me démentir ! Yerodia a ses défauts, comme nous tous, mais il s’est levé au cours d’une séance et il a dit : « Trop c’est trop ! Vous zambiens, vous zimbabwéens, vous rwandais, ougandais, namibiens, angolais et sud-­‐africains, et vous autres des Nations unies, de l’Union africaine, laissez-­‐nous seuls. Donnez-­‐nous une salle. Je suis convaincu qu’entre congolais, seuls sans intermédiaire, nous allons vite nous entendre. C’est quoi cette affaire ? Vous voulez enterrer notre pays ici ? » Cette proposition a été retenue par Ibrahim FALL, Envoyé Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies. Nous sommes donc allés au Ministère des Affaires étrangères de la Zambie seuls, dans la salle de réunions. Olivier, Azarias et moi-­‐
même avons dit à nos chefs respectifs de nous faire confiance pour leur proposer une solution (à ce moment là mon chef, c’était Yerodia, mon chef c’était Mwenze Kongolo, mon Chef c’était aussi le Général Kalume). Nous avons dit à nos chefs qu’à trois nous pouvions leur amener le texte harmonisé. Avant cela, Olivier et Azarias m’avaient posé la question suivante : « vous aurez le courage de dire à vos chefs là qu’on peut se retrouver à trois et débloquer la situation sans nous faire passer pour des traitres ? » J’ai dit : « je vais le faire, et ça été fait. » Comme d’habitude mes deux amis complotent, ils ont amené un texte, auquel je me suis opposé. Leur texte n’était ni plus ni moins qu’une mise totale à plat. Plus de président de la république, plus de gouvernement. Bref, on repartait à zéro. Je leur ai proposé un juste milieu. …..Sun-­‐City, DIX ANS après ! UNC-­‐VK Page 3 sur 15 C'est-­‐à-­‐dire un consensus ! En quarante cinq minutes, nous avons rédigé le texte. (Ruberwa malin m’a dit Vital il faut signer puisque si tu ne signes pas maintenant je ne te vois pas adopter ce texte une fois dans la salle ! J’ai signé le texte, mais en le faisant, j’ai signé un peu mon arrêt de mort. Mais grâce à Yerodia ABDOULAYE NDOMBASI, j’ai la vie sauve aujourd’hui. (Ils savent très bien qu’on devait m’arrêter le lendemain parce que, en réalité, le chapitre 5, un chapitre parmi d’autres, constituait à lui seul la voûte de l’accord de Lusaka). Mesdames et messieurs de la société civile, Vous, qui vous apprêtez à restaurer l’esprit et la lettre de l’accord de Sun-­‐city et à revisiter ses acquits, n’oubliez pas que sa genèse remonte à Lusaka et à ce moment là, nous ne voyions que l’intérêt du peuple congolais. Que des concessions faites, que des humiliations subies ! C’était pour sauver le pays, qui comportait trois administrations, c’était l’éclatement : MLC avec les ougandais au Nord-­‐Est, RCD avec les rwandais à l’Est jusqu’au Nord-­‐Katanga et à Lubao dans le Kasaï oriental. Et notre armée ne faisait que perdre du terrain. Mesdames et Messieurs, Voilà comment en se dépassant un peu, les congolais sont capables de débloquer des situations difficiles comme Lusaka qui était totalement en impasse. Mais pour débloquer Lusaka -­‐ il y a un épisode que les deux amis aiment toujours taire mais moi je vais le dire parce que je suis déformé par l’exercice de la vérité -­‐ le 10 juillet nous devrions signer Lusaka, ils nous ont piégés. Ils étaient convaincus, connaissant bien Mzee Laurent Désiré Kabila, qu’il n’allait pas signer l’accord parce que les rebelles y étaient repris comme signataires alors que Mzee les considéraient comme des traitres. Une bonne discussion au palais de marbre à Kinshasa, Didier Mumengi ici présent, se rappelle encore très bien de ce moment palpitant. Des gens qui étaient contre l’accord de Lusaka, sans l’avoir lu, mais simplement parce