Reintroduction of Manatees in Guadeloupe, report of Mote marine
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Reintroduction of Manatees in Guadeloupe, report of Mote marine
Réintroduction des lamantins Trichechus manatus en Guadeloupe, Petites Antilles : Problèmes, questions et réponses possibles Préparé par : les Dr John Reynolds et Dana Wetzel Mote Marine Laboratory, Sarasota, Floride Préparé pour : Parc National de la Guadeloupe Date : le 6 mai 2008 Soutien financier Fonds de Coopération Régionale Fonds Européen de Développement Régional P RÉFECT URE DE L A RÉ G ION G UADEL OUPE 1 Contexte et objectif : Le Parc national et d’autres entités de Guadeloupe s’intéressent à la réintroduction des lamantins dans les eaux de la réserve naturelle appelée « Grand Cul-de-Sac Marin ». L’espèce est éteinte dans les eaux de Guadeloupe depuis plusieurs décennies, anéantie localement par la chasse. Certains anciens semblent se souvenir d’avoir vu de la viande de lamantin disponible à la consommation. Les lamantins continuent de faire partie du folklore et de l’histoire de la Guadeloupe (par ex., la ville de Lamentin située à proximité de Grand Cul-de-Sac Marin). En fait, une ancienne « zone de transit des lamantins » existe près de Vieux Bourg (Grande Terre). Cet objectif de réintroduction des lamantins existe depuis qu’une étude de faisabilité a été effectuée en 2002. Base de ce rapport : Notre rapport est basé en grande partie sur une visite sur place, en Guadeloupe, du 6 au 11 avril 2008. Ce voyage a été financé par le Parc national mais il incluait des visites avec un certain nombre d’individus et de groupes. En outre, nous basons ce rapport sur nos connaissances des sciences marines, de la mammologie marine, de l’écologie, de la santé et de la toxicologie. Monsieur Reynolds est Président de l’U.S. Marine Mammal Commission, Président de la Society for Marine Mammology internationale, Directeur du Center for Marine Mammal and Sea Turtle Research du Mote Marine Laboratory et ancien co-président du Groupe spécialisé sur les siréniens de l’UICN. Madame Wetzel est une écotoxicologue spécialisée dans la chimie organique marine. Elle est Responsable du Programme de Toxicologie aquatique du Mote Marine Laboratory et elle a mené des recherches sur la santé et les contaminants des mammifères marins et/ou des environnements marins du monde entier. Problèmes à prendre en considération avant de poursuivre : L’objectif de la réintroduction d’une espèce qui a disparu en raison des activités humaines est noble. Il est également extrêmement difficile à atteindre. Nous pensons qu’une action de ce type ne devrait pas être entreprise sans garantie raisonnable de succès. A défaut, les animaux sélectionnés pour la réintroduction risquent tout simplement d’être perdus, ce qui serait une tragédie, notamment lorsqu'il est question d'espèces menacées. Ce qui suit représente certaines catégories de sujets ou d’actions qui devraient être pris en considération avant d'entreprendre sérieusement ce processus difficile et risqué : Catégorie 1 : Statut légal et transparence Les mammifères marins suscitent des sentiments très puissants parmi la population. Le déplacement de lamantins menacés, pour quelque objectif que ce soit, fut-il noble, est susceptible d’attirer une attention considérable et des réactions très variées. Il sera important pour le gouvernement de Guadeloupe et le Parc national d'avoir effectué une analyse très rigoureuse pour garantir que : a) le déplacement et la relocalisation des lamantins sont effectués avec transparence et conformément à toutes les lois et conventions pertinentes (ex., CITES, Protocole SPAW) ; et b) une justification parfaitement claire existe, prouvant les avantages en termes de préservation et la légalité du processus de réintroduction. Veuillez noter que nous ne sommes ni des juristes, ni des spécialistes de la politique internationale. Par conséquent, nous ne sommes pas en mesure de conseiller de manière adéquate le gouvernement de Guadeloupe concernant ce point important. Toutefois, le processus est déjà soumis à un examen minutieux et il préoccupe certains groupes. Par exemple, avant notre visite du 6 au 11 avril, une délégation d’officiels de Guadeloupe a rendu visite à des officiels de Cuba pour discuter de la faisabilité du projet de réintroduction en utilisant des 2 lamantins de Cuba. Du point de vue des officiels que nous avons rencontrés en Guadeloupe, cette visite s’est bien passée et s’est avérée prometteuse. Toutefois, un collègue expert en biologie et en préservation des lamantins a écrit à Reynolds pour lui dire que « les collègues de Cuba... étaient très mécontents que le gouvernement cubain... puisse capturer des lamantins ou les vendre à la Guadeloupe. » Nous voulons simplement souligner que la