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UNIVERSITE PARIS SUD (Orsay) U.F.R. : Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives École doctorale « Sciences du sport, de la motricité, mouvement humain » (ED 566) Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master 2 « Politiques Publiques et Stratégies des Organisations Sportives » Le développement de l’eSport en France permet-il la mise en place d’une dynamique de professionnalisation des acteurs de cette industrie économique ? Le cas des joueurs professionnels d’eSport Par Florian LEFEBVRE Année 2015-2016 Lieu de stage : The eSport Academy, 4 Rue Albert Einstein, 44304 Bouguenais Directeur du mémoire : Dominique CHARRIER Page | 1 ENGAGEMENT À RESPECTER LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE AVERTISSEMENT : Les « copier-coller » représentent une imposture intellectuelle par l’appropriation non référencée de productions écrites (propriété intellectuelles des auteurs). De ce fait, les « copier-coller » de documents en format papier ou électronique (Internet ou autres fichiers électroniques) utilisés dans des travaux étudiants à une évaluation sont assimilés à de la fraude aux examens et sont donc passibles du conseil de discipline de l’université. Je soussigné, Florian LEFEBVRE, certifie : - Avoir rédigé personnellement ce document. - Avoir mis en italique ou entre guillemets tout texte ou partie de texte inséré par « copier-coller » ou tout autre mode d’insertion et avoir indiqué en notes de bas de page les références bibliographiques de cet extrait. - Savoir que le volume de citations d’un texte (du « copier-coller » qui peut venir en soutien rédactionnel) ne peut dépasser 20 % de l’ensemble du corps du document présenté par l’étudiant. - Savoir que, en cas de non-respect de ces principes, l’enseignant en informera le jury qui prendra les mesures adéquates. Florian LEFEBVRE : Le 21 février 2016, Page | 2 REMERCIEMENTS Pour commencer je tiens à remercier mon tuteur de stage au sein de l’école The eSport Academy, Monsieur Fabien GOUPILLEAU, qui a pu grâce à sa connaissance du monde de l’eSport et de ses acteurs, m’aider à mieux cerner les enjeux de mon mémoire et à obtenir certains contacts utiles dans la réalisation de ce travail. Ensuite, je tiens également à remercier tout particulièrement mon directeur de mémoire Monsieur Dominique CHARRIER de m’avoir fait confiance sur la réalisation de ce mémoire sur un secteur qui me passionne énormément, à savoir l’eSport. De plus, je tiens à remercier l’ensemble des interlocuteurs que j’ai interviewé dans le cadre de mon mémoire, à savoir : Monsieur Danny ABDOURAHIM : Joueur professionnel FIFA chez Vitality. Monsieur Xavier BABOT : Participant au focus group, joueur de l’équipe semiprofessionnelle de The eSport Academy sur League Of Legends. Monsieur Dylan BOUVIER : Participant au focus group, joueur de l’équipe semiprofessionnelle de The eSport Academy sur League Of Legends. Monsieur Mathias BUGEIA : Participant au focus group, joueur de l’équipe semiprofessionnelle de The eSport Academy sur League Of Legends. Monsieur Vincent COLAS : Président de l’association Futurolan. Monsieur Sébastien DEBS : Coach de l’équipe OG & Joueur professionnel sur DOTA 2. Monsieur Jérôme DURAIN : Sénateur de la Saône-et-Loire, mandaté par le Premier Ministre Monsieur Manuel VALLS pour œuvrer sur la mission parlementaire sur l’eSport en compagnie du Député des Alpes-Maritimes Monsieur Rudy SALLES et de Monsieur Aloïs KIRCHNER, Inspecteur des finances. Monsieur Jérémy GIRARDOT : Coach de Vincent Hoffmann, joueur FIFA chez Melty eSport Club ; ancien manager de l’équipe Epsilon eSports. Monsieur David GUILLET : Joueur semi-professionnel Street Fighter chez Millénium. Monsieur Vincent JOUMEL : Participant au focus group, joueur de l’équipe semiprofessionnelle de The eSport Academy sur League Of Legends. Monsieur Jérémy MATERNE : Participant au focus group, joueur amateur sur le jeu Call Of Duty. Monsieur Andréa SUCHODOLSKI : Participant au focus group, ancien joueur de l’équipe Melty eSport Club sur League Of Legends. Monsieur Valentin TRAMIER : Participant au focus group, joueur amateur sur le jeu Call Of Duty. Monsieur Brice VILTARD : Participant au focus group, coach de l’équipe semiprofessionnelle de The eSport Academy sur League Of Legends. Par ailleurs, je souhaite aussi remercier l’ensemble des personnalités de la sphère eSportive française qui ont acceptées de répondre à mes demandes d’entretiens. Même si certains entretiens n’ont pas pu êtré réalisés. Page | 3 SOMMAIRE GLOSSAIRE ESPORT .......................................................................................................................................... 5 INTRODUCTION ............................................................................................................................................... 6 PARTIE THEORIQUE DU MEMOIRE ..................................................................................................................10 1.1. DES JEUX VIDEO A L’ESPORT .............................................................................................................................. 10 1.2. L’ESPORT : ENTRE ADDICTIONS ET BIENFAITS ......................................................................................................... 13 1.3. LA SOCIOLOGIE DES CARRIERES ........................................................................................................................... 16 1.4. L’ESPORT, UNE REELLE INDUSTRIE ECONOMIQUE ?................................................................................................. 20 1.5. L’ESPORT, ETAT DES LIEUX DES LIENS AVEC LE SPORT .............................................................................................. 24 1.6. EVOLUTION DU CADRE JURIDIQUE DE L’ESPORT A TRAVERS L’EXEMPLE DES ETATS UNIS ET DE LA FRANCE .......................... 30 PARTIE EMPIRIQUE DU MEMOIRE ..................................................................................................................33 2.0. RAPPEL DE LA METHODOLOGIE DE RECHERCHE UTILISEE ........................................................................................... 33 2.1. PROFESSIONNALISATION ET RECONVERSION DANS L’ESPORT .................................................................................... 35 2.2. LE METIER DE JOUEUR PROFESSIONNEL D’ESPORT ET SON BESOIN DE REGLEMENTATION ................................................ 43 2.3. MODE DE VIE DES JOUEURS PROFESSIONNELS D’ESPORT .......................................................................................... 48 CONCLUSION DU MEMOIRE ............................................................................................................................57 ANALYSE DE LA VALIDITE DES HYPOTHESES DE RECHERCHE .............................................................................................. 57 REPONSE A LA PROBLEMATIQUE DU MEMOIRE ............................................................................................................. 58 AUTOCRITIQUE DU MEMOIRE.................................................................................................................................... 58 BIBLIOGRAPHIE ...............................................................................................................................................60 SITOGRAPHIE ..................................................................................................................................................62 Page | 4 GLOSSAIRE ESPORT DANJI GAMES : Terme chinois désignant les jeux vidéo d’eSport. ESL : « Electronic Sports League ». Ligue organisatrice de grands événements eSport influente en Europe créée en 1997 en Allemagne. ESWC : Electronic Sports World Cup. C’est la coupe du monde des jeux vidéo organisée annuellement par la société Oxent. FPS : « First Person Shooter », ce sont les jeux d’eSport de tirs à l’image de Counter Strike et Call Of Duty. GAMING HOUSE : C’est le type de lieu dans lequel beaucoup d’équipes professionnelles d’eSport vivent et s’entrainent au quotidien. Le nom vient du fait que les équipes s’installent généralement dans une maison, bien que cela peut aussi être des grands appartements parfois. G7 FEDERATION : Cette alliance d’équipes professionnelles d’eSport au niveau mondiale a été créée pour promouvoir la coopération, l’unité entre les équipes professionnelles d’eSport. Membres fondateurs : Kings, Fnati, Made in Brasil, Mousesports, NiP, SK-Gaming & Team 3D. KESPA : Korean e-Sports Association : C’est la fédération eSportive en Corée du Sud. LAN : « Local Area Network ». C’est le terme utilisé pour désigner les tournois physiques de jeux vidéo d’eSport. LINE-UP : C’est la façon dont on appelle communément une équipe dans la majorité des jeux d’eSport jouables en équipe. METAGAME : C’est le mot qui désigne ce qui fonctionne le mieux au niveau compétitif à l’heure actuelle dans un jeu. Ce qui peut correspondre par exemple à la stratégie, au personnage du moment. MMORPG : De l’anglais « Massively Multiplayer Online Role-Playing Game ». Ce sont des jeux de rôle massivement multijoueur où les parties sont très longues comme World Of Warcraft. MOBA : De l’anglais « Multiplayer online battle arena ». Ce sont des jeux vidéo d’eSport dans lesquels les joueurs s’affrontent à plusieurs dans une arène où il faut détruire la base adverse pour gagner à l’image de League Of Legends et DOTA 2. PC BANG : Cybercafés coréens dans lesquels on joue à des jeux vidéo, et notamment à des jeux d’eSport. Phénomène ayant fortement contribué à l’expansion de l’eSport en Corée du Sud. PRIZEPOOL : Cela représente la totalité de l’argent mis en jeu pour les joueurs dans les compétitions d’eSport. C’est un synonyme au mot souvent utilisé qui est le cashprize. RTS : De l’anglais « Real-Time Strategy ». Ce sont des jeux de stratégies en temps réel qui se jouent souvent en 1 contre 1 comme Starcraft par exemple. SERIOUS GAME : Jeux vidéo non compétifs qui sont souvent utilisés à des fins éducatives. SKILL : Cela désigne le degré de compétence technique qu’un joueur va avoir sur tel ou tel personnage, technique, etc. On dit souvent d’un joueur très fort qu’il a du skill. TCG : De l’anglais « Trading Card Games ». Ce sont des jeux de cartes de stratégies jouables en ligne comme le jeu Hearthstone. WANGLUO GAMES : Terme chinois désignant en Chine les jeux vidéo sur internet non compétitifs. WCG : « World Cyber Games » : Compétition internationale d’eSport apparue en 2001 en Corée du Sud qui s’inspirait des jeux olympiques en matière d’organisation. Page | 5 INTRODUCTION Qu’est-ce que l’eSport ? Il convient dans un premier temps de définir les origines et la nature de la notion d’eSport, appelée aussi sport électronique en français. « Aux Etats-Unis et en Europe, l’histoire du jeu compétitif est souvent associé à la sortie des premiers jeux de tir à la première personne (FPS) jouable en réseau, et plus particulièrement à celle de Doom en 1993 et de Quake en 1996. » (Traduction de Wagner, 2006)1 Comme le montre Wagner, l’eSport tel que nous le connaissons aujourd’hui n’est pas un phénomène récent puisqu’il y avait déjà des compétitions d’eSport dès le début des années 1990 avec l’apparition des premiers jeux en réseau. Gagnant peu à peu l’intérêt de différents chercheurs occidentaux, l’eSport possède donc au même titre que le sport dit traditionnel une multitude de définitions. Néanmoins, l’éclairage apporté par Hutchins présente l’eSport de façon générale : « L’eSport rassemble de nombreux jeux parmi lesquels on retrouve les jeux de tir à la première personne, les jeux de sports, les jeux de course, les jeux d’action et les jeux de stratégies. Ces jeux sont généralement joués de façon compétitive, aussi bien en un contre un qu’au sein d’équipes. On considère souvent qu’un jeu devient de l’eSport à partir du moment où ce jeu est inclus officiellement dans des compétitions internationales tels que les World Cyber Games ou WCG (Traduction d’Hutchins, 2008)2. » En effet, il apparaît primordial qu’un jeu vidéo donne lieu à de véritables compétitions pour qu’il soit considéré comme un eSport. La définition de l’eSport n’étant pas partagée par tous, nous décortiquerons davantage la notion d’eSport dans la partie théorique du mémoire. Introduction sur le sujet et pertinence du sujet choisi L’économie de l’eSport est une économie complexe et globalisée. Elle réunit plusieurs types d’acteurs 3(Annexe 2) qui agissent en faveur de la démocratisation et du développement de l’eSport au niveau mondial tout en soutenant leurs objectifs personnels de développement financier. Parmi les quatre grands types d’acteurs présents dans l’eSport (Teams de joueurs professionnels, organisateurs de championnats, d’événements, éditeurs de jeux vidéo), nous allons nous pencher sur le cas des joueurs professionnels. Employés par des structures professionnelles, les joueurs professionnels tirent leurs revenus de leurs gains en tournoi et de leur salaire mensuel. Bien que l’eSport soit reconnu comme un sport dans certains pays comme la Corée du Sud4, le statut des joueurs professionnels d’eSport en France souffre encore d’un vide juridique puisque les compétitions d’eSport sont encore assimilées à des jeux d’argent. De plus, les joueurs professionnels n’ont pas de réels statuts, comme le précise Rémy Chanson, e-sport manager chez Webedia Gaming 5 : « Si on avait un vrai statut de joueur pro, où la personne représente une équipe, ce serait beaucoup plus simple ». Ce qui constitue un réel frein à leur professionnalisation. C’est donc dans ce contexte compliqué que cette étude sur le thème de la professionnalisation des joueurs professionnels d’eSport sera menée. En dépit des débats entre ceux pensant que l’eSport est un sport, et d’autres qui prônent le fait que l’eSport est une discipline à part entière, les experts français réunit lors de l’eSport Summit le 28 octobre 2015 s’entendent sur un point bien distinct : le modèle de 1 WAGNER M. G. (2006) : « On the Scientific Relevance of eSports. » ; International Conference on Internet Computing, page 437-442. CSREA Press. 2 Hutchins, B. (2008). Signs of meta-change in second modernity: the growth of e-sport and the World Cyber Games. New Media & Society, 10(6), 851-869. 3 Rapport Newzoohttps://images.eurogamer.net/2014/dan.pearson/Newzoo_Preview_ Images_Global_Growth_of_Esports_Report_V4.pdf 4 http://www.pastemagazine.com/articles/2015/06/olympic-games-esports-inch-closer-to-becoming-an-o.html 5 http://www.20minutes.fr/culture/1689459-20150917-e-sport-webedia-lance-espace-dedie-joueursprofessionnels-jeu-video Page | 6 développement de l’eSport en France partage de fortes ressemblances avec le modèle de développement du sport traditionnel6. D’où l’intérêt de mener ce type d’étude qui croise sport et eSport. De plus, les connaissances acquises pendant mon cursus universitaire serviront grandement à dépeindre au mieux les enjeux liés à l’évolution actuelle de l’eSport en France. Enfin, la réalisation de cette étude pourra servir à mon entreprise d’accueil : The eSport Academy7, première école en Europe qui forme à l’ensemble des métiers émergents de l’eSport, à présenter plus en profondeur à ses élèves souhaitant embrasser cette carrière les tenants et les aboutissants du métier de joueur professionnel d’eSport. Cela les aidera à assimiler les principaux enjeux et / ou défis qu’ils devront comprendre et relever afin de se professionnaliser dans cette voie très concurrentielle. Principaux enjeux du mémoire En premier lieu, l’écriture de ce mémoire aboutira à un éclairage non exhaustif de l’écosystème de l’eSport en France. Un enjeu phare sera de réussir à percevoir et clarifier l’ensemble des freins et des leviers à la professionnalisation des joueurs d’eSport en France. Il s’agira également de déceler et d’expliciter en quoi la situation des joueurs professionnels d’eSport en France peut être similaire à celles de certains types de sportifs au regard de l’histoire du sport traditionnel. En outre, il conviendra d’illustrer comment et pourquoi la professionnalisation des joueurs d’eSport français est intimement liée d’une part au développement économique de ce secteur, et d’autre part, à la prise en compte par les pouvoirs publics de l’expansion de ce phénomène. De plus, ce mémoire servira à mieux cerner quelles sont les possibilités de reconversions des joueurs professionnels d’eSport à l’issue de leur carrière, souvent courtes. Mais aussi de comprendre à quel degré sont-ils préparés à leur après carrière. Enfin, il sera intéressant de mettre en œuvre cette étude pour démêler le vrai du faux autour des informations données par les médias sur l’argent dans l’eSport et plus particulièrement les sources de revenus des joueurs professionnels. Le but est de dé diaboliser les messages autour de l’argent et les joueurs pour rentrer davantage dans l’analyse des ressources des joueurs. Pour ainsi mettre en avant les différences parmi les joueurs professionnels d’eSport car tous ne sont pas logés à la même enseigne ! Stratégie d’analyse L’objectif principal est d’apporter une pierre à l’édifice dans la nécessaire mais difficile recherche de compréhension des enjeux actuels et futurs de la professionnalisation des joueurs professionnels d’eSport français. Cette étude portera uniquement sur le cas des joueurs professionnels. D’autres sujets tels que le cas des associations organisatrices d’événements eSport, et la place des femmes dans l’eSport semblent être des thématiques intéressantes à développer dans de prochaines études. Cela s’explique par la volonté de cibler une question au cœur des débats politiques et culturels du moment. En resserrant l’étau uniquement sur les joueurs professionnels français, cela permettra d’avoir une recherche « plus simple à mettre en place ». Puisqu’il faut souligner la difficulté de prendre du temps dans l’emploi du temps des personnalités à interviewer. 6 Compte-rendu Florian Lefebvre - eSport Summit – Paris Games Week 2015. + Article du journal Le Monde sur l’eSport Summit. 7 http://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/long-format-decouvrez-l-esport-academy-la-premiereecole-dediee-l-esport-qui-ouvert-ses-portes-nantes-937014.html Page | 7 Dispositif méthodologique Le dispositif méthodologique s’articulera de façon à répondre aux hypothèses suivantes : 1. Les joueurs professionnels d’eSport français ne sont pas préparés à leur reconversion professionnelle. En effet, l’idée est de comprendre pourquoi il semble si difficile de se reconvertir dans l’eSport après une carrière de joueur professionnel. Tous n’ont pas forcément les compétences pour embrasser une nouvelle carrière dans ce secteur. La thématique de l’accompagnement (agents de joueurs) des joueurs professionnels sera aussi étudiée pour répondre plus précisément à cette hypothèse. 2. L’évolution du cadrage juridique de l’eSport conjointement construite par la sphère politique et les acteurs phares de cette industrie française permettra de règlementer le métier de joueur professionnel. Le but ici est d’expliquer en quoi un statut de joueur professionnel d’eSport cadrerait davantage cette profession et les métiers connexes (Organisateurs d’événements, casteurs, streameurs, etc). Mais aussi en quoi cela encadrerait les gains en compétitions, les salaires ou encore les transferts à l’image du football suite à l’arrêt BOSMAN. Autant d’éléments qui paraissent indispensable pour la professionnalisation des joueurs professionnels d’eSport français. 3. La professionnalisation des joueurs d’eSport passe par l’adoption d’un mode de vie similaire aux sportifs professionnels de haut niveau. L’idée est de montrer en quoi les meilleurs joueurs d’eSport français ont un mode de vie similaire à des sportifs de haut niveau, en analysant les points communs et différences dans leur mode de vie avec des sportifs de haut niveau. Notamment au niveau de leur pratique sportive, de leur entraînement, leur façon de s’alimenter. Pour ce faire, les points de vue ont été au maximum diversifiés afin de mieux comprendre le jeu d’acteurs qui se joue dans l’eSport. Cela a permis de déceler et d’appréhender les débats existants sur les différentes hypothèses abordées dans ce mémoire. La partie qualitative s’est organisé de la façon suivante : Il convenait d’interroger au moins 4 ou 5 ans joueurs professionnels d’eSport français, sur différent type de jeu (FPS, MOBA, MMORPG, Sport, CCG, RTS, Fighting Games) émanant d’équipes différentes. Ensuite, un focus group avec les élèves de The eSport Academy souhaitant devenir joueur professionnel a été réalisé pour avoir un point de vue avant l’éclosion du talent sur la scène professionnelle. Ces points de vue de potentiels futurs joueurs professionnels furent accompagné par quelques entrevues avec des anciens joueurs professionnels français (Ex : Bruce Grannec, Elky, Kayane etc.) Les points de vue d’un coach et d’un manager de joueurs ou d’équipe de joueurs professionnels d’eSport furent récoltés car ils ont un regard extérieur sur la situation des joueurs professionnels en les côtoyant au quotidien dans les gaming house. De plus, il m’a semblé intéressant d’approcher des organisateurs d’événements eSport reconnus en France (Ex : ESWC, Dreamhack, ESL France, Gamers Assembly, Lyon ESport, etc.) puisqu’ils ont des éléments à dire par rapport à l’évolution du traitement des joueurs pro dans les plus grandes LAN / salons eSport, notamment au niveau de l’hospitalité. J’ai aussi tenté d’obtenir un entretien en anglais avec le responsable des équipes professionnelles des LCS Europe afin de donner une ouverture internationale à cette recherche. Un entretien avec l’un des fondateurs de The eSport Academy fut aussi mené car certains élèves de l’école ambitionnent de devenir joueur professionnel. L’entretien avec un des médias majeur ou émergents dans l’eSport a donné quant à lui un autre point de vue externe sur mes questions qui m’a aidé à être le plus impartial possible dans ma démarche. De surcroît, je souhaitais avoir un entretien avec un responsable partenariats d’une entreprise sponsorisant des joueurs professionnels d’eSport (Ex : Asus, Red Bull, Meltdown, etc.) afin de mieux comprendre les raisons qui poussent des entreprises hors Page | 8 eSport à investir dans ce milieu. Par ailleurs, j’ai essayé d’avoir un entretien avec un des membres du cabinet de Jérôme Durain, sénateur de Saône-et-Loire ou du député des Alpes Maritimes Rudy Salles, tous deux mandatés par décret le 18 janvier 2016 par le premier ministre Manuel Valls 8. Ils étaient en mission auprès d’Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique, pour proposer des évolutions sur le cadre juridique de l’eSport en France avant le 15 mars. Ceci m’a permis d’avoir un point de vue politique sur mes interrogations. De surcroît, j’ai réalisé un entretien avec un sportif professionnel pour pouvoir comparer au mieux le mode de vie des sportifs professionnels dits traditionnels des eSportifs professionnels. Enfin, mon dispositif méthodologique s’est appuyé aussi sur un diagramme de GANTT prévisionnel dans lequel j’ai recensé un maximum mes missions de stage et les étapes de création de mon mémoire. 8 CHALLENGE.FR (2016) : « Pourquoi le gouvernement veut développer l'E-sport » ; http://bit.ly/20e2icT Page | 9 PARTIE THEORIQUE DU MEMOIRE 1.1. Des jeux vidéo à l’eSport Les Jeux vidéo : Eléments de définition Avant de parler d’eSport, il est nécessaire d’introduire le terme de jeu vidéo. Le point de vue du sociologue Trémel est intéressant à mettre en exergue pour expliquer cette pratique. D’après lui, « le jeu vidéo est un phénomène social protéiforme et complexe, qu’il est nécessaire de déconstruire d’un point de vue sociologique. » (TREMEL, 20019) En effet, cette approche permet de comprendre que le jeu vidéo est tout sauf une pratique simple. Ce dernier démontre ainsi que cela s‘articule autour de différents supports, de thématiques, de modes de jeu. Les jeux vidéo peuvent se pratiquer à l’extérieur comme à l’intérieur, par le biais d’une console de salon, d’un ordinateur, d’une tablette, d’un téléphone, seul ou bien à plusieurs. De plus, il existe une multitude de typologie de jeux vidéo. Ainsi, le phénomène vidéoludique a su très bien s’adapté à la maxime : A chacun ses goûts ! En témoigne le développement par les éditeurs d’une grande diversité de types de jeux afin d’assurer la croissance de ce secteur de marché. Les auteurs Alain & Frédéric Le Diberder dépeignent cette diversité du jeu vidéo dans leur ouvrage « L’univers du jeu vidéo », (199810). On retrouve ainsi plusieurs grandes catégories de jeux vidéo, telles que les jeux d’actions, jeux d’aventures, jeux d’action-aventures, jeux de rôles, jeux de réflexion, jeux de simulation, de stratégies, jeux alternatifs et enfin le serious game. Chaque catégorie se redécoupe ensuite en sous-groupe qui serait trop long à énumérer. Le but ici étant de prouver le côté pluriel du jeu vidéo. Greenfield & Retschitzki (199811), quant à eux, soulignent la prégnance de l’engagement physique des joueurs lorsqu’ils jouent aux jeux vidéo. Selon eux et en dépit des préjugés que l’on constate souvent dès que l’on aborde cette thématique, « l’engagement du corps est indéniable d’après des recherches en physiologie, ergonomie, psychomotricité ou sur les transferts d’apprentissages « virtuel/réel » ». Ce qui met en avant l’idée que les jeux vidéo peuvent aussi être un phénomène actif et non statique comme beaucoup le pensent. Les racines du phénomène des jeux vidéo et ses principaux stades d’évolution Le jeu vidéo est tout sauf récent. Ce phénomène culturel a connu un certain nombre d’étapes dans son évolution que nous allons retracer ici. Le président de l’Association MO5, qui lutte pour la préservation du patrimoine culturel vidéoludique a tenu une conférence lors de l’édition 2016 de la Gamers Assembly sur l’histoire du jeu vidéo (DUBOIS, 201612). Il en ressort que les jeux vidéo se sont développés à travers plusieurs générations, au nombre huit à ce jour. Il faut remonter à 1958 pour trouver la première trace des jeux vidéo avec l’invention du jeu « Tennis for Two » par le physicien Willy Higinbotham. Jeu qui servait à l’origine à calculer les trajectoires de missiles nucléaires. Il faut attendre quelques années pour voir l’éclosion du jeu Spacewar en 1962 qui fut créé au sein du MIT par trois étudiants. Ce fut le premier jeu qui permettait à plusieurs joueurs de « se confrontrer entre eux par le biais du programme informatique ». (BESOMBES, 201613) De cette découverte suivra l’apparition de la première borne d’arcade en 1971 avec Galaxy Game conçut par l’université de Stanford 9 TREMEL. L. (2001), « Les « jeux vidéo » : un ensemble à déconstruire, des pratiques à analyser », Revue française de pédagogie, n°136. 10 LE DIBERDER A. & F. (1998) : « L’univers des jeux vidéo) », collection Cahiers libres, La Découverte. 11 GREENFIELD P. & RETSCHITZKI J. (1998) : « L’enfant et les médias. Les effets de la télévision, des jeux vidéo et des ordinateurs », Fribourg, Editions universitaires. 12 DUBOIS P. (2016) : Conférence sur l’histoire des jeux vidéo lors de la Gamers Assembly à Poitiers. 