L`alcoolisme féminin - Plateforme d`Echanges et d`Information

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L`alcoolisme féminin - Plateforme d`Echanges et d`Information
Diplôme universitaire en addictologie
Session 2012
L'alcoolisme féminin:
D'une meilleure connaissance de la maladie alcoolique
pour une prise en charge plus efficace
SOMMAIRE
INTRODUCTION....................................................................................................................1
MOTIVATION ET CONSTAT DE TERRAIN......................................................................3
Mon expérience à L'ile Maurice.................................................................................................4
DONNÉES GÉNÉRALES.......................................................................................................6
PREMIÈRE PARTIE : L'ALCOOLISME.
I. L'ALCOOL
A) L'historique.....................................................................................................................10
B) Les symboliques de l'alcool à la Réunion......................................................................13
C) Le fonctionnement du système alcool............................................................................15
II. LES PROBLÉMATIQUES DE L'ALCOOLISME FÉMININ
A) Les spécificités biologiques............................................................................................16
B) Les spécificités psychologiques et l'abord psychanalytique...........................................17
C) Le syndrome d'alcoolisation fœtal (SAF).......................................................................18
DEUXIÈME PARTIE: REPRÉSENTATIONS SOCIALES ET NOTIONS D'ISOLEMENT
ET DE CLANDESTINITÉ
I. LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DE L'ALCOOLISME FEMININ
A) Le concept de représentations sociales............................................................................19
B) Les représentations sociales de l'alcoolisme féminin......................................................21
C) Les conséquences des représentations sociales au sein de l'environnement familial......23
II. LES NOTIONS D'ISOLEMENT SOCIAL ET DE CLANDESTINITÉ ALCOOLIQUE
A) L'isolement social..........................................................................................................24
B) La clandestinité alcoolique............................................................................................25
TROISIÈME
PARTIE:
ACCOMPAGNEMENT
TRIPARTITE
DANS
LA
RÉHABILITATION SOCIALE
I. L'ACCOMPAGNEMENT
PSYCHO-SOCIAL
DE
LA
FEMME
MALADE
ALCOOLIQUE
A) Le concept d'accompagnement...................................................................................26
B) L'accompagnement thérapeutique..............................................................................27
C) L'accompagnement social de la femme et la relation d'aide.......................................28
II. LA PLACE DE LA FAMILLE DANS LA PRISE EN CHARGE DE LA FEMME
MALADE ALCOOLIQUE
A) Famille et système alcool.............................................................................................32
B) La codépendance..........................................................................................................33
C) La place de la famille dans l'accompagnement............................................................34
CONCLUSION ET PERSPECTIVES.................................................................................35
ANNEXES
Nou ici parceki nou né pli capave litté tout sel
Nou pa capave continué sauvé divant réalité
Nou pas capave continué reste renfermé lors nou-meme
Nou pas capave continué souffer et fer lézotte souffer
Tant ki nou pas partaze nou banne souffrances
Nou pas pou capave senti nou libre
Tant ki nou pas faire confiance dimoune
Nou pou reste toujours tou sel
C'est avec coup de main nou bane camarade ki nou pou
capave changé
Ici nou tout capave montrer nou couma nou été
Personne na pas trop tipti pou donner ni trop grand pou
recevoir
Nou bizin montrer nou couma ène dimoune
Ek ce ki nou ena ek ce ki nou été
C'est coum ca ki nou pou senti nou pé vive ène vrai la vie
Philosophie du centre de la Chrysalide, Ile
Maurice.
INTRODUCTION
« Il n'y a pas de société sans drogues, il n'y en a jamais eu. »
Nicole MAESTRACCI.
Les sociétés, au fil du temps, ont consacré une place particulière à l'alcool. Cette substance est
passée du sacré au commun. Sa place dans l'histoire est culturelle et alimente les coutumes de tous
les peuples.
« La France est un pays où l'histoire de la vigne et du vin éclaire celle d'un peuple tout entier ».
Roger DION, L'Histoire de la vigne et du vin en France.
Notre pays est accompagné pendant toute son histoire par cette culture du vin qui reste aujourd'hui
farouchement défendue.
L'alcool est une drogue licite. Son usage n'est pas interdit ; de plus, il est porté par une culture
valorisant les consommateurs.
Aussi licite qu’elle soit, elle n'en est pas moins dangereuse et l'alcool et le tabac sont les produits les
plus mortels.
En France, l'alcoolisme est la troisième cause de mortalité après l'obésité et le tabac, devant les
maladies infectieuses et les accidents de la route.
La consommation d'alcool a toujours fait partie intégrante de la vie sociale. Elle se retrouve lors de
bons repas, de festivités et procure un sentiment de bien être et de détente.
La notion de plaisir est très présente et renvoie alors à une image positive de l'alcool.
Aujourd'hui, cette consommation pose un problème majeur de santé publique, elle entraine
marginalisation, exclusion sociale, problèmes familiaux, indifférence.
En France, 45000 personnes meurent de l'alcool par an et (280 personnes à la Réunion.)1
La consommation de boissons alcoolisées par les français a diminué entre les années 60 et
aujourd'hui. Néanmoins, la France reste parmi les pays les plus consommateurs.
En 2010, 21% des hommes et 8% des femmes disent consommer de l'alcool tous les jours.
14% des hommes et 5% des femmes ont une consommation dite à risque.
1 Source ORS Réunion
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1
La loi du 15 avril 1954 aborde l’aspect du dépistage et du traitement des alcooliques dangereux
pour autrui.
La loi EVIN du 10 Janvier 1991, relative à la lutte contre l'alcoolisme a pour objectif de permettre à
tout un chacun de prendre conscience des conséquences graves que peut engendrer une
consommation excessive d'alcool sur la santé.
Toute société a sa drogue et en France l'alcool tient une place importante.
Boire, c'est accompagner le quotidien qu'on soit heureux ou malheureux. L'être humain boit pour
décompresser, oublier, être sociable ou faire la fête et souvent cette consommation est rituelle.
L'alcool est une arme politique, économique et sociale favorisant ainsi l’idée que : boire est normal
et admis de tous.
C’est un moyen de révolte, de créativité ou tout simplement un moyen de s'échapper du « système »
par l'imaginaire.
Boire de l'alcool reste une pratique habituelle, comprise, acceptée, admise et tolérée de tous.
Mais la consommation excessive d'alcool engendre la dépendance et la marginalisation.
Ainsi, la personne alcoolique est mal vue, incomprise et souvent non reconnue comme une personne
malade. Cette incompréhension a de graves conséquences lorsqu'elle vient des proches du malade.
A la Réunion, l'alcool est co-responsable de beaucoup de faits divers (accidents, homicides,
violences en tous genres et en particulier violences conjugales.)
Selon le tableau de bord des addictions, à la Réunion, en 2007, la mortalité serait supérieure de 77%
à la moyenne métropolitaine. L'alcool serait responsable de 7% des décès sur l'île, tous âges
confondus. Ainsi, au rang des régions les plus à risque, en terme de mortalité due à l'alcool, la
Réunion arrive en deuxième position après la région Nord Pas de Calais.
A la Réunion, la culture de l'alcool est liée surtout à la fabrication et à la consommation de rhum.
De 1960 à 2000, le vin et la bière ont en grande partie remplacé le rhum surtout chez les jeunes.
Cependant, la consommation d'alcools forts reste bien présente sur l'île.
En outre, la consommation féminine se révèle, en terme de chiffres, à travers le syndrome
d'alcoolisation fœtal, être un phénomène important de santé publique à la Réunion.
En 2007, 12 enfants sur 14500 naissaient avec le SAF (Syndrome d'Alcoolisation Fœtale).
De plus, les hospitalisations féminines dues à l'alcool sont en hausse (11% entre 1994 et 2004).
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MOTIVATION ET CONSTAT DE TERRAIN
J'ai choisi d'étudier le thème de l'alcoolisme car je me suis intéressée à la dépendance depuis
longtemps.
En effet, lorsque j'étais plus jeune, j'ai toujours entendu parler de l'alcool comme d'un mal
pernicieux et j’ai observé que tous ceux qui croisaient les personnes ivres dans la rue, et donc
présumées alcooliques, changeaient de trottoir.
J'avais donc en tête le côté dépravé et le sentiment de honte que l’ivresse suscitait.
J’associais cet état à un côté marginal mais je comprenais néanmoins un mal-être et était sans
conteste un appel au secours.
Pour moi, l 'alcool me paraissait peut-être plus acceptable que d’autres drogues et je n'avais pas
conscience qu'être alcoolique c'était être malade.
Dans une réelle posture d'apprenante, j'ai compris que l’essentiel de mon travail contribuera au
changement de mes représentations de la vie de tous les jours et à une remise en question
perpétuelle.
Je me suis interrogée sur mes incompréhensions, sur mes lacunes dans le domaine de l'alcoolisme.
Je me suis posée ces questions : « pourquoi avons-nous cette répulsion vis-à-vis des malades
alcooliques? Pourquoi avons nous des représentations négatives sur la dépendance en général? »
Lors de mon premier poste à l'association RIVE, j'ai pu, être au contact des personnes dépendantes
et abstinentes.
Je me suis alors décidée à améliorer ma pratique en suivant le DU addictologie.
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MON EXPERIENCE A L'ILE MAURICE
Là-bas, les plages sont belles, les touristes affluent pour découvrir ce sable blanc, cet océan aux
eaux couleur turquoise.
Mais ce « paradis », comme ils le définissent, est aussi, de part son histoire, une île où les habitants
connaissent une grande précarité.
