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Sommaire
1. Avant-propos………………………………………………………………………………………………………………………………
p. 3
2. Manières noires
Gaëlle Rageot-Deshayes…………………………………………………………………………………………………………..
p. 4
3. Misère (française) de la peinture
Didier Ottinger………………………………………………………………………………………………………………………….
p. 7
4. Éléments biographiques……………………………………………………………………………………………………………
p. 10
5. Visuels pour la presse……………………………………………………………………………………………………………….
p. 12
6. Légendes des visuels…………………………………………………………………………………………………………………
p. 14
7. Informations pratiques……………………………………………………………………………………………………………..
p. 15
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1. Avant-propos
Damien Deroubaix. L'esprit de notre temps
Damien Deroubaix est un expressionniste, comme l’etaient les peintres allemands de l’entre-deux guerres
mondiales. Il represente la mort, la vie, le temps qui passe et les horreurs de la decheance corporelle. Si ces
sujets ont ete presents tout au long de l’histoire de l’art (et il suffit de regarder le succes des vanites chez
les jeunes artistes pour se confirmer de leur universalite), Deroubaix attache un lien particulier à la
froideur, la durete et la violence des toiles de Grosz, Dix ou Beckmann. Mais il n’est pas uniquement obsede
par le debut du XXe siecle. En effet, les figures de la mythologie (chimeres, divinites mesopotamiennes,
deesses antiques) sont presentes dans son art. Il y a plusieurs raisons à cela : 1. ce sont des creatures
associant l’homme et l’animal pour une symbolique porteuse de sens contradictoires, 2. on les retrouve dans
toute l’histoire de l’art (la meduse est presente dans la mythologie, chez Le Caravage comme dans les ecrits
d’Aby Warburg), 3. la culture populaire en fait, parfois, d’improbables heros (Pazuzu est present dans toute
la première scène du film L'Exorciste, 1973).
Pour L'esprit de notre temps, Damien Deroubaix propose d’agencer son univers autour d’un arbre
monumental qui fonctionne comme une genealogie de ses sources et references artistiques mais aussi
comme une machine à associer les symboles. Au sein d'une installation qui occupera la grande salle
d'exposition et les combles du XVII e siècle du musée de l'Abbaye Sainte-Croix, peintures, sculptures et bois
graves viendront servir une vaste allegorie du Temps reinterpretant magistralement quelques fragments de
l'histoire de l'art qui ont en commun d’etre de violents symboles des catastrophes de l’humanite (les figures
du Guernica, le Corps du Christ mort d’Hans Holbein, un fetiche Nkisi ou l’Esprit de notre temps de Raoul
Hausmann entre autres œuvres emblématiques). Associant culture(s) populaire(s), ethnologie et histoire de
l’art, l’art de Damien Deroubaix est un reflet deforme et amplifie de nos terreurs et de la violence du monde
qui nous entoure.
Parution du Cahier de l'Abbaye Sainte-Croix n°128 à l'occasion de l'exposition.
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2. Manières noires
Gaëlle Rageot-Deshayes
« Dans le crépuscule monstrueux qui nous entoure, qui nous comprime le cœur et le cerveau, parce qu'il
peut devenir la nuit ou la lumière, à l'instant prenons une décision énergique ! Nous voulons la lumière, qui
pénètre tous les corps, nous ne voulons pas laisser s'abîmer les fines émanations relatives sous nos yeux
fatigués ; nous voulons, avec la lumière, la grande Amérique non-découverte, la Vie ! »
(Raoul Hausmann, Et maintenant voici le manifeste du présentisme contre
le dupontisme de l'âme teutonique, Berlin, février 1921)
L'esprit de notre temps
Tel est l'intitulé du nouvel opus de Damien Deroubaix qui, comme souvent, emprunte à une ombre tutélaire
le titre de son exposition. L'expression a valeur de programme. Elle renvoie à l’œuvre maîtresse du dadaïste
berlinois Raoul Hausmann (1886-1971) : Tête mécanique (L'esprit de notre temps), œuvre de 1919, est un
assemblage énigmatique, sur une tête en bois d'apprenti coiffeur, d'objets hétéroclites, une timbale pliable,
un porte-monnaie, un écrin à bijoux, une règle graduée, un mètre de couturière, etc... Située quelque part
entre l'incarnation d'un art antibourgeois et corrosif et la fascination du temps pour la machine, elle
émanait, selon son auteur, d'une volonté de « dévoiler l'esprit de notre temps, l'esprit de chacun dans son
état rudimentaire ». Les temps alors étaient bien sombres, coincés entre les horreurs de la Première Guerre
mondiale, la crise de 1929 et l'inexorable montée des extrémismes. Ils ne semblent pas s'être éclaircis
aujourd'hui et ce sont leurs grondements angoissants que Damien Deroubaix, adepte du collage et du
photomontage visuels que Raoul Hausmann contribua à inventer, saisit dans sa peinture.