13 BESOMBES N. (2016) : « Les jeux vidéo compétitifs au prisme des jeux sportifs : du sport au sport électronique », Sciences du jeu 5. Page | 10 (GAMOPAT.COM, 201614). Les sites Gamopat.com ainsi que celui de l’Agence Française pour le Jeu Vidéo (AFJV) retracent ensuite le reste de l’évolution du jeu vidéo jusqu’à aujourd’hui. Il est important d’appréhender quelques dates clés, parmi lesquelles on retrouve la création des jeux d’arcade Pong, par Atari en 1972 ou encore Space Invaders par Taito en 1978 et Pac-Man en 1980 par Namco. Du côté des consoles, les premières font leur apparition dans les années 70 avec l’Odyssey par Magnavox en 1972 ou encore la TV-Game 6 par Nintendo en 1977. Il faut attendre l’arrivée des consoles de la troisième génération avec la N.E.S de Nintendo et la Master Sytem de Sega toutes deux sorties en 1985 pour voir une expansion plus nette du marché du jeu vidéo. D’après l’AFJV, c’est peu de temps après cette période que les mascottes japonaises du jeu vidéo comme Sonic, Mario et Link font leur apparition (AFJV, 200615). Elles révolutionnent les jeux vidéo car chaque nouvel opus est un carton. Cela marque toute une époque de la guerre commerciale entre Nintendo, qui prône Mario et Sega qui met en avant Sonic. Les jeux vidéo prennent un tournant radical dans les années 90 avec l’arrivée d’internet avec les jeux en réseau comme Doom & Quake d’une part et les consoles de la cinquième génération comme la Playstation, développée par Sony en 1994, qui marque le passage des cassettes aux CD-Rom. Les consoles et les jeux sur PC n’ont ensuite cessées d’être de plus en plus performantes jusqu’aux jeux d’aujourd’hui tels que League Of Legends, développé par Riot Games depuis 2009 (BESOMBES, 201616) pour l’univers PC et les jeux comme FIFA, Street Fighter ou encore Call Of Duty, que l’on retrouve sur les consoles de la huitième génération comme la Xbox One conçue par Microsoft en 2013 et la PS4 par Sony dans la même année. Un passage progressif des jeux vidéo vers l’eSport : Suite à ce rapide historique sur l’évolution des jeux vidéo, il est important de démontrer que l’eSport n’est pas un phénomène nouveau. De plus, on peut même dire qu’il est indissociable du jeu vidéo. A chaque temps ses champions, comme le dit le proverbe ! En effet, les firmes commerciales qui conçoivent et commercialisent des jeux vidéo ont toujours eues besoin de mettre en œuvre des stratégies de ventes pour assoir leur marque, leur produit et accumuler ainsi davantage de profits. Les chercheurs Yong Jin et Borowy éclaire bien ce phénomène dans un article de l’International Journal Of Communication. Pour eux, l’eSport serait un « accompagnement de la culture plus large du joueur […], comme une succession de pratiques de consommation dont le développement coïnciderait avec la montée du marketing événementiel comme fer de lance des stratégies commerciales d’entreprises du jeu vidéo. » (Traduction de BOROWY, YONG JIN, 201317) En clair, le joueur est au centre de la stratégie de communication des éditeurs de jeux vidéo. Ils illustrent cela par la mise en place de tournois dès les années 70 comme le All Japan TV Game Championships à Tokyo, sponsorisé par Sega qui regroupait déjà plus de 300 champions locaux de jeux vidéo. Ou encore en 1980 avec la première compétition d’eSport organisée par Atari sur Space Invaders qui s’est déroulé à Los Angeles. Les chiffres de l’époque donnait déjà le tourni avec près de 240 000 dollars dépensés pour l’organisation du tournoi et près de 10 000 participants pour un prix d’entrée à 60 dollars. Pourtant ce qui marque le plus ces chercheurs, ce sont les similitudes entre la méthodologie de mise en avant des joueurs en compétition à l’époque par rapport à maintenant comme on peut le voir durant les championnats du jeu majeur d’eSport actuellement, à savoir les LCS sur League Of Legends. Ainsi, on constate que les compétitions se déroulaient déjà dans des grands espaces, où les compétiteurs se disputaient la 14 GAMOPAT.COM (2016) : [Histoire] Le jeu vidéo depuis 1958. http://gamopat.com/page-367617.html AFJV (2006) : «L’Empire du Pixel Levant : Brève histoire des jeux vidéo (part II) », par Jean-Yves Kerbrat », http://www.afjv.com/kerbrat/040407_kerbrat.htm 16 DUBOIS P. (2016) : Conférence sur l’histoire des jeux vidéo lors de la Gamers Assembly à Poitiers. 17 BOROWY M. YONG JIN D. (2013) : « Pioneering E-Sport: The Experience Economy and the Marketing of Early 1980s Arcade Gaming Contests » ; International Journal of Communication 7, 2254-2274. 15 Page | 11 victoire sur une scène devant un public et pouvaient devenir très connus grâce à leur performance eSportive. D’autres auteurs ayant écris sur les jeux viéo, comme Mora et Héas, soulignent également « le fait que le jeu vidéo recouvre une large palette de pratiques », (MORA, HEAS, 200318). En revanche, les auteurs donnent une vision supplémentaire à la définition du jeu vidéo en précisant que l’eSport est une des composantes de cette matrice présentée par Trémel. Composante qui se voit développée par le biais de la compétition et notamment de l’apparition des « jeux vidéo en réseau », (MORA, HEAS, 2003) phénomène que les chercheurs s’accordent à situer dans le début des années 90. L’eSport serait donc partie intégrante au jeu vidéo et non une pratique qui s’y oppose diamétralement. Rapide historique de l’eSport Afin de synthétiser l’ensemble des propos précédents, il convient de se pencher sur les travaux de Julia Hiltscher. Cette professionnelle de l’eSport a essayée de retracer l’histoire de l’eSport en trois parties. A savoir, les origines de l’eSport en LAN (Local Area Network) entre 1972 et 1989 ; l’arrivée d’internet entre 1990 et 1999 et enfin l’expansion des tournois internationaux de l’année 2000 jusqu’à nos jours. (HILTSCHER, 201419) D’après elle, la première période est surtout marquée par deux tournois. Celui de l’université de Stanford en 1972 sur Spacewar : les « Intergalactic Spacewar Olympics » et les « Space Invaders Championship » en 1980 décrits ci-dessus. A cette époque, les tournois d’ampleur sont plutôt rares et les lots encore confidentiels. Le vainqueur du tournoi de Stanford en 1972 a ainsi remporté un abonnement d’un an au Rolling Stone Magazine. La seconde période, fut elle ponctuée par les premiers jeux vidéo jouable en ligne. Hiltscher prend l’exemple de Netrek qui fut le premier jeu vidéo sportif en ligne. Quant à eux, Mora et Héas (MORA, HEAS, 2003) rajoutent que cette époque fut également celle de l’émergence des FPS pour « First Person Shooting » comme Counter-strike en 1990, Quake 3 en 1999 ou encore Doom en 1993. A noter que Counter-Strike est encore présent sur la scène compétitive eSportive actuelle comme le second jeu majeur en 2016 avec plus de 500 millions d’heures visionnées sur Twitch en 201520. Toutefois, cette époque vu aussi l’émergence de grandes LANs comme le Nintendo World Championship en 1990 et la Nintendo PowerFest de 94. Les finalistes s’étaient affrontés sur des jeux Offline come NBA Jam et Virtua Racing. On assiste donc à la cohabitation entre jeux Online et jeux Offline sur lesquels il y a toujours des compétitions aujourd’hui. Enfin, terminons ce rapide historique par les temps modernes, qui ont vu la croissance de tournois internationaux de façon exponentielle comme le montre le graphique ci-dessous (HILTSCHER, 2014) En effet, on constate aisément que le nombre de tournois internationaux croit d’une part lentement jusqu’en 2004, décolle ensuite légèrement jusqu’en 2009 puis croît très vite à partir de 2010. Date à laquelle les médias plus traditionnels commencent à s’intéresser de plus en plus au phénomène eSport alors qu’il existe à cette période déjà depuis 18 MORA P. HEAS S. (2003) : « Du joueur de jeux vidéo à l’e-Sportif : Vers un professionnalisme florissant de l’élite ? » 19 HILTSCHER J. (2014) : « Short History of eSports » ; eSports Yearbook 2013/14, pages 9 à 14. 20 Annexe 16 : https://blog.gamoloco.com/twitch-2015-top-10-games-league-of-legends-cracks-1-billion-hourswatched-79214674ac17#.llyi5dbyd Page | 12 des années. A noter que c’est dans cette période que les grandes sociétés événementielles eSportives comme ESL (Electronic Sport League en 1997), Oxent qui organise la coupe du monde des jeux vidéo21 (ESWC en 2003), la Dreamhack se sont formées. On y remarque aussi la montée en puissance des gains en compétition avec de plus en plus de tournois qui dépassent le million de dollars de Prizepool ainsi qu’une médiatisation croissante des principales disciplines eSportives comme League Of Legends, Counter-Strike ou encore Starcraft II grâce aux sociétés permettant de streamer comme Twitch qui fut créée en 2011 22. Typologie des jeux d’eSport Concernant les typologies de l’eSport, l’Equipe a réalisé un sujet qui brosse l’ensemble des principaux types de jeux d’eSport (L’EQUIPE, 201523). On y retrouve entre autre les jeux de tirs, plus connus sous l’appellation FPS comme Counter-Strike, les MOBA comme League Of Legends, les RTS comme Starcraft II, les simulations sportives comme FIFA, les jeux de combats comme Street Fighter, les MMORPG comme World Of Warcraft ou encore les TCG, jeux de cartes en ligne comme Hearthstone. L’eSport se conjugue de plus en plus au pluriel tant il y a de scènes compétitives professionnelles sur des jeux toujours plus variés. Pour finir sur cette sous-partie historique, précisons que le développement de l’eSport a toujours profité de celui des jeux vidéo et de la technologie. Ce qui peut nous laisser penser que ce n’est pas près d’être fini. 1.2. L’eSport : entre addictions et bienfaits Eléments de définition de l’addiction Avant de parler des liens possibles entre le les notions d’addiction et d’eSport, il est nécessaire de définir le concept d’addiction en dehors du champ des jeux vidéo. A l’origine, cette notion était utilisée par les anglosaxons pour désigner les dépendances à l’alcool et aux drogues, comme l’ont démontrés dans les années 70 Peele et Orfood « qui ont menés les premières descriptions cliniques » (ROMO, 201224). Force est de constater que ce terme s’est progressivement étendu à une multitude de phénomènes, de conduites pouvant devenir addictives et par conséquent conduire un individu à une addiction. D’ailleurs, les études de Valleur et Matysiak ajoutent une dimension globale à ce phénomène (2004, p.2025). En effet, selon eux, nous pouvons parler d’addiction « lorsqu’une conduite envahit toute la vie du sujet, au point de l’empêcher de vivre ». Ainsi, elle interviendrait dès lors que la personne atteinte n’arrive plus à mener une vie normale. L’addiction prend alors le dessus sur la vie de cette dernière. Le chercheur en psychologie Griffiths, va plus loin en adaptant cette notion d’addiction au domaine des jeux vidéo. Pour lui, l’addiction aux jeux vidéo résulte d’une multitude de composantes. A savoir « un manque d’intérêt pour les autres types activités, un comportement d’engagement compulsif pour les jeux vidéo, qui s’accompagne de l’apparition de symptômes agissant sur le physique et le mental de l’individu » (Traduction de GRIFFITHS, 199326). L’addiction vidéoludique ne serait donc pas si étrangère aux autres types d’addiction pouvant être contractées par l’être humain. En résumé, c’est un phénomène 21 ESWC.COM (2016) : « A propos de l’ESWC » ; http://www.eswc.com/fr/page/about TWITCH.COM (2016) : « A propos de Twitch » ; https://www.twitch.tv/p/about 23 L’EQUIPE.FR (2015) : « Génération eSport » ; de Fabien Mulo ; http://www.lequipe.fr/explore/generationesport/ 24 ROMO L. BIOULAC S. KERN L. MICHEL G. (2012) : « Dépendance aux jeux vidéo et à Internet » ; Paris : Dunod. 25 VALLEUR M. & MATYSIAK J.C. (2004) : « Les nouvelles addictions : l’amour, le sexe et les jeux vidéo », Paris, Flammarion. 26 GRIFFITHS M.D. (1993) : « Are computer games bad for children ? » The Psychologist : Bulletin of the British Psychological Society, 6, 401-407 22 Page | 13 global assez complexe à appréhender qui suscite encore de nos jours de nombreux débats entre les chercheurs. Principaux risques liés aux jeux vidéo La pratique des jeux vidéo peut être considérée comme une pratique à risque. Il convient d’expliquer dans quelles mesures cela peut avoir des incidences sur les pratiquants, mais aussi d’appréhender ces dernières. Pour commencer, on entend souvent dire que les jeux vidéo rendent violents, ou encore poussent à la violence. On peut voir avec les travaux de Zimbardo que cet avis ne date pas d’aujourd’hui. Ce chercheur précisait déjà dans les années 80 que « les enfants deviennent plus agressifs après avoir joués aux jeux vidéo sur ordinateur » (Traduction de ZIMBARDO, 198227). Il va même plus loin en expliquant que les jeux vidéo seraient un facteur d’isolement social, ce qui est un autre problème souvent mentionné par les chercheurs en psychologie du jeu vidéo. Toutefois, la violence décrite par Zimbardo est à nuancer. Des travaux plus récents concluent que les « jeux vidéo rendent les jeunes plus violents seulement si ces derniers manifestent déjà par ailleurs de l’agressivité » (FERGUSON, 201028) Il est possible d’en déduire ici que jouer à des jeux vidéo, même violents comme les FPS, ne rendrait pas systématiquement les joueurs violents. Il faut alors veiller à ne pas tomber dans des généralités et étudier les situations au cas par cas. Néanmoins, on retrouve encore aujourd’hui les traces du discours de Zimbardo. En témoigne les propos de Coulombe qui précise que les jeux vidéo seraient un facteur créant de l’isolement des joueurs envers leur famille à mesure que ces derniers se sociabilisent dans leur pratique du jeu en ligne. (COULOMBE, 2010, p.10929) Point intéressant à relever car c’est ici un processus de socialisation en ligne qui entraînerait un isolement familial dans le monde réel. L’auteur prolonge son cheminement en allant jusqu’à dire que cela peut amener le joueur à « s’oublier lui-même » (Idem, p.58). Cela montre une fois de plus le caractère dangereux de cette pratique lorsqu’elle n’est pas contrôlée ou pratiquée de façon déviante. Autre type de risque, tout ce qui touche au corps et au physique du joueur est à prendre en compte. Selon Eliot (Traduction, 198230), Jouer aux jeux vidéo peut causer des problèmes aux « tendons, articulations, aux muscles, aux épaules, aux doigts, aux mains » mais aussi, ce qui est tout aussi grave, des « montées de la pression sanguine », accélérant par la même occasion le rythme cardiaque des joueurs. Ainsi, jouer n’est pas sans danger mais il convient alors de réussir à prévenir ces risques pour pratiquer les jeux vidéo de façon saine. Bienfaits possibles liés à la pratique des jeux vidéo En dépit de ce qui fut présenté précédemment, la pratique des jeux vidéo et notamment de l’eSport apporte aussi son lot de bienfaits, qu’il ne faut pas négliger. En premier lieu, les jeux vidéo peuvent avoir des visées éducatives. En effet, Hubbard souligne le fait que cette pratique est maintenant « partie intégrante du système scolaire américain, car c’est un levier de motivation et un canalisateur de tensions auprès des élèves ». (Traduction de HUBBARD, 199131). Le cas des FPS s’inscrit parfaitement dans cette logique. Les joueurs de jeux comme CounterStrike peuvent améliorer leurs fonctions cognitives et sensorielles grâce à leur 27 ZIMBARDO P. (1982) : « Understanding psychological man : A state of the science report » ; Psychology Today, 16, 15. 28 FERGUSON C., OLSON C., KUTNER L.A. & WARNER D. E. (2010) : « Violent Video Games, Catharsis Seeking, Bullyng, and Delinquency : A Multivariate Analysis Of Effects » ; Crimes and delinquency, X (X), 1-21. 29 COULOMBE M. (2010) : « Le monde sans fin des jeux video » ; Presses Universitaires de France – PUF ; La Nature humaine. 30 ELIOT R.S. (1982) : « Video games : Hazardous to your health » ; American Health, 1 (2), 32-33 ; 31 HUBBARD P. (1991) : « Evaluating computer games for language learning » ; Simulation and Gaming, 22, 220223. Page | 14 pratique. En effet, jouer à ce type de jeu permettrait selon Spence et Feng (2010 32) de progresser au niveau « de multiples habilités cognitives telles que l’attention, la concentration, le temps de réaction, la mémoire, la coordination main-œil, ou encore les habilités mathématiques et verbales ». Ainsi, des bienfaits directs se font alors sentir d’une manière générale sur la représentation spatiale des individus et leur attention visuelle. Et cela de manière durable dans le temps. Griffiths ajoute en 1993 que les jeux vidéo peuvent aussi être utilisés pour développer des compétences. Ils étaient notamment utilisés dès les années 80 pour sélectionner les nouvelles recrues dans la « Navy US » (Griffiths, 1993). C’est donc fort logiquement que les jeux vidéo furent aussi développés et utilisés dans un but davantage thérapeutique. Bien que cela soit un peu éloigné de l’eSport, il semble important de parler brièvement des travaux d’Amato (201133, p.2). Il souligne l’idée que les jeux vidéo éducatifs, appelés aussi Serious game peuvent servir dans « quasiment tous les domaines professionnels, à la fois scolaire, éducatif, sanitaire, médical, politique ou encore publicitaire. » Ce qui tend à prouver que le jeu vidéo est un phénomène à part entière qu’il faut maîtriser pour l’utiliser à bon escient. Coulombe (2010) insiste quant à lui, sur le plaisir que peux susciter les jeux vidéo auprès des joueurs. Ces derniers agiraient ainsi comme un décompresseur de par leur capacité à « apaiser les tensions ». Par ailleurs, Ferguson va plus loin que Coulombe en affirmant que les jeux vidéo tels que nous les connaissons, et non seulement les serious game, peuvent être utiles dans le domaine scolaire. D’après lui et selon une étude faite sur les EtatsUnis et l’Europe, les enfants « qui jouent aux jeux vidéo ont moins de problèmes de comportement, et se montrent moins agressifs et ont de meilleurs résultats aux tests scolaires. » (FERGUSON, 2010, p. 66). Enfin, bien que cette pratique soit souvent dénoncée comme étant isolante, elle peut aussi être vectrice d’une certaine cohésion sociale. En effet, pour Philipps, Rolls, Rouse et Griffiths (199534), les enfants qui jouent aux jeux vidéo développeraient une meilleure sociabilité à l’extérieur de l’école, en se faisant plus d’amis en dehors de ce contexte par rapport aux enfants ne s’adonnant pas à cette pratique. D’autre part, une autre étude plus récente menée par Coyne, Padilla-Walker, Stockdale et Day (201135) fait valoir l’idée que jouer aux jeux vidéo entre parents et enfants amélioreraient les relations sociables entre ces derniers. Les jeux vidéo auraient alors clairement des vertus sociables. D’addict à athlète : un parcours possible grâce à l’eSport ? Il s’agit ici de faire un zoom sur les travaux de Szablewicz (201136) qui a mis en lumière la perception des jeux en ligne par les chinois grâce à une étude de terrain. Son labeur permet de comprendre que l’on peut être traité comme addict ou athlète en Chine selon le type de jeu vidéo auquel on joue. En effet, un chinois qui joue beaucoup à des wangluo games, jeux sur internet non compétitif sera généralement considéré comme « addict aux jeux vidéo » alors que ceux qui passent beaucoup de temps sur les danji games, jeux d’eSport seront traités comme des « athlètes ». (SZABLEWICZ, 2011, p.8) Cette dichotomie chinoise entre les wangluo games et les danji games ne s’arrête pas là. La première catégorie est considérée par les étudiants chinois interrogés dans cette étude « comme une véritable drogue » alors que la seconde relèverait plutôt de « compétition, de compétences et de sport » (Traduction de 32 SPENCE I. & FENG J. (2010) : « Video games and spatial cognition » ; Review of General Psychology, 14(2) 92104. 33 AMATO A. (2011) : « Les utilités du jeu vidéo sérieux : finalités, discours et mises en corrélation », Canadian Journal Of Learning and Technology, 37 (2), 1-19. 34 PHILIPPS C. A., ROLLS S., ROUSE A., & GRIFFITHS M. D. (1995) : Home video game playing in schoolchildren : study of incidence and patterns of play. » ; Journal of Adolescence, 18, 6, 687-691. 35 COYNE S. M., PADILLA-WALKER L. M., STOCKDALE L. & DAY R. D. (2011) : « Game on … girls : Associations between co-playing video games and adolescent behavioral and family outcomes. » ; Journal of Adolescent Health, 49 (2), 160-165. 36 SZABLEWICZ M. (2011) : « From addicts to athletes: Participation in the discursive construction of digital games in urban China » ; In Selected Papers of Internet Research, IR 12.0 conference Page | 15 SZABLEWICZ, 2011, p.12). Les travaux de l’auteur soulignent le fait que l’eSport est un véritable sport en Chine, puisque c’est le gouvernement chinois lui-même, qui le reconnait depuis 2003. Les eSportifs professionnels chinois sont donc portés comme des modèles de réussite sociale et professionnelle. Preuve en est, le joueur professionnel Sky a pu « porter la flamme olympique de Hainan à Beijing pour les jeux de 2008 à Pekin ». Autre élément marquant de cette distinction entre wangluo games et danji games, Szablewicz précise que les wangluo games seraient mauvais pour la santé tout en affirmant le contraire pour les danji games. Montrant une fois le plus la distinction faite par les chinois entre les jeux sur internet pratiqués en groupe avec des parties jouées en groupe souvent interminables comme les MMORPG à l’image de World of Warcraft. Et de l’autre côté, les jeux d’eSport, MOBA, FPS ou encore RTS comme Starcraft II qui offrent des parties plus courtes, plus stratégiques, demandant ainsi plus de skill pour remporter les parties. Ce qui est très particulier là-bas est que ces deux types de jeux que tout opposent ou presque sont encore pratiquées dans un même lieu commun. A savoir les cybercafés. Ce qui montre qu’un joueur de jeu vidéo peut très bien passer d’un statut d’addict à athlète en fonction du milieu dans lequel il évolue et de sa capacité à devenir professionnel. La barrière entre les deux semble donc très mince tout en étant compliqué à franchir. Toutefois, relevons que même parmi les professionnels d’eSport chinois, nombre d’entre eux « reconnaissent souffrir des stigmates d’une certaine forme d’addiction suite à l’obtention de leur statut d’athlète » (Traduction de SZABLEWICZ, 2011, p.18) D’où le besoin constant de self control de cette activité de la part de chaque joueur, peu importe son niveau. Alors l’eSport : une addiction ? Pour Vanessa Lalo, psychologue du numérique, « l’addiction aux jeux vidéo ne serait pas prouvée ». (LALO, 200937) En revanche, elle souligne que le l’on peut être dépendant du jeu quand ce dernier prend une part bien trop majeure dans la vie du sujet étudié. C’est notamment le cas lorsque le jeu « devient nécessaire au bien-être au lieu de le compléter ». Concernant l’eSport, elle défend des valeurs beaucoup plus positives. En effet, le jeu vidéo en compétition permettrait de développer une bonne « hygiène de vie, un esprit d’équipe, ou encore une capacité à se surpasser » (LALO, 201438), le rapprochant ainsi sur ces points du sport dit traditionnel. Par conséquent, l’eSport à lui tout seul ne serait donc pas une addiction mais plutôt une pratique qui peut être addictive selon les individus et leur manière de le pratiquer. 1.3. La sociologie des carrières Notions introductives Il convient pour introduire cette thématique de comprendre ce qu’est un sportif de haut niveau. D’après Pellegri, Leseur et Debois (2009, p.2539), le sportif de haut niveau a un statut particulier qui s’acquiert par « l’inscription sur les listes de sportifs de haut niveau arrêtées par le ministre chargé des sports dans l’une des quatre catégories suivantes : Elite, Senior, Jeune ou Reconversion ». De plus, ce statut n’est pas immuable puisqu’il devient de plus en plus dur à la fois à obtenir, mais aussi à préserver. En témoigne la volonté actuelle de réduire le nombre de sportifs de haut niveau dans les listes nationales. Comme l’explique Javerlhiac (2014, p.5740) qui précise que cette réduction est due à une volonté des institutions politico37 LALO V. (2009) : « Les addictions et ses « objets », Conférence à la Gamers Assembly 2009. LALO V. (2014) : « Décodage de l’e-sport : jeux vidéo et apprentissage ? » ; http://www.ludovia.com/2014/04/decodage-de-le-sport-jeux-videos-apprentissage/ 39 BOUCHETAL PELLEGRI F. LESEUR V. DEBOIS N. (2006) : « Carrière sportive : Projet de vie », INSEP. 40 JAVERLHIAC S. (2014) : « La reconversion des sportifs de haut niveau. Pouvoir et vouloir se former » ; Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Des sociétés ». 38 Page | 16 sportives de se « rapprocher du modèle anglo-saxon, davantage axé sur une logique de résultat ». L’idée étant de soutenir moins d’athlètes pour leur offrir un meilleur suivi et accroître leurs chances de médailles dans les grands championnats tels que les mondiaux, les championnats d’Europe ou encore les jeux olympiques. On en déduit alors que ce statut est institutionnalisé, ce qui n’est pas le cas pour l’eSport par exemple. En effet, le statut de joueur professionnel de haut niveau, appelé aussi pro-gamer est dans une situation de flou paradoxal. Cette appellation de joueur professionnel tend à rentrer naturellement dans le jargon eSportif mais assez peu de chercheurs ont étudiés cette nomenclature. C’est pourquoi le point de vue de Sirlin fait un peu office de référence internationale. Selon lui, ce qui fait la différence entre un joueur amateur et un professionnel est la capacité à appréhender une large palette de compétences, qu’il évoque de la sorte : « Habitude des tournois, profondes connaissances du jeu, l’amour du jeu, aptitudes mentales fortes, bonne réaction face à la défaite comme à la victoire, capacité d’adaptation, compétences techniques et enfin connaissances et aptitudes sur d’autres jeux du même genre ». (Traduction de SIRLIN, 2005, 11141). La différence que l’on remarque alors entre sport traditionnel et eSport est la nécessité d’être le meilleur, mais surtout de gagner des victoires, des grandes compétitions pour être reconnu comme eSportif de haut niveau par ses pères alors que les sportifs traditionnels doivent être inscrits sur une liste de haut niveau. Le niveau d’institutionnalisation de leur statut semble alors être différent. La suite logique est donc de définir la notion de projet de vie, ou encore de projet de carrière selon les appellations. D’après Pellegri, Leseur et Debois (2006), le projet de vie de sportif de haut niveau serait un phénomène harmonieux entre l’entraînement, la formation, et la vie de l’athlète. L’individu inscrit alors son action dans un processus global à très long terme afin d’arriver à son objectif sportif. Les auteurs parlent alors d’une mise en « interaction de l’ensemble des principaux champs de vie des sportifs ». On comprend donc que l’individu doit se donner corps et âme pour faire face à ses ambitions sportives en faisant preuve de persévérance et de pugnacité puisqu’il s’engage souvent pour une carrière, pour une vie. Processus de construction d’une carrière sportive comparée à l’eSport Commençons par évoquer l’étape de la détection des talents. Difficile période mais indispensable pour espérer atteindre le statut de professionnel. Il existe plusieurs types de méthodes de détection en France, qui datent pour beaucoup des années 70. Ces tests se basent généralement sur des méthodes prédictives à l’aide de tests morphologiques, physiologiques, psychologiques et aussi de performance, permettant de guider les jeunes vers telle ou telle discipline. Les auteurs ne s’accordent pas sur un modèle de détection de référence, qui a progressivement évolué en fonction des époques. Ainsi, tandis que Bar-Or (197542) s’appuie sur une batterie de tests impressionnante, des études plus récentes comme celles menées par Howe, Davidson et Sloboda (199843) arrivent à la conclusion que tous types de qualités détectées grâce à des tests ne sont pas garantes de la réussite future des sportifs. Il faut alors prendre un peu de recul par rapport au test. Appliquée au domaine de l’eSport, le processus de détection est encore une fois moins institutionnalisé. Il dépend d’ailleurs plus du cas par cas. D’après Taylor, l’avant carrière se prépare seule de manière non institutionnalisée. Néanmoins, le rôle de l’entourage du joueur tient une importance déterminante. En effet, d’après elle, c’est souvent sur une recommandation d’un proche que les joueurs professionnels d’eSport ont commencé à jouer au jeu sur lequel ils ont acquis ce statut. Puis c’est en s’entraînant pendant des heures et des heures, en « étudiant tous les recoins du jeu, toutes les tactiques, tous les personnages, ou encore les armes, pour les FPS qu’un joueur va 41 SIRLIN D. (2005) : « Playing to win : Becoming the Champion » ; Lulu.com. BAR-OR O. (1975) : « Predicting athletic performance » ; Physician and Sports Medecine, 3, 81-85. 