LACS COLLINAIRES ET CONFLITS DE GESTION DES
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LACS COLLINAIRES ET CONFLITS DE GESTION DES
LACS COLLINAIRES ET CONFLITS DE GESTION DES RESSOURCES EN EAU . Mohamed BOUFAROUA1, Aws ALOUINI, Mohamed SLIMANI2, Salah SELMI3. RESUME En Tunisie, l’implantation de lacs collinaires au sein de zones rurales déshéritées, contribue à l’essor de l’agriculture en permettant le développement des zones irriguées, l’abreuvage du cheptel et l’installation de l’aquaculture; de même ces lacs participent à la promotion du tourisme. Néanmoins, l’eau mobilisée par ces lacs, ressource rare et vitale, pose des situations de conflits considérables lorsqu’elle est gérée de façon individuelle. Les bénéficiaires sont des facteurs déterminants dans ces situations conflictuelles d’exploitation et de gestion des ressources en eau collectées pour le développement local. Mots clés : lac collinaire, eau, gestion, exploitation, conflits. Les lacs collinaires sont des petits barrages en terre aménagés par l’homme. Ils se situent au niveau des dépressions entre les collines, ce qui permet la collecte de l’eau de pluie et des ruissellements. Leur implantation et leur promotion sont un choix stratégique intéressant permettant la mobilisation des ressources hydrauliques naturelles afin de répondre aux besoins en eau sans cesse croissants aussi bien dans l’agriculture, l’industrie que le tourisme (D/CES, IRD 2001). De dimensions variables, les retenues collinaires peuvent mettre à la disposition des bénéficiaires quelques dizaines à plusieurs centaines de milliers de m3 d’eau recueillis sur des bassins versants dont la superficie varie de quelques hectares à quelques km2. Ils s’intègrent de façon naturelle dans le paysage et sont susceptibles de maintenir les populations rurales en leur assurant de réelles possibilités de développement dans un milieu pauvre, isolé et défavorisé (Boufaroua et al, 2000). Néanmoins l’implantation des lacs collinaires peut comporter certains risques et inconvénients sur les milieux physique, biologique et humain. Ces risques inhérents aux modifications apportées à l’écosystème doivent être préalablement étudiés afin d’en évaluer l’impact et prévenir les conséquences par des résolutions et mesures appropriées en vue d’assurer une gestion optimale des ressources en eau mobilisées. 1 Ministère de l’Agriculture. DG/ACTA, 30 Rue Alain Savary 1002 Tunis - TunisieINAT, 43 Avenue Charles Nicole, 1030 Tunis 3 Ecole Supérieur d’Agriculture de Mograne, Gouvernorat de Zaghouan 2 1 OBJECTIFS Implantés dans des environnements fragiles et à faible activité économique , les lacs collinaires apparaissent comme des aménagements très innovants. Ils sont susceptibles de transformer profondément les systèmes de production agricole traditionnels et même de changer les comportements sociaux à cette mise à disposition d’une ressource naturelles rare et vitale: l’eau (Boufaroua et al, 2000). Les premières réalisations de lacs collinaires ont visé essentiellement la protection des infrastructures en aval contre les crues. Actuellement, les objectifs ont évolué pour proposer des retenues pour le développement des zones déshérités. Ces aménagements sont susceptible de maintenir les populations rurales en leur assurant de réelles possibilités de développement dans un milieu pauvre, isolé et défavorisé. Les objectifs sont de plus en plus hiérarchisés à partir d’études techniques et socioéconomiques dans le cadre d’une approche participative intégrant les bénéficiaires en tant que partie prenante et décisive dans les actions à mener. L’exploitation de la ressource et le développement local à partir de l’irrigation deviennent des objectifs prioritaires et d’orientation des réalisations physiques des retenues collinaires. Les retenues collinaires, interviennent dans la régulation et la conservation des flux hydriques par le captage des eaux de ruissellement et la recharge des nappes phréatiques. Elles jouent un rôle aussi dans l’amélioration de l’environnement par la création d’oasis et l’extension des reboisements. Elles permettent en outre la dissémination de points d’eau dans le paysage pour l’alimentation humaine, l’abreuvement du bétail, l’installation de l’aquaculture et l’irrigation. IMPACT DES LACS COLLINAIRES SUR L’ENVIRONNEMENT De faibles dimensions et ne retenant qu’une faible quantité de la production en eau des bassins versants, les lacs collinaires sont considérés sans impact néfaste sur l’environnement. Bien au contraire, ils