Tribune Modification du règlement intérieur du comité d`entreprise

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Tribune Modification du règlement intérieur du comité d`entreprise
20/7/2015
ÉDITIONS FRANCIS LEFEBVRE ­ [Espace abonnés]
15/07/2015 | SOCIAL
Tribune ­ Modification du règlement intérieur du comité d’entreprise : faire d’une nécessité une
opportunité
La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale et ses décrets d’application du
15 mars 2015 sont l’occasion pour le comité d’entreprise de modifier le contenu de son règlement intérieur.
Pour Frédéric Leclercq, avocat associé au sein du cabinet Lusis Avocats, le président du comité doit jouer un rôle actif et
constructif dans cette réécriture.
Frédéric Leclercq, Avocat associé, Lusis Avocats
L’article L 2325­2 du Code du travail invite le comité d’entreprise à déterminer les modalités de son fonctionnement dans le
cadre d’un règlement intérieur.
Ce texte, par sa formulation, d’une part, et le fait qu’il n’est pas assorti de sanctions, d’autre part, n’est pas appréhendé comme
une nécessité impérative que ce soit par le comité d’entreprise ou par son président.
Pour autant les dispositions de la loi 2014­288 du 5 mars 2014 (JO 6) prévoient plusieursclauses qui doivent figurer au sein du
règlement intérieur.
C’est notamment le cas :
­ des modalités aux termes desquelles les comptes annuels du comité d’entreprise doivent être arrêtés (C. trav. art. L 2325­49),
­ du contenu du rapport d’activité et de gestion (C. trav. art. L 2325­50),
­ des modalités de compte rendu annuel au comité d’entreprise de la commission des marchés (C. trav. art. L 2325­35­2),
­ des règles de fonctionnement de la commission des marchés, le nombre de ses membres, leurs désignations et la durée de
leur mandat (C. trav. art. L 2325­35­3) .
Les décrets 2015­357 et 2015­358 du 27 mars 2015, pris en application de la loi précitée, viennent compléter ce texte,
notamment pour ce qui concerne les règles de fonctionnement, de transparence financière du comité d’entreprise et relancent le
débat relatif au rôle du règlement intérieur du CE.
En l’état actuel des dispositions légales et jurisprudentielles qui régissent le fonctionnement du CE, l’élaboration voire la révision
du règlement intérieur de cette instance apparait désormais non seulement comme une nécessité mais sans doute aussi,
comme une opportunité pour cette instance ou son président.
Une obligation à appréhender comme une opportunité A l’exception des quelques dispositions précitées expressément prévues par le Code du travail, l’élaboration du règlement
intérieur reste un exercice libre.
A cet égard, toutes sortes de « modèles » existent et circulent, en particulier sur internet. Ces modèles proposent en règle
générale :
­ de réitérer des dispositions d’ores et déjà prévues par la loi,
­ d’établir, le cas échéant, une série d’avantages au profit de la délégation du personnel élue et désignée au sein de cette
instance.
Le plus souvent, l’élaboration et le contenu du règlement intérieur sont proposés par les représentants du personnel et « subis »
par le président.
C’est une erreur et la loi de mars 2014 et ses décrets d’application de mars 2015 constituent un évènement idéal pour inviter, en
conséquence, le comité d’entreprise dans son ensemble à reconsidérer le rôle du règlement intérieur.
Le travail du président du comité d'entreprise, dans cette perspective, peut être guidé par les objectifs suivants :
­ conseiller le comité en prenant appui sur son expérience et sa compétence ;
­ offrir à cette instance des outils permettant l’élaboration de règles de fonctionnement claires à l’occasion de ce débat sur le
règlement intérieur ;
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­ permettre l’anticipation d’une gestion financière, transparente, en complément de ce que prévoient les décrets.
Le rôle du président : Veiller et conseiller
Le président du comité d’entreprise est investi vis­à­vis des représentants du personnel d’un devoir de vigilance et de conseil.
Il est, en outre, membre à part entière du comité d’entreprise et donc aussi garant de l’intérêt des salariés.
Il a donc, à ce double titre, de bonnes raisons de traiter la question du contenu du règlement intérieur de manière active.
L’élaboration, voire, la révision du règlement intérieur, doit être appréhendée comme une opportunité de clarifier, d’améliorer les
règles de fonctionnement du comité et de traiter « à froid » les questions qui pourraient éventuellement compliquer les relations
au sein de cette instance si elles ne sont pas anticipées.
Alors, on est en droit d’attendre du président du CE, en tant que chef d’entreprise, qu’il apporte aux autres membres de
l’instance son expérience et des suggestions permettant le bon fonctionnement du comité.
Le président doit donc jouer un rôle actif, constructif et se placer en force de propositions, dans l’intérêt du meilleur
fonctionnement de l’instance.
Régir les modalités de fonctionnement opérationnel du CE
Il est superfétatoire de répéter, dans le règlement intérieur, les dispositions légales ou jurisprudentielles.
