burnout internes anesthesie rea region ouest
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INTER REGION OUEST UNIVERSITE DE RENNES FACULTE DE MEDECINE RENNES 2 Année 2012 MEMOIRE pour l’obtention du diplôme d’Etudes Spécialisées en Anesthésie-Réanimation Présenté et soutenu le 30 Août 2012 Par Aurore DOMINIQUE Née le 22 janvier 1981 à Clamart BURNOUT DES INTERNES D’ANESTHESIE-REANIMATION EN FRANCE REGION OUEST Certification de la présente version Médecin responsable : Professeur Claude ECOFFEY Date et signature : BURNOUT DES INTERNES D’ANESTHESIE-REANIMATION EN FRANCE REGION OUEST RESUME Objectifs. - Déterminer la prévalence du burnout au sein de la population des internes d’anesthésieréanimation de la région universitaire Ouest en France et les facteurs de risques aggravants ou protecteurs éventuels. Matériels et méthodes. - Les 199 internes d’anesthésie-réanimation de la région Ouest ont été invités à répondre anonymement à un questionnaire électronique regroupant le Maslach Burnout Inventory (MBI) (22 items), des critères sociodémographiques (4 items), personnels (2 items), ainsi que professionnels objectifs et subjectifs (7 items chacun). Résultats. – Cent-vingt internes (60.3% de participation, 54 femmes (45%) et 66 hommes (55%)) ont collaboré à cette étude. Soixante-treize internes (60,8%) présentent au moins un score élevé de burnout dans l’une des composantes du MBI et 4(3,3%) des scores élevés aux trois composantes. Plusieurs facteurs professionnels tels qu’un stage effectué en réanimation, l’ancienneté, un nombre élevé de gardes, la ville universitaire ou des conflits hiérarchiques précipitent ce syndrome. Sur le plan personnel, une profession perçue comme stressante, le manque de temps libre, un burnout préexistant perçu ou une conduite addictive interviennent. Aucun facteur protecteur n’est mis en évidence. Conclusion. – Les internes d’anesthésie réanimation en France sont exposés au burnout. En région Ouest, une large majorité en présente les symptômes. Phénomène non virtuel, sa considération et sa prévention semblent essentiels. MOTS CLEFS KEY WORDS Internes Residents Anesthésie réanimation Anesthesia Reanimation Syndrome d’épuisement professionnel Burnout 2 INTRODUCTION Au-delà d’être un sujet à la mode, l’intérêt du syndrome d’épuisement professionnel ou burnout en France dans les professions médicales est grandissant car ses conséquences sont directes et réelles aussi bien pour le médecin atteint que pour les patients dont il a la charge [1-8]. La population d’anesthésiste-réanimateurs en constitue une cohorte particulière car plus à risques selon certains auteurs, eu regard à sa charge de travail, la nécessité de prendre des décisions en urgence, le rythme des gardes et les responsabilités directes sur la vie des patients [9-12]. En 1974, le psychiatre et psychanalyste américain Freudenberger est le premier à décrire ce malêtre chez des bénévoles de son centre d’aide aux toxicomanes [13]. Ce syndrome se caractérise par trois thématiques que sont l’épuisement professionnel émotionnel (fatigue et sensation de vide intérieur), la dépersonnalisation de la relation à l’autre (cynisme voire indifférence envers ses patients et collègues) et la diminution de l’accomplissement personnel (dévalorisation). Il touche des personnes non atteintes antérieurement et entrave leur comportement professionnel voire personnel. Il se distingue de la dépression et ne supporte aucune définition officielle, ne figurant pas dans la traduction du diagnostic and statistical manual - révision 4 (DSM-IV-TR). Le MBI est l’outil actuel