qu’il ne fallait pas heurter le Chef qui avait organisé des concertations populaires pour dire non aux négociations avec les rebelles qu’il fallait vaincre militairement sans toute fois se poser la question de savoir avec quelle armée ? Celle des kadogos et après avoir envoyé les meilleurs éléments des ex-­‐FAZ à Kitona ? …..Sun-­‐City, DIX ANS après ! UNC-­‐VK Page 4 sur 15 Nous avons conseillé à Mzee ; puisque ces gens savent comment vous allez réagir, alors réagissez autrement. Allons signer l’accord et puis vous allez voir comment les autres vont se rétracter. Le Ministre de la défense de l’époque TSHAMULESO se rappelle très bien, puisque assis à mes cotés avec le Général ETUMBA, quand le président TSHILUBA dans la salle de conférence internationale Mudiangusha pose la question à Mzee : « Vous allez signer l’accord ? » Mzee de répondre : « Je signe et je ne modifie rien », et Tshiluba de rétorquer : « Ah bon ? » Le président du Rwanda, étonné, a regardé le président de l’Ouganda, et le RCD et le MLC se sont regardés. Ils ont demandé une pause, qui a duré (Ruberwa vous avez une bonne mémoire), je crois 8 heures. Mzee a regardé le général Etumba, il s’est adressé à moi en disant : « Mon petit vous êtes extraordinaire, vous avez coincé ces gens. » J’ai dit, « Vous disiez que vous n’alliez pas signer voilà où nous en sommes et qu’est-­‐ce qui va arriver ? »Le 10 juillet 1999, les Chefs d’Etat et Chefs des gouvernements ont signé le document, Olivier Kamitatu n’était pas autorisé par Jean-­‐Pierre Bemba à signer, Ruberwa n’avait pas la signature. Et donc ils vont se rétracter comme nous l’avions prédit. Le MLC va revenir à la fin du mois pour signer et le RCD un peu plus tard, au mois d’août, certainement à la suite de la pression internationale. Mbusa était là, tout le monde était là, Emile Ilunga, Lunda Bululu, Tambwe Mwamba, Shambuyi kalala, Endundo Bononge, Mende Omalanga, il a été même Porte-­‐parole, Kin Key Mulumba aussi était Porte-­‐
parole et bien d’autres ! Ce ne sont pas nos différences idéologiques qui nous séparent et c’est là toute la difficulté de notre classe politique ; peu d’idéal et pas vision partagée d’un Congo fort, développé et respecté pour ce qu’il est : le moteur de l’Afrique et l’espoir du monde. Plus tard avec la transhumance politique des leaders congolais, certains sont passés d’une rébellion à une autre. Et d’autres carrément étaient devenus plus kabilistes que les kabilistes. Mesdames et Messieurs de la Société Civile, chers amis de l’opposition et de la majorité. Je me suis rendu à Dakar dernièrement. Et j’ai lu sur le mur de la maison des esclaves à Gorée au Sénégal « qu’on n’a jamais rien bâti sur l’oubli et le silence », voilà pourquoi nous rappelons tous ces faits. …..Sun-­‐City, DIX ANS après ! UNC-­‐VK Page 5 sur 15 Mesdames et Messieurs de la société civile, chers amis, Tout en vous félicitant pour ce courage, cette initiative, comme l’a dit Maitre Azarias Ruberwa, nous y avons tous pensé. L’Honorable Kiakwama ici présent, a adressé une lettre ouverte au Président de la République, un texte très intéressant pour sortir le pays de la crise ; Ruberwa a fait autant ; Kamitatu l’a fait aussi, l’Honorable Sénateur Modeste Mutinga de la majorité vient de le faire aussi, un véritable réquisitoire sans complaisance et bien d’autres. Moi-­‐
