Le syndrome d`amaigrissement chronique chez les équidés

Transcription

Le syndrome d`amaigrissement chronique chez les équidés
ARTICLE ORIGINAL
Le syndrome d’amaigrissement chronique
chez les équidés
Deuxième partie : de la théorie à la pratique, étude rétrospective
sur 60 cas
Y. TAMZALI
Médecine Interne Équine, École Nationale Vétérinaire de Toulouse, 23, chemin des Capelles, F-31076 Toulouse Cedex
RÉSUMÉ
SUMMARY
Afin de valider l’approche diagnostique rationalisée proposée dans la
première partie, une étude rétrospective est menée sur 60 cas atteints de syndrome d’amaigrissement chronique référés à la clinique équine de l’école
vétérinaire de Toulouse entre octobre 1998 et décembre 2002. Un diagnostic a été établi sur 56 cas, (93 % du total).
Concernant le type de tests utilisés :
- 20 cas ont été diagnostiqués à l’aide de tests simples de 1ère intention
(33 % du total).
- 24 cas ont été diagnostiqués à l’aide de tests simples de 2nde intention
(40 % du total).
- 09 cas ont été diagnostiqués à l’aide de tests plus spécialisés (15 % du
total).
- Sur 54 cas (90 % du total) les tests simples de 1ère ou 2 nde intention ont
fourni soit l’information pour un diagnostic définitif, soit des indications
pour des tests spécialisés ciblés.
Il n’existe pas de prédisposition de sexe, d’âge ni de race. La pertinence
de chaque examen est discutée ainsi que les données relatives à des affections spécifiques.
Concernant les affections diagnostiquées, la prévalence de diverses
causes à l’origine de syndrome d’amaigrissement est établie pour un centre
de référence : parasitaires (30 %), dentaires (20 %), digestives (15 %), néoplasiques (8 %), infectieuses (3 %), hépatiques (10 %), rénales (5 %), hypercorticisme (3 %) et neurologiques (1.7 %).
La validation de l’approche diagnostique proposée démontre qu’en pratique équine, il est possible d’élucider la majorité des cas de syndrome
d’amaigrissement chronique à l’aide d’une démarche systématique et
rationnelle et d’outils diagnostiques simples.
Chronic weight loss syndrome in horses : a 60 cases retrospective study.
By Y. TAMZALI*, DVM, PhD.
* Equine Internal Medicine, Ecole Nationale Vétérinaire de To u l o u s e ,
23 chemin des Capelles, 31076 Toulouse cedex, France.
MOTS-CLÉS : cheval - syndrome d’amaigrissement chronique - diagnostic - étude rétrospective.
Revue Méd. Vét., 2003, 154, 6, 405-414
In order to validate the rationalized diagnosis approach proposed in the
first part, a retrospective study is conducted on 60 cases of chronic weight
loss syndrome referred to the equine clinic of Toulouse Veterinary School
between October 1998 and December 2002. A final diagnosis has been established on 56 cases (93 % of total).
Regarding the type of diagnostic tests used :
- 20 cases (33 %) were diagnosed using first intention simple tests.
- 24 cases (40 %) were diagnosed using second intention simple tests.
- 09 cases (15 %) were diagnosed using more specialized tests.
- In 54 cases (90 % of total) first or second intention tests provided either
information sufficient to provide a final diagnosis or good indications for
targeted, more specialized tests.
As regards the diseases diagnosed, the study establishes the prevalence of
various diseases in weight loss syndrome for a reference centre : parasitic
(30 %), dental (20 %), digestive (15 %), néoplastic (8 %), infectious (3 %),
hepatic (10 %), renal (5 %), hypercorticism (3 %) and neurologic (1.7 %).
The study also shows that there is no age, sex or breed predisposition. The
relevance of each diagnostic test used is discussed as well as data regarding
specific diseases conditions.
The validation of the proposed diagnostic approach demonstrates that in
equine practice, it is possible to diagnose most chronic weight loss syndrome cases, using a systematic and rational approach and simple diagnostic
tools.
KEY-WORDS : horses - chronic weight loss syndrome diagnosis- retrospective study.