de référence permettant d’évaluer le syndrome d’épuisement professionnel [14]. Créé et validé en 1986 par Susan Jackson, Michael Leiter et Christina Maslach, son interprétation distingue les trois composantes sus-citées en classant chacune d’entre elles en trois niveaux de burnout : bas, modéré et élevé. Une synthèse de chacune des composantes ainsi que leurs interprétations sont résumées dans le tableau 1. L’analyse de ce score ne peut être réduite à une seule dimension. Il n’est pas non plus licite de les additionner, ce qui en rend l’interprétation singulière. Cependant, un score élevé d’épuisement émotionnel ou de dépersonnalisation, ou un score bas d’accomplissement personnel suffisent à définir le burnout [15]. (Graphique 1) 3 Graphique 1- Niveaux des trois composantes du syndrome d’épuisement professionnel Les internes d’anesthésie-réanimation, futurs médecins anesthésistes-réanimateurs (MAR), constituent une population intéressante mais jamais étudiée spécifiquement ce qui motive ce travail. OBJECTIFS L’objectif principal de l’étude est de déterminer la prévalence du burnout chez les internes d’anesthésie réanimation de la région Ouest en France désignée par la synthèse de chacune des composantes du Maslach Burnout Inventory : l’épuisement émotionnel, le désinvestissement professionnel et l’accomplissement personnel. Les objectifs secondaires sont d’identifier les éventuels facteurs de risques (ou de protection) intrinsèques (d’ordre personnel sociodémographiques ou en lien avec le mode de vie) ou extrinsèques (d’ordre professionnel général ou organisationnel) qui pourraient s’en dégager ; connus, reconnus ou suspectés. 4 MATERIELS ET METHODES Une enquête régionale a été réalisée par questionnaire anonyme libre électronique auprès de tous les internes d’anesthésie réanimation de la région Ouest (associant les villes universitaires d’Angers, Brest, Nantes, Poitiers, Rennes, Tours) au cours de l’année universitaire 2011-2012; entre les 2 et 10 décembre 2011. Le questionnaire a été diffusé via les mails personnels de chaque interne d’anesthésie réanimation et comprenait 42 questions regroupant comme suit : - des critères sociodémographiques : sexe, situation familiale, enfant(s), ville universitaire d’enseignement; - des critères personnels : pratique hebdomadaire d’une activité sportive, conduite(s) addictives éventuelle(s) (alcool, tabac ou autre) ; - des critères professionnels : - objectifs : nombre de semestres dans la discipline et discipline du semestre en cours (anesthésie, réanimation ou hors filière), nombre actuel moyen de gardes par mois, présence ou non d’un repos systématique de sécurité, gardes effectuées en tant que sénior, remplacements professionnels, disponibilité professionnelle effectuée ou attendue ; - subjectifs : burnout éventuel déjà ressenti, niveau de stress global professionnel perçu, conflits hiérarchiques concomitants, niveau d’autonomie professionnelle perçu, crainte de problèmes juridiques, temps libre personnel et professionnel estimés, - et enfin le Maslach Burnout Inventory (MBI) regroupant 22 questions quantitatives déterminant ses trois composantes : épuisement émotionnel, désinvestissement relationnel et sentiment d’accomplissement personnel. (annexe) 5 Tableau 1- Echelles des trois dimensions du Maslach Burnout Inventory et interprétation Composante du MBI Définition Epuisement émotionnel manque d’énergie, sentiment de frustration, perte d’entrain Questions 9 Dépersonnalisation Déshumanisation, indifférence, attitudes impersonnelles voire cyniques envers les patients 5 Réduction de l’accomplissement personnel 8 Moindre estime de soi, dévalorisation du travail et de ses compétences Score Interprétation ; burnout ≤ 17 Bas 18-29 Modéré ≥30 Elevé ≤5 Bas 6-11 Modéré ≥ 12 Elevé ≥ 40 Bas 34-39 Modéré ≤ 33 Elevé Analyse statistique Les résultats quantitatifs ont été effectués par le test Anova et les résultats qualitatifs par le test exact de Fisher. Le seuil de significativité retenu est p<0,05. 