même, je l’ai fait le 5 octobre 2012 au nom de mon parti et que j’ai appelé le plan de sortie de crise, avec un volet interne, un volet régional et un volet international, exactement la même structuration et les mêmes chapitres que ceux adoptés plus tard par l’Accord cadre d’Addis-­‐Abeba. Beaucoup de gens de l’opposition et de la société civile l’ont fait aussi. Mais ce qui a frappé l’attention de tout le monde, c’est le mémorandum des évêques catholiques de la CENCO adressé au Président de la République en date du 22 février 2013, un véritable réquisitoire, une interpellation et à la fois une balise pour nous permettre de sortir de l’impasse actuelle, un projet de cadre de programme gouvernemental minimal, d’urgence, pour sauver le Congo. Il me semble que nous disons tous la même chose : le pays est en guerre, le pays va très mal, les élections ont été mal organisées, il n’y a pas de cohésion nationale, il y a déficit de légitimité. Tout le monde a esquissé pratiquement les mêmes pistes de solution pour nous en sortir. Tout le monde dit la même chose, il faut dialoguer pour les uns, il faut des concertations pour les autres. Peu importe, le contenant n’a pas d’importance. Le plus important c’est de savoir comment, sur quoi et pourquoi. Mesdames et messieurs, En nous mettant ensemble aujourd’hui à l’occasion de dix ans de Sun-­‐City quelques délégués de l’opposition politique, de la majorité et de la société civile, nous pensons que vous avez opéré un miracle puisque là nous nous retrouvons effectivement toutes tendances confondues et j’espère que personne ne va torpiller cette belle démarche. Olivier est de la majorité présidentielle, moi-­‐même de l’opposition, Ruberwa de l’opposition. Mais en …..Sun-­‐City, DIX ANS après ! UNC-­‐VK Page 6 sur 15 étant ensemble avec la société civile, je crois que c’est ce que les congolais veulent voir, ils veulent nous voir ensemble parce que la maladie de notre pays est connue depuis 1960. Nous avons eu l’indépendance, nous l’avons durement arrachée, comme le disait Patrice-­‐Emery Lumumba au Parlement, le 30 juin 1960 ! Ruberwa l’a très bien dit et le Professeur Lombeya aussi : au lieu d’avoir une vision partagée d’un grand Congo, fort et prospère, les politiciens, l’élite congolaise s’est refugiée dans le positionnement personnel, provincial et ou ethnique. La maladie du Congo, c’est l’absence de leadership responsable, visionnaire et rassembleur, un leadership consensuel, capable d’assumer notre riche diversité et de porter notre vocation africaniste. La maladie du Congo, c’est la crise d’éthique ! La maladie du Congo, c’est l’absence de l’Etat de droit ! La maladie du Congo, c’est la déliquescence de l’Etat ! La maladie du Congo, c’est la corruption, le tribalisme, le népotisme et surtout l’impunité ! Bref, la mauvaise gouvernance. Nous sommes dans un véritable contexte d’inversion des valeurs. L’autre maladie du Congo, c’est l’exclusion, le rejet de l’autre, la méfiance la haine envers l’autre ; on ne s’accepte pas. La maladie du Congo, c’est notre incapacité à fédérer nos différences et notre riche diversité et à les mobiliser au service du bien collectif ! Ce qui va sauver le Congo, c’est donc tout naturellement un leadership cohésif et consensuel ; marchons ensemble ! Jésus a dit : « lève-­‐toi et marche ». Congo lève-­‐toi et marche ! Je suis convaincu que le Congo va marcher. Et nous allons ensemble, mais seulement ensemble, arriver à amener notre peuple au rendez-­‐vous de l’espérance. Et dans cette démarche, il faut réhabiliter la diaspora qui a été longtemps marginalisée, alors qu’elle se bat sans relâche pour la dignité de notre pays. Comment ne pas comprendre que ces compatriotes – ils sont environ 10 millions éparpillés dans tous les azimuts du globe, 1/10ème de notre population globale – bien organisés et encadrés, sécurisés dans leur statut national, seront de par le monde nos meilleures ambassades, nos meilleurs