406
Introduction
Le propos de cette étude rétrospective est de valider cliniquement une démarche diagnostique systématique du syndrome d’amaigrissement chronique selon la méthodologie
développée dans la première partie de ce travail et par la mise
en œuvre raisonnée et graduelle d’outils de diagnostic classifiés en examens simples de 1ère ou 2 ème intention et en examens spécialisés.
1. Matériels et méthodes
1) SÉLECTION DES CAS
Tous les chevaux référés ou présentés spontanément à la
consultation de médecine équine de l’école vétérinaire de
Toulouse entre octobre 1998 et décembre 2001 ont été inclus
dans cette étude si l’amaigrissement était le principal motif
de consultation, soit en l’absence d’autres signes cliniques, soit lorsque d’autres signes, peu évidents, n’ont
pas été détectés par le pro p r i é t a i re ou l’entraîneur. Ont
été exclus tous les animaux présentés pour une autre raison
ou présentant une atteinte évidente d’un organe ou appareil.
2) PROTOCOLE
Le protocole standard d’exploration systématique du syndrome d’amaigrissement chronique est réalisé de la manière
suivante :
Animaux hospitalisés le lundi matin.
Jour 1 :
- examen clinique approfondi comprenant une anamnèse
détaillée, un examen buccal et une exploration rectale,
- examens complémentaires simples de 1ère intention :
• hématologiques (numération-formule, fibrinogène,
frottis sanguin),
• biochimiques (urée, créatinine, ionogramme, protéines totales, glycémie, PAL, ASAT, GGT),
• coproscopie parasitaire tous les jours jusqu’à J5 (en
précisant la recherche de larves de cyathostomes),
- biopsie rectale (résultat à J5),
- paracentèse abdominale (aspect macroscopique, dosage
protéines, cytologie).
- indication d’examens plus spécialisés si justifiés par
l’anamnèse ou la clinique.
Jour 2 : (cheval à jeun)
- test d’absorption du glucose (1g/kg dilué dans eau tiède,
prises de sang toutes les 1/2 heures pendant 2 heures puis
toutes les heures jusqu’à 6 heures).
Jours 2, 3, 4 et 5 :
- réception des premiers résultats et réalisation d’examens
simples de 2nde intention ou d’examens plus spécialisés si
nécessaire.
Jours 8 à 12 : (semaine suivante)
- les animaux considérés «normaux» au cours des investigations précédentes sont soumis à un traitement larvicide
contre la cyathostomose (fenbendazole 7,5 mg/kg/j pendant
TAMZALI (Y.)
5 jours, peros associé à de la dexamethazone 0,1 mg/kg/j IM)
avec contrôle coproscopique journalier.
3) LES ANIMAUX
60 chevaux référés à la consultation de médecine équine de
l’École Vétérinaire de To u l o u s e pour syndrome d’amaigrissement entre octobre 1998 et décembre 2002 ont été soumis à ce protocole. Ils se situent dans une tranche d’âge allant
de 1 an à 22 ans. De nombreuses races sont représentées
(13 au total) avec une nette prédominance de Selle Français
(15 cas) et de tous sexes avec 22 % de mâles entiers (13 cas),
32 % de hongres (19 cas) et 46 % de femelles (28 cas).
(Graphiques 1, 2 et 3).
2. Résultats
• Répartition des affections (Graphique 4)
Sur les 60 cas référencés et documentés dans cette étude
rétrospective, un diagnostic final a pu être établi sur 56 cas
(93 % du total). Ils sont répartis comme suit :
- 15 cas de cyathostomose larvaire sans excrétion spontanée de larves,
- 3 cas de cyathostomose larvaire accompagnée de diarrhée
chronique intermittente,
- 12 cas de troubles dentaires dont une «bouche de perroquet»,
- 1 cas d’entérite éosinophilique,
- 1 cas de lymphome digestif leucémique,
- 1 cas de méga œsophage,
- 1 cas de tumeur rénale avec érythrocytose,
- 1 cas de paralysie faciale associée à un syndrome vestibulaire post-traumatique,
- 3 cas d’insuffisance rénale chronique,
- 1 cas de péritonite,
- 6 cas de gastrite ulcéreuse sans inappétence,
- 1 cas de carcinome gastrique,
- 1 cas de lymphome splénique avec métastases,
- 2 cas d’insuffisance hépatique chronique due à une
intoxication par le séneçon de Jacob,
- 4 cas de cholangiohépatite chronique avec péritonite
associée,
- 1 cas d’abcès hépatique avec péritonite associée,
- 2 cas d’adénome pituitaire (syndrome de Cushing).