Le temps passe, efface, oublie. Les hommes changent mais l'horreur demeure et les massacres se
poursuivent en un cri sans fin. L'esprit de notre temps est inquiétant et cette exposition n'est pas à prendre à
la légère, ni à la rigolade, malgré le portrait du « fou garde-fou » ricanant que nous livre Damien Deroubaix
au détour d'une pièce, histoire de nous rappeler les vertus du rire, aussi jaune soit-il, et de la charge, qui
relèvent de leur trait acéré les travers de l'humanité. Le ton, dans les œuvres de Deroubaix tient sans doute
du pamphlet qui tire à tout-va, par le biais d'un répertoire de signes à forte charge symbolique qu'il détourne
et réamorce dans des compositions peintes au vitriol. L'humeur est donnée d'emblée : noire, provocatrice et
délibérément violente. En lien flagrant avec la gravité du sujet qui rappelle, en substance, que l'homme est
un loup pour l'homme et court à sa propre perte. Ce n'est certes pas une découverte, le mérite de Damien
Deroubaix reposant ici dans son refus : refus d'un art-thérapie ou cosmétique et refus de se voiler la face
pour, bien au contraire, tenter de dévoiler, à la manière des grandes œuvres féroces et consternées – Les
Caprices de Francisco de Goya (1797-99) et Guernica (1937) de Pablo Picasso en tout premier lieu – qui ne
renoncent pas mais dénoncent. L'artiste évoque l'Apocalypse, également Livre de la révélation, pour
qualifier ce qu'il cherche à faire émerger de ses assemblages d'images qui à la narration univoque préfèrent
un principe de correspondances ouvertes : « romans sans mouvement » pour reprendre un terme appliqué
par la critique aux compositions mystérieuses de Paul Gauguin auquel Damien Deroubaix renvoie dans cette
exposition littéralement.
D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?
Du chef-d’œuvre peint par Gauguin en 1897-98, Damien Deroubaix propose une somptueuse variation qui
ouvre et ordonne l'exposition. Cette toile, fruste et flamboyante, on le sait, Gauguin l'a peinte dans une
période de profond désarroi, marquée par une volonté d'en finir avec le monde. Ainsi peut-elle être
considérée comme un testament artistique, un opus magmum autour duquel tout s'explique et s'agrège. Frise
de la vie ? Fusion des contraires, beauté et laideur, jeunesse et vieillesse, amour et mort, trivial et sacré ?
Les sens s'y font et s'y défont, l'entendement y achoppe, l'énigme intrigue : « mon rêve ne se laisse pas saisir,
ne comporte aucune allégorie ; poème musical, il se passe de libretto » écrit Gauguin à son sujet. Sur cette
œuvre incandescente, le regard ne glisse pas mais accroche et s'allume jusqu'à embraser la pensée, tout
comme sur les œuvres de Damien Deroubaix qui pratique le glissement de sens et la collusion des signes sans
jamais rien figer. L’œuvre de Deroubaix garde de son modèle le format monumental, l'ordonnancement
général par juxtapositions de scènes ou de figures et en adopte la palette ménageant, sur un substrat de
couleurs profondes, quelques coups d'éclat. Mais il y introduit ses propres motifs dont le commerce et les
frottements composent un poème tragique sur le cours du monde actuel, méditation sur la vie, la mort, le
temps qui passe et les catastrophes qu'il provoque sur tous les continents. Il y injecte nombre d’éléments, de
symboles empruntés à l'art ou à l'histoire qui circulent et réapparaissent d'une œuvre à l'autre.
