19 Économie politique de l`Internet au Maghreb
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19 Économie politique de l`Internet au Maghreb
19 Économie politique de l’Internet au Maghreb Incertitudes d’une démocratisation du numérique Ahmed DAHMANI L’Internet, innovation technologique majeure de la fin du XXe siècle, se caractérise par la numérisation croissante des données et leur circulation à travers la planète grâce à une connectivité quasi généralisée. Il se singularise des autres technologies de l’information et de la communication (TIC) par sa capacité à relier et à mettre en réseau les individus et les groupes qui peuvent interagir en relative liberté. Il constitue un système informationnel et communicationnel ouvert qui offre des opportunités d’échanges et une gamme d’usages toujours plus importants et en constant renouvellement. La diffusion de cet outil transforme les consommateurs en usagers et certains de ces derniers en concepteurs de leur propre environnement informationnel. Source d’ouverture, de communication et de liberté, il est au cœur de transformations en profondeur des économies et des sociétés, de la culture et de la politique. Au niveau politique, on y voit un instrument qui permet d’améliorer le fonctionnement démocratique des sociétés et des États. En particulier, l’Internet encouragerait à une plus grande transparence l’action des gouvernements, stimulerait le débat public tout en promouvant l’expression culturelle et politique des différents agents et groupes sociaux. L’introduction de l’Internet au Maghreb, comme dans le reste des pays en développement, a réactivé l’utopie techniciste qui, dès l’irruption d’une innovation technologique, postule la transformation sociale et politique grâce à la technique. Comme si celle ci, par une sorte de puissance intrinsèque, fut-elle celle de l’Internet, pouvait changer les pratiques politiques et promouvoir la démocratie. Or l’histoire nous a toujours enseigné 294 LA DÉMOCRATIE À L’ÉPREUVE DE LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE que ce sont les groupes sociaux qui peuvent s’approprier les techniques et en faire des outils de transformations sociales. Pour notre part, nous tenterons de dresser un état des lieux de la pénétration de l’Internet au Maghreb, des obstacles et limites socioéconomiques et institutionnels qui freinent son développement (I). Nous essayerons de montrer comment les États de cette région qui ne cessent de scander et parfois même d’accompagner le développement de l’Internet, affichent une certaine appréhension qui peut se traduire par une volonté de contrôle de l’Internet (II). Car ce qui caractérise ces régimes autoritaires, peu sûrs de leur légitimité et inquiets d’une remise en cause de leur pouvoir et des privilèges qui y sont attachés, c’est cette attitude frileuse vis-à-vis de l’Internet qui rend incertain son développement (III). L’Internet au Maghreb : développement et limites Depuis le milieu des années quatre vingt dix, l’Internet au Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) suit une courbe ascendante réelle. Cette évolution prometteuse a pu ainsi nourrir les espoirs d’une plus grande libéralisation politique et culturelle. L’Internet est effectivement porteur de virtualités politiques et de libertés réelles. Ce que T. Vedel appelle les potentialités de l’Internet pour la démocratie1 : il permet une meilleure information des citoyens par la diminution des coûts de diffusion et de stockage, par la possibilité d’accès aux informations primaires (rapports, études, discours, etc.), par la facilitation de l’expression des citoyens (sites, blogs, etc.) ; il constitue un stimulant du débat politique en permettant la circulation d’idées hors des cadres classiques ou institutionnels et en facilitant le contact entre individus et groupes de différentes origines (géographiques, sociales, culturelles, etc.) ; il constitue enfin un outil pour l’action collective comme l’ont montré les différentes mobilisations sociales, politiques et culturelles des différentes parties du monde. Or, pour que l’Internet devienne cet outil de progrès dans le fonctionnement démocratique des sociétés, il doit lui-même être démocratisé en termes d’accès, de contenus et de libertés2. Et plutôt que l’entrée du Maghreb 1. Vedel.T, L’Internet et la démocratie, Cahiers français, n° 295, mars-avril 2000, La Documentation française. 