Sur les 4 cas restants (7 %) un diagnostic précis n’a pu être
établi cliniquement ou ante-mortem :
- 1 cas de malabsorption rétrocédant à la corticothérapie, ce
qui laisse ouverte l’hypothèse d’une affection digestive
inflammatoire ou tumorale,
- 1 cas apparemment «normal» mais présentant un retard
de croissance évident,
- 1 cas d’hémangiosarcome abdominal non diagnostiqué
cliniquement mais révélé à l’autopsie après mort spontanée,
Revue Méd. Vét., 2003, 154, 6, 405-414
LE SYNDROME D’AMAIGRISSEMENT CHRONIQUE CHEZ LES ÉQUIDÉS (2)
407
7
5
4
4
4
3
3
3
2
2
2
2
2 ans
3 ans
4 ans
5 ans
6 ans
7 ans
8 ans
9 ans
10
ans
11
ans
12
ans
2
2
1
1
13
ans
14
ans
15
ans
16
ans
17
ans
18
ans
GRAPHIQUE 1. — Répartition en fonction de l’âge (n = 60).
Mâles : 22 %
Femelles : 46 %
Hongres : 32 %
GRAPHIQUE 2. — Taux de répartition par sexe (n = 60).
Revue Méd. Vét., 2003, 154, 6, 405-414
3
3
1
1
1 an
2
3
19
ans
20
ans
21
ans
22
ans
408
TAMZALI (Y.)
GRAPHIQUE 3. — Répartition par race (n = 60).
- 1 cas d’amaigrissement jugé «constitutionnel» car l’animal fournissait par ailleurs d’excellentes performances sportives.
• Temps d’hospitalisation pour établir un diagnostic :
- 26 cas ( 43 %) sont diagnostiqués en 3 jours ou moins.
- 15 cas (25 %) sont diagnostiqués au bout de 7 jours. Il
s’agit des cas de cyathostomoses larvaires pour lesquels le
traitement larvicide nécessite un contrôle coproscopique.
• Taux de survie suite au diagnostic :
Sur les 60 cas référencés et documentés dans cette étude :
- 42 cas (70 %) ont survécu.
- 6 cas (10 %) sont morts des suites des affections diagnostiquées.
- 12 cas (20 %) sont euthanasiés suite au pronostic défavorable de l’affection diagnostiquée.
- Dans tous les cas euthanasiés (12 au total), l’autopsie
confirme le diagnostic clinique comme décrit dans le tableau
ci-après.
Revue Méd. Vét., 2003, 154, 6, 405-414
LE SYNDROME D’AMAIGRISSEMENT CHRONIQUE CHEZ LES ÉQUIDÉS (2)
3%
2% 3%
5%
30 %
10 %
3%
8%
20 %
15 %
GRAPHIQUE 4. — Taux de répartition par classes d’affections (n = 60).
40 %
40 %
GRAPHIQUE 5. — Impact diagnostique des différentes classes d’examens.
Revue Méd. Vét., 2003, 154, 6, 405-414
409
410
TAMZALI (Y.)
Examens simples 1ère
intention
Examens simples 2nde intention
Examens plus spécialisés
Examens «négatifs»
Examens «positifs»
GRAPHIQUE 6. — Taux diagnostique des examens.
Examens simples 1ère
intention
Examens simples 2nde intention
Examens plus spécialisés
Examens «négatifs»
Examens «positifs»
GRAPHIQUE 7. — Nombre d’examens réalisés.
Revue Méd. Vét., 2003, 154, 6, 405-414
LE SYNDROME D’AMAIGRISSEMENT CHRONIQUE CHEZ LES ÉQUIDÉS (2)
• Taux de diagnostic par classe d’examen : (Graphique 5)
➣ 44 cas (73 %) sont diagnostiqués grâce à des examens
simples de première ou seconde intention.
