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Stratégie d’Investissement
Un certain nombre de lecteurs m’ont demandé de consacrer l’un de ces billets hebdomadaires à
ce qu’ils devraient faire dans le domaine des investissements. C’est ce que je vais faire
aujourd’hui. Mon but ne va pas être de donner des conseils « boursiers » à court terme, mais de
présenter quelques unes des « tendances lourdes » qui me semblent être présentes dans le
monde et mon conseil sera de les garder en mémoire au moment de réorganiser ses actifs.
Voici ces tendances.
Première tendance : Nous sommes dans une période de grandes fractures sociétales .
Si un homme s’était endormi en 1790 et réveillé en 1820, il aurait été stupéfait par le monde qui
l’entourait. La France avait connu des convulsions extraordinaires entrainant toute l’Europe avec
elle, le monde des idées avait complètement changé, la Science commençait à émerger…
Si notre homme s’était endormi en 1890 et réveillé en 1920, le choc eut été encore plus fort. La
Sainte Russie avait disparu avec les Empires Austro Hongrois et Turques, l’Allemagne était en
plein chaos, la première puissance mondiale était les USA qui avaient fait pencher la balance dans
la guerre civile Européenne, une idéologie meurtrière, le communisme voulait étendre son
pouvoir sur le monde…
Imaginons que notre homme se soit endormi cette fois en 1990… Déjà en 2015, l’Union
Soviétique a disparu, l’Allemagne s’est réunifiée, la Russie Orthodoxe est réapparue, la Chine est
devenue le premier exportateur mondial, le Moyen Orient en feu est en train de se désintégrer, la
Grande Bretagne envisage de sortir de l’Europe politique ce qui condamne cette construction à
terme …où serons nous en 2020 ?
Il semble donc bien que la durée de vie « normale » de nombres d’institutions dans le monde qui
a commencé avec la première révolution industrielle soit d’environ 70 ans. Apres 70 ans,
l’ossification des structures mises en place au début de la période est telle que ces structures se
mettent à sauter comme des bouchons…
Deuxième tendance : Nous sommes dans une période d’incroyables accélérations dans
le domaine technologique.
La troisième révolution industrielle, celle de la Connaissance, est en train d’accélérer de façon
inimaginable. J’ai consacré il y a déjà quelques années à cette réalité un livre « C’est une
révolte ? Non Sire, c’est une Révolution» qui sera en téléchargement libre sur le site de l’IDL très
bientôt et en achat hard copie direct, et je ne saurais trop conseiller aux lecteurs de le consulter.
Il n’a pas pris une ride, mais les choses depuis se sont encore accélérées. La réalité est assez
simple. Le lecteur connait mon attachement à la notion Schumpetérienne de «destruction
créatrice». Nous sommes en train de rentrer dans une période de destruction créatrice sans
précédent dans l’histoire et d’immenses pans de nos économies vont sombrer tandis que de
nouveaux continents vont surgir de nulle part. La structure de nos productions dans les vingt ans
qui viennent va être transformée au moins autant que lorsque nous sommes passés de
l’agriculture à l’industrie.
Troisième tendance : Nos structures politiques et sociales ne sont plus adaptées et
vont devoir se transformer .
Marx avait emprunté à Ricardo une idée très forte. L’infrastructure économique détermine la
superstructure politique. Ainsi la première révolution industrielle nécessitait d’immenses
accumulations de populations et de capitaux qui ne pouvaient être organisés que sous forme
« pyramidale », un peu comme une armée, la tète donnant les ordres. Toutes nos structures
étatiques ou para étatiques ont donc été organisées depuis deux siècles sur ce modèle, et ces
structures étaient extraordinairement efficaces, ce qu’avait parfaitement compris Lénine. Il
suffisait de prendre le contrôle de la structure pour exercer le pouvoir politique.
La nouvelle révolution industrielle sera à l’évidence organisée autour de structures horizontales
très fluides et très changeantes et donc est en train apparaître une contradiction gigantesque
entre structures économiques et structures politiques. Transformer les superstructures politiques
pour qu’elles répondent de façon adéquate aux changements en train de se produire dans les
infrastructures économiques ne va pas être une mince affaire…
Quatrième et dernière tendance : Ces changements vont se produire dans des sociétés
ou les populations vieillissent à toute allure, où l’on va vivre de plus en plus longtemps
et qui se trouvent à coté de populations très jeunes et très pauvres.