aiguillons pour la promotion de notre pays auprès des opinions publiques étrangères, nos meilleurs agents dans un univers où la force des Etats se trouvent notamment dans les renseignements stratégiques politiques et économiques, dans leurs capacités à communiquer, et (nous le voyons ici chez nous) dans leurs capacités à « coloniser » de grands espaces commerciaux en dehors des frontières nationales … …..Sun-­‐City, DIX ANS après ! UNC-­‐VK Page 7 sur 15 Mesdames et messieurs, Le Congo n’est pas malade des intelligences, le Congo n’est pas malade de son peuple, le peuple n’est pas paresseux ! Le Congo est malade de ses dirigeants sans vision ! Nous les politiciens, encore et toujours nous, avec nos querelles individuelles. Rappelons les crises des personnes : Kasa-­‐Vubu – Lumumba ; Tshombe – Mobutu ; Mobutu – Kimba – Kasa-­‐Vubu – Tshombe ; Mobutu – Tshisekedi -­‐ Mosengwo ; Mobutu – Laurent Désiré Kabila ; Laurent Désiré Kabila – Tshisekedi ; Kabila – Jean-­‐Pierre Bemba ; Joseph Kabila -­‐ Tshisekedi, et je m’arrête là. Ce n’est pas normal ! Le Congo est malade de la prolifération des partis politiques alimentaires de positionnement, créés artificiellement et à dessein. Le Congo est malade parce que quand on est exclu ou frustré, on crée un mouvement de rébellion sous prétexte de libérer le peuple. En réalité, c’est pour se hisser au pouvoir et pour assouvir des fins personnelles. Ça c’est une autre maladie du Congo que nous devons fustiger haut et fort. Depuis 1960, aucune rébellion n’a libéré le peuple congolais ! Au contraire, certains servant des intérêts étrangers nous ont plongé dans un deuil qui ne finit pas, avec une comptabilité aujourd’hui macabre de plus de dix millions de morts, un record des femmes violées, un record mondial des populations déplacées, notre tissu économique est détruit. Nous sommes, en toute chose classés parmi les derniers au monde : droits humains, développement humain, bonne gouvernance, etc. ; et parmi les premiers dans tout ce qui est négatif : capitale mondiale des violences sexuelles, corruption, etc. Toutes ces rébellions, rappelons-­‐nous : de la rébellion muleliste, Gbenye, Kabila, la rébellion du MLC, du RCD, RCD-­‐KML, RCD-­‐National, RCD-­‐Wamba, Maï-­‐Maï, Maï-­‐Maï Kata katanga, Maï-­‐Maï Gédéon, Maï-­‐Maï Morgan, l’UPC, les Inyelés, le CNDP, le M23….. Pourquoi ? Finalement pour rien ! Sinon pour faire souffrir toujours et davantage notre peuple ! Ce n’est pas normal ! Nous devons dire maintenant : « STOP, TROP C’EST TROP ! » et arrêter cette spirale macabre. Mais ça ne peut s’arrêter que si nous instaurons à la tête de l’Etat un leadership qui favorise et préserve les valeurs universelles et intangibles de la démocratie, de la bonne gouvernance, de respect de droit de l’homme, de justice ; un leadership qui mobilise les énergies et les intelligences des congolaises et des congolais pour, véritablement, transformer le « débrouillardisme » congolais …..Sun-­‐City, DIX ANS après ! UNC-­‐VK Page 8 sur 15 en une opportunité de génie pour le développement ; un leadership capable de construire, à partir de nos réalités économiques informelles, de nouvelles façons de penser et de vivre l’économie … Mesdames et messieurs, Une autre maladie du Congo, c’est l’absence de volonté politique d’appliquer les résolutions et les accords librement consentis. Combien de table-­‐rondes et dialogues avons-­‐nous tenus depuis 1960 jusqu’aujourd’hui ? Combien d’accords avons nous conclus ? Le mérite de présentes assises c’est justement de pouvoir nous dire : « arrêtons-­‐nous un instant, voyons ce que nous avions convenu à Sun-­‐City. Qu’en avons