- Cas diagnostiqués par des examens simples de première
intention : 20 cas (33 %).
- Cas diagnostiqués par des examens simples de seconde
intention : 24 cas (40 %).
- Cas diagnostiqués par des examens plus spécialisés : 9
cas (15 %).
411
➣ Le test d’absorption du glucose : réalisé sur 36 cas, il est
diagnostique dans 4 cas (11 % des indications et 7 % du
total). En cas de positivité, il est confirmé par un test au
xylose dans tous les cas.
➣ Le traitement larvicide : réalisé sur 24 cas, il est diagnostique dans 19 cas (79 % des indications et 32 % du total).
Les animaux positifs produisent des coproscopies positives
dès le 2éme jour de traitement (4 à 5 larves pour 5 grammes en
moyenne). Le nombre de larves augmente jusqu’au 4ème ou
5ème jour (jusqu’à 25 à 30 larves pour 5 grammes en
moyenne), puis il décroît.
- Cas diagnostiqués par des examens plus spécialisés mais
pour lesquels les examens préliminaires de première et
seconde intention fournissent des éléments d’orientation diagnostique : 10 cas (17 %).
➣ Le test de freination à la dexaméthasone : réalisé sur
2 cas, il est diagnostique dans les 2 cas (100 % des indications et 5 % du total).
➣ Sur 54 cas (90 %) les examens simples de première ou
seconde intention fournissent des éléments positifs qui permettent, soit de faire un diagnostic définitif, soit de poser
l’indication raisonnée d’un examen plus spécialisé.
3. Les examens plus spécialisés : réalisés selon les cas
soit à l’issue de l’examen clinique, soit à l’issue des autres
examens simples de 1è re intention, soit à l’issue des examens simples de 2nde intention :
• Taux de diagnostic par examen : (Graphiques 6 et 7)
1. Les examens simples de 1ère intention : réalisés sur
tous les chevaux de l’étude (60 cas) :
➣ L’examen clinique approfondi : permet d’établir un diagnostic de certitude ou une très forte suspicion dans 17 cas
(32 % du total), dont 12 cas de troubles dentaires, 3 cas de
tumeur de la cavité abdominale donnant lieu à des anomalies
palpables par voie rectale (photo 1 en 1ère partie), 1 cas présentant des symptômes d’atteinte des nerfs crâniens, 1 dysphagie et l’un des deux cas de syndrome de Cushing (le
second étant tondu) présentant un hirsutisme modéré (photos
7 en 1ère partie).
➣ L’examen hématologique : est diagnostique dans 13 cas
(22 % du total) soit par la présence de signes d’infection,
d’anémie ou d’érythrocytose, soit par la cytologie sanguine
(photo 9a en 1ère partie).
1 ére
➣ L’examen biochimique de
tique dans 12 cas (20 % du total).
intention : est diagnos-
➣ La coproscopie parasitaire : est diagnostique dans 4 cas
(7 % du total), dont 3 cas de cyathostomose larvaire avec
diarrhée intermittente et une entérite éosinophilique. Elle se
révèle négative dans tous les autres cas de cyathostomose larvaire (15 cas).
2. Les examens simples de seconde intention : réalisés
sur un nombre variable de chevaux en fonction des données des examens précédents et à condition que le cas
n’ait pas été déjà élucidé par ces mêmes examens :
➣ La paracentèse abdominale : réalisée sur 42 cas, elle est
diagnostique dans 9 cas (21.4 % des indications et 15 % du
total) (photos 2 en 1ère partie).
➣ La biopsie rectale : réalisée sur 37 cas, elle est diagnostique dans 3 cas (8 % des indications et 5 % du total) (photos
3 en 1ère partie).
➣ L’examen biochimique approfondi: réalisé sur 18 cas, il
est diagnostique dans 13 cas (72 % des indications et 22 % du
total).
Revue Méd. Vét., 2003, 154, 6, 405-414
➣ L’endoscopie haute : (nasopharynx et œsophage) réalisée sur 1 cas seulement, elle est diagnostique (100 % des
indications et 1.7 % du total). Il s’agit en l’occurrence
d’une dysphagie dont l’origine suspectée était un megaœsophage.