La tendance au vieillissement est déjà en place depuis longtemps mais va s’accélérer sous l’effet
des progrès incroyables de la médecine. La tendance aux migrations existe depuis encore plus
longtemps et n’est pas prés de s’interrompre. Certaines sociétés absorberont sans difficultés ces
changements. Dans d’autres cela pourrait amener à de quasi guerres civiles. Ce qui va amener à
se poser des questions essentielles sur ce qu’est la Nation, ce qu’est un citoyen et ce que sont les
droits sociaux. Cela veut dire aussi que la notion même de Travail va en être complètement
bouleversée ainsi que celle de Retraite. Voila qui va créer de nombreux problèmes de nature
sociologiques ou politiques.
Si le lecteur veut bien accepter que ces tendances lourdes soient des réalités, alors il me faut
maintenant essayer de dégager des principes de gestion patrimoniale qui lui permettront de
minimiser les dégâts tout en maximisant ses espérances de gain.
Quelles conclusions tirer des principes que je viens d’énoncer?
Commençons par la répartition géographique des placements. Une tendance est en train
d’émerger. Il vaut mieux avoir son argent investi dans des pays qui font moins de 10 millions
d’habitants et qui ont toujours été des économies de marché qu’ailleurs. Ces pays se réforment
en effet très facilement, ni l’administration ni le pouvoir politique n’ayant jamais pu s’éloigner du
citoyen de base. J’ai bâti par exemple un indice regroupant l’ensemble des bourses de ces pays
(Suède, Norvège, Danemark, Suisse, Israël, Singapour, Hong-Kong etc…) et cet indice a fait mieux
que les indices nationaux de toutes les grandes puissances. Ces pays sont déjà passés pour la
plupart à des Etats horizontaux et légers plutôt que de rester dans la Pyramide Napoléonienne et
ce qui est fait n’est plus à faire. Ces pays resteront des Etats de Droit.
Continuons par le type de placements. Pour reprendre un de mes vieux thèmes, chacun peut
investir en suivant quatre économistes morts depuis longtemps.
Le premier est Malthus, il n’y a pas assez de blé, de charbon, de pétrole et il y a trop de gens. On ne
gagne jamais d’argent sur le long terme avec Malthus.
Le second est Keynes, il faut que l’Etat remplace la demande devenue insuffisante (?) en créant des
fausses valeurs et une demande non gagée. Cela se termine toujours en désastre, je ne connais pas un
seul exemple de politique Keynésienne qui ait fonctionné.
Le suivant est Ricardo, qui permet à la croissance de se développer en permettant une meilleure
utilisation du capital et du travail en laissant la Loi dite des avantages comparatifs jouer son rôle. La
grande zone de croissance Ricardienne a été bien sur l’Europe depuis le Traité de Rome, mais c’est fini
et bien fini. La prochaine zone sera l’Asie autour de la Chine.
Enfin vient Schumpeter avec la destruction créatrice, c’est-à-dire la technologie , et le centre a été et
restera les USA.
Le portefeuille d’actions doit donc être exclusivement Ricardien et Schumpetérien.
Venons-en à la nature juridique des placements. Dans le domaine des placements, chacun peut
acheter (ou vendre) d’abord une promesse émise par quelqu’un d’autre de lui promettant de
rembourser un jour l’argent que vous lui auriez prêté. Par exemple, si vous déposez de l’argent à
la banque, vous ne le savez sans doute pas, mais vous lui avez prêté de l’argent. Si vous achetez
une obligation d’Etat ou de Société et si vous attendez jusqu’à l’échéance officielle vous vous
attendez à revoir votre argent en valeur «nominale». Et ainsi de suite.
