Les routines : zoom sur les soins d`hygiène et la sieste
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Les routines : zoom sur les soins d`hygiène et la sieste
zoom Les routines : sur les soins d’hygiène et la sieste La prévention : une priorité Nicole Malenfant1 Enseignante en éducation à l’enfance Collège Édouard-Montpetit et Université de Montréal D ans un précédent article2, nous avons démontré la valeur considérable des routines et des transitions en centres de la petite enfance (CPE) et en garderies. En effet, elles occupent plus de 40 % de l’horaire quotidien. Nous avons alors abordé les repas et les collations comme des activités à part entière qui, en plus de répondre à des besoins de base des enfants, offrent l’opportunité de personnaliser les contacts avec chacun d’eux tout en favorisant leur autonomie. Voyons maintenant comment les soins d’hygiène et la sieste constituent des moments de vie tout aussi profitables tant pour les enfants que pour les éducatrices. Avant de passer à table, Naïma, 3 ans, se lave les mains pour la sixième fois de la journée. De fait, il s’agit de la trentième fois depuis le début de la semaine, pour un total annuel de plus de 2 000 lavages de mains, et ce, seulement au CPE. La tâche peut s’avérer lourde et monotone à la longue. Et pourtant, c’est une mesure d’hygiène incontournable pour assurer la santé des enfants et celle des éducatrices. Effectué au bon moment et avec les bonnes techniques, le lavage des mains demeure le meilleur moyen pour prévenir les infections dues aux bactéries, aux virus et aux parasites. Vos mains d’abord ! Avec un système immunitaire immature, le jeune enfant court un risque accru de contracter plusieurs maladies qui sont, pour la plupart, transmissibles par les mains. Ainsi, pour votre propre bien-être et pour celui des enfants, il est recommandé de garder les ongles courts et de se laver les mains plusieurs fois par jour : en arrivant au service de garde, avant et après les collations et les repas, avant et après la routine des toilettes ou du changement de couche, après la manipulation des pots d’entraî- Le lavage des mains demeure le meilleur moyen pour prévenir les infections dues aux bactéries, aux virus et aux parasites. L’adulte effectue certains gestes de façon mécanique ; l’enfant doit les apprendre avec la plus grande attention, par exemple, tirer la chasse d’eau. S A N S P É P I N S – V O L . Assurez la sécurité nécessaire à la routine du lavage des mains : accès au lavabo à l’aide de petites marches, ouverture du robinet et contrôle de l’eau chaude. 7 , N O 1 , A V R I L 2 0 0 5 1 nement, après un mouchage de même qu’avant et après l’application d’un onguent ou l’administration de gouttes nasales. Le fait de porter des gants pour l’une ou l’autre de ces tâches n’élimine en rien l’obligation de se laver les mains après le retrait des gants. Avant de procéder aux lavages des mains, enlevez ou désinfectez le couvercle de la poubelle, car il constitue un lieu très contaminé. Ou mieux, déposez les papiers à main souillés dans un panier ouvert à côté et jetez ensuite le contenu à la poubelle. Pour les enfants, plus que des gestes répétitifs ! 2 S A N S Ainsi en est-il de la chanson Le blues du lavage des mains (encadré) où chacune des étapes est décrite. Quelques fois par semaine, supervisez le lavage des mains en la fredonnant. C’est à travers l’entraînement ludique à de tels petits gestes qu’on reconnaît, entre autres, les grands éducateurs ! Sans savon, point de bienfaits ! C’est à travers l’entraînement ludique à de tels petits gestes qu’on reconnaît, entre autres, les grands éducateurs ! Relever les manches, mouiller les mains, mettre du savon, mousser et frotter pendant plus de 20 secondes, puis rincer et assécher les mains avec du papier, autant de gestes requérant dextérité, coordination, mémoire et logique. Une expérience du genre représente pour l’enfant une occasion extraordinaire d’apprentissage. En s’exerçant à bien se laver les mains, il développe sa motricité fine, prend conscience de ses doigts et de ses mains. De plus, il mémorise la séquence des gestes et constate l’effet du savon au contact de l’eau. Malgré le caractère répétitif et la fréquence, il est possible de rendre les soins d’hygiène agréables. Il suffit d’une bonne planification, d’attitudes positives et de quelques procédés simples et amusants. Certaines chansons permettent à l’enfant d’assimiler les gestes à faire. Se moucher est une activité que