réintroduction des lamantins fera l'objet d'un examen extrêmement rigoureux et que toutes les parties concernées devront être aussi transparentes et communicatives que possible. Catégorie 2 : Leçons à tirer des réintroductions d’autres espèces La première International Wildlife Reintroduction Conference (Conférence internationale sur la réintroduction de faune et de flore) a eu lieu à Chicago, Illinois (USA) les 15 et 16 avril 2008. Le site Web de cet événement est le suivant : http://www.lpzoo.org/reintroworkshop/registration.html Nous avons laissé des copies du programme de la Conférence à des scientifiques de Guadeloupe pendant notre visite sur place. Sur la base des titres des présentations données lors de cette conférence, nous pensons qu’il aurait été très utile d'y assister. Les informations obtenues de cette conférence ou d’autres ayant un objet similaire dans les années à venir pourraient permettre d’économiser de l’argent et du temps et contribuer à garantir le succès d’un programme de réintroduction des lamantins. Par conséquent, si c’est possible, nous recommandons qu’une personne représentant le Parc National de la Guadeloupe ou toute autre agence impliquée obtienne des copies des synthèses des présentations de la conférence d’avril 2008 et fasse l'effort d'assister aux futures conférences sur ce sujet. Catégorie 3 : Taxinomie des lamantins dans la Grande Caraïbe. Deux sous-espèces du lamantin des Antilles (Trichechus manatus) occupent les eaux et les zones côtières des nations de la Grande Caraïbe. Le lamantin de Floride (T.m. latirostris) compte environ 3.400 individus et il se trouve dans les eaux de Floride (USA), avec quelques individus localisés occasionnellement dans les eaux des Bahamas ou de Cuba. Le lamantin des Antilles (T.m. manatus) occupe le reste des étendues fréquentées par l’espèce (i.e. les eaux d’environ deux douzaines de pays) et peut compter à peu près 5.500 individus (Quintana-Rizzo et Reynolds 2007). Nous pensons que la réintroduction ne devrait concerner que des individus représentant le lamantin des Antilles. Catégorie 4 : Combien de lamantins seraient nécessaires pour que l’effort de réintroduction porte ses fruits ? C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Dans un sens, plus nous pourrons introduire d’individus, mieux ce sera en termes de préservation de la diversité génétique et d’évitement des problèmes associés à la vulnérabilité à l’extinction inhérente aux petites populations. Cependant, parmi les pays et les îles de la Grande Caraïbe, cinq seulement (Belize, Brésil, Colombie, Mexique et Nicaragua) ont une population de lamantins des Antilles estimée à plus de 500 individus (Quintana et Reynolds 2007). Le déplacement de lamantins de populations plus petites pourrait 3 créer un risque excessif et inacceptable pour ces groupes. Autrement dit, il serait extrêmement fâcheux que la création d’une nouvelle population de lamantins en Guadeloupe menace la survie d’une autre population de lamantins ailleurs dans les Caraïbes. Si une réintroduction doit être effectuée, nous recommanderions que 10 individus au maximum soient pris dans la population de quelque pays que ce soit. Si la population estimée pour un pays donné est de 500 lamantins seulement, 10 individus représenteraient 2% de cette population. Pour placer ce pourcentage dans un contexte, le pourcentage annuel de croissance d’une population stable de lamantins de Floride a été estimé entre 1,9% et 6,6% selon l’intervalle entre les naissances (Boyd et al. 1999). Nous supposons (voir ci-dessous) que les lamantins adultes ou les gros lamantins encore jeunes seraient préférables pour la réintroduction. En outre, nous supposons également que la majorité des individus introduits devraient être des femelles afin d’optimiser le potentiel de reproduction. Etant donné que la survie des femelles adultes est particulièrement importante pour le bien-être des populations de lamantins, l’extraction de 10 adultes dont la plupart seraient des femelles aurait un impact plus important que l'extraction de veaux ou de mâles de n'importe quel âge dans la population parente d'où les animaux sont pris. Nous pensons que 10 individus sont le strict minimum que nous pourrions choisir pour offrir une population viable en Guadeloupe et c’est également le chiffre le plus élevé que nous voudrions prélever dans une population existante. Catégorie 5 : Statut des lamantins qui seraient utilisés pour la réintroduction Plusieurs problèmes doivent être pris en considération à cet égard. Tout d’abord, et c’est peut-être le plus évident, nous devons nous assurer que la région où les lamantins seraient pris pourrait supporter la perte de plusieurs individus. Cette question est abordée dans une certaine mesure dans la Catégorie 4, ci-dessus. Si la source des animaux