2. Sung Ilkwon montre comment une politique volontariste d’accès à l’Internet place la Corée du sud parmi les pays les plus connectés au monde et comment l’Internet a joué un rôle majeur dans la mobilisation politique dans ce pays, Internet, un nouvel outil de la mobilisation politique en Corée du sud, Teminal, n° 92, hiver 2004-2005. LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE 295 dans une « hypothétique société de l’information »3, nous nous interrogerons sur la pénétration de l’Internet et de son développement dans cette région. Ou, comment l’accès à cet outil, qui a connu un véritable boom durant ces dernières années, tend à se ralentir en raison de problèmes socio-économiques et institutionnels propres aux États de la région. Une progression contrariée de l’Internet au Maghreb Un développement rapide… L’Internet a été introduit au Maghreb dans les années 19904 et de nombreux indices montrent sa familiarisation rapide dans les sociétés de la région5. Il a connu une évolution remarquable supérieure à la moyenne africaine. Selon les données de l’UIT6 le nombre d’internautes a été multiplié par près de treize en Algérie passant de 150 000 en 2000 à 1 920 000 en 2005. Dans les deux autres pays, la progression a été encore plus spectaculaire : au Maroc le nombre d’internautes est passé de 120 000 en 2000 à plus de 4,6 millions en 2005 (un multiple proche de 40) et en Tunisie leur nombre est passé de 32 000 en 2000 à 954 000 en 2005 (un multiple proche de 30). Ce fait doit cependant être tempéré car la « notion d’internaute est par essence difficile à cerner précisément »7. De plus, la forte progression des internautes cache mal un taux de pénétration8 faible se situant en dessous de la moyenne africaine à l’exception de la Tunisie. Cette faiblesse du nombre d’abonnés est d’abord due à la disproportion des tarifs de connexion par rapport aux revenus et ce malgré des baisses importantes et des promotions régulières. Ainsi, pour une connexion illimitée en ADSL 3. Gonzalès-Quijano. Y, A la recherche d’un Internet arabe : démocratisation numérique ou démocratisation du numérique ? Maghreb-Machrek, n° 178, 2003-2004. 4. Tunisie : 1991 ; Algérie : 1993 ; Maroc : 1995. 5. Gonzalès-Quijano. Y, op. cit. 6. Pour les indicateurs de télécommunications nous nous basons sur les données publiées par l’Union Internationale des Télécommunications que nous complétons par les données officielles disponibles sur les sites des instances spécialisées des trois pays du Maghreb. Pour l’Algérie : http://www.arpt.dz; pour le Maroc : http://www.anrt.ma; pour la Tunisie : http://www.ati.tn. 7. L’ANRT définit l’internaute comme « toute personne physique qui s’est connectée au moins une fois au cours du dernier mois (type 1) ou au cours des 12 derniers mois (type 2), indépendamment du lieu et de la méthode d’accès utilisés », Observatoire des technologies de l’information in http://www.anrt.ma 8. Selon l’UIT, le taux de pénétration est un indicateur mesurant l’accès aux télécommunications, que l’on calcule en divisant le nombre d’abonnés à un service particulier par le nombre d’habitants, puis en multipliant le résultat par 100. 296 LA DÉMOCRATIE À L’ÉPREUVE DE LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Développement de l’Internet Source : http://www.itu.int/ITU-D/ict/statistics/ ; UIT, Indicateurs des télécommunications africaines, 2004. en 256Kb/s le tarif est plus avantageux en Tunisie et au Maroc, respectivement de 15 et 18 euros, contre 26 euros en Algérie. Il n’en représente pas moins 10 % du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) dans les deux premiers pays alors qu’en Algérie il représente près du quart du salaire minimum. A ce coût élevé9 de la connexion il faut ajouter le faible taux d’équipement des ménages en ordinateurs comme le montre le tableau suivant. Équipement informatique (2005) Source : http://www.itu.int/ITU-D/ict/statistics/ 9. Pour le même type de connexion, le coût en France représente près de 2 % du SMIC. LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE 297 Le sous-équipement s’explique principalement par le coût prohibitif des PCs10 auquel il faut ajouter, dans les cas algérien et marocain (moitié moins la moyenne africaine), d’autres paramètres comme les mauvaises conditions d’habitat et les préférences des ménages pour l’équipement télévisuel. La fourniture d’accès à l’Internet fait apparaître deux orientations institutionnelles différentes (Algérie, Maroc d’une part et Tunisie de l’autre) mais qui aboutissent toutes à une structure de marché particulièrement concentrée malgré l’ouverture de cette activité au partenariat étranger (Cegetel au Maroc ; Wanadoo en Algérie et en Tunisie). Ainsi donc, au Maroc (une simple déclaration suffit) comme en Algérie (un régime d’autorisation remplace celui de la licence depuis 2000), les formalités de création d’entreprises Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI) sont relativement simples et libres. Cependant très vite, la