43 HOWE M. J. A., DAVIDSON J. W., & SLOBODA J. A. (1998) : « Innate talents : Reality or myth ? » ; Behavioral and Brain Sciences, 21, 399-442. 42 Page | 17 s’améliorer peu à peu » (Traduction de Taylor, 2012, p. 8844) L’auteur ajoute toutefois que le processus final de la détection passe par le biais des LANs. Les joueurs doivent en effet faire valoir leurs talents d’abord à l’échelle locale pour trouver de nouvelles équipes, leur permettant de participer à des tournois de plus en plus importants, les rapprochant de facto du statut professionnel de joueur d’eSport. Après cette étape de la détection, vient naturellement celle de l’accompagnement vers le haut niveau du sportif ou du joueur, selon le domaine dans lequel on se situe. Dans le sport dit traditionnel, cela passe bien souvent par un double projet entre formation et sport ou bien entre emploi et sport. Pour preuve, de nombreuses fédérations sont favorables au double projet comme l’explique Javerlhiac (2014, p. 83-84) à l’image de la FFSA pour l’aviron et de la FFE pour l’escrime. Dans ces sports, les entraineurs tout comme les fédérations tendent à pousser les athlètes à mener un double projet. Le but de cette politique fédérale partagée par de nombreuses fédérations est de préparer les sportifs de haut niveau à l’après carrière. Cependant, Javerlhiac met en évidence dans son ouvrage qu’il y a des différences entre les sports. Le Basketball, par exemple, ne se retrouve pas vraiment dans cette logique. De par son caractère professionnel avec des salaires qui avoisinaient pour les hommes en Pro A près de 8 000 € par mois en 2010, on peut comprendre aisément son discours. D’après elle, les « basketteurs seraient peu réceptifs au double projet, et se concentrent sur le temps présent et anticipent très peu l’après sport ». (Javerlhiac, 2014, p. 106) Ainsi, ce concept de double projet ne serait pas appliqué de la même façon en fonction du degré de professionnalisme de la pratique que le sportif a choisi et du niveau de vie que cette dernière peut lui permettre d’avoir. Dans la sphère eSportive, cette notion se traduit par le fait d’appréhender ou non l’ensemble des métiers à disposition des eSportifs en cas de reconversion et de savoir gérer tous les à-côtés de la carrière d’eSportif professionnel. Il s’agit ici, selon Taylor d’être capable de « gérer son image publique, ses contrats de sponsoring, ses changements d’équipes » mais aussi d’assurer « une veille informationnelle sur le marché eSportif » (Traduction de Taylor, 2012, p. 98) afin de poursuivre sa marche en action sur la scène compétitive eSportive professionnelle sur le long terme. Un rôle d’accompagnateur de carrière par l’école ? D’une part, l’école joue un rôle important dans le domaine sportif traditionnel pour accompagner la reconversion des sportifs de haut niveau. Les modèles d’accompagnement revêtent ici plusieurs visages. Bouchetal Pellegri, Leseur et Debois (2006, p. 86) les présentent en détail dans leur ouvrage. Il semble important de retenir l’instruction du 1er août 2006 (N° 06-13855) qui a beaucoup contribuée à favoriser une meilleure conciliation possible pour les athlètes entre les études et leur progression sportive. Il existe ainsi d’après ces auteurs plusieurs moyens de continuer son double projet tels que les formations dans les établissements du ministère qui s’occupe des sports, les conventions avec les universités, avec les rectorats, avec les écoles, centres et organismes de formation ou encore les formations individualisées. D’autre part, il s’agit pour l’eSport de mettre en relief les rapprochements entre l’école et l’eSport pour en comprendre l’intérêt et les impacts espérés de ce type d’actions. Aux Etats-Unis, l’eSport est une discipline de plus en plus proposée comme cursus en option. Selon Kanne, les universités auraient plusieurs intérêts à intégrer ce genre d’options dans leurs programmes. Cette pratique permettrait aux jeunes d’acquérir des capacités très utiles sur le marché de l’emploi comme « leur coordination œil-main, leur rapidité de prise de décision ou encore leurs abilités de réflexion mentales et stratégiques » (Traduction de Kanne, 2014, p. 6145). Mais ce n’est pas l’unique raison de l’intérêt des universités pour cette pratique. En témoigne l’exemple de l’université d’Irvine en Californie (DAYLIDOT.COM, 44 TAYLOR T.L. (2012) : « Raising the Stakes : E-Sports and the Professionalization of Computer Gaming » ; MIT Press. 45 KANNE K. (2014) : « The Future of Electronic Sports in High Schools » ; eSports Yearbook 2013/14, pages 60 à 65. Page | 18 201646) qui va proposer dès l’année prochaine 10 bourses d’études par an, d’une valeur de 5 500 dollars à des élèves d’un niveau prometteur sur League Of Legends. Mais ce n’est pas tout, l’établissement va aussi se doter d’un espace qui servira aux entraînements d’eSport ainsi qu’aux compétitions avec 80 ordinateurs. Ce qui rendra possible la tenue de tournois de 16 équipes de 5 joueurs sur League Of Legends dans l’enceinte de l’université, qui sera également dotée d’une scène pour ceci. Ce cas s’inscrit dans la lignée de l’action de l’université Robert Morris de Chicago (01net.com, 201447) qui offre également des bourses d’études, mais seulement à hauteur de 50 pourcents des frais de scolarité depuis déjà deux ans. Ces mouvements dans les universités américaines s’expliquent par la montée d’un intérêt croissant du système scolaire américain pour l’eSport, qui ne fait que de s’intensifier depuis la mise en place d’un circuit de compétition eSportive inter-université appelé la High School Star League (KANNE, 2014). Ce dernier donne l’opportunité, à l’image du basketball universitaire, à des jeunes de tenter de devenir joueur professionnel d’eSport en se faisant remarquer par le biais de ces compétitions, tout en continuant leur cursus scolaire car rares sont les élus qui deviennent professionnels. C’est pourquoi l’eSport reste pour le moment une option dans la plupart des cursus américains. Cette logique est assez similaire en Europe où les pays les plus avancés sur la question de l’eSport à l’école possèdent aussi quelques rares établissements proposant des cursus optionnels sur l’eSport tels que l’école près de Stockholm en Suède (DAYLYDOT.COM, 201548) et la Garnes Vidaregåande en Norvège qui projette de proposer à des élèves d’étudier l’eSport pendant trois ans (MELTY ESPORT CLUB, 201649). Pour l’hexagone, il est encore un peu tôt pour analyser la portée de l’action des premières initiatives comme celle de The eSport Academy (20MINUTES.COM, 201650) et de PowerHouseGaming51 qui proposent un accompagnement sous la forme de cours et de pratique sur une année à des jeunes souhaitant s’insérer dans le milieu de l’eSport, à la fois comme joueur professionnel ou sur des métiers annexes. En effet, le caractère récent de leur action nous offre peu de recul pour juger de leur efficacité. Les différents métiers de l’eSport et du sport Outre le métier de sportif professionnel, que l’on retrouve dans le sport classique comme dans l’eSport, d’autres métiers existent comme ceux de coach, de manager, pour l’entourage le plus proche des joueurs. A noter que l’eSport se rapproche beaucoup du sport dans la diversité des métiers qui forgent cet échosystème puisqu’on retrouve également des agents de joueurs et des organisateurs d’événements. Ce à quoi il faut rajouter les métiers liés au partage d’informations comme journaliste eSportif, casteur ou encore streameur. Autant de voie de reconversion possibles pour les joueurs professionnels d’eSport après leur carrière, comme l’explique Julia Christophers dans un article de l’eSport Yearbook (200952). Ce qui se rapproche de surcroit aux possibilités de reconversion des anciens sportifs professionnels qui 46 DAILYDOT.COM (2016) : « UC Irvine is the biggest school yet to launch esports, League of Legends scholarship program » ; Samuel Lingle ; http://www.dailydot.com/esports/uc-irvine-esports-scholarship-program/?fb=es 47 01.NET (2014) : « L’université de Chicago offre désormais une bourse pour les futurs pro de l'eSport » ; http://www.01net.com/actualites/l-universite-de-chicago-offre-desormais-une-bourse-pour-les-futurs-pro-delesport-622338.html 48 DAILYDOT.COM (2015) : « Esports are coming to high school—in Sweden » ; By Jared Wynne ; http://www.dailydot.com/esports/esports-high-school-sweden/ 49 MELTY ESPORT CLUB (2016) : « L'eSport bientôt enseigné dans une école norvégienne ! » ; http://www.melty.fr/l-esport-bientot-enseigne-dans-une-ecole-norvegienne-a489492.html 50 20 MINUTES (2016) : « E-sport: Une école dédiée au sport électronique a ouvert près de Nantes, une première en France » ; Julie Urbach ; http://www.20minutes.fr/nantes/1788235-20160217-e-sport-ecoledediee-sport-electronique-ouvert-pres-nantes-premiere-france 51 POWERHOUSEGAMING.FR (2016) : « Page d’accueil du site » ; http://www.powerhousegaming.fr/ 52 CHRISTOPHERS J. (2009) : « eSports Jobs » ; eSports Yearbook 2009, pages 17 à 22. Page | 19 sont par exemple nombreux à travailler dans le domaine des médias et du commentaire de matchs sportifs. 1.4. L’eSport, une réelle industrie économique ? Sur les traces de cette industrie : zoom sur la Corée du Sud et la Suède Pour comprendre les particularités du phénomène industriel eSportif, il faut aller le décortiquer à l’une de ses sources principales : la Corée du Sud. Véritable pays des nouvelles technologies des informations et de la communication (NTIC), la péninsule sud-coréenne a vu naître l’eSport en Asie, bien avant la Chine ou le Japon. Ce pays a rapidement emboîtée de pas de l’eSport dès la fin des années 90 en profitant de la multitude de studios de jeux vidéo déjà présents à cette période sur son territoire. Avec pas moins de 694 compagnies dès 1999 employant près de 13 500 personnes (YONG JIN, CHEE, 2008, p. 4353), la Corée du Sud a rapidement réussi à sortir des jeux vidéo à succès comme Lineage qui fut joué par toute une génération de jeunes du pays. Cette réussite à la coréenne a de multiples raisons : un soutien politique au développement de l’eSport, une jeunesse sensibilisée à cette culture vidéoludique, l’explosion des PC Bang, la starification des joueurs, sa culture médiatique ou encore l’accompagnement du développement de l’eSport par les sociétés de NTIC. En effet, les PC Bang ont permis à la jeunesse coréenne de pratiquer les jeux vidéo à bas prix. Cette accessibilité simple à ces jeux vidéo jouables sur internet a aidé de nombreux joueurs à progresser. Fort de ce succès, les PC Bang ont connu une croissance exponentielle entre 1997 et 2002, passant de 100 à 25 000 dans le pays. (YONG JIN, CHEE, 2008, p.48) Dès la sortie de Starcraft en 1998, énormément de jeunes y jouaient dans ces lieux et les meilleurs se sont progressivement professionnalisés. C’est donc assez logiquement que le nombre de joueurs professionnel en Corée est assez élevé, environ 600 en 2007 d’après les auteurs. Quant à l’Europe, l’un des berceaux des compétitions d’eSport est la Suède via le circuit de tournois mis en place par la Dreamhack, créée en 1994 dans la ville de Malung (TAYLOR, WITKOWSKI, 201054). Ce circuit a progressivement grandi pour s’imposer comme l’un des deux plus importants circuits de tournois en Europe avec les tournois ESL. D’après les auteurs, ce circuit a déjà rassemblé plus de 14 000 participants dans un seul événement via la 2009 Winter Dreamhack, ce qui montre le poids qu’il pèse en Europe car rares sont les organisateurs à dépasser la barre des 10 000 participants sur un tournoi. Marché eSportif mondial : décryptage des principales données chiffrées Avant de mettre en évidence ces données, il semble intéressant de dresser le portrait de cette économie. De fait, le marché de l’eSport est complexe. Les compétitions d’eSport peuvent se dérouler sur plusieurs plateformes, comme les ordinateurs, les consoles de salons, les consoles portables, les tablettes, et même maintenant les téléphones portables grâce à des jeux comme Clash Royale55 sur lequel il y a de plus en plus de tournois. Les auteurs s’accordent à présenter le secteur des jeux vidéo comme une « nouvelle industrie médiatique avec des revenus mondiaux rivalisant avec l’industrie du cinéma et de la musique » (CARR, BUCKINGHAM, BURN, SCHOTT, 200656). L’eSport, qui n’est qu’une petite partie de ce grand marché, grossit d’année en année ce qui tend à le légitimer comme une économie à part 53 YONG JIN D. CHEE F. (2008) : «Age of new media empires: A critical interpretation of the korean online game industry » ; Games and Culture January 2008 vol. 3 no. 1 38-58. 54 TAYLOR T.L. WITKOWSKI E. (2010) : « This is how we play it: what a mega-LAN can teach us about games ; Proceedings of the Fifth International Conference on the Foundations of Digital Games, pages 195 à 202 55 REDBULL.COM (2016) : « Building Clash Royale into an eSport » ; Mike Stubbsy ; http://www.redbull.com/en/esports/stories/1331806351339/building-clash-royale-into-an-esport 56 CARR D., BUCKINGHAM D., BURN A., SCHOTT G. (2006) : « Computer games : Text, narrative and play ». Malden, MA : Polity. Page | 20 entière, bien qu’elle soit intimement liée à la machine que représente le marché des jeux vidéo. De surcroît, les cabinets d’études spécialisés dans les jeux vidéo comme Newzoo et Superdata présentent tous deux l’eSport comme un secteur en pleine expansion avec des taux de croissance annuelle à deux chiffres. Toutefois, si l’on regarde le contenu de ces études de plus près, on se rend compte qu’il faut prendre un peu de recul à leur égard. En effet, les chiffres présentés sont souvent très différents d’une source à l’autre, preuve de la difficulté à mener des études sur ce phénomène économique encore en phase d’éclosion. Ce dynamisme se traduit dans les chiffres du marché mondial par un taux de croissance estimé à 43 % pour 2016, ce qui est considérable. Newzoo parle aussi d’un marché qui pèse en 2015 près de 325 millions de dollars et rassemble une audience de 250 millions de personnes qui suivent les événements majeurs (NEWZOO, 201657). Côté tournois, le cabinet dénombre sur l’année 2015 un total de 112 événements majeurs, ayant générés 20,6 millions de dollars en ticketing et dans lesquels près de 61 millions de dollars de cashprize ont été distribués aux joueurs, total en augmentation de 70 % par rapport à l’an passé. Ce qui montre que cette croissance est globale dans tous les sens du terme. Elle touche à la fois le nombre de spectateurs, les gains en compétition, le nombre de grands événements ou encore la taille du marché. L’étude menée par Superdata relayée par le site The eSport Observer est tout aussi intéressante à relever car elle s’attarde sur d’autres domaines qui sont aussi en pleine expansion sur ce marché, comme les paris eSportifs, la place des différents jeux vidéo au sein de ce dernier, ou encore son modèle économique. Ainsi, on comprend que l’eSport est fortement dominés par les MOBA et les FPS qui trustent le TOP 5 des jeux les plus rémunérateurs en Cashprize, tous cumulant plus de 2 millions de dollars sur la saison 2015 en comptant tous les tournois (THE ESPORT OBSERVER, 201558). En termes de modèle économique, on remarque à l’aide de ce graphique ci-contre que l’eSport est un marché très spécifique car seuls 23 % de ses revenus sont considérés comme directs. L’eSport est ainsi assez dépendant de l’implication des sponsors qui injectent de plus en plus de fonds dans cette économie ainsi que de la publicité. Cette dépendance est accrue lorsque que l’on voit la faible part du merchandising, de recettes de billetterie et des ressources liées aux tournois amateurs, qui représentent seulement 8 % des revenus du marché mondial. Par ailleurs, en termes de répartition géographique, le croisement des données de Superdata et Newzoo permet d’affirmer que ce marché est portée par les Etats-Unis en tête avec 38 % des recettes suivi par le continent asiatique menée par le duo Chine (15 %) – Corée du Sud (8 %). L’Europe et le reste du monde vient nettement après. Ceci est un révélateur de la globalisation du phénomène eSport, qui était à l’origine totalement dominé par la Corée du Sud. La mise en concurrence des nations via les différents éditeurs de jeux, circuits de tournois et équipes a donc progressivement rééquilibrer les forces en présence et 57 NEWZOO (2016) : « Global eSports market report : revenues to jump to $463 M in 2016 as us leads the way » ; https://newzoo.com/insights/articles/global-esports-market-report-revenues-to-jump-to-463-million-in-2016as-us-leads-the-way/ 58 ESPORTS OBSERVER (2015) : « 14 Key takeaways about the global esports market 2015/2016 » ; http://esportsobserver.com/14-key-takeaways-about-the-global-esports-market-20152016/ Page | 21 occidentaliser l’eSport international. Ce qui pourrait bien changer de nouveau dans les années à venir avec la montée en puissance progressive de la Chine. En témoigne le très récent investissement de la multinationale chinoise Alibaba qui a injecté 150 millions de dollars dans l’eSport afin de révolutionner le circuit eSportif professionnel chinois. Projetant ainsi de lancer près 1200 tournois dans une quinzaine de grandes villes du pays et d’organiser les World Electronic Sport Games (WESG), événement majeur avec près de 5,5 millions de cashprize (GAMES INDUSTRY, 201659) Les sponsors et l’eSport Comme cela a été mentionné précédemment, le sort du marché de l’eSport semble être étroitement lié à la volonté des investisseurs et des sponsors à injecter des deniers dans cette économie. A l’image du marché sportif, la scène eSportive est sensiblement dépendante des sponsors, ce qui fragilise son modèle économique. (Traduction de TAYLOR, 2012, p 13660) Malgré ce point de vue, il faut saluer la montée en puissance de ces derniers dans l’eSport. De plus en plus de sociétés qui sont à l’origine étrangères à ce phénomène pénètrent ce marché, comme Coca-Cola, Taco Bell, Intel, Red Bull ou encore ESPN (FORBES.COM, 201661) qui viennent améliorer leur image et / ou leur notoriété auprès des fans et pratiquants d’eSport, afin de commercialiser toujours plus de produits ou bien de rassembler une audience plus importante comme c’est le cas pour ESPN. D’après Dominik Härig (2014, p. 5562), il y aurait deux catégories de sponsors, ceux qui viennent dans l’eSport car le public cible correspond parfaitement aux produits et services qu’ils commercialisent. C’est le cas pour les marques de télécommunication, de périphériques et composants électroniques comme Razer (2016 63), producteurs de souris, casques, claviers, tapis de souris et ordinateurs, qui soutien plus de 300 joueurs d’eSport professionnels à travers plus d’une quinzaine d’équipes. Cependant, des entreprises pourtant éloignées de l’eSport ont réussis à s’y implanter. Red Bull en est l’exemple parfait. La société Autrichienne, très impliquée dans les sports émergents, les sports extrêmes et les sous cultures a d’abord sponsorisée beaucoup d’événements en envoyant des canettes aux organisateurs et en tenant des stands. Mais là où elle se démarque des autres, c’est dans sa capacité à organiser ses propres grands événements d’eSport avec des cashprizes importants. A l’image des Red Bull Battlegrounds en 2013 (HARIG, 2014, p. 58) où plus récemment du Red Bull Kumite qui s’est déroulé en Avril 2016 à Paris (REDBULL.COM, 201664) qui rassemblait les meilleurs joueurs du monde de la scène compétitive du jeu de combat d’eSport majeur, à savoir Street Fighter. Par ailleurs, il faut souligner qu’il y a de plus en plus d’investissements dans l’eSport provenant du monde du sport traditionnel. En réfère le récent investissement de 7 millions de dollars par Mark Cuban, patron de la franchise américaine NBA des Dallas Maverick, (ESPORT MARKETING BLOG, 201565), dans la jeune start-up de paris eSportif en ligne Unikrn. Ceci afin de profiter du potentiel de croissance de l’eSport. Un point qui sera davantage développé dans la sous-partie 1.5. Ainsi, 59 GAMESINDUSTY.BIZ (2016) : « Alibaba investing in 1200 Chinese eSports events in 2016 » ; Matthew Handrahan http://www.gamesindustry.biz/articles/2016-04-01-alibaba-investing-in-1200-chinese-esportsevents-in-2016 60 TAYLOR T.L. (2012) : « Raising the Stakes : E-Sports and the Professionalization of Computer Gaming » ; MIT Press 61 FORBES.COM (2016) : « Why eSports Is The Next Big Thing In Marketing » ; Baldwin Cunningham ; http://www.forbes.com/sites/baldwincunningham/2016/02/25/why-esports-is-the-next-big-thing-inmarketing/#4da83db718e3 62 HARIG D. (2014) : « Marketing and Sponsorship in eSport » ; eSports Yearbook 2013/14, pages 55 à 59. 63 RAZERONE.COM (2016) : « About Team Razer - eSports Elite » ; http://www.razerzone.com/team/ 64 REDBULL.COM (2016) : « Red Bull Kumite » ; http://www.redbull.com/fr/fr/esports/events/1331786942702/red-bull-kumite-2016 65 ESPORT MARKETING BLOG (2015) : « Owner of the Dallas Mavericks invests $7 million in eSports betting platform Unikrn » ; http://esports-marketing-blog.com/esports-investment-mark-cuban-unikrn/#.V0g2rJGLTIU Page | 22 ces sociétés s’inscrivent souvent dans cette économie dynamique dans l’optique de se faire une place dans cette industrie très concurrentielle et donc de générer sur le long terme plus de recettes commerciales. L’importance des grands événements eSportifs Pour commencer, les différents auteurs s’accordent à dire que les grands événements eSportifs portent l’industrie eSportive internationale. Dans son ouvrage Raising The Stakes, Taylor met en relief deux grands événements eSportifs de cette envergure pour en ressortir deux modèles différents d’organisation d’événements eSportifs. A savoir les exemples du Championship Gaming Seriers (CGS) lancé en 2006 en Californie et celui du circuit Electronic Sport League (ESL) lancé en 2000 en Allemagne avec l’événement de Cologne. D’une part, le CGS conçoit son tournoi comme un véritable show sportif basé sur le modèle économique de la télévision, s’appuyant sur le modèle sportif des X Games (TAYLOR, 2012, p. 140). Sponsorisé par News Corp et Direct TV, cela permet au CGS de développer rapidement sa fanbase et surtout de transformer l’eSport en le faisant passer à la télévision. De plus l’autre particularité de ce circuit est que le CGS emploie une multitude de professionnels pour créer ce show, « des chefs d’équipes, des commentateurs, des rédacteurs web, des administrateurs de tournois ainsi que plusieurs autres types de profils pour gérer la ligue » (TAYLOR, 2012, p.13966). L’aspect significatif est que le CGS emploie de manière payée ces personnes, à l’inverse de la plupart des gros tournois qui eux, ont recours à des bénévoles. Dans cet exemple, l’humain est donc placé comme le véritable levier clé de croissance car il permet de mettre en place le spectacle souhaité. A l’inverse l’ESL se distingue par une tout autre méthode. D’après Taylor, l’ESL construit clairement son succès grâce à la variété des jeux vidéo qu’il propose dans ses compétitions. Le circuit allemand ne se contente pas en effet de mettre en place des tournois sur les jeux d’eSports les plus importants, il innove en proposant des compétitions plus variées sur des jeux moins « mainstream » comme sur la licence Tekken avec les qualificatifs aux championnats du Monde 2015 (ESLGAMING.COM, 201567). Mais ce n’est pas tout, les tournois d’ESL se démarquent aussi de la concurrence car ils ne sont pas exclusivement dédiés au monde professionnel. Taylor décrit ainsi le modèle ESL comme étant « profondément relié à une large communauté de joueurs, allant des joueurs amateurs jusqu’aux joueurs professionnels » (Traduction de TAYLOR, 2012, p. 144). De plus, elle relève aussi que d’autres événements d’envergure internationale comme l’ESWC, qui se déroule tous les ans lors de la Paris Games Week à Paris ou encore les WCG, World Cyber Games fonctionnent sur un modèle différent. En effet, il est ici nécessaire d’obtenir une qualification au préalable, sur des tournois internet ou des LANs de moindre envergure afin de pouvoir participer à ce genre de tournois. Dernier exemple important à mettre en avant, celui de l’Intel Extreme Masters, l’ « IEM », qui est devenu en 2016 le plus grand événement eSportif organisé par ESL de tous les temps. Cet événement, qui s’est déroulé à Katowice en Pologne est notamment rentré dans l’histoire de l’eSport avec plus de 34 millions de spectateurs en ligne et plus de 113 000 fans présents sur le site pendant la compétition68. Ce qui montre que le modèle des grands événements, un peu comme dans le sport, et plus particulièrement le tennis avec les masters 1000 et les tournois du Grand Chelem se développe aussi dans l’eSport avec un certain nombre de tournois comme l’IEM qui pourrait clairement être comparé à un tournoi du Grand Chelem au tennis. Ainsi, l’industrie eSportive 66 TAYLOR T.L. (2012) : « Raising the Stakes : E-Sports and the Professionalization of Computer Gaming » ; MIT Press 67 ESLGAMING.COM (2015) : « Organisation des qualificatifs européens aux championnats du Monde de Tekken 7 » ; http://fr.event.eslgaming.com/pgw-2015/news/tekken-7-world-arcade-championship-eu-qualifiers/ 68 INTEL EXTREME MASTERS.COM (2016) : « Intel Extreme Masters Katowice 2016 becomes ESL’s largest ever esports event » ; http://en.intelextrememasters.com/news/intel-extreme-masters-katowice-2016-becomesesls-largest-ever-esports-event/ Page | 23 a donc une grande variété de visages. Il n’y a pas un modèle d’organisation de grands événements qui domine plus qu’un autre mais une belle diversité de modèles qui réussissent à fonctionner grâce à l’implication énorme des personnes qui les ont construits et aux différents sponsors qui financent l’ensemble de ces tournois, sans lesquels il serait très difficile de proposer des gros cashprizes, élément indispensable pour structurer ce secteur car cela participe grandement à la professionnalisation et au phénomène de starification des joueurs professionnels d’eSport. Les médias et l’eSport L’implication des médias traditionnels dans l’eSport n’est pas un phénomène récent à l’international. En témoigne l’exemple coréen où la culture des médias est sensiblement liée au développement de l’eSport. Ceci puisque des compétitions eSportives sont diffusées à la télévision coréenne en prime-time depuis déjà le début des années 2000 (YONG JIN, 201069), qui rassemblent à chaque fois plusieurs millions de spectateurs, appelés aussi viewers dans l’eSport. De plus, l’implication des sociétés travaillant dans les télécommunications comme Samsung tendent à favoriser ce phénomène, créant de facto une certaine starification des joueurs d’eSport, qui sont clairement perçus là-bas comme des vedettes. Néanmoins, ce phénomène frappe l’hexagone seulement depuis quelques années avec les premiers reportages sur l’eSport dans les débuts des années 2010. L’augmentation lors des dernières années des recettes du marché mondial de l’eSport a progressivement changé le regard de ces institutions sur l’eSport. D’où les récents investissements de chaînes de télévision française dans ce secteur. La chaîne de la TNT l’équipe 21 fut la première en France à lancer une compétition eSportive cette année sur le jeu FIFA 16. Leur championnat de 19 journées entre 10 joueurs professionnels ou semi-professionnels et 10 amateurs a permis au vainqueur de remporter un contrat rémunéré de représentant de la chaîne pour ses activités eSportives. Une première qui a rapidement suscité l’intérêt des chaînes concurrentes. En témoigne l’organisation d’un premier événement sur le jeu Hearthstone par TF1 en 2016 : la Hearthstone Xtra CUP qui fut diffusée sur le site mytf1 (GLORY4GAMERS, 201670). Une première compétition avec un cashprize de 8 500 euros sur une grande chaine de télévision française qui a rassemblé une bonne partie des meilleurs joueurs du jeu en question et qui pourrait bien à son tour susciter l’intérêt de leurs concurrents directs. Enfin, cette implication des médias dans l’eSport en France, combinée au fait que de plus en plus de structures ont besoin de communiquer sur leurs actions eSportives de manière efficace pour être bien visible fait le bohneur des entrepreneurs. En réfère la création de l’entreprise Hurrah (AFJV, 201671), véritable agence de comminication eSportive qui se retrouve pour le moment presque en situation de monopole sur l’hexagone en ce qui concerne les missions d’achat média, de relation publique, de gestion des réseaux sociaux et d’activation de marques dans l’eSport. 