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Les signes distingués par Damien Deroubaix se propagent comme des virus, et par contact se contaminent
l'un l'autre. La statuette Nkisi du Kongo, qui l'a fasciné lorsqu’il l'a découverte dans un musée de Boston, est
sans doute la figure fétiche la plus répliquée dans l'exposition. Portraiturée en pied, sur deux petites toiles
qui forment diptyque, d'un côté l'homme, de l'autre la femme, elle ouvre et clôture le parcours. La tête,
tranchée, est également démultipliée, en version 2D ou 3D, fichée sur un tronc, sur une planche de bois
gravée ou au bout d'un bâton. Au centre du tableau introductif, tout comme au centre de l'exposition, elles
semblent pousser comme des fruits sur des arbres dont les feuilles sont des billets. Damien Deroubaix s'est
inspiré d'un conte de l'ancienne Perse qui raconte comment des femmes poussaient par les pieds sur un arbre
légendaire et, arrivées à maturité, s'en détachaient par les cheveux et tombaient mourir par terre en criant
« wak-wak ». Le fétiche Nkisi du Congo, qui se substitue dans cette nouvelle version de l'histoire à la femme,
est un objet magique, l'incarnation d'une entité spirituelle qui peut être invoquée grâce à la charge placée
au niveau de la cavité centrale. Des clous sont enfoncés dans la statue par le devin, le Nganga, pour réveiller
l'esprit du Nkisi qui, malgré son apparence terrifiante, intervient comme protecteur de la communauté qui le
vénère. Son statut, sous l'effet des associations opérées par Damien Deroubaix, passe d'un extrême à l'autre,
passablement dégradé. De la maman à la putain, de la culture à la barbarie. Ainsi la femme, dont l'artiste
extrait de son quotidien la représentation vulgaire qui sature les magazines bas de gamme et les publicités,
tout comme le fétiche, devenu objet de trafic, de contrefaçons et de décoration dans la société occidentale,
ne renvoient plus dès lors qu'à la vacuité et aux excès de la marchandisation, à des fruits pourrissants.
Dans les grandes peintures qui viennent compléter la composition inaugurale, Damien Deroubaix renchérit
sur l'une ou l'autre plaie du monde moderne. Avec Tina's daughter, titre forgé à partir du slogan néolibéraliste « There is no alternative » attribué à Margaret Thatcher, que l'artiste associe aux A des agences de
notation financières, ce sont les aberrations et les injustices sociales du système capitaliste et de la
mondialisation qui sont pointées du doigt. Dans Jihad, sous couvert de religions et de guerres saintes
auréolées des ailes de la Victoire, l'intolérance et le fanatisme partent en croisade, engendrant de nouveaux
fléaux. Et les guerres, les famines, les génocides envahissent ces visions de cauchemars et d'enfers qui sont
d'autant plus insupportables qu'elles nous renvoient à des cataclysmes bien réels et stigmatisent nos propres
démons. Le sommeil de la raison produit des monstres dit en substance la légende de l'une des plus célèbres
gravures de Goya, alliant les affres de la folie humaine et le mal absolu qui se déchaînent dans les ténèbres.
Danses macabres
La mort est partout présente dans les compositions de Damien Deroubaix qui se rattachent sans conteste aux
genres de la vanité et du memento mori. Il en reprend les éléments classiques, les fleurs, les verreries et les
bulles, les fruits trop mûrs, les crânes et les ossements, motifs intemporels qu'il associe aux symboles
modernes de surveillance, de menace, de torture, aux images chocs et aux sinistres emblèmes de notre
monde contemporain expert en barbarie. Compagne de tous ces traumatismes, une seconde figure traverse
l'exposition, celle du squelette bondissant, incarnation de la mort tout droit sorti d'une danse macabre. Le
genre, qui se développe dans le sillage de la grande peste noire qui, en 1348, avait ouvert un boulevard au
crépuscule, se répand dans les livres ou sur les murs des cimetières. Damien Deroubaix en a tiré, à partir
d'un incunable allemand publié à Mayence par Jacob Meydenbach vers 1490, une petite bande de
squelettes, grotesque et grimaçante qui, au détour d'un bois gravé ou sur la courbe d'une cornue, font la
nique aux ambitions de l'homme et à ses créations éphémères (Quod fuimus estis, quod sumus eritis / Ce
que vous êtes, nous le fûmes et ce que nous sommes vous le serez). Lorsqu'il évoque sa collaboration avec
les maîtres verriers de Meisenthal, couronnée en 2011 par la naissance d'un grand homme de verre, Homo
bulla, l'artiste retient surtout la magie qui opère par la grâce du souffle du verrier, souffle de vie qui donne
corps, forme solide (bien que tellement fragile) à une matière liquide informe, rejouant en un simple geste
tous les mythes de la création. L'artiste, malgré la noirceur de ce bas-monde, n'est pas un pessimiste et nous
rappelle que le mouvement de la danse, frénétique et intense, est aussi un symbole de vie.
Tout bouge, tout s'agite, tout change. La métamorphose est au cœur de l’œuvre de Damien Deroubaix qui
jamais ne fige ni ne clôt, mais connecte, provoque, donne du champ. En filigrane, la métamorphose marque
imperturbablement, c'est entendu, la fuite du temps. Mais elle opère à découvert sur bien d'autres plans,
thématiques comme stylistiques. Sur le plan thématique d'abord : l'artiste travaille à partir d'un réservoir
d'images d'origines extrêmement diverses : œuvres de musée, pièces archéologiques, objets de sciences
naturelles, photographies, coupures de presse, tracts publicitaires, pochettes d'albums Métal, etc... Dans ce
corpus en constante évolution, il effectue des coupes, prélève des fragments qu'il transforme ou transfère
d'un support à l'autre et qu'il combine entre eux pour en modifier l'apparence et en heurter les sens. Sur le
plan stylistique ensuite : sa manière rapide, brute, sale, sert une esthétique répulsive qui n'hésite pas à
susciter le malaise ou le dégoût. Son style procède également de ce principe de métamorphose qui d'une
forme en fait surgir une autre, détourne le trait, cultive le repentir.
