Alcoolisme au féminin

Transcription

Alcoolisme au féminin
ALCOOLISME AU FEMININ
Rencontre-débat Inserm-Associations le 11 décembre 2014
Qu’elles soient malades ou non, guéries, mamans, conjointes, certaines femmes, en groupe de paroles
mixtes, ne s’autorisent pas à exprimer certains thèmes, comme si briser le silence qui les a muselées
pendant des années était encore impossible, en 2014.
Les thématiques spécifiques suivantes résultent de témoignages de paroles de femmes, qu’elles
s’interdisent en groupe mixte pour différentes raisons, souvent d’ailleurs par souci de ne
heurter la sensibilité de personne.
Les femmes et l’alcool : Fragiles, vulnérables, dépressives, sensibles, « timides »,
expansives ou tout à la fois, les femmes sont plus de 80% à évoquer leur addiction à
l'alcool et à l'alcoolisme suite à des problèmes psycho-affectifs, notamment celles âgées
entre 35 et 50 ans. Si les femmes ne boivent pas toujours pour les mêmes raisons que les
hommes, elles sont exposées à des risques accrus de dépendance et de complications
médicales. Cette vulnérabilité impose-t-elle une vigilance particulière ? Comment obtenir
des informations ?
Pendant longtemps l'alcoolisme a gardé l'image d'une maladie essentiellement masculine. Il est vrai
que les hommes sont plus enclins à l'abus d'alcool et qu'ils l'extériorisent aussi plus facilement,
notamment dans des conduites de groupe. Par ailleurs, l’émancipation de la femme n’est pas pour rien
dans le développement des dépendances à l’alcool : Un accès plus facile aux produits, une liberté
d’action plus grande, une activité professionnelle plus intense et plus stressante, un rôle parental et
social à redéfinir, etc… Essentiellement solitaire, le mode de consommation féminin est aussi lié au
regard de la société sur l’ivresse. Si l’alcoolisation de l’homme est tolérée, perçue comme conviviale,
liée à la rencontre et à l’amusement, l’image de la femme qui boit dérange voire répugne. Certes, les
femmes fréquentent aussi les bars, les discothèques et les fêtes, mais c’est le plus souvent à la maison
qu’elles s’alcoolisent, seules et en cachette, à l’abri du regard du monde. Alors que l’alcoolisme de
l’homme s’inscrit dans notre culture comme conquérant et jovial, l’alcoolisme féminin est davantage
voué au jugement social. D’une manière générale, la consommation d’alcool par les femmes reste
particulièrement mal considérée : La femme attire davantage la répulsion et il est dégradant pour une
femme de boire dans un lieu public.
La réprobation sociale semblerait liée aux rôles de conjointe et de mère.
Comment « vivre mieux » avec ?
Comment modifier son regard pour positiver ?
La clandestinité est « le fait majeur », le point capital qui caractérise l’alcoolisme féminin.
C’est donc envahies d’un sentiment diffus de culpabilité qu’elles vont s’alcooliser en faisant attention à s’isoler
et en tâchant d’en camoufler les répercussions.
Ce repli sur soi, montre à quel point elles cherchent à se retrouver. Il leur est impossible socialement parlant de
s’alcooliser à l’extérieur ou dans des lieux publics. Elles le font en solitaire, chez elles. Ainsi, alors que
l’alcoolisme masculin se joue ouvertement sur la scène publique ou familiale, l’alcoolisation féminine
s’apparente à un ghetto enfermant les femmes dans la solitude. Seules et en cachette, à l’abri du regard du
monde. Le soir venu quand le rideau tombe, elles ne sont plus ces salariées voire cadres dynamiques ou ces
mamans hyperactives. L’alcool n’est pas festif, il est détresse morale.
Le camouflage : Devant le poids pesant du paraître social, elles doivent dissimuler non seulement leur
alcoolisme à l’entourage, mais aussi cacher les bouteilles.
Elles tentent de gommer les conséquences somatiques de leur alcoolisme par le maquillage, en masquant leur
haleine par la consommation de chewing-gum, des dentifrices ou bien encore en se parfumant, parfois à
outrance, en se forçant à « paraître » au mieux de leur forme, pour étouffer tous indices de trahison de leur
consommation et tendre au mieux à ce dit « idéal féminin ».
Le « voir boire »
La consommation excessive d’alcool d’un proche inquiète.
Sujet tabou là aussi...
Pourtant, les émotions, diverses, sont là…
La peur, l’inquiétude, la tristesse, la déception, la colère, la honte, générées notamment par le
