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BULLETIN Antitrust, concurrence et commercialisation et Recours collectifs 18 octobre 2011 Les revendications des acheteurs indirects vont-elles disparaître au Canada? Par : Steven Rosenhek | Toronto La jurisprudence canadienne relative aux recours collectifs en matière de concurrence ne démontrait pas de tendance manifeste jusqu'à ce que la Cour d'appel de la Colombie-Britannique rende deux décisions en même temps, soit Pro-Sys Consultants Ltd. v. Microsoft Corp. (Microsoft) et Sun-Rype Products Ltd. v. Archer Daniels Midland Co. (Sun-Rype), dans lesquelles la Cour d'appel a conclu que les acheteurs indirects de produits dont les prix auraient été fixés [TRADUCTION] « ne peuvent se prévaloir d'une cause d'action en droit ». Cette conclusion semble s'éloigner des décisions antérieures qui laissaient présager de meilleures possibilités pour les demandeurs d'obtenir la certification. Plusieurs croient maintenant que la table est mise pour que la Cour suprême du Canada précise la portée du recours privé en matière d'antitrust au Canada. Jurisprudence antérieure Au Canada, la jurisprudence antérieure laissait entendre qu'une bataille difficile se dessinait pour les demandeurs cherchant à établir qu'il y avait suffisamment de points en commun pour obtenir la certification. Des décisions comme Price v. Panasonic Canada Ltd., [2002] O.J. no 2362 (S.C.) et Chadha v. Bayer Inc., [2003] O.J. no 27 (C.A.) représentent d'importantes victoires antérieures pour les défendeurs, puisque les tribunaux avaient statué que les demandeurs dans ces causes n'avaient pas présenté de méthode fonctionnelle permettant d'établir la responsabilité ou les dommages soutenant que l'ensemble des membres d'un recours collectif ont subi une perte commune. L'emploi de cet argument semblait être de bon augure pour les défendeurs des causes associées à des acheteurs indirects dans le cas où les demandeurs ne seraient pas en mesure de présenter une méthode permettant d'établir le lien entre un prix extrêmement concurrentiel et les dommages subis. Par ailleurs, des décisions subséquentes rendues en Ontario et en Colombie-Britannique se sont révélées beaucoup plus favorables envers les demandeurs dans le cadre de recours collectifs en matière de concurrence et, plus particulièrement, les recours liés à des acheteurs indirects. Dans l'affaire Irving Paper Ltd. v. Atofina Chemicals, [2009] O.J. no 4021 (S.C.), la Cour supérieure de justice de l'Ontario s'est penchée sur des revendications de fixation de prix à la fois par des acheteurs directs et des acheteurs indirects de peroxyde d'hydrogène, un produit chimique employé principalement dans la fabrication du papier et d'articles en papier. La certification a été accordée malgré l'argument des défendeurs voulant qu'un recours collectif serait ingérable en raison du nombre éventuel d'acheteurs indirects pouvant comprendre tous les résidents du Canada. La Cour d'appel de l'Ontario a refusé d'entendre l'appel (Irving Paper Ltd. v. o Atofina Chemicals, [2010] O.J. n 2472 (S.C.)). Quelques mois après que la décision dans l'affaire Irving Paper ait été rendue en Ontario, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique rendait sa décision dans l'affaire Pro-Sys Consultants Ltd. v. Infineon Technologies AG, [2009] B.C.J. 2239 (C.A.). Cette cause portait sur un recours collectif intenté contre des fabricants de puces mémoires pour le compte à la fois d'acheteurs directs et d'acheteurs indirects en Colombie-Britannique. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a renversé la décision d'un tribunal inférieur qui avait refusé la certification. Tout en notant les difficultés associées à l'établissement de la preuve de responsabilité et de dommages, la Cour d'appel a autorisé la certification, malgré les revendications des acheteurs indirects, qu'il est permis de croire qu'elle aurait été ingérable en se fondant sur les décisions canadiennes antérieures. La Cour d'appel a soutenu que le témoignage d'experts présentés par les demandeurs à l'appui d'un plan gérable permettant de calculer les dommages ne devrait pas être soumis au même examen minutieux qui serait demandé en première instance. Elle a également noté que le fardeau de la preuve des demandeurs à l'étape de la certification [TRADUCTION] « n'est pas sévère [et] ne nécessite qu'une preuve minimale ». Tenant compte de cette norme relativement peu sévère, la Cour a conclu qu'étant donné la « souplesse » de la législation en matière de recours collectifs, un recours collectif constituait la procédure souhaitable malgré les difficultés inhérentes à une cause associée à des acheteurs indirects. D'ailleurs, la Cour d'appel a mentionné les transactions en matière pénale aux États-Unis comme fondement pour conclure que la responsabilité pourrait être raisonnablement invoquée par l'ensemble des membres d'un recours collectif ayant subi une perte commune. La Cour suprême du Canada a refusé d'entendre l'appel. 1 VANCOUVER CALGARY TORONTO OTTAWA MONTRÉAL QUÉBEC LONDRES PARIS JOHANNESBURG BULLETIN Antitrust, concurrence et commercialisation et Recours collectifs Le raisonnement dans la cause Pro-Sys a été suivi dans une décision ultérieure de la Cour d'appel de l'Ontario. Dans la cause Quizno's o Canada Restaurant Corporation v. 2038724 Ontario Ltd., [2010] O.J. n 1444 (C.A.), le représentant franchisé demandeur invoquait que des prix anticoncurrentiels excessifs avaient été imputés aux franchisés de Quizno pour des articles qu'ils devaient acheter auprès de leur franchiseur. Même si le tribunal de première instance avait accepté la demande des défendeurs à l'effet que les demandeurs n'avaient pas présenté une méthode fonctionnelle permettant de calculer le prix que les franchisés auraient payé en l'absence d'une infraction à la Loi sur la concurrence, la Cour d'appel de l'Ontario a renversé la décision. Parmi les raisons invoquées pour accorder la certification, l'on compte le fait que les demandeurs devaient prouver qu'il n'existait qu'une « possibilité raisonnable » que les dommages puissent être prouvés pour l'ensemble des membres du recours collectif. La Cour a ensuite précisé que l'incapacité de calculer les dommages pour l'ensemble des membres ne rend pas nécessairement la certification impossible. Même si les franchisés dans l'affaire Quizno étaient des acheteurs directs, la décision de la Cour d'appel de l'Ontario souligne le fardeau de la preuve relativement faible que les demandeurs devaient démontrer dans leur méthode fonctionnelle de fixation des dommages. Les nouvelles décisions Le 15 avril 2011, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a rendu sa décision dans les affaires Microsoft et Sun-Rype, décisions qui se démarquaient clairement des causes favorisant la certification des recours collectifs en matière de concurrence au Canada et qui ont aligné plus étroitement l'état du droit de certification avec la position retenue par les États-Unis. Par une majorité de deux contre un, les deux décisions sont à l'effet que les acheteurs indirects de produits dont les prix auraient été fixés ne pouvaient se prévaloir d'une cause d'action valide en précisant que [TRADUCTION] « le transfert des frais ne donnait pas lieu à une cause d'action en recouvrement par ceux invoquant que les frais leur avaient été transférés en totalité ou en partie ». Les demandeurs dans Microsoft étaient des acheteurs détaillants indirects d'ordinateurs munis de logiciels de Microsoft, qui ont allégué que Microsoft a eu recours à des stratagèmes avec des fabricants, constituant un comportement anticoncurrentiel permettant à Microsoft de demander un prix excessif pour ses produits. De même, dans la cause Sun-Rype, les demandeurs directs et indirects ont allégué que les fabricants défendeurs ont conspiré pour fixer les prix du sirop de maïs à haute teneur en fructose, ce qui a conduit à des prix excessifs illégaux. La majorité dans les deux causes s'est fondée sur l'affaire Kingstreet Investment Ltd. c. Nouveau-Brunswick (Finances), [2007] 1 R.C.S. 3, [2007] CSC 1, dans laquelle la Cour suprême du Canada avait rejeté le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte sur le plan juridique. En d'autres termes, un défendeur ne peut réduire sa responsabilité envers ceux qui ont payé un prix illégal en établissant qu'une partie ou la totalité de ce prix avait été transférée à d'autres personnes. La majorité dans les causes Microsoft et Sun-Rype a tenu le raisonnement suivant en se fondant sur la décision de Kingstreet : en l'absence de moyens de défense fondés sur le transfert de la perte, un défendeur serait responsable à la fois de la totalité des frais qui lui ont été versés directement par les acheteurs directs et de la totalité ou d'une partie des frais transférés aux acheteurs indirects. Pour éviter ce « double recouvrement » éventuel, la majorité a conclu qu'aucune cause d'action valide n'existait pour les acheteurs indirects. Incidences futures sur les recours collectifs en matière de concurrence Les jugements ont d'importantes répercussions sur les recours collectifs en matière de concurrence au Canada. Parmi ces incidences, il faut noter que les décisions ne laissent aucun recours en droit aux acheteurs indirects pour des dommages subis en vertu de la Loi sur la concurrence. Comme le mentionne la majorité dans l'affaire Sun-Rype, ces décisions ont pour effet d'aligner le droit canadien avec les lois antitrust fédérales des États-Unis comme en font foi les décisions de la Cour suprême des États-Unis dans les causes Illinois Brick Co. v. Illinois et Hanover Shoe v. United Shoe Machinery Corp. Le fait d'interdire aux acheteurs indirects de présenter des revendications pourrait également réduire la responsabilité des défendeurs étant donné qu'une grande part des recours collectifs en matière de concurrence regroupe des acheteurs indirects tentant d'obtenir réparation pour le préjudice causé par la fixation des prix. En outre, les acheteurs directs impliqués dans des conspirations de fixation de prix avec des défendeurs ou des acheteurs directs non touchés par les prix excessifs transférés dans la chaîne de distribution ne présenteront probablement pas de revendications pour comportement anticoncurrentiel. De ce fait, l'ampleur des groupes et les revendications futures seront à la baisse étant donné que les pertes incombent aux acheteurs indirects qui n'ont recours à aucune cause d'action. De plus, bien que l'ampleur des groupes devrait diminuer, il est fort probable que la certification soit plus facile à obtenir pour les acheteurs directs, étant donné qu'il serait plus aisé d'établir qui a subi la perte causée par le prix excessif. À cet égard, l'étape complexe d'établir quelle part d'un prix excessif a été transférée aux acheteurs indirects serait évitée, puisque la perte ne peut revenir qu'à l'acheteur direct, ce qui rend la preuve de perte plus facile à établir pour la certification. 2 VANCOUVER CALGARY TORONTO OTTAWA MONTRÉAL QUÉBEC LONDRES PARIS JOHANNESBURG BULLETIN Antitrust, concurrence et commercialisation et Recours collectifs En définitive, bien que ces jugements ne soient pas exécutoires à l'extérieur de la Colombie-Britannique, ils seront sans doute utilisés par les défendeurs qui voudraient tenter de contrecarrer des revendications présentées par des acheteurs indirects dans d'autres provinces. Un appel a été interjeté à la Cour suprême du Canada dans les deux causes. Pour plus de renseignements, n’hésitez pas à communiquer avec l’auteur de ce bulletin : Steven F. Rosenhek 416 865 4541 [email protected] Personnes-ressources Antitrust, concurrence et commercialisation VANCOUVER TORONTO MONTRÉAL PARIS Donald M. Dalik 604 631 4739 [email protected] Anthony F. Baldanza 416 865 4352 [email protected] René Cadieux 514 397 7591 [email protected] Matthieu Adam +33 1 44 94 96 98 [email protected] OTTAWA LONDRES Leslie J. Milton 613 236 3882 [email protected] Stuart Richards +44 207 917 8577 [email protected] Anne Granger +33 1 44 94 96 98 [email protected] Recours collectif VANCOUVER TORONTO OTTAWA MONTRÉAL Andrew Borrell 604 631 3195 [email protected] Paul J. Martin 416 865 4439 [email protected] Peter N. 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