➣ La gastroscopie : réalisée sur 8 cas, elle est diagnostique
dans 7 cas (87 % des indications et 12 % du total) (photos 4
en 1ère partie).
➣ L’échographie abdominale : réalisée sur 16 cas, elle est
diagnostique dans 9 cas (56 % des indications et 15 % du
total) (photos 5 en 1ère partie).
➣ La biopsie d’organes abdominaux : réalisée sur 10 cas,
elle est toujours diagnostique (100 % des indications et 17 %
du total) (photos 6 en 1ère partie).
➣ La radiographie : réalisée sur 1 cas, elle est diagnostique
(100 % des indications et 1.7 % du total). Il s’agit en l’occurrence d’une radiographie de l’œsophage en double contraste
permettant de confirmer la suspicion de megaœsophage
(photos 8 en 1ère partie).
3) Discussion
• Commentaires généraux sur l’étude :
Il est clair que l’échantillon de population équine de cette
étude est plus représentatif d’un centre de référé que d’une
clientèle équine courante. Il montre cependant que :
➣ La répartition des races dans ce groupe de chevaux correspond à la population équine de notre clientèle : de nombreuses races sont représentées (13 en tout) avec une nette
prévalence pour le Selle Français (graphique 3).
➣ Le syndrome d’amaigrissement affecte tous les âges,
sexes et races sans prédilection (graphique 1 et 2).
➣ Il est aussi intéressant de noter que sur la période considérée l’amaigrissement syndrome représente 7 % des motifs
de consultation de la clinique.
412
TAMZALI (Y.)
Cette étude rétrospective met en évidence qu’une
démarche rationalisée de l’approche diagnostique de l’amaigrissement permet d’aboutir dans 93 % des cas. Elle fait également ressortir l’importance des examens dits simples par
rapport aux examens dits spécialisés dans la mesure où :
(Graphique 5)
taires dans le cadre d’une pratique équine de type itinérant où
force est de constater qu’à l’heure actuelle il est fait peu
d’usage de ce type d’examens. Il est aussi bon d’insister sur
le fait que la cytologie et l’histologie, pour être correctement
interprétées, doivent être confiées à des personnes expérimentées dans l’espèce équine [8 ].
- 33 % des cas sont diagnostiqués grâce à des examens
simples de 1ère intention,
En revanche, la pertinence d’autres examens complémentaires est clairement démontrée par la forte valeur diagnostique de la biochimie approfondie (72 %), du test de freination (100 %), de la gastroscopie (87 %), de l’échographie
abdominale (56 %) et de la biopsie d’organes abdominaux
(100 %). La démarche rationalisée se montre donc non seulement efficace mais aussi économique en permettant d’éviter
une escalade de dépenses inutiles d’autant que certains de ces
examens nécessitent le référé du cas dans une structure spécialisée (graphiques 6 et 7).
- 73 % des cas sont diagnostiqués grâce à des examens
simples de 1ère ou 2nde intention,
- dans 90 % des cas, les examens simples de 1ère ou 2 nde
intention fournissent des éléments permettant soit d’établir
un diagnostic de certitude, soit de poser l’indication raisonnée d’un examen plus spécialisé.
Cette étude permet donc de démystifier le défi diagnostique de l’amaigrissement chronique et ceci dans un délai raisonnable (43 % des cas en moins de 3 jours et 68 % des cas
en 7 jours) mais aussi le pronostic puisque le taux de survie
est de 70 % après diagnostic et que 50 % des cas sont représentés par des affections dentaires ou parasitaires qui sont de
bon pronostic.
Concernant les affections diagnostiquées, pratiquement
toutes les causes possibles d’amaigrissement syndrome sont
représentées (graphique 4) avec une forte prévalence pour les
affections parasitaires (30 %) et dentaires (20 %). Les autres
a ffections expriment une moindre prévalence : digestives
(15 %), néoplasiques (8 %), infectieuses (3 %), hépatiques
(10 %), rénales (5 %), hypercorticisme (3 %) et neurologiques (1.7 %). A ce jour et à notre connaissance, il n’a pas
été publié d’étude rétrospective similaire sur le syndrome
d’amaigrissement qui permette de comparer nos résultats, à
l’exception d’un publication qui fait ressortir des prévalences
très différents mais qui, d’une part est basée sur des données
d’autopsie, et d’autre part ne fait pas la part entre amaigrissement syndrome et amaigrissement symptôme [4 ]. Cette
étude établit donc de façon originale la prévalence de
diverses affections dans l’amaigrissement syndrome pour
notre centre de référés.