participent à l’amélioration des conditions de vie de zones déshéritées et peuvent être aménagés en tant que lieux touristiques par la modification des écosystèmes existants (D/CES, IRD 2001). Destinées à des utilisations humaines, les retenues collinaires bénéficient de plus en plus d’intérêt lors de leur mise en oeuvre, pour éviter les problèmes de salinisation et la possible contamination des nappes phréatiques. En effet, un intérêt particulier est porté à la qualité de ces eaux au niveau de leur exploitation pour l’irrigation, la pisciculture qui doit être de plus en plus développée dans les lacs en méditerranée du fait de la diminution des prises, l’abreuvement du cheptel et pour toute valorisation orientée vers les besoins humains. EXPLOITATION DES LACS COLLINAIRES Les lacs collinaires interviennent d’une façon considérable dans le développement agricole et ce par la création de périmètres irrigués. En effet, en plus de leur effet dans la recharge de la nappe, ils sont aptes de capter une quantité importante d’eau de ruissellement pouvant servir aux usagers agricoles. Le choix des espèces pour le développement de l’agriculture en irrigué dans un contexte « souple » adaptable aux risques de la pénurie de la ressource, l’estimation de l’offre de l’eau pour des utilisations optimales selon la demande ainsi que la promotion de la création d’associations formelles ou informelles encadrés pour l’Etat pour la gestion de l’eau d’une façon autonome constituent les facteurs déterminants pour l’organisation des ayants droits et la définition des quotte part de chacun des usagers et de la mise en oeuvre d’une gestion 2 optimale des ressources pour les différents objectifs recherchés tout en mettant une réglementation (code de la conservation des eaux et des sols) permettant le bon fonctionnement des systèmes d’exploitation en fonction de la ressource. Les lacs collinaires réalisés jusqu’à fin 2002 sont de 611 unités ayant permis la mobilisation d’environ 56 millions de m3 et dont 380 unités peuvent être équipées pour l’exploitation agricole. Le nombre de retenues équipées est de 275 unités permettant à 2136 bénéficiaires du droit de jouissance des ressources mobilisées soit en moyenne 6 agriculteurs autour de chaque lac. La superficie irriguée est estimée à 3114 ha dont 2997 ha d’arbres fruitiers (83% de la superficie totale) et 564 ha de cultures maraîchères et fourrages (16% de la superficie totale). Les agents de l’Etat encadrent les agriculteurs et les sensibilisent pour exploiter et gérer de façon collective les ressources et les équipements mis en place . Dans ce contexte 268 associations ont été créées pour la gestion des eaux des retenues. A côté de l’exploitation agricole, ces retenues collinaires permettent l’abreuvement des cheptels et en particulier les ovins et le nombre total d’animaux autour des lacs est estimé à 80000 têtes . ETUDE CAS : LA ZONE SEMI-ARIDE DU GOUVERNORAT DE BEJA. Constats: Jusqu’à fin 2002, il y a en création de 41 unités de lacs collinaires dans le gouvernorat de Béjà dont 86% des ressources mobilisées sont destinées à l’exploitation agricole pour l’irrigation de l’arboriculture, des cultures fourragères, des cultures maraîchères ainsi que l’irrigation complémentaire des céréales en périodes sèches et l’abreuvement des cheptels. Parmi les 28 unités destinées à l’exploitation agricole 13 sont déjà équipés par des groupes moto-pompes. Certaines retenues sont exploitées par des lachures dans les oueds, où les agriculteurs utilisent leurs pompes et des systèmes non économisatrices d’eau, telles que les rigoles et la submersion. La répartition des bénéficiaires, qui sont au nombre de 237 citoyens autour des lacs, diffère d’une délégation à une autre et n’est proportionnelle ni au nombre de lacs, ni à la capacité de stockage, ce qui montre l’inégalité de répartition de l’eau par individu. Impact des lacs collinaires dans le gouvernorat de Béj L’introduction des lacs collinaires dans le domaine agricole a permis de diversifier les cultures, surtout pendant la saison estivale. Ils ont encouragé les agriculteurs à pratiquer les assolements et les rotations et d’augmenter les superficies exploitées en irrigué . Les trois petits barrages réalisés dans la délégation de Nefza du gouvernorat de Béjà ont participé à l’augmentation de la superficie exploitée de 182 ha entre les campagnes 19992000 et 2000-2001 comme le montre le tableau ci-dessous: 3 Tableau 1: Les superficies exploitées dans le gouvernorat de Béjà Types de culture Superficies