l’enfant n’accomplit de manière efficace que vers cinq ans. Montrez aux enfants à éternuer dans le pli du coude pour éviter les microbes dans les mains. Ni débarbouillette mouillée, ni solution désinfectante ou serviette jetable préhumidifiée n’arrivent à égaler l’efficacité d’un lavage des mains fait avec du savon sous l’eau tiède du robinet. Tout comme avant de manger, le lavage des mains après le repas ou la collation devrait se faire au lavabo. Le temps requis est vite compensé par la diminution du nombre de gastro-entérites et de rhumes. Permettez aux bébés de profiter eux aussi des bienfaits d’un bon lavage des mains. C’est ce que fait Chantal avec ses cinq petits mousses âgés entre 14 et 19 mois. Elle utilise du savon qu’elle dépose en très petite quantité à une extrémité de la débarbouillette mouillée qu’elle passe ensuite sur les mains de l’enfant. Puis, elle les essuie avec l’autre bout de la débarbouillette. Elle profite de ces moments pour parler au bébé, pour lui décrire ses actions, ce qui stimule ses habiletés de communication. En raison de son effet irritant, limitez l’usage du savon antibactérien aux périodes de diar- À vos brosses à dents et à vos jeux ! « Savez-vous brosser les dents, à la mode, à la mode de chez nous ? » P É P I N S – V O L . 7 , N O 1 , Savoir se relaxer est un apprentissage essentiel qui servira toute la vie. A V R I L 2 0 0 5 rhées ou de rhumes accrues. En général, un savon ordinaire, dans un joli distributeur facilement maniable et accessible aux enfants, est suffisant. Et les enfants seront ravis de sentir une nouvelle fragrance de savon à l’occasion. L’autonomie pas à pas En âge d’exercer une plus grande autonomie, soit vers 15-18 mois, les enfants sont généralement aptes à apprendre les rudiments du lavage des mains. Mais ce ne n’est que vers trois ans et demi qu’ils arrivent à se laver les mains de manière satisfaisante. Entre-temps, des rappels réguliers leur seront nécessaires pour savoir comment mousser le savon et sur quelles parties frotter : paumes et dos des mains, pouces (trop souvent oubliés), poignets et bout des doigts. Dès qu’ils peuvent y arriver, Raymonde aide les enfants à monter sur le marchepied pour effectuer le lavage des mains et le changement de couche. Elle évite ainsi de se pencher sur le lavabo et de soulever les enfants. Pour ajouter un brin de fantaisie à l’activité, elle compte les marches en simulant un embarquement dans un bateau. Elle sait que le goût d’apprendre se transmet à l’enfant par le jeu et surtout par la relation affective. Chaque enfant traverse des périodes où il se montre moins disponible à découvrir ou à apprendre. Rien ne sert de forcer un enfant à un apprentissage trop précoce. Par conséquent, attendez un meilleur temps pour commencer l’apprentissage à la propreté ou la routine des toilettes, si vous le voyez réfractaire. Patience avec le mouchage Instaurez un jeu avec un papier mouchoir pour amener l’enfant à apprendre à se moucher tout en s’amusant. Par exemple, dessinez un petit personnage de type « bonhomme allumette » sur le mouchoir en papier avec lequel l’enfant couvre son nez. Demandez-lui de souffler doucement sur le personnage, d’abord avec sa bouche, ensuite avec ses narines la bouche fermée, puis finalement en obstruant une narine. En le faisant ainsi participer, vous favorisez son estime de soi en plein développement. Le brossage de dents On assiste malheureusement à un abandon de la pratique du brossage de dents en CPE et en garderies. On évoque souvent le manque de temps, la surcharge de la tâche et la crainte de transmission de virus tel l’hépatite B. Il faut savoir que des mesures préventives permettent de contrôler les risques presque inexistants de contamination : support à brosses à dents au mur, séchage à l’air libre, supervision pour éviter l’échange des brosses à dents. Dans un souci d’éducation, il est souhaitable de conserver la routine du brossage de dents, ne serait-ce qu’une ou deux fois par semaine. Ou encore le faire avec un seul enfant par jour sous la supervision de l’éducatrice qui brosse aussi ses dents pour donner l’exemple. Considérons le fait que plusieurs enfants doivent veiller à eux seuls à leur hygiène dentaire à la maison et que la moitié d’entre eux auront des dents cariées avant même d’entrer à l’école. Même si on ne peut forcer les enfants à dormir, on peut néanmoins les aider à se relaxer. DES IDÉES POUR ANIMER la sieste et les soins d’hygiène lusieurs idées pour mieux organiser et animer la sieste et les soins d’hygiène se retrouvent dans le livre de Nicole Malenfant qui est accompagné d’un disque compact, dont elle signe la plupart des chansons : Les microbes sont à mes trousses, Brosse-bien tes dents, Le blues du lavage de mains, etc. P Si vous devez masser un enfant pour l’aider à s’endormir, prenez une posture assise sans torsion du tronc en appuyant bien votre dos ou demandez la collaboration d’enfants plus vieux pour effectuer la tâche. S A N S P É P I N S – V O L . 