Cevipof 4-10

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Cevipof 4-10
mardi 4 octobre 2011 LE FIGARO
18 débats opinions
études politiques Figaro-Cevipof
DESSIN DOBRITZ
Définition et participation du corps électoral, deux inconnues qui pèsent
sur la désignation du candidat de gauche à la présidentielle de 2012.
fectuée par Ipsos du 21 au 26 septembre auprès de votants potentiels puisque 44 % de ceux-ci disent leur
intention de choisir François Hollande, 27 % Martine Aubry, 13 % Ségolène Royal et 10 % Arnaud Montebourg.
Ségolène Royal ne semble pas pouvoir
refaire le handicap qui la sépare des
deux favoris et les petits candidats ne
semblent exister que dans des « niches » relativement circonscrites.
François Hollande est aujourd’hui le
candidat le plus également implanté
dans toutes les strates de l’électorat de
gauche qui dit son intention d’aller
voter le dimanche 9 octobre : jeunes et
vieux, couches bourgeoises et populaires. Cependant, il rassemble nettement mieux les hommes que les femmes alors que Martine Aubry le
dépasse dans la population féminine et
PASCAL PERRINEAU
DIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHES
POLITIQUES DE SCIENCES PO (CEVIPOF)
LES 9 et 16 octobre, le PS invite
« le peuple de gauche » à désigner
parmi les six candidats à la « primaire
citoyenne » celui ou celle qui portera
les couleurs socialistes à l’élection
présidentielle de 2012. À moins d’une
semaine du 1er tour, les rapports de
forces restent relativement figés.
S’appuyant sur les enquêtes d’opinion,
Pascal Perrineau note que « dès avant
l’été, une hiérarchie s’est établie entre
deux candidats qui font la course en tête
(Hollande et Aubry). »
Avec un avantage certain au député
de la Corrèze qui est « également
implanté dans toutes les strates de
l’électorat de gauche ». Celui-ci fédère
le mieux l’électorat masculin mais
Martine Aubry le dépasse auprès des
femmes ; Ségolène Royal séduit plus les
jeunes et l’électorat populaire, quand
Arnaud Montebourg draine une frange
bourgeoise et éduquée.
Cependant, la plus grande prudence
s’impose dans l’interprétation des
sondages. Jusqu’au soir du
dépouillement, la définition
et l’importance du corps électoral sont
inconnus : cette primaire est ouverte
aux adhérents PS et à tout électeur qui
se présente le jour du scrutin comme
sympathisant de gauche. Il s’agit donc
d’une élection « sans vraies références
inscrites dans le marbre du vote ».
L’idée de « primaire à la française »
avait été lancée, au tout début des
années 1990 par l’UDF et le RPR qui
vivaient encore et toujours la rivalité
Giscard-Chirac. Vingt ans plus tard,
rappelle Pascal Perrineau, la gauche
met en œuvre une « primaire à
l’américaine » requalifiée « citoyenne »
pour « régler par les urnes ce que
l’appareil du PS ne parvient pas à régler
en interne ». ■
JOSSELINE ABONNEAU
D
epuis l’université d’été
du PS à La Rochelle (2628 août), la campagne de
l’élection primaire bat
son plein. Les six postulants qui avaient déposé
leur candidature avant la rupture estivale sont véritablement entrés en
campagne et parcourent l’Hexagone
en tous sens. Cependant, quels que
soient leurs efforts, les rapports de
force, du moins en haut de l’affiche,
ne semblent pas beaucoup bouger.
Dès avant l’été, une hiérarchie s’est
établie entre deux candidats qui font la
course en tête (François Hollande et
Martine Aubry), une candidate qui est
décrochée (Ségolène Royal) et deux
candidats davantage de témoignage
(Manuel Valls et Arnaud Montebourg),
sachant que le sixième et dernier candidat qui n’est pas de la famille socialiste, Jean-Michel Baylet, a du mal à
exister politiquement.
Dans le duo de tête, Martine Aubry
est d’emblée dominée par François
Hollande même si sa déclaration officielle de candidature, le 28 juin à Lille,
a eu l’effet de la remettre dans le jeu.
En juin et juillet, un à deux petits
points seulement, selon le baromètre
CSA de la primaire, séparent l’ancien
et le nouveau responsable du PS. Mais
dès août, François Hollande creuse
l’écart (+ 6 points) pour aborder la
dernière ligne droite nettement en tête
(+ 7 points).