Cela surcharge en effet inutilement un document qui doit avant tout demeurer lisible, pratique.
C’est ajouter, en outre, un élément de complexité dans l’hypothèse où les dispositions légales viendraient à évoluer.
Le rôle du règlement intérieur est de compléter la loi de manière opérationnelle et adaptée au fonctionnement du CE concerné.
Il peut être opportun, par exemple, de prévoir les modalités de convocation des représentants du personnel à l’occasion des
réunions, notamment, lorsqu’il est prévu d’utiliser la messagerie électronique.
Les modalités d’élaboration de l’ordre du jour et le travail ainsi préalable mené par le secrétaire et le président peuvent être
organisées pour fluidifier ainsi le traitement d’une question parfois délicate.
Le règlement peut aussi régir les modalités aux termes desquels les documents destinés à l’examen des représentants du
personnel leur sont transmis.
Les conditions d’adoption et de diffusion des procès­verbaux définitifs peuvent aussi être organisées de manière pertinente par
le règlement intérieur .
Il est aussi logique, sinon judicieux, de déterminer dans le règlement intérieur quel est le représentant du CE pour les
éventuelles actions en justice lorsque cette instance est assignée. La loi n’a en effet pas régi cette question, ce qui, parfois, rend
complexe les rapports du CE avec ses interlocuteurs extérieurs et plus particulièrement ses prestataires.
Le règlement intérieur n’a pas à réécrire les nouvelles obligations légales mais peut en revanche les compléter
La transparence financière passe aussi par l’anticipation :
Or, ces textes nouveaux mettent en évidence un manque troublant en matière de contrôle de la gestion financière du CE.
En effet, ce qui est désormais imposé au CE, c’est la nécessité de l’élaboration de rapports précis permettant à chacun de
prendre connaissance des conditions dans lesquelles les finances du comité d’entreprise ont été gérées.
C’est une bonne chose, mais c’est loin d’être suffisant.
A quoi sert un rapport si les responsables de la gestion du CE, le secrétaire, le trésorier ont agi de manière inconsidérée et
surtout sans débat préalable ?
La lecture d’un rapport permettra certes au comité et, à travers lui, aux salariés de constater que le mal est fait avec, parfois, les
conséquences tout à fait regrettables que l’on peut imaginer sur la situation financière du comité d’entreprise.
L’élaboration du règlement intérieur (ou sa révision éventuelle), à l’occasion de cette loi et des décrets, offre l’opportunité au
président de proposer à cette instance de se doter de règles de bon sens venant de manière judicieuse compléter le dispositif
légal en matière de transparence financière.
Ainsi, par exemple, il peut être proposé d’insérer au sein du règlement intérieur, une disposition instituant une délégation de
pouvoir économique au profit d’un ou de plusieurs représentants du CE. Cette délégation précise aura pour objet notamment
de fixer les règles d’utilisation des fonds du CE.
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A ce jour, en effet, aucune règle légale n’établit les conditions dans lesquelles les représentants du personnel peuvent engager
ces fonds mis à leur disposition dans le cadre du budget de fonctionnement, comme au titre du budget des activités sociales et
culturelles.
En prenant pour référence les règles qui régissent le fonctionnement d’une entreprise, il semble judicieux de déterminer :
­ qui peut engager les fonds confiés au comité d’entreprise ;
­ le montant plafond jusqu’auquel un élu peut agir seul ;
­ le montant au­delà duquel il ne peut pas engager le comité, sans avoir préalablement consulté celui­ci, en séance plénière.
On observe effectivement, trop souvent, qu’en l’absence de dispositions spécifiques et précises, certains des membres du CE
prennent des décisions, sans débat préalable en séance plénière, ce qui est à tout le moins, regrettable sinon imprudent.
Le règlement intérieur n’est pas le lieu des concessions de l’entreprise
On constate trop souvent au travers des projets proposés par certains CE que le règlement intérieur est appréhendé comme un
outil permettant d’obtenir des concessions ou/et des avantages supplémentaires au profit des représentants du personnel.
C’est un mélange des genres.
Le règlement intérieur régit le fonctionnement de l’instance.
Si l’entreprise entend faire des concessions, ce règlement n’est certainement pas le véhicule juridique adéquat pour les raisons
suivantes :
­ sa forme est par essence succincte et se prête mal à un exposé détaillé des causes et conséquences d’une concession
spécifique en faveur du CE ;
­ c’est un document dont l’élaboration et ses modifications éventuelles se font à la majorité de ses membres dotés d’un droit de
vote (y compris le président). Cela signifie que sa révision éventuelle et donc des concessions qu’il pourrait contenir, échappent
alors totalement au président du CE.