destinés à la réintroduction a une étendue libre, nous recommandons que les animaux recherchés pour cette translocation proviennent d’une population de lamantins des Antilles aussi importante que possible pour minimiser les effets sur la population restante. A cet égard, nous devrions envisager les pays suivants en tant que sources de lamantins : Belize (population estimée = 1.000), Brésil (500), Colombie (500), Mexique (1.500) et Nicaragua (500). Les pays ayant une population de 100 lamantins ou moins ne seraient pas des candidats adéquats, selon nous, en tant que sources d’animaux pour la réintroduction. Nous pensons qu’il serait peut-être opportun d'envisager l'utilisation de lamantins déjà détenus en captivité au lieu de lamantins sauvages provenant de diverses régions. Par exemple, il y avait (et il y a peut-être toujours) un certain nombre de lamantins des Antilles en captivité dans le nord-est du Brésil (la plupart étant des veaux orphelins, pour rappel). Ces animaux pourraient être de bons candidats à la réintroduction car : a) cela éliminerait ou réduirait la nécessité de prélever des lamantins dans les populations sauvages ; b) les animaux captifs seraient faciles à évaluer en termes de santé et de constitution génétique et c) les frais seraient considérablement réduits. Ceci étant dit, nous tenons à faire remarquer que l'utilisation d'animaux captifs à ces fins pourrait donner l'impression à la population locale, par erreur, qu'il y a beaucoup d’argent à gagner en vendant des 4 lamantins. Nous avons déjà vu ailleurs que des mammifères marins femelles avec des jeunes ont été tués parce que certaines personnes pensaient qu'il existait un marché lucratif pour les jeunes. En aucun cas il ne serait adéquat de donner l’impression, où que ce soit, que de futures ventes de lamantins vont avoir lieu, pour quelque raison que ce soit. Sachant cela, il peut s'avérer prudent pour le gouvernement de Guadeloupe de se renseigner quant à la disponibilité éventuelle de lamantins vivant déjà en captivité au Brésil ou ailleurs. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, si des lamantins provenant de diverses régions sont utilisés pour la réintroduction, les cinq pays susmentionnés peuvent être des sources potentielles de lamantins en termes de chiffres absolus mais d'autres critères doivent être pris en considération. L’un de ces critères est la génétique et la variabilité génétique. Vianna et al. (2007) ont fait le point sur les résultats d'analyses génétiques relatives aux lamantins dans les Caraïbes. Aucune information n’est disponible concernant la constitution génétique des lamantins qui occupaient les eaux de Guadeloupe à l'origine. Les îles de Puerto Rico (vers le Nord) et Trinidad et Tobago (vers le Sud) sont les sites les plus proches où des lamantins sont présents. Sur la base d’une analyse de la région de contrôle de l’ADN mitochondrial, les haplotypes des lamantins de Puerto Rico se sont révélés les plus proches de ceux des lamantins de Floride et de République Dominicaine. Bien que Vianna et al. n’aient pas rapporté d'informations génétiques pour les lamantins de pays tels que Cuba, Haïti et la Jamaïque, il semble probable que les lamantins de ces pays auraient des haplotypes ADN mitochondriaux raisonnablement similaires. Sur la base de l’analyse de la région de contrôle de l’ADN mitochondrial, les lamantins de Puerto Rico et de République Dominicaine se sont avérés présenter peu de diversité génétique (seulement deux haplotypes). Aucune donnée n’a été présentée par Vianna et al. pour les lamantins de Trinidad et Tobago mais les lamantins du Venezuela, situé à proximité, avaient trois haplotypes pour la région de contrôle de l’ADN mitochondrial, dont aucun ne se trouvait parmi les populations de lamantins de Puerto Rico. D’un autre côté, les lamantins de Colombie présentaient une diversité génétique relativement élevée (8 haplotypes), avec un haplotype commun avec les lamantins de Puerto Rico/de République Dominicaine. Une telle diversité et constitution génétique pèserait favorablement dans la balance pour la sélection de la Colombie en tant que région possible où prendre des lamantins en vue d’un effort de translocation. Toutefois, il est important de réaliser que la variabilité de la région de contrôle de l’ADN mitochondrial n’indique PAS nécessairement une variabilité du génome nucléaire. Un célèbre généticien et collègue spécialisé dans les mammifères marins (le Dr Greg O' Corry-Crowe) fait remarquer qu'il serait bien plus judicieux d'avoir une variabilité de gènes subissant une sélection active, comme la famille de gènes du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), qui joue un rôle important dans les réactions immunes et la reproduction. Il se trouve qu'une scientifique titulaire d'un doctorat