Le dernier sondage réalisé par OpinionWay (23-26 septembre) accentue
même la tendance puisque 43 % des
sympathisants de gauche se prononcent en faveur de François Hollande,
30 % pour Martine Aubry et seulement 11 % pour une Ségolène Royal
qui serait talonnée par Arnaud Montebourg (10 %).
Il en est de même dans l’enquête ef-
socialistes pratiquent, pour l’instant,
la retenue.
Les oppositions entre candidats sont
aujourd’hui plus articulées sur des différences de style que sur la perception
de lignes politiques claires. Le premier
débat du 15 septembre, au-delà du large écho qu’il a rencontré (4 920 000
téléspectateurs, 22,1 % de part
d’audience), a montré que ce qui rassemblait les candidats était plus important que ce qui les séparait.
Le deuxième débat du 28 septembre
a montré cependant que pouvaient
s’opposer deux conceptions : l’une insistant sur le règlement, l’interdiction
et l’action omniprésente de l’État et
l’autre plus tournée vers la société, la
responsabilité et l’initiative privée.
16 octobre. Dans ce cadre, le rapport
des forces, tel que le mesurent aujourd’hui les sondages d’intentions de
vote, ne semble pas être favorable à la
première responsable du PS. François
Hollande est crédité dans le sondage
CSA des 19 et 20 septembre de 52 %
des intentions de vote contre 40 % à
Martine Aubry, 8 % ne se prononçant
pas, ce qui représente un rapport de
57 % à 43 % sur les seuls suffrages exprimés.
L
’enquête OpinionWay réalisée sur
un échantillon de sympathisants de
gauche aboutit au même résultat :
57 % en faveur de François Hollande et
43 % pour Martine Aubry. Le sondage
Ipsos alourdit le handicap de Martine
Aubry : 41 % contre 59 % pour son
challenger.
«
N
éanmoins, la différenciation porte
essentiellement sur les capacités
personnelles prêtées à chacun pour
prétendre à l’exercice des plus hautes
fonctions de l’État dans un contexte de
plus en plus troublé. Or, dans cette appréciation comparée des vertus et des
capacités prêtées, à tort ou à raison, à
chacun pour exercer la fonction de
président de la République, François
Hollande domine. Cette domination
est outrageuse sur l’aspect le plus régalien de la fonction (avantage de 23
points sur Martine Aubry en ce qui
concerne « la stature d’un président
de la République », avantage de 24
points sur la capacité à battre Nicolas
Sarkozy).
En revanche, son avance est plus ténue sur l’incarnation du « changement », l’aptitude à « faire face à une
crise économique internationale » ou
encore la disposition à élaborer « les
meilleures solutions aux problèmes
des Français ». Dans ces divers traits
que les électeurs de gauche qui s’apprêtent à voter à la primaire attribuent
aux principaux candidats socialistes,
se dessinent les forces et les faiblesses
de celle ou de celui qui sera le candidat
du Parti socialiste à l’issue de la primaire. ■
Les oppositions entre candidats sont aujourd’hui
plus articulées sur des différences de style
que sur la perception de lignes politiques claires
»
fait jeu égal avec lui dans les secteurs
les plus diplômés de la population.
S
égolène Royal, quant à elle, garde
une forte capacité à pénétrer la population jeune et l’électorat des couches populaires. Quant à Arnaud
Montebourg, sa base est avant tout
bourgeoise et éduquée alors que Manuel Valls connaît un succès d’estime
dans les franges les moins à gauche de
cet électorat de la primaire.
Pour l’instant, aucune victoire de
l’un des candidats ne semble possible
dès le premier tour, à moins que la
peur d’affrontements fratricides lors
de l’entre-deux tours ne pousse certains cadres du PS, certains élus et
certains électeurs à rallier la candidature de celui qui fait la course en tête.
Si une telle dynamique ne se déclenche pas, il y aura un second tour le
Ces chiffres doivent être pris avec
prudence car nous sommes loin d’un
second tour, les rapports de force du
premier tour ne sont pas fixés dans le
marbre des « vrais résultats » et les
manœuvres, les désistements, les inévitables bruits et fureurs qui accompagneront une campagne d’entre-deuxtours n’ont pas fait leur œuvre.
