Etapes ou marchés clés de la robotique de service.

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Etapes ou marchés clés de la robotique de service.
INTERVIEW DE JEAN-CHRISTOPHE SIMON
<< Dans l'univers de la cuisine, l'autonomie est une
notion est assez ambigüe. Où est le plaisir de cuisiner
si l'on n'a plus le contrôle direct des tâches, si le robot
se charge de tout faire à notre place ? >>.
Directeur général de l'innovation du Groupe SEB
Le Groupe SEB est le leader mondial du petit équipement
de la maison dont il couvre tous les segments de marché.
Jouissant d’un portefeuille de marques de renommée
mondiale (Calor, Krups, Moulinex, Seb, etc.), le Groupe
SEB est un fabricant très internationalisé. Dans cet
entretien, Jean-Christophe Simon évoque l’intérêt que porte
le Groupe pour les technologies robotiques. Il explique
notamment que leurs applications possibles dans l’univers
de la maison doivent être validées et développées sur la
base d’une étude approfondie des besoins et usages des
consommateurs. Par ailleurs, Jean-Christophe Simon
rappelle que la stratégie de R&D du Groupe SEB est établie
à l’échelle mondiale, indiquant par là que la région
Rhône-Alpes peut-être un terrain de partenariat à la
condition que ses acteurs (entreprises et laboratoires de
recherche) affirment leur excellence mondiale sur certaines
technologies, étapes ou marchés clés de la robotique de
service.
Réalisée par : Boris CHABANEL
Tag(s) : Usage, Robotique, Service innovant,
Labs/Laboratoire
Date : 28/01/2011
On observe aujourd’hui une sorte d’effervescence autour de l’idée que la robotique serait sortie des usines
pour se mettre au service du grand public. Pour certains, le chiffre d’affaire de la robotique de service pourrait
connaitre un essor considérable dans les toutes prochaines années. Qu’en pensez-vous ?
Oui, je pense que nous sommes à un tournant. Nous n’en sommes plus à nous demander « est-ce que l’on a les
technologies ? » parce que les technologies sont effectivement disponibles. On ne se demande pas « est-ce que le
consommateur sera effrayé ou pas ? » parce que le consommateur est prêt à utiliser des produits robotisés. Un bon
exemple de cette évolution est le drone fabriqué par l’entreprise américaine Parrot que l’on peut trouver à la FNAC et
que l’on peut piloter à partir d’un Iphone. C’est quelque chose que l’on ne pouvait pas faire il y a trois ans. D’une manière
générale, le consommateur est de plus en plus habitué à avoir des technologies télécommandables à sa disposition. En
même temps, il est demandeur d’appareils autonomes. Cela repose la question de la frontière entre les taches que le
consommateur souhaite réaliser en direct et celles qu’il souhaite confier à la machine.
Selon vous, quel est le domaine d’application de la robotique de service qui a le plus de chances de voir son
développement s’accélérer ces toutes prochaines années ?
Pour moi, le secteur le plus porteur à l’avenir devrait être celui de l’assistance à la personne. En raison bien évidemment
des besoins liés au vieillissement de la population, de l’accroissement du nombre de personnes dépendantes et du
souhait de maintenir le plus longtemps possible les personnes à leur domicile. On imagine ainsi un robot d’assistance
capable de prendre la tension de la personne, de lui rappeler ses prises de médicaments, etc.
On parle également beaucoup de la robotique ludique et éducative…
Pour ce qui concerne la robotique ludique, je pense que le marché fonctionnera d’abord sur le principe du « one shot »
dont le drone de Parrot est une nouvelle fois un bon exemple. La diffusion de la robotique éducative quant à elle me
parait beaucoup plus lointaine. On peut constater, par exemple, que le livre numérique n’a toujours pas remplacé le livre
papier dans les cartables de nos enfants.
Plusieurs observateurs estiment que le consommateur asiatique est plus ouvert à la diffusion des robots de
service que le consommateur européen. Qu’en pensez-vous ?
Cette question renvoie à un enjeu important qui est celui de la vitesse d’adoption d’une nouvelle technologie.
Effectivement, on peut penser que la diffusion de la robotique de service va se faire plus rapidement dans un pays
comme le Japon. Le consommateur japonais est très technophile. Le fait qu’un appareil ne soit pas complètement au
point au niveau fonctionnel n’est pas un problème pour lui.
Quelle est la posture actuelle du Groupe SEB sur ce champ de la robotique de service ?