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Damien Deroubaix, entré à l'école des beaux-arts de Saint-Étienne en vue de devenir graveur, s'est tout
d'abord fait connaître par le biais de simples collages, concis et percutants, faisant entrer en collision le mot
et l'image. Dans ses premières expositions, l'accumulation de ces petites amorces multipliait les points
d'impacts en une sorte de « méta-collage », par le biais du « montage » - l'artiste insiste sur la dimension
cinématographique que revêt ce procédé – qui en augmentait la charge et la déflagration. En 2003, lors de
son installation à Berlin, il systématise le recours à l'aquarelle sur papier, déployée en grands formats sur
lesquels il concentre tous les signes en une seule et même composition, amplifiée. Damien Deroubaix,
désormais, se considère comme peintre, bien qu'il travaille exclusivement l'aquarelle sur papier, à l'opposé
de la mièvrerie et du bouquet de fleurs auxquels on associe d'ordinaire la technique. Il l'avilit, la noircit, y
intègre des éléments étrangers, fragments de magazines ou de gravures sur bois préalablement imprimés.
Depuis un an, il travaille la peinture à l'huile sur toile et les quatre grandes compositions présentées au
musée de l'Abbaye Sainte-Croix figurent parmi les premières d'une telle envergure. La tonalité ressort de ce
changement de technique qui va de pair avec une inversion du travail sur la lumière, peut-être plus sombre
encore, plus ténébreuse. Les contrastes sont accentués, réduits parfois à une forte opposition de deux
valeurs, dans une facture lâchée, expressive. Ces peintures noires, lointain écho des sabbats de Goya,
renvoient aux bois gravés de Damien Deroubaix, qu'il développe depuis 2009 à partir de matrices colossales
de gravures devenues reliefs en creux. Dans l'exposition, les scènes de vanités gravées d'un trait sauvage sur
un fond de bois préalablement encré de noir se poursuivent sur une trentaine de mètres en un saisissant
cortège funèbre.
Pégase
Damien Deroubaix métamorphose et hybride enfin les techniques dans des assemblages qu'il persiste à
considérer en terme de sculpture classique comme la superposition d'une figure sur un socle. Les trois
œuvres présentées dans les combles du 17 e siècle sont des exemples éloquents de sa manière de faire qui
réduit la figure au profit d'un socle hypertrophié, enrichi d'éléments qui viennent en compléter le sens :
ossements, coquillages, bulles et cornues, coraux, végétaux, moulages de plâtre s'y accumulent sur des
tréteaux et des plateaux de bois en une kyrielle d'éléments symboliques. Le bien et le mal s'y confondent,
sous les auspices d'un Janus aux deux visages et d’Ouroboros qui convoquent le début et la fin et brouillent
les repères temporels. A leurs côtés, les figures mythologiques de Pégase et de la chimère racontent une
dernière histoire de métamorphose à l'issue ambiguë. Pégase, selon la mythologie grecque, est un cheval ailé
né du sang de la Gorgone Méduse lorsqu'elle fut tuée par Persée. Bellérophon s'en empara, devenant ainsi
maître de l'air. Le jeune homme qui, par accident, avait tué son frère, partit se réfugier à la cour du roi
d'Argos, Proetos. Il y brilla tant et si bien que l'épouse du roi s'en éprit mais éconduite, elle exigea sa mort.
Proteos ne put s'y résoudre et l'envoya pour ce faire au roi de Lycie, qui ne s'y résolut pas non plus par
crainte d'enfreindre les lois sacrées de l’hospitalité. Ce dernier le pria alors d'aller combattre la chimère,
monstre tenant du lion, de la chèvre et du serpent, qui passait pour invincible et qu'il défit cependant, avec
l'aide de Pégase, sans difficulté. Bellérophon, en si bonne compagnie, revint en héros de tous les dangers et
auréolé de tant de succès, épousa la fille du roi. Des années plus tard, par péché d’orgueil, il s'attira la
colère des dieux en voulant gagner l'Olympe et fut condamné à errer pour l'éternité. Pégase, plus sage, avait
refusé l'ascension et trouvé asile parmi les coursiers de Zeus. Aujourd'hui Pégase est une constellation, un
petit groupe imagé d'étoiles qui confronte la petitesse de l'homme à l'infini du cosmos. On en croise parfois
le dessin, empreint d'une étrange poésie, dans les œuvres de Damien Deroubaix qui, in fine, semblent bien
progresser à la manière d'une constellation, comme un rassemblement de signes dont l'agencement éclaire
et résiste à la nuit, à l'ignorance, à l'oubli.
