2014.04.22 - rumeurs et entreprise

Transcription

2014.04.22 - rumeurs et entreprise
Radio Machine à café et intranet de couloir
Le diagnostic est aussi clair que sans appel, la rumeur en entreprise repose sur une carence
en communication !
Retour sur le plus vieux média du monde, la
rumeur ! Il semble en effet qu'avec l'avènement
et la popularisation d'internet elle ait le vent en
poupe. La massification de l'information génère
un flot continu dont une grande partie n'est pas
crédible mais est, pourtant, souvent tenue
comme l'étant par une grande frange de la
population. L'adage populaire "c'est vrai, je l'ai vu
à la télévision" s'est amplifié avec la toile
mondiale, trop de monde croit encore que c'est
vrai parce qu'on l'a lu sur le net. En outre, la
facilité de partage via les médias sociaux est un
facteur favorisant - voire aggravant - de la la crédulité des masses. La rumeur est, pour rappel, un
phénomène de transmission d'une histoire ou d'une information prétendue vraie. Dans leur ouvrage
The Psychology of rumor(1), publié en 1947 Gordon W. Allport et Theo Postman identifient trois types
de rumeurs :
* la rumeur réductrice : le message original vrai ou correct est amputé d'une partie de ses
informations à chaque transmission pour ne finalement plus contenir qu'une partie parfois infime de la
vérité;
* la rumeur accentuée : le message original vrai ou correct se voit ajouter de nouvelles informations,
souvent fausses, à chaque transmission pour ne plus contenir qu'un mince fond de vérité, voire
aucun;
* la rumeur assimilée : chaque récepteur du message originel se l'approprie selon ses valeurs, ses
croyances voire ses envies et en déforme ainsi le contenu.
Ces trois types de rumeurs reposent sur un message au contenu originel vrai qui est déformé d'une
manière ou d'une autre au fur et à mesure de la transmission. Il convient donc de distinguer la rumeur
du mensonge dont le contenu originel est faux et souvent monté de toutes pièces. On peut donc
classer au rang des rumeurs la propagande, les préjugés, la désinformation (volontaire ou sur base
d'une erreur journalistique), le hoax (encore que parfois celui-ci puisse s'apparenter au mensonge),
les légendes urbaines... Bref la rumeur est information non vérifiée par le récepteur, qui se répercute
de bouches à oreilles en se déformant encore un peu plus. On devine, dès lors, aisément l'impact que
peuvent avoir les médias sociaux dans la propagation des rumeurs !
Un média d'entreprise à gérer au mieux à la source !
Une fois lancée, la rumeur se développe et s'amplifie rapidement et devient difficile à maîtriser,
quasiment incontrôlable. Dans le microcosme de l'entreprise, elle peut être cause de ravages à
grande ampleur. Dans certaines organisations, elle est même le premier média… La plupart du temps,
elle nait d'un réel déficit de communication interne c'est pourquoi il est encore nécessaire d'insister sur
l'importance d'une bonne communication au sein d'un système. Lorsque l'information circule peu et/ou
mal au sein du système, elle se déforme pour donner naissance a ce que l'on pourrait nommer "radio
machine à café" ou "intranet de couloir", c'est à dire un réseau de communication parallèle à la source
officielle d'information qui transmet de l'information non-vérifiée, déformée, erronée. Il est à noter que
la rumeur s'intensifie en période troublée ou de crise pour l'organisation. "Entre un congé-maladie qui
devient un licenciement, une future collaboration qui se transforme en crainte de fusion ou un
déménagement qui devient une délocalisation, il n'y a qu'un pas" écrit fort justement Alexandra
Bresson dans un article publié, en 2011, sur le site de L'Express(2). Source de malentendus, de
tensions et de conflits, la rumeur est un parasite de l'entreprise en ce sens qu'elle se nourrit de
l'information de l'entreprise, il s'agit donc de véhiculer une information correcte au sein de
l'organisation pour limiter les bruits de couloir qui se transforment rapidement en rumeurs. C'est une
vérité inaliénable que d'écrire qu'une entreprise sujette aux rumeurs est une entreprise qui a un
sérieux souci de communication en son sein. Le meilleur moyen de faire face à la rumeur est donc de
la limiter en amont ! Pour cela, il n'y a pas de recette miracle, juste un mot d'ordre : communiquer
régulièrement, correctement et de manière pertinente !
Un processus de communication interne optimal est le seul moyen de désamorcer une rumeur avant
