La Politique du Logement locatif

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La Politique du Logement locatif
 24/10/13 La Politique du Logement locatif DOCUMENT DE TRAVAIL DU CAE Alain Trannoy et Etienne Wasmer avec la participation de Guillaume Chapelle
1 La politique du logement locatif en France Document de travail du Conseil d’Analyse Economique Alain Trannoy1 et Etienne Wasmer2 avec la participation de Guillaume Chapelle3 Table des matières La politique du logement locatif en France ......................................................................... 2 INTRODUCTION ........................................................................................................................... 4 Résumé des principes ..................................................................................................................... 4 Encadré -­‐ 1 : La structure du parc en France et à l’international ............................................... 6 Encadré -­‐ 2 : Les aides publiques au logement ......................................................................... 8 Résumé des propositions ................................................................................................................ 9 I FINALITES ET MODALITES DE L’INTERVENTION PUBLIQUE DANS LE SECTEUR DU LOGEMENT ... 11 Les dilemmes sur les modes d’intervention à visée redistributive en matière de logement ........ 11 Encadré -­‐ 3 : Quelles raisons invoquer pour intervenir sur le marché du logement ? .............. 12 L’efficacité d’une politique du logement sous l’angle de l’accès à l’emploi ................................. 14 Encadré -­‐ 4 : Liens entre accès à la propriété et emploi: l'hypothèse d'Oswald (1995) ........... 17 II APPLICATION DES PRINCIPES A L’ANALYSE DU SECTEUR LOCATIF PRIVE ................................. 19 La fluidité du marché locatif et la sécurisation des rapports bailleurs-­‐locataires ......................... 19 Encadré -­‐ 5 : Les dispositifs de garantie des loyers ................................................................. 21 La mise en place d’une flexi-­‐sécurité du marché du logement ..................................................... 24 Quels résultats des politiques d'encadrement des loyers ? .......................................................... 27 Encadré -­‐ 6 : L’encadrement des loyers .................................................................................. 30 Encadré -­‐ 7 : L’encadrement des loyers, comparaison France-­‐Allemagne ............................... 32 Comment se passer des agences immobilières ? .......................................................................... 33 Conclusion partielle ....................................................................................................................... 33 III APPLICATION DES PRINCIPES A L’ANALYSE DU SECTEUR LOCATIF SOCIAL .............................. 34 Des éléments de constat : les ambiguïtés du secteur HLM ........................................................... 34 Encadré -­‐ 8 Profil des ménages selon leurs revenus par unité de consommation dans le parc social selon les zones HLM ......................................................................................................... 37 Encadré -­‐ 9 : Caractéristiques principales du parc social ........................................................ 38 Diverses pistes de réflexion .......................................................................................................... 39 Encadré -­‐ 10 : Deux indicateurs simples de ségrégation spatiale .......................................... 43 Encadré -­‐ 11 Le Choice Based Letting ................................................................................... 47 IV UNE FISCALITE NEUTRE FISCALEMENT ET REDISTRIBUTIVE .................................................... 49 1
Aix-­‐Marseille School of economics et EHESS, membre du Conseil d’analyse économique Sciences-­‐Po Paris, LIEPP, membre du Conseil d’analyse économique 3
Sciences-­‐Po Paris, LIEPP 2
2 Les aides au logement ................................................................................................................... 49 Encadré -­‐ 12 : Le calcul des APL ............................................................................................ 51 Quatre objectifs pour les outils fiscaux et les aides ...................................................................... 52 Proposition .................................................................................................................................... 57 Encadré -­‐ 13 : Les enjeux de la neutralité fiscale : taxation des loyers implicites ou déduction des loyers réels? 59 Encadré -­‐ 14 Différentiel d’impôt en fonction du statut d’occupation (propriétaire ou locataire) 60 Encadré -­‐ 15 : Une Simplification de la formule des Allocations logement ........................... 61 V LES PROPOSITIONS ................................................................................................................. 64 Annexes .................................................................................................................................... 66 Annexe 1 : Exercice comptable sur la rentabilité du parc HLM ..................................................... 66 Annexe 2 : Cartes de la mobilité et des vacances du parc HLM .................................................... 67 Annexe 3: Des explications du déficit de construction ................................................................. 68 Annexe 4 : Composantes des indicateurs de tensions du marché du logement .......................... 69 Annexe 5 : Simulation imposition des locataires .......................................................................... 70 Annexe 6 : Simulation imposition des propriétaires ..................................................................... 71 Annexe 6 : Personnes rencontrées dans le cadre du travail préparatoire .................................... 72 Bibliographie ............................................................................................................................. 73 Articles .......................................................................................................................................... 73 Rapports ........................................................................................................................................ 80 3 INTRODUCTION Le logement locatif en France est caractérisé par une faible mobilité et une faible offre engendrant des loyers élevés dans les zones économiquement plus dynamiques. Pour y remédier, les interventions publiques sont massives mais changeantes, voire fluctuantes, et parfois incohérentes. Chaque mandature tente de corriger ce qui est perçu comme un des problèmes importants pour les ménages, tout particulièrement en Ile-­‐de-­‐France où le logement apparaît comme étant la première source de difficultés. Les grands principes qui régissent les interventions publiques doivent donc être clarifiés. Cette note tente de préciser ces principes et d'en déduire les propositions qui modifieront la perspective de l'intervention publique, qui doit être recentrée sur l'équité et l'efficacité, aucun de ces deux objectifs n'étant atteint actuellement. Résumé des principes Le premier principe est que le logement n'est pas un bien comme les autres : c'est un bien fondamental, ou encore un bien de nécessité absolue. Un individu privé de logement est un échec pour la société tout entière. Si le marché privé produit spontanément de l'exclusion, il faut le corriger. À contrario, si le marché privé est trop entravé et qu'il ne se développe pas assez pour permettre de loger une partie de la population, la solution n'est pas dans de nouvelles entraves : c'est pourtant cette logique qui semble à l'œuvre lorsqu'on analyse trente années de politiques du logement quelles que soient les alternances. Le second principe est que le logement n'est pas qu'un bien de consommation, c'est aussi un facteur d'efficacité économique. Il faut un marché locatif privé fluide et permettant la mobilité des ressources humaines; ce principe peut entrer indirectement en contradiction avec d'autres objectifs favorisant l'immobilité. En particulier, une politique du "tout propriétaire" ou le développement du secteur social conduisent à ce manque de mobilité compte tenu des incitations actuelles dans ces deux secteurs. En effet, les droits de mutation à titre onéreux que nous propositions de réduire progressivement à zéro ne semblent pas orientés à la baisse, et les droits au logement dans le parc HLM ne sont pas portables, conduisant des locataires de ce parc à préférer rester dans les lieux quitte à réduire leurs perspectives de carrière ou d'emploi. Le troisième principe est qu'il faut assurer bien plus de redistribution et d'équité en matière de logement, ce qui passe paradoxalement, du moins en apparence, par un changement des modes d’intervention et en particulier par un moindre grand interventionnisme sur le fonctionnement du marché: il ne faut en effet pas faire jouer au marché du logement un rôle distributif qu’il ne peut pas jouer. Les risques d’obtenir des effets contraires aux objectifs initiaux sont en effet élevés. Nous préconisons a contrario de faire jouer les instruments classiques de politique redistributive et fiscale. De fait, les politiques d'interventions actuelles comme celle des aides personnalisées sont inflationnistes sur les loyers, et ce dans le parc privé comme potentiellement dans le parc social. Le calcul des APL, principale source de redistribution en France, est particulièrement et inutilement compliqué. Son paramétrage oblige à dédoubler le travail du ministère des finances au ministère du logement. 4 Le quatrième principe est qu'il faut toujours agir sur les causes, et le moins possible sur les manifestations des déséquilibres. En l'occurrence, les contrôles de prix ne font que souligner la pénurie de l'offre. Imposer des contrôles de prix ne soulagera au mieux que temporairement et faiblement les ménages. Outre que ces contrôles vont nécessiter une infrastructure lourde qui reproduit le défaut de pilotage évoqué ci-­‐dessus, ils risquent en plus de conduire à de moindres investissements locatifs, sauf à être compensés par des défiscalisations supplémentaires, alors même que nous sommes dans un contexte budgétaire tendu. Le cinquième principe est qu'il faut sécuriser les propriétaires-­‐bailleurs pour qu'ils logent les locataires disposant de revenus moyens ou modestes. La création d'une garantie universelle des loyers va dans ce sens, certes à un certain coût, mais risque d'augmenter les risques d'impayés si le pilotage est laxiste. Cette garantie universelle peut cependant améliorer la gestion des risques d’impayés si l'agence chargée des recouvrements de loyers impayés agit avec la même force et célérité que l'administration fiscale ou l'Urssaf. Cela ne doit cependant pas empêcher de s'interroger sur la lourdeur du système légal et réglementaire actuel qui fait supporter aux bailleurs privés et sociaux le poids des impayés, et qui les conduit à une trop grande sélection des locataires. Le sixième principe est celui de la transparence et de l'équité en matière de logement social. Les écarts de loyers entre le parc privé et le parc social sont devenus tels au fil des ans que deux ménages de structure et de revenus identiques, l'un logé dans le parc privé, l'autre dans le parc social, sont en fait traités de façon différente par le système redistributif, le ménage dans le parc privé étant très nettement défavorisé par rapport à celui qui a eu la chance d'être admis dans le parc social. Le manque d'équité de ce simple fait est renforcé par le sentiment largement répandu du manque de transparence dans les critères d'attribution du logement social qui conduit inévitablement à amoindrir la cohésion nationale. Enfin, il apparaît, à travers cette note et la note précédente sur les prix de l'immobilier, que le pilotage du secteur logement est profondément défaillant depuis plusieurs décennies. Il ne permet pas d'assurer la cohérence de ces objectifs, ni même de s’en approcher. La logique économique est trop souvent absente des modalités d'intervention; l'évaluation des importants dispositifs fiscaux et sociaux reste rare, et quand elles sont menées, restent souvent sans suite. L’accès aux données est parcellaire et demande un combat de tous les instants pour les chercheurs. Or nous manquons dramatiquement d’études approfondies, d’expertise et de contre-­‐expertise dans ce domaine. Les bonnes volontés sont souvent découragées par les obstacles de toute sorte mises pour accéder à l’information. À long terme, cet état de fait est dirimant sur la façon dont la recherche peut éclairer l’action publique d’une façon non partisane. Plus on veut intervenir sur le marché du logement, comme sur tout marché du reste, mieux il faut le connaître, plus il faut évaluer ex ante et ex post l’impact des dispositifs, et procéder à des études approfondies avant de généraliser une politique à l’ensemble du territoire. 5 Encadré -­‐ 1
: La structure du parc en France et à l’international En 2011, la France comptait 33,8 millions de logements, dont 28,2 millions de résidences principales. Sur ces 28,2 millions, 16,4 millions étaient détenus par des propriétaires et 11,8 millions étaient loués (40 % du total). 1-­‐ Le nombre de propriétaires continue d’augmenter depuis 2002 malgré une diminution de la part des propriétaires « accédants » mais à un rythme ralenti. 2-­‐ Dans le parc locatif, il faut distinguer le secteur social (qui représente 43,7 % de ce parc) du secteur privé (qui représente donc les 56,3 % restants). La part des locataires logés dans le parc social suit une tendance légèrement baissière depuis une dizaine d’années. La part des locataires logés dans le parc privé est stable. 3-­‐ La comparaison des différents pays indique qu’il n’existe aucun modèle dominant mais au contraire une diversité de situations. D’autres éléments de comparaisons internationales sont disponibles dans chaque partie subséquence de la note. 2002 2004 2006 2008 2010 2011 2012 Propriétaires 56,1 56,6 57,1 57,6 57,9 58,1 58,2 dont non-­‐accédants 35 36,2 37,4 38,4 39,2 39,5 39,9 dont accédants 21,1 20,4 19,8 19,2 18,7 18,5 18,3 Locataires 39,6 39,4 39,2 39,1 39,1 39,1 39,1 dont secteur social 17,7 17,6 17,5 17,3 17,2 17,2 17,1 dont secteur privé 21,9 21,8 21,8 21,8 21,9 21,9 22 4,2 3,9 3,6 3,3 3 2,8 2,7 Autres statuts Source : CGDD (2012)-­‐ Compte logement 2011 6 7 Encadré -­‐ 2
: Les aides publiques au logement Les aides publiques au logement visent à développer l’offre de logement ou à améliorer l’accès et les conditions de logement en France. Elles sont diverses : versements de subventions, allégements d’impôts, aides personnelles aux propriétaires et aux locataires, prêts à taux réduit, etc. Ces aides, qui représentent l’ensemble des moyens que la collectivité engage pour faciliter le logement des ménages, s’établissent à 45 Mds€ (CGDD : 2012), soit 2,2 % du PIB, en 2011. On distingue deux types d’aides : -­‐
aux consommateurs : il s’agit d’aides à la personne ; -­‐
aux producteurs : il s’agit d’aides à la pierre, de subventions et de prêts. La part des aides au logement dans le PIB a été stable, aux alentours de 1,6 % jusqu’à la fin des années 1990. Depuis le début des années 2000, cette part ne cesse de progresser et dépasse les 2%. Part des aides au logement dans le PIB
2,4%
2,2%
2,0%
1,8%
1,6%
1,4%
1,2%
1,0%
1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
Cette évolution des aides au logement s’explique par les programmes fiscaux liés à la construction ou à la réhabilitation des logements en lien avec le programme de rénovation urbaine, le plan de cohésion sociale (entre 2005 et 2009) et le volet consacré au logement dans le plan de relance de décembre 2008. Sur ces 45 Mds€ d’aides au logement, plus des deux tiers (67,2%) sont consacrés aux filières locatives. Cette progression des aides aux filières locatives s’est accélérée dans les années 1990 avant de ralentir au milieu des années 2000. 8 Part des aides dédiées aux filières locatives
75,0%
70,0%
65,0%
60,0%
55,0%
50,0%
1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
Résumé des propositions Au préalable, il faut mentionner que les propositions de cette note s’entendent comme des inflexions à apporter à la politique actuelle. Dans l’état actuel de nos connaissances, il est impossible de prétendre qu’il existe une seule façon de gérer la question du logement qui dominerait toutes les autres à la fois sur le plan de l’équité et de l’efficacité. Les politiques suivies par les différents pays sont très disparates et les évidences empiriques sur des défauts systématiques d’une politique particulière sont encore très parcellaires, sauf en ce qui concerne le blocage des loyers pour lesquels une grande unanimité règne parmi les économistes sur le fait que ce type de mesures est inefficace, voire accentue les déséquilibres du logement à moyen et long terme. Dans le parc privé, il convient plutôt de contribuer à la pacification et à la des relations bailleurs-­‐
locataires, afin d'inciter les bailleurs à mettre des biens en location. C’est un des objectifs du projet de loi du gouvernement, mais à notre sens, cela implique au préalable la construction d'un espace de dialogue et d'intermédiation de nature paritaire. Cela peut passer par un développement d'une régie 9 du logement qui interviendrait dans tous les différents entre bailleurs et locataires, y compris la gestion des impayés, la résiliation de baux en cas de manquement aux obligations et la fixation de loyers de références. Des organismes comme l'OLAP, qui réunit autour d'une table des représentants des associations de locataires, de propriétaires et des services de l'Etat, peuvent être une base de départ. A terme cependant, la représentativité doit être assurée par des élections de l'ensemble des locataires et propriétaires-­‐bailleurs. Dans ce contexte pacifié et paritaire, il faudra assouplir les contraintes portant sur le droit au bail, notamment la durée du bail et la complexité de la gestion du contentieux en matière d'impayé et en contrepartie rendre le Droit au logement opposable effectif: ce sont les deux dimensions d'une flexi-­‐sécurité du logement. La mise en place de la garantie universelle des loyers doit être strictement encadrée et le recouvrement des créances liées aux impayés doit être assurée par un organisme doté de compétences régaliennes (saisie sur compte) comme dans le cas des contentieux fiscaux ou Urssaf. Dans le parc social, il faut d'abord clarifier les objectifs: veut-­‐on assurer la mixité sociale (et si oui comment) ou loger les populations défavorisées? Si l'on veut assurer la mixité sociale dans la ville, le logement HLM n'est pas la seule solution, puisqu'on peut assurer la mixité sociale en logeant les populations défavorisées dans des ensembles d'habitations mixtes au sein des quartiers, plutôt que de concentrer le logement social en périphérie des agglomérations (ce qui conduit alors à la nécessité d'augmenter la proportion de classes intermédiaires dans le parc social pour éviter la concentration spatiale de pauvreté). Nous proposons donc d'aller progressivement vers un recentrement du logement social vers les populations défavorisées, tout en assurant la mixité par la construction de logements sociaux dans de petites unités au sein de plus grands ensembles mixtes dans les centres-­‐villes comme cela existe déjà dans certaines villes notamment à Paris. Il faut aussi mettre en concurrence les structures privées et HLM pour la construction et la gestion de ces ensembles, remplacer l'article 55 de la loi SRU par un objectif de mixité sociale apprécié par un indice de ségrégation spatiale à l'échelon de l'intercommunalité et enfin rendre transparents les attributions de logements sociaux au niveau de l'intercommunalité et en regroupant les bailleurs sociaux, sur un système de points qui permettraient d'attribuer 90% des logements, 10% restant discrétionnairement à la charge des commissions d'attributions pour les situations spécifiques ne rentrant pas dans le cadre. En matière de fiscalité, nous soulignons l'empilement de dispositifs très complexes en faveur des populations défavorisées: le RSA, la PPE et dans le cas d'espèce, les aides au logement sont très complexes à calculer et ces prestations sociales se cumulent sans qu'il ne soit possible d'apprécier la logique redistributive d'ensemble. Par ailleurs, les APL sont réputées inflationnistes sur les loyers du parc privé comme du parc social ou du logement étudiant, d'autant plus dans les cas où elles sont versées directement aux propriétaires-­‐bailleurs. Nous proposons donc de simplifier partiellement ce système et notamment d’articuler les APL et l’impôt sur le revenu. L’APL devient un impôt négatif pour les non-­‐imposés et une réduction d’impôt via la déduction des loyers effectifs sous un plafond de loyer du revenu imposable . Cette réforme aurait plusieurs avantages: elle simplifierait les aides dont le calcul est très complexe ; elle réduirait le caractère inflationniste des aides vis-­‐à-­‐vis du bailleur qui, en les percevant parfois directement, les répercute sur les loyers ; elle assurerait plus d'équité entre locataires du parc social et du parc privé, quand ceux-­‐ci paient des loyers très différents mais reçoivent des aides calquées sur un système identique et plafonnées dans le parc privé ; elle assurerait plus de neutralité fiscale entre propriétaires et locataires. Cette réforme, pour être pleinement financée, implique une légère contribution des propriétaires à travers le 10 rehaussement des barèmes des taxes foncières. Ses effets en équilibre général sont complexes: ils peuvent conduire à une baisse des prix de l'immobilier, une remise en circulation de biens sur le parc locatif, une augmentation de la demande pour le locatif privé et une augmentation légère de la mobilité dans le parc social, l'écart de situation avec le parc privé étant partiellement diminué. L'effet sur les loyers nets de la réduction d’impôt ainsi constitué serait négatif, l'effet sur les loyers bruts serait positif ou négatif, en fonction de la réponse de l'offre du parc locatif privé. Il va de soi que cette réforme ne se conçoit que dans le cadre d'un desserrement général de l'offre, à la fois immobilière (voir note CAE no 2, Alain Trannoy et Etienne Wasmer, mars 2012) et locative, avec notamment la pacification des relations bailleurs-­‐locataires assurée par le paritarisme que nous prônons. Dans une première partie, nous développons ces principes généraux en matière d’intervention publique dans le secteur du logement, en débutant par une analyse des principes, sous l’angle de l’équité puis sous l'angle de l'efficacité économique, et enfin sous l’angle des différents instruments d’intervention disponibles. Dans une seconde partie, partant de la conclusion que le logement est un bien de nécessité absolue et qui génère des externalités importantes, nous appliquons la grille d’analyse précédente successivement au parc privé, puis dans une troisième partie, au parc public et enfin à la fiscalité des ménages dans une quatrième partie. Dans la cinquième partie, nous résumons l’analyse en détaillant les propositions résumées ci-­‐dessus sur chacun de ces trois secteurs : parc privé, parc social et fiscalité. I FINALITES ET MODALITES DE L’INTERVENTION PUBLIQUE DANS LE SECTEUR DU LOGEMENT L'intervention publique en matière de logement se justifie pour des raisons d’efficacité d’une part et de redistribution d’autre part. Nous passons en revue les principes fondamentaux d’équité, d'efficacité et les différents instruments disponibles. Les dilemmes sur les modes d’intervention à visée redistributive en matière de logement L'intervention publique en matière de logement se justifie d’abord aussi pour des raisons de redistribution. Si le parc privé ne permet pas d'héberger l'ensemble de la population et notamment les ménages modestes et en situation de précarité économique (temps partiel subi, contrats de courte durée et a fortiori toutes les situations de non-­‐emploi), il faut pouvoir y remédier pour deux raisons: parce que le logement est un bien primaire ; et en raison des externalités engendrées par le logement, notamment en matière de transmission de capital humain intergénérationnel (Cf Encadré n°3). 11 Encadré -­‐ 3