En effet, le gouvernement, selon les ONG (Organisation Non Gouvernementale), axe le
développement économique pour une bonne part sur le tourisme et pour ce faire, il masque les
conditions de vie des mauriciens.
Ceux-ci connaissent les fléaux de la drogue, de la prostitution et du VIH/SIDA.
Dans un contexte social divisé où la culture et les croyances sont fortes, ils sont souvent livrés à
eux-mêmes.
De nombreuses ONG (mauriciennes et internationales) se battent pour faire reconnaître les droits
des personnes dépendantes et contaminées par le VIH.
Lors de ma formation initiale, un stage hors département de trois mois est à réaliser.
J'ai choisi de faire ce stage professionnel à Maurice pour me confronter à mes propres
représentations.
Je l'ai effectué dans un centre de réhabilitation des femmes toxicomanes : la Chrysalide.
Cette ONG accueille les femmes dépendantes à diverses substances (drogues, alcool) ainsi que
celles qui ont contracté le VIH/SIDA.
A l'île Maurice, il est difficile d'avoir les chiffres réels touchant la dépendance à l'alcool.
La plupart des femmes qui sont à la Chrysalide ont vécu avec une polytoxicomanie (drogues,
médicaments, alcool).
Le centre est ouvert depuis 2004. Avant cette date, il dépendait du centre de solidarité (première
ONG à accompagner les personnes dépendantes). Le taux de réussite de réhabilitation des femmes
est de 30% ; données relevées lors des quatre dernières années.
Le travail du personnel de la Chrysalide est basé sur un accompagnement thérapeutique.
La thérapie appliquée vient du projet Homme, ramené d’Italie dans les années 1980, par un prêtre
et une sœur de l’église catholique.
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Les objectifs de la Chrysalide sont de permettre la reconsidération de la femme toxicomane en tant
que personne, de réduire les stigmatisations et de l’aider à retrouver son identité.
L’axe principal est l’hygiène corporelle, l'estime de soi, la revalorisation.
En effet, les femmes toxicomanes qui sont en difficultés face à leur féminité, leur hygiène de vie et
leur sens des responsabilités.
Une autre ONG, travaille dans l'accompagnement des femmes dépendantes.
Étoile d’Espérance assure la réinsertion des femmes alcooliques à l'île Maurice depuis 1997.
Celle-ci ne s’occupe pas des enfants. Le temps de la thérapie y est de trois mois. Les femmes
bénéficient en même temps des phases de désintoxication et de réhabilitation.
Elles suivent ce programme grâce à un congé payé par leur employeur.
Elle peuvent le faire en résidentiel ou en accueil de jour à la maison Moka inaugurée en 2006.
Dans le programme de l'Etoile d'Espérance, sont inclus la thérapie familiale, la thérapie de groupe et
l'after care (un suivi après la thérapie).
Pendant mon stage à la Chrysalide, J'ai constaté de nombreux échecs. Des femmes qui
abandonnaient leur programme et que l'on revoyait dans la rue quelques heures plus tard.
Cette attitude m’a interpelée. De quoi avaient-elles donc réellement besoin? Comment les aider
dans leur réhabilitation?
Lors de mes rencontres avec elles, j'ai constaté qu’elles ressentaient un grand sentiment de solitude.
Elles se sentaient abandonnées par leurs familles qui ne venaient quasiment jamais les voir.
Un jour l’une d’entre elles m'a confié : « lorsque je me droguais, j'étais déboussolée, seule dans
la rue, au prise avec mon « galant »2 et j'ai voulu retourner chez ma mère. Mais elle m'a dit
qu'elle préférait me voir morte que de m'accueillir sous son toit, alors je suis allée faire la
manche en pensant fort à mon prochain shoot. »
Mon expérience Mauricienne a été unique et m'a révélé une grande humanité et une grande humilité
chez les femmes que j’ai côtoyées. Elles méritent le plus grand respect.
A l'île Maurice, la dépendance féminine est tue. Il est difficile d'accompagner ces personnes du fait
de la complexité à identifier leur dépendance.
En comparant avec la Réunion, je me suis rendue compte qu'il en était de même, la prise en charge
des femmes dépendantes reste ardue à cause de ce tabou sociétal.
2 « amant »
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DONNÉES GÉNÉRALES
Le problème des drogues licites comme l'alcool, c'est leur accessibilité.
Il est important de différencier les trois termes suivants: alcool, alcoolisation et alcoolisme.
« L'alcool est obtenu par la fermentation de végétaux riches en sucre, ou par distillation, et
intervient dans la composition des boissons alcoolisées: vin, cidre, bière, boissons apéritives,
liqueurs. »
L'alcoolisation se caractérise par l'action de consommer de l'alcool.
L'OMS définit l'alcoolisme comme « l'addiction à l'alcool (éthanol) contenu dans les boissons
alcoolisées ». L'alcoolisme est aussi défini comme « provoquant des troubles mentaux et des
troubles du comportement liés à l'absorption d'alcool ».
En Avril 2006, le Président de la République, Jacques Chirac, officialisait la médicalisation des
addictions. Quelques mois plus tard le ministre de la santé, Xavier Bertrand, annonçait un plan
national contre les addictions. Cette avancée a été un grand pas dans la prise en charge des
personnes dépendantes.
Créée en 1982 et placée sous l’autorité du Premier ministre, la MILDT est chargée d’animer et de
coordonner les actions de l'État en matière de lutte contre les drogues et les toxicomanies, en
particulier dans les domaines de l’observation, de la recherche, de la prévention, de la prise en
charge sanitaire et sociale, et de la lutte contre le trafic.
✗
Notions de vocabulaire
L'alcoolisme
Le terme alcoolisme est employé pour la première fois en 1849 par un médecin suédois : Magnus
HUSS. Après avoir étudié le comportement d’une certaine population hospitalière, il conclue que
l’alcoolisme est le résultat « des manifestations pathologiques de l'intoxication alcoolique ».
Le sociologue américain Elvin Morton JELLINECK, en 1950, introduira le concept de maladie
alcoolique. Cette évolution permettra de déculpabiliser les malades alcooliques et fera naître l'espoir
de la possibilité d'un traitement.
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La reconnaissance de l'alcoolisme et, de fait, la disparition de la notion d'ivrognerie, instaurée par la
morale et la religion, sont donc récentes.
Grâce à l'émergence du concept de l'alcoolisme reconnu comme maladie, à la fin du dix-neuvième
siècle, l'attitude répressive à l'égard des malades va se modifier progressivement.
En 1872, face au développement du « fléau », les scientifiques et les professionnels de santé de
l'Académie de Médecine vont se mobiliser et concevoir la création de l’association française contre
l'abus des boissons alcooliques connue aujourd'hui sous le nom d' Association Nationale de
Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA).
Le terme alcoologie est employé en France depuis 1905. Néanmoins, Il faudra attendre 1966 pour
que le docteur Pierre FOUQUET mette en place la pratique de l'alcoologie.
Il considère que non seulement l’alcoolisme est une maladie mais que celui-ci doit aussi faire
l’objet d’un travail dans le sens de la prévention et de l'action. Le problème est certes médical mais
également social, psychologique, économique, familial.
Ainsi, ce père de l'alcoologie française a défini l'alcoolo-dépendant comme étant celui qui a perdu
« la liberté de s'abstenir de boire » et donc incapable de maîtriser sa consommation.
Qu'est-ce qu’un malade alcoolique?
C'est un sujet alcoolo-dépendant qui ne peut contrôler durablement les quantités d'alcool qu'il
prend.
Il boit pour obtenir les effets psychiques que procure l'alcool: euphorie, oubli, courage d'affronter
une situation qu'il redoute...3
Un malade alcoolique ne boit pas forcément de l'alcool tous les jours. Certains n'en consomment
pas lors des repas mais seulement lors de cérémonies festives. Le manque, ce besoin irrépressible
de boire, s'exprime à des horaires et à des moments variables selon les individus. L'alcoolisation
s'impose plus ou moins tardivement dans la journée, ou elle intervient, au contraire, dès le réveil,
voire dans la nuit.
Le risque alcoolique existe à partir d'une consommation de trente grammes d'alcool par jour pour
une femme et de quarante grammes pour un homme. Chaque verre contient environ dix grammes
d'alcool (variations de volume en fonction du type d'alcool).
On parle de consommation excessive quand ces quantités sont dépassées de façon régulière.4
3 Henri GOMEZ, la personne alcoolique, DUNOT, 1999
4 Henri GOMEZ, la personne alcoolique, DUNOT, 1999
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L'abstinence
Ainsi, l'abstinence consiste à ne boire d'alcool sous quelque forme que se soit.
C’est, pour la personne, l'appropriation d'une liberté de s'abstenir de boire.
Elle est le premier pas vers une réhabilitation sociale de la personne dépendante.
La réhabilitation vise une revalorisation de soi, une recomposition de son système familial et social
et donc à retrouver sa place dans la société. Cette réinsertion sociale peut se faire à l'aide d'une
équipe médico-sociale.
Il existe plusieurs systèmes de soins (long ou court séjour, hospitalisation ou ambulatoire).
Le système
« En matière d'alcoolisation pathologique il n'existe pas de malade indépendant du système de
relations dans lequel il vit ou dans lequel il a vécu. L'alcoolisation pathologique a besoin d'un
contexte favorable pour s'épanouir et elle va influencer le milieu dans lequel vit l'alcoolique.