Si l’on prend l’exemple du robot aspirateur, à la différence d’autres acteurs qui sont, entre autres, IRobot, Philips, LG,
nous considérons pour l’instant que l’outil le plus efficace pour nettoyer la maison reste l’aspirateur classique et que
l’utilisation de la robotique pour cet usage n’en est encore qu’à ses balbutiements.
Par contre, le Groupe SEB est un observateur attentif des évolutions en matière de robotique de service. A ce titre, nous
suivons de près l’évolution des comportements des consommateurs. Nous développons également une veille
technologique pour avoir une connaissance exhaustive de ce qui existe pour chaque brique technologique robotique : les
capteurs,
les
interfaces,
etc.
Une bonne illustration de cette position d’observateur actif réside dans le fait que nous allons être le parrain scientifique
de la conférence Robolift qui se déroulera à l’occasion du Salon Inno-Robo organisé à Lyon en mars prochain. Cette
participation témoigne de notre réflexion actuelle sur la prospective des usages de la robotique.
Le Groupe SEB propose de longue date des appareils domestiques dénommés « robots ménagers ». Que
révèlent-ils de la manière avec laquelle le groupe appréhende les technologies robotiques ?
Nous n’avons pas établi de définition tranchée de ce que recouvre actuellement la robotique de service. Nous ne voulons
pas nous en donner une pour l’instant parce que la robotique de service est encore un sujet très mouvant. Pour autant, la
question des robots ménagers est une bonne entrée en effet pour évoquer les facettes de la robotique qui intéressent
plus particulièrement le Groupe SEB. En premier lieu, nous sommes très attachés à la notion de polyvalence des
appareils. Nos robots ménagers doivent être multifonctions parce que chaque nouvel appareil prend de la place au sol
ou sur le plan de travail alors que l’espace de la cuisine est limité. En ce sens, l’évolution naturelle pour nous est
d’imaginer des robots qui fassent de plus en plus de choses. La deuxième chose, toujours dans l’univers de la cuisine,
c’est de développer des appareils plus intelligents qui aident l’utilisateur à obtenir le meilleur résultat pour ses
préparations. A ce titre, nous sommes en train de passer d’une logique où l’on vend des appareils à une logique où l’on
vend un résultat.
Vous mettez l’accent sur les notions de polyvalence et d’efficacité des robots tandis que le principe d’autonomie
de décision et d’action vous parait moins essentiel. Pourquoi ?
C’est juste. Selon nous, dans l’univers de la cuisine, l’autonomie est une notion est assez ambigüe. Où est le plaisir de
cuisiner si l’on n’a plus le contrôle direct des tâches, si le robot se charge de tout faire à notre place ? Pour nous, il est
essentiel de ne pas aller trop loin dans l’autonomie des machines destinées à des usages culinaires. A l’inverse, si l’on
parle du repassage, la notion d’autonomie peut avoir un intérêt parce que l’on est dans le domaine de la corvée.
Vous dites que le Groupe SEB a adopté une posture d’observateur actif. A-t-il pour autant des projets concrets
pour amplifier la dimension robotique de ses gammes de produits ?
Oui, tout à fait. Nous intégrons progressivement de nouvelles fonctionnalités ou améliorons certaines fonctionnalités de
nos produits actuels en puisant dans certaines briques technologiques de la robotique. Dans ce cadre, différents tests
sont réalisés au niveau des capteurs, des interfaces, des batteries, de l’automatisation, des transmissions, etc. Cette
démarche nous permet à la fois de monter en compétence et de mesurer l’appétence du consommateur par rapport à
ces différentes technologiques.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans cette démarche ?
En dehors des questions de réduction des couts, la principale difficulté concerne la question de l’adéquation des produits
aux usages. Le risque est d’aboutir à des solutions soit trop sophistiquées soit trop simplistes. Il parait essentiel de se
doter d’une feuille de route permettant de valider que les efforts que l’on va faire pour développer une solution robotique
vont aboutir à un gain significatif en terme de valeur d’usage pour le consommateur. L’attention aux usages est la clé
pour éviter les effets d’annonce et la commercialisation d’une fausse bonne solution qui serait décevante et pénalisante
pour
le
déploiement
ultérieur
de
nouvelles
solutions
robotiques.