: Quelles raisons invoquer pour intervenir sur le marché du logement ? De nombreuses politiques publiques concernant le logement ont été mises en œuvre. Toutefois, les fondamentaux théoriques sur lesquels elles reposent restent flous. On se propose de revenir sur la littérature économique justifiant l’intervention publique sur le marché du logement. Pour Christine Whitehead, le logement peut être perçu comme un bien tutélaire (Musgrave : 1957) qu’il faudrait encourager à consommer. Le concept de bien tutélaire est intimement lié avec un certain nombre d’imperfections du marché du logement que les pouvoirs publics souhaitent corriger. La plus importante imperfection correspond aux externalités positives et négatives générées par le logement et à l’interdépendance des utilités. D’une part, la quantité de logements consommée peut avoir des conséquences importantes sur la vie de ses occupants et leurs opportunités. Par exemple, en matière de scolarité, une étude de Goux et Maurin montre qu’un enfant partageant sa chambre avec ses frères et sœurs voit augmenter de manière significative sa probabilité de redoubler ou de quitter le système scolaire sans diplôme (Goux & Maurin : 2005). Par ailleurs, des études documentent l’existence de liens entre la qualité des logements et la santé de leurs occupants (Rauh et al : 2008). Une intervention des pouvoirs publics pour éviter une consommation sous-­‐optimale de logement peut sembler souhaitable afin rétablir l’efficience du marché en éliminant une partie des externalités négatives. Toutefois le fait que certains ménages sous-­‐évaluent la valeur de consommation du logement est parfois contesté (Hall & Ryan : 2008). D’autre part, les externalités sur le voisinage doivent également être prises en compte. En effet, des logements de mauvaise qualité concentrant des populations en difficulté dans certains quartiers peuvent avoir également des conséquences néfastes. Ainsi, Goux et Maurin ont également montré l’importance de la composition socioéconomique du proche voisinage sur les résultats scolaires des enfants. On peut penser qu’augmenter la diversité sociale au sein d’un voisinage pourrait permettre une dilution des externalités négatives qui permettrait d’améliorer les opportunités des enfants issus de milieux défavorisés. Par ailleurs, on peut également retrouver ces effets de voisinage sur la criminalité (Case & Katz : 1991). La présence de logements insalubres peut également avoir des externalités négatives sur la valeur des logements avoisinants. De manière plus accessoire, les asymétries d’information peuvent bloquer le fonctionnement du marché locatif privé en créant des tensions entre propriétaires et locataires (Whitehead : 2008). Ainsi, une régulation des relations entre les deux parties peut parfois s’avérer souhaitable comme le suggère la littérature mettant en évidence le lien entre le fonctionnement de la justice et le développement du marché locatif (Arce & Saiz : 2010). Enfin, Richard Arnott (Arnott : 1995 ; Arnott et Igarashi : 2000) suggèrent que la diversité des logements sur le marché favoriserait l’émergence d’une concurrence monopolistique favorable aux propriétaires. Ils suggèrent que le contrôle des loyers pourrait dès lors être envisagé afin de rétablir un certain équilibre dans la relation contractuelle. Cet argument est cependant moins convaincant dans un marché très atomisé comme le marché locatif privé: avec 2 millions de propriétaires privés qui possèdent en moyenne un peu moins de 2 logements à louer, le pouvoir de marché ne saurait être très important et cette vision reste critiquée (Brueckner : 2010). La question qui se pose alors et qui n’appelle pas de réponse simple est de savoir quelle est la forme optimale d'intervention. A priori, l’Etat a le choix entre : -­‐
-­‐
Agir en augmentant simplement par une aide au soutien aux bas revenus Agir par une distribution de bons qui ne peuvent être affectés qu’à l’achat de logement ou au paiement du loyer. Ces bons peuvent être distribués directement aux bailleurs et le locataire ne paye que la différence entre le loyer et le bon. Dans le même esprit, on peut concevoir une aide où l’État rembourse sur facture une part des dépenses en logement. Le bon est une aide en nature directement alors que l’aide affectée est une subvention. 12 -­‐
Agir en construisant des logements sociaux. Il s’agit alors d’une subvention directe à la production pour éviter le détournement par les producteurs à leur profit dans le système précédent. Il est possible qu'il soit préférable d'intervenir à travers une politique de revenus, a fortiori par les mécanismes d'impôts et de transferts généraux, plutôt que d'intervenir directement par un ciblage du secteur qui affecte les prix relatifs. La construction et la gestion collective d'un parc social se justifient s'il peut être démontré qu'existent des économies d'échelles dans la gestion collective du logement par rapport à une gestion purement privée de l'offre. En revanche, l'intervention publique à travers les aides personnalisées au logement affecte les prix relatifs -­‐ elles sont inflationnistes (voir encadré). Il s'ensuit que l'intervention publique en matière de logement comporte un premier dilemme fondamental : d’un côté, des aides affectées qui dépendent de la dépense en logement sont en général inflationnistes et peuvent faire l’objet d’une capture par les offreurs privés (constructeurs et bailleurs) ; de l’autre côté, le parc social peut être difficile à gérer, inefficace, situé aux mauvais endroits, conduire à diminuer la mobilité, évincer l’offre privée si l'offre de foncier est inélastique et enfin générer des tensions sociales par manque d’équité ou de transparence4. Le graphique suivant (Trévien 2009) indique que la distribution des avantages selon le décile de revenus est différente suivant le type d’intervention. Le profil redistributif des aides au logement est concentré sur les plus pauvres, il est fortement régressif en fonction du niveau de revenu. Tel n’est pas le cas du logement social qui est plus centré sur la classe moyenne avec un effet assez dilué, par exemple l’avantage moyen du 7e décile de l’ordre de 800 € n’est que de 50% inférieur à l’avantage moyen du premier décile de l’ordre de 1200 €. 62% des ménages français sont éligibles à l’entrée du parc social et en raison de la règle du maintien dans les lieux, peuvent dépasser ce seuil, le surloyer n'étant pas suffisant par rapport au marché locatif privé : l'avantage conféré par le logement social reste significatif même pour les ménages du 10e décile. De même, des aides au logement parviennent jusqu’à des ménages du 8e décile et un tel constat plaide en faveur d’un recalibrage global du profil redistributif du système de redistribution. 4
Comme l’écrivent Yann Algan et Pierre Cahuc, dans LA SOCIÉTÉ DE DÉFIANCE Comment le modèle social français s’autodétruit, Opuscule du Cepremap. « Les politiques redistributives fondées sur un principe égalitaire et universaliste favorisent la confiance. On peut le comprendre aisément en examinant les conséquences de politiques publiques ciblées vers des groupes défavorisés mais dont les budgets ne permettent pas de satisfaire l’ensemble des populations éligibles. Le logement social constitue un exemple phare : près de 60 % des Français y sont éligibles, mais seulement 20 % sont logés dans le parc social. L’accès aux crèches, aux meilleures écoles, collèges ou lycées publics relève de la même logique : un rationnement résultant de ressources insuffisantes par rapport à la population éligible aux services publics concernés. De telles situations ne peuvent que contribuer à entretenir la corruption, la défiance et l’incivisme. » 13 Distribuhon des avantages conférés par les aides personnalisées au logement et les HLM par décile de revenu Source: CAS (2012), Les aides au logement des ménages modestes, La note d' analyse n°264, d'après Trévien (2008) 3000 2500 2000 APL 1500 HLM 1000 500 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Il existe un second dilemme fondamental de l'intervention publique. Celle-­‐ci ne doit pas conduire à concentrer géographiquement la pauvreté, elle doit au contraire contribuer à assurer une mixité sociale importante : la ville doit aussi loger des infirmières, des jeunes enseignants, des catégories intermédiaires. Une des questions cruciales à cet égard est de savoir si cet objectif de mixité sociale doit être poursuivi au sein du parc social ou simplement dans la ville en fonction d’un pur critère de localisation en laissant de côté le statut d’occupation. Nous revenons sur cette question plus avant dans la troisième partie lorsque nous abordons l’optimisation de la politique de logement social. La France accomplit ce tour de force de disposer d’un parc social, qui au vu du graphique ci-­‐dessous n’est pas ségrégé socialement, toutes les classes sociales y sont représentées, alors que beaucoup de grandes villes sont ségrégées spatialement. L’efficacité d’une politique du logement sous l’angle de l’accès à l’emploi Le logement et la mobilité Le statut d'occupation du parc de logement n’est pas sans lien avec la mobilité géographique, une des clés du dynamisme économique. Il s'avère en effet (Figure ci-­‐dessous) que la mobilité est deux fois plus importante dans le parc locatif privé que dans le parc locatif social où cette mobilité est en plus en baisse tendancielle, et particulièrement faible pour les propriétaires occupants, de l'ordre de 3 à 4% annuellement. 14 Taux de rotahon annuel entre 1999 et 2007 CGDD (2009), La mobilité résidenhelle progresse dans le parc privé et diminue dans le parc social, Le point Sur, N.27 20 Taux de rotahon en % 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 "99/01" Parc total "01/03" Loca|f privé "03/05" Loca|f social "05/07" Propriétaires occupants Des politiques visant à encourager l'accession à la propriété et à développer le parc social ont donc potentiellement une incidence négative sur la mobilité et donc potentiellement sur l'emploi. Tout le problème est évidemment de savoir si le statut d’occupation est un facteur d’immobilité ou si les ménages se sélectionnent dans un statut d’occupation en fonction de leur degré de mobilité. Le statut d’occupation et l’emploi Les travaux d'Oswald (1995) et ceux qui ont été menés ultérieurement suggèrent de fait un lien entre taux d'accession à la propriété et chômage. De ces corrélations entre pays entre mobilité et chômage, on ne peut conclure immédiatement à l'existence d'un mécanisme causal liant le taux de propriétaires et le niveau du chômage. Si le statut de causalité et les mécanismes exacts ne sont pas entièrement consensuels, il s'avère cependant que le fait d'être propriétaire peut effectivement jouer à la marge sur le comportement de retour à l'emploi. En effet, toutes choses égales par ailleurs, les propriétaires de plein droit et les locataires du parc social restent plus longtemps au chômage que les propriétaires accédants (devant rembourser un crédit bancaire) et les locataires du parc privé (Costes & El Kasmi : 2013). Voir l'encadré 3 sur le paradoxe d'Oswald. Les écarts de taux de chômage entre communes en France sont par ailleurs considérables, et révélateurs des obstacles à la mobilité géographique. Pour 25% des communes, le taux de chômage des jeunes adultes (25-­‐49 ans) dépasse 13,3%, et pour 10% des communes, il dépasse 17,1%, alors que ce taux est de 10% dans la commune médiane, de moins de 7,5% pour 25% des communes, et même de moins de 5,7% dans 10% des communes. En d'autres termes, il existe des zones de quasi-­‐
plein emploi avec des tensions à l'embauche, et dans le même temps des zones de chômage élevé ; la mobilité géographique devrait pouvoir résorber une partie de ces écarts mais ce n'est pas le cas. La situation est exacerbée pour les jeunes puisque le taux de chômage des 15-­‐24 ans dépasse 30% dans un quart des communes et dépasse 38% dans 10% des communes, alors qu'il est inférieur à 18% dans un quart des communes et inférieur à 13% dans 10% des communes. Compte tenu des difficultés actuelles à se loger pour les personnes en CDD (où les jeunes sont surreprésentés) ou en 15 recherche d'emploi, il est vraisemblable qu'il y a des perspectives importantes d'amélioration à travers une politique de fluidité accrue du marché du logement. Pour résumer, la mobilité géographique est pénalisée triplement à travers la politique du logement : propriétaires, locataires anciens et résidents du parc HLM sont très peu enclins à déménager y compris en cas de perte d'emploi : -­‐ les propriétaires, parce qu'ils font face à d'importants coûts de transaction (ceci renvoie d'ailleurs à notre précédente proposition de diminuer les coûts de transaction et donc les DMTO, qui reste d'actualité Trannoy et Wasmer, note no 2 du CAE), -­‐ les locataires du parc HLM qui font face à des loyers nettement inférieurs au parc privé et qui ne sont pas prioritaires dans le parc social en cas de mobilité géographique, car la présence dans logement social n’est pas portable, la règle du maintien dans les lieux (et non dans le parc au niveau local ou national) depuis 1948 sanctuarise cette immobilité ; -­‐et d’une manière résiduelle, les locataires du parc privé avec une certaine durée de présence parce que les contrôles de loyers éloignent progressivement le loyer du bail en cours du loyer de marché. 16 Encadré -­‐ 4
: Liens entre accès à la propriété et emploi: l'hypothèse d'Oswald (1995) L’attention portée par les économistes du travail au marché du logement n’a cessé de croître. Oswald (1995) a mis en évidence une corrélation forte entre le taux de propriétaires et le chômage structurel. L'existence de lien de causalité entre ces deux dimensions et les canaux par lesquels le nombre de propriétaires pouvait augmenter le chômage ont été abondamment étudiés par la suite. Les principaux, canaux suggérés par Oswald sont : 1-­‐ Les propriétaires ont une mobilité résidentielle réduite : ils acceptent des trajets quotidiens plus longs mais sont plus réticents à changer de domicile. Ils pourraient donc être plus vulnérables au chômage. En revanche, parmi les propriétaires, les propriétaires-­‐accédants sont davantage incités à trouver un travail sur le marché local afin de rembourser leur crédit. 2-­‐ Dans les pays où le marché de la propriété est hypertrophié, l’atonie du marché locatif rend plus difficile et coûteuse l’installation des travailleurs désireux de déménager vers les bassins d’emplois. Il existe aussi un impact de la propriété sur le dynamisme de l’économie des zones concernées pouvant par ricochet affecter aussi l’emploi : 3-­‐ Les contraintes pesant sur la mobilité des travailleurs propriétaires peuvent les forcer à accepter des emplois ne correspondant pas forcément à leur qualification. On peut donc assister à une destruction de valeur dans l’économie. 4-­‐ Les propriétaires, souvent plus engagés dans la vie politique locale (Glaeser & Di Pasquale : 1999), peuvent générer un climat moins favorable à l’installation d’entreprises. 5-­‐ Le fait d’avoir des propriétaires acceptant plus facilement des trajets quotidiens plus longs peut générer une plus forte congestion et donc une perte de valeur pour l’économie. Logiquement, la littérature empirique sur le sujet étudie, d’une part, les comportements individuels des propriétaires sur le marché de l’emploi et, d’autre part, compare l’impact du taux de propriétaires sur le niveau d’emploi entre différentes zones. Au niveau individuel, les études sont extrêmement variées et ne valident pas systématiquement l’hypothèse d’Oswald. Cependant, une partie des canaux mentionnés restent pertinents. Pour cinq pays européens, dont la France, une étude a montré que les propriétaires au chômage déménagent moins que les locataires pour retrouver un emploi (Barceló : 2006). En ce qui concerne le cas français, les études confirment que les propriétaires sont moins mobiles géographiquement et professionnellement et ont des temps de trajet quotidien plus longs. Cette plus faible mobilité des propriétaires peut donc laisser penser que la qualité de leurs appariements sur le marché du travail sera de moins bonne qualité et c’est ce que suggèrent les études même si la question ne semble pas définitivement tranchée (Brunet & al : 2011 ; Costes & El Kasmi : 2013). Par ailleurs, il semblerait que, ceteris paribus, seuls les propriétaires de plein droit et les locataires du parc social restent plus longtemps au chômage alors que les propriétaires accédant et les locataires du parc privé ont des périodes de chômage similaires (Costes & El Kasmi : 2013). L’effet est relativement modéré dans cette étude, mais plus élevé pour les propriétaires de plein droit par rapport aux locataires du parc privé. Enfin, au niveau agrégé, les comparaisons entre les pays ou leurs régions respectives tendent à confirmer le lien positif entre le taux de propriétaires et le chômage. À notre connaissance il n’existe qu’une étude (L’Horty et Sari 2010) testant l’hypothèse d’Oswald sur la région parisienne à l’aide d’une régression spatiale. Les auteurs trouvent des résultats inverses à l’intuition d’Oswald. Ceci étant, les particularités de la région parisienne en font un cas spécifique. Pour l’ensemble de la France, la reproduction des graphiques d’Oswald sur les 10 dernières années suggère une relation positive entre emploi et chômage dans les zones d’emploi et départements sans toutefois pouvoir en déduire un lien de causalité. En effet, une baisse du chômage associée à un regain de l’activité économique pourrait très bien attirer de nouveaux ménages dans une zone et l’on peut 17 penser qu’ils commenceront tout d’abord à louer un logement avant d’envisager l’achat d’un bien. Corrélation entre la variation du taux de chômage et la variation du taux de propriétaires dans les zones d’emploi françaises (en haut) et dans les départements français (en bas) entre 1999 et 2009 Calcul des auteurs à partir des données du recensement de l’INSEE Les loyers et les coûts de production des entreprises Enfin, le coût de l'immobilier, qui pèse actuellement fortement sur les ménages accédant à la propriété et les locataires du parc privé, peut également les pénaliser indirectement si les entreprises voient leurs coûts augmenter du fait de l’augmentation des salaires qu’elles doivent consentir pour compenser les hausses de loyer dans les zones tendues. Le lien entre le prix du foncier qui se réfléchit dans les loyers du parc privé et la compétitivité a été mis en avant dans deux études 18 récentes. La première émanant de l’OCDE met en avant le rôle du renchérissement des prix de l’immobilier dans la réduction de l’importance de la France sur le marché des exportations. Les auteurs trouvent que le ratio « prix de l’immobilier / coûts des produits du secteur manufacturier » a un impact négatif sur le niveau d’exportation (Egert & Kierzenkowski : 2010). Dans leur modèle portant sur la France, ils trouvent qu’une variation d’1% du ratio prix du logement/prix des produits manufacturiers réduirait de 0,2% le niveau des exportations. Ils suggèrent que ce phénomène pourrait s’expliquer par la réallocation des capitaux et de la main d’œuvre de l’économie manufacturière vers le secteur de la construction empêchant le premier de répondre à une demande mondiale croissante. Par ailleurs, Philippe Askenazy a récemment mis en avant le fait que l’augmentation des prix de l’immobilier pourrait réduire la compétitivité française en renchérissant le coût de l’investissement et le montant des dividendes à verser pour maintenir une rémunération du capital satisfaisante. Selon ses calculs, ces surcoûts pourraient représenter 4,5% de la valeur ajoutée des Sociétés Non Financières, voire plus, avec bien entendu une marge d'incertitude autour de ce chiffre. Il pointe également le fait qu’une partie de la compétitivité allemande s’expliquerait par la quasi-­‐stagnation des prix de l’immobilier alors qu’ils ont connu une forte hausse en France. (Askenazy : 2013). II APPLICATION DES PRINCIPES A L’ANALYSE DU SECTEUR LOCATIF PRIVE Le contrat de location ressemble à un contrat de dette, dans la mesure où le bailleur prête son logement tout de suite, et en perd donc l’usage immédiatement, contre une promesse de retours financiers dans le futur. Le paiement des loyers est fondamentalement entaché d’une incertitude comme l’est le remboursement d’une dette. Le risque d’impayé est donc l’équivalent d’un risque de défaut, sauf que le propriétaire est en principe assuré de retrouver son bien, quoiqu’il puisse faire l’objet d’une détérioration. La gestion du risque d’impayé de loyer est une question centrale pour les bailleurs et a une conséquence directe sur l’attrait de mettre en location leur bien pour les propriétaires. À cet égard, La France est réputée pour un degré de protection élevé des locataires quant au risque d’impayé. La loi ALUR introduit un changement fondamental dans la mesure où elle propose la garantie universelle des loyers (GUL) qui serait obligatoire pour tous les propriétaires et locataires à raison d’une prime d’assurance égale de part et d’autre à environ 1% des loyers et qui permettrait de couvrir pour les propriétaires tous les risques d’impayés, quelque soit la cause. L’autre grand sujet de discussion est la liberté ou non de fixer le loyer dans le secteur privé. La loi ALUR introduit un système complexe de plafonnement des loyers en référence à des loyers. Nous examinons tour à tour ces deux grandes questions. La fluidité du marché locatif et la sécurisation des rapports bailleurs-­‐locataires L’aléa moral. La question des impayés de loyers et des dégradations de logement est au cœur des raisonnements des propriétaires, si on en croit les études sociologiques menées auprès des agents immobiliers interrogés sur les comportements de sélection des locataires (Bonnet et alii. 2012). La question des discriminations sur une base ethnique, mais aussi de statut professionnel et de revenus est extraordinairement prégnante. Plusieurs études ou rapports ont fait état de ces difficultés (voir notamment Cahuc et Kramarz, 2006 sur les difficultés des personnes en CDD à se loger, et Wasmer 19 2006 pour une comparaison Québec-­‐Canada, et Combes, Decreuse, Trannoy et Schmutz 2013). À partir de 2007, une politique visant à encourager les assurances loyers impayés a été mise en place, et a vocation à être généralisée dans le projet de loi de 2013. Le fait qu'une assurance permette de diminuer le risque pris par le propriétaire lorsqu'il loue un logement est indéniable. La question difficile est de comprendre comment un marché d'assurance fonctionne. En matière d'assurance se posent des problèmes d'anti-­‐sélection et d'aléa moral. Pour prendre une comparaison simple, les polices d'assurances des conducteurs doivent faire en sorte que ceux-­‐ci se comportent de façon responsable en limitant le risque une fois pris le contrat (aléa moral) et qu'ils choisissent un contrat dans un menu de contrats différents sans que les conducteurs "à risque" se sur-­‐assurent au détriment des conducteurs sans risque sur lesquels la mutualisation des risques peut peser (anti-­‐sélection). En matière de logement, ces deux risques sont évidemment présents et l'aléa moral peut en outre exister au moment de la prise de bail, si le locataire choisit un logement volontairement plus onéreux que celui qu'il prendrait dans une logique prudentielle. De fait, s'il est en effet souhaitable que les aléas de la vie (divorce, chômage, maladie) indépendants de la volonté du locataire ne pèsent pas sur les propriétaires-­‐bailleurs, il faut éviter que l'assurance loyers impayés ne conduise à un renforcement des situations d'aléa moral, les locataires de mauvaise foi se sentant progressivement exonérés de leurs obligations vis-­‐à-­‐vis du bailleur. 20 Encadré -­‐ 5
: Les dispositifs de garantie des loyers Il existe une préoccupation constante visant à faciliter l’accès des ménages au parc locatif social et privé dans un contexte où les bailleurs demandent un nombre croissant de garanties. En effet, le rapport Baïetto-­‐Beysson et Béguin (2008) met en avant le fait que, dans le parc privé, le taux d’exigence d’une caution de personne physique est passé de 25% à 50% entre 1996 et 2006. Le ministère du Logement, se basant sur une enquête de pap.fr, estime que ce taux pourrait dépasser les 70% en 2012 mais l’échantillonnage de cette étude laisse présager une surévaluation (ministère du Logement : 2013). Le rapport de 2008 pointe par ailleurs un très fort attachement des bailleurs physiques pour ce type de garantie avec environ 1/4 des propriétaires se présentant comme des inconditionnels de la caution. Cette exigence de caution peut être un frein à l’accès des plus fragiles au parc locatif. Or en cas d’impayés le recouvrement auprès du garant est difficile à mettre en place ce qui laisse penser que la garantie aurait davantage un rôle préventif (le locataire s’engageant vis-­‐à-­‐vis d’un proche) et serait un signal utilisé par les propriétaires. L’alternative à la caution est la souscription d’une assurance par le locataire ou le bailleur. Ainsi, l’enquête du Credoc (2006) pour l’Agence Nationale pour la Participation des Employeurs à l’Effort de Reconstruction (ANPEEC) sur laquelle se base ce rapport de 2008 met en avant qu’un nombre important de bailleurs physiques (entre 1/4 et 1/3) envisageraient également de souscrire spontanément à une assurance. Cependant, les assureurs privés exigent que le locataire ait un taux d’effort inférieur à 33% et soit en CDI. C’est pour pallier ce problème qu’ont été mis en place les dispositifs successifs de Garantie des Risques Locatifs (GRL). On peut résumer leur évolution et leurs caractéristiques comme il suit : -­‐