6 RESULTATS Population 120 des 199 internes (54 femmes (45%) et 66 hommes (55%)) sollicités ont répondu au questionnaire, correspondant à un taux de réponse de 60,3%. Leur ancienneté par année est proportionnellement représentée (respectivement 14,2 ; 23,3 ; 24,2 ; 18,3 et 20%) ainsi que leur ville universitaire (respectivement 15,8% à Angers, 11,7% à Brest, 13,3% à Poitiers ; 28,3% à Rennes et 23% à Tours). Parmi eux, 69,2% vivent en couple et 18,3% ont des enfants. 50% déclarent avoir une activité sportive hebdomadaire régulière et 35,8% une conduite addictive (tabac 23,3%, alcool 11,7% ou autre 0,8%). Au moment du questionnaire, 50,8% se trouvent en stage d’anesthésie, 40% en réanimation et 9,2% hors filière. Sur le plan professionnel, le régime de gardes mensuelles est en moyenne respectivement de 3 à 5 gardes pour 59,2% d’entre eux et plus pour 40,8% ; pouvant s’agir de gardes d’internes (63,3%) ou de gardes non séniorisées (où l’interne est le seul médecin responsable de la garde) (36,7%). 94,2% de l’ensemble bénéficie du repos légal de sécurité. 25% considèrent ne bénéficier d’aucune autonomie professionnelle et 23,3% ont déjà effectué des remplacements privés. Près de la moitié des effectifs a déjà bénéficié d’une disponibilité professionnelle ou l’envisage (51,7%). La profession d’anesthésiste réanimateur est perçue comme stressante par 95,8% d’entre eux avec une qualification importante ou extrême dans 52,5% des cas. La majorité des internes craint ses répercussions juridiques (64,2%). Dix-huit internes (15%) déclarent faire face à des conflits hiérarchiques. Enfin, 54,2% et 56,7% d’entre eux considèrent bénéficier de temps libre personnel et professionnel suffisants. (Tableau 2) 7 Tableau 2 - Caractéristiques de la population des internes d’anesthésie réanimation répondeurs. Effectif n (%) Sexe Femme Homme Situation familiale Célibataire En couple Parentalité Oui Non Année d’internat 1 2 3 4 5 Ville d’internat Angers Brest Nantes Poitiers Rennes Tours Service Anesthésie Réanimation Hors filière Pratique d’un sport régulier hebdomadaire Oui Non 54 (45) 66 (55) 37 (30,8) 83 (69,2) Effectif n (%) Conduites addictives Non Tabac Alcool Autre 77 (64,2) 28 (23,3) 14 (11,7) 1 (0,8) Nombre de gardes mensuelles 3à5 Plus de 5 22 (18,3) 98 (81,7) Repos de sécurité Oui Non 17 28 29 22 24 (14,2) (23,3) (24,2) (18,3) (20) 19 14 16 14 34 23 (15,8) (11,7) (13,3) (11,7) (28,3) (19,2) 71 (59,2) 49 (40,8) 113 (94,2) 7 (5,8) Séniorisation des gardes Oui Non Remplacements effectués Oui Non Disponibilité effectuée ou envisagée Oui Non 60 (50) 60 (50) 8 Stress professionnel perçu Nul Faible Modéré Extrême Craintes juridiques Oui Non Autonomie professionnelle perçue Nulle Faible Normale 44 (36,7) 76 (63,3) Conflits hiérarchiques 28 (23,3) 92 (76,7) Temps libre personnel perçu 62 (51,7) 58 (48,3) 61 (50,8) 48 (40) 11 (9,2) Effectif n (%) Oui Non Suffisant Insuffisant Temps libre professionnel perçu Suffisant Insuffisant 5 (4,2) 52 (43,3) 55 (45,8) 8 (6,7) 77 (64,2) 43 (35,8) 30 (25) 60 (50) 30 (25) 18 (15) 102 (85) 65 (54,2) 55 (45,8) 68 (56,7) 52 (43,3) Syndrome d’épuisement professionnel Parmi les répondeurs, 28,3% déclarent s’être