• La valeur diagnostique des différents examens mérite
également d’être commentée :
Concernant la pertinence des examens complémentaires
(Graphiques 6 et 7), certains examens simples comme la
paracentèse abdominale ou la biopsie rectale présentent une
valeur diagnostique relativement faible (respectivement
21.4 % et 8 % des indications). En raison du délai nécessaire
à l’obtention des résultats, il avait été décidé dans le protocole d’anticiper les prélèvements de manière systématique
afin de réduire le temps d’hospitalisation. Cependant, malgré
le nombre relativement élevé de ces manœuvres diagnostiques invasives (42 paracentèses abdominales et 37 biopsies
rectales) il faut noter l’absence de conséquences iatrogènes.
Cela souligne l’innocuité de ces examens lorsqu’ils sont réalisées dans de bonnes conditions. Le respect de la démarche
doit cependant garantir une mise en œuvre plus graduelle et
donc moins systématique de ces deux examens complémen-
L’autopsie citée comme faisant partie des examens spécialisés dans la 1ère partie de cet article n’est pas mentionnée
dans les résultats en raison de l’aspect in vivo de la démarche.
Cependant, il est bon de mentionner que le diagnostic de néoplasie ou d’atteinte organique majeure ayant conduit à l’euthanasie de 12 cas a toujours été confirmé par l’autopsie. Sur
un 13ème cas, l’autopsie a permis d’établir le diagnostic après
mort naturelle. Cela démontre la pertinence de la démarche
puisque les diagnostics sont confirmés post-mortem dans
100 % des cas.
La cœlioscopie et la laparotomie exploratrice n’ont pas été
mises en œuvre dans cette étude en raison du coût de ces
investigations que les propriétaires ont refusé d’assumer.
Deux cas parmi ceux n’ayant pas abouti à un diagnostic
auraient pu bénéficier de l’une ou l’autre de ces indications.
Il s’agit :
- de la jument présentant un trouble de l’absorption intestinale rétrocédant aux corticoïdes. La biopsie duodénale par
endoscopie n’ayant pas été concluante d’après les histologistes, une biopsie de l’intestin grêle était bien indiquée par
laparotomie sur ce cheval.
- du cheval atteint d’hémangiosarcome digestif dont la
localisation découverte à l’autopsie n’aurait pas pu échapper
à l’examen cœlioscopique.
La réalisation de ces examens aurait donc pu améliorer le
taux diagnostique global de l’étude tout en conférant un fort
taux de pertinence à ces examens. Par ailleurs cela montre
que les indications de ces examens restent assez exceptionnelles et que leur indication se limite à des animaux de valeur
(vénale ou affective).
• Cette étude permet également de commenter certaines
affections ou conditions pathologiques spécifiques :
- Tout d’abord le fait que les cyathostomoses larvaires
(15 cas) peuvent s’exprimer par un syndrome d’amaigrissement chronique pouvant évoluer sur le mode sub-clinique [9,
10, 14]. Il est intéressant de noter que les coproscopies répétées pendant la première semaine d’hospitalisation se sont
révélées régulièrement négatives sauf pour les trois cas dont
l’anamnèse faisait état d’épisodes de diarrhée intermittente.