L'alcool constitue une sorte de solvant qui assure une stabilité et une solidité aux différents
systèmes relationnels: milieu familial, milieu professionnel, milieu des loisirs, en même temps qu'il
transforme le vécu du sujet. La maladie alcoolique est donc aussi une « maladie de système ».5
✗
Prévalence et origines de l'alcoolisme féminin
A la Réunion, le taux de mortalité des femmes alcoolo-dépendantes est trois fois supérieur à celui
de la moyenne nationale. C’est un réel phénomène de santé publique.
Cet alcoolisme féminin se dessine au gré des mutations de la société, cette même société le
stigmatise, par ailleurs.
Il est caché et cyclique, plus particulièrement défini comme des phases d'alcoolisation.
Les femmes boivent de manière discontinue avec des périodes d'abstinence et leur durée de
consommation est souvent plus courte que celle des hommes.
L’alcoolisation de la femme pendant la grossesse peut être aussi responsable du syndrome embryofœtal. (Réunisaf).
Dans le contexte réunionnais et dans l'approche de l'alcoolisme féminin, le psychologue du réseau
Oté, a évoqué l'inceste et les abus sexuels comme déclencheurs de la dépendance à l'alcoolisme.
5 Henri GOMEZ, La personne alcoolique, DUNOT, 1999
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Ces problématiques sont, selon lui, des tabous très ancrés dans la société réunionnaise.
A ceux-là s’ajoute en partie, celui de l'alcoolisme féminin.
Isabelle 60 ans: « A l'âge de 9 ans, j'ai été violée par un prêtre, à l'âge de 20 ans j'ai été violée
par un de mes frères et à l'âge de 30 ans j'ai été violée par un homme ».
✗
Sexualité et alcoolisme
« Dans l'analyse des relations que noue l'alcoolique avec son entourage, il paraît difficile de faire
abstraction de la sexualité. Dans ce domaine, malheur à celui ou à celle qui s'écarte des valeurs
œdipiennes et des conventions sociales! A cet égard, l'alcoolique fait l'objet d'un quadruple
soupçon. »6
Ce sont l'homosexualité, la dépravation sexuelle, l'impuissance et l'inceste.
« Avec l'inceste, la sexualité devient incarnation de la faute. »7
Dans une approche psychologique, dans les liens parents/enfants, l'interdit de l'inceste est posé.
L'enfant est exclu des désirs du couple. Il connaîtra vers quatre/six ans le complexe d'œdipe et si les
parents posent l'interdit, l'enfant l'intégrera naturellement.
Il existe, cependant, dans certaines familles des climats incestueux (exhibitionnisme des parents,
pas de rigueur ni de limites imposées, pas de cadre défini, pas de valeurs apportées aux enfants, pas
de clarté quant au rapport au corps...) et ceux-ci peuvent induire des risques de dépendance future.
A la Réunion, le tabou de l'inceste et celui de l'alcoolisme féminin sont liés.
Il est difficile de parler d'inceste à certaines familles car ce sont des cellules très fermées qui ne
laissent rien transparaître.
Lors de mes rencontres, une seule femme, m'a confié ce qu'elle a vécu dans sa sexualité.
A Maurice, plusieurs d’entre elles ont été victimes d'abus sexuel et d'inceste et souvent, par la suite,
elles ont connu la prostitution et ont été fortement dépendantes à l'héroïne.
6 Henri GOMEZ, La personne alcoolique, DUNOT, 1999
7 Henri GOMEZ, La personne alcoolique, DUNOT, 1999
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PREMIÈRE PARTIE : L'ALCOOLISME
I. L'ALCOOL
A) L'historique
Les drogues sont présentes tout au long de l’histoire des civilisations.
L'alcool apparaît au néolithique avec la découverte de la fermentation ; dans la préhistoire les
breuvages à base de ce produit sont de l'ordre du divin.
De l'antiquité à aujourd'hui, l'alcool est reconnu pour ses valeurs curatives.
Les boissons alcoolisées sont sacralisées et porteuses de vertus symboliques. Mais à la fin du dixhuitième siècle et pendant la première moitié du dix-neuvième, celles-ci sont reconnues comme
néfastes.
Le recours à l’alcool, comme psychotrope, est très ancien. On le retrouve partout sous les formes
les plus variées.
Longtemps utilisé lors de rituels, sa consommation est, aujourd'hui, de plus en plus banalisée.
Aussi, l'on peut dire, compte tenu des particularismes culturels, sociaux et individuels: « à chacun
sa drogue » si l’on considère qu'une simple tasse à café peut modifier notre psychisme, même de
façon infime.
Dans le monde judéo-chrétien, la drogue traditionnelle, dominante, depuis l'antiquité est l'alcool
essentiellement sous forme de vin et de bière. Les boissons distillées ont été inventées plus tard.
De plus, il est intéressant d'ajouter la cérémonie de la messe avec le sang du Christ, le vin rouge en
étant le symbole.
Consommer de l’alcool était presqu’exclusivement une affaire d'homme. Ceci se pratiquait en
public (bistrot, bar, pub) et au travail. Aujourd’hui, on boit beaucoup moins au travail mais de plus
en plus chez soi en famille ou entre amis.
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Comme l'écrit le Professeur Michel LEJOYEUX dans Du plaisir à la dépendance, la menace de
l'alcool n'est pas prise au sérieux. Il est difficile de comparer un amateur de bon vin à un « accro à la
cocaïne ». L'alcool est banalisé et anodin.
De ce fait, la consommation augmente, encouragée même par le monde viticole.
Aujourd'hui, selon lui, les dépendances modernes à l'alcool sont des prétextes professionnels et
sociaux (alcoolisation d'affaires, alcoolisme mondain).
Ces rites et réunions permettent de dédramatiser et de justifier le fait de consommer le produit
alcool en invoquant le plaisir, la convivialité.
Annie 42 ans: « ma consommation, au début, reflétait la fête et les plaisirs ».
Selon l'OMS, l'alcool est la deuxième cause de mortalité évitable après le tabac en France.
Chaque année, environ 45 000 décès lui sont imputables de manière directe ou indirecte à-travers
les maladies, en particulier les cancers, les accidents de la route, les suicides, les homicides et les
accidents de la vie courante (chutes, incendies...).
A la Réunion, l'histoire de l'alcool est surtout associée à celle du rhum. Celui-ci est présent depuis
les années 1700, date à laquelle apparaissent, par ailleurs, les premiers alambics.
Charles DESBASSYNS créera la première distillerie de l'île en 1815 à Sainte Marie.
Le rhum connaîtra un plein essor après l'abolition de l'esclavage. La consommation de cette
boisson, jusque-là réservée aux blancs, deviendra pour ces nouveaux affranchis, un des symboles de
l’accession à la liberté.
La Réunion connait aujourd'hui une diversification dans la consommation de boissons alcoolisées.
Celle de la bière et du vin est en hausse, celle des « prémix » dans la population jeune est
importante. Ainsi, les modes de consommation ont évolué avec le temps.
A la Réunion, l'alcoolisme est un fléau, le nombre de personnes touchées entraîne un coût
économique et social majeur. Les conséquences liées à ce phénomène, qu’elles soient directes ou
indirectes sont deux fois supérieures à celles observées en métropole.
Par ailleurs, la consommation d'alcool pur est constante à la Réunion contrairement à celle de la
France métropolitaine.
Dans l'approche de l'alcoolisme en général, il est important de préciser les différentes étapes qui
conduisent une personne à devenir alcoolique.
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Selon, l'Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme et des Addictions (ANPAA), ce sont:
le plaisir, l'habitude et la dépendance.
Cette maladie peut toucher chaque individu, homme ou femme.
Les composants élémentaires de l'addiction sont la substance, l'individu et le contexte.
Chaque être humain ne réagit pas de la même manière à chaque drogue licite ou illicite. Néanmoins,
l'alcool peut être consommé sans être dangereux pour la santé.
En effet, pour un homme, l' O.M.S conseille de ne pas dépasser trois verres de boissons alcoolisées
par jour et pour une femme : deux; avec au moins un jour d'abstinence par semaine pour les deux
sexes.
Ainsi, chaque être humain peut contrôler sa consommation d'alcool pour ne pas tomber dans la
problématique de l'alcoolisme.
En France, celle-ci est en nette augmentation ainsi que les taux de mortalité et de morbidité.
Néanmoins, la population a réellement pris conscience de l’existence des risques.
La politique de prévention est menée de front par l'ANPAA qui s'attache à l'amélioration de la
prévention de proximité et demande une cohérence entre les objectifs du plan de la Mission
Interministérielle de Lutte contre les Drogues et les Toxicomanies (MILDT) et les budgets qui lui
sont consacrés.
Le développement de la prévention, qu'elle soit primaire (pour les non consommateurs) ou
secondaire (pour les consommateurs sans problèmes déclarés), contribue à réduire les besoins de
soins et d'accompagnement social qui mobilisent des moyens humains et financiers lourds.
Aujourd'hui, la dépendance n'est plus vue comme un état de faiblesse mais comme une réelle
maladie.
Les hommes et les femmes dépendants peuvent maintenant espérer être soignés comme des patients
et avoir l'espoir de devenir abstinents.
Malgré cela, beaucoup de personnes n'assument pas leur maladie, notamment les femmes qui ont
constamment peur d'être jugées.
Le traitement de la dépendance à l'alcool n'est pas facile. Plusieurs éléments entrent en jeu. La
consultation d'alcoologues ou d'addictologues, un traitement médicamenteux, la mise en place d'un
suivi psychothérapeutique personnalisé et un accompagnement qui tient compte de l'environnement
social et familial sont généralement nécessaires.