1.5. L’eSport, état des lieux des liens avec le Sport Eléments de définition Avant d’aborder les différents points qui relient l’eSport et le sport, il convient de présenter le débat sur la nature de l’eSport. En effet, l’eSport est-il un sport ? Ceci est un sujet qui revient dans beaucoup de cas comparant sport et eSport. Relevons pour commencer le point de vue de 69 YONG JIN D. (2010) : « Korea's Online Gaming Empire » ; MIT Press. GLORY4GAMERS.COM (2016) : « Hearthstone Xtra Cup » ; https://eu.glory4gamers.com/fr/hearthstone-xtracup 71 AFJV (3 février 2016) : « Lancement de Hurrah, première agence publicitaire dédiée à l'esport, par un duo de publicitaires experts de l'entertainement. » ; Emmanuel Forsans ; http://www.afjv.com/news/5901_hurrahpremiere-agence-publicitaire-dediee-a-l-esport.htm 70 Page | 24 Taylor72. Elle soumet l’idée que l’eSport est construit sur de nombreux points de façon similaire au sport traditionnel, à savoir l’organisation de compétitions, l’utilisation de matériel technique, l’application d’un certain nombre de règles, de normes, un suivi assuré par des arbitres, des joueurs qui allient compétences physiques et l’utilisation d’une technologie toujours plus poussée pour progresser, ou encore la place de l’argent et des paris. Ainsi, l’auteur ne met pas en avant une définition claire et nette. Néanmoins, cette approche large donne un premier aperçu des similitudes entre sport et eSport, en termes de définition. Toujours dans une optique de compréhension de ces rapprochements eSport – sport, l’article du sociologue du sport André Suchet (201173) met l’accent sur le débat autour de la définition du sport et présente notamment le concept de sportivisation des pratiques dites nouvelles, très intéressant à mettre en relief avec l’eSport. Pour Parlebas, le sport est un ensemble de situations qui cumule « quatre composantes : situation motrice, institutionnalisation, codification et compétition » (PARLEBAS, 199974). Cette définition ne pourrait pas s’appliquer à l’eSport à cause des aspects moteurs et institutionnels. Le premier étant un réel élément de débat tandis que le second a du mal à s’imposer, du au caractère historiquement non institutionnalisé des compétitions de jeux vidéo. Enfin, il est nécessaire de présenter la notion de sportivisation des pratiques. Présentée en premier par Elias (1994, p. 23675), cela correspondrait à la « transformation des jeux en sport au XVIIIe en Angleterre ». Pour Parlebas (1999, p. 379), cette notion serait simplement un processus emprunté par une pratique sportive pour bénéficier du statut de sport et donc des quatre composantes présentées auparavant. Cela s’inscrit dans la lignée de la pensée d’Elias car une transformation est étymologiquement un processus. A l’inverse, les auteurs plus récents comme Gloria et Raspaud (200676) qui ont œuvrés sur le cas de l’escalade parlent de « sportivisation secondaire ». Ce qui correspond également au passage d’une activité en sport mais cette-foisci, les auteurs évoquent les activités déjà de façon non institutionnalisées qui recherchent une certaine reconnaissance, une institutionnalisation, souvent pour sécuriser leur croissance et recueillir des précieux deniers via les subventions en se rattachant à une fédération délégataire de l’état. Par conséquent, à la lumière de ces définitions provenant de la sociologie du sport, l’eSport tel qu’on le connaît à l’heure actuelle tend à être une activité qui se sportivise de manière secondaire car l’eSport n’a pas attendu le soutien des institutions pour se développer. Evidemment, ce point de vue est à tempérer selon le contexte, la nation dans lequel on le superpose. En effet, soutenu depuis des années par le ministère de la culture & de la communication en Corée du Sud (YONG JIN, CHEE, 2008)77, l’eSport ne suscite que depuis peu de temps l’intérêt de la sphère politique hexagonale. Point sur lequel nous reviendrons plus en détail ultérieurement. L’eSport : un sport ou une activité à part entière ? L’idée ici est de s’appuyer sur les écrits récents des chercheurs spécialisés dans l’eSport et les jeux vidéo pour voir dans quelle mesure l’eSport peut être un sport ou une activité bien 72 TAYLOR T.L. (2012) : « Raising the Stakes : E-Sports and the Professionalization of Computer Gaming » ; MIT Press 73 SUCHET A. (2011) : « La Sportivisation des pratiques, dites, nouvelles » ; Aspects sociologiques, Vol 18 No 1, mars 2011. 74 PARLEBAS P. (1999) : « Jeux, sports et sociétés. » Paris : INSEP. 75 ELIAS N. (1994) : « Sur le sport et la violence ». Dans : Elias, Norbert & Dunning, Eric (dirs.), Sport et civilisation, la violence maîtrisée, Paris : Fayard, pp. 205-238. 76 GLORIA A. & RASPAUD M. (2006) : « Emergence des compétitions d’escalade en France (1980-1987). Genèse d’une offre fédérale ». Revue STAPS, vol. 27, n° 71, pp. 99-114. 77 YONG JIN D. CHEE F. (2008) : «Age of new media empires: A critical interpretation of the korean online game industry » ; Games and Culture January 2008 vol. 3 no. 1 38-58. Page | 25 distincte. Pour Tilo Franke (201478), l’eSport est structurellement ressemblant au sport si on le conçoit par le biais des grands événements. En témoigne les grands tournois comme les Intel Extreme Masters (IEM) ou la Major League Gaming (MLG) pendant lesquels les audiences sont très importantes et les sponsors sont omniprésents. Autre facteur de ressemblance avec le sport, les équipes professionnelles d’eSport. Omniprésentes sur la scène eSportive, elles sont souvent rattachées à une entité supérieure elle-même divisée en catégories pour les différents jeux. A l’instar du sport qui catégorise souvent les sportifs par l’âge et le sexe, les équipes eSportives sont déterminées en fonction du jeu auquel les joueurs jouent et aussi de leur niveau (ADAMUS, 201279). Certaines équipes peuvent en effet posséder une line-up 1 et une line-up 2, qui fait office de remplaçante ou d’antichambre de l’équipe professionnelle par exemple. En leur sein, les joueurs professionnels sont rémunérés chaque mois. Et concourent régulièrement pour l’argent et le prestige. De plus, ces équipes d’eSport s’entraînent dans une optique d’amélioration de leur performance, comme le font des équipes sportives (WAGNER, 200680). La seule différence ici est qu’elles le font dans un environnement virtuel. Witkowski (200981), quant à elle, insiste sur la multitude de caractéristiques en commun partagées par l’eSport et le sport, telles que la tenue de compétition, l’engagement physiques des joueurs, l’entraînement, les composantes organisationnelles ou encore la codification par les règles, les records et les récompenses. Au-delà de ça, Witkowski met en relief l’eSport avec les sports d’adresse comme le tir à l’arc ou les fléchettes dans lesquelles l’engagement est facilement détectable car il faut développer des compétences motrices majeures et de la concentration pour maîtriser des gestes techniques très précis, notamment pour avoir le bon timing du tir parfait ou du clic parfait dans un jeu. Tout ceci tend à prouver que l’eSport peut vraiment faire office de sport. Toutefois, l’ensemble de ces similitudes entre l’eSport et le sport ne suffisent pas à faire de l’eSport aux yeux du monde un véritable sport. Le débat reste totalement ouvert et nombreux sont également les chercheurs qui pointent les différences entre sport et eSport et soutiennent que l’eSport est plutôt une pratique à part entière. En effet, selon Besombes (201582), l’eSport n’est pas un sport mais plutôt une pratique sportive parallèle, un para-sport car les grandes compétitions sont portées par des sociétés commerciales comme la MLG et la Dreamhack, ce qui diffère lourdement du prisme du sport fédéral. Et cela en dépit de la codification des saisons eSportives en fonction d’un calendrier bien précis, comme dans le sport, pour faire grandir le suspense et la spectacularité lorsqu’arrivent les phases finales. Pour l’auteur, l’eSport ne peut guère être un sport également de par la structuration émiettée de ses circuits de compétition, vecteurs de pertes de la valeur symbolique des titres et de mauvaise compréhension auprès du public. Mais aussi en raison de son manque d’institutionnalisation, sa non reconnaissance par le ministère chargé des sports en France. Ce point de vue, assez orienté sur le cas français, n’est pas systématiquement valide outre hexagone. En témoigne le cas des joueurs professionnels d’eSport qui considèrent leur pratique comme un sport, mais qui se distingue des sports traditionnels. (JONASSON & THIBORG, 201083) Adamus (2012) va plus loin en expliquant que tous les joueurs d’eSport ne se retrouvent pas forcément dans la 78 FRANKE T. (2014) : « The Perception of eSports - Mainstream Culture, Real Sport and Marketisation » ; eSports Yearbook 2013/14, pages 111 à 141. 79 ADAMUS T. (2012) : « Playing computer games as electronic sport : in search of a theoretical framework for a new research field ». In : Fromme, J. and Unger, A., eds. 2012. Computer games and new media cultures : a handbook of digital games studies. Dordrecht : Springer, 477-490. 80 WAGNER M. G. (2006) : « On the Scientific Relevance of eSports. » ; International Conference on Internet Computing, page 437-442. CSREA Press. 81 WITKOWSKI E. (2009) : « Probing the sportiness of eSports » ; eSports yearbook 2009, pp. 53 – 56. 82 BESOMBES, N. (2015), « Le sport électronique, une pratique sportive parallèle ». Rentrée de l'École Doctorale 566, Université Paris Orsay, 1er décembre 2015. 83 JONASSON K. & THIBORG J. (2010) : « Electronic sport and its impact on future sport. Sport in Society, 13 (2), 287-299. Page | 26 définition de Wagner et d’Hutchins (200884), qui présentent l’eSport comme un sport en raison des nombreux aspects de l’eSport que l’on retrouve dans le sport. Deux autres avis sont à souligner pour clôturer ce débat. D’une part, Coakley (200785) énonce l’idée qu’il appartient « au peuple, aux fans, aux spectateurs et aux familles de décider de ce qu’ils acceptent comme sport ou non ». Ce qui soulève la question de l’acceptation publique et place l’opinion publique comme juge de paix. D’autre part, on retrouve encore une fois Witkowski (201086) qui explique que l’on connaît très bien ce qu’est l’eSport mais beaucoup moins ce qu’est le sport, ce qui laisse planer le doute et tend à donner du sens à la théorie de Jonasson. Il serait alors prématuré, suite à cette rapide revue de littérature sur le sujet, de trancher sur la question. Néanmoins, les différents regards académiques tendent à pencher davantage sur le fait que l’eSport soit un sport, mais qui traverse un processus de sportivisation à différents degrés, échelons selon le périmètre géographique dans lequel on le situe. L’eSport qui s’inspire du sport dans son développement Il est question ici d’évoquer la thématique des instances fédérales dans l’eSport. Présentes depuis des années dans le paysage sportif, les fédérations existent dans l’eSport depuis seulement quelques années. L’article de Dario Salice (200987) met en évidence la façon dont ce phénomène a émergé selon les différents contextes. Pour l’auteur, il est clair que l’eSport n’a pas de frontières. Ce secteur s’est développé pendant une quinzaine d’années sans aucune fédération. Puis les années 2000 et 2010 ont apportées leurs lots de surprises. Les premières fédérations ont vu le jour jusqu’à cette date du 16 juin 2016 depuis laquelle l’eSport est reconnu comme un sport dans 21 nations (IE-SF.COM, 201688) grâce à la reconnaissance récente en Italie, au Danemark et en Russie de l’eSport comme un sport. L’IsSF, fédération internationale d’eSport créée en 2008 à l’initiative entre autre de la fédération Coréenne, la KeSPA, accompagne les 45 fédérations nationales affiliées dans l’obtention de cette reconnaissance de l’eSport comme un sport dans leurs nations respectives. Ainsi, elle agit en faveur de l’unification des différentes composantes de l’eSport à l’échelle mondiale. Néanmoins, la lecture des écrits de Dario Salice permet aussi de comprendre que cette montée en puissance des fédérations dans l’eSport ne se fait pas facilement. Premièrement, rien que le fait de fonder une fédération dans un domaine culturel moderne comme l’eSport est contre nature car cela apporte du traditionnel dans du moderne. Ensuite, les fédérations eSportives se doivent d’apporter de réels bénéfices aux acteurs de leur pays pour que ces derniers les prennent en considération. Défi lourd à relever dans un monde où il faut forcément de l’argent pour s’imposer. Autre problème à régler, Salice met en avant l’idée que la règlementation des tournois, notamment à cause de la multiplication des circuits de tournois, n’est pas la même partout, comme cela peut être le cas dans le sport traditionnel. Enfin, l’eSport peut aussi être vu comme une réelle crainte pour les fédérations sportives traditionnelles, notamment en raison de leur pouvoir d’attractivité auprès des jeunes. Malgré tout cela, Dario Salice présente l’eSport comme le sport du 21ème siècle, car il « ne fait pas de discrimination raciales, sur la religion, et sur les handicaps physiques. » (Traduction de SALICE, 2009). De nombreux exemples montrent que l’eSport porté par une instance fédérale peut fonctionner, à l’image de la Corée du Sud, ou encore du Danemark où la fédération a décidé de créer des antennes locales pour établir du lien social et rendre davantage accessible la pratique au plus grand nombre. Ainsi, cet exemple des fédérations eSportives qui fleurissent de plus en plus tend à 84 HUTCHINS B. (2008) : « Signs of meta-change in second modernity : the growth of e-sport and the World Cyber Games. » New Media Society, 10, 851-869. 85 COAKLEY J. (2007) : « Sports in society : Issues and controversies (9th ed.). New York : McGraw-Hill. 86 WITKOWSKI E. (2009) : « Probing the sportiness of eSports » ; eSports yearbook 2009, pp. 53 – 56. 87 SALICE D. (2009) : « Federation in eSports » ; eSports Yearbook 2009, pages 85 à 90. 88 IE-SF.COM (2016) : « Increasing e-Sports Momentum in Europe, Recognition as a Sport » ; http://iesf.com/bbs/board.php?bo_table=iesf_notice&wr_id=128 Page | 27 prouver que l’eSport puise certaines inspirations de son développement au monde sportif. Toutefois, ce n’est pas la seule source d’inspiration pour l’eSport qui émane du sport. En témoigne ce qui a été évoqué dans les parties précédentes sur les circuits de tournois, l’existence d’équipes et de joueurs professionnels, et même depuis peu de temps, d’agents de joueurs. Phénomène lancé en France avec l’arrivée de Bang Bang Management89, qui gère les contrats des joueurs professionnels, aussi bien français qu’étrangers et peut aussi s’occuper de la gestion de leur réseaux sociaux, de leur relations publiques, bref de leur carrière eSportive, comme le ferait un agent de joueur dans le football par exemple. Pour finir, comment ne pas mentionner la tenue des eGames, première initiative de jeux olympiques de l’eSport qui s’est déroulée à Rio les 15 & 16 août dernier, à l’initiative du gouvernement britannique et en collaboration avec le Comité International Olympique (NUMERAMA.COM, 201690). Cette compétition, inspirée des jeux olympiques, réunira tous les quatre ans des compétiteurs âgés de plus de 18 ans qui représenteront leur pays pour la gloire. La notion de cashprize étant encore en discussion. Véritable test, la première édition a vu s’opposer 8 délégations (EGAMES.ORG, 201691) parmi lesquelles on retrouve tout de même les Etats-Unis, la Grande Bretagne, l’Allemagne et le Brésil, nations qui tiennent une place importante sur la scène eSportive internationale. Néanmoins, la présence de joueurs seulement sur les licences Smite et Smash Bros ainsi que l’absence de nations importantes comme la Chine, la Corée du Sud ou encore les pays scandinaves, tendent à placer les eGames comme un tournoi qui reste mineur pour le moment. Tokyo 2020 est donc un réel défi pour les organisateurs, qui devront réunir davantage de nations pour que cette belle initiative soit plus suivie par la communauté internationale eSportive. Des eGames avec les 21 nations reconnaissant l’eSport comme un sport serait un bon levier de croissance. Tout ceci tend à prouver que l’eSport est intimement lié au sport. Le mouvement sportif qui investit dans l’eSport A l’instar de la partie précédente, la relation d’inspiration peut aussi être observée dans le sens inverse. En effet, l’eSport, véritable marché en pleine expansion, attire de plus en plus le regard des acteurs du sport traditionnel. Ce qui peut prendre plusieurs formes. Dans les faits, cela se traduit par les actions de clubs sportifs, de sponsors de championnats sportifs ou encore d’investisseurs déjà présents dans le sport qui créent ou sponsorisent des événements, fondent, reprennent ou investissent dans des line-up eSportives. Ceci afin de toucher un nouveau public cible, les gamers et les fans du marché eSportif pour développer de nouvelles recettes commerciales ou bien se forger une nouvelle identité, image de marque ou encore notoriété. En France, cet attrait du mouvement sportif pour l’eSport existe depuis plus d’une décennie bien qu’il ne soit porté à la l’orée des médias traditionnels que depuis peu de temps. En témoigne l’existence du circuit de tournois du jeu de foot PES développé par l’éditeur de jeu japonais KONAMI. En effet, la PES League passe dans des grandes villes depuis des années (LA DEPECHE.FR, 200592) et des éditions se déroulent régulièrement dans des stades de football comme le stade de France en 2005. Grâce aux partenariats que l’éditeur a su noués depuis des années avec les grands clubs de football français comme le FC Nantes avec lequel un tournoi a récemment été organisé au pavillon de la Beaujoire en mars 2016 (FCNANTES.COM, 201693), on peut voir que cela existe encore. Plus récemment, on 89 BANGBANG-MANAGEMENT : (2016) : « Our eSport Athletes » ; http://www.bangbang-management.com/ NUMERAMA.COM (2016) : « Le gouvernement britannique organise des Jeux olympiques de l’eSport » ; Cyrielle Maurice ; http://www.numerama.com/pop-culture/161683-gouvernement-britannique-organise-jeuxolympiques-desport.html 91 EGAMES.ORG (2016) : « Competing countries » ; http://www.egames.org/competing-countries.html 92 LA DEPECHE.FR (2005) : « Un toulousain champion de football en vidéo » ; http://www.ladepeche.fr/article/2005/02/22/310882-un-toulousain-champion-de-football-en-video.html 93 FCNANTES.COM (2016) : « Tournoi PES au profit de l’ESEAN » ; http://www.fcnantes.com/articles/article2809.php?num=12957 90 Page | 28 constate une vague d’investissement de clubs sportifs dans l’eSport qui constituent des équipes pour aller chercher des titres dans les plus grandes compétitions (THE ESPORT OBSERVER, 201694). Là où cela peut paraître surprenant de la part d’individus totalement étrangers à l’eSport, c’est que ces clubs, au nombre de 11 en moins d’un an n’investissent pas tous sur la simulation sportive dominante du moment : FIFA. Certes, des grands clubs comme West Ham United, Manchester City et Wolfsburg ont fait signés des champions du jeu. Pour West Ham, ce choix de faire signer Sean « Dragonn » Allen, vice-champion du monde FIWC 2016 (L’EQUIPE.FR, 201695) s’explique d’après le directeur du marketing digital du club Karim Virani par le caractère exponentiel de la croissance du marché de l’eSport, qui est « un des sports qui se développent le plus vite au monde ». Les différents clubs de football européens qui investissent sur FIFA ou plus globalement dans l’eSport ont très bien anticipés l’importance d’être représentés sur cette scène compétitive plus qu’émergente. Néanmoins, on peut voir que l’intérêt des clubs de football ne se dirige pas exclusivement vers la scène eSportive de FIFA, puisque certains clubs l’ont parfaitement compris. Le FC Schalke 04 en Allemagne et le FC Santos au Brésil en sont les parfaits exemples. Pour Schalke, il faut retenir que c’est le premier club sportif à avoir pris part depuis cette saison à une compétition de top niveau mondial sur un jeu d’eSport, et pas des moindre, puisqu’il a investi la scène League Of Legends suite au rachat du spot en LCS de l’équipe Elements (THE ESPORT OBSERVER, 201696). La structure brésilienne de Santos, quant à elle, a il faut croire suivi les conseils de l’analyse d’Adrien Auxent (THE ESPORT OBSERVER, 2015) qui expliquait que la scène compétitive brésiellienne est une terre propice aux investissements en raison d’une part du faible coût à payer pour se forger une équipe de haut niveau dans les grandes ligues comme les LCB et d’autre part du potentiel de croissance important de l’eSport sur ce territoire. En effet, le Santos FC a établi un partenariat avec l’équipe Dexterity pour être présent sur quatre jeux d’eSport parmi lesquels on retrouve les deux jeux majeurs du circuit mondial, à savoir League Of Legends et CS : GO. Un beau moyen de promouvoir son club à l’international si ses équipes eSportives réussissent à se faire remarquer dans les grands rendez-vous. Pour autant, les investissements du sport vers l’eSport ne s’arrête pas à là. On remarque en outre une force à innover de la part des organisateurs de compétitions d’eSport au niveau du lieu dans lequel elles se déroulent. De plus en plus, les compétitions eSportives investissent des enceintes sportives. Concernant l’hexagone, le dernier exemple en date est la tenue d’un tournoi qualificatif aux championnats de France du jeu FIFA au sein du Parc OL (AFJV, 201697), qui a réuni plus de 200 joueurs en mars 2016, avec une finale disputée lors de la mi-temps d’un match de football de l’Olympique Lyonnais. Montrant ainsi la volonté de certaines instances sportives françaises de participer au développement de l’eSport. Un dernier exemple de collaboration sur un événement entre sport et eSport à mettre en avant est celui du championnat 2016 sur le jeu de rallye WRC 5, lancé par l’éditeur français Big Ben Interactive et sponsorisé par le constructeur automobile Hyundai (AFJV, 201698). L’innovation dans cette compétition réside dans sa nature puisque c’est le premier championnat d’eSport qui est calqué trait pour trait sur le calendrier d’un championnat sportif, 94 THE ESPORT OBSERVER.COM (2016) : « Sports clubs entering eSports » ; http://esportsobserver.com/reporttimeline-sports-clubs-esports/ 95 L’EQUIPE.FR (2016) : « Le vice-champion du monde de FIFA 16 signe à... West Ham ! » ; http://www.lequipe.fr/Esport/Actualites/Le-vice-champion-du-monde-de-fifa-16-signe-a-west-ham/673161 96 THE ESPORTS OBSERVER.COM (2016) : « Sources: Bundesliga club FC Schalke 04 purchases Elements’ EU LCS spot » ; Thiemo Bräutigam ; http://esportsobserver.com/schalke-purchases-elements/ 97 AFJV (1er mars 2016) : « Le Parc de l'Olympique Lyonnais accueille le 3ème tournoi offline de l'EASFC16 » ; Emmanuel Forsans ; http://www.afjv.com/news/5995_premier-tournoi-esport-pour-le-parc-de-l-olympiquelyonnais.htm 98 AFJV (7 mars 2016) : « eSports WRC : le premier champion du monde eSports WRC remportera une Hyundai i20 d'une valeur de 20 000 € » ; Emmanuel Forsans ; http://www.afjv.com/news/6023_le-vainqueur-de-lesports-wrc-remportera-une-hyundai-i20.htm%20A Page | 29 en l’occurrence le championnat du monde de Rallye WRC, porté par la FIA. Le clou de cette innovation est que la dernière étape de ce championnat eSportif ne se déroulera pas en ligne, mais bien en LAN pendant le week-end du rallye de Grande Bretagne au Pays de Galles. Les 18 finalistes pourront ainsi rencontrer leurs idoles et le vainqueur repartira non pas avec du cashprize, mais avec une Hyundai I 20 d’une valeur de 20 000 €. Une finale assez révolutionnaire dans le milieu eSportif des simulations racing. Par essence, l’ensemble de ces implications du marché sportif vers l’eSport a fait prendre en 2016 un nouveau tournant de son histoire, aussi bien économique, sportif que culturel. 