structure de marché va se resserrer avec la constitution de structures quasi duopolistiques. Au Maroc, le marché recense près de 130 opérateurs mais il est en fait dominé par MENARA, marque commerciale de l’Internet de l’opérateur historique, avec une part de marché de 88 % tous accès confondus (et 94 % de l’ADSL). En Algérie, sur les 108 autorisations de providers, 10 seulement demeurent en activité mais le marché est dominé par un FAI public DJAWEB et un privé EEPAD qui en contrôlent 90 %. La concentration de ce marché des FAI en Algérie et au Maroc est particulièrement préjudiciable aux opérateurs privés. Ceuxci subissent des retards et des coûts d’interconnexion au backbone11 national particulièrement élevés imposés par l’opérateur historique qui contrôle cette infrastructure. Des coûts qui vont ensuite être répercutés par le FAI au niveau des tarifs d’abonnement décourageant nombre d’abonnés potentiels. Le risque à moyen terme est que le faible nombre d’abonnés (Cf. supra.) se traduise par une insuffisante rentabilisation pour les opérateurs privés. Ces derniers pourraient alors cesser leurs activités et in fine aboutir à une concentration plus importante du marché de l’Internet. En Tunisie la concentration du marché est l’aboutissement d’une démarche volontariste du gouvernement. Les structures publiques (ministères, offices, universités, etc.) sont connectées de fait par 7 FAI publics. Le marché privé est lui parti- 10. En Algérie une opération intitulée « OUSRATIC » a été initiée par les pouvoirs publics où l’ordinateur de base est proposé pour l’équivalent de 400 euros, soit près de 4 fois le SMIG, ce qui explique en grade partie son relatif succès. En Tunisie, un programme intitulé « l’ordinateur familial » encouragé par l’Etat pour l’acquisition d’un ordinateur pour l’équivalent de 780 euros (soit près de 5 fois le SMIG) avec des facilités bancaires. Ce programme a en fait essentiellement bénéficié aux couches moyennes et le volume de PCs vendus est demeuré faible, près de 10 000 pièces entre 2001 et 2003. 11. Les backbones forment la colonne vertébrale d’Internet. Reliant les villes et pays entre eux, ils permettent de faire transiter l’information (mail, web...) d’un endroit à un autre. En effet, un ordinateur est relié à son FAI qui lui-même est relié au reste du monde par le biais de backbones qui lui permettent donc de faire transiter la masse colossale d’informations montantes et descendantes de ses clients. 298 LA DÉMOCRATIE À L’ÉPREUVE DE LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE culièrement encadré par l’Agence Tunisienne d’Internet (ATI) qui, sous la tutelle du ministère des télécommunications, gère tout l’Internet dans ce pays (orientation, promotion, formation, réseaux, etc.). De fait le marché des FAI qui compte cinq opérateurs est dominé par un duopole effectif12 : PLANET et GLOBALNET. Ces obstacles à l’accès sont contournés par les utilisateurs qui se connectent plutôt à travers des centres publics (cybercafés en Algérie et au Maroc, Publinets en Tunisie). Ces structures sont relativement abordables en termes de tarifs13 et d’ouverture (certains cybercafés en Algérie et au Maroc peuvent rester ouverts 24/24 pour certains de leurs habitués). La Tunisie se distingue des autres pays par un faible nombre d’accès publics en comparaison avec ses voisins : 0,3 pour 10 000 habitants contre 0,66 au Maroc et 1,4 en Algérie14. De plus, ces accès publics en Tunisie sont soumis à des obligations et à un contrôle de l’État particulièrement pesants : des conditions d’exploitation rigides et un cahier des charges contraignant sont fixés par le gouvernement qui tient à régir les activités de ces petites entreprises. …freiné par la faiblesse des infrastructures Les conditions de connexion se sont améliorées, durant les trois dernières années, avec l’introduction de l’ADSL dans les trois pays. Cependant celles-ci demeurent conditionnées par son coût élevé et tributaire d’infrastructures de base encore peu développées. En particulier la télédensité fixe demeure faible et connaît une progression limitée comme le montre le tableau suivant : Télédensité lignes fixes Source : http://www.itu.int/ITU-D/ict/statistics/ 12. Les autres « providers » ont des parts de marché insignifiantes. 13. Selon M. Mezouaghi, « Cette baisse de la tarification a été plus importante que la baisse des coûts d’exploitation, rendant pour le moins fragile le modèle économique des cybercafés » ; in Libéralisation des services de télécommunication au Maghreb : transition institutionnelle et performances, décembre 2005, http://www.afd.fr. 14. Calculs de l’auteur selon les données fournies par les organismes officiels des trois pays. LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE 299 Cette faible progression (la situation au Maroc est encore plus grave) de la télédensité de lignes fixes semble avoir pâtie, en partie, de la croissance exponentielle de la téléphonie mobile15. Au Maghreb comme dans la plupart des pays d’Afrique16, nous assistons au phénomène de substitution de la téléphonie mobile à la téléphonie fixe. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène. Des causes structurelles d’abord : les infrastructures mobiles sont rapides à installer et coûtent moins chers aux opérateurs qui profitent de taux de rentabilité17 supérieurs à ceux du fixe. La qualité du service est appréciée par les clients qui n’ont pas à subir de liste d’attente. Enfin, au niveau financier, la téléphonie mobile semble adaptée au budget limité des ménages maghrébins et africains. Le principal risque du développement du téléphone mobile et surtout de cet effet de substitution est l’affection du réseau filaire et son corollaire le sousdéveloppement de l’Internet. Les investissements dans le secteur des télécommunications, nécessaires au développement de l’Internet, se caractérisent par une disparité profonde entre l’Algérie et ses voisins. Alors que leur part dans l’investissement total atteint 7,8 % au Maroc et 5,8 en Tunisie, elle est en dessous de 1 % en Algérie18 qui dispose pourtant de ressources plus importantes19 que ses voisins : en 2003, le PIB algérien représente 1,5 fois celui du Maroc et 2,6 fois celui de la Tunisie. 15. En comparaison la télé densité mobile est impressionnante : 14,48 en Algérie soit une progression de 4525 % entre 2001 et 2004, 31,23 au Maroc soit une progression de 190 % pour la même période et 35,86 en Tunisie avec une progression de 892 %. 16. Selon Do Nascimento J., « la rapidité de mise en service de cet outil pour l’usager l’a fait immédiatement apparaître aux pays africains comme un canal d’accès direct à cette ressource communicationnelle qui se caractérisait jusque là par sa rareté en termes d’accès », Le développement du téléphone portable en Afrique, s/d. Verschave F.X et alii, Télécommunications entre biens publics et marchandises, éd. Léopold Mayer, 2005, p. 182. 17. Selon le directeur des opérations internationales à France Telecom, « la rentabilité est surtout liée au fait que 95 % des usagers africains utilisent des cartes prépayées. Ainsi à la différence de beaucoup d’autres activités, le client paie à la commande et il n’y a pratiquement pas de piratage », in Le Monde du 08/10/2005. 18. « L’Algérie a rarement investi plus de 0,5 % du PIB dans les télécommunications, alors qu’il est admis qu’un réseau en phase de croissance exige l’investissement d’un minimum de 1,5 % du PIB », in http://www.cnes-dz.org, Les exigences de mutation du système d’information économique et sociale, Alger, mai 2004. 19. Profitant d’une croissance considérable des revenus de la rente d’hydrocarbures dans les années 2000, le gouvernement algérien a initié un plan , sur 5 ans, dit de soutien à la relance économique d’un montant de 7 milliards d’euros dont près de 10 % sont consacrées au développement des TIC : informatisation des services de télécommunications, mise en place d’une plate-forme Internet, numérisation du réseau, extension GSM, téléphonie rurale. Le bilan de ce programme de développement des TIC n’est pas encore connu. 300 LA DÉMOCRATIE À L’ÉPREUVE DE LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE Investissements (2002) Source : UIT, Indicateurs des télécommunications africaines, 2004. Pourtant, l’Algérie a des besoins en infrastructures autrement plus importants que ses voisins : c’est un territoire immense (plus de 5 fois le Maroc et plus de 14 fois la Tunisie, avec une densité de population faible, 13 hab./km2, plus de 60 chez ses voisins) ; une population nombreuse (quasi équivalente au Maroc mais 3 fois celle de la Tunisie). De même que l’existence d’économies d’échelle dans le secteur des télécommunications ainsi que l’ampleur et la rapidité des innovations dans les TIC commanderaient la mise en place d’une politique d’intégration régionale en matière d’infrastructures que les trois pays du Maghreb sont loin d’emprunter. Enfin le développement de l’Internet pose aussi le problème des contenus et des langues utilisées à travers le réseau. Le contenu des sites WEB demeure pauvre et peu adapté aux besoins locaux, avec une faible proportion des contenus en langue arabe et amazigh (berbère)20. Le risque alors avec le développement des infrastructures nécessaires à l’Internet est que les pays du Maghreb continuent de recourir systématiquement aux sites et aux contenus étrangers, renforçant ainsi la dépendance culturelle et économique de la région. 