nous fait ? ». Cette idée ne doit pas nous effaroucher : la démocratie n’est-­‐elle pas en permanence un lieu de dialogues, qui a besoin de puiser dans le contradictoire et le choc des idées pour avancer. La démocratie, c’est le verbe et l’action. Notre défaut, c’est de penser qu’elle se limite à des pugilats oratoires et verbeux sans lendemains et sans actions. C’est que, une autre maladie du Congo, c’est précisément l’absence de suivi. On signe des accords, on adopte des résolutions et recommandations devant les Chefs d’Etats et Ambassadeurs et le lendemain on les range dans les tiroirs. Mesdames et Messieurs, Sun-­‐City au départ c’était quoi ? L’UDPS, le RCD et le MLC nous ont dit : « Mesdames et messieurs du gouvernement, vous n’avez pas gagné les élections, donc Joseph Kabila n’est pas président, il n’a pas de légitimité parce que nous ne sommes pas dans une monarchie où quand le père meurt, le fils lui succède. » Et nous, nous avons rétorqué en disant : « Vous êtes des rebelles, vous n’êtes pas à votre place, vous n’avez pas non plus gagné les élections, vous n’avez aucune légitimité, le peuple ne vous a pas demandé de faire la rébellion et encore moins de vous appuyer sur les pays étrangers pour endeuiller ceux au nom de qui vous prétendez combattre ». Devant ce constat, que devons-­‐nous faire ? Au départ, chacun de nous avait une position extrême, mais il fallait trouver une position de consensus. Une position qui ne devait pas être celle du gouvernement, ni celle du MLC, ni celle du RCD et, encore une fois dans ces négociations, nous sommes allés en dents de scie. …..Sun-­‐City, DIX ANS après ! UNC-­‐VK Page 9 sur 15 Le 15 octobre 2001, nous allons nous retrouver à Addis-­‐Abeba. Et là, nous la composante gouvernementale allons exiger la présence des Maï-­‐Maï avant l’ouverture des travaux. Nous avons manqué ce rendez-­‐vous à cause de l’absence des Maï-­‐Maï, nous sommes rentrés à Kinshasa. Nous avons été à Abuja au Nigéria, nous avons été à Genève en Suisse avant de nous retrouver à Bruxelles autour de Louis Michel, à l’époque Vice-­‐Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères. Cette fois, non seulement le RCD, le MLC et le Gouvernement, mais avec la société civile, l’opposition politique non armée et les Maï-­‐Maï. Nous allons nous retrouver à Sun-­‐city du 21 au 24 février 2002. Et là, encore nos amis du RCD trainent les pieds ! Nous avons discuté avec les amis du MLC. (Ce n’était pas à l’hôtel Cascade comme Ruberwa aime bien le dire.) Nous avons travaillé, Olivier, moi et les autres amis. Katumba MWANKE, dont je salue encore une fois la mémoire aujourd’hui, a beaucoup travaillé dans l’ombre ; Samba Kaputo, je salue aussi sa mémoire, a travaillé aussi dans l’ombre, et je n’oublie pas notre expert dans l’ombre, des toutes les questions d’ordre militaire, le général ETUMBA. Avec nos amis du MLC, après discussion, nous nous sommes dits : « Sauvons le Congo ! Si nous concluons l’accord entre nous deux, gouvernement et MLC, le RCD et son allié l’UDPS se retrouveront isolés et seront obligés de nous suivre. » Nous sommes allés à Matadi. Malheureusement le démon de la division nous a suivi jusque là. Arrivés à Matadi, Olivier et moi nous nous mettons d’accord sur la proposition : Jean-­‐Pierre Bemba serait Premier Ministre, Kabila Président de la République et commandant suprême de Forces armées. J’en discute rapidement avec Katumba Mwanke, Théophile Mbemba, She Okitundu, Samba Kaputo, Didier Etumba et Samba Kaputo. Du côté de la délégation du gouvernement pas de problème ! Olivier Kamitatu convainc Bemba qui de Gemena, marque son accord. Nous fêtons l’événement Olivier et moi et d’autres amis toutes tendances confondues. Ruberwa n’était pas là. Quelques amis du MLC, mécontents, appellent le Chairman Jean-­‐Pierre Bemba. Et lui disent que Kamerhe a driblé Kamitatu et accuse Kamitatu de trahison. Jean-­‐
