La polyarthrite rhumatoïde des hommes
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La polyarthrite rhumatoïde des hommes
Journal de L’AFP (Association Française des Polyarthrites) octobre 2006 La polyarthrite rhumatoïde des hommes Pr Bernard Combe Immuno-Rhumatologie, CHU Lapeyronie, Montpellier Il est clairement reconnu quelles que soient les ethnies et quels que soient les pays, que la polyarthrite rhumatoïde touche principalement les femmes, avec un sex-ratio en moyenne de 3 femmes atteintes pour un homme. Cette différence est surtout nette avant 60 ans et diminue progressivement avec l’âge ou dans les formes familiales. Bien qu’il y ait une grande hétérogénéité de résultats dans les études rapportées dans la littérature, la polyarthrite rhumatoïde des hommes apparaît très proche de celle des femmes, que ce soit pour la présentation clinique, la prédisposition génétique, l’évolution ou la prise en charge thérapeutique. Les hommes et les femmes ont-il des présentations différentes lors du diagnostic ? Le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde chez l’homme est comparable à celui que de la femme. A noter cependant que la plupart des articles de la littérature retrouve un début de la maladie significativement plus tardif dans la population masculine, en moyenne 4 ans par rapport à la population féminine. La présentation des manifestations articulaires au début de la maladie est tout à fait identique à celle des femmes. Sur le plan biologique, la positivité du facteur rhumatoïde est plus fréquente chez les hommes. Il pourrait en être de même pour les anticorps anti-CCP. Les taux de ces auto-anticorps ont été rapportés également plus élevés chez les hommes. Les études génétiques donnent des résultats extrêmement divergents avec peut-être une augmentation, chez les hommes, des gènes HLA habituellement associés à la polyarthrite rhumatoïde. Y a t’il plus ou moins d’associations avec d’autres maladies auto-immunes ? Le syndrome de Gougerot-Sjogren et certaines maladies auto-immunes telles que les thyroïdites semblent plus fréquentes chez les femmes sans que cela implique des éléments de gravité particuliers. Y a t’il des différences de sévérité de la polyarthrite rhumatoïde entre les hommes et les femmes ? La sévérité de la polyarthrite rhumatoïde peut s’apprécier sur l’importance des lésions articulaires observées sur les clichés radiographiques ou sur l’importance du handicap fonctionnel ou encore sur la survenue des manifestations extra-articulaires. Globalement, il semble que le pronostic de la polyarthrite rhumatoïde soit assez comparable chez les hommes et chez les femmes. Les quelques études qui ont analysé la sévérité de la destruction articulaire n’ont pas retrouvé de différences de scores radiographiques entre les polyarthrites rhumatoïdes féminines et masculines après ajustement sur la durée d’évolution. Quelques études se sont intéressées à l’évolution fonctionnelle et à la qualité de vie appréciée respectivement sur le score HAQ et le score EMIR. Sur la qualité de vie, il n’a pas été rapporté de différences entre les 2 sexes. En revanche, 2 études au moins, ont rapporté un score HAQ moins sévère, donc un handicap moins sévère chez les hommes par rapport aux femmes, adapté là aussi, à l’ancienneté de la maladie. Néanmoins, cette différence est relativement faible et globalement, il ne semble pas qu’il y ait de différence significative de sévérité entre la polyarthrite rhumatoïde des hommes et celle des femmes. Les différences minimes constatées n’impliquent aucune action dans la surveillance ou la prise en charge thérapeutique. Y a t’il plus ou moins de complications extra-articulaires ? Toutes les études sont assez concordantes pour montrer l’absence de différences entre les manifestations extra-articulaires des hommes et des femmes dans la polyarthrite rhumatoïde. Toutes les manifestations extra-articulaires trouvées chez les femmes, telles que les nodules, les vascularites ou les manifestations pulmonaires ou cardiaques, peuvent également être retrouvées chez les hommes et avec une fréquence et une sévérité à peu près comparable. Y a t’il des différences sur la plan cardiovasculaire ? On