1.6. Evolution du cadre juridique de l’eSport à travers l’exemple des Etats Unis et de la France L’eSport, où la nécessaire régulation du marché mondial ? Industrie économique connaissant une forte expansion à l’échelle planétaire depuis les années 1990, le développement de l’eSport ne s’est pas toujours fait dans les normes. D’où les tentatives de régulation du marché par le biais d’organismes nationaux comme la KeSPA ou internationaux comme le G7. Fondée en 2006 par sept équipes professionnelles d’eSport réparties aux quatre coins de la terre, le G7 agit dans l’optique de protéger les joueurs professionnels d’un système qui outrepasse souvent certaines règles. (TAYLOR, 2012, p. 17599) En effet, le G7 soulève un problème majeur de l’eSport : le non-paiement des cashprizes suite aux compétitions. D’après Taylor, cela met en danger directement les joueurs. Ces derniers, souvent jeunes voire mineurs et se donnant pleinement pour leur passion, ne sont pas armés juridiquement pour faire face aux organisateurs de tournois importants comme l’ESWC et la CPL. Cette non préparation des joueurs à gérer leur contrat de travail avec les gérants d’équipes a également fait réagir le G7. Cet organisme a notamment conçu un contrat de travail type pour les joueurs professionnels d’eSport afin de limiter les dérives possibles de la part de leur employeur telles que les retards de paiement des salaires, des frais liés aux participations à des LANs, voire pire, les non-paiements. Outre ces premiers aspects évoqués par Taylor, Hollist va plus loin en évoquant la précarisation dans laquelle sont plongés les joueurs professionnels vis-à-vis de leur équipe et les équipes vis-à-vis du système compétitif. Cette précarisation des joueurs s’explique d’une part par le faible nombre d’élus au niveau professionnel par rapport au nombre très important de joueurs. L’exemple de League Of Legends est assez flagrant. Avec environ 67 millions de joueurs par mois, ce jeu majeur de l’eSport mondial ne dénombre qu’une centaine de joueurs professionnels salariés. (HOLLIST, 2015, p. 832100) D’autre part, le système en lui-même des ligues professionnelles comme sur League Of Legends avec les saisons de LCS engendre de la précarité. Les joueurs s’entraînent souvent jusqu’à 14h00 par jour afin de rester au plus haut niveau car ils peuvent à la fois être renvoyés de leur équipe tout comme leur équipe peut être exclue du circuit professionnel suite à une mauvaise saison eSportive. Enfin, pour Hollist, cette précarité des joueurs est aussi due à une incapacité des joueurs à négocier leur contrat en raison d’un manque de convention collective régissant l’eSport. Ainsi, il semblerait que les joueurs soient très touchés par le manque d’encadrement du marché de l’eSport. Néanmoins, il faut préciser que d’autres composantes peuvent susciter des vagues de régularisation. Telles que la façon dont les gains en compétition sont attribués, l’âge légal pour participer à des compétitions officielles ou encore la politique de visas. Autant d’éléments qui sont à l’étude depuis début 2016 en France. Pour finir sur cette thématique, il est intéressant ici de mettre en avant les moyens de régulation possibles concernant les problématiques rencontrées par les joueurs professionnels 99 TAYLOR T.L. (2012) : « Raising the Stakes : E-Sports and the Professionalization of Computer Gaming » ; MIT Press 100 HOLLIST K.E. (2015) : « Time to be grown-ups about video gaming : The rising esports industry and the need for regulation » ; 57 Arizona Law Review, pages 823-846 Page | 30 évoquées par Hollist qui a étudiée le cas américain en comparaison du reste du monde. Pour elle, il s’agit dans un premier temps de réguler l’attribution des visas de joueurs. Or, elle insiste sur le fait que cela peut avoir des effets négatifs en créant notamment des relocalisations d’équipes dans d’autres pays qui peuvent être néfastes aux joueurs. Ensuite, elle suggère la création d’une association qui fédérera l’eSport de façon nationale afin de tendre vers une uniformisation des conditions de travail des joueurs. Un réel chantier compliqué mais nécessaire. Enfin, la dernière idée consiste à donner un statut moins précaire aux joueurs professionnels, en les faisant devenir des employés de leur équipe. Ces derniers abandonneraient ainsi le statut d’auto-entrepreneur, peu adapté à leur situation professionnelle. Chacune de ces solutions peuvent être bénéfique à l’eSport et surtout aux joueurs professionnels, acteurs indispensable de cette économie de par leur position centrale. Toutefois, un juste milieu dans l’application de telles solutions se doit d’être trouvé pour ne pas prendre en otage les gérants de structures et les éditeurs de jeux vidéo qui comme l’explique Hollist, « ne sont pas les méchants de l’industrie eSportive, mais les pionniers de cette dernière » (HOLLIST, 2015, p. 847). La question d’une gouvernance internationale se pose alors pour aider cette économie à perdurer et ne pas la tuer dans l’œuf par des contraintes juridiques trop fortes. Ce qui pourra passer un jour par le choix ou la mise en place d’une entité qui prendra les devants pour harmoniser les relations entre les différents acteurs de la sphère eSportive mondiale. La situation en France Suite à cette analyse menée conjointement par Taylor et Hollist sur le cas américain et international, il s’agit ici de comprendre la situation sur le sol français. Sujet longtemps resté dans l’anonymat vis-à-vis des médias, des instances politiques et de la population non initiée à cette pratique, l’eSport attise de plus en plus la curiosité de nos dirigeants politiques depuis un peu plus d’un an. En témoigne le projet de loi pour une république numérique pour lequel le gouvernement, via la secrétaire d’Etat au Numérique Madame Axelle Lemaire, a lancé une consultation en ligne le 26 septembre 2015. Consultation dans laquelle un article, le 42, a pour but « d’assurer au sport électronique un cadre juridique sûr, susceptible de favoriser le développement de ce secteur, d’assurer l’engagement des sponsors et de constituer un premier pas pour la reconnaissance du e-sport. » (REPUBLIQUE-NUMERIQUE.FR, 2015101) Une initiative qui a été bien accueillie par le monde de l’eSport français qui a donc largement participé par le biais des contributions et des votes au premier jet de l’article de loi sur l’eSport. Cette volonté gouvernementale d’encadrer l’eSport en le faisant sortir de l’impasse juridique dans laquelle ce secteur se situe s’est poursuivie en janvier 2016. En effet, avant de penser l’eSport comme une activité étrangère aux jeux d’argents, les pouvoirs publics, par le biais du Premier Ministre Monsieur Manuel Valls (CHALLENGE.FR, 2016102), ont souhaités étudier de plus près ce phénomène afin de guider pour le mieux l’Assemblée Nationale et le Sénat sur la façon de statuer sur l’eSport hexagonal. Ainsi, ce dernier missionna deux parlementaires, le Député Rudy Salles et le Sénateur Jérôme Durain pour cette grande étude de terrain sur l’eSport français. Pour ce faire, les deux parlementaires missionnés par le premier ministre pour œuvrer auprès d’Axelle Lemaire ont adoptés une méthodologie en deux parties. D’une part, la récolte de données sur tous les aspects de l’eSport en lançant un appel aux productions écrites d’acteurs de l’eSport. D’autre part, un approfondissement de ce recueil de données par la réalisation d’une multitude de rencontres avec des professionnels du marché, des membres d’administrations publiques, des éditeurs de jeux vidéo et des opérateurs de jeux d’argent. Leurs premières conclusions furent rendues en mars 2016 dans 101 REPUBLIQUE-NUMERIQUE.FR (2015) : « Consultation article 42 projet de loi numérique » ; http://bit.ly/1MHswQt 102 CHALLENGE.FR (2016) : « Pourquoi le gouvernement veut développer l'E-sport » ; http://bit.ly/20e2icT Page | 31 un rapport intermédiaire de mission (2016103) pour avertir la population sur des propositions d’actions qui sont envisagées. Parmi les onze propositions du rapport, celle sur la possibilité d’encradrer les esportifs étrangers travaillant en France via des visas appelés « passeport talent » ainsi que celle sur la possibilité de sécuriser la situation des joueurs via un contrat à durée déterminée spécifique à leur cas corroborent sur le plan national avec la volonté internationale du G7 de sécuriser le marché de l’eSport. Par ailleurs, il semble intéressant de saluer l’action récente de l’association France eSport (France ESPORT, 2016104). Créée en mars dernier, ce regroupement de dix acteurs importants de l’eSport hexagonal a pour objet de « de représenter les intérêts communs des agents économiques, professionnels ou amateurs, du secteur des sports électroniques, ainsi que de développer, promouvoir, encadrer la pratique des sports électroniques dans un esprit d'équité et d'épanouissement humain, s'inscrivant dans les valeurs et les principaux fondamentaux de l'Olympisme (Article 1 - Objet) ». Ce qui s’inscrit dans le prolongement des actions législatives menées pour encadrer l’eSport et créé par la même occasion un groupement d’acteurs pouvant parler d’une même voie face à la sphère politique pour davantage défendre les intérêts de l’eSport en France. Ce qui a déjà commencé à porter ces fruits puisque l’eSport est désormais officiellement reconnu dans le cadre du projet de loi pour une République numérique depuis le mois de mai 2016 (AFJV)105. Les sénateurs se sont ainsi mis d’accord entre autre pour que les compétitions d’eSport deviennent légales et mieux encadrées et pour que les joueurs professionnels bénéficient d’un réel statut social. Alors certes, le clap de fin de l’histoire n’est pas encore connu au niveau des évolutions législatives car il faut attendre la mise en application des articles de lois votés mais ces premières avancées montrent que l’eSport est clairement sur la bonne voie. En témoigne également le fait qu’un contrat de joueur professionnel, qui pourrait être un contrat à durée déterminée (CDD), soit maintenant envisagé par la sphère politico-législative dans le cadre de l’article 42 du projet de loi (SENAT.FR, 2016106). 103 SALLES R. DURAIN J. KIRCHNER A. (2016) : « E-SPORT : La pratique compétitive du jeu vidéo » Rapport intermédiaire de mission ; http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/rapport-etape-esport-mars2016.pdf 104 France eSports (2016) : « Statut de l’association » ; http://france-esports.org/ 105 AFJV (3 mai 2016) : « Le e-sport officiellement reconnu dans le cadre du projet de loi pour une République numérique » ; Emmanuel Forsans ; http://www.afjv.com/news/6230_republique-numerique-le-e-sportofficiellement-reconnu.htm 106 SENAT.FR (2016) : « Projet de loi, République numérique, AMENDEMENT, présenté par, Le Gouvernement, ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 42 » ; http://www.senat.fr/amendements/20152016/535/Amdt_597.html Page | 32 PARTIE EMPIRIQUE DU MEMOIRE 2.0. Rappel de la méthodologie de recherche utilisée Après avoir présenté la notion d’eSport sous toutes ses formes dans la partie théorique du mémoire, il est question ici de passer sous le grill les trois hypothèses de recherche de ce travail de recherche dans l’optique soit de les valider, soit de les invalider à l’aide des sept entretiens qui ont été réalisés. Ces sept entretiens, ont été volontairement menés avec différents types d’acteurs présents dans l’eSport afin d’avoir une certaine ouverture d’esprit lors de l’analyse. L’étude étant en priorité menée sur le cas des joueurs professionnels d’eSport en France, cela explique pourquoi trois personnes interrogées sur sept sont des joueurs. Les quatre autres entretiens ont été faits avec des individus plus ou moins proche de la sphère des joueurs professionnels d’eSport, permettant ainsi de varier les approches, les points de vue sur une même question. Le schéma ci-dessous met en évidence le positionnement des différents entretiens par rapport à la position centrale des joueurs professionnels d’eSport dans cette étude. Position et interactions des interlocuteurs interrogés dans l’industrie économique eSportive française Politiciens Coach Joueurs professionnels d’eSport Manager Organisateur d’événements Légende : = Liens directs naturels : présents dès le lancement de l’eSport. = Liens directs non naturels : présents depuis l’intérêt de la sphère politique pour l’eSport. = Liens indirects non naturels : Des politiciens vers les joueurs et leur coach car il faut très souvent passer par les managers / dirigeants d’équipes pour obtenir des informations nécessaires aux évolutions sur le statut de joueurs professionnels. - 3 Joueurs interrogés : David Guillet (Joueur Street Fighter, jeu de combat), Danny Abdourahim (Joueur FIFA, simulation sportive), Sébastien Debs (Joueur DOTA 2, MOBA) - 1 Focus Group avec 8 potentiels futurs joueurs professionnels : 6 joueurs de League Of Legends (MOBA) et 2 de Call Of Duty (FPS). - 1 Manager / Agent de joueur : Jérémy Girardot, Agent de Vincent Hoffmann chez Melty. - 1 Organisateur d’événements : Vincent Colas, Président de l’Association Futurolan. - 1 Homme politique interrogé : Jérôme Durain, Sénateur Saône-et-Loire. On constate ainsi qu’il y a différents échelons de relations entre ces différents interlocuteurs. Les coachs, managers, auxquels on pourrait rajouter aussi les agents de joueurs sont en lien direct avec les joueurs professionnels d’eSport au quotidien. Les managers, ont ainsi, une position centrale dans cette économie car il faut très souvent passer par eux pour obtenir des informations sur les joueurs. Ils se font le relais des requêtes d’organisateurs d’événements et Page | 33 des politiciens auprès des joueurs. Enfin, les politiciens ont un rôle émergent dans la sphère eSportive française puisque le secteur de l’eSport ne les a pas attendus pour se développer. Page | 34 2.1. Professionnalisation et reconversion dans l’eSport RAPPEL DE L’HYPOTHESE 1 : Les joueurs professionnels d’eSport français ne sont pas préparés à leur reconversion professionnelle. Afin de pouvoir se forger un avis sur cette hypothèse, il convient de mettre en avant les résultats des différents questionnements abordés lors des entretiens sur cette thématique divisée en deux sous parties, basées sur la professionnalisation et la reconversion des joueurs dans l’eSport. 2.1.1. Professionnalisation des joueurs dans l’eSport Le métier de joueur professionnel d’eSport et ses principales composantes : Avant de statuer sur le degré de préparation des joueurs professionnels d’eSport à leur reconversion professionnelle, il convient de comprendre à quel point les personnes interrogées connaissent ce métier. Tout d’abord, il y a un certain consensus dans les entretiens sur le fait que ce métier requiert un entrainement assez important pour devenir et / ou rester professionnel. Pour David Guillet107, être joueur professionnel « demande énormément d’entrainement ». Il met l’accent sur le fait que les rares joueurs professionnels à Street Fighter, qu’il énonce comme étant un « jeu de niche », jouent tous les jours. C’est d’après lui le cas du seul professionnel français sur le jeu, Louffy de son pseudo, qui réussit désormais à vivre correctement de sa passion depuis qu’il est sponsorisé par la société autrichienne Red Bull suite à la sortie de Street Fighter V. Avoir un vrai salaire, pouvant dépasser parfois le SMIC, comme pour Louffy actuellement contribue alors à la professionnalisation des joueurs, leur offrant plus de temps pour s’adonner à leur entrainement de haut niveau. Pour Danny Abdourahim108, cette notion d’entrainement est la plus importante. D’autant que son jeu de prédilection, à savoir FIFA, est du 1 contre 1. Il considère que l’entrainement fait donc aussi partie du métier de joueur professionnel. En précisant cependant que l’entrainement revête une intensité plus forte et est davantage nécessaire « avant les compétitions » car le jeu demanderai un peu moins de temps d’entrainement que d’autres licences eSportives. Sébastien Debs, quant à lui rejoint les autres joueurs sur la nécessité de s’entrainer pour être joueur professionnel et se maintenir au plus haut niveau sur le jeu DOTA 2. En revanche, son point de vue diverge de celui de Danny Abdourahim au niveau de l’intensité et de la répétition des entrainements, rejoignant ainsi l’avis de David Guillet sur ce point. Ainsi, il met en avant l’idée que les professionnels sur DOTA 2 s’entrainent « au minium sept à huit heures par jour », de façon « individuelle ou en équipes », et généralement « six jours sur sept »109. De plus, il ajoute qu’il ne faut pas simplement jouer pour être professionnel, il faut aussi regarder les autres jouer, se renseigner sur ce qui se passe sur la scène compétitive de son jeu ou encore analyser ses propres parties pour progresser. Il insiste aussi sur le fait qu’il n’y a pas une seule méthode d’entrainement, une seule journée type mais une multitude. Chaque joueur ayant sa façon bien à lui d’organiser sa journée de travail, en fonction de son rythme de vie et de la région géographique dans laquelle il évolue puisqu’il y peut y avoir plusieurs scènes compétitives dans les jeux d’eSport en raison des différences de « Ping », ne permettant pas par exemple à des français de jouer dans de bonnes conditions contre des coréens. Pour Brice Viltard110, on retrouve aussi la notion de rigueur à la fois dans l’entrainement et dans le rythme de vie comme composante essentielle du métier de joueur professionnel d’eSport. Il souligne, comme Sébastien Debs la nécessité de s’informer sur la scène compétitive de son jeu pour apprendre de nouvelles choses sur son jeu et donc rester au plus haut niveau. Tandis que Vincent Joumel et Sébastien Debs précisent que le sport peut aussi faire partie du 107 Entretien David Guillet Entretien Danny Abdrourahim 109 Entretien Sébastien Debs 110 Focus Group Brice Viltard 108 Page | 35 quotidien des joueurs professionnels d’eSport. Bien que cela ne fasse pas un véritable consensus dans la profession, la plupart des professionnels tendent à avoir une activité sportive tous les jours ou au moins quelques fois par semaine. Par ailleurs, côtoyant de très près plusieurs joueurs professionnels sur la scène compétitive FIFA, la vision de Jérémy Girardot est assez centrale et résume en quelque sorte les principales composantes du métier de joueur professionnel d’eSport. En effet, pour lui, un professionnel d’eSport peut être comparé à « un sportif professionnel »111, dans le sens où les meilleurs joueurs sont rémunérés d’un « salaire qui leur permet de vivre de leur passion et d’en faire un métier ». D’autre part, il insiste comme les autres sur la nécessité de s’entrainer et de suivre un planning et ajoute le fait de représenter une structure avec les sponsors qui lui sont rattachées dans le cadre des compétitions. En somme, il est possible de synthétiser ces propos en présentant ce métier sous deux composantes principales : d’un côté, les activités purement liées au jeu, à savoir l’entrainement dans toutes ses facettes et les compétitions. Et d’autre part, on retrouve les activités indirectes au métier de joueur professionnel mais nécessaire, comme la communication des joueurs avec leur fan, ce qui passe comme l’évoque David Guillet112 beaucoup par le social, et donc le stream, les vidéos, la gestion de ses réseaux sociaux et évidemment la réponse aux fans. La pratique du sport vient donc comme composante annexe dans le quotidien des joueurs professionnels, puisque tous les joueurs n’en font pas forcément. Entourage des joueurs professionnels : Pour ce qui est de l’entourage des joueurs professionnels, c’est quasiment impossible, à la lecture des entretiens, de tendre vers un consensus général. En effet, le côté polysémique de l’eSport au niveau des scènes compétitives qui ne sont pas toutes professionnelles au même degré en fonction des jeux et d’autre part, la diversité des personnalités interrogées rendent cela impossible. De facto, sur les jeux d’eSport les plus développés à l’image des principaux FPS parmi lesquels on retrouve Counter Strike, Call Of Duty et Overwatch et des MOBA comme League Of Legends dans lesquels le staff autour des joueurs peut être assez conséquent. Xavier Babot113 souligne le fait qu’à League Of Legends, les joueurs professionnels ont un staff proche constitué de plusieurs personnes parmi lesquelles on retrouve « le coach, le manager, l’analyste ». Le focus group fut l’occasion de se rendre compte aussi que les joueurs professionnels peuvent aussi tout simplement entre eux s’aider, et constituer le premier degré d’entourage aux joueurs. Néanmoins, il y avait un débat fort parmi les participants du focus group sur l’intérêt ou non de bien s’entendre également en dehors du jeu avec ses équipiers dans les jeux d’eSport en équipe pour performer au plus haut niveau. Pour la scène compétitive FIFA, d’une part, Danny Abdourahim 114, en tant que joueur professionnel précise qu’il a toujours eu un coach dans les différentes structures dans lesquelles il a évolué et que c’était quelque chose de nécessaire pour lui. Pour lui, le coach est plus important qu’un simple support technique, « c’est un coach qui est plus un grand frère pour nous », avec lequel il « est lié dans l’eSport mais aussi en dehors ». Ce qui montre que ce niveau d’entourage des joueurs peut vraiment être très important. En tant que manager et coach sur FIFA, Jérémy Girardot explique qu’il n’y a pas toujours de coach sur ce jeu. Le staff direct qui entoure les joueurs professionnels sur FIFA serait alors plus restreint que pour les jeux majeurs comme League Of Legends. Ainsi, à FIFA, cela arrive souvent que le coach soit aussi le manager du joueur, c’est-à-dire qu’il est souvent amené, au-delà de son rôle premier, « de gérer l’image du joueur et tout ce qui est administratif et contractuel ». Toutefois, dans des jeux d’eSport où il y a beaucoup moins de professionnels comme Street Fighter, l’entourage peut être encore plus petit autour des joueurs. David Guillet raconte en effet que même pour Louffy, qui est pourtant le seul véritable joueur professionnel français 111 Entretien Jérémy Girardot Entretien David Guillet 113 Focus Group Xavier Babot 114 Entretien Danny Abdourahim 112 Page | 36 sur ce jeu, il n’a pas connaissance de l’existence d’un manager ou d’un coach qui s’occupe de lui. Il ajoute aussi qu’en règle générale, les joueurs sur les jeux de combat comme Street Fighter font très souvent leur déplacement seul. Alors que dans le même temps, David Guillet115 précise que c’est totalement différent pour des jeux plus en avant sur la scène eSportive comme League Of Legends, en prenant l’exemple de sa structure, à savoir Millénium, dans laquelle il y a « en permanence trois ou quatre personnes qui suivent les joueurs, pour faire des interviews, publier un article », en plus d’un rédacteur en chef pour le portail League Of Legends Millénium. Tout cela tend à prouver la grande variabilité de l’entourage des joueurs d’eSport. Car non seulement il est variable selon les jeux, mais il est en plus variable selon les structures. Enfin, Sébastien Debs met en relief un autre caractère de l’entourage des joueurs professionnel d’eSport. Avec l’exemple du MOBA DOTA 2, il zoome sur le côté évolutif de cet entourage. Par essence, à mesure que la scène d’un jeu se professionnalise, le nombre d’individus qui interagit de manière directe au sein du staff des joueurs augmente à son tour. Ainsi, à l’origine, il n’y avait qu’un manager dans les premières structures professionnelles DOTA. Cet interlocuteur, avait, un peu comme certains coachs actuels de FIFA plusieurs rôles à la fois. Sébastien Debs le décrit ainsi comme « l’homme ou la femme à tout faire »116. Néanmoins, il insiste sur le fait qu’à l’heure actuelle, cette situation ne prévaut plus, le manager garde un rôle central, certes, mais il est davantage concentré sur la logistique de l’équipe. Et représente ainsi « l’interface entre le monde extérieur et les joueurs ». Ce qui est rendu possible grâce au processus de professionnalisation exponentielle dans lequel ont été plongés les joueurs professionnels sur DOTA depuis le rachat de la licence par Valve et la mise en place d’un business model qui permet aux joueurs d’être autosuffisant grâce au financement du circuit professionnel fait en grande partie par les fans. Permettant de surcroit à certaines équipes professionnelles sur DOTA 2 de se munir d’un coach. Sébastien Debs souligne toutefois qu’il s’agit davantage d’un « coach technique », spécialisé sur le jeu ayant déjà une expérience de joueur assez poussée qu’un « coach mental ». Tout ceci tend à valider le fait que l’entourage des joueurs professionnels d’eSport se conjugue au pluriel et n’est pas un élément statique mais bel et bien évolutif selon les structures et les jeux. Principales sources de revenus des joueurs professionnels d’eSport : Les principales sources de revenus des joueurs professionnels d’eSport sont assez simples à déceler. D’une part, qui dit joueurs professionnels dit que ces derniers ont une structure qui les emploie. En tout cas, c’est une des situation que l’on retrouve le plus, bien qu’à l’heure où ce travail est rédigé, bon nombre de joueurs ayant une structure sont encore obligés d’avoir un statut d’auto-entrepreneur pour pouvoir percevoir leurs revenus. Dans les faits, ces revenus viennent aussi des compétitions, comme l’explique Vincent Colas 117 puisque les organisateurs de tournois « font maintenant gagner de l’argent aux joueurs ». Outre les cashprizes et les salaires, les revenus peuvent aussi provenir du streaming et des sponsors comme l’énoncent respectivement Andréa Suchodolski et Brice Viltard118 dans le Focus Group. Ensuite, en termes de salaire et de cashprize, il faut savoir que les montants varient en fonction des jeux. Alors qu’au niveau des revenus liés au streaming et aux sponsors, le jeu n’est plus le critère premier de la grandeur des sommes qui sont engagées. Puisque c’est véritablement l’image et la fanbase dont dispose le joueur qui lui permet d’engranger davantage de deniers. Ce qui permet pour certains, d’arrondir leurs fins de mois alors que pour d’autres, qui n’ont pas forcément de salaires fixes très élevé, voire n’en ont pas du tout, cela peut être leur ressource principale. Par exemple sur la scène compétitive FIFA française, les entretiens avec Danny Abdourahim et Jérémy Girardot permettent d’arriver à une fourchette assez large de salaire mensuel entre 200 et 600 euros par mois. Salaire qui ne permet pas de vivre totalement de 115 Entretien David Guillet Entretien Sébastien Debs 117 Entretien Vincent Colas 118 Focus group 116 Page | 37 cette activité. En revanche, Danny Abdourahim119 souligne le fait que cela est susceptible de progresser dans les années à venir à mesure que les clubs de football professionnels investissent sur la scène professionnelle FIFA. Un point de vue qui fait écho à ce que l’on a vu dans la partie théorique puisqu’il est vrai que de plus en plus de clubs de football investissent dans l’eSport bien qu’aucun joueur français de FIFA n’ai encore été touché par ce phénomène. Le joueur synthétise la question en rajoutant que pour lui, « c’est vraiment un mélange des deux avec une petite plus-value pour la visibilité ». Il entend par là que les revenus des joueurs d’eSport résultent d’un mélange entre ceux liés à leur visibilité comme le streaming et les sponsors et ceux liés à leurs performances desquelles découlent le salaire, les gains en tournois et les sponsors qui peuvent aussi investir sur un joueur pour ce motif. Par ailleurs, les salaires évoqués pour le cas de FIFA ne sont pas les mêmes pour tous les jeux. Par exemple, Jérémy Girardot évoque des salaires qui avoisinent les 4 000 euros pour les meilleurs français sur des jeux majeurs comme League Of Legends. Chiffres difficiles à vérifier étant donné qu’aucun entretien très poussé avec un joueur professionnel de League Of Legends n’a été fait. Mais cela donne un bon aperçu si on le compare avec le cas de DOTA 2 abordé par Sébastien Debs, qui explique l’évolution des salaires dans ce jeu. En effet, alors que les meilleurs joueurs du monde ne gagnaient qu’environ 150 à 200 dollars par mois il y a cinq ans lors du premier tournoi à un million de dollars organisé par l’éditeur Valve, à savoir l’International, les joueurs professionnels sur ce jeu se battaient déjà pour des très grosses sommes. Selon lui, les sponsors de l’époque se payaient très souvent le luxe de bénéficier de l’image des joueurs en plus de l’argent gagné par leurs joueurs puisqu’ils prenaient des pourcentages sur leurs gains pouvant aller jusqu’à 15 %. Cette logique de sponsoring inversé s’est logiquement écroulée puisque les joueurs étaient lésés par ce système. Au moment où les joueurs n’ont plus eu le besoin primaire de travailler avec ce type de sponsor pour financer leurs déplacements et participations aux grandes compétitions parce que les organisateurs se sont mis progressivement à inviter les équipes et à tout payer pour les joueurs, ce système s’est stoppé et ces mêmes sponsors qui pouvaient faire office d’arnaqueurs se sont fait prendre à leur jeu et n’ont pas eu d’autres solutions que de proposer des salaires bien plus importants pour que les joueurs acceptent de mettre en avant leur image. Enfin, l’arrivée de sponsors ayant compris ce problème sur DOTA 2 a aussi favorisée la mise en place de salaires allant de 4 000 à 5 000 par mois pour les joueurs professionnels. Ce qui montre très bien que les salaires sont en constante évolution, ce qui prévaut pour beaucoup de jeu. Ce qui laisse à penser que la croissance de l’eSport est loin d’être arrivée à sa phase de stabilisation avec tous les investissements évoqués dans l’eSport dans la partie théorique. Une même étude dans quatre ou cinq ans pourrait très bien révéler des salaires de l’ordre du double ou du triple dans beaucoup de jeu. 119 Entretien Danny Abdourahim Page | 38 2.1.2. Reconversion des joueurs dans l’eSport Reconversion après une carrière de joueurs professionnels d’eSport : La reconversion des joueurs après leur carrière d’eSport est au centre de l’hypothèse de cette première partie. Il est donc primordial de présenter de quelle façon les personnalités interrogées sont au fait de ce phénomène. De prime abord, les joueurs actuellement professionnels font partie de la première génération de professionnels, ce qui signifie que la reconversion n’est pas un stade de leur carrière par lequel nombre d’entre eux sont passés. Toutefois, il est clair, à la lumière des entretiens que tout le monde est d’accord pour affirmer que si reconversion dans l’eSport il doit y avoir pour les joueurs professionnels, il y a un rapport étroit au monde de l’image qui ressort très souvent. David Guillet exprime son opinion en mettant en avance l’importance du stream dans la reconversion des joueurs. Pour lui, c’est très simple, il y a deux principaux cas de figures : soit un joueur est « au top niveau mondial ou européen et les gens le suivront car il est vraiment le meilleur joueur du moment ». Soit « il l’a été et a acquis une fanbase qui le suit même si il streame n’importe quoi ».120 Néanmoins, les possibilités de reconversion ne s’arrêtent pas à ça. Dylan Bouvier a rapidement réagi sur ce sujet lors du Focus Group en donnant l’exemple de « coach, manager, analyste et casteur »121 qui sont également des voies de reconversion plus possibles. Fort de ses études menées dans le domaine commercial, Sébastien Debs souligne, quant à lui, la possibilité de se reconvertir dans le business qui gravite autour de l’eSport. En effet, il met un point d’honneur à expliquer que l’eSport n’est pas fermé à l’entrepreneuriat. Les possibilités de réussites commerciales y sont très importantes puisque d’après lui, c’est « toute une économie qui est en train de se monter ».122 Economie qui s’inspire beaucoup du modèle sportif pour se construire petit à petit. D’où les nombreuses passerelles entre sport et eSport qui ont pu être faites dans les différents entretiens. En témoigne le fait que Sébastien Debs vient à penser qu’il pourrait y avoir justement ce genre de passerelles entre sport et eSport pour les métiers de commentateurs et de coach. Métiers pour lesquels l’eSport aurait beaucoup à apprendre du modèle sportif au niveau de la formation et du professionnalisme dont font preuve les professionnels endossant ces responsabilités dans le circuit sportif professionnel. Puisque la grande majorité des coachs et des commentateurs eSport n’ont généralement pas suivi de formation particulière pour arriver à leur profession actuelle. Leur capacité à apprendre par eux-mêmes et à être propulsé en quelque sorte par la communauté de fans très puissants qui agit dans l’eSport les ont guidé vers ces fonctions. Enfin, Jérémy Girardot met l’accent sur un fait à prendre en compte. A savoir qu’à ce jour au niveau français, il y a encore peu de joueurs professionnels d’eSport qui ont définitivement stoppé leur carrière. Beaucoup de grandes gloires françaises de l’eSport comme Kayane sur Street Fighter, Stephano sur Starcraft II, ou encore Gotaga sur Call Of Duty font encore des compétitions de temps à autre bien qu’ils aient commencé à vivre d’autres activités en parallèle. Pour lui, certes, il évoque la plupart des métiers déjà cités auparavant en ajoutant toutefois la fonction d’organisateur de compétition qui lui permet également être une voie de sortie possible, bien qu’elle nécessite peut-être un peu plus de compétences techniques à maîtriser. En revanche, là où ça devient encore plus intéressant, c’est quand il a pointé du doigt le fait « qu’il n’y a pas encore de statut professionnel, et donc pas encore de retraités professionnels au final »123. Cette approche qui se situe tantôt à l’aube du cercle juridique, tantôt dans une sphère plus philosophale, marque bien le fait qu’il est encore à ce jour difficile de parler de reconversion dans l’eSport. Malgré cela, l’exemple de Bruce Grannec, ancien multiple champion du monde français sur les jeux PES et FIFA, deux fois sur chaque jeu, fut repris par la plupart des interlocuteurs interrogés. Permettant de faire habilement la liaison 120 Entretien David Guillet Focus Group Dylan Bouvier 122 Entretien Sébastien Debs 123 Entretien Jérémy Girardot 121 Page | 39 entre cette problématique et la mise en lumière d’exemples, qui eux ont réussis. Le cas de Bruce Grannec est intéressant à décortiquer puisqu’il est à ce jour vraiment le premier joueur professionnel d’eSport français à s’être reconverti après une longue carrière qui s’est déroulée sur plusieurs années. Ceci en variant au maximum ses activités professionnelles. On peut ainsi le retrouver à la télévision comme commentateur de compétitions d’eSport comme Danny Abdourahim l’a très bien mis en avant au cours de l’entretien. Mais aussi en tant que streameur, et animateur de blogs liés à FIFA. Réalisant aussi des prestations pour des marques sur des salons ou encore des événements, cela montre qu’avoir une très bonne fanbase, image et de très bons résultats eSportifs aident beaucoup en cas de reconversion. Eléments que Bruce Grannec a très bien su mettre en ordre puisqu’il est suivi au quotidien par un agent avec l’entreprise Bang Bang Management. Autres exemples de reconversion réussis : Toutefois, l’exemple de Bruce n’est au final pas le seul cas à se mettre sous la dent. Pas plus loin qu’en France, on retrouve par exemple celui de Moman124, ancien joueur qui gère aujourd’hui la carrière de joueurs en tant que manager / coach de la structure LDLC, puisque Vincent Colas a pris son exemple pour retracer les possibilités de reconversion possible. De surcroit, pour mieux essayer de comprendre ce qui pourra très bien se passer en France lorsque la première génération de joueurs professionnels d’eSport aura véritablement mis de côté leur carrière en tant que joueur, il est possible de regarder ce qui se produit en dehors de nos frontières, comme élément de comparaison. Ainsi, le focus group fut très productif à cet effet puisque presque tous les métiers cités précédemment comme voie possible pour une reconversion après une carrière de joueurs ont été cités. Andréa Sudocholski a d’emblée cité l’exemple du joueur Dyrus, anciennenment au sein de la structure professionnelle TSM qui s’est reconverti comme Streameur et a réussi à faire près de « 40 000 vues » dès ses débuts, ce qui n’est pas négligeable. Brice Viltard a quant à lui, mis en exergue les cas de « Krepo et Deficio », anciens professionnels sur League Of Legends qui ont réussi à passer casteur. Ou encore celui de « Prolly, joueur en Amérique du Nord qui est passé coach des H2K, et est devenu l’un des meilleurs coachs d’Europe ».125 L’exemple de Prolly est assez intéressant en tant que reconversion réussie puisque son équipe représentera l’Europe et participera prochainement aux prochains championnats du monde de League Of Legends. Tout cela tend à prouver que des reconversions dans l’eSport après une carrière comme joueur sont possibles. Et la plupart des personnes qui ont été interrogées étaient généralement bien au fait de cela. Bien que ce ne sera pas le cas de tous les joueurs puisque le réservoir de places n’est pas illimité. Comme l’explique Sébastien Debs qui pense que beaucoup vont se reconvertir « dans quelque chose qui n’a rien à voir avec l’eSport ».126 Qualités et compétences nécessaires en vue d’une reconversion : Ce cheminement amène la réflexion naturellement sur le questionnement des qualités, des compétences qu’un joueur professionnel d’eSport se doit d’appréhender pour préparer au mieux sa reconversion. Pour faire simple ces qualités tournent beaucoup autour du social et du savoir être. C’est ce que prône David Guillet, en prenant l’exemple de Norman Chatrier, alias « Genius », joueur de Street Fighter à haut niveau qui avait longtemps délaissé cet aspect en n’ayant pas de téléphone, et en n’ayant tout simplement pas de compte sur Facebook et Twitter. David Guillet expliqua ainsi que le passage pour Genius entre le moment où il n’était pas virtuellement connecté avec ses fans et celui où il s’est mis à interagir davantage avec eux en créant et en gérant lui-même ses réseaux sociaux fut crucial. Pourquoi cela ? La raison est assez logique. David Guillet précise qu’il est tout « simplement impossible de se lancer dans 124 Entretien Vincent Colas Focus Group Brice Viltard 126 Entretien Sébastien Debs 125 Page | 40 l’eSport sans prendre en compte l’aspect social »127. Cette non prise en compte du social peut être très néfaste aux joueurs souhaitant se reconvertir puisque cela leur fermera les portes de tous types de prestations pour des marques, des sponsors, qui utilisent souvent les joueurs professionnels comme relais dans leurs actions de communication pour promouvoir leurs produits et services. Mais cela va plus loin car ne pas avoir de fanbase dû à une absence de réseaux sociaux rend très délicat, si ce n’est impossible une reconversion pour un joueur dans tout ce qui est lié à l’image, le métier de streameur en tête de liste. Restant ainsi seulement les métiers en lien direct avec les joueurs comme ceux de coach et de manager, ou bien les fonctions afférentes à l’encadrement et au business qui ne requierent pas de façon obligatoire d’avoir une fanbase. Par ailleurs, Brice Viltard parle d’autres qualités à avoir qui ont été encore peu abordées. Pour les fonctions comme coach et casteur par exemple, « avoir une voix audible et être rigoureux dans la préparation des casts » semble très important pour les casteurs tandis que les « coachs doivent être pédagogue, à l’écoute de leurs joueurs »128. Ainsi, les qualités nécessaires peuvent donc demandées du travail aux joueurs pour les maîtriser puisque l’on voit que toutes ne sont pas innées. Pour finir sur les qualités et compétences permettant d’agir en faveur d’une reconversion réussie, il convient ici de prendre appui sur les propos de Danny Abdourahim129, qui résume très bien cela. Pour lui, la reconversion a plus de chances d’aboutir si trois éléments sont réunis, à savoir : avoir accumulés des « performances de haut rang » sur son jeu de prédilection, avoir une bonne « visibilité » et avoir des « relations » avec les personnes influentes de son secteur d’activité. De ce constat découle le schéma suivant : Performances Triangle des conditions idéales pour la reconversion d’un joueur professionnel d’eSport Relationnel Légende : Milieu du triangle = Niveau 0, reconversion quasiment impossible. = Niveau 1, reconversion très difficile. = Niveau 2, reconversion possible mais requiert un certain nombre d’effort. = Niveau 3, reconversion facilement envisageable. Visibilité Par conséquent, on comprend aisément qu’il ne suffit pas juste d’être bon sur l’un de ces trois domaines, mais bel et bien d’être plutôt bien positionné sur ces trois dimensions. Plus les trois flèches se rapprochent des extrémités du triangle et plus le joueur a des chances de se reconvertir dans l’eSport. On peut ainsi considérer qu’un ancien joueur comme Bruce Grannec possédait ces trois composantes étant donné la reconversion plus que réussie qu’il a su entreprendre. Le joueur professionnel d’eSport : un réel produit marketing ? Cette interrogation, sur laquelle toutes les personnes interrogées ne se sont pas penchées, reste malgré tout au cœur du thème. Les joueurs professionnels d’eSport se doivent de soigner au mieux leur image, d’une part pour honorer des contrats de sponsoring par exemple, et d’autre part, pour se forger une fanbase assez conséquente permettant de préparer au mieux leur reconversion. Ainsi, cela peut laisser à penser qu’ils peuvent être perçus comme des produits marketing. Néanmoins, cette étiquette de produit marketing n’est pas quelque chose qui colle à la peau des joueurs dès leur début de carrière. Un joueur ne nait pas comme un produit marketing, il le devient. C’est en tout cas l’avis de Dylan Bouvier. Pour lui, les joueurs 127 Entretien David Guillet Focus Group Brice Viltard 129 Entretien Danny Abdourahim 128 Page | 41 professionnels sont d’abord vus comme des athlètes, et « deviennent un produit marketing au fil du temps »130. Cette notion d’évolutivité du statut des joueurs professionnels d’eSport à l’égard d’une position de produit marketing est reprise par la plupart des participants au focus group. En réfère le point de vue de Vincent Joumel qui affirme que l’on devient un produit marketing après avoir fait ses preuves. Tandis que Brice Viltard souligne le fait que même pour Faker, un des joueurs d’eSport les plus connus sur la scène professionnelle League Of Legends évoluant au sein de l’équipe coréenne SKT, il a dû « apprendre à devenir un produit marketing » car ce n’est en rien quelque chose de naturel pour les joueurs. Par ailleurs, Sébastien Debs va plus loin dans l’analyse des joueurs comme produit marketing en prenant l’exemple de la scène professionnelle DOTA 2. Certes, l’image des joueurs est traditionnellement exploitée par leur sponsor « gear », matériel puisque ces derniers savent très bien que les fans de tel ou tel joueur vont avoir une certaine préférence à acheter les mêmes souris, ordinateur, casques que leur idoles, permettant ainsi d’augmenter ses ventes. D’après Sébastien Debs, cela dépasse ce simple cadre puisque les joueurs professionnels sur DOTA 2 « sont des vedettes ».131 Situation qu’il explique par le fait que ces joueurs peuvent créer des mouvements de foules juste en arrivant sur le lieu d’une compétition par exemple. Un dispositif de sécurité doit alors constamment être mis en place pour éviter tout type de débordement. Il en est de même pour les séances d’autographes qui se doivent d’être très encadrées pour qu’elles ne soient pas interminables et garantissent la sécurité des joueurs. Enfin, il note également le fait que les joueurs sont amenés à devenir des produits marketing lorsqu’ils atteignent le meilleur niveau mondial. A l’inverse des participants au focus group, il nuance cela en précisant que certains joueurs n’arrivent pas à tenir cette image là puisque certains « sont très renfermés sur eux-mêmes et sont effrayés par ça. » Par conséquent, disons que n’importe quel joueur professionnel d’eSport, à partir du moment où il évolue au plus haut niveau sur son jeu, est susceptible de devenir le relais d’un certain nombre de marques, et donc, de devenir en quelque sorte un produit marketing. 130 131 Focus Group Dylan Bouvier Entretien Sébastien Debs Page | 42 2.2. Le métier de joueur professionnel d’eSport et son besoin de réglementation HYPOTHESE 2 : L’évolution du cadrage juridique de l’eSport conjointement construite par la sphère politique et les acteurs phares de cette industrie française permettra de règlementer le métier de joueur professionnel Tout d’abord, il convient de faire une petite autocritique de l’hypothèse de recherche préalablement choisie ici. En effet, il semble qu’elle soit légèrement erronée, dans le sens où les propos qui vont suivre dans cette partie purement juridique vont se basés d’une part sur la connaissance du cadre législatif du métier de joueur professionnel d’eSport par les personnalités interrogées. Et d’autre part, ils seront confrontés à la réalité des avancées suite au rapport intermédiaire de mission publié par les individus chargés de mission eSport. A savoir le sénateur Jérôme Durain et le député Rudy Salles, mandatés par le premier ministre Manuel Valls le 18 janvier 2016. Contexte législatif dans lequel les joueurs professionnels évoluent : Pour commencer, il convient de rappeler qu’à l’heure actuelle, les joueurs professionnels d’eSport français n’ont pas de réel statut juridique, même si nous avons pu voir dans la partie théorique que le statut de joueur professionnel est désormais reconnu par la sphère politique. La sphère législative, quant à elle, n’a pas encore finie de statuer sur l’eSport. Ce constat est alors logiquement partagé par les interlocuteurs interrogés. De ce fait, il n’y a rien d’étonnant à voir que les trois joueurs professionnels qui ont été interrogés se rejoignent sur le point suivant : le manque d’informations dont ils disposent dessus actuellement. Sébastien Debs résume habilement cette situation en plaçant ce statut des joueurs professionnels français comme étant dans une sorte de « flou artistique »132, expression qu’il reprend à maintes reprises tant les informations sont délicates à décrypter sur ce sujet. Pourtant, il m’a confié avoir participé à quelques tables rondes sur le sujet pour aider les personnalités politiques à réagir face à cette situation, prouvant par conséquent la conscience de la sphère politique pour cette problématique. Dans les faits, au lieu d’évoquer le statut actuel des joueurs professionnels d’eSport français, il semble davantage légitime de parler du vide juridique autour de ce dernier. Ce qui fait écho aux propos du joueur professionnel Sébastien Debs. Flou artistique que Vincent Joumel133 décrypte en disant tout simplement que légalement, cette activité de joueur professionnel de jeux vidéo n’existe pas encore en France. Pour autant, dès que l’on commence à creuser cette problématique auprès des différents interlocuteurs, on découvre facilement qu’ils connaissent plus d’informations qu’ils ne le pensent. Ce qui nous amène à aborder la thématique de l’auto-entrepreneuriat. En effet, les joueurs professionnels d’eSport, par manque de réel statut auquel se raccrocher, ont presque tous adoptés ce statut puisque ce statut de secours, à l’air d’être celui qui leur est le plus adapté dans le mille-feuille juridique constitué par le droit du travail français. C’est le cas de David Guillet. Le joueur de chez Millénium évoque les raisons de son choix vers ce statut d’auto-entrepreneur. Pour lui, œuvrer en tant qu’auto-entrepreneur semble être le meilleur choix puisqu’il fallait bien qu’il puisse légalement réaliser ses « animations, prestations pour des sponsors »134 qui ont souvent lieues dans le cadre de salons et tournois d’eSport. En bref, cela lui permet de légitimer son activité, en pouvant établir des factures pour des prestataires. Toutefois, le hasard des entretiens fait que les autres joueurs interrogés n’ont visiblement pas forcément le même statut. Danny Abdourahim, joueur FIFA chez Vitality, explique qu’il a tout simplement un contrat d’un an qui le lie avec sa structure mais n’en sait pas plus. Rendant difficile l’analyse. Tandis que pour Sébastien Debs, cela semble être encore un autre cas de figure tout simplement parce que ses gains de tournois vont « au Liban » car il a la « double nationalité 132 Entretien Sébastien Debs Focus Group Vincent Joumel 134 Entretien David Guillet 133 Page | 43 franco-libanaise »135. Le constat est alors assez simple. Point de consensus ici mais une chose est sûre, il y a un manque d’informations officielles évidentes puisque les joueurs ne sont pas contre le fait d’avoir un vrai statut davantage cadré. Au contraire, ils souhaitent en règle générale être guidés sur la marche à suivre pour sécuriser leur activité. Enfin, une dernière information que l’on a pu découvrir en partie théorique, à savoir la possibilité qu’en France, des CDD de joueurs professionnels voient le jour dans un avenir proche, s’est également retrouvée dans les entretiens. Montrant que certaines personnalités agissant dans l’économie eSportive hexagonale comme Jérémy Girardot, qui gère la carrière de plusieurs joueurs, tentent tout de même de s’informer davantage bien que ce soit encore difficile. Premièrement, il fait écho à la mission parlementaire en rappelant que la volonté de l’état français est de « proposer un statut officiel et légal pour les joueurs de jeux vidéo »136. En évoquant ensuite très bien le CDD de joueur professionnel qui est à l’étude. De plus, il ajoute d’autres informations intéressantes comme le fait que ces contrats pourraient «être compris entre 1 et 5 ans » et qu’ils pourraient « voir le jour entre septembre et octobre 2016 » d’après les informations qu’il a recueilli auprès de l’Association France eSport peu de temps avant l’entretien. Cette information, tend à renforcer le flou artistique autour de ce statut puisque le sénateur Jérôme Durain, quant à lui explique que le dispositif législatif évoqué dans le rapport de mission sur l’eSport en France, qui régira plusieurs problèmes comme les visas pourrait entrer dans les faits en fin d’année, et non vers septembre ou octobre. Toutefois, il précise au moment de l’entretien, à savoir le 08 juillet 2016 que la procédure parlementaire « est arrivée à son terme avec une commission mixte parlementaire conclusive »137. En d’autres termes, cela signifie qu’il ne reste plus qu’à la loi d’être appliquée, ce qui peut encore prendre du temps car cela s’accompagne naturellement de décrets et ou de circulaires qui doivent être établis d’ici là. Malgré cela, il ne devrait pas y avoir beaucoup de surprises d’après ses dires car la Loi devrait suivre en grande majorité les propositions du rapport de mission publié en mars 2016. L’avenir en dira donc plus sur cette thématique encore un peu floue. Eléments à réguler pour les joueurs professionnels en France ? Un certain nombre d’éléments vont être régulés pour les joueurs professionnels d’eSport en France comme cela a été abordé précédemment. Toutefois, selon la position que l’on a dans l’eSport, la perception des éléments à réguler est amenée à varier parfois assez sensiblement. Par exemple, pour Danny Abdourahim, la priorité sur la scène FIFA consiste faire évoluer le circuit de tournois professionnels organisés. Il estime ainsi qu’il faudrait peut-être un « circuit un peu plus assidu »138, mais aussi plus de gros tournois avec des cashprizes un peu plus important. Cela semble être une étape majeure à FIFA pour permettre une professionnalisation plus large des joueurs. Le plus gros tournoi de la saison, à savoir la FIWC, ne permet par exemple que de gagner 20 000 euros pour le vainqueur tandis qu’il souligne que la moyenne des tournois tourne autour de 500 et 1 000 euros. Toutefois, il précise que ce processus de professionnalisation ne pourra pas se poursuivre si les sponsors ne suivent pas. Hormis le fait de réguler les compétitions d’eSport ainsi que les cashprizes, les participants au focus group insistent davantage sur le besoin de reconnaissance générale du métier de joueur professionnel d’eSport, à la fois par les instances publiques, mais aussi par les médias, et par adéquation, par le grand public. Ce qu’exprime Brice Viltard en soulignant qu’il faudrait qu’un joueur professionnel d’eSport soit reconnu au même titre que de dire que l’on est joueur professionnel de football. On en déduit ainsi que le stéréotype du geek qui ne sort jamais de chez lui et ne plait pas à la gente féminine doit être fermement combattu afin qu’il disparaisse. Dylan Bouvier relève le fait que cette pratique « paraîtra normale pour tout 135 Entretien Sébastien Debs Entretien Jérémy Girardot 137 Entretien Jérôme Durain 138 Entretien Danny Abdourahim 136 Page | 44 le monde dans vingt ans »139. Cette projection dans le futur aborde la notion de normalisation. On entend par là que l’eSport a de bonnes chances d’être totalement rentré dans les mœurs lorsqu’une nouvelle génération d’élus gérera l’état français. En effet, à l’heure actuelle, seuls les élus français qui ont été réellement confrontés à l’eSport tendent à appréhender les enjeux de son développement, comme ce fut le cas du discours du maire de Poitiers lors de la Gamers Assembly, évoque Brice Viltard. Toutefois, Vincent Joumel ne voit pas l’implication des hommes politiques français comme étant uniquement dirigée par l’envie de faire sortir ce secteur d’une anomalie juridique. Il aborde en effet la notion du rythme électorale propre au système démocratique français et s’inquiète que ces évolutions sur l’eSport ne soit pas « suivis, reprises voire laisser tomber »140 après les prochaines élections présidentielles. Evidemment, cette thèse de la stratégie politique d’accompagnement de l’évolution de l’eSport pour être bien vu ou se racheter une image auprès des jeunes fans de jeux vidéo et d’eSport tend à ne pas être valable tant les parlementaires ont agis en faveur d’une règlementation du statut des joueurs professionnels français qui semble indispensable au plus grand nombre, et surtout aux personnes concernées, à savoir les joueurs et leur entourage. D’autre part, du focus group est également ressortie l’idée que le développement d’une véritable fédération eSportive nationale ou européenne pourrait être un moyen efficace pour favoriser une meilleure régulation de l’eSport. Proposition délicate à mettre en place pour deux raisons. La première est que l’eSport est composé d’une grande multitude de disciplines, ce qui n’est pas le cas du football par exemple, souligne Dylan Bouvier. Tandis que Valentin Tramier aborde le cas des éditeurs des jeux vidéo. En effet ces derniers ont déjà un rôle très puissant dans la régulation de l’eSport. Leur laisser l’opportunité de faire partie d’une possible fédération leur donnerait encore plus de pouvoir et rendrait cette régulation très difficile puisque les jeux vidéo qu’ils créent leur appartiennent. Il semble qu’il faudrait avoir un contre-pouvoir pour avancer. Enfin, pour Sébastien Debs141, cela lui semble logique et normal de réguler les gains en compétition, les salaires ou encore les visas par rapport au statut des joueurs professionnels d’eSport fraçais. Toutefois, il précise que les joueurs étrangers venant en France pour s’entrainer lorsqu’ils ont déjà un très bon niveau le font davantage pour des raisons de serveurs que pour trouver un cadre d’entrainement plus propice. Il ajoute au niveau des salaires des joueurs que cela doit être « encadré comme les autres salaires ». Comme cela fut très peu remis en question par les autres interviewés, on peut ainsi en déduire que les joueurs sont favorables au fait d’évoluer dans un statut légal davantage cadré. Par ailleurs, deux derniers points avancés par Sébastien Debs sont intéressants à relever. En premier lieu, le cas de la régulation des cashprizes. Pour lui, cela ne doit pas être fait au détriment des joueurs, compte tenu de la difficulté de percer au plus haut niveau, des carrières courtes, et surtout de la frustration engendrée par le fait de rendre presque la moitié, voire plus de ses gains obtenus durement en compétition la taxe sur ces gains affectent directement les joueurs. Un système plus judicieux consisterait alors à faire supporter cette potentielle taxe par les organisateurs, en la prélevant à la source. Ce qui permettrait aux joueurs de toucher des gains qui soient directement du net. D’autre part, l’opinion du joueur sur la position juridique dans laquelle se situe le secteur de l’eSport français apporte une conclusion sur cette thématique. En effet, il trouve que c’est une bonne chose de réguler la situation du statut des joueurs mais souligne le fait que l’eSport arrive à un moment où dans sa globalité, « il va y avoir de très gros problèmes juridiques », puisque les disciplines appartiennent aux éditeurs de jeux. Peut-être faudra-il d’ailleurs avancer en concertation avec ces acteurs à chaque étape de régulation du système eSportif français. 