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La musique à la
télévision
Constat d’une crise et
pistes d’amélioration
Juin 2013
Sacem
6 juin 2013
La musique à la télévision
Constat d’une crise et pistes d’amélioration
La musique a traditionnellement occupé une place de choix à la télévision
sous des formes en constante évolution, du télé crochet à la critique musicale, du clip à
la retransmission de concert… Depuis les années 1960, des générations de
téléspectateurs ont suivi des émissions cultes telles que celles de Maritie et Gilbert
Carpentier, Les Enfants de la Télé, Taratata ou plus récemment La Star Académy. Depuis
une dizaine d’années, cependant, les chaînes ont cessé d’accorder une importance
stratégique aux contenus musicaux. La musique est aujourd’hui peu et mal exposée
à la télévision, et l’impact d’un tel déclassement, dans le contexte de la crise du
disque et du basculement des usages vers les supports numériques, est dévastateur
pour l’industrie musicale.
 Musique à la télévision, une place en net
recul
Depuis une dizaine d’années, la diffusion de
musique tend à déserter les grandes chaînes
historiques (TF1, France 2, France 3, Canal+, M6). Le
volume de musique diffusé sur ces chaînes a baissé
de près de 29% depuis 2000 1 ; ce sont pourtant
celles qui fédèrent le plus d’audience et possèdent
l’impact prescripteur le plus fort pour les artistes.
La diffusion de musique fait en effet l’objet d’un
transfert des chaînes généralistes à forte
audience vers les chaînes thématiques plus
confidentielles de la TNT. Ces chaînes musicales
sont pourtant loin d’accorder un traitement
favorable à la musique, réservant la diffusion
musicale à des horaires peu attractifs et ne
remplissant pas toujours leurs obligations en termes
de volume diffusé. Certains groupes audiovisuels
montent des projets de chaînes musicales afin de se
concilier les autorités, mais, une fois la fréquence
obtenue, leurs engagements restent lettre morte. Un
constat qui concerne toutes les chaînes et illustre la
double « ghettoïsation » que subit la musique à la
télévision, majoritairement diffusée sur des chaînes à
faible
audience
et
à
des
horaires
peu
fédérateurs. En prime-time, la diffusion de musique
atteint rarement une part significative dans la
programmation des chaînes, comme le démontre le
tableau ci-contre :
1
Source : minutage Sacem
Part du temps d’antenne consacré
à la musique
Focus Prime-time : 20h-23h
Sacem
6 juin 2013
Ce constat concerne aussi bien le service public que les chaînes privées où la
musique est majoritairement diffusée après minuit.
 Manque de diversité de la programmation musicale à la télévision
Si la diffusion de musique à la télévision est en baisse, la diversité de la
programmation est également limitée. Les chaînes sont souvent peu créatives, ce
qui se traduit par le fait que 61% des
Français jugent que les émissions musicales
sur les chaînes généralistes de la télévision
Représentation des
différents genres
se ressemblent toutes 2.
20%
25,60%
musicaux
La diffusion de musique se concentre en
effet
en grande partie sur les nouveautés et
11,80%
les majors sont surreprésentés par rapport
Dance
aux indépendants (le rapport de diffusion est
Groove/RNB
23,90%
de ¾ pour les majors contre ¼ pour les
19%
Variété française
indépendants). De plus, la télévision – tout
Autres
comme la radio - surexpose certains
Source : Observatoire de la musique
genres, en particulier le Pop/Rock et la
Dance qui représentent chacun près du
quart
des
diffusions
musicales,
au
détriment d’autres, le jazz, le classique ou le lyrique notamment, sous-représentés sur
les chaînes.
Pop/Rock

Un effet déplorable pour la filière musicale
Dans un contexte marqué par la profonde crise du disque, l’impact du déclassement
des contenus musicaux à la télévision sur la découverte de nouveaux talents et
sur la diversité musicale, qui n’ont pas de place à l’écran, est dévastateur.
Les médias occupent en effet
une place considérable dans
l’écosystème
musical.
Ils
demeurent le premier support
d’écoute
de
musique
des
et
conservent
un
Français 3,
impact prescripteur fort : la
radio et la télévision sont les deux
supports privilégiés par les Français
pour leurs découvertes musicales 4.