déjà considérés en burnout au cours de leur internat. Le score moyen d’épuisement émotionnel est de 14,2±10,3. Soixante-quinze personnes (62,5%) ont un score de burnout bas, 35 (29,2%) un score modéré et 10 (8,3%) un score élevé. La dépersonnalisation retrouve un score moyen de 9,2± 6,1, correspondant à 39 personnes (32,5%) en burnout bas, 40 (33,3%) en burnout modéré et 41(34,2%) en burnout élevé. Le score moyen d’accomplissement professionnel quant à lui est de 33,5±7,8 avec 30 personnes (25%) en burnout bas, 38 (31,7%) en burnout modéré et 52 (43,3%) en burnout élevé. Au total, 73 internes (60,8%) ont au moins une dimension élevée et 4 (3,3%) les trois simultanément. (Graphique 2) Graphique 2- Réponses au Maslach Burnout Inventory (nombre d’internes) 80 70 60 50 Burnout bas 40 Burnout modéré 30 Burnout élevé 20 10 0 Epuisement émotionnel Dépersonnalisation Accomplissement personnel 9 Facteurs en rapport avec la survenue d’un syndrome d’épuisement professionnel Facteurs en lien avec l’épuisement émotionnel Cette dimension est statistiquement plus élevée chez les internes se trouvant en stage de réanimation; percevant leur profession comme stressante et déclarant des conflits hiérarchiques. Le fait de percevoir un manque de temps libre personnel et professionnel ou encore de s’être déjà considéré en burnout sont également des facteurs confondants significatifs. Facteurs en lien avec la dépersonnalisation Ce score est statistiquement plus sévère chez les internes déclarant s’être déjà considérés en burnout et manquer de temps libre personnel. Il existe également une différence selon la ville universitaire d’enseignement. Facteurs en lien avec la perte de l’accomplissement personnel L’ancienneté (dès la 2ème année d’internat), la ville universitaire, le fait de se trouver en stage en réanimation, d’effectuer plus de cinq gardes par mois, d’avoir une conduite addictive sont des facteurs significativement reliés à un score élevé ; de même que le fait de manquer de temps libre personnel et de s’être déjà considéré antérieurement en burnout. Facteurs protecteurs Aucun facteur protecteur du syndrome d’épuisement professionnel n’est ici mis en évidence. (Tableau 3) 10 Tableau 3 - Facteurs en relation avec le syndrome d’épuisement professionnel chez les internes d’anesthésie réanimation en France région Ouest (partie 1/2) Sexe Situation familiale Enfants Année d’internant Ville d’internat Service Gardes mensuelles Repos de sécurité Séniorisation Stress perçu Femme Homme Célibataire En couple Non Oui 1 2 3 4 5 Angers Brest Nantes Poitiers Rennes Tours Anesthésie Réanimation Hors filière ≤3 Epuisement émotionnel Burnout Burnout bas modéré n=75 n=35 27 20 48 15 24 11 51 24 61 29 14 6 13 4 16 9 16 9 14 7 16 6 12 6 11 2 12 3 8 3 19 13 13 8 43 16 22 18 10 1 3 0 Burnout élevé n=10 7 3 2 8 8 2 0 3 4 1 2 1 1 1 3 2 2 2 8 0 1 4à5 >5 Non Oui Non Oui Non Faible Important Extrême 41 31 5 31 50 25 4 39 29 3 4 5 1 5 6 4 0 2 4 4 22 13 1 13 20 15 1 11 22 1 p ns ns ns ns ns 0,008 ns ns ns 0,001 Dépersonnalisation Burnout Burnout bas modéré n=39 n=40 15 18 24 22 10 14 29 26 31 33 8 7 5 7 9 10 7 10 8 7 10 6 6 7 5 7 5 5 5 5 12 9 6 7 20 22 12 16 7 2 2 0 Burnout élevé n=41 21 20 13 28 34 7 5 9 12 7 8 6 2 6 4 13 10 19 20 2 2 20 17 3 36 23 16 0 22 15 2 20 9 2 39 26 15 3 16 20 2 27 13 2 38 27 13 2 14 20 4 11 p ns ns ns ns 0,018 ns ns ns ns ns Accomplissement personnel Burnout Burnout bas modéré n=30 n=38 10 18 20 20 8 11 22 27 28 30 2 8 9 3 7 8 7 11 3 8 4 8 5 9 4 5 5 2 4 5 8 12 4 5 21 22 7 11 2 5 0 2 Burnout élevé n=52 26 26 18 34 40 12 5 13 11 11 12 5 5 9 5 