Le premier dispositif destiné à couvrir les risques des propriétaires a été la Garantie des Loyers Impayés (GLI) distribuée par les assureurs privés à partir des années 80. Il s’agit d’une assurance classique où le propriétaire verse une prime d’un montant compris entre 2% et 4% du loyer afin d’être couvert contre les risques d’impayés et recevoir une indemnité pour couvrir les frais de justice en cas de litige. Cependant, ces assurances ne permettent pas aux propriétaires de louer un logement aux populations jugées « à risque ». En effet, les compagnies d’assurance exigent que le locataire gagne au moins trois fois le loyer et soit en CDI. Le rapport Baïetto-­‐Beysson & Béguin nous permet d’estimer à 700 000 le nombre de logements privés couverts par ce dispositif (14% du parc privé). Les souscripteurs sont principalement des mandataires (gestionnaires de biens) qui acquittent les primes d’assurance les moins élevées. -­‐
Afin de faciliter l’accès des populations les plus fragiles au parc locatif, l’Union des Entreprises et des Salariés pour le Logement (UESL) a mis en place en 1997 un dispositif de caution solidaire de trois ans fonctionnant comme une avance au locataire en difficulté qui doit s’engager à rembourser les sommes versées. Destiné à l’origine aux locataires du parc privé et du parc social (salariés, en recherche d’emploi ou étudiants) son champ d’action a été progressivement réduit aux locataires du parc social. Pendant les années 2000, de 100 à 200 000 nouveaux baux privés bénéficiaient de cette garantie pour 80 à 150 000 baux sociaux. Les versements annuels aux propriétaires ont culminé à 130 millions d’euros en 2009. Nous ne disposons pas d’information sur le recouvrement auprès des locataires. Actuellement, plus d’un tiers (150 000/an) des attributions de logements sociaux bénéficient de cette garantie alors que les dernières garanties distribuées dans le parc privé arrivent à expiration (ANPEEC : 2012). -­‐
Enfin, la Garantie des Risques Locatifs est venue remplacer le Locapass-­‐garantie dans le secteur privé. Il s’agit d’un dispositif plus proche de la GLI (assurance des propriétaires moyennant le versement d’une prime). Elle est distribuée par des assureurs privés mais la sur sinistralité des populations à risque est compensée par un fonds abondé par l’État et l’UESL. Elle est destinée à faciliter l’accès au logement pour les locataires non couverts par la GLI en étendant le public éligible à ceux dont le taux d’effort est compris entre 33% et 50%, les jeunes et les salariés en contrat « précaire » (CDD, intérim). La première version de la GRL présentait un certain nombre de défauts (vérification a posteriori de l’éligibilité du locataire…) que la réforme de 2010 a tenté de corriger. Ce dispositif n’a cependant connu qu’un succès mitigé puisqu’il semble que seuls 223 000 lots soient en cours de garantie (ministère du Logement : 2012). Par ailleurs, la coexistence de la GRL et de la GLI semble poser 21 problème. D’une part, les distributeurs de la GLI ont mis en avant le fait que la GRL était parfois proposée à des populations éligibles à la GLI. D’autre part, l’étude d’impact du ministère du Logement met en avant que la coexistence des deux dispositifs « a entraîné des pratiques de sélection des personnes couvertes par la GRL, défavorables à l’équilibre du fonds ». Ces constats suggèrent que la mise en place de la GRL n’a pas été coordonnée avec les assurances présentes sur le marché de la GLI. Une étude de la Cour des comptes sur la GRL est en cours de préparation. En conclusion, il faut signaler que le rapport Baïetto-­‐Beysson et Béguin (2008) contient quelques éléments relativisant l’impact potentiel de la mise en place d’un système assurantiel sur l’accession des populations défavorisées au parc locatif privé. En effet, l’étude du Credoc (2006) signale que « l’assurance ne serait pas suffisante pour égaliser les chances des candidats, car 50% des bailleurs refuseraient un locataire, même assuré, dont ils jugeraient le revenu insuffisant. » Les deux grandes alternatives L’assurance-­‐loyer privée similaire à l’assurance-­‐crédit immobilier Une solution alternative à la GUL eut consisté à tenter de séparer les situations d’anti-­‐sélection de celles d’aléa moral comme dans l’assurance-­‐crédit immobilier. Bien que cela ne soit pas obligatoire de par la loi, les établissements de crédit obligent les emprunteurs à se couvrir contre le risque de défaut provenant d’un décès, d’une maladie ou du chômage. Par contre, les propriétaires-­‐accédants ne peuvent se couvrir contre les risques d’éclatement de la cellule familiale pour lesquels l’aléa moral semble important. Apparemment cette assurance-­‐crédit immobilier fonctionne sans problèmes et les taux de défaut sur cette catégorie de prêt restent limités en France. On aurait pu songer à rendre systématique l’équivalent pour le risque d’impayé pour le locataire. Les problèmes d’aléa moral auraient été très contenus, par contre les problèmes de sélection des locataires par les propriétaires seraient demeurés en grande partie. La mutualisation totale des risques Le modèle qui a inspiré la GUL est en fait celui de l’assurance chômage où la couverture du risque de chômage est partagée à parts égales entre salariés et entreprises. Le risque d’un recours trop 22 systématique au chômage de la part des entreprises a été pointé par de nombreuses études du fait de l’existence d’une assurance chômage universelle De même, il est à redouter que certains locataires se dispensent de payer leur loyer à la moindre difficulté, du seul fait qu’ils ont cotisé à cette assurance. La gestion du risque d’impayé est cruciale pour la réussite de la GUL. Les avantages et inconvénients de la mutualisation des risques sont en fait inverses du système d’assurance privée. Les phénomènes de sélection des locataires devraient cesser de la part des bailleurs (s’ils ont confiance dans le système) mais en revanche un développement voire une explosion de l’aléa moral est à redouter. À cet égard, un système d'assurance privée présente des garanties : le coût de l'assurance reflète le coût des impayés et l'assureur aura de fortes incitations à mener rapidement la procédure de fin de bail. Dans un système d'assurance publique, cette logique de la contrepartie (coût de l'assurance au coût réel et rapidité de mise en œuvre d'une procédure de relogement) risque de se heurter à la dispersion des acteurs publics ayant chacun leur propre agenda: celui qui paie n'est pas celui qui gère la procédure, a fortiori pas celui qui la met en œuvre. Il y a donc un risque potentiel de voir cette collectivisation du risque d'impayés engendrer une augmentation du nombre d'impayés dans un terme plus ou moins rapproché à une grande échelle si des garde-­‐fous ne sont pas introduits. A cet égard, la loi ALUR redonne des droits au locataire en cas de tentative d’expulsion et va complètement dans le sens contraire de ce qu’il faudrait faire. Si l’on veut maîtriser le problème d’aléa moral, il faut au contraire rendre plus effectif les possibilités de rupture de contrat en cas de non-­‐paiement du loyer. L’atout maître pour contrôler l’aléa moral, c’est de renforcer la flexibilité du contrat de location et de renforcer le caractère incitatif de la rupture de contrat en cas de non-­‐
respect des obligations et en particulier le non-­‐paiement du loyer. La GUL si elle rentre en application doit s’accompagner impérativement d’une flexibilisation du contrat de location. Celle-­‐ci doit s’appuyer sur une gestion paritaire des conflits entre représentants des locataires et propriétaires et sur le bras armé de l’Etat en matière de recouvrement des cotisations et des impayés faisant appliquer les décisions de manière diligente les décisions prises par les instances de concertation locataires-­‐propriétaires. Nous soutenons la proposition de mutualisation des risques d’impayé que si elle est replacée dans le cadre d’une flexi-­‐sécurité du marché du logement. Si on devait laisser inchangée la surprotection du locataire et l’accroître comme dans la proposition ALUR, alors il faudrait mieux revenir à un système d’assurance privée couvrant moins de risques comme décrit plus haut. A cet égard, la comparaison de la France et de l’Allemagne en termes du droit du locataire est éclairante à l’aide du graphique ci-­‐dessous. La France rigidifie le contrat de location depuis 20 ans. 23 La régulation du marché locatif en France : Une régulation croissante et instable Adapté de Whitehead, Markkanen, Monk, Scanlon and Tang (2012) La régulation du marché locatif en Allemagne : Un secteur régulé mais stable et davantage basé sur la négociation Whitehead, Markkanen, Monk, Scanlon and Tang (2012) La mise en place d’une flexi-­‐sécurité du marché du logement La question des impayés est donc centrale dans le processus de sélection des locataires et conduit également à déterminer le nombre de bailleurs sur le marché. Il importe donc de sécuriser les bailleurs et de restaurer la confiance sur ce marché locatif privé. Nous plaidons pour trois axes de réforme au-­‐delà du système de garantie des loyers: d’une part un assouplissement des règles en matière de baux et d’impayés ; d’autre part une contrepartie par rapport au droit au logement opposable qui permet de sécuriser le locataire et non pas son bail existant (ce qui est le principe de la flexi-­‐sécurité) ; ensuite la mise en place d’une gestion paritaire et représentative du secteur, dont la mise en place engloberait les dispositifs existants (instance de médiation) ou à venir (garantie universelle des loyers) ; enfin l’engagement des services les plus efficaces de l’Etat en matière de recouvrement de loyers et paiement des cotisations et l’obligation in fine pour l’Etat de couvrir le déficit du système. Assouplissement. Des marges considérables de simplifications existent dans différentes directions, comme celles consistant à faciliter la fin du bail lorsque le propriétaire veut récupérer son logement. Il est possible d’élargir les causes de fin de bail. À titre d’exemple, le Québec prévoit des causes de résiliation du bail assez générales et automatiques. Par exemple, ne pas respecter l’obligation de « ne pas causer de trouble de jouissance normale des autres locataires» en est une, selon l’article 1860 du code du Québec. Comme en France, la reprise pour réoccupation pour soi ou un proche est de droit. Mais la reprise pour subdiviser un logement, l’agrandir substantiellement ou en changer l’affectation est aussi une cause de fin de bail. Le préavis est cependant de 6 mois pour la plupart des baux et le propriétaire doit indemniser le locataire pour son déménagement et doit lui payer trois mois de loyer en plus. En ce qui concerne le non-­‐paiement, la procédure est très directe : l’article 1971 spécifie que « Le locateur peut obtenir la résiliation du bail si le locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer ou, encore, s'il en subit un préjudice sérieux, lorsque le locataire en retarde fréquemment le paiement. » et l’article 1973 indique que : « Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer. Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, 24 celui-­‐ci, à la demande du créancier, résilie le bail. » On peut ensuite coordonner les bailleurs et les locataires en alignant les fins de baux à une période spécifique dans l'année. On peut ainsi imaginer que, par défaut, les nouveaux baux souscrits se termineront lors de la dernière semaine d’août (de même que les baux saisonniers sont du samedi au samedi). Il serait naturellement possible d'interrompre et de reprendre un bail à n’importe quel moment mais cette coordination par défaut fait que le marché est important et qu'une allocation des logements aux besoins est permise à cette occasion. On peut enfin faire varier la durée des baux (avec notamment des baux d’un an sans avoir à invoquer des causes précises comme actuellement) plutôt que d’imposer trois ans : la durée du bail peut être librement choisie par libre accord entre le locataire et le propriétaire pour un an, deux ans, trois ans voire plus s'il est possible pour le propriétaire de mettre fin au bail sans se restreindre aux raisons actuellement imposées par la législation et notamment l'occupe, pour le relogement de proches parents ou pour une vente à vide. Un autre problème d'aléa moral est celui de détérioration du logement, ainsi du reste que certaines craintes de troubles de voisinage. Cela peut être résolu par des dispositions simples. Le propriétaire n’a pas aujourd’hui le droit d’avoir un jeu de clés de l’appartement, il est donc en situation d'asymétrie d'information vis-­‐à-­‐vis de son locataire et ne peut que constater la situation a posteriori -­‐ ce qui, comme c'est logique, le conduit à sélectionner plus durement à l'entrée et demander des dépôts de garantie illégaux. Il devrait être obligatoire de permettre une visite de l’appartement au propriétaire chaque année deux mois avant la date anniversaire de la fin du bail (dans l'optique ou les baux se terminent tous la dernière semaine d’août, dans la dernière semaine de juin) afin de faire un état des lieux et une comparaison avec l’état initial. Il est indispensable que ce constat soit fait en présence d’une tierce partie professionnelle et assermentée, et aux frais du propriétaire s'il exerce ce droit. En effet, si le propriétaire fait constater une détérioration grave des locaux -­‐ ce concept est similaire à celui de faute lourde en cas de licenciement -­‐, il aurait alors le droit de donner congé au locataire qui dispose de toute façon d'un droit de recours. Ainsi la période de détérioration des locaux ne peut durer qu’un an, ce qui sécurise le propriétaire-­‐bailleur et contribue à responsabiliser le locataire. Contreparties en termes de relogement. Si (et seulement si) le droit du bail est assoupli, l’on peut également imaginer d’articuler ces simplifications avec le DALO : il est actuellement peu effectif. Notamment, la simplification des procédures de contentieux locatif pourrait être une contrepartie d’un renforcement du DALO. Lorsqu'un ménage de bonne foi est affecté par des difficultés de paiement des loyers, il ne peut pas rester dans les lieux : l'assurance ne doit jouer que très temporairement. En contrepartie, s'il est dans une situation sociale qui le nécessite, il faut qu'il puisse être relogé rapidement dans le parc social, ou à défaut dans le parc privé à vocation sociale. Ces possibilités de relogement seront facilitées en particulier par la coordination des dates de fin de bail par défaut. La gestion paritaire des conflits locataires-­‐propriétaires Il faut essayer d’aller vers une pacification des relations entre bailleurs et locataires. Les instituts comme l’OLAP sont établis et gérés sur une base paritaire et il faut continuer et amplifier cette direction. Enfin, il convient d’assurer une meilleure représentation des acteurs du marché locatif, propriétaires comme locataires. Actuellement les acteurs associatifs du logement sont trop peu 25 nombreux et peu représentatifs des millions de locataires et de bailleurs du parc privé. Deux axes peuvent être privilégiés, qui sont très complémentaires. D’une part, créer des listes électorales afin de mettre en place une réelle représentativité des acteurs : ces listes électorales seraient établies via les déclarations de taxes foncières et de taxes d’habitation. Ces listes électorales pourraient ainsi conduire à des élections de représentants de chacun des acteurs, à parité entre représentants des locataires et des bailleurs, ainsi que, minoritairement, de représentants désignés par l’État. D'autre part, créer une structure nouvelle qui regrouperait une partie des structures actuelles (par exemple les observatoires des loyers), appelée pour simplifier régie du logement et inspirée du fonctionnement de la régie du logement du Québec. Les représentants élus siégeraient au sein de cette structure dont ils seraient le conseil d'administration. Cette régie aurait la charge d’intervenir dans les contentieux locatifs inférieurs à un certain seuil. Au Québec, cette Régie a pouvoir de résilier le bail, mais pas de faire exécuter une expulsion qui reste du ressort de la Cour du Québec. Les appels envers les décisions de la Régie ne peuvent être examinés que si la Cour du Québec le juge nécessaire. Comme l’indique le rapport d’activité 2004-­‐2005 de la Régie (page 2) : « Dans la plupart des cas, les décisions rendues par la Régie du logement ne peuvent être portées en appel qu’avec la permission d’un juge de la Cour du Québec, si ce dernier considère que la question est sérieuse, nouvelle ou d’intérêt général. Toute décision rendue par la Régie sur une demande portant uniquement sur le recouvrement d’une petite créance ou la conservation du stock de logements est finale et sans appel. La loi prévoit toutefois que la Régie du logement a un pouvoir de révision de toute décision rendue sur une demande de fixation de loyer. » Les décisions de ces régies auraient force de loi en première instance comme pour les prud’hommes. Cela éviterait d’encombrer les tribunaux (4% des contrats de location mènent à une action en justice !) Le point suivant examine l’exécution des décisions qu’auraient prises ces régies. Là l’Etat doit jouer tout son rôle. Le recouvrement des impayés. En ce qui concerne les impayés, ainsi qu’il a été discuté plus haut, la garantie universelle des loyers crée un risque d’un renforcement de l’aléa moral (renforcement des impayés). Pour autant, la situation actuelle est loin d’être satisfaisante : les impayés sont à la charge du secteur privé, directement via le locataire ou indirectement via les assureurs, et conduisent à un encombrement de la justice en raison du contentieux généré par les impayés. En revanche, l’État a une forte incitation à éviter les troubles à l’ordre public et les problèmes sociaux liés aux expulsions de familles en impayés chroniques, et multiplie les dispositifs visant à ralentir les procédures (Wasmer : 2006) ce qui renforce les craintes des bailleurs de devoir attendre longtemps avant de retrouver la jouissance du bien loué. La situation actuelle est bien très problématique, car l’Etat ralentit les expulsions, les impayés restant à la charge des propriétaires-­‐bailleurs, ce qui les incite à quitter le marché, ce qui du coup fait monter les loyers, et donc les taux d’effort et in fine les impayés, un vrai cercle vicieux. La situation semble donc être plutôt inefficace, à mi-­‐chemin entre deux situations polaires : d’une part une situation à la Québécoise où les impayés sont à la charge du secteur privé mais où les contentieux sont traités rapidement, car la puissance publique délègue une partie à la Régie du logement ; d’autre part une situation où la puissance publique tente de ralentir les expulsions mais en étant responsable in fine des impayés qui seraient également à sa charge. 26 Il est vraisemblable que la situation à la Québécoise est préférable à l'autre extrême, qui est une situation de socialisation ; néanmoins, celle-­‐ci nous semble préférable au statu quo, dans la mesure où elle fait internaliser à l’Etat le coût financier de sa frilosité vis-­‐à-­‐vis des contentieux en matière d’impayés. Il nous semble donc que la garantie universelle des loyers, tout en risquant de renforcer l’aléa moral, peut néanmoins être l’occasion de cette internalisation des coûts -­‐ si la dette engendrée par les impayés est effectivement à la charge de l’État ; -­‐ si l’État se charge de recouvrer cette dette en la transférant aux services du recouvrement de l’administration fiscale, ce qui de fait diminuerait probablement l’aléa moral, dans la mesure où il est plus difficile d’accumuler une créance vis-­‐à-­‐vis de l’État que d’un bailleur. Le détail de ce dispositif par lequel l'État ou ses services (DGFIP) ont la charge du recouvrement de la dette est subtil et inspiré de la théorie des contrats: l'État doit véritablement être le créancier résiduel des impayés. S’il n’exécute pas les décisions des régies de logement, en raison de l’opposition de forces politiques et sociales, il doit internaliser les coûts financiers d’une telle décision dans son budget général. A cet égard, la solution de passer par une agence d’Etat pour gérer la GUL (AGUL) nous semble franchement dangereuse à la lumière des révélations des problèmes du fonctionnement des agences révélé par un audit de la cour des comptes et un rapport du CPO. A cet égard, il ne faudrait pas reproduire les problèmes de gestion de l’ANPEEC (gestion du locapass). Au total, une GUL replacée dans le cadre d’une flexi-­‐sécurité du marché locatif peut apporter des bénéfices à la fois aux propriétaires et aux locataires. Le haut niveau des loyers actuels enregistrent également une prime de risque. Celle-­‐ci sera inexistante avec la GUL et donc on peut s’attendre à une baisse des loyers d’équilibre. Quels résultats des politiques d'encadrement des loyers ? Il existe deux modes d'intervention (voir aussi l'encadré plus complet sur cette question). D'une part, il est possible de réguler les augmentations de loyers en cours de bail comme c'est le cas actuellement, ou de renforcer les contrôles de loyers au moment de l'entrée en fonction du nouveau bail. L'expérience du passé ou des exemples à l'étranger indiquent qu'en pratique, cela conduit la qualité du parc immobilier à diminuer, afin que, corrigés de la qualité, les loyers reviennent au prix du marché malgré le blocage. Les investissements immobiliers pour le parc existant diminuent (marge intensive) et l'investissement immobilier dans le neuf (marge extensive) est affecté négativement par des anticipations de faibles rendements, qui doivent dès lors être compensés par des défiscalisations nouvelles. Cette politique est donc coûteuse pour les finances publiques, puisqu'elle consiste à diminuer la rentabilité de l'investissement locatif et de lui substituer progressivement des dépenses fiscales pour compenser la baisse de la rentabilité de l’investissement locatif. À cet égard, il n'est pas très satisfaisant que les propriétaires retirent du marché locatif les logements financés dans le cadre des mécanismes de défiscalisation type Robien, Scellier etc à la fin de la défiscalisation (Prandi & Coz : 2010). Cela indique bien que les investisseurs cherchent à profiter de l’effet d’aubaine et l’État aura au bout du compte consacré des ressources nécessairement (rares) au soutien du secteur locatif privé sans que le stock de logements mis à la location augmente à terme. La façon la plus simple et la 27 moins coûteuse pour les finances publiques de convaincre les propriétaires et les investisseurs de rester et d’investir dans ce marché est bien d’organiser la flexi-­‐sécurité du marché pour les propriétaires comme pour les locataires. Le mode d’encadrement des loyers prévu dans la loi ALUR combine des aspects d’observations dans la double dimension de coupe et temporelle. Nous voudrions ici insister sur le danger d’imaginer de pouvoir réguler les loyers en coupe (une année donnée), lorsque les dimensions dont on dispose sur le marché locatif restent parcellaires. Dans les zones tendues, il est prévu que le locataire pourra comparer le loyer de son logement à celui d’un logement de référence. Celui-­‐ci sera apprécié par le loyer médian pour des caractéristiques observables identiques dans la zone géographique considérée. Cette information sera apportée par des observatoires inspirés de l’OLAP (Observatoire des loyers de la région parisienne) qui seront créés dans 26 agglomérations françaises. Cette évolution comble un manque massif d’information dans ce domaine. Permettre au locataire, et d’ailleurs au propriétaire, de comparer le loyer pratiqué à celui proposé à proximité ne peut que renforcer l’efficience du marché. Nous voudrions cependant attirer l’attention sur le fait que la taille des échantillons envisagés (Paris 5000 observations, 25 000 sur la Région Parisienne) ne permet pas de tenir compte à la fois du grand nombre de caractéristiques privées pertinentes et en même temps de tenir compte d’une manière fine de la localisation qui compte d’une manière cruciale pour la valorisation du logement. Les sept zones pour la région parisienne (Document OLAP septembre 2013) sont beaucoup trop grosses pour pouvoir tenir compte d’une façon fine des autres caractéristiques hédoniques spatiales et autres. Cela peut porter à conséquence puisqu’une disposition de la loi ALUR stipule que le loyer de référence peut être utilisé par le locataire, une fois dans les lieux, pour contester son loyer. Plus précisément, le locataire peut demander, si son loyer est supérieur au loyer médian de référence +20%, à voir son loyer abaissé à cette borne supérieure. Actuellement, d’après les calculs de l’OLAP, 20% des loyers sont au-­‐dessus de cette borne pour les différentes zones de la région parisienne. Afin d'illustrer les dérives potentielles de ce dispositif, nous avons simulé une équation de régression hédonique où seule la surface, le nombre de pièces et l’arrondissement de Paris (les mêmes variables utilisées par l’OLAP pour expliquer les loyers privés) étaient rentrés comme variables explicatives. Au moins 30% des HLM avaient un loyer supérieur à plus de 20% du loyer médian de référence. Distribution des loyers HLM acquittés à Paris – Calcul des auteurs à partir du RPLS (2012) du Service de l’Observation et des Statistiques du Commissariat au développement durable 28 Plus fondamentalement, il faut souligner que les loyers de marché ne font en général que refléter la valeur des différentes caractéristiques hédoniques attachées au logement. Cela ne serait pas le cas si les offreurs étaient capables de s’entendre, ce qui semble très improbable vu le caractère très atomistique du marché déjà souligné plus haut. Au total, soit le mécanisme envisagé sera inutile, soit les biens de meilleure qualité sortiront du marché de la location. La baisse du prix si elle se produit risque de n'être qu'une baisse de la qualité des biens loués. Nous voudrions terminer cet avertissement sur le danger du système projeté en nous inscrivant en faux contre l’affirmation selon laquelle le dispositif envisagé s’inspirerait du dispositif en vigueur en Allemagne (voir encadré). Le dispositif allemand est très voisin du système actuel et à cet égard notre conseil est d’en rester là et de ne pas continuer dans des voies hasardeuses. Un autre mode d'intervention est la défiscalisation ciblée sur un segment du marché locatif à bas prix, de façon à inciter à des loyers faibles plutôt qu'à bloquer les loyers. Un tel dispositif (le Duflot) a remplacé les dispositifs de défiscalisation précédents comme le dispositif Scellier. Une politique consistant à viser de loyers inférieurs au loyer médian (dans le cas d'espèce, de 20% inférieur au loyer médian) pour bénéficier de la défiscalisation risque cependant d'être difficile à mettre en place pour des raisons liées à la difficulté de mesure des loyers médians, et surtout de favoriser les logements de moindre qualité inobservables (bruit, exposition à la pollution) : ils seront bien 20% en dessous du loyer médian pour bénéficier d'exonérations, mais seront au prix du marché voire au-­‐