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3. Misère (française) de la peinture
Didier Ottinger
« Et les profonds murmures de la foule, soudain interrompus, étaient comme les répons de quelques litanies
sataniques. » (Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres)
La peinture peut-elle être d’un quelconque usage à ceux qui rêvent de « transformer le monde » ? Cette
question a hanté le surréalisme, qui avait fait des mots de Marx la moitié de son programme (l’injonction
d’Arthur Rimbaud à « changer la vie » venant le compléter). Les apostrophes verbales qui ponctuent les
œuvres de Damien Deroubaix, ses références explicites à l’actualité sociale et politique (la crise financière,
celle de la vache folle, la guerre d’Irak…), son usage de l’effigie de Marx lui-même attestent de son souci
révolutionnaire ou, pour le moins, critique.
Le surréalisme a posé, avec le plus de conséquences historiques, de profondeur théorique, la question de
l’engagement politique de l’art. Il concluait à son indépendance farouche à l’égard de tous les programmes
idéologiques (une position qu’entérinera officiellement le Manifeste pour un art révolutionnaire
indépendant que rédigeront Léon Trotski et André Breton en 1938). Cette étanchéité, transgressée par Louis
Aragon dans son poème Front rouge (1931) par lequel il assujettit sa poésie à ses convictions militantes, est
à l’origine du premier chiisme au sein du surréalisme. Les réponses apportées par André Breton (dans son
texte Misère de la poésie) à la question de l’engagement de l’art, aux modalités de son action dans le champ
social et politique, semblent avoir pris un caractère apodictique pour les consciences françaises.
Considérant cette histoire, celle du goût qui se sont écrites de ce côté-ci du Rhin, rien d’étonnant à ce que
Damien Deroubaix n’ait précocement céder au tropisme germanique. C’est à Karlsruhe qu’il complète sa
formation, avant de s’établir pour plusieurs années à Berlin. Son atelier est aujourd’hui établi dans le pays
de Bitche, au cœur de l’orientale Moselle.
Deroubaix a pressenti que notre génie national était loin d’offrir le cadre idéal à celui qui ambitionnait de
faire de son art l’outil d’un engagement social et politique, l’arme d’une dénonciation. Nos « misères de la
guerre » furent gravées par le Lorrain Jacques Callot, peintes, des siècles plus tard, par le Nancéien Jacques
Gruber… Les gloires de notre peinture moderne, Fernand Léger, Georges Braque, Roger de La Fresnaye…
reviennent leurs cartons vides des tranchées de Verdun. C’est à Max Beckmann, à Otto Dix, qu’est revenu
d’instruire, par leurs œuvres, le réquisitoire de cette première des barbaries modernes. À croire que l’idée
de l’art forgée par la culture française est incompatible avec l’expression du mal et de la laideur. (Jacques
Henric qui, dans La Peinture et le Mal (1983), dresse l’inventaire des peintres qui se frottent au Mal, peine à
augmenter sa liste de noms d’artistes français.)
Henri Matisse, Fernand Léger, Marcel Duchamp, Pierre Bonnard… traversent la Seconde Guerre mondiale sans
que les atrocités du temps n’affectent leurs peintures. Pablo Picasso teinte sa palette de quelques couleurs
sombres, peint le plan de tomates devenu le symbole d’une pauvre économie de guerre. Mais il s’agit encore
d’une fleur…
La guerre d’Algérie passe sans laisser d’empreintes sur la peinture de son temps, alors qu’aux États-Unis,
Philip Guston, Leon Golub peignent les atrocités de la guerre du Vietnam.
Quand, en Allemagne, Jörg Immendorff multiplie les représentations d’un pays divisé, quand Sigmar Polke
peint l’ombre démoniaque des camps, Gerhard Richter les militants morts de la Fraction Armée Rouge, en
France, Claude Viallat et Bertrand Lavier ratiocinent sur l’héritage (apolitique) de Duchamp et Matisse.
Si formalisme et duchampisme n’arbitrent plus depuis longtemps nos élégances artistiques, le soupçon qu’ils
ont fait naître semble avoir la peau dure. Si notre art contemporain national a conscience qu’il ne peut plus
faire l’économie d’une conscience historique, d’un engagement politique, il délègue la mission de vigie
sociale au photoreportage, ou à la vidéo (dont l’accès récent à la « dignité » artistique pourrait se justifier
par ce vide qu’ils comblent), à des artistes qui portent dans leur héritage le souvenir des guerres et des
violences (Adel Abdessemed, Kader Attia…), ou à de singuliers exotiques tel Thomas Hirschhorn (venu de la
Suisse policée réconcilier la France avec un art du « Mal », celui de l’horreur guerrière ou économique).