14 14 18 30 4 2 22 8 1 29 20 10 3 12 14 1 21 29 5 47 30 22 1 24 24 3 24 12 1 37 26 12 1 16 17 4 p ns ns ns 0,028 0,008 0,011 0,006 ns ns ns Tableau 3 - Facteurs en relation avec le syndrome d’épuisement professionnel chez les internes d’anesthésie réanimation en France région Ouest (partie 2/2) Conduites addictives Sport hebdomadaire Remplacements Conflits professionnels Autonomie perçue Craintes juridiques Disponibilité professionnelle Temps libre personnel perçu Temps libre professionnel perçu Antécédent de burnout déjà perçu non Tabac Alcool Autre Non Oui Non Oui Non Oui Non Oui Non Oui Non Oui Non Oui Non Epuisement émotionnel Burnout Burnout bas modéré n=75 n=35 49 21 19 8 6 6 1 0 49 21 26 14 56 29 19 6 68 28 7 7 20 8 55 27 30 12 45 23 40 14 35 21 22 24 53 11 24 20 Oui Non 51 67 15 16 2 3 Oui 8 19 7 0,015 Dépersonnalisation Burnout Burnout bas modéré n=39 n=40 26 27 9 11 3 2 1 0 19 20 20 20 27 35 12 5 34 33 5 7 7 12 32 28 14 17 25 23 16 23 23 17 18 14 21 26 20 14 Burnout élevé n=41 24 8 9 0 21 20 30 11 35 6 11 30 12 29 19 22 23 18 18 0,005 19 35 26 30 23 21 4 10 20 Burnout élevé n=10 7 1 2 0 7 3 7 p 6 4 2 8 1 9 4 6 9 1 8 0,036 ns ns ns ns ns ns 0,004 12 ns Accomplissement personnel Burnout Burnout bas modéré n=30 n=38 20 28 7 8 3 1 0 1 13 17 17 21 24 28 6 10 24 36 6 2 6 9 24 29 16 9 14 29 15 18 15 20 9 15 21 23 8 18 Burnout élevé n=52 29 13 10 0 30 22 40 12 42 10 15 37 18 34 25 27 31 21 26 0,001 22 21 20 30 26 35 9 8 17 p ns ns ns ns ns ns ns 0,042 p 0,038 ns ns ns ns ns ns 0,005 ns 0,001 Facteurs confondants et nombre de dimensions élevées Certains facteurs tels qu’un stage en service de réanimation, un nombre de gardes mensuelles élevées, le fait de ne pas effecteur de remplacements professionnels ou encore de percevoir un manque de temps libre personnel ou de s’être déjà considéré en burnout sont des facteurs influençant significativement un nombre de dimensions élevées au MBI. (Tableau 4) 13 Tableau 4 - Facteurs influençant le nombre de dimensions élevées du MBI Sexe Situation familiale Enfants Année d’internat Ville d’internat Service Gardes mensuelles Repos de sécurité Séniorisation Stress perçu Conduites addictives Sport hebdomadaire Remplacements Conflits professionnels Autonomie perçue Craintes juridiques Disponibilité professionnelle Temps libre personnel perçu Temps libre professionnel perçu Antécédent de burnout déjà perçu Femme Homme Célibataire En couple Non Oui 1 2 3 4 5 Angers Brest Nantes Poitiers Rennes Tours Anesthésie Réanimation Hors filière ≤3 4à5 >5 Non Oui Non Oui Non Faible Important Extrême non Tabac Alcool Autre Non Oui Non Oui Non Oui Non Oui Non Oui Non Oui Non Oui Non Oui Non Oui 14 Nombres de dimensions élevées 0 1 2 3 20 17 14 3 27 30 8 1 13 17 5 2 34 30 17 2 38 41 16 3 9 6 6 1 9 6 2 0 8 15 5 0 10 12 6 1 9 8 4 1 11 6 5 2 10 7 1 1 7 6 1 0 5 7 3 1 5 6 3 0 14 12 7 1 6 9 7 1 30 23 8 0 12 18 14 4 5 6 0 0 1 1 2 0 30 30 6 1 16 16 14 3 2 3 1 1 45 44 21 3 31 30 13 2 16 17 9 2 2 2 1 0 22 18 12 0 20 25 7 3 3 2 2 1 33 30 12 2 10 14 4 0 3 3 6 2 1 0 0 0 19 27 13 1 29 20 9 3 33 42 16 1 14 5 6 3 41 42 16 3 6 5 6 1 11 11 7 1 36 36 15 3 18 19 6 0 29 28 16 4 23 22 13 0 24 25 9 4 15 21 15 4 32 26 7 0 17 22 9 4 30 25 13 0 42 30 13 1 5 17 9 3 p ns ns ns ns ns 0,009 0,024 ns ns ns ns ns 0,010 ns ns ns ns 0,04 ns 0,001 DISCUSSION Cette étude régionale transversale met en évidence que 60,8% des internes d’anesthésieréanimation sondés en décembre 2011 sont en burnout. Les différentes composantes sont éminentes pour 8,3% d’entre eux concernant l’épuisement émotionnel, 34,2% pour la dépersonnalisation et 43,3% pour la