dessus compte tenu de ces caractéristiques inobservables. Les équations de loyers hédoniques indiquent en effet qu'avec trois ou quatre caractéristiques hédoniques en dessous de la moyenne (mauvaise insonorisation, rez-­‐de-­‐chaussée, proximité d'un axe routier ou d'une nuisance quelconque), il est très facile d'être à 20% en dessous des autres loyers : le loyer offert est donc au prix du marché mais dans une gamme de qualité inférieure d’au moins 20% aux autres logements ce qui relève du même défaut souligné dans le paragraphe précédent. 29 Encadré -­‐ 6
: L’encadrement des loyers La réglementation du marché locatif est un sujet complexe tant d’un point de vue juridique qu’économique. En effet, la grande diversité des réglementations nationales rend toute comparaison délicate. Toutefois, la recherche a progressivement établi quelques conclusions. Une typologie a été établie et distingue trois générations de dispositifs d’encadrement des loyers : -­‐
Les contrôles de première génération qui correspondent au gel des loyers tel que le prévoyait la loi de 1948. -­‐
Les contrôles de seconde génération qui encadrent l’évolution du loyer entre les baux, un changement de locataire ne permettant pas au propriétaire de réévaluer son loyer à un niveau supérieur à l ‘IRL. Le décret de juillet 2012 appliqué dans les zones tendues s’inscrit dans cette ligne. -­‐
Les contrôles de troisième génération qui correspondent au dispositif actuel, dans lequel l’évolution du loyer est encadrée pendant la durée du bail alors qu’il peut être fixé librement lors de l‘arrivée d’un nouveau locataire. Le dispositif prévu par le projet de loi ALUR (accès au logement et un urbanisme rénové) correspond essentiellement au passage d’un contrôle de troisième génération à un contrôle de deuxième génération. Les contrôles de troisième génération ont été principalement l’objet de modélisations théoriques suggérant qu’ils pourraient conduire à augmenter le niveau des loyers et favoriseraient les locataires les moins mobiles. En revanche, les impacts des dispositifs de seconde génération oscilleraient entre ceux des contrôles de première et de troisième génération. Par exemple, si certains modèles prédisent qu’un contrôle des loyers pourrait modérer le pouvoir de marché des propriétaires dans le cadre d’un marché oligopolistique ou améliorer la qualité du parc, d’autres pointent de nombreux effets néfastes. Par exemple, on peut s’attendre à une réduction de la mobilité au sein du parc, une dégradation de la qualité des logements et une contraction de l’offre. Des inégalités entre les ménages logés dans ce parc par et ceux recherchant un logement pourraient émerger et la qualité des appariements pourrait baisser avec la mobilité. On assiste souvent au versement illégal de « droits d’entrée » lors de la location d’un logement sur les marchés contrôlés. Enfin, de nombreux modèles suggèrent que la coexistence d’un parc contrôlé avec un parc libre augmenterait le taux d’effort des locataires du secteur libre. La littérature empirique sur les modèles de première et deuxième génération tend à confirmer ces prédictions théoriques : -­‐
Des études ont établi à plusieurs reprises que l’existence d’un secteur contrôlé pouvait augmenter le taux d’effort des locataires (Caudill :1993 ; Early & Phelps : 1999) -­‐
Les bénéfices liés au contrôle des loyers sont souvent répartis de manière inéquitable au sein de la population et favorisent un petit groupe au détriment du plus grand nombre (Caudill : 1993) -­‐
Les locataires des secteurs contrôlés sont beaucoup moins mobiles (Sims : 2007) ce qui peut avoir des répercussions sur la durée de leurs périodes de chômage (Krol & Svorny : 2006) -­‐
Une étude de l’OCDE met en avant également les effets négatifs des contrôles des loyers sur l’offre en montrant qu’ils sont souvent associés à une moindre qualité des logements et une diminution de l’offre caractérisée par le fait que les locataires y manquent souvent d’espace. (Johannson : 2011). Sims suggère également que les dispositifs de contrôle des loyers incitent les propriétaires à retirer leurs biens du marché. Il semble donc que les dispositifs d’encadrement des loyers puissent réduire considérablement le bon développement du marché locatif. En effet, lors de la mise en place de tels dispositifs il est nécessaire de prendre en compte les ajustements des propriétaires qui peuvent être très réactifs comme le montre l’étude de l’OLAP sur l’impact des dispositifs Perissol, Besson et Robien. 30 Corrélation entre la part de locataires connaissant des problèmes de fuites et le contrôle des loyers (graphique A) et corrélation entre la part des locataires déclarant manquer d’espace et le contrôle des loyers (graphique B) (Source : OECD (2011), Housing and the economy : Policies for renovation, in Economic Policy reforms 2011, Part II, Chapter 4) 31 Encadré -­‐ 7
: L’encadrement des loyers, comparaison France-­‐Allemagne Le dispositif d’encadrement des loyers dans les zones tendues du projet de loi ALUR est souvent présenté comme une émanation des « miroirs des loyers »mis en place outre Rhin. Or les deux dispositifs apparaissent très distants et plusieurs éléments permettent de relativiser cette parenté. I-­‐
Deux logiques très distinctes A-­‐ Les observatoires allemands visaient davantage à modérer les hausses de loyers La loi ALUR vise à modérer le niveau des loyers des zones tendues en baissant ceux supérieurs au loyer médian majoré de référence. En Allemagne, le dispositif d’encadrement des loyers ayant amené à la création des observatoires reposait davantage sur le souhait de « modérer les augmentations de loyers en cours de bail afin de mettre fin aux résiliations motivées par des hausses insupportables pour les locataires » (ANIL : 2011). On voit donc que les origines des deux systèmes s’inscrivent dans des logiques totalement différentes. Le système allemand, à l’image de l’IRL, visait la modération des augmentations des loyers en cours de bail alors que la loi ALUR souhaite modérer le niveau des loyers existants et à venir. B-­‐ Des recours à l’encadrement limités en Allemagne La loi ALUR prévoit que si le niveau du loyer négocié est supérieur de 20% au loyer médian, le locataire peut contester le niveau de loyer. Ce dispositif est voué à être également appliqué lors du renouvellement des baux existants afin de resserrer les loyers autour du loyer médian. Un locataire peut contester le fait que son loyer dépasse le plafond sous trois mois sans justifier des raisons qui l’ont poussé à signer le contrat. En Allemagne, la loi autorise la contestation du loyer par le locataire s’il est usuraire (20% supérieur à celui d’un logement similaire) uniquement si ce dernier peut prouver qu’il s’agissait du seul logement disponible au moment de la signature du bail (ANIL : 2011). II-­‐
Des dispositifs très éloignés dans la pratique et développés dans des marchés aux problématiques différentes A-­‐ Des observatoires allemands décentralisés issus des négociations entre propriétaires et locataires dont les méthodologies varient La législation allemande ne fait pas explicitement référence aux observatoires des loyers mais à la possibilité de recourir à des banques de données, un expert ou des références de loyers de logements comparables. Les observatoires ont été développés à l’initiative des associations de propriétaires et de locataires afin de déterminer des références juridiquement opposables lors des contentieux. Les Mietspiegeln ne sont pas l’unique recours des justiciables mais la coopération des associations de propriétaires et de locataires a permis leur bon développement. L’ANIL recense deux grandes familles de miroirs : -­‐ Les miroirs négociés qui résultent des tractations entre les associations de propriétaires et de locataires -­‐ Les miroirs « qualifiés » basés sur des analyses statistiques plus rigoureuses Toutefois, il semble qu’il existe autant de pratiques différentes que de miroirs. En effet, les méthodologies et négociations varient entre les villes. Par exemple, si certains se basent sur l’ensemble du parc, d’autres ne prennent que les loyers de relocation. Le dispositif allemand mis en place d’un commun accord par les associations de propriétaires et de locataires 32 au niveau local semble donc éloigné du dispositif vertical prévu par le projet de loi français. B-­‐ Une caractérisation des logements basée sur des critères beaucoup plus fins En Allemagne, la comparabilité des logements est souvent basée sur une multitude de caractéristiques hédoniques (localisation, nombre de pièces, chauffage, équipement, année de construction, étage,… ). En revanche le dispositif présenté dans l’étude d’impact de la loi ALUR ne se base que sur deux critères : des zones assez vastes (7 pour l’ensemble de l’agglomération parisienne) et le nombre de pièces. C-­‐ Des problématiques différentes entre les deux marchés Les problématiques rencontrées sur les marchés locatifs français et allemands semblent être relativement éloignées. En effet, la multipolarité du système urbain allemand a permis de modérer les tensions dans les villes alors que la France présente certain nombre d’agglomérations extrêmement tendues. Ainsi, les zones où les loyers sont relativement élevés telles que Cologne ou Munich sont à des niveaux bien inférieurs à ceux de l’agglomération parisienne. De manière générale, l’Allemagne n’a pas connu la hausse des prix de l’immobilier visible dans un certain nombre de pays au cours de la dernière décennie et les propriétaires semblent être davantage préoccupés par l’éventuel départ de leurs locataires que par les impayés (ANIL : 2011). Comment se passer des agences immobilières ? Les intermédiaires de marché rendent un service en mettant en face en face des offreurs et des demandeurs. Pour cela, ils exigent une rétribution de chaque côté du marché. Pour le marché de la location, les agences se rémunèrent en une commission exprimée en % du loyer, ce qui diminue d’autant la rentabilité locative et augmente à l’équilibre le loyer et par des frais d’agence qui sont payés par le locataire à l’entrée dans les lieux et qui représente pas loin d’un mois de loyer. La loi ALUR supprime la possibilité pour les agences de facturer des frais d’agence au locataire. En compensation, elles vont sans doute relever leur commission sur loyer. Si l’on pouvait se passer des intermédiaires sur le marché locatif, les loyers à l’équilibre baisseraient. Internet permet déjà de se passer des intermédiaires pour la phase de recherche et rencontre du locataire et du bailleur. Il reste la phase de gestion du contrat de bail. Plus celui-­‐ci est compliqué, plus les contestations sont grandes de la part du locataire et plus cela force implicitement le propriétaire à vouloir faire gérer le contrat de bail par une agence. La loi ALUR en introduisant ce plafonnement du loyer et toutes les contestations avenantes rendra de fait encore plus nécessaire l’agence immobilière aux yeux d’un bailleur potentiel. Un des avantages d’une flexi-­‐sécurité sur le marché locatif du logement est de permettre au propriétaire de se passer d’une agence pour gérer le contrat de location. Or, un des effets induits de la flexi-­‐sécurité logement que nous prônons ici est faire baisser les prix de marché via une moins grande nécessité de passer par des agences, l’un des objectifs centraux de la loi ALUR. Conclusion partielle Pour résumer, il nous semble qu'il y a dans la législation actuelle du droit au logement des lenteurs et des complexités qui favorisent la frilosité des propriétaires-­‐bailleurs vis-­‐à-­‐vis des locataires, et qu'un compromis politique consisterait à renforcer l'application de la loi DALO en contrepartie d'un allègement des procédures de rupture de bail. L'enjeu est ici de construire l'analogue de la flexi-­‐
sécurité de l'emploi (protéger les individus, pas nécessairement les emplois) adaptée au logement, 33 en protégeant véritablement les locataires de bonne foi en situation précaire mais sans nécessairement protéger les baux existants, qui sont de facto déjà particulièrement aidés par les dispositifs actuels (APL et autres aides aux locataires, défiscalisation des investissements locatifs). Enfin les blocages de prix directs ou incitatifs impliquent plus d’effets indésirables que de gains de moyen terme. III APPLICATION DES PRINCIPES A L’ANALYSE DU SECTEUR LOCATIF SOCIAL Le fonctionnement actuel du marché locatif privé est déjà marqué par une certaine complexité et demain encore plus qu’aujourd’hui. Le fonctionnement du secteur HLM le dépasse cependant très largement en complexité, et il nous parait important d’apporter d’abord un éclairage sous forme de bilan avant d’examiner les multiples problèmes auxquels il fait face et de proposer des esquisses de solutions. Des éléments de constat : les ambiguïtés du secteur HLM Deux grands réseaux décentralisés Ce qui frappe en tout premier lieu, c’est l’étonnant foisonnement des structures. L’USH, l’Union sociale pour l’habitat regroupe 760 organismes HLM dont la compétence territoriale est celle d’un département au mieux. Certes, les marchés immobiliers sont des marchés locaux, et l’on comprendrait qu’il y ait un organisme par unité ou aire urbaine, ce qui donnerait tout au plus 200 à 300 structures (avec des structures départementales pour les petites villes). Cette multiplication des organismes trouve son origine dans l’histoire du mouvement HLM. D’une part, dans l’entre-­‐deux guerres des maires ont pris conscience de l’insuffisance des conditions de logement de la classe ouvrière; d’autre part les industriels ont construit des logements pour leurs ouvriers. La résultante en est deux grands réseaux qui gèrent et produisent l’essentiel du parc HLM. Les collectivités locales, communes et départements sont à l’origine d’un premier grand réseau de droit public, la fédération des Offices publics d’HLM (OPH) au nombre de 272 qui gèrent 2,3 millions de logement avec 4,6 millions de personnes logées. Le second grand réseau, pratiquement de même taille (261 Entreprises sociales de l’habitat (ESH) qui gère 2,1 millions de logement avec 4,5 millions de personnes logées), est de droit privé (société anonyme à but non lucratif) tout en étant proche du milieu économique privé ou para-­‐public. A cela s'ajoutent 250 structures, dont des coopératives, qui ne gèrent qu’une part résiduelle du parc. Ces deux types d’organismes sont soumises aux mêmes règles s’agissant des conditions d’attribution et peuvent accéder aux mêmes types de financement. L’existence de deux réseaux peut bien évidemment être une source de saine émulation et peut permettre d’effectuer des comparaisons utiles sur les performances de la gestion publique (municipale) et la gestion privée. Une cible large pour l’accès au parc social Une complexité et une difficulté pour le secteur provient également des buts affichés pour la politique du logement social. Si l’on suit la théorie économique standard, il semble naturel de réserver le logement social aux personnes qui ne peuvent accéder à un logement décent dans le parc privé. En fait les plafonds de revenu pour l’accessibilité en HLM sont tels que 64% des ménages sont théoriquement éligibles au parc social. La fixation d’un plafond de ressources élevé s’explique 34 historiquement au regard du retard dramatique qu’avait prise la France en termes de logement à la suite de deux guerres mondiales et d’une crise économique majeure. Le secteur public a comblé le déficit et permis de loger les classes populaires et les classes moyennes à peu de frais en un temps record dans des logements dont le confort était inconnu à cette date. Les enjeux sont différents en 2013 et l’accent mis sur le logement social pour loger près des deux tiers des français mérite d’être réinterrogé. Sur le plan normatif, la défense d’une telle cible se réfère généralement à un objectif de mixité sociale. Cet argument n’est pleinement valable que si le logement social n’est pas intégré à la ville et est organisé en vase clos. S’il est disséminé dans la ville, le véritable enjeu est la mixité à l’échelle des quartiers, en particulier à l’échelon des districts de la carte scolaire. Bien évidemment, si cette condition est remplie, on peut vouloir décliner cet objectif de mixité également à l’échelon de l’immeuble (voir Encadré 4 les travaux de Goux et Maurin). Sur un plan d’économie politique, deux arguments peuvent être invoqués. Le premier résulte du mode du financement du logement social en France qui repose en très grande partie sur les prêts bonifiés qu’accordent la CDC à partir du fond d’épargne constitué par les livrets A. Comme ce type de placement très liquide mais peu rémunérateur quoique détaxé est très populaire chez tous les ménages français, quelque soit leur niveau de richesse, il y a une certaine logique à leur laisser la possibilité théorique d’y accéder. La seconde raison toujours en termes d’économie politique est un résultat concernant le soutien à une politique redistributive dans un modèle d’électeur médian. Philippe De a montré qu’un tel soutien ne peut être acquis que si 2/3 des électeurs peuvent bénéficier de la politique redistributive. La politique du logement social et la politique de la famille par leur caractère généraliste illustre pleinement la portée empirique d’un tel résultat. En conséquence, une politique large d’accès repose sur un soutien politique puissant, alors même que seuls 14,5% des ménages français (source recensement 2010) bénéficie réellement d’un logement social alors que 64% pourraient prétendre à un logement social de type PLUS (USH : 2013). Enfin, les deux piliers de la construction de nouveaux logements sociaux reposent d’une part sur le fonds d’épargne de la CDC et ses prêts bonifiés qui représentent en moyenne 71 % du financement et d’autre part sur les fonds propres des organismes pour environ 20%. Les 10% de subventions des différentes collectivités publiques ne jouent plus qu’un rôle résiduel sur le plan financier, même si elles jouent un rôle d’effet de levier pour déclencher le prêt de la CDC et valent approbation de la part des autorités publiques. Le secteur du HLM a besoin pour construire et reconstruire -­‐ car une fraction non négligeable du parc est simplement obsolète en termes d’emplacement, d’apparence, ou de confort), il est nécessaire que le secteur puisse dégager une marge. Il est primordial que les loyers rentrent et donc que les revenus de ces locataires ne sont pas trop atteints par les aléas de l’économie. Une sélection des locataires sur une large gamme de revenus leur permet d’équilibrer leur bilan financier et donc la logique patrimoniale permet d’épauler (discrètement) l’objectif très largement affiché de mixité sociale. La logique patrimoniale rentre donc en conflit avec la logique sociale d’offrir un logement les plus démunis ce qui représente un dilemme indépassable pour les bailleurs sociaux et donc un conflit d’injonctions partiellement contradictoires. Plus on fixe des objectifs ambitieux aux bailleurs sociaux en termes de production HLM (par exemple 150 000 logements par an) et plus ils auront besoin d’un 35 taux de rentabilité élevé pour dégager un autofinancement rendant possible cet objectif et plus ils se feront tirer l’oreille pour accueillir dans leur parc les personnes les plus démunies. 36 Profil des ménages selon leurs revenus par unité de consommation dans le parc social selon les zones HLM Encadré -­‐ 8
L’étude de la distribution des ménages du parc social montre des profils de revenu très différents entre la province et l’Ile de France. En zone 1bis le parc social héberge une part considérable de ménages aux revenus aisés. On voit qu’il y a autant de ménages de l’avant dernier vingtiles que du 6e vingtile. En zone 1, si le parc social semble être délaissé par les ménages les plus aisés, les classes moyennes y sont encore très présentes par rapport à la Province. Ce phénomène est évoqué par Anne Laferrère qui l’explique en partie par un phénomène de filtration, les ménages dont le revenu augmente restent dans les logements sociaux de meilleur qualité et les mieux localisés (et donc, à l’instar de la zone 1bis, aux endroits où le différentiel entre loyer de marché et les loyer sociaux est le plus fort). Ce phénomène est aussi évoqué par Corentin Trévien qui souligne le fait que plus la subvention implicite sera élevée, plus longtemps le ménage restera dans son logement. Il semble donc que dans la zone centrale de l’agglomération parisienne, le droit au maintien dans les lieux permettant aux ménages les plus aisés de conserver leurs logements sociaux évince les ménages les plus pauvres dont la proportion dans le parc social reste limitée comparée à la place qu’ils y occupent en province. Il est possible qu’une partie du phénomène s’explique par le fait que le revenu médian en région parisienne soit globalement élevé ce qui n’explique toutefois pas pourquoi une partie des vingtiles supérieurs à la médiane sont davantage représentés que certains vingtiles inférieurs. 37 Encadré -­‐ 9