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Échanger avec d'anciens alcoolo-dépendants par l’intermédiaire de cercles de discussion apporte
souvent une aide précieuse, surtout au début du traitement. Les périodes de rechutes font partie du
processus global de la thérapie.
B) Les symboliques de l'alcool à la Réunion
L'alcool possède différentes symboliques pour la population réunionnaise.
Il est souvent associé à la convivialité et aux festivités liées aux réjouissances des rites religieux
(mariages, communions etc.). Les repas de fêtes peuvent difficilement se concevoir sans alcool.
Le fait de boire un verre est considéré comme un rite de socialisation, il prend ainsi un caractère
normatif. Lors de ces fêtes ou lors d'une visite de courtoisie, si un homme refuse ce verre, il peut
être perçu comme étant marginal et se faire exclure du groupe.
En effet, à la Réunion, ce refus peut être mal interprété, voire être considéré comme un manque de
caractère et provoquer des railleries.
Peu d'excuses sont acceptées, la plus courante, pour ne pas vexer l'hôte, est de prétexter une prise de
médicament. Cette abstinence est plus tolérée, plus comprise quand il s’agit d’une femme.
En dehors des fêtes, boire de l'alcool lors de veillées mortuaires fait partie des traditions locales.
Comme le café, il permet de rester éveillé pour certains, d'oublier le chagrin pour d'autres et pour
une minorité, c’est l'occasion de venir boire un coup gratuitement même si on ne connaît pas le
défunt.
D'autre part, l'alcool entrerait dans la pharmacopée réunionnaise au même titre que les tisanes.
Nombre de qualités lui serait attribuées pour guérir les maux du corps et de la tête. Il serait un
énergétique, un antidépresseur, un tranquillisant, il maintiendrait en bonne santé, permettrait de
lutter contre le froid...
Le rhum, lui, serait connu pour ses effets antalgiques et désinfectants.
Jusqu'aux années 1970, dans certaines familles, il était salutaire d’offrir de temps en temps, aux
enfants un verre d'alcool en guise de fortifiant. Il est intéressant de se remémorer la goute d'alcool
posée sur les lèvres du nouveau-né lors de son baptême.
BEVERAGGI Adèle DU ADDICTOLOGIE 2012 SUFT
13
L'usage social de l'alcool reste approximativement maîtrisé, ponctué par des éléments régulateurs
tels que l'âge, le sexe, le statut social de la personne, le moment de la consommation et la conduite
adoptée après avoir consommé.
Ces éléments vont ainsi déterminer si cet usage est dit « normal » ou « déviant ».
Ces deux mots rappellent les différences de représentations qui existent entre l’homme et la femme.
La femme qui boit en public est dévalorisée, montrée du doigt, l'homme qui le fait devant « la
boutique » est perçu comme étant convivial, voire normal.
A ce titre, « la boutique » est définie par beaucoup comme étant l'espace masculin de
l’alcoolisation, la femme en étant exclue.
En effet, il n’y a pas si longtemps, à la fin d'une journée de travail harassant dans les champs ou sur
les chantiers, les hommes se retrouvaient dans ce lieu pour discuter et boire leur « p'tit coup de
sec ».
Aujourd'hui, même si le contexte n'est plus le même, la vision de groupes d'hommes consommant
leurs boissons alcoolisées à la « boutique » est ainsi légitimé et accepté.
Lorsque l'alcoolisation devient permanente, la personne est stigmatisée. Cette stigmatisation
s'accentue quand le sujet a des comportements déviants tels que la violence, le manque de respect.
Ceux-ci sont alors perçus comme néfastes par la famille. Les proches mettront en évidence les effets
négatifs de l'alcool sur la santé et négligeront, voire oublieront les bienfaits du produit.
Cette prise de conscience est hélas minime et non automatique. elle se fait lorsqu'un membre d'une
famille est concerné par les problèmes posés par l'alcoolisme.
Les femmes, dans la société réunionnaise, sont facilement blâmées et décriées lorsqu'elles sont
confrontées à la problématique de l'alcoolisme.
L'image de la mère est très forte à la Réunion et elle se doit de tenir son rôle avec dignité.
Alors elles se cachent pour boire.
Annie 42 ans: « Pour les femmes, c'est la honte, alors que pour les hommes c'est normal. On
perd toute dignité ».
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14
C) Le fonctionnement du système alcool
Pour aborder l'alcoolisme il faut étudier le modèle bio-psycho-social encore appelé éco-systémique.
L'alcoolisme est un phénomène qui se déroule en trois champs différents: le champ biologique,
l'alcool étant une molécule qui va avoir certains effets à court, à moyen et à long terme dans le
corps ; un champ psychologique, où l'alcool est un psychotrope, un produit psycho-actif qui modifie
la psychologie de l'individu et cette modification a une influence sur les conduites qui induiront
dans le champ social des réponses d'adaptation qui vont dans certains cas créer un système stable,
un entretien du phénomène.
Il est alors nécessaire de noter que chaque être humain a en lui trois personnages: social,
psychologique et biologique. Le personnage social c'est le citoyen, la mère de famille, le collègue.
Le deuxième, à l'intérieur, c'est le personnage psychologique avec son histoire personnelle, son
monde affectif, sa personnalité.
Cet individu n'existe qu'à travers son personnage biologique, tous les phénomènes qui passent par
son corps.
Les trois sont liés mais c'est le personnage social qui sera stigmatisé car il est porteur du verre.
II. LES PROBLÉMATIQUES DE L'ALCOOLISME FEMININ
Les femmes sont dépendantes de la drogue, de l'alcool, de la cigarette mais aussi de leur téléphone
portable, d’un homme, du sport, du travail ou encore du sucre et de la chirurgie esthétique.
Elles sont de plus en plus nombreuses à prendre des substances néfastes, même lorsqu’elles sont
enceintes, à se « piquer » ou à consommer des alcools forts.
Boire un verre en famille, au restaurant est chose admise dans notre société.
Mais lorsque la femme devient dépendante, elle se cache du regard de sa famille, car c’est elle qui
représente toute la force du foyer.
Selon le Docteur William LOWENSTEIN dans Femmes et dépendances, une maladie du siècle,
dans le domaine des addictions, « la France est le pays des droits de l'homme et non celui de la
femme ».
En France, il existe peu de centres de soins spécifiques aux addictions féminines. Ces dernières sont
très particulières et souvent mal évaluées parce que cachées par les femmes elles-mêmes.
BEVERAGGI Adèle DU ADDICTOLOGIE 2012 SUFT
15
De plus, il explique que les femmes enceintes dépendantes ne font l’objet d’aucune attention
particulière ; elles subiraient des menaces telles que « si vous continuez, on vous retire vos
enfants »8
Pour ces femmes dépendantes, à leur souffrance s’ajoute un sentiment de culpabilité provoqué par
leur incapacité à se conformer à l’image traditionnellement lisse de la femme que la société leur
renvoie.
A) Les spécificités biologiques
D'un point de vue biologique, les effets de l'alcool varient d'un individu à l'autre selon le poids,
l'accoutumance au produit, la vitesse d'élimination du foie ou l'ingestion d'aliments et ce quel que
soit le sexe. Néanmoins, chercheurs et cliniciens ont démontré que pour une même quantité d'alcool
ingérée, à âge et poids égal, le taux d'alcoolémie se révèle supérieur chez la femme.
Cette différence s'explique en partie par le fait que l'alcool se dilue dans l'eau contenue dans le corps
et non dans les autres tissus. Le corps de la femme étant plus pauvre en eau mais plus riche en
graisse que celui de l'homme, le produit se concentre davantage dans le sang.
De plus, les femmes disposent, en quantité inférieure, d'une enzyme responsable de la destruction
d’une partie de l'alcool contenu dans l'estomac.
C’est pourquoi sa consommation standard se limite à deux verres par jour contre trois chez
l'homme.9
Ainsi les effets de l'alcool sur la santé sont plus néfastes chez la femme.
Ils entrainent des problèmes spécifiques tels qu’une vulnérabilité somatique plus grande: cirrhoses
plus précoces, polynévrite (inflammation des tissus nerveux), syndrome de KORSAKOFF
(syndrome se caractérisant par une amnésie, une fabulation compensatrice) et syndrome
d'alcoolisation fœtale (S.A.F).
L'alcoolisme est plus destructeur chez la femme avec une surmortalité certaine.
8 William LOWENSTEIN, Femmes et dépendances, CALMANN-LEVY, 2007
9 Source OMS
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B) Les spécificités psychologiques et l'abord psychanalytique
Du côté psychologique, l'anxiété, la dépression et la solitude se retrouvent chez la majorité des
femmes alcooliques.
Près de 80% des femmes justifient leur alcoolisme en raison de problèmes psycho-affectifs.
A la différence de l'homme, la femme alcoolique est plus sujette à la dépression et 50% d'entre elles
font au moins une tentative de suicide.
Les troubles anxieux sont également présents dans l'alcoolisme féminin et ils regroupent: les
troubles paniques, la phobie sociale et l'anxiété généralisée.
Les femmes sont également exposées aux dérèglements alimentaires : l'anorexie, mais aussi la
boulimie favorisée par les propriétés désinhibitrices de l'alcool.
D'un point de vue psychanalytique, l’absorption d'alcool fort par la femme s'inscrit dans une
tentative de guérison. Celle-ci cherche l'oubli et l’apaisement de ses angoisses.
Ceci est souvent cyclique car il dépend du niveau d'anxiété de la personne.