perte de l’accomplissement personnel. Certains facteurs influencent ces données: certains sont objectifs (stage en réanimation, ville universitaire, ancienneté, nombre de gardes mensuelles, conduites addictives) et d’autres subjectifs (stress professionnel, manque de temps libre personnel et professionnel, conflits hiérarchiques, burnout antérieurement perçu). Notre étude régionale bénéficie d’un taux satisfaisant de participation (60,3%). Bien qu’un biais de sélection soit possible, le taux de syndrome d’épuisement professionnel est ici supérieur à celui retrouvé dans d’autres populations d’internes en France. En effet, Roumiguié [16] en dénombre 24% parmi l’ensemble des urologues en formation, comprenant internes et chefs de cliniques assistants (65,5% ont répondu à cette étude nationale). Blanchard retrouve 44% de personnes atteintes parmi les 204 internes d’oncologie répondeurs [1]. D’autres études outre Atlantique retrouvent des taux inquiétants de burnout. West en recense près de la moitié (51,5%) parmi 74,1% de la population totale des internes de médecine aux Etats Unis [17]. Niku en 2004 dans une revue de la littérature dénonce des études hétérogènes eu égard aux diverses populations étudiées et aux types d’études (longitudinales et transversales) avec un syndrome d’épuisement professionnel élevé chez les internes. S’y associent dépression et difficultés de prise en charge des patients sans facteurs de risques épidémiologiques ou psychologiques confondants [18]. Les risques du burnout pour les personnes atteintes sont connus : dépression, suicide, erreurs médicales, surprescription, absentéisme, conduites addictives ou encore turn-over accéléré [1-7]. Une fois installé, le syndrome d’épuisement professionnel tend à se pérenniser, s’installant en moyenne sur une à cinq années et peut entraîner une volonté de quitter la spécialité voire la médecine [1,19]. 15 La population des médecins anesthésistes-réanimateurs (MAR), dont les internes viendront grossir plus tard les rangs, est l’objet de plus en plus d’attention. Certaines études en Europe leur allouent 50 à 60% de burnout. Plus fréquent chez les jeunes MAR vers 30 ans et ceux exerçant des responsabilités, elles les identifient comme une population plus sensible parmi les médecins [9-12], avec un risque accru de toxicomanie et de suicide [8]. En France, l’enquête SFAR en ligne en 2009 s’adressant aux MAR et IADE francophones identifie 58% des 1600 répondeurs (principalement médecins) comme ayant au moins un score élevé au MBI. Peu de soignants sont totalement épargnés : moins de 10% ont des scores faibles dans les trois dimensions [19]. En 2007, Embriaco dans une large étude nationale diffusée à 1000 réanimateurs des hôpitaux publics retrouve, avec 80% de réponses, 46.5% de scores élevés au MBI [20]. L’enquête nationale hospitalière SESMAT en 2010 en identifie 38.4% parmi les MAR, au même niveau que les autres spécialités [21]. Différents facteurs influençant des scores de burnout élevés sont ici retrouvés. Pour les trois composantes, deux facteurs favorisants sont communs: le manque de temps libre personnel et la perception d’un burnout préexistant. Le manque de temps libre personnel peut être aussi bien une cause qu’une conséquence du syndrome d’épuisement professionnel. Une autoévaluation négative recoupe le fait que le burnout met quelques années à s’installer et qu’une fois présent, il se pérennise fréquemment [19,22]. D’autres facteurs en lien avec le syndrome d’épuisement professionnel sont spécifiques de certaines dimensions. La réanimation (comparativement