fièvre typhoïde : place du traitement court
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FIÈVRE TYPHOÏDE : PLACE DU TRAITEMENT COURT S. SEFIANI, A. EL IDRISSI LAMGHARI, A. BENAISSA RÉSUMÉ Si la symptomatologie et les moyens diagnostiques restent classiques au cours de la fièvre typhoïde, les nouvelles molécules, grâce à leurs propriétés antibactériennes et pharmacocinétiques, ont permis de raccourcir la durée du traitement. En effet, ces nouvelles thérapeutiques utilisant Fluoroquinolones et certaines C é p h a l o s p o rines de troisième génération, ont été contraintes par l’émergence de Salmonelles multirésistantes. Il reste à évaluer le coût du traitement et le bénéfice socio-économique dans les pays où la fièvre typhoïde sévit sur un mode endémique. Mots clés : fièvre typhoide - Salmonelles multirésistantes - traitement court - Fluoroquinolones - Céphalosporines de troisième génération. INTRODUCTION Bien que peu fréquente dans les pays occidentaux, la fièvre typhoïde constitue un problème d’actualité dans les pays en voie de développement où elle sévit sur le mode endémique vu le niveau socio-économique précaire. Cette affection pose alors un véritable problème de santé publique, notamment dans les pays du Sud-est asiatiques (Inde, Vietnam, Chine), en Amérique Latine (Mexique, Pérou) et en Afrique. Son incidence est en règle largement sous estim é e. Au Maroc 4570 cas de fi è v re typhoïde ont été recensés en 1989 contre 3600 cas déclarés en 1990. Les schémas thérapeutiques actuellement connus utilisant phénicolés, Pénicillines du groupe A et Cotrimoxazole, ont subi de nombreuses modifications contraintes par l’émergence de souches multirésistantes. En effet, la progression de ces souches, l’évolution vers le stade de porteur chronique et l’apparition de nouvelles molécules ont stimulé la re ch e rche de nouveaux protocoles thérapeutiques. Les nouvelles quinolones (FQ) et certaines céphalosporines de troisième génération (C3G) se sont révélées particulièrement actives contre ces Salmonelles mu l t i r é s i s t a n t e s . Ces nouvelles molécules possèdent plus ou moins réunies les qualités nécessaires au traitement raccourci des fièvres typhoides, ce raccourcissement de la durée de l’antibiothérapie étant confortée par trois types de propriétés : 1) Activité antibactérienne : Les C3g, plus particulièrement la Ceftriaxone et la Céfopérazone, et les FQ ont une bonne activité in vitro sur les Salmonelles. Elles sont rapidement bactéricides et ont des concentrations minimales inhibitrices (CMI) basses comparées aux antibiotiques classique (tableau 1)(1, 2). Tableau 1 : CMI (mg/l) des antibiotiques classiques et nouveaux actifs sur Salmonella typhi Antibiotiques classiques Antibiotiques nouveaux Chloramphénicol Thiamphénicol Ampicilline Amoxicilline Cotrimoxazone Ceftriaxone Céfopérazone Ofloxacine Pefloxacine Ciprofloxacine 2,5 2,5 1 1 2,5 0,25 0,25 0,03 0,12 0,03 2) Possèdent trois propriétés pharmacocinétiques essentielles pour traiter une fièvre typhoide : - Diffusent dans le système lymphatique et atteignent des concentrations lymphatiques mésentériques supérieures à la CMI du germe. En effet, 2 heures après une injection de 2 grammes de Ceftriaxone, sa concentration moyenne dans les ganglions mésentériques est 1000 fois supérieure à la CMI de la Ceftriaxone pour Salmonella typhi (3). Cette diffusion tissulaire est également excellente pour les FQ(4) - Ont une bonne pénétration intracellulaire puisque les Salmonelles sont succep t i bles de persister dans les macrophages (5). - Ont une forte élimination biliaire sous forme active (6). Service de Médecine “E” Hôpital Ibn Sina - Rabat Médecine du Maghreb 1996 n64 S. SEFIANI, A. EL IDRISSI LAMGHARI, A. BENAISSA 12 Le chloramphénicol répond aux deux premiers cri t è re s mais non au troisième. L’ampicilline et le cotrimoxazole sont éliminés sous forme active dans la bile mais ont une pénétration intracellulaire médiocre. Parmi les C3G, la Ceftriaxone et la Céfopérazone diffusent largement dans le système ly m p h at i q u e, sont éliminées sous forme active dans la bile et ont une bonne pénétration intracellulaire. Les nouvelles quinolones réunissent également ces trois propriétés. 3) Études cliniques : observée chez un patient ayant reçu une dose quotidienne de 3g/. Cette rechute a guéri avec une dose de Ceftriaxone de 4g/j. La durée du traitement par la CEFTRIAXONE est courte : dans plus de 75% des cas colligés, les patients ont reçu un traitement d’environ cinq jours (tableau 2)(11). A la dose de 4g/j, la ceftriaxone permet de réduire le traitement de la fièvre typhoide à 5 jours soit une durée nettement inférieure à celle des traitement classiques. Tableau 2 : Résultats des essais cliniques utilisant la ceftriaxone et la céfopérazone dans le traitement des fièvres typhoides Ce sont les résultats des essais thérapeutiques qui ont le plus de valeur. ATB Auteur a) Classiquement la fièvre typhoide nécessite un traitement de 