Selon M.C CELERIER, Corps et fantasmes, l'alcoolisation féminine renvoie à un certain nombre de
pulsions. Ces pulsions naissent de carences ou de surplus de liens mère/fille.
Ainsi, la femme alcoolique aurait subi, dans les premiers moments de son existence, une emprise
maternelle violente qui aurait touché le corps même.
De plus, la femme est plus souvent victime d'une relation initiale persécutrice que l'homme.
La rubrique « Les soins au féminin » est coordonnée par le docteur Pierre FUGERE. Il exerce à
Montréal comme professeur titulaire à l’Université et comme obstétricien-gynécologue au Centre
hospitalier de l’Université ainsi qu’à l’Hôpital Saint-Luc.
Cette étude démontre que le passé et l’environnement des personnes jouent un rôle fondamental
dans l'alcoolisme.
Chez la femme, il est à noter, que non seulement elles subissent l'emprise maternelle, mais aussi la
présence d'un père alcoolique dont elles se sont occupées tout en étant ignorées voire abusées par ce
dernier.
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17
Dans l'approche de l'alcoolisme féminin, une autre spécificité est le rapport alcool/ maternité.
Le syndrome d'alcoolisation fœtal est comme réservé à la femme.
C) Le syndrome d'alcoolisation fœtal (SAF)
Le S.A.F a pour cause la mise en contact précoce du fœtus avec le produit alcool.
La toxicité de celui-ci durant la grossesse entraîne sur le fœtus, à des degrés variables, des
malformations physiques, cérébrales et des troubles comportementaux générateurs de conduites
d’exclusion sociale.
En France, 8000 bébés naissent chaque année avec de graves handicaps du fait de la consommation
d'alcool de leur mère pendant la grossesse. Ces chiffres concernent les situations d'alcoolisme avéré.
5 % des femmes enceintes ont des conduites d'alcoolisation qui mettent en jeu la santé et le
potentiel de développement de leur bébé.
0,3 % des enfants sont repérés à la naissance avec un S.A.F et 0,7 % des enfants ne le sont pas.
Ils sont cependant atteints, ce sont les troubles neuro-développementaux qui attirent l'attention des
professionnels.
La prévention tient une place très importante dans cette problématique.
Il est indispensable d’informer les futures mères, en amont de la grossesse, quelque soit leur attitude
face au produit alcool.
En 2007, un pictogramme placé sur toutes les bouteilles d'alcool a permis à 77% des personnes
interrogées lors d’une étude menée par l’INPES (Institut National de Prévention et d’Education
Pour la Santé), de comprendre le message : « zéro alcool pendant la grossesse ».
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DEUXIÈME PARTIE: REPRÉSENTATIONS SOCIALES
D'ISOLEMENT ET DE CLANDESTINITÉ
ET NOTIONS
I. LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DE L'ALCOOLISME FEMININ
A) Le concept de représentation sociale
Amanda 42 ans: « Les représentations, les peurs face à des phénomènes sociaux qui
dérangent, ça a la dent dure ».
Le concept de représentation sociale est relativement récent même si DURKHEIM avait, le premier
en 1898, introduit l'idée de représentation collective et attribué à la psychologie sociale la tâche
d'étudier les dites représentations.10
S. MOSCOVICI, en 1961, introduit le concept en psychologie sociale.
Il définit la représentation sociale comme « un système de valeurs, de notions et de pratiques
relatives à des objets, des aspects ou des dimensions du milieu social, qui permet non seulement la
stabilisation du cadre de vie des individus et des groupes, mais qui constitue également un
instrument d'orientation de la perception des situations et d'élaboration des réponses ».
Denise JODELET a écrit: « la notion de représentation sociale qui, depuis plus de vingt ans, a
suscité de nombreux travaux et débats en psychologie sociale, tend à occuper une position centrale
dans les sciences humaines. Ce mouvement, amorcé en France sous l'impulsion de S. MOSCOVICI,
rencontre un intérêt croissant dans divers pays, en Europe et outre-Atlantique ».11
Les représentations sociales font partie intégrante de la vie en société, de la définition de chaque
individu et elles l'aident dans sa vie de tous les jours.
10 Gustave Nicolas FISCHER, Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale, DUNOT, 2003
11 Denise JODELET, Les représentations sociales, PUF 1993
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« Comment construisons-nous le réel? Quelle image avons-nous d'autrui? Comment pensons- nous
les situations dans lesquelles nous sommes impliqués de l'extérieur? La psychologie sociale s'est
intéressée aux mécanismes cognitifs par lesquels nous pensons et percevons le social. »12
Les représentations sociales sont fondées sur nos croyances et sur nos perceptions d'autrui.
Les idées que nous nous faisons d'autrui sont formées à partir d'échanges sociaux.
Nous percevons les comportements de nos semblables de manière positive ou négative selon les
règles que nous avons apprises.
Il est à noter que l'alcoolisme est de manière générale réprouvé. Il est l'objet de préjugés et de
stéréotypes.
Ces derniers permettent d'approfondir les mécanismes d'élaboration mentale et sociale du réel et de
préciser le fonctionnement des opinions et des croyances collectives.
Le préjugé peut être défini comme « une attitude comportant une dimension évaluative, souvent
négative, à l'égard de types de personnes ou de groupes, en raison de leur appartenance sociale.
C'est une disposition acquise dont le but est d'établir une différenciation sociale. »13
Le stéréotype, terme créé par LIPPMANN (1922), « est une manière de penser par clichés, qui
désigne les catégories descriptives simplifiées basées sur des croyances et par lesquelles nous
qualifions d'autres groupes sociaux. »
Il à été introduit en psychologie sociale pour définir les phénomènes de croyances et de
représentations. Si, pour LIPPMANN, les stéréotypes sont ces « images dans nos têtes », qui
s'intercalent entre la réalité et notre perception, en provoquant une schématisation, ce concept
désigne aujourd'hui de manière plus large l'ensemble des catégories dans lesquelles nous plaçons les
autres.
12 Gustave Nicolas FISCHER, Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale, DUNOT, 2003
13 Gustave Nicolas FISCHER, Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale, DUNOT, 2003
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B) Les représentations sociales de l'alcoolisme féminin
Isabelle, 60 ans: « un jour ma mère m'a dit, « j'aurais préféré que tu aies le SIDA au lieu
d'être alcoolique , ça m'a anéantie ! »
Au cours de l’histoire, la consommation d'alcool était réservée aux mâles.
Au début du vingtième siècle, celle-ci et la cigarette étaient interdits aux femmes de bonne famille.
Les citoyennes dites « de troisième ordre », les filles des rues ou des maisons closes, étaient
considérées comme perdues ; elles s'arrogeaient donc le droit de boire et de fumer.
Certaines intellectuelles, des artistes, des demi-mondaines et d’autres marginales en ont fait autant.
Depuis la nuit des temps, la fête, les excès et les dépendances n’étaient réservés qu’à la gent
masculine.
Avant de se marier un vrai homme se devait de vivre sa vie mais la femme respectable était
éduquée dans l’objectif d’arriver au mariage vierge de toute expérience.
Dans l’imaginaire collectif, la consommation de drogues est masculine au point que, même après
1968, le consommateur d’héroïne était associé à la figure du jeune homme aux cheveux longs,
alors que le premier décès par overdose en 1969 concernait une jeune fille de 19 ans retrouvée
morte sur une plage du sud de la France.
D'un point de vue sociétal, de 1960 à 1980 le rapport entre femmes et hommes alcooliques est passé
d’une femme pour douze hommes à une pour quatre.
Cet apport statistique a introduit un possible parallélisme entre une augmentation en valeur absolue
du nombre de femmes alcooliques et le phénomène de libération des femmes. Consultant plus
facilement, elles se sont fait davantage connaître.
Mais l'alcoolisme féminin est encore marqué aujourd'hui par un grand sentiment de honte et de
culpabilité. En effet, les femmes se cachent pour boire en raison du regard sévère porté par la
société.
La femme symbolise la gardienne de la cellule familiale ; la mère, celle qui donne des valeurs, qui
enfante, belle et attentionnée. Elle est le symbole de la perfection.
Les motivations des femmes ou des hommes qui boivent ont un lien avec les places occupées dans
la société. Ces dernières s'édifient au sein de rapports de force, de conflits ou de tensions.
Le cas de la femme au foyer est bien spécifique. Celle-ci correspond à l’image de la femme parfaite
décrite ci-dessus.
BEVERAGGI Adèle DU ADDICTOLOGIE 2012 SUFT
21
Aussi se cache-t-elle de plus en plus et culpabilise lorsqu’elle perçoit le regard de ses enfants. Ceuxci se sentent coupables à leur tour d'avoir honte de leur mère et de ne pouvoir lui dire qu'elle est
alcoolique.
Tous ces facteurs contribuent à maintenir l'alcoolisme féminin dans la clandestinité.
De plus, les conditions de vie des femmes, inégalitaires en matière de : salaire, interruption des
études, grossesses, limitation des horizons professionnels... constituent un terrain favorable au
développement de l'alcoolisme.
C'est une constante de la description sexuée des faits sociaux: le général est masculin, le particulier
ou le différent est féminin.
Cette maladie fait peur car il représente un désordre de la « nature féminine », les femmes perdent
leur féminité (pudeur et effacement) et deviennent semblables aux hommes dans les lourdeurs de
l'ivresse.
Comme il a été décrit précédemment, les femmes dépendantes de l'alcool sont beaucoup plus
vulnérables que les hommes.