à un stage en anesthésie ou hors filière) influence l’épuisement émotionnel et la perte de l’accomplissement personnel. Le contact quasi permanent avec la mort, un stress permanent avec ses paroxysmes, l’absence de contrôle du temps de travail, les horaires prolongés peuvent être imputés [19]. Pour l’épuisement émotionnel, des facteurs précipitants tels que percevoir la profession comme stressante, déclarer des conflits hiérarchiques ou manquer de temps libre professionnel interviennent aussi. Dans le même sens, Embriaco retrouve parmi les réanimateurs français publics l’existence de conflits hiérarchiques comme facteur favorisant le burnout. Il constate, tout comme Olivier-Chiron, que la population féminine présente un risque accru de burnout. Nous n’avons pas retrouvé ce résultat dans notre étude [20,23]. 16 Concernant la dépersonnalisation et la perte de l’accomplissement personnel, la ville universitaire d’enseignement peut participer à des scores élevés. Ce facteur géographique est à manier avec prudence, le lien statistique ne signifiant pas causalité. Cependant des différences d’enseignement ou de charge de travail peuvent être suspectées et méritent d’être approfondies. L’ancienneté (dès la deuxième année d’internat), une conduite addictive ou un nombre de gardes mensuelles dépassant cinq par mois sont des facteurs précipitants la perte de l’accomplissement personnel. L’avancée en âge dans la discipline peut se confondre avec l’expérience qui en résulte ou encore les responsabilités croissantes qui incombent à l’interne. Cet élément perçu comme aggravant ici est paradoxalement retrouvé comme protecteur dans d’autres études. En effet, une plus grande autonomie ou indépendance peut se concevoir comme salvatrice dans l’avènement du burnout [16]. Alors que le repos de sécurité est quasi unanimement appliqué (94.2% des cas), un nombre de gardes mensuelles supérieures à cinq précipite la perte de l’accomplissement personnel. Dans le même sens, L’enquête SESMAT met en avant que la moitié des internes estiment dépasser la durée de travail raisonnable pour la sécurité de leurs patients et 63% pour leur propre santé. Les gardes sont considérées comme un aspect des plus stressants du métier [24]. Enfin, les conduites addictives (tabac, alcool ou autre), qui touchent plus d’un tiers des répondeurs, sont également reliées à des scores bas de cette dimension. Cause ou conséquence ? Beaujouan estime que les MAR ont un risque accru de toxicomanie avec 11% d’addiction dont 60% d’éthylisme chronique. Cette prévalence est par ailleurs augmentée chez les médecins en formation. Le risque de décès est de l’ordre de 15% à 5 ans, imputable à une overdose ou un suicide [8, 25]. Contrairement aux études de Roumignié, Embriaco ou Chiron, nous n’avons pas retrouvé de facteur sociodémographique (sexe, vie en couple, parentalité, pratique hebdomadaire d’un sport) majorant le risque de burnout dans aucune des composantes du MBI. Un lien est retrouvé entre certains de ces mêmes facteurs et le nombre de dimensions élevées au MBI : stage en réanimation, nombre de gardes mensuelles, absence de temps libre personnel suffisant ou burnout antérieur. L’exercice de remplacements professionnels, source possible aussi bien de stress que de prise de confiance chez des internes avancés dans le cursus, influence aussi un nombre de dimensions élevées au MBI. Outre un déni prégnant parmi les MAR [26, 27], Samama dénonce la pauvreté de prévention ou d’intervention face au syndrome d’épuisement professionnel, particulièrement parmi les internes d’anesthésie-réanimation. Elle s’avère criante aussi bien par la rareté de son dépistage (bien qu’encouragé par tous) ou de sa prise en charge psychologique [27]. La population des MAR ne peut plus rester insensible à ce sujet. 