: Caractéristiques principales du parc social -­‐ Un taux d'impayé maîtrisé Selon le rapport remis en 2008 par Baietto-­‐Beysson et Béguin, le taux d’impayés est estimé à 4,4% dans le parc social (contre 1,4% dans le parc privé) (ENL : 2002). Toutefois en raison de différentes dispositions et d’une gestion préventive risque d’impayé et du loca-­‐pass garantie mis en place par Action logement et dont ont bénéficié environ ¼ des nouveaux ménages s’installant dans le parc social au cours de la dernière décennie, les conséquences financières pour leur compte d’exploitation sont limitées apparaissent limitées, 0,7% dans le secteur ESH, et 1,1% dans le secteur OPH. -­‐ Un taux de marge moyen conséquent Les organismes sont en moyenne (la moyenne masque évidemment une hétérogénéité) rentables ou très rentables. Prenons d’abord le réseau public des OPH. Pour un loyer de 100 en 2010, les annuités d’emprunt représentent 38, la TFPB (taxe foncière) 11, l’entretien 16, les dépenses de personnel 17, les dépenses de fonctionnement 8, ce qui laisse une marge autour de 10. Le réseau privé des ESH est encore peu plus rentable. Toujours pour un loyer de 100, il fait face à des charges de remboursement plus élevées de 45, mais il économise sur tous les autres postes du compte d’exploitation, la TFPB pour 9, l’entretien pour 13, les dépenses de personnel pour 14 (31 000 personnes contre 45 000 pour une taille comparable du réseau mais mieux payés et intéressés au résultat), 7 de dépense de fonctionnement ce qui laisse une marge de 12. Donc l’activité de production et de location HLM est une activité profitable. Dans les deux grands réseaux, les loyers pourraient être abaissés de 10%, s’il n’y avait le souci d’augmenter le parc et de le renouveler (Source : les Offices en 2010 et ESH Analyses & statistiques). Voir aussi annexe 1: exercice comptable. -­‐ Un taux de rotation de moins de 5% en Région Parisienne La troisième constatation porte sur les taux de rotation du parc vers l’extérieur. Les taux de rotations (Carte verte en annexe 2 pour ESH) sont au-­‐dessus de 10% (entre 10% et 15%) dans toutes les régions françaises sauf en IdF et en PACA, où ils sont en 2012 de 7,5% et 8,2%. Les taux de rotation sont plus faibles encore dans le parc des OPH (carte bleue en annexe 2 où l’on distingue le taux de rotation avec l’extérieur et le taux de rotation incluant les mouvements internes). En région parisienne le taux de rotation n’est que de 4,5% et il n’atteint que 5,3% en région PACA. Il faut attendre 20 ans pour que la population se renouvelle entièrement dans ces deux régions et on peut parler dans ces deux régions s’agissant des parcs d’office publics HLM de parcs quasiment immobiles. En Languedoc-­‐Roussillon (et en Corse !) la situation est aussi préoccupante (6,7%). Dans toutes les autres régions, le taux de rotation est entre 8% et 10% soit le double de la Région Parisienne ; pointant qu’il est fondamental de distinguer le problème de la Région Parisienne et sans doute PACA du reste de la France. -­‐ Un taux de vacance élevé dans certaines zones de province Il est assez intéressant de confronter ces taux de mobilité régionaux aux taux de vacance régionaux (Figures 3 et 4 en annexe 2). A première vue, on pourrait se dire qu’un taux de mobilité bas est un miroir opposé d’un faible taux de vacance. Les deux cartes suivantes confirment cette première impression mais d’autres phénomènes sont manifestement à l’œuvre. On retrouve les mêmes zones de bas taux de vacances en Région Parisienne, dans le Nord, la Bretagne l’Aquitaine et PACA. Les zones de fort taux de vacances sont l’Est et le Centre, territoires de la désindustrialisation. Mais chaque réseau a ses spécificités comme l’Alsace avec un fort taux de vacance pour les ESH mais un taux de vacance assez faible pour les OPH. -­‐ Des freins spécifiques à la construction en Ile de France dans le réseau OPH Le dernier indicateur porte sur le rythme de construction. Il semblerait aller de soi que la région parisienne, zone tendue par excellence, devrait faire l’objet de toutes les attentions en matière de constructions de nouveaux logements sociaux. Les deux réseaux n’ont visiblement pas la même stratégie, ou du moins, la résultante des forces décentralisées présentes dans chaque réseau pointe dans une direction différente. 38 La part de la construction neuve en région parisienne est plus faible dans le réseau OPH que dans le réseau ESH : 8 110 mises en chantier sur 36 000 au niveau national en 2010, soit 21 % alors que 15 000 logements ont été livrés neuf en 2012 sur 51 000 nationalement pour les ESH soit 30% du parc. Relativement à l’importance du parc que les deux réseaux possèdent en Ile de France, cela représente une croissance de 1,6% pour les OPH et de 2,3% pour les ESH. Le parc est plus petit pour les OPH (510 000 logements contre 647 000 logements) et il progresse moins vite. Diverses pistes de réflexion Nous commençons par poser des réponses qui n’ont pas reçues de réponses claires faute de clarification ou plutôt de hiérarchisation des objectifs assignés au logement social et proposons des solutions formalisées dans la Section V de cette note. Faut-­‐il encore construire du logement social ? La question peut paraître incongrue à la lumière de la longue file d’attente des personnes qui ont déposé une demande pour bénéficier du parc social et de la promesse présidentielle de construire 50% de logements sociaux en plus (Passer de 100 000 à 150 000) mais on ne peut l’éluder à la lumière de certains travaux qui tant aux Etats-­‐Unis qu’en France (Chapelle 2013) montrent que le logement social peut donner lieu à un effet d’éviction sur le parc privé. Ces effets d’éviction pourraient être de un pour un : un logement social supplémentaire étant compensé par un logement en moins dans le parc privé. A vrai dire, cette relation de long terme est assez vraisemblable. En effet du côté de la demande, si quelqu’un est logé dans le parc social, il n’apparait plus dans la demande à un logement locatif privé ou sur le marché de l’acquisition. Il faut cependant tenir compte que davantage de logement social peut inciter à dé-­‐cohabiter, attirer une clientèle migratoire, ou augmenter le désir d’avoir des enfants. Cela plaide pour une compensation imparfaite et donc un effet d'éviction inférieur à 1 si l'offre du parc privé réagit. Du côté de l’offre, la quantité de terre est fixe (en comptant la terre agricole et les espaces naturels) et là aussi un effet d’éviction peut se faire sentir via une plus grande difficulté d’accès au foncier se traduisant par une hausse des prix. L’effet d’éviction sur les capacités du secteur de la construction peut aussi se faire se manifester mais normalement cet effet ne peut qu’être transitoire car on peut penser que ce secteur travaille en rendements d’échelle constants. En revanche, dans le cas français tout du moins, l’argument d’effet d’éviction du côté des prêts peut être écarté quasiment complètement car les circuits de prêt sont assez fondamentalement étanches, avec d’un côté la CDC et de l’autre, le réseau bancaire. Il n’est pas très facile de savoir si cet effet d’éviction est plus important en zone tendue qu’en zone détendue. L’argument foncier joue dans le sens d’un effet d’éviction plus fort pour les zones tendues puisque la tension s’exprime principalement sur le foncier. L’argument d’une demande induite par l’offre penche dans le sens contraire car c’est en zone tendue qu’il est le plus pertinent. En tout état de cause, et compte tenu de l'effet d'éviction détaillé ci-­‐dessus, il semble que poursuivre une politique de construction de logements sociaux dans le seul but de corriger un déficit de construction immobilière n'est pas un objectif souhaitable. De fait, la véritable raison d’être de construire du logement social est d’abord d’offrir une alternative décente à ceux qui n’ont pas les moyens de se loger dans le parc privé et ensuite de peser sur les prix 39 de l’immobilier pour les classes populaires et moyennes de manière à leur permettre de diminuer leur dépenses en logement. Si le premier objectif est facile à atteindre grâce aux aides et aux prêts bonifiés, le second est probablement irréaliste. En effet, s'il est possible de diminuer les loyers pour ceux qui bénéficient du logement social. Il est très probable que cela conduit à un effet de débordement, c'est-­‐à-­‐dire que cela affecte les ménages qui ne bénéficient pas de logement social. A court terme, l'effet est favorable: si des personnes quittent le marché privé pour aller se loger dans le parc social, cela libère des places dans le parc privé avec pour conséquence une diminution des loyers, si les logements libérés sont d’une qualité suffisante. Mais la contrepartie de cette diminution de rentabilité pour les propriétaires privés est de diminuer à terme l'investissement dans l’immobilier locatif à long terme, entrainant une raréfaction de l’offre et un retour à la situation antérieure. Au total, s’il est clair que l’investissement dans le parc social va bénéficier à ceux qui auront la chance d’y demeurer, les effets sur le bien-­‐être des locataires du parc privé sont plus incertains, surtout si l’on tient compte des impôts acquittés, qui financent les subventions au logement et le faible rendement du livret A. L’investissement dans le logement social engendre donc des gains de bien-­‐
être social liés à une égalisation des conditions de vie, s’il est bien ciblé sur les plus pauvres mais les gains en termes d’efficience pure méritent encore d’être démontrés. Les travaux d’Olsen aux Etats-­‐
Unis jettent un doute sur cet aspect (Voir note d’analyse du CAS n°264). L’efficience serait avérée si l’on apportait la preuve que les bailleurs sociaux sont capables de produire et de gérer du logement locatif à moindre coût. Le taux de rendement réel des capitaux propres exigé de fait par les bailleurs sociaux semble plus faible que celui par le marché : de l’ordre de 0,5% (on rapporte la marge sur loyers de 10% aux 20% de fonds propres investis dans un capital estimé à 30 fois le loyer annuel) au lieu du taux de rendement brut de 4,5 % exigés par les propriétaires privés. Ce moindre rendement de la part des bailleurs sociaux est la caractéristique dont on est sûr qu’elle bénéficie aux locataires du parc social sans qu’elle ne coûte rien aux autres acteurs. En revanche, il faut s'assurer que cela n’est pas compensé par une moins grande efficacité technique et gestionnaire. Les évidences empiriques du côté des partenariats publics privés montrent qu’il ne faut exclure aucune hypothèse, y compris une plus grande efficacité du côté du public. Une manière de procéder est de mettre en concurrence structures sociales et privées pour fournir et gérer l’accroissement du parc. Ces développements amènent tout naturellement aux deux propositions suivantes. Il convient donc de construire des logements sociaux pour les plus démunis sur les ressources propres des organismes. La loi ALUR dans son chapitre 5 établit clairement la responsabilité des bailleurs sociaux vis-­‐à-­‐vis du DALO. Bien évidemment, il ne peut être question de vouloir équilibrer une opération destinée à loger les plus démunis. C’est donc essentiellement sur leurs ressources propres que les organismes doivent puiser pour arriver à financer ces dépenses nouvelles. A cet égard, les bailleurs sociaux, dans leur ensemble, ont les capacités de financer de nouveaux foyers ou logements au regard de la marge dégagée chaque année (2 milliards d’€) et de la confortable trésorerie (10 Milliards). C’est une responsabilité de l’ensemble du réseau et il leur appartient de trouver un moyen pour faire contribuer l’ensemble des affiliés d’une manière équitable et solidaire à l’effort d’ensemble qui peut être plus ou accentué suivant les territoires. Un tel effort de la part des bailleurs sociaux permettra sur plusieurs années de sortir des situations baroques voir absurdes (hébergement hôtelier) qui font la une des journaux et qui coûtent très cher à l’Etat. 40 Le corollaire d’un tel effort est que les bailleurs sociaux auront moins de moyens à consacrer au second objectif du logement social qui est de permettre de loger les classes populaires et moyennes à moindre coût. Pour compenser cette perte de moyens, il faut rechercher d’une part la plus grande efficacité, et essayer d’attirer les énergies et les capitaux privés. Comment construire et gérer pour les classes populaires et moyennes ? Il faut rechercher la plus grande efficacité par la mise en concurrence structures privées et organismes HLM pour la production de logements neufs en particulier en zone tendue La grande différence avec le cas précédent est que le locataire a des revenus et qu’il peut faire face à un loyer plus ou moins modeste sauf en période de stress financier du à un problème de santé, d’emploi ou de désordre familial. Donc en étant patient et en bénéficiant de conditions de prêt avantageuses de la CDC, il est possible d’équilibrer de telles opérations, ce qui n’était pas le cas pour l’hébergement des plus démunis. Plaçons nous dans le cas où une collectivité territoriale veut faire un programme de logements sociaux (répartition PLUS, PLS, PLI) sur un terrain donné avec des loyers de sortie qui sont fixés et des règles de revalorisation du droit commun. Elle ouvre un appel d’offres où tout promoteur, constructeur privé, réseau, bailleur social de la France entière ou tout partenariat de ces différentes structures peut concourir pour produire et gérer (aux conditions de loyer précisés dans l’appel d’offre sur la durée d’amortissement (40 ans ou 50 ans)) le programme de logement à la suite duquel l’immeuble pourra changer de statut, être vendu ou devenir un élément du parc locatif privé. Chaque participant à l’appel d’offres pourra bénéficier des prêts de la CDC pour la totalité du programme mais aucun financement d’une collectivité publique n’est prévu dans le premier appel d’offres. Si le premier appel d'offre est infructueux, un second appel est lancé avec des loyers plus élevés ou une durée d'amortissement plus longue; il est aussi possible d'accorder une subvention pour l’achat du terrain. Si la collectivité locale n’a pas financé le projet de construction, les logements ne sont (obligatoirement) sociaux que pour la durée d’amortissement du prêt de la CDC. C’est la règle de fonctionnement adoptée en Allemagne: le bien reste à usage social tant que les prêts bonifiés n’ont pas été amortis. A l'issue de la période de remboursement, le bien peut changer de statut d’occupation pour augmenter le parc privé (locatif ou acquisition). L’idée de ce dispositif est d’attirer les fonds du secteur privé qui se rémunérera sur la valeur de sortie du bien, sans mobiliser des fonds publics autres que le coût d'opportunité des encours de crédit de la CDC. Cela peut attirer également des investisseurs de long terme dans ce secteur ; il est enfin souhaitable qu’on ne conçoive pas un immeuble comme figé dans le même statut d’occupation de toute éternité: la gestion patrimoniale de ce bien prendrait du reste en compte sa valeur de revente à l'issue de la période. Si en revanche la collectivité locale a été obligée de financer en partie l'investissement et que le logement à l’issue de la période d’amortissement devient un logement privé, le propriétaire se doit de verser une compensation sous la forme d’un loyer correspondant à la rémunération des capitaux engagés à la collectivité locale au début du projet, ou alors il peut racheter la participation de la commune à ce qui s’identifie à un capital. 41 Où construire ? Conflit entre l’objectif de mixité sociale partout en France et corriger le déficit en zone tendue C’est sans doute l’une des questions les plus difficiles à résoudre du fait de l’héritage de deux déséquilibres qui sont longs et couteux à résorber, d’une part une répartition du logement social trop concentrée dans chaque agglomération, d’autre part un déficit de construction de logements sociaux en Île-­‐de-­‐France. Dans toute la France et donc aussi en Région Parisienne, la construction de logements sociaux s’est fait rapidement de 1950 à 1975 dans le cas de zone à aménagement concerté (ZAC), avec l’inconvénient d’une très grande concentration dans l’espace urbain. Une partie des ressources des bailleurs sociaux est du reste désormais consacrée à corriger cette mauvaise répartition dans la ville en détruisant des logements dans les anciennes ZAC pour les répartir vers les centre-­‐villes. Cet objectif est fondamental pour parvenir à une véritable égalité des chances scolaires. Si l’on concentre les ménages pauvres dans des quartiers bien définis, on amenuise assez considérablement les chances des enfants issus de ces milieux de maitriser les savoirs fondamentaux et de participer convenablement à la compétition scolaire. Il n’existe que 3 solutions pour égaliser les chances scolaires, disséminer les ménages défavorisés dans l’ensemble du tissu urbain, répartir les enfants des milieux défavorisés dans l’ensemble des écoles (busing) ce qui n’est pas sans imposer des coûts aux enfants, ou augmenter les moyens (réduire la taille des classes) dans les écoles correspondant aux quartiers défavorisés. La première solution est de loin préférable, car elle permet de résoudre les problèmes d’effets de pair à la fois à l’école et au lieu d’habitation. Enfin, afin de véritablement augmenter la mixité sociale au sein des agglomérations, il convient de réexaminer la logique d'intervention. Là comme ailleurs, ce raisonnement plaide pour adopter une approche à l’échelle de l’agglomération et donc à l’échelle de l’intercommunalité qui, devenant compétente pour tout question de PLU et de permis de construire et donc l’urbanisme et logement (voir les propositions en ce domaine Trannoy et Wasmer CAE note n°2) aurait en charge cette politique de dissémination du logement social dans l’espace couvert par l’intercommunalité. L’objectif assigné par la puissance publique dans le domaine du logement social serait d’abaisser cet indicateur de ségrégation (moyenne et variance) à stock de logements sociaux donnés ou à pourcentage de logements sociaux donné par un redéploiement dans l’espace urbain. Les instruments incitatifs à la disposition de l’Etat sont de deux sortes. D’une part, les aides à la pierre dans le domaine du logement social ne seraient réservées qu’aux intercommunalités présentant un programme de démolition, vente et construction de logements sociaux permettant d’abaisser ces indicateurs de ségrégation. Cet outil semble déjà puissamment incitatif, car un programme qui ne reçoit pas de financement de la part de l’Etat est condamné, vue la politique de la CDC qui demande toujours un engagement de l’Etat valant approbation du programme. D’autre part, ce programme de mixité sociale pourrait être aussi encouragé par l’introduction de logements privés dans les anciennes ZAC. Le mouvement doit aller dans les deux sens, et là, des modulations en plus ou en moins de la dotation globale de fonctionnement en fonction de l’encouragement donné par l’intercommunalité au secteur privé d’aller construire dans d’anciennes zones exclusives du logement social devraient être envisagés. 42 L’article 55 de la loi SRU n’est qu’un outil indirect et trop large par rapport à cet objectif de mixité sociale. De plus son efficacité, jusqu’ici, a été faible. Bono et Trannoy (2012) l’ont chiffré à un très faible gain (quelques dixièmes de % de taux de logement social dans les communes ayant moins de 20% de logements sociaux). Le renforcement des pénalités dans la loi du 18 Janvier 2013 devrait ne pas avoir d'effet massif, dans la mesure où le pourcentage maximal que représentent les pénalités dans le budget de la commune ne représente que toujours 5%. Quant au relèvement de l’objectif de 20 à 25%, il ne peut être interprété dans un objectif de mixité. Il vise simplement à augmenter en soi la production de logements sociaux. De fait, il conviendrait remplacer l’article 55 de la loi SRU par un objectif de mixité sociale à l’échelon de l’intercommunalité apprécié par un indice de ségrégation spatiale (voir encadré 8). Encadré -­‐ 10
: Deux indicateurs simples de ségrégation spatiale L’objectif de l’article 55 de la loi SRU d’un minimum de 20% et maintenant 25% de logements sociaux dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants décline cet objectif à l’échelle communale. C’est une manière indirecte de procéder qui ne peut atteindre sa cible que si le maillage communal est suffisamment fin. Alors, ségrégation communale rythme avec ségrégation spatiale mais dans des agglomérations avec une grande commune-­‐centre, comme à Marseille, il peut y avoir ségrégation spatiale à l’intérieur d’une ville alors que la ville atteint 20% de logements sociaux. D’une manière générale, il est possible que chaque commune atteigne l’objectif de 20% de logements sociaux de la loi SRU, alors même que la ségrégation spatiale est totale, tous les ménages pauvres vivent ensemble. Une illustration est apportée par la figure ci-­‐dessous où le taux de logement social peut être équivalent dans les deux communes, alors que le logement social est complétement concentré dans une seule zone à l’échelle de la ville formée par les deux communes A et B Commune B Commune A Logement social Figure : Ségrégation spatiale et loi SRU Il est facile de construire un indice de ségrégation qui soit en phase avec le sentiment visuel d’une parfaite ségrégation. Si l’on divise les logements en deux catégories, sociaux et non sociaux, il suffit de calculer la probabilité moyenne que le logement social ait dans son entourage immédiat (on peut paramétrer l’exercice en considérant un rayon de taille croissante, 50, 100, 200 mètres) des logements sociaux. Si les logements sociaux sont parfaitement disséminés dans la ville, cette probabilité moyenne est proche de la part des logements sociaux dans la ville. L’indice de ségrégation le plus simple que l’on puisse à calculer mais qui suffit à orienter la politique publique dans ce domaine est de rapporter cette probabilité moyenne à cette part des logements sociaux. On obtient un indicateur compris entre 0 et 1 qui diminue avec la ségrégation. Bien sûr, il est possible d’affiner le diagnostic en considérant également la variance de cet indicateur qui indique la dispersion de cet indicateur dans la ville. Plus elle est faible et mieux c’est pour une même valeur de l’indice. 43 Cela nous amène directement à la seconde question qui est de savoir comment combler les déficits de logements sociaux dans les zones déficitaires et à nous interroger sur une politique qui fixe le même objectif de logements sociaux quelque soit l’agglomération. Or les zones urbaines ne sont pas toutes en demande de logement social. Un nombre appréciable de zones ont des taux de logements sociaux vacants importants (voir carte). L’Etat poursuit deux objectifs dans sa politique de logement social dans sa dimension purement quantitative : 1) construire des logements très sociaux pour loger les familles pauvres 2) Loger une fraction des classes moyenne et populaire. Il appartient à l’Etat de fixer le curseur entre ces deux objectifs et de répartir les enveloppes destinées à la réalisation de ces deux objectifs. Une fois fixé le montant des deux enveloppes, il reste à allouer leur montant en fonction des différentes demandes qui remontent du local. Il nous semble que le pilotage se fait très largement par la demande, ce qui est logique, vue la façon dont est construite le plan de financement de nouveaux logements sociaux. Nous proposons des indicateurs simples du degré de priorité ou d’urgence pour chacun de ces deux objectifs. L’idée directrice qui guide la construction de ces indicateurs est d’arriver à obtenir une absence d’opportunité d’arbitrage entre les différents territoires, un territoire étant défini par une agglomération ou unité urbaine. Un ménage pauvre ne doit pas avoir plus de chance d’obtenir un logement très social dans un territoire que dans un autre. Et de même pour un ménage de la classe moyenne pour un logement intermédiaire. Cette équité spatiale ne peut être établie qu’en construisant pour chaque objectif un indicateur de tension entre besoin et stock de logement sociaux. L’indicateur serait construit comme l’indicateur de besoin sur le stock. 