exploitées en ha 1990-2000 97 11 64 39 211 * Grandes cultures * Cultures fourragères irriguées * Arboriculture * Cultures maraîchères Total 2000-2001 100 1 254 38 393 Malgré las avantages certains des lacs réalisés pour le développement de l’agriculture et l’amélioration de niveau de vie des paysans riverains, certains problèmes sont rencontrés tels que le conflits entre les usagers lors de l’exploitation des ressources en eau disponibles, le manque d’équipement, le mode de gestion et la faiblesse de vulgarisation . Impact sur la production : Le suivi des trois barrages collinaires réalisés dans la zone a montré une nette amélioration au niveau de la production végétale. En effet, ces retenues ont permis d’améliorer les systèmes de production, d’augmenter le taux d’intensification des cultures et le degré d’occupation du sol ce qui permet l’accroissement des revenus des agriculteurs. L’installation de 112 ha de superficie irriguée a permis le suivi de la production de différentes cultures: Tableau n°2: Rendement et production des cultures Cultures Rendement sans projet Rendement avec projet (tonnes/ha) (tonnes/ha) Tomate 8 30 Piment 10 12 Melon 6 35 Cultures fourragères 35 40 Tabac 0,5 2 Arboriculture 3 7 Pour ce qui est de la production animale, le projet « lacs collinaires » a engendré un accroissement important. Il a ainsi permis d’augmenter l’effectif des cheptels suite à l’augmentation des superficies réservées aux fourrages et à la disponibilité des sources d’abreuvement. Ainsi, et comme il a été indiqué dans ce chapitre, les lacs collinaires ont un impact bénéfique. Toutefois, leur mode de gestion reste un problème très conflictuel d’un partenaire à l’autre. Gestion des eaux autour des lacs collinaires: Pendant plusieurs décennies, la gestion de l’eau était centralisée et ignorait les communautés rurales. Les résultats obtenus n’étaient pas satisfaisants par rapport aux investissements et aux moyens techniques et financiers utilisés. 4 Suite à l’échec de cette politique, l’Etat a changé l’ancien régime pour s’engager dans une alternative communautaire faisant intégrer les collectivités locales dans la gestion de l’eau et ce par la création d’associations appelées groupes d’intérêt collectif (GIC). Les GIC bénéficient d’une responsabilité civile, et sont crées par des citoyens et agriculteurs volontaires riverains des ouvrages hydrauliques et autour des périmètres irrigués. Ces groupements constituent l’unique responsable de gestion et de distribution de l’eau dans l’objectif de désengagement de l’Etat au profit des usagers, l’implication des bénéficiaires dans la gestion des eaux collectives et la souplesse dans l’exploitation. Les GIC s’occupent de la distribution de l’eau aux usagers et par conséquent, ils s’intéressent de la gestion de la demande en l’eau. Ils s’occupent aussi de leurs propres activités, de leur règlement intérieur et interviennent pour résoudre les conflits entre les usagers. Pour la région de Teboursouk, où six lacs ont été réalisés, les agriculteurs sont dépourvus d’équipements pour l’irrigation et certains exploitants sont absents et leurs terres sont abandonnées. Ceci en plus de la difficulté d’accès, de l’écoulement de la production et la non compensation des terre agricoles réservées à la réalisation des lacs. Dans la région de Béjà sud deux lacs ont été réalisés et l’abreuvement des cheptels se fait directement en plus du pâturage des plantations autour des lacs . Typologie des conflits de gestion rencontrés: Dans les zones d’étude plusieurs litiges et problèmes ont été rencontrés dans le mode d’exploitation des eaux. En effet, les intérêts des bénéficiaires sont concentrés autour de la ressource en eau disponible qui est exploitée tout au long de l’année pour les cultures maraîchères d’été et d’hiver, des fourrages et des céréales. Pendant la période estivale, et surtout les années sèches, le déficit d’eau est très marqué et les litiges autour de la retenue sont bien apparentes. Les Lacs ne présentant pas de conflits: Ce type est rencontré dans les régions de Medjez El bab et Teboursouk et fonctionnent d’une façon idéale. L’eau disponible est utilisée d’une façon optimale pour l’irrigation complémentaire des cultures fourragères et céréales, de cultures maraîchères, d’arboriculture. Ainsi, il y a eu remplacement de certaines zones de grandes cultures conformément aux aptitudes culturales des sols et des quantités d’eau disponibles. Les Lacs présentant des conflits : Dans le gouvernorat de Béjà, plusieurs problèmes de