17 Il est intéressant d’élargir cette étude régionale transversale par une enquête nationale longitudinale d’afin d’apprécier l’étendue du problème et déterminer d’éventuels axes préventifs voire thérapeutiques. CONCLUSION Une large majorité des internes d’anesthésie-réanimation de la région Ouest en France ont un syndrome d’épuisement professionnel. Divers facteurs de risque personnels mais aussi professionnels, objectifs et subjectifs sont mis en avant, sans facteur protecteur évident. Population spécialiste en formation prolongée, elle peut être considérée aussi bien comme aguerrie que vulnérable. Ce phénomène réel patent, émergeant en France parmi les médecins anesthésistesréanimateurs, mérite une prise en considération, une identification et une prévention urgentes. 18 ANNEXE Maslach Burnout Inventory Jamais 1. Je me sens émotionnellement vidé(e) par mon travail 2. Je me sens à bout à la fin de ma journée de travail 3. Je me sens fatigué(e) lorsque je me lève le matin et que j’ai à affronter une nouvelle journée de travail 4. Je peux comprendre facilement ce que mes patients ressentent 5. Je sens que je m’occupe de certains patients de façon impersonnelle comme s’ils étaient des objets 6. Travailler avec des gens tout au long de la journée me demande beaucoup d’efforts 7. Je m’occuper très facilement des problèmes de mes patients 8. Je sens que je craque à cause de mon travail 9. J’ai l’impression à travers mon travail d’avoir une influence positive sur les gens 10. Je suis devenu(e) plus insensible aux gens depuis que j’ai ce travail 11. Je crains que ce travail ne m’endurcisse émotionnellement 12. Je me sens plein(e) d’énergie 13. J me sens frustré(e) par mon travail 14. Je sens que je travaille « trop dur » dans mon travail 19 Quelques fois par an Une fois par mois Quelques fois par mois Une fois par semaine Quelques fois par semaine Tous les jours 15. Je ne me soucie pas vraiment de ce qui arrive à mes patients 16. Travailler en contact direct avec les gens me stresse trop 17. J’arrive facilement à créer une atmosphère détendue avec mes patients 18. Je me sens ragaillardi(e) lorsque dans mon travail j’ai été proche de mes patients 19. J’ai accompli beaucoup de choses qui en valent la peine dans ce travail 20. Je me sens au bout du rouleau 21. Dans mon travail, je traite les problèmes émotionnels très calmement 22. J’ai l’impression que mes malades me rendent responsable de certains de leurs problèmes Chaque fréquence correspond à un nombre de points : jamais 0 – quelques fois par an 1 - une fois par mois 2 – quelques fois par mois 3- une fois par semaine 4 – quelques fois par semaine 5 – chaque jour 6 Epuisement émotionnel : questions 1, 2, 3, 6, 8, 13, 14, 16 et 20. Dépersonnalisation : questions 5, 10, 11, 15 et 22. Accomplissement personnel : questions 4, 7, 9, 12, 17 18, 19 et 21. 20 DECLARATION D’INTERETS Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rapport avec cet article. BIBLIOGRAPHIE 1. Blanchard P, Truchot D, Albiges-Sauvin L, Dewas S, Pointreau Y, Rodrigues M et al. Prevalence and causes of burnout among oncology residents: a comparative nationwide cross-sectional study. Eur J Cancer 2010; 46(15):2708-15 2. Pompili. Burnout, hopelessness and suicide risk in medical doctors. Clin therapeutic 2010; (161)6:511-514 3. Faragher EB, Cass M, Cooper CL. 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