A cause du côté tabou de cette problématique due aux représentations sociales de la société
réunionnaise, les femmes n’osent pas en parler de peur d'être jugées, elles mettent du temps à
envisager des soins et certaines ne le font pas du tout.
Cela a pour conséquences une dégradation de leur santé et de celle de leurs enfants. Elles
développent des maladies graves plus vite que les autres Le taux du SAF reste, encore aujourd'hui,
très important.
Sur le plan professionnel, il est déjà difficile d’admettre que l'alcoolisme d'un homme est une
maladie ; encore moins lorsqu’il s'agit d'une femme !
Généralement, l'entourage professionnel se rend compte des problèmes que rencontre la femme
dépendante. Elle est souvent en retard, s’absente de façon répétée et elle ne fournit pas un travail de
qualité.
A terme, elle sera victime d’ un licenciement sans qu’aucune adaptation ne lui soit proposée.
Cette méconnaissance de la maladie alcoolique tend à renforcer sa clandestinité et à maintenir la
personne qui consomme de l’alcool dans une attitude de dévalorisation d’elle-même.
BEVERAGGI Adèle DU ADDICTOLOGIE 2012 SUFT
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C) Les conséquences des représentations sociales au sein de l'environnement familial
Au sein du couple, il est moins évident pour un homme d'accepter la maladie de sa femme et ainsi
solliciter de l'aide.
Selon Clare WILSON et Shirley OTTO dans La femme moderne et l'alcool, l'alcoolisme de la
femme fait naitre un sentiment de honte très violent chez les membres de la famille. Le conjoint fait
tout pour conserver le secret pour les enfants mais également pour préserver son statut d'homme qui
est menacé par son impuissance à maitriser l'alcoolisme de sa femme.
Dans ce contexte, il va favoriser l'isolement de sa femme mais aussi lui interdire de consulter un
médecin, de commencer le processus de soins. De plus, il ne sollicitera pas non plus les organismes
et ne mentionnera pas la problématique de la dépendance de sa femme comme la cause des
problèmes familiaux.
« En général, on ne recours à l'aide extérieure que tardivement, lorsque toutes les tentatives de
résoudre le problème en famille ont échoué l'une après l'autre: dans la logique d'une culture qui
attache une grande valeur à l'autonomie familiale, la plupart des familles utilisent d'abord les
ressources intrafamiliales pour tenter de résoudre le problème de l'alcoolisme et elles ne se
tournent vers les recours extérieurs que plusieurs années après avoir identifié le caractère excessif
de la boisson. »14
Dans ce contexte, les représentations sociales de la maladie alcoolique, au sein de la famille,
accentue la prise en charge tardive voire inexistante de la femme dépendante.
Le conjoint se détache, camoufle fortement la maladie de sa femme pour sauver une certaine vie
sociale et familiale et ne pas subir les préjugés de la société.
Ainsi, il faut souvent attendre un événement grave (maladie, problématique liée aux enfants) pour
déclencher le processus de soins. Il est donc imposé à la femme et peut échouer.
Celle-ci doit décider elle-même d'arrêter de consommer de l'alcool et la famille s'inscrira dans un
soutien permanent alors que dans la plupart des cas le conjoint reste réticent à la prise en charge
médicale de sa conjointe.
14 Clare WILSON, Shirley OTTO, La femme moderne et l'alcool,, BROCHE 1995
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II. LES NOTIONS D'ISOLEMENT SOCIAL ET DE CLANDESTINITÉ ALCOOLIQUE
« Lorsque se manifestent les premiers symptômes d'intempérance, l'alcoolique et son conjoint
s'accordent et généralement à nier les dangers de la boisson et l'existence de tout problème. Des
excuses du genre elle ne s'est pas rendue compte qu'on lui remplissait son verre dès qu'il était vide
ou encore il avait bien besoin de se détendre sont couramment invoquées et acceptées. Le refus et
les rationalisations peuvent se poursuivre bien au-delà du stade où il est devenu évident pour les
deux conjoints que les états d'ivresse sont de plus en plus fréquents et causent de plus en plus
d'embarras au couple comme à la famille et aux amis. »15
A) L'isolement social
« Parler d’isolement social, c’est se démarquer tout d’abord d’un a priori qui consiste à penser que
« vivre seul(e) » en constitue l’élément premier ou encore que la solitude en est un vecteur
manifeste. Or, ni le statut de « personne isolée », ni le vécu de « la solitude » ne constitue un
facteur déterminant de l’isolement social car ils ne peuvent être en soi associés à un mal-être ou
une souffrance personnelle. A contrario, on peut considérer que l’attitude de repli sur soi et la
rupture avec son environnement social sont des facteurs majeurs de l’isolement social.
Ainsi, les situations de ce dernier sont, par essence, des situations problématiques et échappent le
plus souvent à l’action ordinaire des professionnels par le caractère peu visible de leur réalité. » 16
L'isolement social commence lorsque l'environnement social ne veut plus fréquenter la femme
malade alcoolique parce qu'il a honte et veut éviter les scènes déplaisantes.
Il est présent chez les deux sexes mais il est prononcé chez la femme car elle se l'impose elle même.
Annie 42 ans: « mes enfants sont encore petits, ils ne savent pas ce qui se passe, ils ne savent
pas que leur mère boit pour oublier cette vie..... quoique la plus grande commence à me
regarder d'un œil douteux. »
Les femmes qui boivent chez elles s'inscrivent alors dans un alcoolisme clandestin du fait d'un
sentiment de honte éprouvé à l'égard de sa famille et de ses amis.
15 Clare WILSON, Shirley OTTO, La femme moderne et l'alcool,, BROCHE, 1995
16 Étude sur l'isolement social, Nantes 2007
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B) La clandestinité alcoolique
La clandestinité se définit comme: « la situation de ceux qui mènent une existence clandestine.
Entrer dans la clandestinité. »17
Le caractère essentiel de l'alcoolisme féminin est d'être un alcoolisme caché. Cette clandestinité
referme le cercle vicieux de la solitude et de l'abandon. C'est la naissance de la descente dans
l'obscurité de la névrose alcoolique qui laisse une sensation d'inachèvement, de morcellement
même.
La femme malade alcoolique met alors en place une stratégie pour qu'il ne ressorte rien de sa
consommation.
Elle va s'alcooliser en début de journée, en évitant une intoxication trop forte pour être à jeun au
retour des enfants et au retour de son conjoint à la maison.
Une compréhension générale de la problématique des représentations sociales de la maladie
alcoolique de la femme réside justement dans le fait que cette problématique n'existe pas puisqu'elle
est clandestine.
Dans ce contexte, il est alors difficile d'identifier, de comprendre et d'analyser cette problématique.
Aujourd'hui, nous abordons la question sous un angle bien spécifique (différencier la maladie
alcoolique chez un homme et la maladie alcoolique chez la femme).
Ludivine 26 ans: « En public je ne bois jamais, lorsque je suis chez moi c'est là que je me
descends trois packs de bière ».
17 LAROUSSE 2010
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TROISIÈME PARTIE: ACCOMPAGNEMENT TRIPARTITE DANS LA
RÉHABILITATION SOCIALE
I. L'ACCOMPAGNEMENT
PSYCHO-SOCIAL
DE
LA
FEMME
MALADE
ALCOOLIQUE
A) Le concept d'accompagnement
La notion d'accompagnement social a été mise en avant dans les années 1980 par les associations
luttant contre les exclusions. Elle fait son apparition dans la loi de 1992 dans la partie concernant le
RMI: c’est un moyen pour développer l'insertion sociale des bénéficiaires du RMI.
Selon la charte de l'accompagnement social signée en 2003, « celui-ci se lie à d'autres mots-clés à
savoir: insertion, contrat; il est mis en œuvre pour permettre l'accès à des droits (logement, santé,
emploi...).
Ce concept est issu de la mise en œuvre des différentes politiques de lutte contre les exclusions et
des dispositifs qui en ont découlé. C'est un outil d'intervention et un moyen ou un levier privilégié
pour favoriser l'insertion et l'autonomie des personnes. Il enclenche un processus dynamique ».
Selon Brigitte BOUQUET et Christine GARCETTE, l'accompagnement social vise à « aider les
personnes en difficulté à résoudre les problèmes générés par des situations d'exclusion, et à établir
avec elles une relation d'écoute, de soutien, de conseil et d'entraide dans une relation de solidarité,
de réciprocité et d'engagement de part et d'autre ».18
Selon elles, il existe deux types d'accompagnement social:
–le généraliste qui repose sur une approche globale de la personne et de ses difficultés; il privilégie
l'écoute, le soutien et l'échange.
Le travailleur social est alors médiateur entre la personne et son environnement,
–le spécifique qui s'inscrit « dans le dispositif public des diverses politiques transversales (RMI,
FSL, Politiques de la ville, emploi...) ». Il est conditionné par un financement. Les buts, moyens et
finalités sont fixés par des règles définies par les lois.
18 B BOUQUET, C GARCETTE, Assistante sociale aujourd'hui, MALOINE, 2002
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Cet accompagnement sous-entend la notion de contrat.19
Dans l'accompagnement des femmes dépendantes il est intéressant de prendre en compte les modes
d'accompagnement connus à savoir l'accompagnement médical et le social.
B) L'accompagnement thérapeutique
L'accompagnement thérapeutique de la femme alcoolique est également spécifique.
Généralement, il est réalisé par le médecin généraliste qui détecte la maladie et amorce le
traitement.
Encore une fois, le caractère tabou de l’alcoolisme au féminin et le fait que la femme a honte d'en
parler rendent difficile un diagnostic précis.