Il faudra peut-être attendre un
deuxième tour pour que la vérité des
conflits et des antagonismes éclate au
grand jour. Pour l’heure, il est trop tôt.
Le Parti socialiste sait qu’il ne peut renouer sans danger avec la logique
d’affrontement bipolaire qui lui avait
coûté si cher lorsque Martine Aubry
avait pris, en 2008, la direction du
parti, dans des conditions fortement
contestées, avec 102 voix d’avance sur
134 800 votants. Pour ne pas réveiller
les mauvais souvenirs, les candidats
ÉVOQUÉE à droite, principalement par
Charles Pasqua, au tout début des années 1990, l’idée de « primaires ouvertes » allait faire lentement son chemin à
gauche, sous la forme de « primaires
fermées » réservées aux adhérents du
parti. En 1995, Lionel Jospin fut choisi
contre le premier secrétaire du PS de
l’époque, Henri Emmanuelli. En 2006,
Ségolène Royal s’imposa contre Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius.
Cette primaire ne toucha que 80 000
adhérents PS en 1995 et 180 000 en
2006.
L’idée d’élections « primaires ouvertes » à l’américaine fut relancée en
2008 après le Congrès de Reims où le
choix de la nouvelle première secrétaire du PS par le vote des adhérents fut
entaché de multiples fraudes et contestée par Ségolène Royal.
Empêtré dans une interminable querelle de chefs, le PS décida de s’ouvrir à
une procédure de « primaires ouvertes » afin de régler par les urnes ce que
l’appareil socialiste ne parvenait pas à
régler en interne. En octobre 2009, les
adhérents du PS ratifièrent massive-
ment la nouvelle règle du jeu, une
convention du parti adopta en
juillet 2010 les grands principes, le calendrier et les modalités définitives furent établis en janvier 2011.
Combien d’électeurs ?
Sachant que les électeurs surestiment
systématiquement leur participation,
Ipsos évalue la fermeté de l’intention
d’aller voter autour de 9 % du corps
électoral. Si 40 % seulement de ce
potentiel passe à l’acte de vote le 9 octobre, environ 1 500 000 électeurs
pourraient se rendre aux urnes.
Cette participation serait nettement en deçà de celle de la gauche
italienne aux trois primaires qui
ont rassemblé de 3 à 4 millions
d’électeurs dans les années 2000.
Elle serait peut-être suffisante
pour faire sortir le PS de sa difficulté à se choisir un (e) candidat
(e) capable de l’incarner pleinement dans la grande joute électorale qu’est l’élection préP. P.
sidentielle. ■
A le plus la stature
d’un président
de la République
Évolution des intentions de vote
À LA PRIMAIRE SOCIALISTE
(base : ceux qui déclarent qu’ils iront certainement ou probablement
voter à la primaire)
35
34 %
33 %
30
27%
25
Source : sondage CSA pour BFMTV,,
RMC et «Vingt Minutes»
23 %
20 %
19 %
19%
15
9 % NSP*
10
6%
5
4%
1%
A
3%
2%
Mai 2011
Juin 2011
1%
Juillet 2011
Août 2011
Septembre 2011
*NSP : ne se prononce pas NSP*
Source : sondage CSA pour BFMTV, RMC et «Vingt Minutes» ,
réalisé par téléphone les 19 et 20 septembre 2011 auprès
d’un échantillon national représentatif de 1 005 personnes
âgées de 18 ans et plus
Est le plus capable
de faire face à une
crise économique
internationale
Crédibilité
comparée
des candidats
À LA PRIMAIRE SOCIALISTE
(base : ceux qui ont l’intention
d’aller voter)
Paraît apporter
les meilleures
solutions aux
problèmes
des Français
Incarne
le mieux
le changement
Est le plus capable
de battre N. Sarkozy
à l’élection
présidentielle
François
Hollande
46 %
36 %
36 %
30 %
47 %
Martine
Aubry
23 %
29 %
28 %
27 %
23 %
Ségolène
Royal
14 %
11 %
14 %
15 %
15 %
Arnaud
Montebourg
5%
4%
6%
9%
3%
Manuel
Valls
1%
4%
4%
6%
2%
J.-M.
Baylet
0%
2%
1%
0%
0%
11 %
14 %
11 %
13 %
10 %