gestion des eaux autour des eaux autour des lacs collinaires ont été rencontrés. Dans la région de Medjez El Bab, où trois lacs ont été réalisés, les paysans riverains n’exploitent pas la ressource mise à leur profit et ne permettent pas l’accès de leurs terres par d’autres paysans intéressés. Pour certaines terres privées les exploitations sont absentes et les terres appartenant ne disposent pas d’une gestion organisée (cas de la coopérative agricole à proximité du lac Babouch). Occupation du sol des trois barrages collinaires : La région de Nefza compte parmis les zones les plus arrosées de la Tunisie. Cette caractéristique devrait faire de la Zone un lieu de production agricole en intensif., si le sol, la technicité, les ressources en eau, les moyens et la population ne posaient pas de problèmes. La principale activité au niveau de la zone est l’agriculture associée à l’élevage. 5 Deux systèmes de productions végétales sont distingués: ◊ En amont et au niveau du bassin versant, le système cultural est basé sur les céréales à grain, les fourrages et les légumineuses d’hiver. ◊ En aval, dans la vallée et sur des parcelles de très faibles dimensions, la mise en valeur agricole est basée sur les cultures saisonnières. Ces cultures sont pratiquées en irrigué et sont souvent source de conflits dans la zone, surtout pour la campagne 2002/2003, où la région souffre d’un déficit hydrique suite à la pénurie de sécheresse. En effet, le niveau d’eau dans les petits barrages est très bas et incapable de subvenir aux besoins des cultures, des cheptels et d’autres usages. Les conflits rencontrés autour des petits barrages : Les paysans riverains des petits barrages exploitent l’eau, soit par pompage direct des retenues ou suite au lachûre dans l’oued Bouzenna. Pendant cette compagne 2002/2003, suite à la diversification des cultures en irrigué et l’importance des cheptels, le besoin en eau a largement dépassé le disponible. La distribution de l’eau, durant l’été, se fait une seule fois par jour, pour satisfaire les besoins des cultures durant toute la période estivale, mais une lachûre par semaine est insuffisante comme le procurent les agriculteurs. A ces problèmes générateurs de conflits s’ajoutent d’autres contraintes d’ordre techniques et sociales. - Contraintes d’ordre technique: Vue que les périmètres irrigués autour des barrages ne sont pas équipés d’un système d’irrigation efficace et l’agriculture utilise des systèmes traditionnels, les pertes d’eau sont importantes. Les lachûres de l’eau dans l’oued fait accentuer les phénomènes d’évaporation et d’infiltration. - Contraintes d’ordre social: Les agriculteurs rencontrés dans la zone de Bouzenna, ne sont pas d’origine voisine, la majorité ne se connaît pas. Ils viennent de différentes régions, louent les terres et les cultivent. De plus, il est évident que ces paysans n’ont pas l’esprit de collectivité. Chacun cherche son profit pour couvrir ses charges à savoir la main d’œuvre et les intrants des productions. CONCLUSION Les lacs et barrages collinaires, en plus de leur rôle de protection de l’environnement, jouent un rôle primordial dans l’amélioration du niveau de vie des populations les plus démunies et par conséquent la réduction de l’exode rural. Les différentes réalisations permettent la mise en place d’une quantité considérable d’eau que les paysans seront contraints d’utiliser d’une façon collective. Pour arriver à une exploitation équitable une gestion concertée des ressources, l’Etat encourage de plus en plus la formation d’association pourrait prendre en charge la gestion rationnelle de la ressource disponible.. Toutefois, l’exploitation des retenues reste surjette à plusieurs conflits entre les usagers. L’Etat cherche à dépasser ces problèmes par la sensibilisation des agriculteurs et par la création de groupements pour surmonter les problèmes d’utilisation posés tels que le faible suivi, l’accès difficile aux retenues, la faiblesse d’encadrement des associations et la non responsabilité des agriculteurs dans les zones de grandes cultures. Même si les projets de lacs collinaires restent très appréciés par les paysans, il reste à faire un grand travail de sensibilisation et vulgarisation basé sur la motivation et la responsabilisation des agriculteurs en leur montrant le rôle des aménagements dans 6 l’amélioration de la production agricole et en les considérant comme partie prenante dans les projets à réaliser et ce dés le stade planification programmation jusqu’à l’exécution des aménagements. 7