et ayant rejoint récemment le Mote Marine Laboratory (le Dr Susan Carney) effectue actuellement des études sur les gènes CMH des lamantins de Floride et que le Dr O'Corry-Crowe étudie les gènes CMH d’autres mammifères marins ; il pourrait être utile de financer une petite étude sur la variabilité du gène CMH afin d’évaluer si la diversité est bonne pour les lamantins des 5 sites de prélèvement souhaités. A cet égard, certains échantillons ont déjà été collectés et archivés et pourraient être mis rapidement à disposition. Le dernier critère important qui devrait être soigneusement pris en considération pour la sélection d’un site où prélever des lamantins à des fins de réintroduction est la santé des animaux individuels. Dans une récente étude pilote, Wetzel et al. (2008) ont documenté des niveaux de contaminants organiques (PCB et pesticides chlorés) chez les lamantins de Chetumal Bay, du Mexique et du sud-ouest de la Floride qui étaient suffisamment élevés pour inquiéter quant aux effets sur la reproduction et la santé. Il serait extrêmement fâcheux de déplacer des lamantins dont la fonction immune ou la reproduction aurait été diminuée. Cela condamnerait l’effort de réintroduction avant qu’il commence réellement. De même, il serait fâcheux d’introduire des lamantins qui ont été infectés par une maladie qui pourrait affecter leur potentiel reproductif, leur santé ou leur longévité. Avant que des engagements soient pris pour déplacer des animaux d’un site donné, nous recommandons des évaluations soigneuses des agents infectieux (par ex. analyse des bactéries) et des contaminants des lamantins du site envisagé en tant que source. A moins que les animaux soient déclarés sains par un vétérinaire, ils ne devraient pas être pris en considération en tant que candidats à la réintroduction. Catégorie 6 : Questions auxquelles une réponse doit être fournie avant toute capture/déplacement de lamantins de quelque site que ce soit La discussion (ci-dessus) fournit des directives générales et présente certaines questions qui doivent être étudiées, selon nous, avant de poursuivre le processus de réintroduction. Ici, nous essayons d’offrir une liste complète et plus ciblée de questions spécifiques. Une objection devrait être mentionnée : pour éviter de spéculer sur le fait que les données collectées sont déformées de quelque manière que ce soit par des individus pouvant tirer profit du déplacement de lamantins d’une population locale, toute recherche effectuée devrait être confiée à des parties « externes » n’ayant aucun intérêt particulier (autre que ce qu’il y a de mieux pour les lamantins) dans les résultats d’études données. Avant de procéder au déplacement de lamantins d’une population « parente », le gouvernement de Guadeloupe devrait faciliter ou sous-traiter des études répondant aux questions suivantes : •Quelle est la taille de la population de lamantins d’où les déplacements sont proposés ? Si elle est estimée à moins de 500 individus, nous suggérons que celle-ci ne serait pas appropriée. •Quelles sont les menaces actuelles pour cette population ? Une évaluation devrait être effectuée pour déterminer les facteurs humains et naturels qui menacent la survie, la santé ou la reproduction des lamantins. •Quel effet ont actuellement ces menaces sur la santé et la survie des lamantins et des démarches sont-elles entreprises pour contrôler ces menaces ? Si des menaces mal contrôlées tuent ou détériorent la santé et le potentiel de reproduction des lamantins dans une zone, des déplacements pourraient exacerber une situation déjà précaire. Nous recommandons de ne pas déplacer de lamantins de 6 populations faisant l’objet de menaces graves et/ou incontrôlées. Autrement dit, tant que les menaces ne sont pas contrôlées, il ne serait pas approprié de réduire la taille d’une population de lamantins locale par des captures. •Les lamantins proposés à des fins de déplacement sont-ils des lamantins antillais ? Nous pensons qu'ils devraient l’être puisqu’il est difficile d’imaginer que la population originale de lamantins en Guadeloupe ait pu compter des animaux de Floride. C’est un problème qui devrait être abordé en ce qui concerne les lamantins de Cuba, étant donné que les lamantins de Floride parviennent parfois jusqu’à Cuba et sont peut-être croisés avec les lamantins antillais là-bas. Pendant notre visite sur place, nous avons demandé si des os de lamantins ou d’autres éléments matériels existent dans des musées ou ailleurs en Guadeloupe. Ce matériel pourrait être utilisé à des fins d’analyses génétiques. Personne n’avait connaissance de quoi que ce soit. •Les lamantins proposés à des fins de déplacement présentent-ils une variabilité génétique dans des gènes subissant une sélection active ? Ce point devrait être évalué. Des échantillons de tissus