14 jours après l’obtention de l’apyrexie avec le chloramphénicol, les Pénicillines du groupe A ou avec le cotrimoxazole. Le taux des rechutes peut atteindre 10% avec le chloramphénicol et le cotrimoxazole (8, 9) et jusqu’à 20% avec l’ampicilline (3, 10). Ceftriaxone Auvergnat (13) Islam (14) Lan (15) Lassere (16) Macias(17) b) Avec les nouvelles molécules : en plus de leur action sur les souches multirésistantes, plusieurs études ont prouvé leur efficacité dans le traitement court de la fi è v re typhoïde. Deux C3G ont largement prouvé leur efficacité clinique (2, 11). La ceftriaxone est la C3G qui a été la plus utilisée selon un schéma court : A partir d’une revue de la littérature sur 224 cas de fi è v re typhoïde traitées pendant cinq jours, neuf échecs seulement ont pu être relevés soit un taux de 4% (1). Dans une étude comparative randomisée d’ISLAM(12), un traitement par la Ceftriaxone en une perfusion quotidienne (4g/j chez l’adulte pendant 7 jours) donnait des résultats superposables à ceux obtenus avec un schéma classique (chloramphénicol 2 à 3g/j pendant 15 jours). Dans cette même étude, les hémocultures étaient devenues négatives dès J3 chez 100% des patients traités par la ceftriaxone contre 48% chez ceux traités par le chloramphénicol. Une posologie de 4g/j chez l’adulte semble nécessaire. Dans l’étude d’AUVERGNAT (13), la seule rechute a été Médecine du Maghreb 1996 n°64 Posologie 4g 3 à 4g 4g 3g 3g Durée Guérison 5j 7j 2 à 3j 3j 5 à 12j 11/12 29/32 16/19 44/44 20/20 Guérison totale : 120/127 = 94% ATB Auteur Posologie Céfopérazone Pape (18) Raoult (19) Smith (20) 100mg/kg 2 à 4g 100mg/j Durée Guérison 14j 15 à 31j 11/12 10/10 11/11 Guérison totale : 32/33 = 97% La céfopérazone est une autre C3G qui a également permis d’obtenir d’excellents résultats dans le traitement court des fièvres typhoïdes (Tableau 2). Dans l’étude comparative de PAPE(18), la céfopérazone est nettement plus efficace que le chloramphénicol : un délai d’apyrexie plus court (4,3j contre 6,6j) et une néga-tivation plus rapide des hémocultures (2,2 j contre 3,7 j). Dans cette même étude 11 des 12 patients traités par la céfopérazone ont guéri comparé à 10 patients sur 13 dans le groupe traités par le chloramphénicol ; aucune rechute n’a été constatée dans les deux groupes(18). * Les fluoroquinolones : Plusieurs études ont montré l’intérêt évident de l’utilisation des FQ (3, 8, 11, 13). Une étude faite sur 121 cas de fièvres typhoides traitées la pefloxacine, l’ofloxacine ou la ciprofloxacine n’a relevé FIEVRE THYPHOIDE… 13 que trois échecs soit un taux de 2,5% (25, 26, 27) (tab.3). Tableau 3 : Résultats du traitement des fièvres typhoides par les fluoroquinolones (d’après 28) Antibiotique Dose (mg/j) Durée (jrs) se sont révélées particulièrement actives dans le traitement du port age ch ronique des Salmonelles typhiques : une étude portant sur douze observations utilisant la ciproxine à raison de 750mgx2/j pendant 28j a permis d’obtenir un taux de succès dépassant les 80% des cas (33)(34). Nb cas guéris/ Nb cas traités(réf) Pefloxacine 400 x 2 7 24/26(2) Ofloxacine 200 x 2 200 x 2 10 / 9/9(33) 14/14(26) Ciprofloxacine 500 x 2 750 x 2 500 x 2 10 5 4-15 1/1(14) 2/2(12) 37/38(29) Comme pour les C3G la durée du traitement n’excède pas dix jours, elle varie selon les études entre cinq et quinze jours (32). Des différentes études, il ressort un délai moyen d’apyrexie de soixante douze heures, une stéri l i s ation rapide des hémocultures, l’absence de rechutes dans les cas traités par l’ofloxacine et des coprocultures qui restent négatives à distance du traitement (30). Enfin, les nouvelles quinolones CONCLUSION Ainsi, il apparaît que les nouvelles molécules constituent un progrès certain dans le traitement des fièvres typhoides. Très actives sur les souches même multirésistantes, elles o ff rent l’ava n t age d’un traitement court et donc d’une réduction de la durée d’hospitalisation. Vu le coût de ces antibiotiques, il reste à prouver le bénéfice socio-économique notamment dans les pays en voie de d é veloppement où la maladie sévit sur un mode endémique. Néanmoins, au vu des résultats de ces différentes études cliniques, il est souhaitable de fa i re bénéficier tous les patients de haut niveau socio-économique de l’usage de ces antibiotiques efficaces notamment en traitement de courte durée. BIBLIOGRAPHIE 1 - J.C. AUVERGNAT. L’antibiothérapie raccourcie des fièvres typhoïdes est-elle justifiée ? Med Mal Inf 1987; 17 : 803-5. 2 - J.P. BRYAN, H. ROCHA, N.M. SCELD. Problems in Salmonellosis : rationale for clinical trials with newer betalactams agents and fluoroquinolones . Rev In Dis, 1986, 8, 189-207. 3 - J.C. AUVERGNAT. Aspects épidémiologiques et thérapeutiques actuels des fièvres typhoïdes. Med Mal Inf 1986; 16 : 343-9. 4 - J.P. STAHL, P. LECLERQ, M.A. LEFEBVRE, R. YVER, J.P. BRU, C. LETOUBLON. Distribution of ofloxacin into mesenteric lymph nodes. 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