A ce titre la priorisation des premiers concepts-produits à mettre sur le marché est une question fondamentale : quels
sont les besoins pour lesquels la mise à disposition d’une solution robotique est la plus pertinente ? L’autre facette de
cette problématique est celle de la convergence de ces différentes solutions dans un même produit. A l’inverse du
téléphone mobile où l’on est parti d’un objet et d’une fonction première bien identifiés pour l’enrichir de nouvelles
fonctionnalités, l’un des enjeux de la robotique de service consiste à mettre au point l’appareil permettant de réaliser une
ou plusieurs tâches déjà identifiées. La perspective d’un robot capable de réaliser de nouvelles tâches non prévues au
moment de sa conception, un peu sur la logique de l’App Store, me parait plus lointaine. Finalement, le défi de la
robotique de service consiste à trouver le bon équilibre entre efficacité et intégration des solutions. Par ailleurs, l’autre
point difficile consiste à s’assurer de la fiabilité de la filière, par exemple du service après-vente, des mises à jour
logicielles, etc.
Quels sont vos atouts pour tirer votre épingle du jeu face à vos concurrents ?
Bien évidemment, nos concurrents s’intéressent eux-aussi à la robotique. Après, chacun joue avec ses atouts. Ceux du
Groupe SEB résident tout d’abord dans la flexibilité et la puissance de son appareil industriel. Nous sommes en capacité
d’assembler vite et bien une grande diversité de produits. De plus, nous avons un process de développement de nos
produits très dynamique qui implique très en amont le marketing et le design et qui s’appuie sur une grande
connaissance du consommateur. Le succès de notre friteuse sans huile Actifry est une bonne illustration de cette
d é m a r c h e .
Plus largement, notre capacité de différenciation réside dans notre capacité à maitriser certains domaines
technologiques clés. Plus précisément, nous n’avons pas vocation à créer nous-mêmes des briques technologiques mais
il est essentiel pour nous d’avoir un haut niveau d’expertise sur certains domaines pour protéger nos innovations et
organiser notre sous-traitance.
Quels sont les autres points d’ancrage rhônalpins du Groupe SEB sur le plan de la R&D robotique ?
Nous sommes en contact avec le laboratoire LITEN (Laboratoire d’Innovation pour les Technologies des Energies
Nouvelles) du CEA de Grenoble pour travailler sur les questions d’énergie et de batterie. Nous avons également des
contacts ponctuels avec de petites entreprises lyonnaises. Pour le reste, il faut bien comprendre que SEB est un groupe
mondial et que notre stratégie de R&D est donc mondiale. De fait, ce n’est pas parce que nous sommes basés à Lyon
que nous allons privilégier la région Rhône-Alpes dans les coopérations que nous développons avec nos sous-traitants.
Si nous estimons que les compétences sont plus fortes à Berlin ou à Singapour dans tel ou tel domaine, nous irons
chercher la technologie là-bas. Autrement dit, si nous sommes amenés à travailler avec des acteurs rhônalpins, c’est que
nous aurons constaté qu’ils sont de niveau mondial dans leur domaine. Voila notre niveau exigence.
Selon vous, sur quelles étapes de la chaine de valeur la région Rhône-Alpes a-t-elle une carte à jouer ?
Je vois deux thèmes importants. La question des batteries d’une part, et la question des usages d’autre part. A ce titre, le
LITEN et l’IDEA’s lab du CEA-Grenoble ont sans doute un rôle important à jouer. Pour moi, il y a une place à prendre
dans l’étude des usages des technologies robotiques, en s’intéressant à l’ergonomie, en s’appuyant sur l’anthropologie,
etc. Mais cette démarche doit être en prise directe avec ce qui se passe en Asie et notamment au Japon qui apparait
vraiment comme un territoire d’avant-garde en termes d’usages.
On peut aussi imaginer un modèle de développement régional visant à faire émerger un intégrateur de référence
sur le marché de la robotique de service, en appui sur un ensemble de fournisseurs et de laboratoires locaux.
Un groupe comme SEB ne pourrait-il pas devenir cette locomotive régionale ?
Cette idée de locomotive est intéressante mais il faut savoir quoi on parle. Si l’on parle de briques technologiques ou
d’étude des usages, on peut effectivement envisager de développer des liens plus forts avec certains acteurs régionaux
sur certains domaines clés, charge à eux d’affirmer leur ambition d’être dans les tout meilleurs mondiaux. Au-delà, le
Groupe SEB reste très attentifs aux évolutions concernant le domaine de l’assistance à la personne que j’évoquais
précédemment. A ce titre, nous sommes assez séduits par l’idée que le Grand Lyon fasse de ce thème un axe de
positionnement prioritaire, d’’autant que notre division Home & Personal Care est située à Lyon Montplaisir. Lyon dispose
en effet d’un tissu d’établissements hospitaliers et de laboratoires de recherche médicale favorable à l’étude des usages
de robots d’assistance à la personne.