Inutile de dire que toutes ces transactions pour être honorées supposent un Etat de Droit qui
reste stable, une monnaie pérenne et un système judiciaire qui fonctionne, comme l’a montré
l’histoire des emprunts Russes en 1917 par exemple. Ce qui veut dire qu’à mon avis il est plus
raisonnable par exemple d’avoir des obligations Suédoises en Couronne ou des obligations
Anglaises en Sterling que des obligations Françaises en Euro, ou des dépôts dans des banques
Italiennes. Ce qui est arrivé aux déposants à Chypre ou aux détenteurs d’obligations Grecques
pourrait très bien se produire ailleurs.
Chacun peut aussi acheter plutôt qu’une reconnaissance de dette une part de propriété pleine et
entière, c’est-à-dire des actions ou de l’immobilier.
Commençons par les actions. Compte tenu de ce que je viens d’écrire, il me semble qu’il est tout
à fait évident qu’il faille éviter à tout prix toutes les sociétés qui vendent aux Etats (armement ou
médicaments par exemple), ou qui dépendent de la réglementation étatique (santé, services
publics). Par exemple, les sociétés cotées ou non cotées de fourniture d’électricité en Allemagne
ont été quasiment mises en faillite en une semaine par une décision «émotionnelle», prises après
Fukushima de fermer toutes les centrales nucléaires. De même, il serait sage de ne pas avoir des
actions d’une société, même très bien gérée, qui aurait toutes ses activités dans un seul pays tant
les pouvoirs publics locaux peuvent décider qu’après tout, cette société leur appartient. Ajoutons
qu’il est tout à fait évident que tout le monde a besoin d’effectuer des opérations bancaires mais
que personne n’a besoin d’une banque et voila qui exclue toute possession dans le secteur
bancaire qui a vocation à disparaître de toutes façons en raison des nouvelles technologies,
Apple, You Tube ou Facebook remplaçant avantageusement la BNP ou le Crédit Agricole. Enfin, il
ne faut pas toucher aux compagnies d’assurance dont la faillite est inéluctable à terme compte
tenu des taux zéro que nous avons un peu partout et qui n’existent que pour permettre à nos
Etats de ne pas se reformer.
Pour faire simple, il vaut mieux avoir en portefeuille Air Liquide, Schneider ou Hermès, qu’EDF, la
BNP ou AXA et il vaut mieux avoir des actions représentant des sociétés dont les produits
intègrent une grosse part de matière grise plutôt que des parts de sociétés vendant des produits
intégrant beaucoup de travail et de matières premières
Passons à l’immobilier.
Compte tenu des développements technologiques dont j’ai parlé, il faut être fou comme un lapin
pour posséder des murs de bureaux ou de surface commerciale tant il est évident que l’internet,
le travail et le commerce en ligne sont en train de créer une surcapacité gigantesque un peu
partout dans le monde sans parler des surfaces colossales qui vont être libérées le jour où il
faudra couper le personnel administratif de moitié.
En ce qui concerne l’immobilier dit de rapport, il me semble tout à fait certain qu’il vaut mieux
acheter de l’immobilier à Dallas ou à Houston, c’est-à-dire au Texas où les droits de propriété ne
sont pas pris à la légère qu’à New York ou a Paris où les édiles élus ne rêvent que de bloquer les
loyers et de protéger les gentils locataires (nombreux) contre les infâmes propriétaires (peu
nombreux).
Et terminons par la construction du portefeuille, ce qui est souvent la partie la plus importante
dans toute stratégie d’investissement.
Tout simplement, je crois que le lecteur doit se concentrer sur ce qu’il NE DOIT pas avoir. Il faut
donc passer ses actifs au crible des quelques critères que je viens de décrire et sortir tous ceux
qui lui apparaissent un peu douteux.
Mais qu’il garde précieusement les actifs de qualité s’il en a.
Si cela l’amène à avoir pas mal de cash, qu’il le garde dans une banque «sure» quelques temps,
tant il me semble que les quelques mois qui s’annoncent risquent d’être difficiles dans les
marchés financiers. Nous risquons en effet d’avoir quelques occasions d’achats sur les secteurs
porteurs d’ici quelque mois.
Mais ceci est une autre affaire dont j’aurais sans aucun doute l’occasion de reparler…
Charles Gave

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