44 Il faut donc affecter les moyens de l’Etat pour piloter la résorption des déficits les plus criants au moyen d’indicateurs de tension simples et non manipulables Pour l’objectif de logement des familles pauvres, le stock exprimé en % est la proportion de logements de type PLUS et PLAI par rapport au parc total de logement dans l’agglomération ou l’aire urbaine. Nous proposons de prendre comme indicateur de besoin le taux de pauvreté dans l’agglomération ou l’aire urbaine. L’indicateur de tension est donc le ratio du taux de pauvreté sur le % de logements très sociaux. Les agglomérations ou aires urbaines sont classées en fonction du niveau de cet indicateur. Pour l’objectif de logement des familles populaires et moyennes, le stock exprimé en % est la proportion du parc locatif (social et privé) par rapport au parc total de logement dans l’agglomération ou l’aire urbaine. Nous appréhendons le besoin par la difficulté à trouver un logement dans le parc privé par les classes populaires soit en acquisition soit en location dans le parc privé. Cette difficulté est mesurée par le nombre de mois de revenu qu’un ménage de revenu imposable médian (médiane pour l’agglomération ou l’aire urbaine) doit consacrer pour acheter un m2. Les loyers dans le parc privé ne sont pas connus large échelle, mais nous savons que leurs niveaux sont très largement commandés par la valeur du prix au m2 en acquisition. Or, ceux-­‐ci sont connus dans les bases Notaires avec un degré de représentativité raisonnable au niveau de l’agglomération ou de l’aire urbaine. Les prix sont plus bien plus élevés à Paris qu’en province mais nous tenons compte au dénominateur du fait que les salaires et les revenus y sont également supérieurs de l’ordre de 30 à 40%. Cet indicateur de besoin est un indicateur de la difficulté à se loger dans le parc privé compte tenu des revenus dans la ville considérée. Là aussi, l’indicateur de tension est exprimé par le ratio de l’indicateur de besoin sur l’indicateur de stock. Ce deuxième indicateur a d’ailleurs tout son intérêt pour établir un zonage dans une politique d’encouragement au logement locatif dans le secteur privé. Ces deux indicateurs, taux de pauvreté et difficulté à accéder au parc privé, présentent plusieurs avantages pour piloter la politique du logement social dans sa dimension territoriale par rapport à la politique de zonage actuelle. D’une part, ce sont des indicateurs continus, ensuite ils ne sont pas manipulables par les acteurs locaux à l’échelon d’une agglomération ou aire urbaine, enfin ils peuvent enregistrer d’année en année les changements démographiques, économiques, migratoires, les chocs distributifs qui affectent un territoire et qui peuvent modifier les besoins en logement sociaux. Le rapport besoins sur stock définit deux indicateurs qui permettent de les classer et les moyens publics sont affectés en fonction du niveau ou du rang de classement. Ce type de procédure permet d’éviter les zonages dont la délimitation (ou l’évolution de celle-­‐ci) est souvent jugé peu transparent et les problèmes de frontière de zones due à une approche discrète du problème. Une fois établi des critères objectifs pour départager les différentes zones dans leur besoin de logement social, il ne fait pas de doute que la région parisienne apparaitra en tête de liste au moins pour le second critère. Un critère objectif ne résoudra pas le problème de fond : même s’il s’est accéléré depuis 2007, le rythme de construction reste bien en retrait d’un rattrapage de besoins en logements sociaux en région parisienne. Si le logement social était produit sur une base centralisée, il serait plus facile pour l’Etat de remédier à cet état de fait. Il organiserait un redéploiement des ressources financières des organismes HLM de province pour abonder les fonds propres des organismes franciliens. Nous ne plaidons pas pour une « nationalisation » des organismes HLM. Etre 45 prêt de la demande locale pour la servir au mieux et la gérer présente des avantages. On pourrait cependant plaider pour un fonctionnement plus fédéral de l’ensemble du système HLM, avec un système de péréquation qui permettent de redistribuer les ressources vers les zones qui en ont le plus besoin. Un premier système visant à prélever une part du potentiel financier des bailleurs ne mobilisant pas leur fonds propres afin de les rediriger vers les zones tendues a fonctionné depuis 2011. Ce système doit être remplacé par un fonds de mutualisation prévu par l'accord de Juillet 2013 entre l'Etat et l'USH. D'une part, les contributions des bailleurs sont calculées en fonction de leur contribution à la caisse de garantie du logement locatif social (CG2LS), les loyers perçus et le nombre de logements dont ils disposent. D'autre part, les aides attribuées aux bailleurs dépendront des logements neufs construits (un logement neuf en zone 1 et 1bis étant valorisé 3300 euros alors qu'un logement en zone 2 et 3 sera valorisé à hauteur de 1300 euros). Les bailleurs des zones détendues pourront également recevoir des aides à la restructuration pour la destruction du parc obsolète. Il est trop tôt pour apprécier le caractère véritablement redistributif d’un tel système de péréquation mais ici on avance clairement dans le bon sens. L'efficacité et la transparence de la gestion des HLM Une première piste consiste à examiner l'impact du fonds de mutualisation des organismes HLM Une autre possibilité dans une vision plus décentralisée est de favoriser l’investissement d’office HLM en dehors de leur territoire d’origine. Si les moyens manquent dans les organismes HLM de la région parisienne, il serait possible de faire appel à des organismes de province qui produiraient les constructions nouvelles et qui empocheraient les loyers, en passant ou pas un accord de gestion avec les organismes sur place. Ce dépaysement géographique des organismes HLM renvoie à la proposition d’ouvrir à la concurrence les marchés des nouvelles constructions en particulier en Ile de France. Non seulement le secteur privé peut être intéressé, mais de plus des organismes HLM de province particulièrement dynamiques et à rentabilité élevée peuvent y voir une occasion de s’y développer. Enfin, les règles d’affectation du logement social sont peu transparentes et perçues comme aléatoires voir entachées de favoritisme. Cette perception est le contraire de ce qui devrait être la vocation du logement social qui est d’aider les plus défavorisés du moment en sachant qu’il existe une certaine mobilité des carrières, certaines personnes ou ménages connaissent une mobilité ascendante au cours de leur carrière, alors que d’autres au contraire sont dans une trajectoire descendante. Les règles d’affectation et de gestion des loyers doivent permettre au logement social de jouer son rôle de filet de sécurité en matière de logement en favorisant une plus grande mobilité dans et vers l’extérieur du parc. Une solution est d'adopter la formule du guichet unique au niveau de l’intercommunalité, tous bailleurs confondus ; c'est ainsi que cela fonctionne à Rennes par exemple. La commission d’attribution réunit tous les bailleurs opérant dans le cadre spatial d’une intercommunalité. Cette proposition est en ligne avec notre proposition de la note précédente CAE Wasmer Trannoy de remonter les responsabilités en matière d’urbanisme et de logement au niveau de l’intercommunalité. Ensuite il faut être conscient que pour réaliser un bon appariement entre les demandeurs et les logements, il faut connaitre les préférences des deux parties qui interviennent dans l’appariement, à savoir, les demandeurs et les bailleurs (voir toute la théorie de l’appariement optimal Alvin Roth, 46 Gale et Shapley etc). C’est une condition nécessaire mais évidemment pas suffisante. Nos propositions visent à rendre plus explicite et plus transparent les préférences des deux côtés. Enfin, il est nécessaire de mieux connaitre les préférences des demandeurs. Les mécanismes à l’œuvre sur le territoire français sont divers mais les informations que doit apporter le demandeur portent essentiellement sur les caractéristiques du ménage et ses revenus. Il arrive souvent que lorsqu’on propose un logement social à un demandeur, il refuse et toute la procédure d’attribution s’en trouve retardée et alourdie. Le système expérimenté à Delft puis en Hollande et maintenant au Royaume-­‐Uni (Choice Based Lettings) depuis une vingtaine d’années consiste à porter à la connaissance des demandeurs une description des logements vacants avec leurs caractéristiques et le montant du loyer (type annonce immobilière). Les demandeurs doivent alors témoigner de leur intérêt pour au moins un logement pour que leur demande soit prise en considération. Si leur demande est acceptée, parce qu’ils sont jugés prioritaires, l’appariement est effectué et cela permet de diminuer le nombre d’allers et retours. Nous pensons qu’un tel système devrait être expérimenté avant d’être proposé à large échelle mais les résultats dans les autres pays indiquent un retour d’expérience très positif. Encadré -­‐ 11
Le Choice Based Letting Les Pays-­‐Bas et le Royaume Uni ont abandonné les dispositifs d’allocation administrative des logements sociaux pour mettre en place un système de « Choice Based Letting ». Ce système développé aux Pays-­‐Bas laisse aux locataires potentiels l’initiative de se porter candidats pour un logement vacant. En effet, lorsqu’un logement se libère, une annonce est publiée dans la presse locale et sur un site internet afin que l’ensemble des locataires potentiels puissent manifester leur intérêt pour ce bien. Une fois les candidats enregistrés, une sélection basée sur un système de points est opérée afin de choisir l’un d’entre eux. Ce système, adopté dans des pays où l’importance du parc social est similaire voire supérieure à celle du parc français, a rencontré un vif succès et présente de nombreux avantages. Tout d’abord, il permet de meilleurs appariements et augmente la satisfaction des locataires puisqu’il se base sur leurs choix et non sur des propositions arrivant au compte-­‐goutte. Par ailleurs, ce système plus participatif apparaît plus transparent aux yeux des demandeurs. De plus, il semblerait au Royaume Uni que ce système ait permis d’améliorer l’accès des populations vulnérables aux logements. Enfin, la flexibilité du système de point semble permettre de calibrer le dispositif afin de répondre aux différents objectifs qui peuvent être visés par le secteur. (CAS : 2011) Afin d'améliorer la transparence, il faut rendre plus explicite les choix des bailleurs à travers un système intermédiaire entre un système par points accompagné d'un quota de places discrétionnaire. Dans le système actuel, chaque financeur, Etat, collectivité locale, bailleurs a droit à un contingent (droits réservataires) en fonction de l’importance de la participation financière consentie pour construire tel ou tel logement social. Chaque financeur arrive avec sa liste de priorité, d’où un sentiment de grande opacité du système, puisque les règles de priorité peuvent varier d’un financeur à un autre. L’agglomération rennaise a expérimenté un système transparent par points avec formulaire unique à remplir et abandon de tout contingentement. Ce système nous semble trop rigide, car il nous semble difficile de hiérarchiser toutes les demandes, tant elles ressortent de 47 logiques différentes. Le système discrétionnaire est forcément opaque et fait naître des soupçons légitimes ou non. Nous proposons un système intermédiaire. Les motifs pour obtenir un logement social peuvent être de différentes natures. Nous en distinguons essentiellement trois. 1) Le manque de moyens financiers des demandeurs pour accéder au parc privé 2) Permettre au bailleur social d’avoir un bilan financier équilibré et donc accepter des locataires qui assureront la soutenabilité financière du système. 3) Le rapprochement ou la proximité à l’emploi ou la mobilité entre les bassins d’emploi constituent également un motif pour accepter des demandeurs de manière à améliorer l’appariement sur le marché du travail. Il nous semble qu’il est facile de se mettre d’accord sur la priorité à accorder aux demandes correspondant à chacun de ses trois critères. D’où la proposition d’établir un système par points pour chacun de ces critères. Le caractère rigide du classement ne nous semble pas poser de problèmes insurmontables. Par contre, établir un système par points qui pondère la note obtenue pour chacun de ses trois critères nous semble une opération intellectuellement difficile, car il s’agit de pondérer des éléments de nature trop différente. Nous proposons que la commission qui rassemble tous les parties prenantes (bailleurs et financeurs) au niveau de l’agglomération sous l’autorité du préfet délibère à chaque séance sur la part des logements sociaux vacants à attribuer selon chaque critère en fonction des contingences démographiques, migratoires, sociales et économiques et affiche cette répartition pour la séance d’attribution. Dans ce système, nous préconisons l’abandon des droits réservataires, qui, par leur rigidité introduit une complexité supplémentaire couteuse pour la bonne affectation des logements. Nous proposons qu’il reste un contingent d’environ 10% qui soit attribué pour des motifs autres (essentiellement de nature familiale, violences conjugales ou autres, désunions, etc.) que nous ne voyons pas bien hiérarchisés par un système de point. La prise en compte de la détresse humaine ne se laisse pas enfermer dans des chiffres, et là, la commission doit être libre de réagir à ces cas particuliers avec suffisamment de souplesse. Ainsi le demandeur aura exprimé une demande précise en termes de logements sociaux, il connaitra le nombre de points attribué en fonction de chaque critère, et le poids que chaque session a attribué à chaque critère. L’exigence de transparence et de clarté pour les demandeurs gagnerait grandement à l’adoption d’un tel système. De plus, les demandeurs qui ont vus leur demande aboutir seraient forcément satisfaits puisqu’ils entreraient dans l’appartement pour lesquels ils se sont positionnés Nous proposons qu’il soit expérimenté dans quelques agglomérations pilotes et qu’une étude d’impact ait lieu avant sa proposition de généralisation à l’ensemble des agglomérations du territoire. Nous imaginons également une procédure spécifique pour les logements sur lesquels personne ne s’est positionné après plusieurs sessions. Il s’agit d’organiser une enchère descendante en termes de loyer au niveau national, de manière à attirer des personnes d’autres territoires (via éventuellement 48 des associations qui les représenteraient au moment de l’enchère). Si ces enchères se révèlent infructueuses, alors il faudra se rendre à l’évidence d’une nécessaire destruction ou vente. Améliorer la mobilité dans le parc social qui doit être vu comme une situation transitoire La durée d’occupation d’un logement dans le parc social est proche d’une vingtaine d’années dans la région parisienne. L’écart des loyers est tellement considérable avec le parc privé que les ménages qui ont la chance d’y être admis trouvent la situation assez confortable. La règle générale est que le loyer est indépendamment de la situation du locataire (comme dans le parc privé) sauf quand le locataire a un revenu qui dépasse de 20% le plafond de ressources pour bénéficier d’un logement HLM. Nous proposons que ce surloyer soit appliqué dès que le plafond de ressources est dépassé et que, de plus, on tienne compte de la durée de détention. Il faut bien voir que l’avantage laissé aux uns organise la privation des autres. L’entrée dans le parc HLM est un jeu à somme nulle. La société française dans ce domaine comme dans d’autres organise un degré de priorité des insiders vis-­‐à-­‐vis des outsiders, qui est tout à fait contraire à l’équité. Les nouvelles générations comme les nouveaux arrivants sont dans la file d’attente en attendant que des places se libèrent. Ces rentes de situation altèrent l’image du logement social et nous proposons qu’au-­‐delà d’une durée d’occupation significative (10 ans par exemple), des surloyers soient appliqués en tenant compte bien évidement de l’âge des occupants et de leurs ressources. Cette proposition ne doit pas être détachée de celle de faire le logement social le réceptacle de la grande pauvreté. Le logement social est un bien rare, et si quelqu’un en a bénéficié pendant 10 ans, pour des raisons valables au départ, la société est en droit de lui signifier la rareté du bien et l’importance des autres demandes non satisfaites. Cette proposition ne vaut que pour les zones où la demande non satisfaite est importante. Cette question de l’équité de la répartition des bénéfices du logement social inspire également en partie notre proposition en matière de fiscalité. IV UNE FISCALITE NEUTRE FISCALEMENT ET REDISTRIBUTIVE Les politiques fiscales et de transferts sociaux doivent être vues comme des outils permettant d’atténuer les inégalités engendrées par des fonctionnements défectueux des marchés et les insuffisances des politiques publiques sectorielles comme celle concernant le logement social. Ce n’est qu’après avoir mis à jour les dysfonctionnements du marché locatif français et du secteur HLM que nous pouvions examiner comment la politique fiscale pourrait être optimisée dans une visée compensatrice. Nous faisons un bilan des aides au logement avant de détailler une proposition de réforme ambitieuse. Les aides au logement Les aides au logement sont un des principaux outils de redistribution en France (16 Mds € ; CGDD : 2012) tous secteurs confondus. Leur gestion est complexe et le mode de calcul (Encadré 7) est digne d’un rebus. Il existe deux grands types d’aide personnelle au logement : l’aide personnalisée au logement (APL) et l’allocation de logement (AL) dont l’AL familiale (ALF) et l’AL sociale (ALS). L’APL s’applique, quelles que soient les caractéristiques familiales ou d’âge des occupants, à un parc de logements déterminé, 49 comprenant : en accession, les logements financés en prêt aidé par l’État (PAP) ou en prêt conventionné (PC), dont les prêts à l’accession sociale (PAS) ; en secteur locatif, les logements ordinaires et les logements-­‐foyers ayant fait l’objet d’une convention entre l’État et le bailleur. L’ALF est essentiellement attribuée aux ménages ayant des personnes à charge (enfants, personnes âgées) qui n’habitent pas un parc de logements ouvrant droit à l’APL ; l’ALS est attribuée aux ménages qui n’ont droit ni à l’APL, ni à l’ALF. Mais la formule de calcul est la même pour toutes les allocations logement. Comme l’encadré 7 inspiré d’un document explicatif de 108 pages tente de le faire comprendre, le mode de calcul des APL s’inspire de principes redistributifs, puisque le revenu du ménage est partie intégrante du mode de calcul mais la composition familiale et la zone géographique jouent également un rôle. L’encadré 7 montre que le calcul des APL repose sur une formule complexe relativement peu transparente. On peut résumer son principe dans l’équation suivante pour un célibataire : !" = min (!∗ , !) − !(!∗ )! Où -­‐
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AL correspond au montant des aides versées L* correspond au montant du loyer plafonné qui dépend de la structure familiale et de la zone. L est le loyer effectivement acquitté Z est le revenu du foyer (Y) duquel est soustrait un pourcentage du RSA socle ! est le coefficient de participation qui varie non linéairement en fonction du loyer plafond (L*), de la structure familiale etc… La logique derrière cette formule n’apparaît pas clairement. Il est par exemple difficile de comprendre pourquoi le RSA socle est pris en compte. Si les dépenses autres que le logement sont aussi considérées comme incompressibles, toutes les dépenses sont incompressibles et l’aide spécifique à la dépense en logement doit laisser la place à un simple ajustement à la hausse du soutien de base aux bas revenus. La formule d’allocation logement est donc ambiguë entre une formule de subvention affectée et une subvention à visée redistributive globale, d’autant qu’une grande partie des locataires du parc privé atteignent le plafond de loyer (et donc l’aide est plafonnée) et revient à une allocation quasi-­‐forfaitaire. C’est moins vrai dans le parc social en raison d’un niveau moindre de loyers. Des études anciennes (Fack : 2011 ; Laferrère et Leblanc : 2002) suggéraient un effet inflationniste des aides. Des travaux en cours indiquent que ceci serait vrai à la fois dans le parc privé et le parc social, ce qui n’est pas complètement surprenant compte tenu du plafonnement plus important dans le parc privé. La conclusion qu’un choc de simplification et de cohérence quant au calcul des AL est nécessaire s’impose d’elle-­‐même. 50 Encadré -­‐ 12
: Le calcul des APL La présentation du mode de calcul des APL est la suivante (source : Ministère de l'Égalité des Territoires et du Logement, Éléments de calcul des aides personnelles au logement, Aide personnalisée au logement et allocation de logement à compter du 1er janvier 2012, 108 pages) : En secteur locatif hors foyers, les barèmes APL et AL sont identiques depuis le 1er janvier 2001. En secteur accession, il existe deux barèmes : l’un propre à l’AL et l’autre propre à l’APL. En secteur foyers, existent deux sous-­‐barèmes en APL : -­‐l’APL 1 foyer qui concerne la plupart des logements-­‐
foyers ; l’APL 2 foyer qui concerne les foyers de jeunes travailleurs (FJT) et les résidences sociales existants conventionnés sans travaux, à compter du 1er octobre 1990 pour les FJT et du 1er janvier 1995 pour les résidences sociales. En AL, la formule du barème foyer est identique à celle du barème AL accession, mais les redevances prises en compte diffèrent en fonction de la nature des foyers. SECTEUR LOCATIF : détail du calcul des APL Depuis la réforme intervenue le 1er janvier 2001, le montant de l’aide est obtenu par application de la même formule en AL et en APL APL=AL = L+C-­‐Pp où L est le loyer réel pris en compte dans la limite d’un plafond variable en fonction de trois zones géographiques et du nombre de personnes à charge, C est un forfait charges et Pp est la participation personnelle du ménage. Le montant du loyer plafond est modulé selon trois zones géographiques (I, II et III), et dépend de la composition du ménage : isolé, isolé en colocation, couples sans personne à charge, isolé ou couple avec enfants à charge. Il varie de 232 à 284 euros pour les personnes isolées selon la zone géographique, de 282 à 434 euros pour les couples sans enfants, de 316 à 288 euros pour les couples (ou parents isolés) avec un enfant, etc. jusqu'à 497 à 613 euros pour les couples (ou parents isolés) avec 5 enfants à charge, puis chaque enfant supplémentaire augmente le plafond de 45 à 56 euros, toujours selon la zone géographique. Le forfait charge est de 50 euros pour les personnes isolées ou couple sans enfants, de 60 euros pour les personnes avec un enfant à charge et chaque enfant augmente le forfait charge de dix euros. Le paramètre de participation personnelle est calculé comme : Pp=P0 +Tp*Rp où : -­‐ P0 représente la participation minimale et est égale à la plus élevée des deux valeurs suivantes : 8,5 % de la dépense de logement plafonnée (L + C) ou 33,80 euros ; -­‐ Tp représente le taux de participation personnelle exprimé en pourcentage Rp est égal à la différence entre les ressources du bénéficiaire (« assiette ressources ») et un montant forfaitaire R0. Rp ne peut être inférieur à zéro. R0 représente le montant forfaitaire déterminé de la façon suivante : R0=R1-­‐R2 où : R1 représente un pourcentage du montant minimum garanti (RSA socle) fixé en application de l’article L. 262-­‐2 du Code de l’action sociale et des familles. Ce pourcentage varie de 88 % (isolé) à 126 % (ménage sans enfants), 150.3 % (ménage avec un enfant), 180.3 % (ménage avec deux enfants), etc. 51 R2 représente un pourcentage de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF). Ce pourcentage débute à 32 % (ménage avec deux enfants) et chaque dépendant à charge y ajoute 41 %. Le pourcentage R1-­‐R2 est multiplié par 12, arrondi à l’euro le plus proche et affecté de l’abattement fiscal applicable aux salariés (10 %). Tp est calculé selon la formule suivante : Tp=Tf+TL TF représente un taux fonction de la taille du ménage : 2.83 % pour un isolé ; 3.15 % pour un ménage sans enfants, 2.70 % avec un enfant, 2.38 avec deux enfants, etc TL représente un taux complémentaire. Il est calculé à partir d'un ratio RL entre le loyer et le loyer de référence : RL=L / Loyer de référence. Ce loyer de référence, qui est égal au plafond de loyer de la zone II, est de 248.24 euros pour une personne seule, 303.85 euros pour un ménage sans personnes à charge, 341,95 avec une personne à charge, etc. Lorsque ce rapport, exprimé en pourcentage, est supérieur à 45 %, le taux complémentaire loyer TL est calculé par addition du résultat de l’application de deux taux fixés à : 0,45 % pour la tranche de RL entre 45 % et 75 % ; 0,68 % pour la tranche de RL au-­‐dessus de 75 %. TL exprimé en pourcentage est arrondi à la troisième décimale. Il doit être possible de faire plus simple tout en restant progressif et ciblé. Quatre objectifs pour les outils fiscaux et les aides En ce qui concerne le secteur du logement, tous les outils fiscaux (crédit d’impôt, déduction du revenu imposable) et les aides (AL) doivent tendre à poursuivre quatre objectifs : 1.
