En savoir plus

Transcription

En savoir plus
ALERTE
18/05/2016
Communiqué de la DGCCRF du 8 mars 2016 : Décryptage des clauses identifiées comme susceptibles de
créer un déséquilibre significatif en faveur du franchiseur, dans les contrats de franchise de restauration
rapide et à thème
Les enquêteurs de la Direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la répression
des fraudes (DGCCRF) ont analysé les relations
contractuelles liant 12 franchiseurs et leurs franchisés
dans le secteur de la restauration rapide et à thème.
Un certain nombre de manquements aux dispositions
du Code de commerce relatives aux pratiques
restrictives de concurrence (article L.442-6 I 2°) ont
été relevés.
-
seul le franchiseur pourra résilier le contrat de
façon anticipée ;
-
le franchisé perdra son droit d'entrée en cas
d'échec à l'examen durant la formation ;
-
le franchisé ouvre au franchiseur un accès
illimité et sans réserve à ses données
informatiques ;
 Quelles sont les clauses visées ?
-
le franchisé doit s'acquitter de pénalités
disproportionnées s'il ne respecte pas ses
obligations ;
-
imposer au franchisé des clauses de non
concurrence tout en favorisant l’implantation
de nouveaux franchisés sur le même
territoire ;
-
certaines clauses sont de nature à constituer
une atteinte injustifiée au droit de propriété.
Ce communiqué inclut une liste détaillée de clauses
susceptibles de créer un déséquilibre significatif en
défaveur des franchisés :
-
paiement par le franchisé d’une redevance de
communication pour assurer la promotion du
réseau, ou d’une redevance permanente pour
bénéficier de l’assistance du franchiseur sans
contrepartie suffisante ;
-
montant du droit de renouvellement du
contrat de franchise parfois identique à celui
du droit d'entrée ;
-
Clauses qui contreviennent explicitement au
seuil légal autorisé des délais de paiement (60
jours date de facture et sous certaines
réserves 45 jours fin de mois) en prévoyant
que le franchiseur et le franchisé décident de
déroger aux dispositions légales ;
-
seul le contrat rédigé en langue anglaise fera
foi ;
-
le
franchiseur
pourra
unilatéralement le contrat ;
modifier
Cette liste n’apparait pas comme exhaustive, dès lors
que la DGCCRF emploie à deux 2 reprises l’abréviation
etc, signe avant-coureur que d’autres clauses
pourraient prochainement être décelées comme
« déséquilibrées ».
 Contexte : Ce communiqué s’inscrit clairement
dans la filiation en ligne directe de l’avis de
l’Autorité de la Concurrence rendu en matière de
Grande distribution alimentaire (Avis de l’ADLC n°
10-A-26 du 7 décembre 2010) qui avait été le
premier à stigmatiser les effets de verrouillage
contractuels restreignant excessivement la liberté
de sortie de l’affilié/franchisé au regard d’un
savoir-faire insuffisamment caractérisé en ce
domaine, pour justifier de telles restrictions.
1
Ces constats ont finalement abouti à l’introduction
par la loi Macron (i) d’une échéance commune à
l’ensemble des contrats liant une tête de réseau de
distribution à un affilié exploitant un commerce de
détail et à (ii) l’interdiction de principe des clauses de
non-concurrence et de non-réaffiliation postcontractuelles.
L’angle d’attaque est cette fois-ci différent.
Ce communiqué traduit la volonté du pouvoir
régulateur, initiée depuis l’été 2008 et la Loi de
Modernisation de l’Economie, de rééquilibrer les
rapports de force, en éradiquant sur le fondement des
pratiques restrictives de concurrence, les clauses
contractuelles susceptibles de porter une atteinte
disproportionnée à l’affilié à un réseau de distribution.
Cette volonté de rééquilibrage est également au
centre du droit des contrats réformés, applicable aux
contrats conclus à compter du 1er octobre 2016,
lequel comporte des innovations susceptibles d’influer
considérablement sur l’économie des relations
franchiseur-franchisé
(imprévision,
déséquilibre
significatif,
codification
de
l’exception
d’inexécution…).
 Analyse critique du communiqué de la DGCCRF :
insuffisante connaissance du système de franchise
et de ses enjeux
Si la volonté de rééquilibrer le rapport de force peut
être louable à bien des égards, les prescriptions de la
DGCCRF qui peuvent s’apparenter à une liste de
« clauses grises » présumées abusives bien connues
des consuméristes, constituent une source
incontestable d’insécurité juridique et la porte
ouverte à l’introduction de multiples contentieux à
l’initiative de franchisés mal intentionnés.
Si la stigmatisation de certaines clauses comme
potentiellement déséquilibrées apparait légitime
(délai de paiement, implantation de nouveaux
franchisés dans la zone d’exclusivité d’un franchisé lié
par une clause de non concurrence), la grande
majorité de ces mises en garde nous apparait
contraire à la pratique décisionnelle de la chambre
commerciale de la Cour de cassation qui préconise
une analyse globale in concreto des contrats.
Plus grave, elles traduisent à certains égards, une
méconnaissance totale du système de franchise (à
moins qu’il s’agisse d’une défiance), dans lequel le
franchiseur
qui
a
consenti
d’importants
investissements financiers et humains pour
développer un savoir-faire identifiable, secret et
substantiel, source d’avantages pro-concurrentiels
pour ses franchisés, se doit de s’assurer un retour sur
investissement, lequel passe nécessairement par la
préservation de son savoir-faire éprouvé.
Prenons 2 exemples concrets qui nous apparaissent
comme les plus évocateurs :

