Etude comparative et histologique entre les artères coronaires

Transcription

Etude comparative et histologique entre les artères coronaires
(WXGHFRPSDUDWLYHHWKLVWRORJLTXHHQWUHOHV
DUWqUHVFRURQDLUHVUDGLDOHVHWWKRUDFLTXH
LQWHUQHJDXFKH
M.M. BARRY, P. FOULON, G. TOUATI, B. LEDOUX, H. SEVESTRE, D. CARMI ET M.
LAUDE
,QWURGXFWLRQ
Chaque année en France, environ 25.000 patients nécessitent un ou plusieurs
pontages aorto-coronariens [15]. Cette chirurgie de revascularisation nécessite
l’obtention de greffons autologues. Les greffons les plus utilisés sont l’artère
thoracique interne et la veine grande saphène. Lorsque la veine grande saphène
n’est pas utilisable (varices, interventions préalables) ou que l’artère thoracique
interne est de calibre insuffisant, on peut être amené à prélever l’artère radiale
pour l’utiliser comme greffon. Cependant le taux d’occlusion de cette artère
radiale reste élevé par rapport à celui de l’artère thoracique interne. C’est dans le
but de comprendre les causes anatomiques de cette occlusion et d’améliorer les
résultats que nous nous sommes proposés de faire une étude comparative
biométrique et histologique entre les artères coronaires, radiales et thoracique
interne gauche.
0DWpULHOHWPpWKRGHV
Nous avons fait notre étude sur 20 cadavres (13 hommes et de 7 femmes), âgés de
50 à 95 ans ( moyenne 79 ± 6 ans).
3UpOqYHPHQWVHWPHVXUHV
Nous avons disséqué les membres supérieurs avec prélèvement et biométrie de
l’artère radiale, suivie d’une sternotomie avec prélèvement de l’artère thoracique
interne. Enfin, nous avons prélevé les artères coronaires droite et gauche. L’artère
coronaire gauche a été prélevée depuis son origine jusqu’à 3 cm après sa
bifurcation en rameaux interventriculaire antérieure et circonflexe. L’artère
coronaire droite a été prélevée depuis son origine jusqu’à sa bifurcation en
1
rameaux interventriculaire postérieur et rétroventriculaire postérieur. Le calibre
interne de ces vaisseaux a été mesuré avec des calibreurs coronaires (Garrett
Vascular dilatator, Scanlan®) au niveau du site de pontage.
0pWKRGHVVWDWLVWLTXHV
Les calibres internes des artères mesurées au niveau des sites de pontages ont été
relevés de façon descriptive, puis analysés à la recherche d’une corrélation entre
ces différentes artères (le seuil de signification retenu étant a = 5% ou p < 0,05).
0pWKRGHVHWWHFKQLTXHVKLVWRORJLTXHV
Pour les artères radiales et thoracique interne gauche, nous avons effectué des
coupes histologiques dans le plan transversal, au niveau du tiers supérieur, du tiers
moyen et du tiers inférieur des segments artériels prélevés. Sur l’artère coronaire
gauche, les coupes ont été effectuées au niveau du tronc commun et des 3
premiers centimètres des rameaux interventriculaire antérieur et circonflexe. Pour
l’artère coronaire droite, les coupes étagées ont été effectuées sur les 2 à 3 cm
d’artères prélevées. On a évité d’effectuer les coupes au niveau des segments
porteurs de plaques d’athéromes calcifiées.
Les prélèvements, effectués sur des pièces fixées au formol à 10 %, ont été
déposés en cassette identifiée, puis déshydratés dans des bains d’alcool à 90°,
éclaircis au xylène, puis imprégnés de paraffine (automate Leica TP 1120), avant
d’être inclus en paraffine. Des coupes de 3µm d’épaisseur ont été montées sur
lames et colorées par l’hématéine-phloxine-safran, la coloration trichrome de
Masson et l’orcéine.