7 , N O 1 , A V R I L 2 0 0 5 3 La sieste : pas de tout repos Pour aider Tina à demeurer calme sur son matelas à l’heure de la sieste, Geneviève, son éducatrice, la masse jusqu’à ce qu’elle s’endorme après 30 minutes. Mais avec la posture prolongée qu’elle prend et reprend jour après jour, une douleur à l’épaule a fini par s’installer et a dégénéré en tendinite. Le massage ne devrait être utilisé qu’à l’occasion et non à tous les jours. Il est préférable d’inculquer aux enfants des habitudes de détente sans risque de conditionnement dû à une intervention directe de l’éducatrice. Pour amener Tina à s’endormir par elle-même, Geneviève devra lui proposer d’autres moyens (automassage, compagnie d’un animal en peluche) et s’armer de patience pendant la période de déprogrammation. La sieste des enfants se prépare dès la matinée. Premièrement, prévoyez à l’horaire une période de jeux à l’extérieur. Offrez aux enfants des temps de récupération à intervalles réguliers : jeux d’étirement ou de respiration après une activité de grande dépense énergétique, exercices moteurs après une période calme. Aménagez dans le local un espace de détente permanent ou temporaire, avec des coussins douillets où l’enfant peut se retrouver seul, au besoin. Avec moins de fatigue accumulée, l’enfant a plus de chance de mieux se détendre à l’heure de la sieste. Même si on ne peut forcer un enfant à dormir, on peut néanmoins l’aider à se relaxer. Contribuez à l’ambiance générale de détente en abaissant votre voix, en posant des gestes délicats et en tamisant l’éclairage. S’il y a musique de fond, optez pour des sons doux et réguliers de la nature. Profitez de la sieste pour refaire vous-même le plein. Installez-vous confortablement, prenez quelques respirations profondes les yeux fermés. Pour certains enfants, votre exemple s’avère des plus bénéfiques. Geneviève profite aussi de ce temps pour prendre des notes sur les enfants et pour analyser certaines situations. Face à la demande de certains parents de ne pas faire dormir leur enfant à la sieste ou de l’écourter, elle réfléchit à la question en préparant une proposition qu’elle soumettra à la prochaine réunion d’équipe. Elle sait que la cohérence entre les éducatrices est nécessaire et que toute décision devra être prise en respectant les besoins des enfants. Avec un jeu, c’est bien mieux ! Une marionnette est invitée à border les enfants avant la sieste et à les guider dans le rangement des effets personnels après le dodo. Un appel au lavabo avec des caractéristiques : « J’appelle celui qui porte un chandail rouge ! ». Une touche d’humour pour inciter les petits à installer leur matelas: « Matelots, préparez votre bateau pour l’embarquement qui se fera dans cinq minutes ! ». Une étampe apposée sur la main pour souligner l’effort à bien se brosser les dents. Autant de moyens ludiques et efficaces qui offrent l’avantage de faire moins de discipline en ayant plus de plaisir. À partir de la chanson Dans la ferme à Mathurin qu’il a adaptée, Fabien motive les enfants à développer les habiletés nécessaires au lavage des mains. Avec de nouvelles paroles mises sur l’air de Marie avait un mouton, Lydia incite Zoé à se moucher. Les chansons ont un effet très entraînant sur les enfants surtout lorsqu’elles sont reprises par des adultes convaincants (encadré). Une affiche réalisée avec Il est étonnant de constater comment les enfants ressentent la nervosité des adultes. Installez un rituel de début de sieste : histoire, jeu d’étirement, caresse et petit mot doux chuchoté à l’oreille de chacun des enfants. 4 S A N S P É P I N S – V O L . 