139 Focus Group Dylan Bouvier Focus Group Vincent Joumel 141 Entretien Sébastien Debs 140 Page | 45 Acquis potentiels grâce à l’évolution juridique sur le statut des joueurs professionnel d’eSport en France : Il convient ici de présenter et d’analyser l’avis des interlocuteurs interrogés sur les acquis dont les joueurs professionnels d’eSport pourraient bénéficier suite à la reconnaissance du statut de joueur professionnel de jeu vidéo en France. Tout d’abord, il semble primordial de rappeler qu’un des buts premiers, si ce n’est le but premier de l’action des parlementaires concernant l’eSport, est comme le précise très bien Jérémy Girardot, de « permettre aux joueurs d’enregistrer leurs revenus légalement »142. Précisant de surcroit qu’à l’heure actuelle, les joueurs professionnels n’ont aucune sécurité. Ce besoin d’avoir une sécurité passera par l’obtention d’un certain nombre d’avantages que tout type de salariés dans n’importe quelle entreprise peut percevoir, tels que le droit au chômage, et la possibilité de cotiser pour sa retraite. A la lumière des entretiens, il est clair qu’encore une fois, les différents acteurs de l’eSport interrogés sont favorables à de telles évolutions. Danny Abdourahim met l’accent sur le fait de pouvoir se projeter dans l’avenir, chose très difficile, voire impossible au regard du statut actuel des joueurs professionnels d’eSport. Néanmoins, si cela se concrétise, il trouve que cela apportera que du positif puisque cela permettra de se forger un avenir dans un métier qui passionne les acteurs qui l’effectue. Opinion que rejoint Sébastien Debs qui énonce également que c’est important d’avoir une protection sociale, en nuançant toutefois ce point de vue. Précisant que l’accès à la protection sociale sera difficile à surveiller. En effet, il rappelle le fait que beaucoup de joueurs professionnels d’eSport travaillent de chez eux, et qu’il « est difficile de s’assurer de la volonté de la personne de percer »143. On en déduit aisément que le fait d’apporter un statut légal aux joueurs professionnels d’eSport français n’est qu’une première étape dans le processus de régulation de cette activité. Puisqu’il faudra certainement ensuite décider du moment auquel on accorde la possibilité à un joueur de toucher le chômage. Est-ce que le simple fait de signer au moins un contrat spécifique de joueur professionnel suffira ? Les joueurs devront-ils comme un salarié dans le privé, travailler un certain nombre de mois dans le cadre de ce type de contrat pour le toucher ? Autant de question qui ne trouveront certainement une réponse qu’après la première mise en application du projet de CDD de joueur professionnel d’eSport. Sa mise en place sera donc suivie de très près. Pour finir sur ce thème, la mise en application d’un tel processus de régulation pose la question des joueurs français évoluant à l’étranger pour des structures étrangères. Situation mise en évidence lors du focus group par Brice Viltard144, qui prit l’exemple du joueur français Paul Boyer, alias « Soaz », évoluant pour l’équipe professionnelle espagnole Origen sur la scène compétitive européenne League Of Legends. Il travaille, vit en Espagne et représente sa structure espagnole, alors ou devra-t-il cotiser pour son chômage ou sa retraite si un tel type de contrat pour les joueurs professionnels d’eSport français voit le jour ? D’où la nécessité de pourquoi pas se pencher dans un second temps sur un statut européen, même s’il y a très peu de chances que cela voie le jour dans un avenir proche puisque l’on ne connait pas encore les répercussions de la mise en place du statut français. Ces évolutions législatives : vectrices de sécurisation du métier de joueur professionnel d’eSport, d’expansion du nombre de joueurs professionnels en France ou les deux ? Cette dernière problématique qui découle de cette partie juridique sera étudiée afin de tenter de se projeter dans l’avenir après la mise en place du statut des joueurs professionnels d’eSport français. Avant tout, il est clair que la volonté première est d’apporter une sécurisation autour du métier de joueur professionnel. En témoigne les propos du sénateur Jérôme Durain qui précise que le rapport « préconise » cette sécurisation et qu’elle « peut 142 Entretien Jérémy Girardot Entretien Sébastien Debs 144 Focus Group Brice Viltard 143 Page | 46 naturellement contribuer au développement »145. Ce qui montre que les deux éléments sont liés. Jérémy Girardot, qui a eu la curiosité de se renseigner sur le sujet, comme évoqué précédemment, rejoint le sénateur sur la nécessité de sécuriser le statut des joueurs mais ajoute une dimension supplémentaire dans l’équation. Pour lui, ce statut pourra être « très contraignant pour les structures »146. Il appuie son propos en expliquant que cette sécurisation du statut des joueurs va les faire arriver dans le milieu de l’emploi. Milieu dans lequel les entreprises sont souvent frileuses quand il est question d’embaucher de nouveaux salariés. Une solution à ce problème serait selon lui que cette reconnaissance juridique du statut des joueurs soit accompagnée par une reconnaissance médiatique importante, pour permettre à l’eSport de se développer davantage. Elément important, il faudra bien trouver une solution pour que les gérants de structures eSportives soient en mesure de payer des cotisations sur les contrats des joueurs d’eSport qu’ils emploient. Lorsqu’il est question de savoir si ce statut permettra au nombre de joueurs d’eSport de croître sur le sol français, Jérémy Girardot se montre plus prudent car il pense tout simplement qu’il « faut plus d’argent dans l’eSport » pour avoir plus de professionnels. De plus, il faut retenir le fait qu’il est peut-être un peu difficile de se prononcer sur cette question, sans être très au fait des évolutions du statut. A noter néanmoins que les joueurs David Guillet et Danny Abdourahim partagent l’avis qu’une sécurisation dans un premier temps, semble nécessaire et que cela doit passer par un bon encadrement. De surcroit, le débat du focus group fait écho aux propos de Jérôme Durain puisque les participants pensent également, en majorité que la régulation du statut des joueurs professionnels d’eSport apportera « un peu des deux ». C’est en tout cas ce qu’avance Vincent Joumel qui soumet l’idée que davantage de monde « voudra intégrer l’eSPort et tenter sa chance à partir du moment où il sera plus sécurisé »147. Enfin, il semble aussi que pour répondre à cette problématique, il faudra trouver une solution pour quantifier plus précisément le nombre de joueurs professionnels. Ce qui sera probablement plus simple à réaliser si le contrat spécifique de joueur professionnel voit le jour, levant ainsi le voile sur le caractère aléatoire actuel de la quantification du nombre de joueurs professionnels français évoqué par le sénateur Jérôme Durain. 145 Entretien Jérôme Durain Entretien Jérémy Girardot 147 Focus Group Vincent Joumel 146 Page | 47 2.3. Mode de vie des joueurs professionnels d’eSport HYPOTHESE 3 : La professionnalisation des joueurs d’eSport passe par l’adoption d’un mode de vie similaire aux sportifs professionnels de haut niveau. Dans l’optique de déterminer un profil de mode de vie des joueurs professionnels d’eSport le plus précis possible, il conviendra ici d’analyser les différentes composantes de leur quotidien. Ce qui servira également à se forger un avis par rapport aux similitudes avec le mode de vie des sportifs professionnels de haut niveau. Analyse des différents modes et conditions d’entrainements des joueurs professionnels d’eSport français : Il est clair qu’au niveau professionnel, l’entrainement est une composante essentielle du mode de vie des joueurs professionnels d’eSport. Composante à plusieurs visages selon l’angle d’attaque que l’on choisit. Puisque la méthodologie d’entrainement, ainsi que le nombre d’heures par jour et par semaine est sensiblement variable. Tout d’abord, cet entrainement varie selon les jeux vidéo d’eSport. Dans les jeux qui se pratiquent en équipe comme les MOBA et les FPS, un entrainement minimal journalier s’étend sur une durée d’environ 7 à 8 heures, d’après Sébastien Debs, joueur professionnel de DOTA 2. Propos qui coïncident avec ceux tenus par les participants du focus group qui précisent que les équipes professionnelles européennes sur League Of Legends s’entrainent entre 8 et 10 heures par jour en moyenne, d’après les reportages sur les conditions de vie des équipes professionnelles que l’on peut facilement trouver sur internet en tapant le nom d’une équipe professionnelle comme FNATIC ou Cloud9 suivi de Gaming House tour sur Youtube par exemple. A noter également que les méthodologies d’entrainement peuvent aussi varier selon les équipes sur un même jeu comme l’explique Valentin Tramier qui pointe la différence entre l’équipe Origen pour laquelle les joueurs auraient un peu plus de liberté dans leur fonctionnement d’entrainement et les Vitality qui auraient une période d’entrainement en individuel, appelée la Soloqueue sur League Of Legends un peu plus grande le soir. Certains jeux dénotent dans cet univers où l’entrainement peut durer aussi longtemps. C’est le cas de FIFA, la simulation sportive de football, pour lequel beaucoup de joueurs professionnels français s’entrainent moins en termes d’heures par rapport aux jeux majeurs d’eSport. En témoigne l’avis de Danny Abdourahim qui précise que l’entrainement passe souvent par « l’organisation de sessions de jeux régulières entre les membres d’une même équipe »148. Avec un rythme d’entrainement qui sera davantage intense suite à la sortie du nouvel opus qui se renouvèle chaque année aux alentours de fin septembre car beaucoup de joueurs estiment qu’il suffit de s’entrainer beaucoup après la sortie pour prendre en main le jeu et que le reste de la saison, ce sont plutôt des entrainements par vague, avec un coup de collier mis avant les grandes compétitions de la saison comme la Gfinity, l’EA Sport FC, l’ESWC et la FIWC. Une tendance assez franco-française que dénonce fermement Jérémy Girardot, coach et manager sur ce jeu. D’après lui, ce type de jeu mérite beaucoup plus d’entrainement que quelques heures par jour. Certes, il souligne le fait qu’à FIFA, le facteur chance à une certaine influence, comme pour les jeux de cartes en ligne comme Hearthstone, mais qu’un entrainement régulier et intensif permet de réduire ce facteur chance en compétition. Augmentant ainsi sur le long terme la possibilité de devenir régulier sur toute la durée d’une saison dans les plus grandes échéances. Ainsi, ce jeu gagnerait d’après lui à être pris plus au sérieux au niveau de l’entrainement par la communauté francophone pour réussir à rattraper son retard par rapport aux grands champions étrangers comme le joueur anglais Gorilla qui a presque tout remporté au niveau international sur le jeu FIFA 16 grâce à un entrainement un peu plus intensif. Enfin, un point crucial dans l’entrainement semble être l’aspect méthodologique. Evoqué par David Guillet, cet aspect est pour lui primordial au plus haut 148 Entretien Danny Abdourahim Page | 48 niveau. Certes, jouer 8 heures par jour à Street Fighter pour tenter d’atteindre le niveau des rares professionnels comme Louffy est une bonne chose. Y jouer sans être méthodique est destructeur. Pour lui, il ne faut donc « pas jouer pour jouer »149. Et c’est sur ce point que la différence entre un joueur qui restera toujours mauvais et un joueur qui deviendra un champion de son jeu s’établie. Car on comprend d’après ses propos que celui qui devient un champion a pris le temps de lire la notice, de se renseigner sur la métagame de son jeu, de rechercher les bonnes combinaisons pour chaque personnage, de comprendre ses erreurs pour progresser, mais aussi de faire des pauses entre ses séquences de jeu. Ainsi, cette notion de professionnalisme, de travail autour du jeu passerait alors par une grande rigueur et une méthodologie dans l’entrainement des joueurs d’eSport. Ce qui est au final un point commun assez partagé entre la plupart des disciplines eSportives même si toutes ne sont pas aussi avancées dans le professionnalisme qui encadre ces entrainements. L’importance d’une bonne hygiène de vie pour aborder les compétitions : Après avoir introduit la composante de l’entrainement dans le mode de vie des joueurs professionnels d’eSport. Le débat va s’attarder davantage sur l’hygiène de vie des joueurs au sens large du terme. A quel point cela peut jouer un rôle dans leur quotidien, mais aussi de comprendre à quelle point cela est important d’entretenir une hygiène de vie saine pour enchainer les bonnes performances en compétition, à l’instar d’un véritable athlète de haut niveau qui pratiquerait un sport dit traditionnel comme le football ou l’athlétisme. Pour Sébastien Sebs, avoir une bonne hygiène de vie est « capital pour être en pleine forme au moment où le match démarre »150, au même titre que dans le sport. Opinion qui concorde avec celle du joueur FIFA Danny Abdrourahim qui explique que cela fut l’un de ses points noirs lors de ses premiers pas sur la scène compétitive française. Avec l’expérience, il a su appréhender cette nécessité décrite par Sébastien Debs qui s’est traduite pour lui par le fait de pratiquer de la musculation en parallèle de son sport, le football, d’arrêter de fumer, d’adopter un rythme de sommeil meilleur ou encore « d’éviter les aliments excitants »151. On comprend donc que l’hygiène de vie est propre à chacun, c’est un ensemble d’éléments, qui mit bout à bout, permet tout simplement à un individu d’être en forme, d’être bien dans sa peau, plus reposé, et donc de performer davantage en compétition. Partageant cette analyse, David Guillet, rajoute des éléments qui peuvent paraître tomber sous le sens, mais qu’il faut tout de même évoqués car cela permet d’apporter de la substance à cette notion d’hygiène de vie. Pour lui, il est clair que cela dépend de chacun mais qu’il suffit « d’être adulte, d’être responsable »152 pour avoir une hygiène de vie correcte et ne pas se laisser emporter car les jeux vidéo ne doivent pas être la raison d’une hygiène de vie incorrecte. Un joueur d’eSport responsable sera alors en mesure de faire la part des choses entre ses besoins primaires, à savoir, manger, boire, aller aux toilettes, se laver, dormir et un besoin secondaire matérialisé par le fait de s’entrainer aux jeux vidéo. Ainsi, les joueurs pour lequel ces besoins passent après le jeu vidéo souffrent généralement d’une addiction et sont très loin de l’hygiène de vie des joueurs professionnels, qui eux savent en règle générale faire la part des choses, bien qu’il y ait quelques joueurs professionnels qui n’ont pas du tout une bonne hygiène de vie. Cette situation peut s’avérer bien réelle comme le décrypte Sébastien Debs qui a connu certains joueurs avoir une assez mauvaise hygiène de vie, avec peu de sommeil, et tournant « à dix Red Bull par jour et deux paquets de cigarettes et malgré tout ils font partis des meilleurs joueurs du monde »153. Situation qui peut surprendre vu de l’extérieur mais qui peut se comprendre aisément lorsque que l’on suit de très peu le phénomène eSport, tant on sait que « deux des plus gros sponsors de l’eSport sont Monster Energy et Red Bull », souligne-t-il. 149 Entretien David Guillet Entretien Sébastien Debs 151 Entretien Danny Abdourahim 152 Idem 139. 153 Idem 140. 150 Page | 49 Evidemment, tous les joueurs professionnels d’eSport ne consomment pas ce genre de boissons dans leur quotidien mais certains, qui peuvent être sponsorisés par ce type de marques, y sont davantage exposés. Ce qui amène le cheminement du débat vers le cas du dopage. Petit aparté sur le dopage qui fut une thématique abordée seulement dans l’un des entretiens, d’une part lié à son côté polémique et d’autre part car il n’était pas prévu de parler de cela à l’origine dans les guides d’entretiens. C’est en évoquant le cas de l’investissement des boissons énergétiques dans l’eSport que le débat a pris cette tournure. Pour Sébastien Debs, il est évident qu’il y a du dopage dans l’eSport car les « gens cherchent la manière d’être le plus performant possible »154, surtout que les montants des cashprizes deviennent de plus en plus faramineux. Ce qui fait de la question du dopage une des composantes dans l’hygiène de vie des joueurs professionnels à prendre en cause. Avec très peu d’études menées là-dessus, il est impossible de déterminer des données chiffrées mais on peut penser que l’hygiène de vie des joueurs va tendre vers une professionnalisation encore plus croissante, notamment lorsque beaucoup plus de tournois auront mis en place une politique de contrôle anti-dopage. Pour finir sur l’hygiène de vie, une autre parenthèse se doit d’être réalisée. Toujours d’après Sébastien Debs, l’adoption d’une bonne hygiène de vie peut également être bénéfique pour combattre le stress d’avant match. Ainsi chaque joueur a ses méthodes pour se déstresser. Au-delà du sport déjà évoqué, il souligne que cela peut aussi passer simplement par le fait de s’aérer l’esprit en écoutant de la musique, en s’isolant pour réfléchir, en voyant des amis, de la famille ou encore en sortant dehors, dans les heures qui précèdent un match de compétition en ligne par exemple. L’hygiène de vie des joueurs de haut niveau est alors une notion très pansémique qui possède une importance notable sur la performance des joueurs, ce qui fait assez consensus entre les interlocuteurs interrogés. Le rapport à l’alimentation des joueurs professionnels d’eSport : Autre composante propre au mode de vie des joueurs professionnels d’eSport, l’alimentation peut elle aussi jouer un certain rôle dans le niveau de performances en compétition des joueurs professionnels d’eSport. Il n’y a point de divergences ici pour établir ce constat puisque cela fut souligné dans presque tous les entretiens. Pour Jérémy Girardot, une bonne alimentation a un impact direct sur les performances à haut niveau mais cela n’est pas encore une constante sur un jeu comme FIFA. Pour lui, rares sont les joueurs à FIFA qui y prêtent attention. Toutefois, il souligne le fait que de nombreux joueurs FIFA pratiquent en parallèle du football, ce qui leur permet « d’avoir une hygiène de vie sauvée »155. Ce qui contraste avec d’autres jeux d’eSport, qui sont arrivés à des stades plus développés de leur professionnalisation comme League Of Legends ou DOTA 2. Dylan Bouvier met en avant le fait que plusieurs équipes professionnelles d’eSport sur League Of Legends ont une « personne qui fait à manger aux joueurs »156. Toutefois, cela ne signifie pas forcément que cette personne ne fait que ça pour l’équipe. Pour certaines équipes comme les FNATIC, cela peut être tout simplement le manager de l’équipe « qui fait la cuisine même si ce n’est pas son activité principale », précise Brice Viltard157. En effet, cela est assez logique puisqu’avoir un cuisinier dans les équipes professionnelles d’eSport n’est encore que très peu présent. D’une part, cela représente un coût économique que peu de structures peuvent se payer le luxe de supporter. Et d’autre part, la notion d’alimentation très surveillée, et contrôlée comme cela peut être le cas dans des clubs sportifs professionnels est à ce jour encore peu ancrée dans les mœurs des équipes professionnelles d’eSport. Ainsi, le cas de l’équipe Complexity sur le jeu DOTA 2 fait un peu figure d’épouvantail avant-gardiste dans ce milieu. Puisque Sébastien Debs souligne que c’est la première équipe sur ce MOBA, qui est pourtant le jeu sur lequel le plus d’argent circule au niveau des cashprizes, à avoir un cuisinier attitré. Car cette équipe 154 Entretien Sébastien Debs Entretien Jérémy Girardot 156 Focus Group Dylan Bouvier 157 Focus Group Brice Viltard 155 Page | 50 s’est certainement rendue compte de l’importance que les joueurs aient un bon régime alimentaire pour faire la différence au plus haut niveau, surtout quand on sait qu’une méforme passagère d’un seul joueur au cours d’un tournoi peut faire perdre à l’équipe plusieurs millions de dollars. Le fait d’avoir un cuisinier qui suit l’équipe à la fois au sein de la gaming house lorsqu’il y en a une, ainsi que lors des déplacements en LAN contribue à la réduction de ce risque. Cela est alors un champ des possibles qui faudra surveiller dans les années à venir au niveau de l’eSport. En dehors du simple fait d’avoir un cuisinier, qui on l’a vu, ne fait pas l’unanimité au niveau de l’eSport, celui d’avoir à termes un nutritionniste qui travaille pour une ou plusieurs équipes afin de guider les cuisiniers des équipes vers la mise en place d’un régime alimentaire encore plus sérieux dans la préparation des compétitions est encore plus délaissé à ce jour. Pour autant, Sébastien Debs évoque cet aspect comme un possible nouvel acteur entrant dans l’économie mouvante qu’est l’eSport. Puisque les joueurs d’eSport auraient tout à gagner à suivre un régime comme les grands champions sportifs dans la mesure où les gains possibles en tournois sont de plus importants. Tous les moyens légaux semblent intéressants à étudier pour améliorer ses performances. Dernier point sur la thématique de l’alimentation, Jérémy Girardot met l’accent sur le côté épuisant des compétitions eSportives. Selon lui, un moyen encore peu pris en compte dans l’eSport serait les compléments alimentaires au même titre que ce que l’on retrouve dans le sport traditionnel. Il établit un parallèle remarquable avec les marathoniens qui sont de plus en plus amenés à prendre des produits tels que des barres nutritionnelles, des gels énergétiques et les marques qui conçoivent et commercialisent ce type de produits nourrissant un intérêt de plus en plus marqué à l’égard des compétiteurs d’eSport. Pensant que l’apport énergétique de leur produit peut se révéler utile et efficace pour les joueurs d’eSport. Ainsi, il pense que le fait de prendre des gels « quelques minutes avant de jouer ou à la mi-temps d’une partie donnerait un apport énergétique instantané et donc aidera les joueurs à améliorer leur réflexes, leur concentration, leur hydratation. »158. Par ailleurs, un tout dernier aspect de l’alimentation concerne la consommation d’eau. En effet, Danny Abdourahim souligne l’importance de boire de l’eau au quotidien, pendant les entrainements mais aussi pendant les compétitions. Où le fait d’injecter beaucoup d’eau peut clairement influer sur l’état de fraicheur du joueur, mais aussi ses capacités mentales et physiques, ce qui peut faire la différence contre un adversaire de niveau proche ou égal en fin de journée après plus de 8 ou 10 heures de compétition par exemple. Tout ceci tendrait à rapprocher l’approche des compétitions par les eSportifs et les sportifs professionnels au niveau de l’alimentation à mesure que l’eSport se professionnalise. Comment les joueurs professionnels d’eSport agissent en faveur de la sauvegarde de leurs réflexes et d’une bonne santé ? Autre parallèle avec le sport, les joueurs d’eSport, se doivent d’adopter une stratégie de maintien de leurs réflexes et de leur santé à un niveau très élevé pour rester professionnel le plus longtemps possible au même titre qu’un sportif professionnel qui doit faire attention à son corps pour préserver ses capacités physiques. Toutefois, la différence avec le sport est que l’eSport ne permet pas de faire des carrières aussi longues que dans beaucoup de sport comme le football où les joueurs peuvent prendre leur retraite entre 34 et 38 ans environ. Disons que les carrières eSportives pourraient se comparer à celles des joueurs de football américains qui font des carrières de plus en plus courtes, environ 3 à 5 ans, en raison des très nombreux chocs qu’ils reçoivent au niveau de la boite crânienne. Néanmoins, il n’est pas question de chocs au cerveau pour les joueurs d’eSport mais plutôt de pertes de réflexes et de dégradation de la santé, notamment au niveau de la vue à combattre. Un premier moyen pour protéger sa vue est tout simplement de porter des lunettes de protection adaptées à la pratique compétitive des jeux vidéo. C’est quelque chose souvent délaissé au niveau des amateurs. A l’inverse, les 158 Entretien Jérémy Girardot Page | 51 joueurs professionnels sont souvent « sponsorisés par des marques de lunettes gaming comme Steichen Optics ou Gunnar »159, comme le souligne Valentin Tramier pendant le focus group. Autre moyen de protéger son corps aux risques de blessures, le fait de faire un échauffement avant les parties comme l’a mis en avant Dylan Bouvier est un élément quasiment indispensable au niveau professionnel tant le nombre d’actions par minute réalisées par les joueurs peut faire souffrir toute la partie articulaire allant des mains jusqu’au cou et aux épaules. Cela peut sembler fou pour des individus totalement étrangers au monde de l’eSport, mais Brice Viltard explique que « le fait de sous-estimer les risques de blessures au poignet par exemple peut coûter très cher »160 en précisant qu’il y a déjà eu des blessés comme le joueur Nitti au niveau des LCS, ligue de niveau professionnel de League Of Legends. Obligeant ainsi ce joueur à jouer désormais à une seule main, rajoute Dylan Bouvier. Ce qui prouve l’importance de veiller à la protection de sa santé. Il est déjà délicat d’atteindre le niveau professionnel sur un jeu d’eSport à l’aide de ses deux mains, alors c’est encore plus compliqué de continuer de progresser en utilisant seulement une main. Par ailleurs, il faut préciser que le fait de maîtriser à fond un jeu vidéo et d’agir en faveur de la sauvegarde de ses réflexes peut ne pas suffire pour rester au plus haut niveau sur certains jeux. C’est par exemple le cas des jeux de football comme FIFA et Pro Evolution Soccer (PES) qui sortent tous les ans, ou encore de certains FPS comme les Call Of Duty qui sont dans le même cas. Ainsi, sur ces jeux, certes le maintien de ses réflexes est une chose importante mais d’après Jérémy Girardot, c’est surtout la capacité d’adaptation du joueur face aux changements qu’il y a dans les jeux vidéo d’un opus à l’autre qui va l’aider à continuer de performer à très haut niveau. Il illustre son propos par le cas de Bruce Grannec « qui a gagné quatre titre de champions du monde dont deux sur PES et deux sur FIFA à des années différentes »161. Ce joueur d’exception est alors clairement la preuve que la capacité d’adaptation face aux changements est au moins aussi importante que le fait de préserver ses réflexes. Un autre élément développé par Jérémy Girardot, le cas du temps de réaction, très important dans tous les jeux d’eSport mais encore plus dans les FPS, rentre aussi dans la catégorie des capacités qu’il faut réussir à maintenir le plus longtemps possible pour continuer d’être joueur professionnel d’eSport malgré les années qui passent, entrainant de façon mécanique une certaine baisse des réflexes, du temps de réaction, qu’il faut savoir limiter. Enfin, Danny Abdourahim apporte une autre solution contribuant à lutter face à tous ces problèmes, à savoir le fait d’avoir un bon taux de sommeil. Pour lui, c’est clair que c’est « la base de tout »162. Ce à quoi il ajoute des faits importants comme éviter de fumer et plus globalement de rester à l’écart des drogues et de l’alcool. Cet ensemble de solutions, additionnées à toutes celles que l’on a abordées précédemment et au fait de continuer d’avoir une pratique d’entrainement régulière avec d’autres joueurs de haut niveau permettrait ainsi de se donner un maximum de chances de rester professionnel le plus longtemps possible. La notion d’analyse de parties au cœur d’un processus d’amélioration des performances eSportives ? Avant dernière thématique faisant partie du quotidien et plus largement du mode de vie des joueurs professionnels d’eSport, le cas de l’analyse de ses parties ainsi que de ses adversaires semble être une composante primordiale à travailler pour progresser. Si ce n’est plus que le simple fait de pratiquer les différentes techniques, approches de son jeu. Avant toute chose, il convient de préciser que cette notion d’analyse