adéquats à des fins d’analyse génétique sont déjà archivés pour les lamantins de nombreux sites des Caraïbes. Si tout le reste est sur un pied d’égalité, nous pensons qu’une variation génétique devrait être un élément déterminant important quant au groupe de lamantins le plus adapté en tant que réserve de parents pour la réintroduction. •Les animaux sont-ils sains ? Un vétérinaire expérimenté devrait être engagé pour évaluer la santé générale et la condition physique des lamantins des sites pris en considération. Des analyses bactériennes et virales devraient être effectuées pour évaluer si les lamantins de sites particuliers semblent être porteurs d'infections qui pourraient débiliter les individus ou être propagés dans la population. Les problèmes physiques liés aux contaminants devraient également être évalués et comparés, si possible, à des valeurs équivalentes toxiques. En outre, des études des biomarqueurs d’exposition et des effets devraient être effectuées pour évaluer les véritables réactions des individus aux agressions environnementales. Catégorie 7 : Promouvoir une population de lamantins saine en Guadeloupe Comme ci-dessus, plusieurs facteurs devraient entrer en jeu à cet égard. Tout d’abord, nous recommandons ci-dessus que si la translocation doit avoir lieu, elle devrait tenter d’établir 10 individus dans le Parc national de Guadeloupe. Nous pensons qu’un tel groupe doit être principalement constitué de femelles (7 ou 8 sur les 10 individus) pour maximiser le potentiel de reproduction du groupe. De jeunes adultes seraient idéaux mais il est impossible de déterminer l’âge des grands lamantins vivants. Par conséquent, nous recommandons que les candidats à la translocation soient des animaux d'au moins 2,6 mètres de long (i.e. des adultes ou de très gros jeunes). Ces individus devraient pouvoir se reproduire efficacement dès le début du projet. Par nécessité, une « population » de 10 individus aura un ensemble de gènes limité. Pour tenter d’apporter une plus grande diversité génétique, sans affecter outre mesure la population donneuse d’où proviennent les lamantins, nous recommandons qu’après 7 années, les mâles d'origine qui ont été déplacés fassent l'objet d'un examen de santé et retournent dans leur pays de naissance (à moins qu'ils n'aient été captifs à l’origine) et qu’ils soient remplacés par un nombre égal de mâles adultes différents. 7 Nous recommandons que les lamantins introduits soient marqués avec des transmetteurs par satellite. Cela permettrait aux scientifiques et aux administrateurs de dire si des individus s’éloignent de Guadeloupe, ce qui est une véritable possibilité étant donné les tendances nomades de certains lamantins individuels. Cela fournirait également de précieuses informations biologiques (par ex. modèles d’utilisation de l’habitat) qui permettraient une préservation optimale et ciblée des habitats importants pour les lamantins. Les transmetteurs permettraient également une relocalisation facile des animaux pour effectuer des évaluations périodiques, allant de simples observations de l’apparence et du comportement à de nouvelles captures potentielles pour évaluer le poids, la chimie du sang et tous les autres paramètres liés à la santé. Parmi les autres moyens de contrôler les animaux et leurs modèles d’utilisation de l’habitat, citons les études aériennes et par bateau. A cet égard, nous recommandons que le Parc National de la Guadeloupe engage ou désigne deux membres du personnel à temps plein pour contrôler les mouvements, la répartition, l’utilisation de l’habitat et la santé générale des lamantins ainsi que pour servir d’officiers de liaison et d’information concernant les lamantins vis-à-vis du public. En ce qui concerne la possibilité que les lamantins s’éloignent de la Guadeloupe, nous recommandons une période de transition de quelques semaines pendant laquelle les animaux déplacés seront confinés dans un ou plusieurs très grands enclos (suffisamment grands pour fournir assez de nourriture) dans les eaux du Grand Cul-de-Sac Marin. Cette transition pourrait faciliter l’empreinte des animaux sur leur nouvel habitat et réduire ainsi la tendance des individus à s’éloigner. Si les lamantins introduits semblent bien s’adapter à leur nouvel environnement, ce serait excellent. Toutefois, d’autres facteurs doivent être pris en compte avant et après une translocation. L’un est la santé de l’environnement dans lequel les animaux sont introduits. Nous recommandons que des études soient effectuées sur les sédiments en plusieurs points du Grand Cul-de-Sac Marin pour garantir que les risques sur la santé associés aux contaminants absorbés sont minimes. Une évaluation devrait être réalisée dans cette zone en termes de présence ou d’intensité des menaces documentées pour les lamantins : circulation