7 , N O 1 , En disposant son matelas à l’endroit prévu, l’enfant fait appel à sa dextérité, à sa mémoire, à sa capacité de se repérer dans l’espace en plus d’exercer son sens des responsabilités. A V R I L 2 0 0 5 leur participation et mise à leur vue, constitue un autre procédé pour rappeler aux enfants de tirer la chasse d’eau après l’utilisation des toilettes. Ce sont les effets cumulatifs des divers moyens appliqués avec constance qui procurent les meilleurs résultats. Le plus possible, laissez les enfants s’éveiller spontanément et se lever à leur rythme. Le réveil graduel permet à l’éducatrice d’accorder de l’attention à chacun des enfants. Quand satisfaction rime avec organisation Il est midi trente dans le local des Moussaillons où se trouvent sept enfants âgés entre 20 et 30 mois. Aussitôt sortis de table, les enfants vont se laver les mains. Pendant ce temps, il y a le plancher et les chaises à nettoyer, les couches à changer, l’entraînement à la propreté à poursuivre avec les plus vieux et la sieste à organiser. « Ouf ! Comment passer à travers cette heure critique sans y laisser ma peau ? », se demande Marie-Ève, éducatrice. Et si la solution résidait à la fois dans un bon sens de l’organisation et dans sa capacité à observer ? Pour commencer, il faut cerner les priorités. Concentrez-vous sur ce qui ne peut attendre. Par exemple, les pipis aux toilettes ou sur le pot. Quand un enfant vient de terminer le repas, son besoin d’éliminer se fait généralement sentir et il faut faire vite. Pendant que vous supervisez les apprentis sur le petit pot, occupez les autres enfants avec des jeux calmes qu’ils aiment. Pour éviter les disputes entre enfants, dispersez le matériel de jeu à deux ou trois endroits dans le local. Proposez des jouets variés en quelques exemplaires en évitant toutefois la surabondance. Il peut s’agir de petits contenants « mains propres » comprenant du matériel de jeu simple à manipuler que les enfants utilisent une fois leurs mains lavées : jeux d’assemblage et d’encastrement, casse-tête, figurines répartis dans des contenants individuels transparents, faciles à manier et à ranger. Pour désamorcer votre stress • Merci à Annie de l’Étoile, éducatrice au CPE L’ApprentiSage, ainsi qu’aux enfants de son groupe pour leur participation aux photos : Albert Poirier, Samuel Choquette, Charles-Antoine Roy, Raphaële Perron-Beauchemin, Nathan Larrivée,Yorick Milot, Zachary L’Heureux et Alexandra Cournoyer. RÉFÉRENCES Pour diminuer le stress lors des périodes de pointe, il existe des techniques très utiles. Il est étonnant de constater comment les enfants ressentent la nervosité des adultes et comment aussi, ils les imitent lorsque ceux-ci se montrent calmes. Or, la respiration profonde et consciente aide à contrer les effets du stress. Annie s’y exerce plusieurs fois par jour. Elle respire lentement par le nez en prolongeant la durée de ses expirations. Ce faisant, non seulement elle dénoue ses tenS A N S sions corporelles, mais elle oxygène son esprit, ce qui la rend plus stratégique dans ses interventions. Respirer ainsi régulièrement, et non seulement lors des moments critiques, assure un mieux-être à l’éducatrice. Une autre façon de diminuer votre stress consiste à prendre le temps d’écrire le problème qui vous préoccupe. Une vision claire de la situation problématique vous aidera à mieux identifier les solutions envisageables. En fixant sur papier vos intentions, vous serez plus apte à mieux agir dans le feu de l’action. Pour un résultat supérieur, faites connaître vos besoins de soutien à vos pairs. Pourquoi ne pas leur communiquer votre vécu et solliciter leur expertise, ou encore demander un coup de pouce à la conseillère pédagogique qui vous suggérera des lectures, par exemple ? C’est en comparant votre perception avec celle de vos collègues et de spécialistes que vous vous assurez du bien-fondé de vos interventions. Avec plus de connaissance, votre confiance augmentera et les difficultés auront tendance à se faire moins envahissantes. Pourquoi prendre le temps de vivre chacune des activités de la sieste et de l’hygiène avec les enfants ? Pour être le témoin privilégié de la fascinante aventure de l’être humain en pleine formation et pour avoir le privilège de redécouvrir la richesse du moment présent, ce que permettent ces routines. P É P I N S – V O L . Dans le cadre d’un prochain article, il sera question de la routine de l’habillage. 1. Nicole Malenfant est également l’auteure des livres Routines et transitions en services éducatifs (2002) et L’Éveil du bébé aux sons et à la musique (2004) publiés aux Presses de l’Université Laval. Disponibles en librairie ou sur www.petitmatin.com. 2. « Plus que des routines et des transitions : des moments de vie », Sans pépins, vol. 6, no 3, oct. 2004, p. 1-3. Photos © Nicole Malenfant 7 , N O 1 , A V R I L 2 0 0 5 5