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Viser la neutralité fiscale entre propriétaires et locataires Viser l’équité parc social – parc locatif privé Rendre les aides les moins inflationnistes possibles Préparer le terrain pour une mise en cohérence des aides aux bas revenus. Nous les passons en revue à la suite. Neutralité fiscale entre propriétaires et locataires Le premier objectif est loin d’être atteint pour la résidence principale même dans un régime fiscal où le régime de plus-­‐values est indistinct par rapport à la classe d’actif possédé et où les intérêts d’emprunts n’ouvrent pas droit à une déduction d’impôt. À cet égard, il faut être conscient que l’impôt sur le revenu traite d’une manière plus favorable les propriétaires que les locataires, s’agissant de la résidence principale. Simplement, parce que le locataire qui place son épargne (équivalent de l’apport personnel augmentée de l’épargne constituée pendant la période équivalente à la durée de remboursement pour l’accédant) dans d’autres actifs que l’immobilier, par exemple des actions, va être taxé sur le revenu de celles-­‐ci. Des exercices de simulation indiquent qu’aux taux actuels de prélèvement sur les dividendes, la différence de traitement fiscal au titre de l’IR est substantielle. Un raisonnement d’équilibre général pourrait cependant invalider en partie la conclusion en soulignant que si une classe d’actifs est plus taxée, son taux de rendement avant impôt 52 doit augmenter d’autant en raison d’une condition d’absence d’opportunité d’arbitrage en termes de taux de rendement net après impôt entre les différentes classes d’actif. Toutefois, si le taux de rendement sur dividendes est fixé sur le marché international du capital, (les actions du CAC 40 sont détenues à 40 % par des non-­‐résidents) une hausse d’une taxe en France, un petit pays par rapport au marché mondial du capital, n’aura que peu d’impact sur la rémunération des actions et c’est le porteur français qui subira simplement une amputation de son taux de rendement net après impôt. Ainsi il n’est pas sûr que l’écart des taux de rendement vienne compenser l’écart de régime de taxation. Dans le cadre de cette note, ce qui nous importe n’est pas tant la conséquence pour le financement de l’économie5, que le fait que cette différence va biaiser le choix entre location et accession en faveur de la seconde. Si le taux de propriétaires était de 30 % comme en Suisse, cela ne porterait pas à conséquence. À 58 %, le biais est plus préoccupant dans un pays qui ne manque pas de rigidités par ailleurs. Équité parc social – parc locatif privé Le second objectif n’aurait pas lieu d’être si tous les ménages qui désiraient occuper un logement du parc social pouvaient arriver à leurs fins. L’appartenance au parc social pourrait alors relever d’un choix, et les écarts de loyers seraient en quelque sorte compensés par des écarts de caractéristiques hédoniques objectivées ou simplement ressenties. Ce n’est pas le cas dans les zones tendues, où les files d’attente pour accéder au parc social sont importantes, traduisant un phénomène de rationnement. Dans ces zones tendues, les personnes qui ont la chance d’être dans le parc social bénéficient d’un avantage par rapport à ceux qui sont dans le parc locatif privé. L’avantage moyen de bénéficier d’un logement dans le parc social varie assez peu entre classes de revenu de 3 000 € à 4 000€ par an. Mais l’avantage rapporté au revenu est considérable lorsque le revenu par unité de consommation est de moins de 5 000 € par an. Qui plus est, l'on constate que les familles à revenus modestes (revenu par UC inferieur à 15 000 €) sont aussi nombreuses dans le parc privé que dans le parc social. 5
« Fiscalité des revenus du capital » Note du CAE n°9 Artus Patrick, Bozio Antoine , García-Peñalosa Cécilia ,
53 Type de parc Taux d’effort net médian en Impact des AL sur le taux 2011 (en %) d’effort 2011 (en %) Accession à la propriété 24,40 -­‐22,00 Public 11,30 -­‐66,00 Privé 25,20 -­‐50,00 Total 19,20 -­‐51,90 Taux d’effort des bénéficiaires d’une aide au logement CAF (2012), Cahier des données sociales 2011 – Informations issues du fichier Cnaf-­‐Dser Fileas Au lieu d’être un phénomène marginal, la différenciation des conditions de vie suivant l’appartenance au parc social ou au parc privé, qui est en grande partie un phénomène subi, au moins dans les zones tendues, touche de très larges pans de la population et il nous semble que la politique fiscale et de transfert doit essayer de remédier à cette inégalité horizontale (entre personnes bénéficiant des mêmes revenus) créée par une politique publique. Bien sûr, les aides au logement devraient combler une partie de la différence, puisque l’aide dépend du montant du loyer. Toutefois, le plafond est très vite atteint en zone tendue, ce qui ne permet pas de compenser la différence de loyer. Le tableau ci-­‐dessous indique que le taux d’effort baisse plus pour les ménages logés dans le parc social (66% de baisse) que pour les ménages logés dans le parc privé (50% de baisse). Rendre les aides moins inflationnistes Les travaux de Leblanc et Laferrère et de Fack ont répandu l’idée que les allocations logements telles, qu’elles étaient versées, avaient pu être capturées au moins à court terme par les offreurs. Des travaux récents semblent confirmer cette thèse au moins pour les années 90. Il est dans la nature d’une aide affectée de susciter une hausse de la demande et donc une hausse du prix d’équilibre qui 54 dépend de l’élasticité prix de l’offre et de la demande. Mais nous voulons pointer qu’en plus de ce phénomène difficilement évitable et qui ne peut être circonscrit que par une hausse de l’offre, la façon dont est versée l’allocation logement, qui peut être perçue directement par le bailleur, peut accentuer les phénomènes de capture par les offreurs. Le bailleur peut raisonner, afficher ou poster un loyer net d’AL. Il peut ajuster à sa guise le montant du loyer aux modifications de législation. En lui donnant un avantage informationnel sur le point de menace du loueur, le mécanisme lui donne des armes pour accaparer la majorité de la rente. Ce phénomène semble assez intense dans les locations de chambres pour l’étudiant dans les marchés tendus pour lequel l’État dépense 1,5 Milliards d’€ avec une croissance ininterrompue ces dernières années. Préparer le terrain pour une mise en cohérence des aides aux bas revenus. Trois mécanismes d’aides aux bas revenus coexistent avec les minima sociaux dont le RSA, la PPE et les aides au logement. En termes de coût pour les finances publiques, les deux premiers font figure de nains par rapport aux dépenses d’AL (7 Milliards d € pour le RSA socle et 2,5 Milliards pour la PPE pour 16 Milliards d’aide au logement). Certes, la France n’est pas le seul pays à cumuler des dispositifs d’aide au bas revenu, mais il peut apparaître singulier que notre système de soutien au bas revenu soit centré autour de l’allocation logement dont le budget est alimenté à parts égales par la CAF et par l’État. Depuis la transformation du RMI en RSA, il a été envisagé d’abord d’intégrer la PPE au RSA et en particulier au RSA activité dans un premier temps, et ensuite d’essayer de rapprocher les aides au logement du RSA socle. L’AL continue d’introduire des discontinuités en termes de taux implicite marginal d’imposition, c’est-­‐à-­‐dire, des variations brusques de ce qui reste à la disposition du contribuable pour un euro de salaire gagné en plus sur certaines plages de revenu. Une plus grande cohérence et une simplification dans le mode des calculs des allocations (alors que la formule d’intéressement du RSA a été simplifiée pour la rendre accessible au plus grand nombre, la formule de l’allocation logement reste virtuellement incompréhensible) sont donc attendues depuis longtemps. Il serait peut-­‐être tant que la mise en cohérence de la politique redistributive en direction des bas revenus soit confiée à un seul architecte et Bercy s’impose d’une manière assez naturelle pour ce rôle. Nous proposons de nous rapprocher de ces quatre objectifs par une seule et même disposition de nature fiscale qui s’accompagne d’une mise en cohérence et simplification de la formule de calcul de l’aide au logement. Notre idée s’appuie sur la notion de dépenses incompressibles. Il s'agit d'une notion développée en théorie de la demande avec le système de Stone-­‐Geary, et qui a trouvé une résonance importante dans les travaux sur la consommation réalisés par le CREDOC. Ces dépenses correspondent à des besoins qui, compte tenu de l’évolution technologique de la société, doivent être couverts, au moins a minima. Cette notion de dépenses incompressibles n’a jamais été reconnue comme telle dans le code fiscal et il y aurait beaucoup d’avantages à le faire. L’article 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen énonce que « l’impôt doit être également réparti entre tous les citoyens, en raison de leurs « facultés ». La faculté contributive est la plupart du temps identifiée au revenu. Logiquement, la capacité contributive ne devrait être que la partie du revenu qui excède les dépenses incompressibles. Chaque société peut avoir sa propre opinion sur la liste des biens à inclure au titre des dépenses incompressibles. Par exemple, la société américaine met l’accent sur la nourriture avec les « food stamps », des bons de nourriture. L’Etat 55 français met l’accent sur le logement, alors que c’est une initiative de la société civile, « les restos du cœur » qui procure des repas gratuits aux personnes qui ne peuvent subvenir à leurs besoins. Il s’agit d’un choix éthique qu’il ne nous revient pas de commenter en tant qu’économiste. Nous proposons donc, en cohérence avec en quelque sorte les préférences révélées de la société française, que le loyer de la résidence principale soit considérée comme une charge qui réduit les facultés contributives. Il en fait partie, pour autant qu’il couvre la partie correspondant à un besoin primaire et donc la dépense considérée comme ouvrant droit à une déduction du revenu doit être plafonnée. La capacité contributive et donc le revenu imposable s’exprime par conséquent par la formule : !"#"$%&é !"#$%&'($&)* = ! − minimum (!∗ , !) Où : Y correspond au revenu (de marché et transferts privés) du ménage, Mininum (L*, L) correspond aux dépenses incompressibles de logement plafonnées, L* correspond au montant du loyer plafonné qui dépend de la structure familiale et de la zone, L est le loyer effectivement acquitté. L’impôt est positif lorsque la capacité contributive dépasse un certain seuil, connu sous le nom de seuil d’exemption. L’impôt est négatif (le contribuable reçoit un chèque), lorsque la capacité contributive est en deçà du seuil d’exemption. Nous proposons de caler cet impôt négatif sur les aides au logement, ce qui au passage permet de simplifier leur formule de calcul. La notion de capacité contributive sert à la fois pour le calcul de l’impôt et de l’aide au logement. Il suffit de mettre le signe moins devant la capacité contributive, -­‐
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−!"#"$%&é !"#$%&'($&)* = !"#"!$! !∗ , ! − ! pour reconnaitre un besoin de financement en logement et voir apparaître une formule présentant des similarités avec celle de l’allocation logement. Le besoin de financement en logement correspond à la partie de la dépense en logement qui ne peut être financée par le ménage faute de ressources. Logiquement, le besoin de financement sert de « base subventionnable » afin de calculer le montant des AL. La symétrie entre la base imposable pour l’impôt sur le revenu et la base subventionnable pour l’allocation logement est parfaite et assure une cohérence totale entre la politique redistributive passant par l’impôt et celle passant par l’allocation logement. 56 Cette symétrie commande que les formules de calcul soient décidées au sein de la même institution, en l’occurrence le ministère des Finances. En particulier, le seuil d’imposition pour le nouvel impôt sur le revenu doit être celui à partir duquel on cesse de percevoir la nouvelle aide au logement qui devient, par la nouvelle formule de calcul, un impôt négatif. L’articulation entre l’AL et l’IR est ainsi complète, ainsi que l’illustre la figure ci-­‐dessus. Proposition Le montant du loyer devient déductible pour tous les locataires du revenu imposable dans la limite d’un plafond qui peut ou pas dépendre de la taille familiale. Les aides au logement restent non imposables. Il faut distinguer deux cas. Pour les non imposés, les aides sont intégrées au dispositif de l’impôt sur le revenu sous la forme d’un impôt négatif faisant l’objet d’avances mensuelles par la CAF et d’une régularisation en fin d’année par le service des impôts. Il faut en effet éviter que l’AL soit versée en une seule fois comme la PPE. Nous pensons que ce n’est pas désirable pour les allocataires parmi les niveaux de revenus les plus faibles, qui n’ont que peu d’épargne mobilisable et doivent gérer leurs ressources mois par mois. Les AL peuvent continuer à être versées mensuellement par les CAF qui sont bien outillées pour suivre les modifications des situations des locataires en termes de statut d’occupation. La régularisation en fin d’année pour modification des ressources peut être réalisée sous l’égide de la DGFIP par le service des impôts. Leur formule de calcul est considérablement simplifiée n’affectant que marginalement les profils d’aide au vu des bas niveaux de plafonnements des loyers pris en compte (voir encadré 11). Pour les imposés, le gain d’impôt entre l’ancienne et la nouvelle formule de calcul ne peut être inférieur au montant de l’allocation logement perçue avant réforme. Leur dossier n’est plus géré par les CAF, ce qui peut permettre des gains d’efficacité importants. (Pour les célibataires sans enfants, la proportion d’imposés à l’IR parmi les personnes touchant une AL est de l’ordre de 20%) Quadruple dividendes Cette simple mesure est à même d’induire un quadruple dividende en fonctions des 4 objectifs assignés plus haut. Nous restons au niveau des principes généraux. Seul un véritable exercice de simulation, qui devrait faire l’objet d’une recherche en soi, permettrait d’étayer la démonstration. La proposition de taxer les loyers implicites rencontre de fortes oppositions, et ce en partie en raison de la hausse des prix de l'immobilier qui de fait n'intégraient pas cette taxation d’où un sentiment de rupture du contrat implicite pour les accédants qui auront payé au prix fort et subiraient une taxation supplémentaire non intégrée au moment de décider leur investissement. Il n’en reste pas moins que les propriétaires occupants ayant remboursé leur acquisition et ayant bénéficié d'une forte plus-­‐
value non taxable sur leur résidence principale sont certainement une base fiscale attrayante en période de contraintes budgétaires. Il faut aussi rappeler qu’elle est vigueur en Suisse avec une formule d’abattement et l'était en France avant 1965. Un substitut (mais pas un équivalent) est de déduire le loyer du revenu imposable des locataires, comme détaillé dans l'encadré 10. La mesure réduit l’avantage d’accéder à la propriété, mais en améliorant la situation du locataire au lieu de détériorer celle du propriétaire. 57 Une politique d’aide au logement incluse dans la fiscalité permet en effet d’assurer un minimum de neutralité fiscale entre les différents statuts d'occupation du parc locatif, les réductions d'impôts de ménages de revenus équivalents étant plus importantes comme le loyer du parc privé est plus élevé que celui dans le parc social. Une partie du désavantage d’avoir à payer des loyers très élevés parce que l’on a n’a pas pu accéder au parc social est ainsi compensé par l’outil fiscal. Bien évidemment, le niveau de cette compensation dépend du niveau du plafond. Cette neutralisation peut être renforcée si le plafond dépend du statut d’occupation. Pour les imposés, le taux de subvention du loyer dépend du taux marginal d’imposition dans la formule proposée. Sauf si le locataire montre sa feuille d’impôt à son bailleur, celui-­‐ci ne peut pas savoir exactement quel est le taux implicite de subvention du loyer. Cela rend la négociation plus équilibrée entre les deux parties par exemple au moment du renouvellement du bail et la capture au profit des bailleurs devrait s’en trouver atténuée. Une fois les allocations-­‐logement fiscalisées, la voie pour les intégrer dans un système lisible et cohérent de soutien au bas revenu est dégagée. Nous proposons dans un premier temps une formule de calcul simple qui reproduit le profil de gain de la formule actuelle (Voir encadré 11). 58 Encadré -­‐ 13
: Les enjeux de la neutralité fiscale : taxation des loyers implicites ou déduction des loyers réels? La non-­‐taxation des loyers implicites constitue une incitation à l’accession à la propriété. En effet, une taxation neutre impliquerait la prise en compte des loyers fictifs (en principe du bâti) nets des intérêts d’emprunt dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. On peut dès lors s’interroger sur les raisons qui pourraient pousser à encourager le choix de ce mode d’occupation. Une telle politique se justifie si : -­‐ L’accès à la propriété permet de renforcer la stabilité financière des ménages grâce à l’accumulation de capital. (Mc Carthy & al : 2001) -­‐ La propriété permet d’internaliser les externalités liées à l’asymétrie d’information dans la relation entre locataires et propriétaires (meilleur entretien des logements, augmentation de la consommation de logement…) (Dietz & Haurin : 2003) -­‐ La propriété permet d’augmenter la consommation de logement et offrirait davantage de stabilité et de sécurité ce qui pourrait avoir un impact positif sur les résultats scolaires des enfants (Haurin et al : 2002), diminuer les violences conjugales (Kubrin & Charis : 2003) ou la criminalité (Glaeser & Sacerdote : 1999) Toutefois il existe des limites aux politiques visant à augmenter le nombre de propriétaires : -­‐ Les travailleurs propriétaires peuvent voir leur mobilité géographique réduite ce qui augmenterait leurs périodes de chômages et diminuerait la qualité des appariements sur le marché du travail. Par ailleurs, on note que les propriétaires ont des trajets quotidiens plus longs susceptibles d’augmenter la congestion dans les zones urbaines. Enfin, en étant plus pugnaces pour défendre leur environnement, les propriétaires peuvent créer un environnement moins favorable au développement des entreprises. (Oswald : 1995) (voir encadré 1). -­‐ Par ailleurs, les politiques encourageant l’accès à la propriété basée sur le développement du crédit hypothécaire peuvent également avoir un effet inflationniste contre-­‐productif (Andrews & Caldera Sanchez : 2011) voire générer des bulles aux conséquences dramatiques pour l’économie. -­‐ De plus, ces politiques d'accession modifient les prix relatifs et conduisent à un surinvestissement dans le logement au détriment des autres secteurs économiques. -­‐ Le développement de l’accès à la propriété peut intensifier l’étalement urbain, car les des propriétaires consomment en général davantage de surface que les logements loués. (Goode : 1960). -­‐ Bourassa et Hendershott (1994) signalent que si l’encouragement de l’accès à la propriété peut être souhaitable pour les ménages les moins aisés afin d’augmenter leur consommation de logement et de les faire jouir des externalités positives associées, l’exemption ne devrait pas concerner les ménages aisés. Pour Saarima (2011), « alors que les externalités de la propriété occupante restent difficiles à documenter, les dispositifs fiscaux favorisant les propriétaires ne semblent pas être justifiés du point de vue de l’efficience économique ni d’un point de vue redistributif ». On constate donc que la littérature économique est loin d’être unanime sur les avantages que l’on pourrait tirer d’une augmentation du nombre de propriétaires. Il existe donc plutôt plus d'arguments en faveur de la neutralité fiscale entre statuts d'occupation qu'en faveur du statut de propriétaire. Une alternative à la taxation des loyers implicites pourrait être la possibilité pour les locataires de déduire le loyer acquitté réel des revenus déclarés. Un tel dispositif favorise la consommation de logement au détriment des autres biens, ce qui est une distorsion qui peut cependant contribuer à favoriser l'externalité positive de consommation d'espace pour favoriser la 59 transmission de capital humain au sein des familles. Afin de conserver les recettes fiscales correspondantes, Allégre, Plane et Timbeau (2012) suggère de la compenser par « une hausse du taux d’imposition apparent (impôt/ assiette imposable), qui serait obtenu principalement par un ajustement des tranches d’imposition et non des taux ». Différentiel d’impôt en fonction du statut d’occupation (propriétaire ou locataire) Encadré -­‐ 14