de bateaux, activités de pêche. Avant de poursuivre, il est également extrêmement important de s’assurer qu’une réintroduction serait supportée par le peuple de Guadeloupe. Si des zones de protection des lamantins sont établies, il serait nécessaire que la population s’y conforme afin d’éviter les situations observées parfois ailleurs, où la population tue et/ou consomme les lamantins dans les Caraïbes. Il serait également indispensable de s’assurer que les filets maillants, les pièges à crabes ou autres instruments de pêche qui piègent les lamantins ailleurs ne seront pas utilisés dans les parties de l’île où des lamantins sont présents. Comme nous l’avons fait remarquer ci-dessus, la population de Guadeloupe peut subir des restrictions de ses activités ou de ses modes de vie et, sans garantie d’acceptation ou de respect de ces restrictions, une population fondatrice restreinte de lamantins pourrait facilement disparaître. Dans tout cela, la nécessité de mettre au point un programme d'éducation et de prise de conscience pour l'île est implicite. Sans un programme de ce type, les efforts de préservation échouent souvent. L’un des résultats non anticipés des efforts d’éducation et de prise de conscience peut être que la population essaie de nager avec les lamantins, de les nourrir et d’interagir autrement avec eux et avec d’autres espèces sauvages. Nous recommandons que le gouvernement décourage 8 vivement ces activités et imposent des interactions minimes afin que les lamantins puissent être aussi tranquilles et rester aussi « naturels » que possible. Certaines directives à cet égard apparaissent dans Reynolds et Wells (2003). Certaines menaces existent réellement (animal piégé dans un instrument de pêche, développement potentiel d’opérations d’écotourisme trop zélées, ouragans) mais le fait est que les menaces liées à l'être humain vis-à-vis des lamantins en Guadeloupe pourraient être bien moindres que dans les pays d'où proviennent les lamantins à l'origine. Les questions que nous pensons devoir aborder en Guadeloupe avant de passer à la réintroduction sont les suivantes : •L’habitat semble-t-il offrir tout ce qui est nécessaire pour les lamantins (nourriture, accès à de l’eau fraîche, zones tranquilles à l’écart de la population) ? •Des menaces ou des menaces potentielles à l’égard des lamantins ont-elles été identifiées et contrôlées ? •Est-il possible d’identifier des sites pour des enclos permettant de relâcher les animaux en douceur et offrant de la nourriture, de l’eau fraîche et répondant à d’autres besoins pour les lamantins ? •Une infrastructure et un fondement sont-ils en place pour un contrôle et une évaluation à long terme des lamantins nouvellement introduits ? •La prise de conscience publique et des programmes d’éducation suffisent-ils pour engendrer un soutien aux lamantins et aux mesures de protection de leur habitat ? •Des zones réglementées peuvent-elles être imposées pour protéger les lamantins ? Ces questions sont abordées dans une certaine mesure dans la section suivante, dans laquelle nous incluons les impressions que nous avons eues pendant notre visite sur place en avril 2008. Impressions suite à notre visite sur place : Les scientifiques, les administrateurs du Parc et les officiels du gouvernement que nous avons rencontrés étaient intéressés, connaissaient le sujet et se sont révélés être des hôtes formidables. Leur implication dans le projet était impressionnante et ils ont exprimé de manière répétée leur volonté de faire le travail correctement, même s'il leur faut de nombreuses années pour mener le projet à bien. A de très rares exceptions près, ils ont semblé ouverts aux types de questions et aux problèmes que nous avons soulevés (ci-dessus). Nous avons remarqué et nous les avons complimentés quant au fait qu’ils semblaient avoir « fait leurs devoirs » avec beaucoup d’application. Leurs questions et leurs préoccupations étaient bien pensées. En ce qui concerne la qualité de l’habitat, le Grand Cul-de-Sac Marin est un magnifique lagon mesurant 15.000 ha. Il contient des prairies de zostères marines abondantes (principalement du Thalassia mais aussi un peu de Syringodium), des mangroves, des criques de marées et des sources d’eau fraîche. La population humaine des villages éparpillés autour du lagon s’élève à environ 200.000 personnes. En comparaison, Sarasota Bay, en Floride, fait à peu près les 2/3 de la taille du Grand Cul-de-Sac Marin, offre un habitat à 100 lamantins environ en saison et est accessible à des centaines de milliers de personnes. 