Sur l’appréciation du paiement par le franchisé
d’une redevance de communication, pour
participer à la promotion du réseau, ou d’une
redevance permanente pour bénéficier de
l’assistance du franchiseur sans contrepartie
suffisante :
Il est acquis que la mise à disposition par le
franchiseur au franchisé, d’une enseigne, d’une
marque, d’un savoir-faire éprouvé et évolutif, outre la
fourniture d’une assistance et d’une formation, a pour
nécessaire contrepartie la perception par le
franchiseur, d’un droit d’entrée à la signature du
contrat de franchise et la facturation continue de
redevances pendant son exécution.
En remettant en cause le principe même de la
perception de telles redevances dès lors que cette
dernière ne dispose pas d’une « contrepartie
suffisante », le communiqué de la DGCCRF introduit
de nouvelles problématiques auxquelles il n’est pas
apporté de réponse.
En effet, l’analyse du caractère « suffisant » du service
offert par le franchiseur ouvre droit à une
interprétation
intrinsèquement
subjective
et
partisane, dès lors que la DGCCRF ne livre aucune
grille d’analyse permettant aux franchiseurs de
mesurer si leurs contrats actuels répondent à cet
impératif de contrepartie suffisante.

Sur la clause selon laquelle le franchisé
perdrait son droit d'entrée en cas d'échec à
l'examen durant la formation
La préservation de l’homogénéité de son réseau
constitue une sacro-sainte nécessité pour le
franchiseur afin de permettre aux franchisés de
2
dupliquer efficacement les avantages concurrentiels
attachés au savoir-faire.
DGCCRF maintiendra sa surveillance sur le contenu des
contrats. »
Cet impératif conduit le franchiseur à un processus de
sélection drastique des candidats au réseau -sur la
base de critères objectifs- lesquels devront, avant de
pouvoir débuter leur activité, suivre un processus de
formation suffisamment complet pour leur permettre
d’assimiler et de maitriser l’ensemble des
composantes du savoir-faire du franchiseur.
Il faudra être attentif à l’issue des 2 procédures
d’injonction et des 2 projets d’assignation
actuellement en cours, lesquels peuvent aboutir in
fine à la nullité des clauses jugées déséquilibrées et à
l’allocation de dommages et intérêts en faveur de la
victime du déséquilibre.
L’intégration d’un franchisé insuffisamment formé à
un réseau est préjudiciable pour l’ensemble des
parties : tant pour le franchisé qui voit le risque
d’échec se démultiplier ; que pour le franchiseur, dont
l’image de marque du réseau pourrait être
sévèrement altérée par les agissements d’un franchisé
déviant, outre les risques liés à la résiliation du contrat
pour absence de transmission d’un savoir-faire.
Dans ce contexte, la conservation à tout le moins
d’une partie du droit d’entrée par le franchiseur en
cas d’échec à l’examen durant la formation, nous
apparait comme une contrepartie proportionnée,
pour autant que cet échec soit justifié par des
considérations purement objectives.
 Quelles conséquences pour les franchiseurs?

Conséquence directe et frontale : L’enquête
diligentée par la DGCCRF s’est soldée par 5
avertissements, 2 projets d'assignation et 2
projets
d'injonction
(demande
de
modification des clauses) sur 12 contrats
passés au crible.

Vigilance renforcée pour les franchiseurs :
Même si l’on ignore, à ce jour, l’identité des
enseignes concernées, il est évident que
l’ensemble des franchiseurs-et non pas
seulement ceux à la tête d’un réseau de
restauration rapide ou à thème- se trouvent
potentiellement concernés par les nouvelles
prescriptions des agents de Bercy et devront
être attentifs à auto-vérifier et adapter le cas
échéant leurs pratiques contractuelles.
Pour autant, la tentation de contrôles démesurés,
l’amplification d’une régulation hors sol excluant la
« règle de raison » et la multiplication de procès
excessifs voire intempestifs de la part de franchisés
ravis de trouver là le moyen de judiciariser leur
mauvaise humeur, ne doivent pas faire oublier que le
« déséquilibre » est sain lorsqu’il n’est pas
« significatif » et qu’il contribue à l’efficacité collective
grâce à un gain partagé par la trilogie :
fournisseur/distributeur/consommateur.
Le système de la franchise l’a en général parfaitement
démontré depuis 30 ans, en favorisant le progrès
économique et la croissance de l’emploi.
Olivier Binder / François Mignon
Avocat associé
Avocat
La phrase conclusive dudit communiqué de la DGCCRF
appelle à une vigilance renforcée : « en raison du
nombre des manquements observés et du
développement de la pratique de la franchise, la
3