L'approche thérapeutique comporte les phases suivantes:
La phase exploratoire qui va permettre d'identifier la place du produit dans sa vie.
La phase de la motivation au changement qui permet la reconnaissance du problème alcool par la
femme et la prise de décision de le régler.
Cette phase s’appuie sur la technique de « l’entrevue motivationnelle » de MILLER et ROLLNICK
qui enseignent comment utiliser l’ambivalence ou la résistance chez la femme pour l’aider à
changer, tout en respectant son rythme.
Le manque de motivation de la patiente devient, dans cette perspective, un défi lancé aux habiletés
thérapeutiques du médecin, et non un tort dont il faut la blâmer.
Si les techniques de confrontation ont eu leur heure de gloire, elles sont aujourd’hui remises en
question, notamment en présence de personnes qui consultent un médecin.
En effet, il importe avant tout de créer un lien thérapeutique, un climat de confiance avec la
patiente. La confrontation risquant au contraire de la faire fuir.
De plus, il est important de prendre en compte l'environnement de la femme alcoolique.
Ainsi, rencontrer le conjoint ou une personne significative est nécessaire car l'alcoolisme a des
répercutions sur l'ensemble de la famille. Cette démarche permet d'apprécier la capacité de soutien
du conjoint ou au contraire, son influence s’il est lui-même en état de dépendance.
19 B BOUQUET, C GARCETTE, Assistante sociale aujourd'hui, MALOINE, 2002
BEVERAGGI Adèle DU ADDICTOLOGIE 2012 SUFT
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Le médecin devra appréhender le phénomène de la codépendance.
En complément, le problème de la garde des enfants dans cette problématique devra être considéré
dans toutes les approches thérapeutiques.
Enfin, le traitement peut se faire en externe (la patiente se soigne à domicile) ou en interne
(structures spécialisées) lorsque les cas sont graves et complexes (alcool et grossesse) et lorsque la
dépendance est mixte (alcool et tranquillisant).
Lors de mes phases d'observation et de mes recherches, j’ai constaté que la résolution de la
problématique de l'alcoolisme féminin nécessite un accompagnement social.
Celui-ci fait partie de la prise en charge globale de la personne.
C) L'accompagnement social de la femme dépendante et la relation d'aide
L'accompagnement social de la femme alcoolique doit être tout aussi important.
Yves COULOMBIER, travailleur social en alcoologie, en propose un en cinq étapes.
Première démarche : établir un diagnostic en reconnaissant la situation d’alcoolisme qu’il ne faut
pas confondre avec l’alcoolisation.
Vient ensuite le « dire ». Le travailleur social ne doit pas envisager dans cette phase le non dit au
prétexte de la non violation de la vie privée de la personne ; mais au contraire le dire, en parler,
protéger l’entourage, aider la personne alcoolique, expliquer la situation délicate dans laquelle elle
se trouve.
Une des nécessités pour éloigner l’alcoolisme est de permettre d’en raconter l’histoire, qu’il s’agisse
d’une femme ou d’un homme.
Puis, vient l’étape des déclencheurs du changement. Le seul ressenti qui puisse être moteur est celui
de la personne concernée et pas celui de l’intervenant.
Un alcoolique n’a envie de modifier sa consommation que lorsque son alcoolisation présente à ses
yeux plus d’inconvénients que d’avantages et qu'il a une meilleure compréhension de la fonction du
produit dans sa vie.
BEVERAGGI Adèle DU ADDICTOLOGIE 2012 SUFT
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Cette étape renvoie à la loi du 2 Janvier 2002 qui rend la personne acteur du changement de sa
propre situation.
Quatrième étape, celle de l’orientation du travailleur social vers le service idoine (ambulatoire,
hospitalière ou de postcure).
Enfin intervient l’abstinence, marquée au début par une intense phase d’hyperactivité qui permet à
la personne de remplir le vide laissé par le renoncement au produit. Des rechutes sont non
seulement possibles mais font partie du processus thérapeutique.
Il faut s’y préparer et ne pas les vivre comme un échec professionnel.
Finalement , ce qui apparaît le plus favorable au changement, c’est ce qui permet à la personne de
se prendre en charge, l’essentiel étant de transformer l’obligation en adhésion.
Le travailleur social peut faciliter l’émergence de solidarités entre malades alcooliques.
Il existe plusieurs mouvements en France dont un qui s’adresse uniquement aux femmes :
« SOS ALCOOL FEMMES » lequel a pour objet de rendre l’accès plus facile à celles qui sont
hésitantes à l’idée de parler de leur alcoolisme.
D’autres femmes ont été et sont soutenues par des groupes mixtes. Comme cette mixité ne les gêne
pas, certaines prennent même des responsabilités dans ces unités.20
Ainsi, les accompagnements thérapeutique et social sont indissociables. C'est l'approche globale.
Des similitudes sont à noter et celles-ci scellent le travail tripartite: médical, thérapeutique
(psychologique) et social.
Comme le remarque Yves COULOMBIER, « le travailleur social doit affirmer et revendiquer sa
place dans l'accompagnement des personnes dépendantes ».
Le professionnel doit identifier les difficultés de la prise en charge (rechutes, échecs, incrédulité du
patient qui a besoin d'être aidé) afin d'être tolérant.
Le malade peut être très doué pour faire douter l’intervenant car il est dans le déni, il n'a pas
conscience d'être malade.
20 SOS femmes crée par Laure CHARPENTIER
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29
Le travailleur social devra se garder d’être ni dans le reproche, ni dans une émotion parfois trop
fusionnelle.
Il se positionnera comme partenaire et non comme inquisiteur et accordera du sens à l'alcoolisation.
Il doit reconnaître qu'il est utile dans la prise en charge.
En complément, il centrera son action sur la souffrance et non sur le symptôme. Cette action permet
alors de parler avec le patient mais pas du patient. Le malade alcoolique a besoin d'une écoute
active sans avoir besoin en premier lieu de réponses.
« Il ne faudrait pas reproduire dans l’accompagnement, ce qui pourrait bien être à l’origine de
l’alcoolisation : la discordance entre ce qui est attendu et ce qui est trouvé.
D’où l’importance de l’aborder à partir de ce que l’on constate, en renonçant à tout jugement,
pour faire place au questionnement.
Démarche élémentaire dans le travail social, mais peut-être encore plus délicat face à cette
population que face à toute autre ! »21
L'alcoolisme est une maladie à retentissement social qui nécessite toute l'attention du travailleur et
des organismes sociaux.
L'entretien est le meilleur outil dont dispose le travailleur social pour entrer en relation avec la
personne malade.
Il doit mettre en place, une relation d'aide pour lui permettre de rendre possible l'abstinence et la
réintégration sociale.
Cette relation d'aide, dans l'accompagnement des femmes dépendantes, fait écho aux termes
suivants: l'écoute, la rencontre, la relation empathique, la confiance.
Écouter vient du latin « auscultare » qui signifie s'appliquer à entendre22. Dans le langage social, on
parle d'écoute active.
L'écoute favorise ainsi la première rencontre avec la personne.
21 Jacques TREMINTIN, Quelle intervention auprès de la personne alcoolique. Publication n°591 du 4 Octobre 2001
lien social.
22 LAROUSSE 2010
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30
La rencontre est définie par Cristina De ROBERTIS comme « le point de départ de l'action du
travailleur social avec le client. Il peut s'agir d'une demande directe formulée par le client, il peut
s'agir d'une demande du service employeur, d'une demande directe formulée par un autre service
(signalement), il peut s'agir d'un mandat légal (PMI, protection de l'enfance, justice...), ou encore il
peut s'agir d'un problème social perçu par le travailleur social lui-même ou par une équipe de
travailleurs sociaux.
Ce point de départ conditionnera inévitablement la suite de la démarche professionnelle ».23
Au cours du vingtième siècle, le concept d'empathie se répand dans les sciences humaines. Cette
notion a fait l'objet de nombreuses réflexions de la part de psychiatres et de psychanalystes avec les
théories de Heinz KOHUT et de celle de théoriciens et de praticiens de la relation dont Carl
RODGERS.
Selon ce dernier, « L'empathie consiste à saisir avec autant d'exactitude que possible, les références
internes et les composantes émotionnelles d'une autre personne et à les comprendre comme si l'on
était cette autre personne ».24
L'empathie permet au professionnel de comprendre ce que ressent l'autre mais sans s'impliquer
émotionnellement.
Il faut prendre de la distance tout en étant à l'écoute, il ne faut ni trop s'ouvrir ni trop se fermer aux
problèmes des personnes.
Ici, l'empathie renvoie à ses propres représentations de l'alcoolisme. Il est essentiel de travailler sur
ses propres limites lors de l'accompagnement des personnes dépendantes.
Enfin, la confiance, dans la relation avec la femme dépendante est primordiale.
Celle-ci lui permettra de parler de son histoire sans tabous et sans peur d'être jugée.
Ainsi, le travailleur social pourra établir une relation avec la personne malade afin de participer à sa
responsabilisation face à sa maladie et d’amorcer avec elle le processus de changement qui lui
permettra de prendre conscience de sa dépendance et de tendre vers une réhabilitation sociale.
23 C De ROBERTIS, Méthodologie de l'intervention en travail social, BAYARD, 2007
24Définition du dictionnaire de psychologie DORON-PAROT, PUF.