9 Le Grand Cul-de-Sac Marin est principalement un Parc national qui inclut certains sites désignés comme des zones interdites aux bateaux. Le Grand Cul-de-Sac Marin est lié au Petit Cul-de-Sac Marin, plus petit et plus commercial, par le biais d’un canal délimité par une mangrove avec de nombreuses criques de marées, appelée Rivière Salée, qui sépare les deux îles qui constituent la Guadeloupe. Bien qu'une grande partie de la Rivière Salée semble offrir un bon habitat pour les lamantins (malgré la circulation de bateaux qui ne respectent pas nécessairement les limitations de vitesse), le Petit Cul-de-Sac Marin compte peu de zostères marines, beaucoup de gros navires et un écoulement apparemment eutrophique de criques (basé sur de grands tapis d'algues aux embouchures). Le meilleur habitat pour les lamantins est clairement associé au Grand Cul-de-Sac Marin, vaste, protégé et écologiquement riche. Néanmoins, certains problèmes associés même à ce site doivent être abordés : 1) La principale source d’eau fraîche est la Grande Rivière à Goyaves sur La Basse-Terre. Cette magnifique petite rivière compte une végétation abondante sur ses berges (Panicum??) et une végétation flottante (Eichhorina) que les lamantins pourraient consommer. Le problème de la rivière est la pollution associée à une ancienne usine de rhum située à plusieurs kilomètres en amont. Une évaluation complète des contaminants organiques et inorganiques devrait être effectuée et des efforts pour réduire considérablement, voire éliminer toute contamination future devraient être coordonnés et contrôlés. Lorsque c’est faisable, l’élimination des sédiments contaminés de manière chronique devrait être envisagée. 2) Un site d’enfouissement des déchets susceptible d’être une source de contamination se trouve le long des berges de la Rivière Salée, près de Pointe-à-Pitre. L'évaluation et l’atténuation, comme ci-dessus, seraient une priorité importante. 3) Des conversations avec le Professeur Claude Bouchon (Université des Antilles et de la Guyane) nous ont donné à penser que certaines études concernant les contaminants avaient été effectuées récemment mais bien qu’un certain nombre de contaminants aient été évalués, un nombre bien plus important devrait être inclus. De même, l’étude achevée a évalué des niveaux trouvés chez les poissons et les invertébrés et non pas dans les sédiments. Ces derniers peuvent être des mines d’accumulation de contaminants, notamment des contaminants organiques. Etant donné que les lamantins se nourrissent sur les zostères marines, ils avalent par inadvertance des sédiments et peuvent ainsi être menacés si ces sédiments se trouvent avoir une teneur élevée en polluants. La consommation de sédiments contaminés peut devenir une voie considérable d’accumulation/d’exposition à des menaces toxiques potentielles. Une évaluation approfondie des sédiments et des zostères marines du Grand Cul-de-Sac Marin doit être effectuée pour parvenir à des conclusions étendues concernant l’exposition aux contaminants et le risque pour la santé. 4) Des filets de pêche (y compris des filets maillants) sont utilisés à l'intérieur et à l'extérieur du Grand Cul-de-Sac Marin par les pêcheurs locaux. Des rapports indiquent déjà que ces filets menacent trois espèces de tortues marines dans cette zone. Ils représenteraient également une menace pour les lamantins et par conséquent, des méthodes de pêche alternatives devraient être mises en place. Nous avons appris qu’il y a environ 1.000 bateaux de pêche en Guadeloupe. 10 5) Les scientifiques locaux laissent entendre que la circulation des bateaux est dangereusement élevée dans le Grand Cul-de-Sac Marin. Un officiel a indiqué que 10.000 bateaux de différentes tailles étaient présents dans la zone située aux alentours du Grand Cul-de-Sac Marin. Nous avons trouvé que l’activité des bateaux était assez faible pendant les jours de semaine où nous avons été présents dans les airs ou sur l’eau mais nous avons été assurés qu'elle est bien plus importante pendant les week-ends et les vacances. Une grande partie de la circulation des bateaux semble suivre quelques canaux discrets pour atteindre des îlots associés au récif corallien. Nous avons observé des balafres mineures dans les lits de zostères marines à Grand Cul-de-Sac Marin, ce qui signifie qu’au moins une partie de la circulation des bateaux passe à travers des zones peu profondes où les lamantins pourraient se nourrir. Nous ne pensons pas que l’utilisation actuelle de bateaux ou les trajets des bateaux représenteraient une menace considérable ou non atténuable pour les lamantins. 