Revue Méd. Vét., 2003, 154, 6, 405-414
LE SYNDROME D’AMAIGRISSEMENT CHRONIQUE CHEZ LES ÉQUIDÉS (2)
413
Ces cas dont le «silence» coprologique est certainement lié à
l’hypobiose larvaire se sont révélés «parlants» sous traitement larvicide. L’intérêt de réaliser l’examen coprologique
pendant ce traitement donne à ce dernier une valeur diagnostique originale. La pertinence de cette utilisation du traitement larvicide à des fins diagnostiques est soulignée par un
fort taux diagnostique de 79 % (Graphiques 6 et 7). Le délai
mis pour établir le diagnostic est de 7 jours au total. Le protocole prévoit en effet que le traitement larvicide est mis en
place dans le cas où tous les autres examens s’avèrent normaux. La validité du diagnostic est confirmée par la reprise
d’état des patients dans les semaines suivant les second et
troisième traitements antiparasitaires larvicides. Cela met en
lumière le rôle important de la digestion et absorption
coliques. Il est important, dans les cas où tous les autres examens décrits dans cette étude se sont montrés normaux, d’insister sur la nécessité d’effectuer ce test avant d’envisager,
avec l’accord des propriétaires, une cœlioscopie ou une laparotomie exploratrice.
- Le Syndrome des Ulcères Gastriques Equins est facile à
suspecter quand l’anamnèse et la clinique font mention de
coliques récidivantes, et/ou d’émission de fécès en «bouse de
vache». Ces cas n’ont pas été inclus dans l’étude. Seuls les
animaux asymptomatiques ont été inclus. La gastroscopie a
donc été réalisée soit d’emblée après les examens de 1ère
intention lorsque le contexte permettait d’envisager une gastrite ulcérative, soit lorsque les examens simples s’avéraient
normaux. Les résultats confirment que la sévérité des lésions
n’est pas corrélée à la clinique [12].
Ces commentaires concernant des affections ou conditions
pathologiques spécifiques soulignent la complexité et la
diversité caractéristiques du syndrome d’amaigrissement et
justifient par là même l’adoption d’une démarche diagnostique adaptée.
- Dans le cas des néoplasmes abdominaux, les signes cliniques et biologiques restent assez vagues : anémie, neutrophilie, hyperfibrinogénémie. Exceptionnellement, le cas de
lymphosarcome digestif était leucémique d’où l’intérêt du
frottis sanguin. En revanche, l’exploration rectale, la cytologie du liquide abdominal, l’échographie et la biopsie d’organe ont été déterminants dans le diagnostic. Ceci est en
accord avec d’autres auteurs [7]. (photos 5 et 6 en 1ère partie).
Cette étude rétrospective permet donc de valider un protocole d’investigation de l’amaigrissement syndrome basé sur
une démarche rationalisée et une classification originale des
examens. Le praticien pourra ainsi élucider la majorité des
cas dans un laps de temps raisonnable et grâce à des examens
simples réalisables en clientèle courante. Pour les autres cas,
il pourra souvent mettre en évidence des éléments lui permettant, s’il ne dispose pas du plateau technique adéquat et
s’il le juge utile, de référer dans de bonnes conditions dans
une structure spécialisée. Il devra pour cela maîtriser la
démarche ainsi que certains actes techniques jugés simples
mais nécessaires.
- Pour les affections hépatiques chroniques, l’examen biochimique de routine identifiant l’atteinte d’organe a permis
d’orienter les examens plus précisément afin d’identifier l’ins u ffisance hépatique lorsqu’elle existe [16]. L’ é c h o g r a p h i e
hépatique a permis d’identifier des anomalies macroscopiques ou de réaliser des biopsies. Dans le cas d’intoxication
par le séneçon de Jacob, l’examen histologique est souverain
pour faire le diagnostic du vivant de l’animal. [5] (photos 5 et
6 en 1ère partie).
- Les péritonites, associées ou non à des insuffisances d’organes sont mises en évidence par la paracentèse abdominale
[5,16]. La corrélation a été de 100 % à l’autopsie. (photos 2
en 1ère partie).
- Le test d’absorption du glucose est simple à réaliser et peu
onéreux. Faute de fournir les éléments d’un diagnostic étiologique précis, il permet de révéler si un défaut d’absorption
intestinale proximale contribue au mécanisme d’amaigrissement (encadré 4 en 1ère partie). Sa limitation réside dans le
fait qu’il existe de nombreux tests faussement positifs. Pour
cette raison, un test de confirmation est toujours réalisé en
cas de courbe plate ou douteuse.