qu'elle ne se propage. Il s'agit de remplacer les "Il parait que..." et autre "J'ai entendu dire que...", que
l'on entende souvent dans les couloirs et qui sont de véritable symptômes de la mauvaise
communication interne, par des "J'ai lu dans la newsletter mensuelle que...", ou "Une note de la
Direction précise que...". Pour être optimale, la communication au sein de l'organisation doit s'articuler
autour de quatre principes :
* La régularité : la newsletter mensuelle doit paraitre... tous les mois ! Cela semblé tellement évident
pourtant combien d'entreprises ne respectent pas, pour des questions de coûts, de validation de l'info
ou de temps, la périodicité de leur revue interne ou de leur lettre d'information. Pareillement, un
intranet doit être mis à jour et les réunions de services, où se transmet l'information, doivent être
récurrentes.
* L'accessibilité : tant en termes de facilité physique (un journal d'entreprise tiré à 500 exemplaires
pour une population de 2500 travailleurs ne parviendra forcément pas à chacun, une information
diffusée par mail ne sera pas accessible aux travailleurs qui n'ont pas accès à un PC) que de facilité
intellectuelle (pas de jargon ou de langue de bois).
* La multiplicité : pour toucher le plus grand nombre de personnes au sein de l'organisation, il s'agit
de mettre en place un maillage de la diffusion. Plus il y aura de support de diffusion différents
(newsletter + intranet + affichage + note de service + e-mail +...), plus l'information diffusées aura de
chances d'être reçue par tous.
* L'authenticité : quelle crédibilité peut avoir une information si elle ne reflète pas la vérité, si les
comportements de ceux qui la diffusent vont à l'encontre des contenus diffusés ? Il convient donc de
faire preuve de transparence dans les informations diffusée. Convenons aussi que transparence ne
signifie pas forcément communiquer tout sur tout mais rime plutôt avec authenticité. La source de
l'information doit se forger une réputation d'authenticité qui sera garante de la véracité de l'info
diffusée.
Et si la rumeur circule quand même ?
Mais il serait utopique de croire que l'objectif "rumeur zéro" est atteignable ! L'entreprise est un tel
vivier d'informations qu'il est impossible de communiquer tous azimuts sur chacune d'entre elles.
Chaque détenteur d'information - souvent les managers - doit donc également faire l'effort, à son
échelle, d'analyser la pertinence d'une diffusion de l'information. Mais il doit aussi prévenir la
naissance des rumeurs en prêtant une réelle attention aux bruits de couloir, aux échanges autour de
la machine à café ou dans le restaurant de l'entreprise. Parfois, les conversations les plus banales
peuvent être révélatrices d'un sentiment de mal être ou d'insécurité qui donneront naissance à la
rumeur.
Malgré une communication interne adéquate, s'il arrive qu'une rumeur prenne corps et se propage
dans le système, il faut alors réagir. Le silence hiérarchique sera toujours perçu comme une validation
de la rumeur et sera donc amplificateur de la rumeur. La réaction se fait en trois phases distinctes :
L'identification de la rumeur : quelle est cette rumeur ? D'où provient-elle ? Pourquoi est-elle née ?
Non pas forcément pour sanctionner mais surtout pour mieux préparer la réaction.
L'analyse de la rumeur : la rumeur est elle faible ou forte ? Est-elle crédible ou pas ? Est-elle
dangereuse ?
L'adaptation de la réaction : la réponse doit évidemment être adaptée à la rumeur (de l'importance
d'une bonne analyse) par une communication respectant le principe d'authenticité. La réaction doit
être officielle pour permettre, comme pour une communication de crise finalement, de reprendre la
main sur un processus de communication dont on n’est pas maître.
De façon générale, pour éviter les rumeurs au sein de l'organisation, il faut briser la culture du secret
dont se pare beaucoup d'entreprise. Car si la rumeur nait c'est plus souvent par une inquiétude ou par
un ras-le-bol générés par un manque d'informations que par intérêt pour les ragots ou par envie de
nuire. Une vraie bonne stratégie de communication interne est seule prévention à la propagation des
rumeurs !
-----(1) Allport, Gordon Willard & Postman, Theo, The Psychology of rumor, Henry Holt Company, 1947.
(2) Bresson, Alexandra, Rumeurs en entreprise : comment désamorcer la crise ? on www.lexpress.fr,
consulté le 25 mars 2014
Olivier Moch
© Communication, avril 2014

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