6) Les expansions probables du tourisme pourraient créer un type de harcèlement ou d’autres pressions à l’égard des lamantins. L’émergence d’activités d’écotourisme axées sur les lamantins devrait être rigoureusement surveillée et réglementée pour éviter tout impact excessif sur les lamantins, d’autres espèces ou sur l’écosystème local. Ces problèmes sont relativement mineurs par rapport aux menaces auxquelles les lamantins sont confrontés ailleurs, celles-ci incluant la chasse (braconnage), les marées rouges (absentes en Guadeloupe), le développement côtier extensif et l'augmentation de la pêche, du nombre de bateaux et des modifications de l'habitat. Dans l’ensemble, nous avons eu l’impression que l’habitat était idéal pour les lamantins à Grand Cul-de-Sac Marin, d’une manière générale, et que les menaces locales avaient été identifiées, étaient d'ampleur relativement modeste et pouvaient être atténuées. L’un des points préoccupants est le fait que les lamantins qui seraient introduits pourraient simplement partir. C’est une possibilité mais l’utilisation d'enclos permettant de relâcher les animaux en souplesse, comme décrits ci-dessus, peut réduire ce risque. Nous pensons que les sites prometteurs pour ce type d’installation incluent la Grande Rivière à Goyaves (végétation, faible circulation de bateaux, eau fraîche, zone protégée) une fois que les niveaux de contaminants auront été diminués et la mangrove/zone de zostères marines à proximité du drainage du Canal de Belle Plaine sur La Grande-Terre. L’un des problèmes à propos desquels nous avons écrit (ci-dessus) est le soutien du public quant à l’idée de la réintroduction. Nous n’avons pas discuté de cette question avec un grand nombre de parties prenantes mais nos réunions ont rassemblé des économistes, des étudiants en pêche, les maires de villages locaux, des administrateurs de haut rang et des scientifiques de l'université et du parc. Une chaîne de télévision locale nous a interviewés. Nous avons senti que le projet intéressait énormément de monde et que la nécessité d’inclure tout l’éventail des parties prenantes dans les discussions et les plans était bien comprise. De toute évidence, les groupes dont les activités pourraient être affectées par les réglementations visant à protéger les lamantins (par ex. élimination de certains types de filets, entrée en vigueur éventuelle de limitations de vitesse des bateaux dans les zones très fréquentées par les lamantins) pourraient avoir un point de vue différent d'autres groupes. Nous anticipons qu’un programme bien développé de prise de conscience du public sera 11 nécessaire pour garantir un soutien général quant à la réintroduction et aux réglementations correspondantes. La prise de conscience du public, l’établissement et la mise en application de réglementations ainsi que la réalisation de contrôles et de recherches exigeront tous un financement. Nous avons appris que le budget anticipé pour garantir la réussite du projet est de 6.000.000 d’euros. Ce niveau d’implication, s’il est atteint, est extraordinaire. De toute évidence, cette somme ne durera pas éternellement mais elle devrait permettre les analyses/justifications légales (catégorie 1 ci-dessus), les recherches précédant l’introduction des animaux (catégorie 6 ci-dessus), l’acquisition d’animaux, la réintroduction et de nombreuses activités de suivi. Impressions générales : des évaluations pré-introduction et un planning, une surveillance post-introduction, des réglementations et leur mise en application ainsi qu'un programme solide d'éducation et de prise de conscience seront nécessaires pour garantir le succès de la réintroduction. Nous pensons que beaucoup des « pièces » nécessaires existent déjà (par ex. un bon habitat, des agences impliquées et correctement financées, une absence relative de menaces liées à l’être humain) pour promouvoir une réintroduction efficace des lamantins en Guadeloupe. Les clés du succès reposeront sur la réalisation des évaluations nécessaires avant l’événement et sur la garantie que des financements seront disponibles pour le contrôle, la mise en application et l’éducation pendant de nombreuses années par la suite. Bibliographie : Boyd, I.L., C. Lockyer and H.D. Marsh. 1999. Reproduction in marine mammals. Pp. 218-286. IN. J.E. Reynolds, III and S.A. Rommel (eds.), Biology of Marine Mammals. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. Quintana-Rizzo, E., and J.E. Reynolds, III. In review-2007. Regional Management Plan for the West Indian Manatee (Trichechus manatus). United Nations Environment Programme, Kingston, Jamaica. Reynolds, J.E., III and R.S. Wells. 2003. Dolphins, Whales and Manatees of Florida: A Guide to Sharing Their World. University Press of Florida, Gainesville. ISBN 0-8130-2687-3: 148pp. Vianna, J.A. et al. 2007. Phylogeography, phylogeny and hybridization in trichechid sirenians : implications for manatee conservation. Molecular Ecology 15:433-447. Wetzel, D.L., E. Pulster, J.E. Reynolds, III, B. Morales, J. Gelsleichter, F. Oliaei, and J. Padilla. 2008. Organic contaminants on West Indian manatees from Florida and Mexico: A pilot study. Submitted to U.S. Fish and Wildlife Service, SEMARNAT-CONACyT, and the Columbus Zoo and Aquarium. 42pp. 12