Dans un tel contexte, Deroubaix n’a d’autre choix que de chercher dans l’histoire espoir et compagnonnage.
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Une de ses expositions récentes a pu faire passer comme outrecuidante une revendication qui n’était que la
quête angoissée d’une forme de paternité. Il vient de titrer « Picasso et moi », l’exposition que lui a
consacrée en 2014-2015 la Fondation Maeght. Un intitulé plus juste aurait été « Guernica et moi », tant il
apparaissait que c’était à cette œuvre, et à elle seule, qu’il rattachait son art. Le lien est d’abord
biographique. La « légende dorée » de Damien Deroubaix date de sa découverte d’une tapisserie réalisée
d’après Guernica, l’éveil de sa vocation. Moins que la stylistique de Picasso, le sens, l’iconographie de
Guernica (1937) ont durablement façonné l’idée que Deroubaix était appelé à se faire de l’art. Comme
l’enfant du premier film d’Emir Kusturica (Guernica, 1978), il a découvert, devant la peinture monumentale
de Picasso, la tragédie de l’Histoire, le moyen de la combattre par la force de l’art.
Au fil du XXe siècle, Guernica n’aura cessé d’incarner le combat politique. Le tableau est à l’origine d’une
série d’œuvres qui, comme lui, transpose les drames de l’Histoire, les traduisant en symboles. En découvrant
Guernica, mais également Le Départ (1932-1933) de Max Beckmann – une œuvre qui rend compte
d’événements qui conduiront à la dictature fasciste en Allemagne –, Philip Guston se persuade que l’allégorie
constitue le moyen le plus pertinent pour témoigner, prendre parti face à l’actualité. L’artiste afroaméricaine Faith Ringgold en fait le constat lorsqu’elle-même réalise une œuvre illustrant les émeutes
raciales qui éclatent aux États-Unis. C’est à Guernica encore que se réfère l’artiste syrien Dia Al-Azzawi qui,
en 1982-83, évoque les massacres des camps de Sabra et Chatila. Plus récemment encore, en 2012, le
Palestinien Oussama Diab peint un New Guernica qui témoigne de la guerre en Syrie.
Guernica est bien la matrice de l’œuvre de Deroubaix. Outre son message politique, il en retient l’usage fait
par Picasso d’une iconographie allégorique, d’un symbolisme enraciné dans l’imaginaire collectif. Picasso n’a
jamais cessé de donner une forme symbolique, mythologique, à ses œuvres « engagées ». En accord avec son
adhésion au Parti communiste, il réalise, en 1951, son Massacre en Corée, conçu comme une transposition du
Tres de mayo (1814) de Francisco de Goya et de L’Exécution de Maximilien (1868) d’Édouard Manet. Dix ans
plus tard, lors de la crise des missiles de Cuba, qui précipite les deux blocs au seuil d’une Troisième Guerre
mondiale, Picasso réagit par un tableau qui réinterprète L’Enlèvement des Sabines (1799) de David.
Deroubaix a retenu la leçon de Picasso. Il donnera à son projet d’un art « engagé » les formes puisées dans le
corpus du symbolisme, dans celui de l’histoire de l’art. C’est à ce point toutefois que les choses se corsent.
Le symbolisme auquel s’accroche Deroubaix est purgé du prestige, de l’universalité, qui pouvait encore être
le sien au temps de Picasso, ou de Beckmann. Les années 1930 avaient vu l’émergence d’une pensée
politiquement radicale, qui avait voulu faire du mythe et de ses attributs symboliques une arme politique.
Dès sa fondation, le surréalisme s’était fixé comme objectif prioritaire de fonder une « mythologie
nouvelle » (un projet dont rend compte la préface au Paysan de Paris d’Aragon). Le questionnement
mythologique des années 1930 ignore les clivages idéologiques. Le premier ouvrage théorique du nazisme,
rédigé par Alfred Rosenberg, avait pour titre Le Mythe du XXe siècle (1930). Il est pratiquement
contemporain de la fondation de la revue Minotaure par laquelle la mythologie s’impose au cœur du
surréalisme. En réponse à l’ouvrage de Rosenberg, Georges Bataille crée, en 1937, le premier mythe
surréaliste, auquel il donne, assisté d’André Masson, la figure d’Acéphale. C’est dans ce contexte que
Picasso élabore Guernica, dont chacune des figures renvoie à un antécédent mythologique.