Cela vaut également pour les
jeunes, qui sont près de la moitié à
mentionner la télévision comme le
premier support de découverte de
2
Répartition du
temps d’écoute de
musique
hebdomadaire selon
le support
12h18
hebdo
Source : rapport sur l’état du marché des biens numériques en 2012, GfK
Sondage OpinionWay pour la Sacem, 2010
Source : rapport sur l’état du marché des biens numériques en 2012, GfK
4
Sondage OpinionWay pour la Sacem, 2010
3
Sacem
6 juin 2013
nouveaux titres musicaux, ce qui en fait pour cette population le troisième support de
prescription après la radio et les recommandations des proches.
Dans un tel environnement, il est évident que des tendances telles que la diminution
de la diffusion musicale, le manque de diversité ou encore le net recul de la présence des
artistes à la télévision, ont des conséquences néfastes directes sur la filière musicale.
 Le succès des émissions musicales
La marginalisation de la place de la musique à la télévision est d’autant plus injuste et
contre-productive que les émissions musicales sont un genre populaire largement
apprécié par le grand public. Ainsi, l’an dernier, c’est une émission musicale, Le Bal
des Enfoirés, qui a atteint le record d’audience de TF1 en rassemblant plus de 13,3
millions de téléspectateurs (53,2% de parts d’audience) 5.
En particulier, le genre des concours musicaux connaît un véritable regain,
comme en atteste notamment le succès incontestable de l’émission The Voice sur TF1,
qui a fédéré plus de 9,3 millions de personnes pour son lancement en octobre 2012, et
atteint régulièrement plus de 8 millions de téléspectateurs 6. D’autres émissions profitent
du renouveau du genre, comme le concours de l’Eurovision ou l’émission La France a un
incroyable talent, de même que les chaînes de la TNT qui ont repris avec succès des
classiques : Star Academy sur NRJ12, ou Nouvelle Star sur D8 - qui a valu à la chaîne sa
meilleure audience en 2012 7. Le fait que d’autres émissions musicales peinent à trouver
leur public n’est donc pas une fatalité.
 Des évolutions nécessaires
Pour que la musique retrouve la place de choix qu’elle occupait à la télévision,
plusieurs évolutions sont souhaitables.
Tout d’abord, force est de constater que la réglementation actuelle ne permet
pas une exposition satisfaisante de la musique à la télévision. En effet, les chaînes
n’ont aucune obligation de financer la production des émissions de variétés musicales ni
de les programmer car ces dernières sont exclues de la définition des œuvres
audiovisuelles. Reconnaître ces émissions comme des œuvres audiovisuelles leur
permettrait de bénéficier des investissements de production des chaînes. Cette
solution présente l’avantage de favoriser l’exposition de la musique à la télévision sans
coût supplémentaire pour l’Etat et les contribuables.
Afin de limiter le phénomène de concentration qui affecte la diffusion de musique
dans les médias et de faire jouer à plein l’effet prescripteur de la télévision, il
conviendrait également d’introduire des obligations de diffusion pour ces
émissions incluant des quotas de musiques d’expression originale française,
selon le modèle des quotas à la radio qui a déjà fait ses preuves. Produire les émissions
ne suffit pas, il faut s’assurer qu’elles soient diffusées au moins pour partie à des heures
5
6
« TF1 leader du Top 100 des audiences », Le Journal du Dimanche, 2 janvier 2013
Communiqué de presse de Médiamétrie sur le bilan TV de l’année 2012
7
Communiqué de presse de Médiamétrie sur le bilan TV de l’année 2012
Sacem
6 juin 2013
de grande écoute afin de permettre aux nouveaux talents et aux artistes d’expression
française de se faire entendre et connaître par un large public.
Cette réflexion sur la diversité musicale doit être élargie à la question des
genres sous-représentés à la télévision (le classique, le lyrique, etc.). Si l’on oppose
souvent à la présence de classique ou d’opéra sur les chaînes la crainte que ces genres
ne trouvent pas leur public, on peut argumenter que la TV se doit de proposer une offre
de qualité plutôt que de se laisser dicter ses programmes par la recherche de l’audimat.
Après tout, les films d’art et d’essai diffusés à la TV recueillent bien souvent une faible
audience, ce qui ne les empêche pas d’être programmés. Cet enjeu concerne en
particulier le service public, qui se doit d’être exigeant et de jouer un rôle
particulier dans l’exposition de genres musicaux moins attendus, à l’image
d’initiatives lancées dans d’autres domaines comme le théâtre. D’autant qu’avec l’essor
des retransmissions d’opéra dans les cinémas, il est incontestable que la retransmission
de ces genres connaît un regain d’intérêt et est susceptible de concerner un large public.