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II. LA PLACE DE LA FAMILLE DANS LA PRISE EN CHARGE DE LA FEMME
MALADE ALCOOLIQUE
« La famille est un groupe social caractérisé par la cohabitation et la coopération d'adultes de
deux sexes dont deux au moins entretiennent des relations sexuelles socialement approuvées et qui
élèvent ensemble des enfants nés de cette union ou adoptés. »
G.I.MURDOCK 1972.
« On peut définir la famille comme articulation de liens d'union de parenté et de germanité. Cette
définition de la famille en tant que fonction permet de ne pas préétablir le contenu d'une famille :
aujourd'hui une famille ne prend pas nécessairement son origine dans le mariage ( union libre) elle
peut réunir des gens de même sexe ou des recompositions de famille. »
Claude LEVI-STRAUSS 1979.
A) Famille et système alcool
Famille, du latin familia, « est un ensemble formé par le père, la mère (ou par l'un des deux) et les
enfants. »
Sociologiquement, on parle de famille nucléaire ou conjugale qui se définit comme « un groupe
domestique réunissant au même foyer, uniquement le père, la mère et les enfants non mariés. »25
Plusieurs schémas relationnels se mettent en place lorsque c'est la femme qui s'alcoolise dans le
foyer.
En relation avec la théorie d'Henri GOMEZ, sur la schématisation des relations de couple, il se peut
que le couple consomme à deux et se maintienne conjointement dans l'alcoolisme.
Ensuite, le mari peut s'inscrire dans une démarche d’incompréhension de la situation ou bien il peut
se placer en dominant (toute puissance, liberté d'action) ou en victime : il peut se montrer agressif et
exiger de la part de sa conjointe un traitement et une abstinence efficaces..
Cette relation que vit le couple se transforme en vie à trois avec le facteur alcool. Souvent, celle-ci
se solde par une séparation qui parfois peut s'avérer être bénéfique pour la femme dépendante.
25 Le petit Larousse 2010
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Les enfants qui évoluent dans un milieu familial où la mère est malade alcoolique connaissent le
plus souvent le sentiment de honte, s’enferment dans le secret et dans l'isolement social.
B FAORO-KREIT et D HERS mettent en exergue cette théorie. L’enfant a peur que ses amis
apprennent qu’un de ses parents est malade alcoolique, et, par conséquent, d'être rejeté et de subir
les critiques, les jugements négatifs ou la pitié. Il est prêt à tout assumer, à minimiser, à excuser, à
réparer ou à nier pour que cela ne se sache pas.
Ce silence peut aussi lui être imposé par le parent non alcoolique. Cela aura pour conséquence de
renforcer l’isolement social de l’enfant. Dans ce contexte, il sera enfermé dans un mutisme,
incapable de partager ni d'exprimer les sentiments qu'il ressent.
B) La codépendance
L'alcoolisme, dans le système familial, nuit gravement à l'équilibre de la famille et à la santé
mentale du conjoint et des enfants.
Les méfaits de la maladie de la personne dépendante rejaillissent sur tous ses proches.
Dans L'Assommoir, Émile ZOLA fait référence à la notion de coalcoolisme qui démontre que les
personnes fréquentant assidument un ou une alcoolique sont difficilement capables de gérer leur vie
par la suite.
Aujourd'hui, la définition de la codépendance est quelque peu étendue.
Dans un essai de l'ouvrage Co-Dependency, An Emerging Issue, Robert SUBBY la définit comme
« un état affectif, psychologique et comportemental apparaissant à la suite du contact et de la
pratique prolongés d'une série de règles répressives. Règles qui empêchent le sujet d'exprimer
ouvertement ses sentiments et d'aborder de manière directe les problèmes personnels et
interpersonnels. »
Pascal, mari de Gilberte: « la codépendance, pour moi, c'est faire face tous les jours à ma
femme qui ne m'entend pas lui dire je t'aime et je t'aimerai toujours ».
La famille de la personne malade alcoolique, est intimement liée à la problématique de la
dépendance et vit au quotidien les difficultés qui y sont liées.
Chaque système familial est unique. Les membres qui en font partie gèrent, chacun à sa façon, les
problèmes posés.
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La femme, dépendante de l'alcool, va le plus souvent se sentir coupable de boire, éprouvant par làmême de plus en plus de honte. Dans ce cercle infernal, elle n’a plus d'estime de soi et augmente sa
consommation.
Enfermée dans ce système, il va être de plus en plus difficile à son entourage de solliciter de l'aide.
Cela peut la conduire à une rupture avec son environnement social et familial et la mener quelque
fois à demander elle-même de l'aide.
C) La place de la famille dans l'accompagnement
La famille tient un rôle important dans la réhabilitation des femmes malades alcooliques. Elle joue
un rôle positif dans le système de réhabilitation et permet à la malade d'être soutenue et
accompagnée par ses proches et ainsi de ne pas se sentir seule et abandonnée.
Les couples peuvent se reconstruire et les liens amoureux et affectifs peuvent renaître.
Dans une psychothérapie de la famille, la prise en charge peut permettre à chaque membre de la
famille de se reconstruire, d'accepter la maladie de la femme, de la mère.
Leur implication permet de renouer le dialogue, de comprendre la maladie alcoolique.
La famille participe à lutter contre les représentations sociales, la solitude et la honte que
connaissent les femmes malades alcooliques.
De plus, le soutien du conjoint dans le processus de réhabilitation permet d'éviter le placement
éventuel des enfants, une grande culpabilisation de la mère et de favoriser également un contexte de
soins plus ou moins imposé.
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CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Après avoir mené ma recherche théorique et pratique sur la maladie alcoolique et des spécificités
liées à la femme, il est intéressant de constater que la maladie alcoolique chez la femme est une
problématique dont on parle récemment.
Les silences sont encore très présents dans nos société dites modernes.
La prévalence de l'alcoolisme féminin, se traduit, statistiquement essentiellement au travers du
S.A.F.
La place des représentations sociales est importante dans la problématique de l'alcoolisme féminin
et est lourde de conséquences dans la prise en charge des femmes dépendantes. Elles freinent les
soins des femmes et amènent des constats erronés de la maladie au sein de l'environnement familial
et social.
Dans une meilleure connaissance de la problématique de l'alcoolisme féminin, il est primordial de
comprendre l'histoire de la femme, de l'accompagner dans un climat de confiance afin de lui
permettre de combattre la peur du jugement, la honte que suscite sa maladie.
De plus, dans l'accompagnement de la femme malade alcoolique, il est alors important de prendre
en compte le besoin d'un travail pluridisciplinaire entre le médical, le social et la famille qui joue un
rôle important.
Avec un certain recul aujourd'hui, je peux dire que cet accompagnement tripartite a manqué à l'île
Maurice.
L'accompagnement est basé essentiellement sur le social: la réhabilitation sociale, un travail qui
vise une réinsertion.
A Maurice, il n'y a pas de psychologues ni psychiatres qui participent à la prise en charge globale
des femmes dépendantes.
Ainsi, il serait intéressant de proposer aux familles qui sont confrontées aux problématiques de la
dépendance d'un proche, des réunions d'informations, des séances de prévention afin qu’elles
comprennent mieux l'importance de leur investissement dans la prise en charge de ce proche,
l'intérêt, le déroulement de la thérapie en tenant compte de la rechute éventuelle et du combat
éternel à mener contre le produit qui est à l'origine de la dépendance.
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Comme il a été démontré, il est difficile pour le conjoint d'accepter la dépendance de sa femme et
de demander de l'aide en toute sérénité.
Il faudrait alors lui offrir la possibilité de pouvoir s'exprimer, travailler également ses propres peurs,
ses propres préjugés afin de participer pleinement à la réhabilitation de sa femme.
De plus, il serait sans doute efficace de travailler avec la famille (conjoint et enfants) afin de
solliciter leur participation active au traitement de la femme, de la mère.
Cela permettrait à moyen et long terme de recréer les liens familiaux, la communication et la
compréhension des évènements qui se sont produits dans la famille lors de la dépendance de la
femme. Celle-ci se sentirait également plus soutenue, plus entourée, plus comprise et aurait moins
le sentiment d’être jugée par ses proches.
Pour permettre la mutation des représentations sociales, pour favoriser un changement de pensée de
la société, il est intéressant d'accorder de l'importance au système de prévention et d'information.
C’est pour cela que l'Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme et de l'Addictologie
(ANPAA) lance un appel aux politiques pour une meilleure prise en compte de ce système.
L'ANPAA s'attache à l'amélioration de la prévention de proximité et demande une cohérence entre
les objectifs du plan de la Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues et les
Toxicomanies (MILDT) et les budgets qui lui sont consacrés.
L'ANPAA demande la mise en place d'un plan quinquennal de la prévention du risque alcool avec
une mise à niveau progressive des moyens, de privilégier la sensibilisation des enfants scolarisés et
des jeunes adultes et de renforcer les actions menées auprès des segments de populations ayant des
risques particuliers du fait de leurs conditions de vie ou de circonstances difficiles.
Le développement de la prévention, qu'elle soit primaire (pour les non consommateurs) ou
secondaire (pour les consommateurs sans problèmes déclarés), contribue à réduire les besoins de
soins et d'accompagnement social qui mobilisent des moyens humains et financiers lourds.
La communication, la recherche et l'information sont des outils du changement de représentations
d'une société surtout quand celles-ci ne sont pas justes.
Enfin, ce qui me semble important dans l'accompagnement social des femmes dépendantes et de
pouvoir participer à une réduction des risques, comment les limiter et quelle est la conduite à tenir?
La relation d'aide permet de ne pas s'inscrire dans une volonté de guérison mais dans une volonté de
réduire les risques.
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