Dans l’encadré 13, nous signalons que le régime fiscal actuel est favorable aux propriétaires alors que les raisons justifiant les politiques d’aide à l’accession ne sont pas évidentes. Par ailleurs, le pendant de ces politiques est une situation défavorable aux locataires : si ces derniers choisissent de placer leur épargne dans le financement de l’appareil productif, leurs revenus supplémentaires seront taxés contrairement au revenu implicite conséquent généré par le fait de posséder son logement. Il est possible d’illustrer cette situation en comparant la situation d’un locataire et d’un propriétaire ayant le même revenu et occupant un logement aux caractéristiques similaires. Bien entendu, les résultats dépendent des paramètres choisis. Retour annuel Loyer Taux d’intérêt Prime Imposition du Taux de la sur les annuel/Prix pour les d’assurance capital : CSG taxe foncière marchés emprunts pour les (20%) + l’IR sur la valeur financiers (r) immobiliers emprunts (30%) du bien immobiliers 4,4% 4,4% 3% 0,1% 50% 0,3% Dans cette simulation, le locataire et le propriétaire possèdent la même épargne de départ. L’un achète un bien neuf (sans Droits de Mutations à Titre Onéreux) alors que l’autre décide de louer un logement équivalent et d’épargner. Les résultats montrent que le locataire est doublement lésé : Du fait d’un taux d’imposition sur les revenus du capital de 50%, il paiera davantage d’impôts que le propriétaire accédant alors que le propriétaire s’acquittera de la taxe foncière. Locataire Propriétaire 1 2 3 Montant de l’ épargne initiale Valeur du bien acheté Valeur locative annuelle du bien 200 000 -­‐ 44 000 200 000 1 000 000 44 000 4 5 6 7 8 9 Montant de l’apport Montant des mensualités Montant du loyer acquitté Montant de l’épargne annuelle (5-­‐6) Valeur du capital accumulé Montant cumulé des impôts acquittés au titre de l’Impôt sur le Revenu Montant cumulé des impôts acquittés au titre de la taxe foncière -­‐ -­‐ 44 000 10 271 563 652 158 233 200 000 54 271 -­‐ -­‐ 1 000 000 -­‐ -­‐ 60 000 10 Au total, dans cet exemple, le locataire aura payé 158 233 euros alors que le propriétaire n’en aura payé que 60 000. 60 Encadré -­‐ 15
: Une Simplification de la formule des Allocations logement Nous repartons de la formule du Besoin de financement en logement X = min !∗ , ! − ! Logiquement, le besoin de financement sert de « base subventionnable » afin de calculer le montant des AL. On propose une formule simple en trois parties qui dépend d’un seuil-­‐plancher et d’un seuil-­‐plafond : Besoin de financement (X) Montant de l’aide Commentaire Tant que le besoin de financement est X> S0 Min(L*,L) supérieur à un seuil-­‐plancher, les allocataires toucheront systématiquement une aide égale au montant du loyer sous un plafond. *
Min (L ,L) + b. X Lorsque le besoin de financement est S1<X< S0 compris entre les deux seuils, l’aide avec 0
>
b
>
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1
diminue linéairement avec le besoin de financement de l’allocataire. La pente donne le taux marginal implicite « d’imposition » de l’AL. Lorsque le besoin de financement est S1≥X AL=0 trop faible et est inférieur à un seuil-­‐
plafond, l’aide cesse. L’impact de cette simplification sur le profil de la distribution des aides devrait être extrêmement limité, en particulier dans le secteur privé où les loyers sont systématiquement au-­‐dessus du loyer plafond. Dans cette simulation, donnée à titre illustratif, le seuil plancher retenu est le niveau où le revenu couvre à peine le loyer (S0= 0) et le seuil plafond correspond à un revenu égal à 1,1 SMIC, (S1= 1,1 SMIC – L*). Dans cet exemple, la pente est égale à -­‐0,31. 61 Si les avantages sont évidents, les objections ne manquent pas non plus. Il nous faut les examiner. Les objections Elles sont au nombre de 3. La mesure, à barème inchangé, redonne de l’argent essentiellement aux locataires du secteur privé et en conséquence les loyers vont augmenter. Ensuite, les effets redistributifs sont complexes et certains peuvent apparaître non désirables. Enfin, il faut se demander comment financer la mesure. Il est indiscutable que la mesure redonne du pouvoir d’achat aux locataires en particulier du secteur privé si le barème de l'IR ne change pas. Nous sommes là en phase avec les objectifs de la loi ALUR tels qu’exposés dans son étude d’impact qui pointe le rôle peu enviable de locataires du parc privé qui ont vu leur sort se détériorer par rapport aux propriétaires et aux locataires du parc HLM dans la dernière décennie. Toute subvention affectée diminue le prix relatif et, dans le cas présent le prix absolu du logement, et entraîne un report de la demande des consommateurs sur ce bien par le jeu de l’effet substitution et de l’effet revenu. Ce surcroît de demande peut bien évidemment induire un renchérissement des prix sur un marché où l’offre est peu élastique. Tout l’accent de notre première note a été de dire que toute politique de soutien à la demande n’était concevable que si simultanément on desserre les freins de l’offre, particulièrement en région parisienne. Notre proposition n’a de sens que si on est prêt à s’avancer vigoureusement dans cette voie. Il faut quand même ajouter, pour être exhaustif, que parallèlement la demande va diminuer sur le marché de l’accession, et que d’autre part, les taux d’effort en région parisienne qui sont très élevés sur le marché locatif vont baisser, ce qui est devrait diminuer le risque d’impayés sur ce marché et donc favoriser la reprise de l’investissement locatif. Même si l’étude d’impact de la loi ALUR pointe le rôle croissant joué par la hausse des loyers dans le secteur privé dans le creusement des inégalités, il est indiscutable qu’en choisissant la voie d’une déduction au revenu imposable et non d’une aide directe, le montant du gain va dépendre du taux marginal d’imposition. Pour un même loyer, plus le revenu est élevé et plus le gain net de la réforme sera sensible, puisqu’il va dépendre du taux marginal d’imposition. Pour pallier à cet inconvénient, nous préconisons un plafond de loyer assez bas de l’ordre de 1 000 € mensuel pour un couple avec 2 enfants pour minimiser les effets régressifs de la mesure au sein des ménages locataires. C’est le prix à payer pour éviter une aide directe qui a des effets plus inflationnistes. Les effets redistributifs doivent être analysés d’une façon plus globale en sachant qui va payer la réforme. Toutefois, si l’on nous suit sur l’équité de déduire les dépenses incompressibles du revenu imposable, ces transferts de charge ne doivent cependant pas être vus comme inéquitables, ils rétablissent l’équité fiscale. Suivant l’ampleur de ces transferts de charge, il peut être décidé de plafonner l’avantage en termes de gain d’impôt de la nouvelle formule par rapport à l’ancienne dans une période de transition. Le coût brut de la réforme est estimé à environ 4,5 Milliards d’€ pour les finances publiques avec un degré de précision de plus ou moins 20 % pour un plafond de 1000 € par mois de loyer sans aucune distinction pour les charges de famille6. Il reste à s’interroger comment pourrait être financée cette réforme. L’imagination n’a pas de limite dans ce domaine, et en particulier on peut simplement envisager de réajuster le barème de l’impôt sur le revenu (voir encadré 10). Dans ce cas, il faut s’interroger sur la situation faite aux propriétaires accédants qui, d’une certaine manière, sont dans 6
Nous remercions Mahdi Ben Jelloul du CGSP pour cette estimation réalisée sur le logiciel OPENFISCA. 62 une situation intermédiaire entre les locataires et les propriétaires ayant terminé de rembourser leurs emprunts immobiliers. Des formules de déduction intermédiaire peuvent être imaginées pour eux, mais ce n’est pas le scénario que nous privilégions. Ce scénario est totalement cohérent avec nos propositions fiscales contenues dans notre première note. Scénario de financement Nous avons plaidé dans la première note pour une baisse des DMTO compensée par une hausse de la taxe foncière fondamentalement rénovée calculée sur les valeurs vénales nette des dettes immobilières. Le mouvement de baisse des DMTO n’est pas enclenché et c’est même un mouvement de hausse qui a été initié. Notre scénario de hausse des taxes foncières n’a pas encore trouvé d’emploi. Notre scénario idéal est donc de compenser par une hausse de la taxe foncière à due concurrence des pertes fiscales engendrées sur l’IR. Un ajustement de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à la baisse permet d’équilibrer l’opération à la fois pour l’État et les collectivités locales. La faiblesse de ce scénario réside dans le fait de supposer que l’État pilote lui-­‐
même le taux de la taxe foncière. Ce n’est pas le cas. Le taux de cette taxe est à la main des collectivités locales. Elles peuvent choisir d’augmenter d’autres impôts que la taxe foncière pour s’ajuster à la baisse de la DGF. Une variante consiste à faire de l’Etat un des bénéficiaires du rendement de la taxe foncière à côté des collectivités locales (superposition fiscale) et à ainsi revenir à la situation d’avant 1945. Il ne fait pas de doute que la réforme dans son ensemble améliore la progressivité du système. Les ménages du parc social sont sans doute légèrement gagnants, mais les grands gagnants sont les ménages du parc locatif privé, même si à l’intérieur de ce groupe les effets peuvent être régressifs. Les propriétaires libérés du crédit d’achat sont perdants, mais il ne faut pas oublier qu’ils sont les grands gagnants de la hausse des prix de l’immobilier depuis plus de 10 ans. La réforme doit être à peu près neutre pour les propriétaires-­‐accédants : ils perdent en taux, mais ils gagnent en base (déduction des charges d’emprunt de la valeur vénale du bien). 63 V LES PROPOSITIONS Proposition 1. Renforcer la fluidité du parc en élargissant l’éventail des motifs de fin de bail, en permettant un contrôle de l’état du logement par son propriétaire une fois par an, en alignant les fins de baux sur une période spécifique de l’année et en favorisant la libre durée du bail par accord entre locataire et propriétaire. En contrepartie, rendre le DALO effectif en ciblant cette effectivité sur le parc social. Proposition 2. Mettre en place un paritarisme du logement locatif, en développant un réseau d’organismes paritaires organisés en une Régie du logement, réseau financé par le prélèvement actuellement prévu sur les loyers par la loi ALUR. Imposer la gestion en première instance par la Régie du logement de tout le contentieux inférieur à un certain seuil, et notamment les ruptures de baux pour impayés. Proposition 3. La Régie du logement interviendrait dans tous les contentieux locatifs, notamment pour encadrer les augmentations de loyers jugées abusives et organiser la GUL ; elle céderait les créances d’impayés aux services de l’État qui seraient en charge de recouvrer les sommes dues, en contrepartie d’un transfert financier de l’État à la Régie. Proposition 4. Le plafonnement des loyers, tel qu’il est envisagé, risque d’engendrer des inefficacités dans le parc locatif privé. Avant toute généralisation, il est indispensable de procéder à une expérimentation dans des zones pilotes. Proposition 5. Dans les zones en déficit de logements « très sociaux » (type PLAI et PLUS), construire des logements de ce type sur les ressources propres des organismes HLM, de préférence dans des immeubles à usage mixte. Réserver les subventions publiques aux projets réduisant la ségrégation spatiale, mesurée par un indicateur transparent au niveau de l’agglomération et remplacer l’article 55 de la loi SRU par cette politique incitative en matière de mixité sociale à cette même échelle. Proposition 6. Pour la construction de logements sociaux (type PLS, PLI), mettre en concurrence les organismes HLM et les structures privées au niveau national pour la production et la gestion de logements neufs, en particulier dans les zones tendues. Permettre au bailleur, s’il le souhaite, de disposer des logements pour un autre usage à l’issue d’une période de 40 à 50 ans avec, le cas échéant, remboursement de la subvention perçue à l’issue de cette période. Proposition 7. Utiliser des indicateurs de tension transparents pour guider la péréquation entre les offices HLM et allouer les subventions entre les territoires. Mettre en place les instruments d’évaluation du fonds de mutualisation des organismes HLM. 64 Proposition 8. Pour l’attribution des logements sociaux, adopter la formule du guichet unique au niveau de l’intercommunalité, tous bailleurs confondus. Faire s’exprimer les demandeurs sur leurs préférences en termes de logements vacants. Rendre plus explicite les choix des bailleurs à travers un système par points au sein de chaque grand objectif du logement social, tout en conservant un petit quota pour traiter certaines situations d’urgence. Proposition 9. Afin de ne pas pérenniser les inégalités entre les ménages de revenus similaires, selon qu’ils ont ou non accès au parc social, mettre en place des surloyers en fonction du revenu mais aussi de la durée d’occupation, ceci afin d’élever la mobilité dans le parc social. Proposition 10. Intégrer les aides au logement au dispositif de l’impôt sur le revenu. Pour les ménages imposés, déduire les loyers versés par les locataires de leur revenu imposable, dans la limite d’un plafond pouvant dépendre de la composition du ménage. Pour les ménages non imposés, transformer les aides au logement en impôt négatif, toujours géré par les caisses d’allocations familiales. 65 Annexes Annexe 1 : Exercice comptable sur la rentabilité du parc HLM Livrons nous à l'exercice comptable suivant. Essayons de séparer l’activité d’intermédiation de l’activité de production dans l’activité HLM. Supposons qu’un propriétaire possède les immeubles HLM et passe simplement par un des réseaux pour louer ses biens. Les sociétés d’HLM se transformeraient en simples agences immobilières du parc social. Les charges d’amortissement seraient évidemment au compte du propriétaire ainsi que les frais d’entretien, la TFPB et la marge soit entre 75% et 79% du montant du loyer. Incomberaient à l’intermédiaire une partie des frais de personnel et les frais de fonctionnement dont 25% et 21% représentent des bornes maximales puisqu’une partie des effectifs des offices des HLM sont affectés à la conception et la production de nouveaux logements. Cette fraction ne devrait pas être si considérable toutefois car les organismes ne jouent le rôle que de maîtres d’ouvrage et non de maîtres d’œuvre. Au total, il est difficile de penser à la vue de ces chiffres, en relation avec le fonctionnement des agences immobilières dont la marge est très appréciable, qu’il existe des rendements d’échelle dans l’activité de location sociale. 66 Annexe 2 : Cartes de la mobilité et des vacances du parc HLM 67 Annexe 3: Des explications du déficit de construction Trois types d’explications peuvent être apportés qui doivent jouer sans doute un rôle complémentaire pour expliquer une telle divergence entre les deux réseaux. 1) La taille du parc à l’instant t conditionne son évolution via le montant de l’autofinancement que doit dégager l’organisme. Comme le parc d’HLM dans les offices est plus petit que dans les EHS, il est plus difficile de monter en charge. On touche là une des limites de la structure décentralisée des HLM. Si la structure spatiale des besoins en logement sociaux se modifie au cours du temps suite à une différenciation des évolutions démographiques, économiques, (emploi, parc privé), la structure très décentralisée aura du mal à s’adapter à cette évolution, en particulier pour les offices. Les élus des territoires dont la demande régresse auront du mal à comprendre pourquoi ils devraient participer au financement d’une demande d’autres territoires. Seule une certaine redistribution des excédents des zones en excédent relatif vers les zones en déficit relatif est en mesure de faire coïncider l’évolution de l’autofinancement à celle des besoins. Toute redistribution a des effets négatifs sur le plan incitatif et doit être réfléchie dans un cadre adapté de taxation optimal. 2) Le taux de rentabilité des OPH est peu plus faible car la population occupante est plus pauvre et le coût de gestion plus élevé. D’où un autofinancement plus faible, un handicap particulièrement important, vu la charge foncière élevée en RP. 3) La résistance politique à construire du HLM en Région Parisienne est très forte pour des raisons spécifiques (Voir Trannoy Wasmer Note CAE n°2). Enfin, il n’est pas exclu qu’il existe une certaine interdépendance, voire un effet d’éviction, qu’il reste à documenter. Les OPH en construisent peu, comptant sur les EPH pour le faire à leur place, vu la très grande importance du logement pour les employeurs d’Ile de France. 68 Annexe 4 : Composantes des indicateurs de tensions du marché du logement Taux de pauvreté par département (Source : INSEE) Part des locataires parmi les résidences principales (source : recensement INSEE) Mois de Revenu Médian par Unité de Consommation pour acheter 1m2 Taux de logements PLS et plus dans le stock de logement (RPLS : 2012 et recensement de l’INSEE) 69 Annexe 5 : Simulation imposition des locataires épargne après imposition 200 000,00 214 670,95 229 664,66 244 988,23 260 648,92 276 654,15 293 011,49 309 728,70 326 813,68 344 274,53 362 119,52 380 357,10 398 995,90 418 044,76 437 512,70 457 408,93 477 742,87 498 524,17 519 762,65 541 468,38 563 651,63 épargne mensuelle retour sur les marchés financiers Impôts versés -­‐ 4 400,00 9 122,76 14 175,38 19 565,12 25 299,40 31 385,79 37 832,05 44 646,08 51 835,98 59 410,02 67 376,65 75 744,50 84 522,41 93 719,40 103 344,68 113 407,67 123 918,02 134 885,55 146 320,33 158 232,63 10 270,95 4,40% Evolution de l'épargne sans imposition 200 000,00 219 070,95 238 981,02 259 767,14 281 467,84 304 123,38 327 775,75 352 468,84 378 248,42 405 162,30 433 260,39 462 594,79 493 219,92 525 192,54 558 571,96 593 420,08 629 801,51 667 783,73 707 437,16 748 835,35 792 055,06 70 Annexe 6 : Simulation imposition des propriétaires capital emprunté impôts cumul des restant Annualité intérêts amortissement acquittés impôts 800 000,00 -­‐ -­‐ -­‐ 770 529,05 54 270,95 24 800,00 29 470,95 3000 3 000,00 740 144,51 54 270,95 23 886,40 30 384,55 3000 6 000,00 708 818,04 54 270,95 22 944,48 31 326,47 3000 9 000,00 676 520,45 54 270,95 21 973,36 32 297,59 3000 12 000,00 643 221,64 54 270,95 20 972,13 33 298,81 3000 15 000,00 608 890,56 54 270,95 19 939,87 34 331,08 3000 18 000,00 573 495,22 54 270,95 18 875,61 35 395,34 3000 21 000,00 537 002,62 54 270,95 17 778,35 36 492,60 3000 24 000,00 499 378,76 54 270,95 16 647,08 37 623,87 3000 27 000,00 460 588,55 54 270,95 15 480,74 38 790,21 3000 30 000,00 420 595,85 54 270,95 14 278,25 39 992,70 3000 33 000,00 379 363,37 54 270,95 13 038,47 41 232,48 3000 36 000,00 336 852,69 54 270,95 11 760,26 42 510,68 3000 39 000,00 293 024,18 54 270,95 10 442,43 43 828,51 3000 42 000,00 247 836,98 54 270,95 9 083,75 45 187,20 3000 45 000,00 201 248,98 54 270,95 7 682,95 46 588,00 3000 48 000,00 153 216,75 54 270,95 6 238,72 48 032,23 3000 51 000,00 103 695,52 54 270,95 4 749,72 49 521,23 3000 54 000,00 52 639,13 54 270,95 3 214,56 51 056,39 3000 57 000,00 -­‐ 54 270,95 1 631,81 52 639,13 3000 60 000,00 Somme taux d'intérêt annuel annualités taxe foncière 1 085 418,95 285 418,95 800 000,00 60000 3,10% 54270,94741 0,30% 71 Annexe 6 : Personnes rencontrées dans le cadre du travail préparatoire Amoros, Jean-­‐Albert, Directeur Départemental Yvelines et Val d’Oise – Procilia Bono, Pierre-­‐Henri, Economètre au Laboratoire d’Evaluation des Politiques Publiques (LIEPP) de Sciences Po Paris •
•
Bril, Michel – Directeur du Logement social et SEM Ile de France à la Caisse d’épargne •
Caresche, Christophe – Député de la 18e circonscription de Paris •
Dolla, Bastien – Conseiller pour l’économie du logement au Ministère du Logement et de l’égalité des territoires •
Fournial, Henry – Directeur Logement Social et Economie Mixte – Groupe Banque Populaire Caisse d’Epargne •
Gilabert, Raphaëlle – Directrice Générale de Val d’Oise Habitat •
Hoorens, Dominique – Directeur des études économiques et financières de l’Union Sociale pour l’Habitat •
Prandi, Geneviève – Directrice de l’Observatoire des Loyers de l’Agglomération Parisienne •
Rabault, Christophe – Directeur de l’Union Sociale pour l’Habitat d’Ile de France (AORIF) •
Steiner, Viktor – Professeur à la Freie Universität de Berlin •
•
Trévien, Corentin – Economiste de l’INSEE 72 Bibliographie Articles Aaron, H. (1970). Income taxes and housing. The American Economic Review, 60(5), 789-­‐806. Albon, R. P., & Stafford, D. C. (1990). Rent control and housing maintenance. Urban Studies, 27(2), 233-­‐240. Algan Y. et Cahuc P. (2007) : « La société de défiance : comment le modèle social français s’autodétruit », Opuscule 9, collection du CEPREMAP, Editions rue d’Ulm Allègre, G., Plane, M., & Timbeau, X. (2012). Réformer la fiscalité du patrimoine?. Revue de l'OFCE, (3), 231-­‐261. Anas, A. (1997). Rent control with matching economies: A model of European housing market regulation. The Journal of Real Estate Finance and Economics, 15(1), 111-­‐137. Andrews, D., & Sánchez, A. C. (2011). The evolution of homeownership rates in selected OECD countries: Demographic and public policy influences. OECD Journal, 207. Andrews, D., Sánchez, A. C., & Johansson, Å. (2011). Housing and the economy: policies for renovation. 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