Pierre Bemba appelle Kamitatu à 4 heures du matin, il lui donne l’ordre de mettre une croix sur Matadi. Olivier abattu vient me réveiller et me dit : « mon frère, notre joie a été de très courte durée », et d’ajouter « je dois partir à Gemena parce que mon chef vient de rejeter tout ce que nous avons conclu ». …..Sun-­‐City, DIX ANS après ! UNC-­‐VK Page 10 sur 15 Mesdames et messieurs de la société civile, Si je vous agace avec ce récit détaillé des coulisses de nos tractations, c’est juste pour vous montrer par où nous sommes passés pour arriver à l’accord que vous vous proposez d’analyser aujourd’hui. Et de vous permettre de tirer les leçons nécessaires pour notre avenir à tous. La leçon à tirer est que si chaque camp campe dans sa position, il n’y aura pas d’accord. Et nous allons prolonger les souffrances de notre peuple. Dans le souci de débloquer la situation, Katumba Mwanke et moi-­‐même déciderons de suivre Bemba à Gemena pour le ramener à la raison. Aussitôt dit, aussitôt fait, nous avons atterri à Gemena. Olivier était étonné de me voir à Gemena en pleine rébellion. Et nous continuerons donc les discussions de Matadi. Mesdames et Messieurs, Il y a un parallélisme à faire entre la période chaude de Sun City et le contexte actuel. Aujourd’hui Madame Mary Robinson est nommée Envoyée spéciale pour aider les congolais à se parler, à se réconcilier, à se tolérer et à conclure un accord. En décembre 2002, Moustapha Niasse avait été nommé en qualité d’Envoyé spécial du Secrétaire du général des Nations Unies pour aider les congolais à se parler et à conclure un accord. Comme des petits enfants, il nous faut chaque fois un envoyé spécial pour que nous comprenions que nous pouvons débloquer seuls la situation de notre pays, que nous avons nous-­‐mêmes détruit. Au lieu de passer notre temps à accuser la communauté internationale, comme si la RD Congo est désormais sous administration des Nations Unies avec le consentement des dirigeants et de l’élite congolaise, à voir le diable partout, nous pouvons si nous le voulons faire du Congo un pays fort et stable. Et monsieur Moustapha Niasse, ce vaillant et brillant africain de nationalité sénégalaise, aujourd’hui Président de l’Assemblée Nationale de son pays, en deux jours, nous a fait signer l’accord global et inclusif qui va focaliser notre attention et sur lequel vous allez réfléchir aujourd’hui. Cet accord que nous avons négocié pendant plus d’une année sans y parvenir ! La signature de l’accord de Sun-­‐city n’était pas aussi sans poser des problèmes ! Azarias Ruberwa sait, je vois Nyarugabo sourire, il sait de quoi je veux parler ! …..Sun-­‐City, DIX ANS après ! UNC-­‐VK Page 11 sur 15 Alors que nous avions tous convenu de signer l’accord à 20h, Joseph Mudumbi entre dans la salle, suivi de Nyarugabo -­‐ et quand je vois Nyarugabo, je vois Bizima Kahara et tout le monde -­‐je me suis dit, il y a un problème ! Aussitôt ils prennent la parole pour dire :« Chers amis, nous avons décidé de ne plus signer. » L’Envoyé spécial qui était à côté de Madame Zuma, à l’époque ministre des affaires étrangères de l’Afrique du Sud, aujourd’hui Présidente de la Commission de l’Union Africaine, Monsieur Moustapha Niasse a demandé qu’est-­‐ce qui se passe ? Ils disent : « Bunia vient d’être récupéré par les troupes gouvernementales de Joseph Kabila. » « Nous ne signons pas parce que le