sait depuis peu que l’atteinte cardiovasculaire est un facteur de gravité à prendre en compte dans la polyarthrite rhumatoïde et qu’il existe une augmentation du risque cardiovasculaire, directement lié à l’activité et à la sévérité de la maladie. La polyarthrite rhumatoïde doit maintenant être reconnue comme un facteur de risque cardiovasculaire à part entière. Les traitements efficaces dans cette maladie, tels que le methotrexate ou les anti-TNF par leurs effets sur l’inflammation semblent pouvoir réduire ce risque cardiovasculaire. Aucune étude ne s’est intéressée spécifiquement à la comparaison de ce risque cardiovasculaire entre les hommes et les femmes. Néanmoins dans toutes les études récentes sur ce sujet, lorsque les auteurs ont stratifié en fonction du sexe, il n’a pas été rapporté de différences de l’atteinte cardiovasculaire masculine par rapport à celle des femmes, après appariement en fonction de l’âge et de l’ancienneté de la maladie. La prévention et le traitement de l’atteinte cardiovasculaire doit donc être identique chez l’homme et chez la femme atteints de polyarthrite rhumatoïde. Y a t’il des différences de réactions au traitement ? Compte-tenu que la présentation clinique, la sévérité et l’évolution de la polyarthrite rhumatoïde sont comparables chez les hommes et chez les femmes, il n’y a aucune différence de prise en charge thérapeutique à envisager en fonction du sexe et toutes les recommandations de prise en charge sont identiques dans les 2 sexes. Les réactions aux traitements, en particulier à la cortisone, aux traitements de fond (methotrexate, leflunomide, sels d’or, anti-paludéens de synthèses), aux biothérapies (anti-TNF, rituximab, abatacept…) doivent être des préoccupations constantes pour les médecins qui prescrivent ces médicaments. Une information des patients sur les effets indésirables est un point fondamental de la prise en charge thérapeutique. Il n’a été noté aucune différence de réaction à ces différents traitements entre les hommes et les femmes, par conséquent, les indications thérapeutiques et la surveillance des patients doivent être identiques. La seule différence de prise en charge thérapeutique sera bien sûr fonction du désir éventuel de grossesse. Certains médicaments tels que le methotrexate ou le leflunomide sont tératogènes et formellement contre-indiqués chez la femme ayant un désir de grossesse. D’autres médicaments tels que les anti-TNF n’ont pas montré d’effets tératogènes mais du fait du manque de données, ils sont contre-indiqués en cas de grossesse. Concernant les hommes, la question est de savoir chez un homme atteint de polyarthrite rhumatoïde, si l’utilisation de ces traitements peut avoir un effet délétère en cas de grossesse chez sa compagne et par conséquent, s’il faut arrêter le traitement avant la conception. Une toxicité éventuelle de ces médicaments pourrait s’expliquer soit par un effet mutagène, c’est-à-dire une anomalie sur la lignée germinale masculine (spermatozoïdes) soit par une contamination en quantité importante de l’organisme féminin par l’intermédiaire du sperme. Les traitements de fond classiques et notamment le methotrexate et le leflunomide n’ont montré aucun de ces inconvénients et pour les anti-TNF, les spécialistes sont actuellement formels et il n’y a pas de risque pour ces médicaments utilisés chez l’homme en cas de grossesse chez sa compagne. Il n’y a pas donc lieu d’arrêter un traitement de fond ou un traitement anti-TNF chez l’homme, lorsqu'il y a un désir de grossesse dans le couple. Ainsi que nous avons pu le voir, le sexe intervient peu sur la présentation clinique, l’évolution et la sévérité de la polyarthrite rhumatoïde. L’effet des traitements est également comparable et il n’y a aucune différence de prise en charge thérapeutique a envisager en fonction du sexe. Références -Jawaheer D, Lum R, Gregersen P, Criswell L. Influence of male sex on disease phenotype in familial rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum. 2006;54:3087-3094 -Gossec L, Baro-Riba J, Bozonnat MC, Daurès JP, Sany J, Eliaou JF, Combe B. Influence of sex on disease severity in patients with rheumatoid arthritis. J. Rheumatol. 2005;32:14481451