Ainsi, confronté à la proposition d’insérer dans le règlement intérieur, des concessions spécifiques en faveur du CE ou de ses
représentants, il est recommandé de décliner cette proposition et d’inviter les représentants du personnel à débattre de ces
éventuels avantages dans le cadre d’une négociation ou, le cas échéant, de les décider de manière unilatérale.
Les concessions en faveur du CE doivent être établies par
accord Il est vivement recommandé aux entreprises qui décident
d’octroyer des avantages complémentaires au comité
d’entreprise et/ou à ses représentants élus de le faire dans le
cadre de la négociation collective. Cela permet ainsi :
­ un débat avec l’ensemble des organisations syndicales
représentatives qui, par essence, sont directement concernées ;
­ un exposé détaillé et précis des causes et de la nature des
concessions consenties, ce qui est le rôle d’un accord bien écrit ;
­ pour l’employeur, en tant que partie à cet accord, de proposer sa
rédaction.
Le cas échéant, l’employeur, en cas d’échec de la négociation,
pourra toujours procéder par la voie d’une décision unilatérale,
outil juridique, qui lui permet là aussi de conserver la maîtrise de
la nature et du contenu précis des concessions qu’il entend faire,
assortie de la possibilité de dénoncer cet avantage si cela s’avère
nécessaire.
Le président doit se montrer vigilant lors du vote du règlement intérieur
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Les règles qui président à l’adoption d’un règlement intérieur ne permettent pas en l’état au président d’empêcher le vote d’une
disposition qu’il considère illicite ou contraire aux intérêts de l’entreprise, voire du CE.
Il ne dispose en effet que d’une seule voix parmi les autres membres du CE. S’il n’a pas réussi à convaincre les membres de
l’instance, son vote, minoritaire, sera sans effet immédiat.
Cela induit notamment que le président :
­ veille à ce que le projet de règlement intérieur soit communiqué plusieurs jours, au moins, avant la réunion plénière
consacrée au débat sur ce texte et à son éventuelle adoption.
­ procède, pour chaque article, à une lecture attentive du texte proposé et, chaque fois que nécessaire, offre au CE une
alternative assortie d’un exposé de son point de vue et des raisons pour lesquelles il entend suggérer une rédaction différente.
Il est tout particulièrement recommandé de porter l’ensemble des observations sur ces différents articles du règlement intérieur
dans le cadre d’une déclaration écrite qui résume et recense l’ensemble des éléments de la position du président.
Ce texte sera ensuite, après le débat, annexé au procès­verbal du CE.
Cette déclaration constitue un outil important sinon nécessaire pour éclairer un éventuel débat judiciaire ultérieur.
Le règlement intérieur adopté doit être appliqué ou contesté en justice
La position de la Cour de cassation sur cette question est très claire.
Si le principe est que « le règlement intérieur ne peut pas imposer à l‘employeur des contraintes ou charges non prévues par la
loi (Cass. Soc. 8­10­2014 n° 13­17.133 : RJS 1/15 n° 40), le chef d’entreprise, en revanche, est tenu de respecter les
dispositions du règlement intérieur dès lors qu’elles ont été adoptées.
Elles s’imposent à lui tant qu’il n’en a pas obtenu l’annulation par le juge (Cass. crim. 8 juin 1995).
Si le président du CE constate le maintien au sein du règlement intérieur de dispositions qui lui apparaissent contraires à la loi
ou aux intérêts de l’entreprise, il ne peut donc, de lui­même, refuser de les appliquer.
Il doit alors saisir le juge du TGI et solliciter de celui­ci l’annulation des clauses qu’il conteste.
Le règlement intérieur doit faciliter et clarifier le rôle des membres du CE
En conclusion, les dispositions du règlement intérieur offrent, à l’occasion de la loi de 2014 et des décrets de 2015, une
opportunité pour le président et les membres du CE d’organiser de manière pertinente le fonctionnement de cette instance et, en
particulier, les outils d’une gestion saine et transparente des sommes et des biens confiés aux représentants du personnel.
C’est clairement le rôle du président du comité que de proposer aux membres du CE toutes les mesures qui lui apparaissent
judicieuses dans cette perspective.
Appréhendé comme tel, le règlement intérieur peut donc constituer un outil de dialogue et un instrument permettant de faciliter
et de clarifier le rôle des membres élus du comité d’entreprise, notamment en ce qui concerne la gestion financière de cette
instance.
Frédéric Leclercq est avocat associé au sein du cabinet Lusis Avocats depuis janvier 2012. Après
avoir travaillé plus de 8 ans en entreprise en qualité de juriste en droit social, il est devenu avocat
en 1995. Il intervient en particulier dans le domaine des institutions représentatives du personnel,
de la gestion des conflits sociaux, des volets sociaux des projets de restructuration et de
transformation d’entreprise. Frédéric Leclercq a participé en tant que coauteur à la rédaction de
l’ouvrage « le Comité d’entreprise : mode d’emploi » (Editions Liaisons 2011).
Site web : http://www.lusis­avocats.com
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