Puisant lui aussi dans la grande marmite mythologique, Deroubaix a été amené à faire une troublante
découverte : le répertoire iconographique à partir duquel il entend composer ses œuvres a déserté les
revues savantes, l’imaginaire militant, les galeries et les musées…
Chevaliers de l’apocalypse, squelettes des danses macabres, idoles babyloniennes et autres allégories de la
mélancolie ne survivent plus que dans les catalogues des tatoueurs et sur les pochettes de disques des
groupes du post-punk. Si l’exégèse de l’œuvre de Deroubaix a beaucoup insisté sur son goût pour la musique
grindcore, c’est qu’au sein de cette mouvance musicale existe encore une collusion avec un engagement
politique qui se veut radical, celui de l’héritage du militantisme des Dead Kennedys qui sévissaient aux
États-Unis du temps de Reagan. Cet activisme tonitruant (les murs d’enceintes n’ont cessé de croître) survit
aujourd’hui chez les groupes Napalm Death ou Terrorizer (qui sont vocalement au punk dont ils découlent ce
que Dark Vador serait à Frank Sinatra).
Deroubaix a emprunté aux albums de ces groupes plusieurs des titres donnés à ses œuvres ( World Downfall
(1999) et autres), comme il a emprunté à leurs clips musicaux nombre de leurs références iconographiques
(images de guerre, de créatures zoomorphes…). Il se trouve aujourd’hui dans la situation paradoxale de celui
dont le projet de communication universelle (celui de la mythologie, du symbolisme) se voit réduit à n’être
plus qu’un langage « de niche » ; un destin ironique qu’ont pu connaître les adeptes de l’espéranto ou du
volapük.
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Au début des années 1960, la génération qui allait fonder le pop art s’emparait d’une iconographie qui
faisait écho à celle qu’exaltaient les Mythologies de Roland Barthes (publiées en 1957). Andy Warhol, Roy
Lichtenstein, James Rosenquist…, après le sémiologue, prenaient acte d’une mutation des sociétés
contemporaines sous les auspices du consumérisme et de la communication de masse.
Deroubaix continue à croire aux pouvoirs des images, à l’atemporalité des mythes, à leur capacité
d’endiguer, de contrer les progrès ravageurs de la financiarisation généralisée. Don Quichotte nous reste à
jamais sympathique.
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4. Éléments biographiques
Né en 1972 à Lille
Vit et travaille à Meisenthal en Moselle.
Expositions personnelles
2015
- L'esprit de notre temps, musée de l´Abbaye Sainte-Croix, Les Sables d´Olonne
- Kunstverein, Dillingen (Allemagne)
- Galerie de l'Institut français, Port Louis, Île Maurice
2014
- Picasso et moi, Fondation Maeght, Saint-Paul de Vence
- Time Goes on, galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Paris
- Furies, galerie In Situ Hors-les-murs, Atelier Rouart, Paris
2013
- South of Heaven, galerie Nosbaum & Reding, Luxembourg
2011
- My Journey to the Stars, Le Parvis, Tarbes et Château de Taurines, Centrès
- Der Schlaf der Vernunft, La Chaufferie, Strasbourg
- Hit the Lights, galerie Nosbaum & Reding, Luxembourg
- Homo Bulla, galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Paris
2010
- Die Nacht, Kunstmuseum St Gallen, Saint-Gall (Suisse)
- Comma19 (Temptation), Bloomberg Space, Londres
- Damien Deroubaix, Salle Picasso, dans Fantasmagoria, le monde mythique, les Abattoirs, Toulouse
2009
- Die Nacht, Saarlandmuseum Sarrebrücken, Sarrebruck (Allemagne)
- Die Nacht, Villa Merkel, Esslingen (Allemagne)
- Sick Bizarre Defaced Creation, galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Paris
- Apokalyptische Reiter, URDLA, Villeurbanne
- Nosbaum & Reding - Art Contemporain, Luxembourg
- Utopia Burns, Filipp Rosbach Galerie, Leipzig (Allemagne)
2008
- (9) bis, Saint-Etienne (avec Assan Smati)
- Das grosse Glück, Sima Projekt, Nuremberg (Allemagne)
2007
- Lord of all Fevers and Plague, galerie in Situ-Fabienne Leclerc, Paris
- Oblivious to evil, galerie de l’École des beaux-arts, Quimper
- Lucid Fairytale, Le Transpalette, Bourges
- World Eater, galerie JBB, Mulhouse
- Babylon, Showroom Berlin, Berlin (Allemagne)
- Die Nacht, o.T. Raum für aktuelle Kunst, Lucerne (Suisse)
- Space Invasion, Vienne (Autriche)
2006
- Ia iak sakkakh iak sakkakth Ia shaxul Ia kingu ia cthulu ia azbul Ia azabua, galerie Nosbaum & Reding - Art