Dans certaines observations, les prélèvements ont été traités par une technique
immuno-histo-chimique pour reconnaître la nature sympathique ou
parasympathique de l’innervation artérielle. Pour cela des coupes non colorées ont
été déparaffinées, régénérées au bain-marie, avant de recevoir l’anticorps
primaire, la révélation étant amplifiée par un montage LSAB (automate,
Ventenanexus)
2
5pVXOWDWV
&DOLEUHV
La fig. 1 illustre la dispersion des calibres des artères interventriculaire antérieure
et coronaire droite. Le calibre de chaque artère pour tous les cadavres est indiqué
au tableau 1. Dans le tableau 2, on remarque que le calibre de l’artère thoracique
interne et celui des artères radiales sont proches des diamètres des artères
interventriculaire antérieure et circonflexe, contrairement au diamètre de l’artère
coronaire droite. Dans le tableau 3, on remarque qu’il n’y a pas une corrélation
significative (test de Spearman) entre les différentes artères en dehors de celle
rencontrée entre les diamètres des artères interventriculaire antérieur et coronaire
droite. La fig. 1 illustre la dispersion des calibres des artères interventriculaire
antérieure et coronaire droite.
6WUXFWXUH
Les artères coronaires et leurs branches, et l’artère radiale sont de type
musculaire ; leur média est limitée par deux limitantes élastiques nettes, elle est
riche en fibres musculaires lisses et pauvre en fibres élastiques (figs. 2, 3).
L’artère thoracique interne est, comme l’aorte, une artère élastique ; sa média
pauvre en fibres musculaires lisses est très riche en fibres élastiques épaisses (figs.
4, 5). Nous avons aussi rencontré des plaques d’athéromes (fig. 6) au niveau des
artères coronaires et radiales, jamais au niveau de l’artère thoracique interne.
,QQHUYDWLRQGHODSDURL
Les parois des artères radiales et coronaires étaient traversées par plusieurs nerfs
adventiciels (filets ortho- et parasympathiques). Nous ne les avons pas rencontrés
dans la paroi de l’artère thoracique interne gauche (fig. 4 a-c).
'LVFXVVLRQ
Carpentier fut le premier à avoir utilisé l’artère radiale comme greffon dans les
pontages aorto-coronariens en 1971, en raison de la richesse des anastomoses de
l’artère radiale avec les artères brachiale et ulnaire. Son expérience initiale,
3
rapportée en 1973 [5], faisait part d’une occlusion touchant déjà 30 % des
greffons et lui faisant abandonner cette technique.
Mais, à la suite de la persistance de la perméabilité d’un greffon de l’artère radiale
18 ans après son implantation, cette technique a été de nouveau utilisée [1].
Cependant, le taux d’occlusion précoce reste plus élevé qu’avec l’artère
thoracique interne [1, 7, 15]. Nous avons voulu savoir si une différence de calibre
ou de structure de ces artères pouvait expliquer cela.
Dans la littérature, nous n’avons pas trouvé d’étude comparative entre les artères
coronaires, thoracique interne et radiale sur le plan de la biométrie ou de la
structure. Les études précédentes [2, 3, 7, 11] n’avaient pas inclus l’anatomie et la
structure des artères coronaires, elles n’avaient fait qu’une comparaison entre
l’artère radiale et l’artère thoracique interne. Cependant, tous les auteurs sont
d’accord sur le fait que l’artère thoracique interne représente un meilleur greffon
du fait de son calibre bien adapté à celui d’une artère coronaire, créant moins de
turbulences anastomotiques et surtout une absence de dégradation à long terme,
lui assurant une perméabilité durable [12, 14, 15, 17]. Cette même théorie devrait
s’appliquer à l’artère radiale en raison de son calibre proche de celui de l’artère
thoracique interne [4].
En dehors des artères interventriculaire antérieure et coronaire droite, nous
n’avons pas trouvé de corrélation, entre les calibres des différentes artères
étudiées et en particulier entre le calibre des artères périphériques et ceux des
artères du cœur.
La structure des artères peut subir des modifications en fonction de l’âge. Ces
modifications sont variables selon leur type histologique et leur situation dans
l’arbre artériel en rapport avec les contraintes mécaniques éprouvées [2]. Les
premiers signes microscopiques du vieillissement des artères élastiques
apparaissent entre 20 et 29 ans. Ils se caractérisent par la disparition, sur une
étendue variable, d’une ou de plusieurs lames élastiques de la média et un
épaississement intimal plus marqué. Le vieillissement des artères musculaires se
4
traduit par un épaississement de l’intima qui se fibrose, par une migration
myocytaire de la média et par un dédoublement de la limitante élastique interne.