- L’adénome pituitaire (syndrome de Cushing), malgré
l’hirsutisme qui le caractérise, peut passer inaperçu surtout
lorsqu’il est débutant ou en hiver. L’un des deux cas présentés dans cette étude avait été tondu par son propriétaire (photos 8 en 1ère partie). La présence d’une hyperglycémie de
repos est un signe de suspicion à corréler avec le tableau clinique et le bilan hématologique et biochimique de première
intention avant de réaliser le test de freination qui permettra
de confirmer [19].
Revue Méd. Vét., 2003, 154, 6, 405-414
Conclusion
Références
1.—BRAUN J.P. et al : Méthodes biochimiques d’exploration de l’intestin grêle chez les équidés. Revue Med. Vet., 1990, 141 (8-9), 637-646.
2.—BROWN C.M. : Chronic weight loss. In Brown CM (ed) : Problems
in equine medicine. Philadelphia, Lea & Febiger, 1989, p 6.
3.—Collectif : Le cheval maigre. Prat. Vet. Eq., 2001, 33, Numéro spécial.
4.—C O L L O B E RT C. : Syndromes d’amaigrissement chronique chez le
cheval : étiologies et approche diagnostique. Prat. Vet. Eq., 1991,
23 (3), 33-38.
5.—FOREMAN J.H. : Changes in body weight. In Reed SM et al (ed) :
Equine Internal Medicine. Philadelphia, WB Saunders, 1998, p 135.
6.—LE NINIVIN A. et VRINS A. : Problème d’amaigrissement chez le
cheval : approche clinique systématique. Prat. Vet. Eq., 1992,
24 (4), 237-243.
7.—LESLIE M.E., SAVAGE C.J. et TRAUB-DARGATZ, J.L. : We i g h t
loss in the horse : a focus on abdominal neoplasia. Eq. Vet. Educ.,
1999, 11 (4), 174-178.
8.—LINDBERG R., NYGREN A. et PERSSON S.G.B. : Rectal biopsy in
horses with clinical signs of intestinal disorders : a retrospective
study of 116 cases. Eq. Vet. J., 1996, 28 (4), 275-284.
9.—LOVE S. : Clinical aspects of intestinal parasitism. In Proceedings
5 ème Congrès de Médecine et Chirurgie Equine, Genève 14-16
décembre 1997.
10.—LOVE S., MURPHY D. et MERLLOR D. : Pathogenicity of cyathostome infection. Vet. Parasitol., 1999, 85, 113-122.
11.—MERRITT A.M. : Weight loss (Progressive). In Colahan PT et al (ed) :
Equine Medicine and Surgery, ed 5. St. Louis, Mosby, 1999, p 46.
12.—MURRAY M.J. et al : Gastric ulcers in horses : a comparison of endoscopic findings in horses with and without clinical signs. Equine Vet.
J., 1989, 7 (suppl), 68-72.
414
13.—ORSINI J. : Gastric ulceration in the mature horse : a review. Eq. Vet.
Educ., 2000, 12 (1), 24-27.
14.—PAUL J.W. : Equine larval cyathostomosis. Comp. Cont. Educ., 20 :
509-514, 1998.
15.—SWEENEYRW : Laboratory evaluation of malassimilation in horses.
Vet. Clin. North Am. (Eq. Pract.), 1987, 3, 507-515.
16.—TAYLOR F.G.R. et al : Chronic wasting. In Taylor FGR and Hillyer
MH (ed) : Diagnostic Techniques in Equine Medicine. London, WB
Saunders, 1997, p 65.
17.—TAMZALI Y. : L’amaigrissement chronique : étude rétrospective sur
33 cas. In Proceedings Journées AVEF de Pau, 2001, Tome II.
TAMZALI (Y.)
1 8.— T R A U B - D A R G ATZ J.L. : Identifying the cause of weight loss in
horses. In Post graduate Foundation in Veterinary Science, University
of Sydney (ed) : Diagnostics in Equine Medicine, AT Reid Refresher
Course for Veterinarians, Proceedings 320, 22-26 february 1999,
147-158.
1 9. —VAN DER KOLK H. : Diseases of the pituitary gland including
hyperadrenocorticism. In Watson TDG (ed) : Metabolic and
Endocrine Problems of the Horse; London, WB Saunders, 1998, p 41.
Revue Méd. Vét., 2003, 154, 6, 405-414

Documents pareils