gouvernement de Kabila n’a pas respecté le cessez-­‐le-­‐feu et en a profité pour gagner des villes. Le Représentant du Secrétaire Général des Nations Unies, Monsieur Namanga Ngongi, Louis Michel, Aldo Ayelo de l’Union européenne et les ambassadeurs de la Belgique de la Grande Bretagne, de la France, des USA, de l’Afrique du Sud, de l’Angola accrédités à Kinshasa vont tous entrés en danse, le Président Thabo Mbeki lui-­‐même va être impliqué et ses ministres. Et je dois rappeler ici, pour ne pas falsifier l’histoire et pour rendre à César ce qui est à césar et à Dieu ce qui est à Dieu, Madame Eve Bazaiba, a prévenu Etienne Tshisekedi qui voulait suivre le RCD dans cette démarche de boycotter pour la 2ième fois l’accord entre congolais, qu’elle s’engage à signer pour le compte de l’UDPS. Et elle n’est pas disposée à suivre aveuglement le RCD. Et à 4 heures du matin, les amis sont revenus dans la salle et l’accord de Sun-­‐city a été signé. Il faut noter que pour le compte du gouvernement c’était Théophile MBEMBA qui avait signé cet accord, un autre qui a conduit la délégation du gouvernement et qui a beaucoup travaillé dans ce processus. Et nous allons faire une conférence à trois, Olivier Kamitatu, Azarias Ruberwa et moi sur Bbc, Rfi, RTNC, la VOA et c’était le consensus, le socle de la constitution qui devait être rédigée par les institutions de la transition. Mesdames et messieurs, Alors Sun-­‐city c’est quoi ? Sun-­‐city, il fallait trouver une formule, aujourd’hui les gens peuvent décrier cette formule de 1+4 mais cette formule a permis à Bemba, à Ruberwa, à Joseph Kabila, à Zahidi Ngoma, à Yerodia d’être ensemble. Cette formule a permis à Ondekane, à Mudumbi, à Lumbala, à Théophile Mbemba et les autres de travailler ensemble. Il a permis aux gens qui se faisaient la guerre, à la société civile et à l’opposition de se retrouver dans un même parlement. Il a permis de mettre en place les institutions …..Sun-­‐City, DIX ANS après ! UNC-­‐VK Page 12 sur 15 d’appui à la démocratie. Cette formule a évité de justesse l’éclatement du pays, sa balkanisation qui était programmée dans les laboratoires extérieurs. Joseph Kabila, Président de la République Démocratique du Congo (il ne faut pas effacer l’histoire) me disait toujours : « Vital, vous ne croyez pas que Bemba là et Ruberwa viendront mettre du désordre ici à Kinshasa, est-­‐ce que la cohabitation sera facile avec ces gens qui ont pris les armes contre le pays ? » Je lui ai dit : « non Monsieur le Président, je vous assure que quand les congolais se retrouvent, ils s’entendent très vite. Mais Bemba quand je le vois à son tour, il me dit : « Vital, moto nayo wana, awuti wapi ?, vous pensez vraiment qu’on peut travailler avec ce monsieur là ? ». « Vous allez vous entendre, vous allez le voir quand vous serez ensemble ! », ai-­‐je répondu à Jean-­‐Pierre Bemba. Et à Ruberwa, j’avais dit la même chose. Mesdames et messieurs, Et au premier conseil des ministres, c’est eux qui embrassent Joseph Kabila. Vital Kamerhe simple ministre de l’information, Ruberwa Vice-­‐président de la république donc mon chef puisqu’il était le président de la commission politique, défense et sécurité ; Jean-­‐Pierre Bemba Vice-­‐Président chargé de l’Ecofin, Olivier Kamitatu est président de l’Assemblée Nationale donc supérieur à moi. Je ne dirai pas que j’étais le dindon de la farce. Mais il faut savoir accepter des sacrifices pour faire avancer le pays, on ne peut pas être tous chefs tout le temps et en toute circonstance. Mais je suis très heureux de dire aujourd’hui que Bemba arrêtait Kabila, Kabila arrêtait Bemba, Ruberwa arrêtait Bemba. Montesquieu