de parties, plus communément appelée analyse de games dans l’eSport, s’effectue à géométrie variable en fonction du degré de professionnalisation des différentes disciplines, de la volonté des joueurs et de leur équipe ou encore des différences de budget entre les structures pour travailler cet aspect. De ce fait, la 159 Focus Group Valentin Tramier Focus Group Brice Viltard 161 Entretien Jérémy Girardot 162 Entretien Danny Abdourahim 160 Page | 52 lecture des entretiens permet de comprendre que les jeux dans lequel circule le plus de deniers comme les MOBA League Of Legends, DOTA 2 ou encore le FPS Counter Strike ont déjà développés cet aspect dans les équipes à une échelle supérieure par rapport à bon nombre d’autres jeux. Sur League Of Legends par exemple, Brice Viltard explique que la plupart des équipes professionnelles ont une voire plusieurs personnes qui travaillent sur cet aspect. Ces individus, nommés analystes, apportent un degré de professionnalisme supplémentaire dans l’analyse qu’un coach fera de la technicité de chacun de ses joueurs ou encore de leur capacité à adopter telle ou telle stratégie en équipe pour tenter de gagner. Il complète son analyse en précisant que ce n’est pas encore « reconnu à sa juste valeur de manière générale dans l’eSport »163. Et cela en dépit de l’impact que cela peut avoir sur le jeu développé par les équipes qui bénéficient du travail d’un ou de plusieurs analystes professionnels. En effet, seules de rares équipes qui ont les moyens financiers prennent le temps de s’investir à la fois sur l’analyse et la préparation de parties. Et d’après Andréa Suchodolski, c’est un marqueur différenciant entre une équipe de niveau professionnel à League Of Legends qui évolue en LCS et des équipes semi-professionnelles françaises comme les Melty et Millénium qui « payent un coach mais pas d’analyste »164. Coachs qui doivent donc mener plus de travail en abordant autant qu’ils peuvent la question de l’analyse de games dans leur équipe pour palier à cette absence. Ce qui se fait sentir dans les résultats lorsque les équipes semiprofessionnelles affrontent des équipes professionnelles. Dernier point quant à la scène compétitive League Of Legends, on remarque aussi que les équipes professionnelles peuvent financer le travail des analystes, attirant plus facilement les meilleurs dans leur domaine, alors que les équipes semi-professionnelles font très souvent recours à des bénévoles pour endosser ce rôle pourtant très chronophage et complexe, le rendant tout naturellement encore plus difficile à mener. Pour continuer sur les jeux d’équipes, il convient de se pencher sur le cas du MOBA DOTA 2. Sébastien Debs s’attarde sur les raisons de l’importance de l’analyse de parties, ce qui n’avait pas été abordé à l’occasion du focus group. D’après lui, le fait de regarder et d’analyser les parties des autres professionnels et ses propres parties est quasiment plus « important que le fait de s’entrainer »165. Considérant ainsi qu’à partir du moment que deux joueurs de très haut niveau ont déjà toute la base technique pour être bon au jeu, ils ont presque dans ce cas le même niveau. La connaissance de ses propres limites pour savoir quoi travailler et comment progresser semble alors primordiale. Son exposé se poursuit par une métaphore qui a pour but de faire comprendre au plus grand nombre en quoi analyser des parties peut vraiment devenir un accélérateur de progression lorsqu’on le fait efficacement. Ainsi, pour synthétiser son propos, prenez un joueur qui joue 1 500 parties sur un personnage. Cette première étape lui permet de « le pousser à ses limites ». Dans un second temps, prenez un joueur qui regarde ce même joueur ayant fait 1 500 parties avec ce personnage. Le joueur qui le regarde aura économisé le fait de jouer environ 1 000 parties, et n’en aura plus que 500 à faire pour le maîtriser autant que l’auteur des 1 500 premières parties. Enfin, le troisième et dernier cas : prenez un joueur qui regarde ce premier joueur faire 1 500 parties tout en expliquant la méthodologie utilisée pour réussir à comprendre et maîtriser les tenants et les aboutissants de ce personnage. Le joueur qui aura suivi cela économisera cette fois-ci un temps énorme. Il lui restera que 4 ou 5 parties à faire pour maîtriser autant le personnage que l’auteur des 1 500 premières parties. Ce long exemple développé par Sébastien Debs permet de mettre en évidence la notion de mimétisme qui se cache derrière l’analyse de parties. Ce serait ainsi la capacité des joueurs à comprendre une action de jeu et à la reproduire le mieux possible, voire à l’améliorer qui permettrait aux meilleurs joueurs professionnels d’être toujours au-dessus du lot en emmagasinant une connaissance technique autour du jeu de plus en plus importante, qui couplée à leur capacité de prendre des décisions stratégiques en temps 163 Focus group Brice Viltard Focus group André Suchodolski 165 Entretien Sébastien Debs 164 Page | 53 réel, leur permet d’être les meilleurs. Sur ce point les professionnels d’eSport se rapproche en quelque sorte du sport traditionnel puisque une multitude de sports traditionnels sont façonnés autour de cette notion de mimétisme. Par exemple, un joueur de football qui veut apprendre à tirer les coups francs de la même façon que les plus grands spécialistes de l’histoire du ballon rond va s’attarder sur les vidéos de leur exploit pour les reproduire, voire essayer de perfectionner cette technique. Pour recentrer le débat, il semble important de mettre en exergue la différence notable entre League Of Legends et DOTA 2 puisqu’à DOTA 2, d’après les propos de Sébastien Debs, ce sont surtout les coachs qui s’occupent de ça alors qu’il y a des analystes payés pour ça dans les équipes professionnelles de League Of Legends. Ce qui corrobore avec le constat de départ énonçant le fait que l’analyse de parties diffère selon les jeux. Pour clôturer cette thématique, précisons que des différences existent aussi entre les jeux d’équipes, souvent plus professionnalisée avec un staff plus élargi autour des joueurs et les jeux d’eSport individuels comme FIFA et Hearthstone, où les joueurs doivent dans la grande majorité des cas, se débrouiller tout seul s’ils souhaitent investir du temps dans l’analyse de leurs parties et de leurs principaux concurrents au niveau professionnel. Deux témoignages font clairement écho à ce constat. Tout d’abord, celui de Jérémy Girardot, qui dénonce le fait que cette composante du quotidien des joueurs professionnels d’eSport ne soit pas développée à FIFA comme c’est le cas à League Of Legends. Certes, ces deux jeux d’eSport sont à des niveaux de professionnalisation totalement différents. Malgré cela, il trouve qu’il faudrait que les joueurs français se mettent à le faire eux-mêmes dans un premier temps, en attendant que la professionnalisation de cette scène compétitive permette pourquoi pas un jour que les rosters de joueurs sur FIFA puissent se payer le luxe d’embaucher des analystes pour qu’ils aident les joueurs à mieux repérer leurs écueils, et à progresser. Ce qui permettrait peut-être de performer encore plus au niveau international, où il existe déjà des joueurs étrangers qui ont totalement intégrés la partie analytique dans leur méthodologie d’entrainement au quotidien. Ainsi, le second témoignage sur FIFA, à savoir celui de Danny Abdourahim, permet de comprendre que cela commence à se mettre en place, timidement sur FIFA. Puisqu’il confie sa volonté pour la saison compétitive qui approche sur FIFA 17 d’intégrer cette composante dans son entrainement. Ce qui se traduit dans les faits par la détermination de s’enregistrer pendant les grandes compétitions pour pouvoir, à froid, analyser ce qui s’est bien et mal passé, afin de retravailler sur les détails techniques à améliorer pour être encore plus performant. Par conséquent, tous ces témoignages tendent à valider le fait que la notion d’analyse de parties est en bonne voie pour intégrer totalement le mode de vie et le quotidien des joueurs professionnels d’eSport, comme c’est le cas pour beaucoup de sportifs professionnels. La gestion des médias dans le quotidien des joueurs professionnels : qu’est-ce que cela implique et comment cela est géré ? Dernier thème à aborder dans cette troisième sous partie, la gestion des médias est également une des composantes qui affecte le quotidien et le mode de vie des joueurs professionnels d’eSport au même titre que les sportifs professionnels. En guise d’introduction sur ce thème, il faut préciser que les joueurs professionnels d’eSport ont désormais, et cela depuis quelques années, une réputation et une image à tenir en public et sur les réseaux sociaux. Puisque chacun de leur fait et geste, de leur propos sur la toile peuvent être interprétés. Sujet sur lequel Jérémy Girardot met en alerte les joueurs professionnels d’eSport en précisant que ces derniers ne « représentent pas seulement leur image dans les médias, mais aussi celle de leurs sponsors et de leur structure »166. C’est pourquoi il faut veiller à ne pas faire trop de fautes, à rester courtois pour ne pas entacher l’image des autres individus, entreprises qui gravitent autour des joueurs. A ce constat, le joueur Danny Abdrourahim ajoute la notion de société de 166 Entretien Jérémy Girardot Page | 54 consommation dans la balance. Selon lui, il est « essentiel et vital »167, de gérer ses réseaux sociaux seul en tant que joueur professionnel d’eSport. En effet ce côté très volatile que peuvent avoir les fans doit être pris en compte. En ce sens, le fait d’être inactif sur les réseaux sociaux peut tout simplement faire tomber un joueur dans l’oubli. Ce qui est doublement néfaste pour un joueur, car cela peut risquer de lui faire perdre des sponsors, mais aussi rendre plus difficile sa reconversion s’il n’a plus une image assez fédératrice et large sur les réseaux sociaux qui aurait pu lui permettre de s’assurer un avenir après sa carrière. De plus, une autre notion à prendre en compte lorsque l’on parle de gestion des médias est l’acceptation des critiques, qu’elles soient constructives ou non. En effet, un surplus de critiques négatives sur les performances d’un joueur d’eSport, au même titre que l’on critique la prestation des footballeurs après les matchs, peut avoir deux effets différents sur les joueurs en question. Situation que résume assez bien Valentin Tramier. Pour lui, c’est très simple, « soit les critiques mettent au fond le joueur, soit cela le fait rebondir et le rend meilleur »168. Ce à quoi Brice Viltard ajoute qu’il faut être capable en tant que joueur professionnel, d’oublier les critiques pour avancer. On en déduit ici que l’aspect psychologique est une composante importante dans cette gestion des médias. Ce qui n’est pas une chose simple à appréhender pour tous les joueurs. Pour preuve du caractère pansémique de la gestion des médias, l’entretien mené avec David Guillet permet quant à lui, de se tourner vers la notion de contrôle des informations dans le cadre des interviews et articles qui peuvent être fait sur un joueur professionnel. D’après lui, il est important d’être en mesure « de faire la part des choses quand tu te fais interviewer »169. Dans les faits, cela se traduit par le fait de faire attention à ce que l’on dit aux médias, peu importe leur nature : chaîne de télévision, radio, site internet, etc. Mais aussi de veiller à toujours demander un droit de regard avant publication d’une interview lorsque le joueur est directement impliqué. Bien que cela ne plaise généralement pas aux journalistes, c’est une méthode qui permet d’éviter certaines erreurs, ce qui est positif à la fois pour le joueur et le média qui compte publier des informations sur celui-ci. Car cela peut éviter un déferlement de la twittosphère sur un média qui aurait fait une erreur, ou une dégradation de l’image d’un joueur professionnel, et par extension de ses sponsors à cause d’une simple erreur d’un journaliste. Enfin, il semble intéressant de terminer sur le cas particulier de DOTA 2, jeu dont la professionnalisation des joueurs a été en grande partie possible grâce à l’implication des fans des joueurs dans le financement des cashprizes afférents aux principaux événements du jeu comme l’International, véritable vitrine du jeu qui a conçu son développement autour d’une logique de financement participatif, permettant aux fans d’améliorer considérablement le cashprize du tournoi, et par conséquent les gains possibles de leurs joueurs favoris. C’est en partie grâce à ça que le jeu DOTA est aujourd’hui le jeu vidéo le plus rémunérateur pour les joueurs professionnels. Et cela fort logiquement, puisque Sébastien Debs précisait que la dernière édition de l’International proposait un cashprize global d’environ 20 millions de dollars. Il en déduit que « les fans d’eSport ont construits l’eSport et l’ont financé ». On comprend alors mieux pourquoi, comme il l’évoque, « les joueurs ont conscience que s’ils sont là aujourd’hui, c’est grâce aux fans »170. C’est pour cette raison, que les joueurs d’eSport, d’une manière générale, et encore plus sur DOTA, se doivent être respectueux envers leurs fans, de leur montrer de l’intérêt. D’où le fait que la plupart des joueurs professionnels d’eSport gèrent au moins un de leurs réseaux sociaux, avec une préférence pour Twitter, permettant une plus grande interactivité et un lien plus direct avec les fans. Toutefois, Sébastien Debs fait part de son inquiétude quant à l’arrivée sur le devant de la scène de la nouvelle génération de joueurs d’eSport, ceux ayant environ 15 ans, qui n’auront « pas connus les tournois où on payait nous167 Entretien Danny Abdourahim Focus Group Valentin Tramier 169 Entretien David Guillet 170 Entretien Sébastien Debs 168 Page | 55 même notre billet et se battaient pour un casque audio. Eux ils arrivent et jouent pour 20 millions de dollars et ont directement des fans »171. Ainsi, on en déduit ici que la montée de la professionnalisation des scènes compétitives professionnelles eSpotives tend à modifier le schéma des relations entre les joueurs professionnels et leurs fans. Le risque étant que ce rapprochement de fonctionnement, qui starifie les jeunes joueurs comme on le constate aisément dans le football où la fanbase d’un joueur peut se forger quasiment du jour au lendemain, fasse perdre la tête à cette nouvelle génération de jeunes joueurs professionnels d’eSport qui pointe le bout de son nez. Un gros travail d’éducation et de mémoire devra certainement être mis en place par les structures les encadrant pour éviter que cette dérive touche l’eSport. Ce qui ne sera pas simple à faire puisque Sébastien Debs évoque déjà le fait qu’il y a déjà des très jeunes joueurs professionnels sur DOTA faisant partie de cette nouvelle génération qui refusent de très nombreuses interviews, et « ne renvoient pas l’ascenseur », pour reprendre ses mots. Par conséquent, la gestion des médias, au sens large du terme semble être une des composantes qui nourrit le plus de ressemblances avec le sport traditionnel puisqu’il est désormais essentiel, que ce soit pour un joueur professionnel d’eSport ou un sportif professionnel de prendre en compte cet aspect dans son quotidien et sa façon d’aborder sa profession pour que cela ne le rattrape pas. Il conviendra en outre, à la lecture de cette partie empirique, de statuer dans la conclusion sur la validité ou non des hypothèses de recherche évoquées en introduction à ce travail de recherche. 171 Idem 160. Page | 56 CONCLUSION DU MEMOIRE Analyse de la validité des hypothèses de recherche Il convient ici de statuer sur la validité des trois hypothèses de recherche de ce mémoire en fonction de l’interprétation des différentes informations qui sont ressorties des entretiens lors de la partie empririque. Il s’agit donc d’établir cette analyse hypothèse par hypothèse. HYPOTHESE 1 : Les joueurs professionnels d’eSport français ne sont pas préparés à leur reconversion professionnelle. Pour cette première hypothèse, il semble très délicat de trancher entre un avis totalement négatif ou totalement positif. Pour preuve, la plupart des interlocuteurs intéroggés étaient bien au courant des possibilités de reconversion après une carrière de joueur professionnel d’eSport, surtout pour celles qui restent dans ce domaine. A l’image des métiers de coach, manager, streameur, casteur par exemple. Malgré cela, l’étude a permis de comprendre que les joueurs professionnels d’eSport français ne sont pour le moment pas accompagnés par des tierces personnes ou structures, ou alors très peu, pour préparer leur reconversion professionnelle. Ce qui s’explique aussi par le fait que la première génération de joueurs professionnels français n’a, pour la grande majorité des joueurs, pas encore mis un terme à leur carrière de joueur professionnel. Par ailleurs, comme l’évoquait Sébastien Debs172, les reconversions auront davantage de chances de s’effectuer en dehors du monde de l’eSport, par simple manque de places dans le secteur eSportif. Il apparaît en effet impossible de replacer la totalité des joueurs professionnels d’eSport dans les structures eSportives actuellement en place sur le territoire français. Posant ainsi la question de la formation scolaire et académique. Point qui pose problème car tous les joueurs n’ont pas forcément fait d’études leur permettant de se reconvertir facilement dans un métier en dehors de l’eSport. Ainsi, il semble que cette hypothèse ne soit que partiellement validée. De facto, certes, les personnalités intérrogés ont une bonne connaissance de ce qu’ils peuvent faire dans l’eSport après leur carrière mais cela n’est pas suffisant pour dire que tous les joueurs professionnels d’eSport français sont bien préparés à un retour sur le marché de l’emploi que l’on pourrait caractériser comme étant plus traditionnel. HYPOTHESE 2 : L’évolution du cadrage juridique de l’eSport conjointement construite par la sphère politique et les acteurs phares de cette industrie française permettra de règlementer le métier de joueur professionnel Pour cette seconde hypothèse, il est encore plus dur d’y répondre puisque je me suis aperçu, en réalisant ce long travail qu’elle était peut-être mal choisie. En effet, il aurait été préférable de chercher à savoir si les joueurs professionnels d’eSport sont bien informés du cadrage juridique autour de leur profession et des évolutions à venir sur ce cadrage. Toutefois, il semble que cette hypothèse n’est également que partiellement validée. La raison est simple : d’une part, les entretiens menés et notamment celui avec le Sénateur Jérôme Durain ont permis de bien se rendre compte que le métier de joueur professionnel en France est entré dans un long processus de régulation. Mais dans le même temps, cela semble prématuré de dire que les évolutions du cadrage juridique de l’eSport permettront de totalement règlementer le métier de joueur professionnel. Il semble d’ailleurs préférable d’attendre la mise en application de ces évolutions pour voir si elles seront bien adaptées aux spécificités de l’eSport. Peut-être aussi restera-t-il des zones d’ombres après les premières évolutions juridiques qui doivent voir le jour suite à la mission sur l’eSport des parlementaires Jérôme Durain et Rudy Salles ? En bref, tous les voyants semblent au vert mais on ne peut prédire totalement le futur, d’où la nécessité de rester prudent. 172 Entretien Sébastien Debs Page | 57 HYPOTHESE 3 : La professionnalisation des joueurs d’eSport passe par l’adoption d’un mode de vie similaire aux sportifs professionnels de haut niveau. Enfin, cette dernière hypothèse de recherche semble être totalement validée pour de multiples motifs. En effet, la multiplicité des points communs entre le mode de vie des joueurs professionnels d’eSport et celui des sportifs professionnels de haut niveau fut mise en avant dans presque toutes les sous-parties de la troisième partie de la partie empirique du mémoire. Les interlocuteurs intérrogés ont très souvent faits des parallèles avec le sport de haut niveau. Notamment au niveau de l’importance d’avoir une bonne hygiène de vie, de s’entrainer de manière efficace en adoptant une véritable méthodologie de travail, d’agir en faveur de la préservation de ses capacités motrices, physiques et mentales le plus longtemps possible ou encore la façon de gérer les médias. Au final, les seuls bémols à l’étude sur cette partie-là sont d’une part de ne pas avoir pensé au tout début à intérogger des sportifs professionnels pour les confronter à leur tour au mode de vie des joueurs professionnels d’eSport afin de voir si des similitudes se constatent dans les deux sens. Et d’autre part, de ne pas avoir défini plus profondément le mode de vie des sportifs professionnels de haut niveau. Bien qu’il soit propre à chaque sportif de haut niveau, et diffère selon les disciplines comme dans l’eSport, tenter d’établir un profil plus global de cette notion de mode de vie des sportifs professionnels aurait pu être intéressant. Pour conclure, ce qui permet aussi de valider cette hypothèse fut le fait de constater que les joueurs professionnels d’eSport évoluant dans les disciplines les plus professionnalisées comme DOTA 2 ou League Of Legends semblent avoir un mode de vie ayant plus de similitudes avec celui que l’on imagine d’un sportif professionnel, comparé à des joueurs professionnels d’eSport sur des jeux sur lequel la professionnalisation est moins marquée. Réponse à la problématique du mémoire Le développement de l’eSport en France permet-il la mise en place d’une dynamique de professionnalisation des acteurs de cette industrie économique ? Le cas des joueurs professionnels d’eSport. Suite au travail mené à la fois dans la partie théorique mais aussi et surtout empirique, il semblerait que l’on puisse répondre par la positive à la problématique du mémoire. Les notions d’évolution et de rapport au temps furent en effet très souvent abordées lors des entretiens, ce qui va dans le sens de cette réponse. En effet, en une dizaine d’années, les joueurs professionnels d’eSport ont vu un certain nombre de variables économiques évoluées à la hausse. A l’image des gains en compétitions et des salaires qui sont de plus en plus important bien qu’il y a de grandes différences entre certaines disciplines qui ne permettent pas aux joueurs professionnels de vivre uniquement de leur passion et d’autres qui leur permettent de bien vivre, et même d’économiser assez pour avoir le temps de voir venir l’après carrière. De plus, d’autres variables comme l’implication croissante des sponsors, celle des fans d’eSport qui financent de plus en plus la communauté, et la montée en puissance de l’intérêt d’acteurs émergents comme les médias traditionnels et les clubs de football qui ont des moyens pour investir dans l’eSport aident aussi à permettre la professionnalisation des joueurs professionnels d’eSport. Par conséquent, il semble que la dynamique de professionnalisation des joueurs professionnels d’eSport soit en marche et le développement de l’eSport sur le sol français n’y est pas étrangère. Relevons toutefois que cette dynamique est accentuée par le processus entamé de régulation de l’eSport qui a été évoqué à maintes reprises dans le corps du mémoire. Autocritique du mémoire Il s’agit ici d’évoquer dans un premier temps les pistes d’amélioration de ce travail et d’analyser les principales contraintes qui lui sont associées. Pour ce qui est des contraintes, il fut très délicat d’obtenir certains entretiens avec des joueurs professionnels d’eSport français que je souhaitais intérogger. En effet, sans connaître leur manager, et sans avoir leurs Page | 58 coordonnées, cela est très difficile. Il y a en quelque sorte une barrière à l’entrée dans le monde de l’eSport qui est assez dure à franchir lorsque l’on n’a pas beaucoup de connaissances influentes dans ce secteur. De plus, parmi la vingtaine de joueurs pour lesquels j’ai trouvé leurs coordonnées sur internet, seuls quelques uns ont répondus à mes messages et parmi eux, il y avait une part assez faible de joueurs répondant par la positive. Seconde contrainte de poids, la distance. Il est très difficile voire impossible de tomber sur des joueurs professionnels français résidant à proximité de nantes, mon lieu de stage, c’est pourquoi j’ai réalisé une grande partie de mes entretiens par Skype ou par téléphone car il m’aurait été impossible financièrement de me déplacer dans toute la France pour réaliser les entretiens. Malgré ces contraintes, les entretiens que j’ai obtenu était, il me semble très productifs et utiles pour aborder les thématiques de ce mémoire. Toutefois, des pistes d’améliorations sont à retenir s’il fallait le reproduire, l’améliorer, ou s’en servir comme amorce à la réalisation d’un travail plus lourd comme une thèse. Ainsi, il semble que l’hypothèse numéro 2, qui concerne la partie juridique aurait dû être simplifiée comme évoqué précédemment, voire supprimer en faisant deux sous parties plus étoffées sur les deux autres hypothèses, pour lesquels les interlocuteurs avaient beaucoup plus d’éléments à apporter. De plus, au niveau des hypothèses, il aurait peut-être été préférable de les fixer après la récolte des données empiriques pour éviter des situations un peu bloquantes comme ressenti avec l’hypothèse numéro 2. Autre élément qui paraît important, une sous-partie sur le dopage aurait pû être intéressante à mener dans la partie théorique car cela est certainement un sujet d’étude d’avenir pour l’eSport puisque ce fléau a déjà fait son apparition dans l’eSport, même si l’on semble encore loin des scandales que l’on a pû vivre dans le sport traditionnel avec du dopage souvent organisé comme pour l’affaire Festina en 1998 dans le cyclisme par exemple. Une autre piste d’amélioration aurait consistée à faire davantage d’entretiens avec des joueurs professionnels et à diversifier encore plus les jeux de prédilection des joueurs intérrogés. Chose délicate à réaliser étant donné le manque de réponses favorables des joueurs contactés pour cette étude. Néanmoins, j’aurai pu faire deux entretiens supplémentaires avec un peu plus de temps car deux autres joueurs avaient répondu favorablement, un sur le jeu Hearthstone et un sur League Of Legends. Ce qui pourra donc être fait lors d’une prochaine étude ou dossier sur l’eSport. Enfin, il faut souligner le fait qu’avoir réalisé ce mémoire permet d’envisager plus sereinement le fait de mener à l’avenir d’autres études, analyses orientées vers la recherche ou le journalisme eSport de terrain ce qui pourrait se traduire par des articles de fonds sur d’autres thématiques de l’eSport. Le cas de la place des femmes dans cette industrie économique émergente ou encore celui de l’implication exponentielle récente de la sphère sportive vers l’eSport sont des sujets dans l’air du temps sur lesquels il serait intéressant de se pencher avec attention. Page | 59 BIBLIOGRAPHIE - ADAMUS T. (2012) : « Playing computer games as electronic sport : in search of a theoretical framework for a new research field ». In : Fromme, J. and Unger, A., eds. 2012. Computer games and new media cultures : a handbook of digital games studies. Dordrecht : Springer, 477-490. - AMATO A. (2011) : « Les utilités du jeu vidéo sérieux : finalités, discours et mises en corrélation », Canadian Journal Of Learning and Technology, 37 (2), 1-19. - BAR-OR O. (1975) : « Predicting athletic performance » ; Physician and Sports Medecine, 3, 81-85. - BESOMBES N. (2016) : « Les jeux vidéo compétitifs au prisme des jeux sportifs : du sport au sport électronique », Sciences du jeu 5. - BESOMBES, N. 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