Contemporain, Luxembourg
- Chemical Warfare, Autocenter, Berlin (Allemagne)
- No System Can Give the Masses the Proper Social Graces (avec Manuel Ocampo), vestibule de La Maison
Rouge, Paris
2005
- Human Waste, galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Paris
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- Let There Be Rot (Fun in the Morgue), Künstlerhaus Bethanien, Berlin (Allemagne)
- Art Basel Statement, galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Bâle (Suisse)
2004
- Groupe Laura présente Karl Marx, espace public, Tours
- Werbung, galerie Nosbaum & Reding - Art Contemporain, Luxembourg
- Rheinschau. Art Cologne Projects, galerie Nosbaum & Reding - Art Contemporain, Cologne (Allemagne)
- Imbiss 2 (avec Kristina Solomoukha), École des beaux-arts et Groupe Laura, Tours
- Synthetically Revived, Konsortium, Düsseldorf (Allemagne)
- Catastrophic, Filiale Basel, Bâle (Suisse)
2003
- Fear Factory, galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Paris
- Total Grind, musée d'art moderne et contemporain, Strasbourg
- nouvelleobjectiviténeuesachlichkeit, galerie Œil, Forbach
- You Suffer... but Why?, Nouvelles Galeries, Grenoble
- Symphonies of Sickness, VKS, Toulouse
- Imbiss (with Kristina Solomoukha), La Galerie, Noisy-le-Sec
2002
- La voix de son maître, Paris Project Room, Paris
- Magic Jackpot (with Kristina Solomoukha), Glassbox, Paris
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5. Visuels pour la presse
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6. Légendes des visuels
1. Evil seed, 2008
Xylogravure sur papier
44 x 85 cm
Galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Paris
© Rebecca Fanuele
2. World downfall, 2010
Xylogravure sur papier
74 x 94 cm
Galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Paris
© Rebecca Fanuele
3. Sueño 2, 2012
Gravure à l'eau-forte et aquatinte sur vélin d'Arches
32 x 25 cm
Galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Paris
© Rebecca Fanuele
4. Nouvelles impressions d'Afrique (AC), 2014
Bois gravé et têtes en résine
250 x 244 cm
Galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Paris
© Rebecca Fanuele
5. Sous les feux de la rampe : l'austérité, 2014
Aquatinte, eau-forte et grattoir
42 x 50 cm
Galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Paris
© Rebecca Fanuele
6. Tina's daughter, 2015
Huile et collage sur toile
250 x 440 cm
Collection de l'artiste
© Guy Rebmeister
7. L'esprit de notre temps, 2015
Huile et collage sur toile
250 x 430 cm
Collection de l'artiste
© Guy Rebmeister
8. Jihad, 2015
Huile et collage sur toile
250 x 450 cm
Collection de l'artiste
© Guy Rebmeister
9. Nature morte au fétiche, 2015
Bois gravé
250 x 244 cm
Galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Paris
© Rebecca Fanuele
10. Heart of darkness (femelle), 2015
Huile et collage sur toile
100 x 81 cm
Collection particulière
© Rebecca Fanuele
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7. Informations pratiques
Musée de l'Abbaye Sainte-Croix – Rue de Verdun – 85100 Les Sables d’Olonne
Tél. : 02 51 32 01 16 – [email protected]
www.lemasc.fr
Gaëlle Rageot-Deshayes
Conservatrice en chef du patrimoine
Contact presse :
Michelle Massuyeau : [email protected]
Horaires :
Périodes scolaires :
- du mardi au vendredi de 14 h à 18 h
- week-end et jours fériés de 11 h à 13 h et de 14 h à 18 h
Vacances scolaires toutes zones :
- tous les jours de 11 h à 13 h et de 14 h à 18 h
Fermé les lundis et les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre
Visites commentées en partenariat avec les Amis du MASC
Les 2, 11, 19, 26 et 30 juillet ; 9, 15, 23 et 30 août ; 5, 13 et 27 septembre 2015 à 15 heures
(gratuit pour les visiteurs ayant acquitté les droits d’entrée)
Service des publics :
Stéphanie Kervella : 02 51 32 21 75
Le service éducatif met en place des animations en concertation avec les enseignants ou les
responsables des structures pour enfants.
La documentation, riche de 20.000 ouvrages, est à votre disposition sur rendez-vous.
Lydie Joubert : 02 51 32 36 54
Tarifs :
Normal : 5,00 €
Réduit : 3,00 €
Gratuité le 1er dimanche de chaque mois pour tous, pour les jeunes de moins de 18 ans, les demandeurs
d’emploi, les bénéficiaires des minima sociaux.
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