a été confirmé : « le pouvoir arrête le pouvoir ». On ne pouvait pas conclure de contrats léonins en ce moment-­‐là puisque Bemba allait lever le ton, Ruberwa aussi. Tout le monde surveillait tout le monde. On ne pouvait pas piller la Banque Centrale, parce que tout de suite Kamitatu à l’Assemblée nationale vous interpellait. Et avec un peu de recul, c’est sur la base du bilan de cette transition apaisée que Joseph Kabila a été élu en 2006. Et Bemba a accepté sa défaite. A cet instant là, la RD Congo était devenue la référence en Afrique. Et puis après 2011, nous sommes redevenus un pays sans repère. …..Sun-­‐City, DIX ANS après ! UNC-­‐VK Page 13 sur 15 Et la Banque mondiale dans un ouvrage intitulé « la résilience d’un géant africain » a dit que c’est la période, depuis 1960 où le Congo a été géré dans une grande transparence. Et on a rédigé beaucoup de textes. Durant cette période, on a vu comment l’Assemblée nationale a fonctionné jusqu’à initier des contrôles parlementaires qui ont abouti. On peut citer à titre illustratif la commission Bakandeja. Aujourd’hui tout cela est impossible, on est revenu à l’Assemblée nationale des mots d’ordre, caisse de résonnance. La commission Bakandeja a établi clairement des détournements des deniers publics. Rappelez-­‐vous des 33 millions des dollars de la SNEL partis en fumée. L’exécutif et le judiciaire dans le cadre de séparation des pouvoirs ont rendu l’action de l’Assemblée nationale nulle. Impunité : c’est décidemment le maître-­‐mot au sommet de l’Etat. Nous devons nous guérir de cette maladie si nous voulons avancer. Ceci dit, quels étaient les principaux objectifs de cet accord : 1. la réunification, la pacification, la reconstruction du Pays, la restauration de l’intégrité territoriale, et le rétablissement de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national ; 2. la réconciliation nationale ; 3. la formation d’une armée nationale, restructurée et intégrée ; 4. l’organisation d’élections libres et transparentes à tous les niveaux permettant la mise en place d’un régime constitutionnel démocratique ; 5. la mise en place des structures devant aboutir à un nouvel ordre politique. Dix années après, avons-­‐nous réunifié, pacifié, reconstruit le pays ? Avons-­‐
nous restauré l’intégrité territoriale et rétabli l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national ? Dix années après, avons-­‐nous réalisé la réconciliation nationale ? Dix années après disposons-­‐nous d’une armée nationale, restructurée et intégrée ? Dix années après, avons-­‐nous organisé des élections libres et transparentes à TOUS LES NIVEAUX ? Si ce n’est pas le cas ? Que devons nous faire pour réaliser ces objectifs, et reconsolider ce SOCLE sur lequel notre loi fondamentale de 2006 a été construite ? Sun-­‐City, c’est un véritable « PACTE REPUBLICAINE » pour accomplir ensemble les résultats et recommandations ainsi que le programme …..Sun-­‐City, DIX ANS après ! UNC-­‐VK Page 14 sur 15 du Gouvernement pour remettre notre pays dans l’orbite de la démocratie et l’engager résolument sur la voie irréversible du développement intégral de la paix, de la sécurité et de la stabilité. J’ose croire, Mesdames et Messieurs, que les présentes assises vont répondre à ces questions. En vous réitérant mes remerciements pour l’invitation, la patience et l’attention soutenues avec lesquelles vous m’avez écouté, je nous invite à mettre nos différences et notre riche diversité au service du bien national. Avec Dieu, tout est possible ! Un autre Congo est possible. Je vous remercie. Vital KAMERHE. …..Sun-­‐City, DIX ANS après ! UNC-­‐VK Page 15 sur 15