sentiment d’impuissance qu’elles éprouvent.
Comment faire ?
Que dire, que ne pas dire ?
La sexualité
Naufrage. A l’image de la personnalité.
Faible intérêt pour les relations en général, sexuelles en particulier ou au contraire nymphomanie,
telles sont les caractéristiques des femmes alcooliques.
La ménopause est également un facteur prédisposant à l’alcoolisme car elle renvoie à des ressentis de
rejet, d’exclusion, d’inutilité.
Souvent, ces troubles trouvent d’ailleurs leur origine dans des troubles anciens (obsessions mal
guéries, traumatismes de l’enfance non révélés, homosexualité camouflée, manque de féminité chez la
femme, manque de virilité chez l’homme, hyperémotivité). « En deux mots, si le déséquilibre nerveux
s’installe, il s’ensuit systématiquement des troubles de la vie affective et, par-là même, des
dérèglements de la vie sexuelle. Dans le cas – simple et fréquent – de mésentente conjugale, le choc
d’une sexualité mal ressentie et mal vécue retentit directement sur le psychisme et peut entraîner le
plongeon dans l’alcool (alcoolisme réactionnel, dit “ de compensation ”). Lorsqu’il y a, au sein d’un
couple, constat d’infidélité, le stress vécu par la victime – homme ou femme – suffit à déséquilibrer
non seulement la fonction sexuelle, mais aussi les fonctions générales de l’organisme (certaines
impuissances sexuelles, chez l’homme, sont directement liées à ce genre de mésaventure). En
conclusion, nous constatons que ce sont évidemment les hypersensibles – et les alcooliques n’ont-ils
pas la réputation d’être des écorchés vifs ? – qui se trouvent être les plus exposés aux chocs d’ordre
émotif. » (Laure Charpentier « Toute honte bue »)
Cette question est rarement évoquée en groupe mixte.
L’accompagnement : Les méthodes de sevrage sont identiques chez la femme et chez l'homme,
associant souvent des médicaments à un suivi alcoolique et psychologique. Cette prise en charge
psychologique, particulièrement importante dans la démarche d’accompagnement et de soins, permet
aux femmes de se libérer des croyances limitantes, ancrées depuis leur enfance, qui ne leur permettent
pas d’exister en dehors de l’emprise d’un homme (père, frère, conjoint, fils, patron…).
Pour une grande majorité de personnes, ce sujet est encore tabou.
Le rôle social attribué à la femme par la société, même s’il évolue, conduit à lui témoigner en
matière d’alcoolisme moins de sollicitude qu’à l’homme, ce qui augmente la difficulté de son
abord thérapeutique, avec des risques de contre attitudes, de préjugés et autres effets
défavorables à sa propre prise en charge.
C’est la raison pour laquelle il nous apparait utile que ces femmes qui, « paralysées de la
parole » ou affichant un « masque » en groupe mixte dans un premier temps, puissent se libérer
de blocages, de « barrières inutiles », de « croyances limitantes » liées à leur éducation, à
l’environnement dans lequel elles ont grandi et enfin renaître de leurs hontes.
Exprimées au sein d’un groupe de femmes, animé avec bienveillance, ces hontes peuvent devenir
source de richesse personnelle, de confiance en soi et d’amélioration de leur relation avec les
autres, et en particulier avec les hommes.
Cette libération de la parole féminine peut permettre ensuite à ces femmes de participer plus
aisément aux groupes de parole mixtes et, pourquoi pas, de s’investir différemment dans le
fonctionnement des associations.
Vie Libre accorde une place particulière aux femmes.
Elles représentent 46 % des adhérents (3928 femmes).
Au niveau national depuis 1989 puis au sein de 129 groupes de femmes puis 1994.
En Seine et Marne, au sein de la section de Dammarie Les Lys qui couvre le territoire de 14 communes
et qui fête ses 45 ans d’existence cette année, cette expérience a été menée et évolue vers la création
d’un groupe de paroles, fondée sur un besoin réellement exprimé et qui permettra aux femmes
d’échanger sur des thématiques spécifiques. Il nous semble en effet que certaines femmes éprouvent des
difficultés à aborder la question même d’être une femme… Libre, de surcroit… Il s’agit donc de mettre
en place un groupe pour qu’elles se permettent de se parler, d’en faire un outil qui s’inscrit en termes
d’estime de soi, dans leur démarche de soins.

Documents pareils