La média devient fibreuse, hypertrophique ou atrophique [6]. Ces modifications
de structures font le lit de l’athérosclérose.
Dans une série de 150 paires d’artères radiale et thoracique interne gauche
prélevées chez des patients au cours de pontage aorto-coronaires, Ruengsakulrach
et al. [8] ont trouvé près de 94 % d’hyperplasie de l’intima et près de 5,3 %
d’athérosclérose évoluée dans les artères radiales, contre 0,7 % pour l’artère
thoracique interne. Par ailleurs, Sisto et al. [13] ont souligné le fait que la
limitante élastique interne de l’artère thoracique interne est moins fragmentée que
celle de l’artère radiale, ce qui peut expliquer partiellement d’une part la moindre
incidence d’athérosclérose dans l’artère thoracique interne et d’autre part l’échec
des greffons d’artères radiales.
En se referant à Ueyama et al. [16], qui ont évalué l’intérêt de l’artère radiale
utilisée comme greffon pour les pontages coronaires, les études histologiques
montrent que la média des artères radiales est plus pauvre en fibres élastiques
mais plus riche en fibres musculaires lisses que l’artère thoracique interne. Des
calcifications sont souvent retrouvées à la partie distale de l’artère radiale.
Dans notre série de 20 sujets anatomiques, le remaniement de l’intima et la
présence de plaques d’athéromes ont été observés dans les artères coronaires et
radiales, jamais dans l’artère thoracique interne.
&RQFOXVLRQ
Même si anatomiquement le calibre reste adapté entre artères radiales et
coronaires, le devenir histologique et donc la perméabilité des artères radiales est
en relation avec leur nature histologique. En effet, les artères radiales et
coronaires, subissent le même processus de vieillissement, caractérisé par un
épaississement de l’intima qui se fibrose, par une migration myocytaire de la
média et par un dédoublement de la limitante élastique interne. L’artère
thoracique interne a un processus de vieillissement différent et reste le meilleur
greffon à long terme par rapport à l’artère radiale déjà remaniée comme l’artère
5
qu’elle doit suppléer. Cette étude confirme donc les résultats à long terme de
perméabilité, meilleurs pour l’artère thoracique interne que pour l’artère radiale
dans les pontages aorto-coronaires. La taille de cette échantillon nécessite de
continuer cette étude. De même, à partir du protocole que nous avons mis en place
pour ce travail, nous pouvons étudier la biométrie et la structure de tous les
greffons artériels possibles (artères épigastriques supérieure et inférieure, ulnaires,
etc.).
/pJHQGHVGHVILJXUHVHWWDEOHDX[
)LJ Dispersion des diamètres de l’interventriculaire antérieure et de l’ostium de la coronaire
droite
)LJ Structure histologique de l’artère coronaire. Média riche en cellules musculaires lisses
(H.P.S x30)
)LJStructure histologique de l’artère radiale. Média riche en cellules musculaires lisses pauvres
en lames élastiques de petite taille (HPS x20)
)LJStructure histologique de l’artère thoracique interne. Média pauvre en cellules musculaires
lisses et riche en lames élastiques (HPS x20)
)LJStructure des artères
)LJPlaques d’athéromes
)LJDEImmuno-marquage par anti-protéines S 100. Nerfs adventiciels. a Artère radiale. b
Artère coronaire
7DEOHDX Calibres internes des artères mesurés aux sites de pontage (en mm)
7DEOHDX Calibre interne moyen des artères aux sites de pontages (en mm )
7DEOHDX Coefficients de corrélation entre les calibres des artères (Spearman. N < 30). 1,
nombre de sujets ; p=0,05 ; &[, circonflexe ; ,YD, interventriculaire antérieure ; &EHIRUHEL,
coronaire droite avant bifurcation ; LIM, artère thoracique interne gauche
6