20. Comme le souligne, pour le Maroc, le rapport du ministère des Finances et de la privatisation : « Internet au Maroc : État des lieux et perspectives de développement » : « L’industrie du contenu est pauvre au Maroc et accuse un retard sur des pays tels que la Bulgarie ou la Jordanie. De plus une très faible proportion des contenus est en langue arabe », p. 8, in http://www.anrt.ma. LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE Les entraves structurelles au développement de l’Internet 301 Globalement, l’usage de l’Internet tend à se développer au Maghreb mais la progression demeure lente et contrariée par différents obstacles : socio-économiques et institutionnels. La rigidité des structures économiques et sociales Le marché de l’Internet demeure limité et la progression considérable du nombre d’internautes n’arrive pas à combler le retard important en termes de pénétration et plus généralement d’utilisation des TIC dans l’économie et la société. Cette évolution, pourtant scandée par les pouvoirs publics, bute largement sur des structures économiques rigidifiées par des décennies d’interventionnisme étatique, le manque de transparence et l’imprévisibilité des réglementations. Le système financier, encore largement à dominante bancaire, n’a pas connu les réformes en profondeur nécessaires qui devraient lui permettre de jouer pleinement son rôle dans la dynamisation du secteur des TIC. Et même si les réformes du système financier aboutissent, l’épargne locale ne suffira pas et les relais de financement externe ne sont pas prêts à y suppléer. Les programmes d’aide au développement, toujours limités, n’ont pas inscrit dans leurs priorités le développement des TIC et les investissements directs étrangers, quand ils existent, s’orientent prioritairement vers les secteurs traditionnels des économies maghrébines. Celles-ci demeurent enfermées dans des spécialisations peu porteuses et à faible valeur ajoutée. La réallocation des facteurs de production vers des activités innovantes et d’avenir comme les TIC est limitée par la structure du tissu industriel et l’environnement des entreprises. Car ce qui caractérise le Maghreb aujourd’hui, c’est une spécialisation dans des segments sans grand avenir comme les textiles21, le tourisme et l’industrie mécanique pour la Tunisie22, le tourisme et les produits agricoles23 pour le Maroc. 21. Le démantèlement de l’Accord Multi Fibres (AMF) le 1/01/2005 et l’adhésion de la Chine, 1er exportateur mondial de vêtements vont profondément modifier les conditions de la concurrence internationale dans le secteur à laquelle la Tunisie ne semble pas prête à affronter. A tout le moins elle ne s’est pas donnée les moyens d’accroître sa compétitivité. 22. Comme le souligne Hibou B., « l’économie tunisienne n’est pas extraordinairement montée dans la hiérarchie des spécialisations, les principales activités générant des devises demeurant le tourisme, le textile et l’industrie mécanique » , in Economie politique de la répression : le cas de la Tunisie, Raisons politiques, n° 20, 2005, p. 16. 23. Selon l’OCDE, le secteur primaire emploie 45 % de la population active totale et 60 % de la population active féminine, in Rapport sur le développement en Afrique, 2005. 302 LA DÉMOCRATIE À L’ÉPREUVE DE LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE La spécialisation de l’Algérie dans les hydrocarbures24 est encore plus problématique. Car dans ce pays, même les thèmes de l’industrialisation et du développement technologique qui avaient marqué l’Algérie des années 1970 ont totalement disparu des discours et projets des pouvoirs publics et des principaux agents économiques. La question de la restructuration de l’appareil économique, d’une atténuation de l’emprise de la rente sur le fonctionnement global du système économique et social n’ont jamais reçu un traitement méthodique. Le choix qui a toujours été maintenu par le pouvoir d’État ces dernières années est celui de la préservation, voire même du renforcement de l’économie de rente25. Le développement économique se réduit à un renforcement de la spécialisation et de l’insertion internationales fondées sur la dotation initiale des facteurs et le statisme des avantages comparatifs. Les perspectives pour ce début de siècle viennent confirmer ces tendances profondes et mettre en questionnement le discours affiché des pouvoirs publics sur le développement des TIC26. L’État algérien se distingue de ses voisins par une moindre importance accordée au secteur des TIC comme le souligne le président de l’association algérienne des FAI : « l’activité Internet ne pourra atteindre sa vitesse de croisière en l’absence de stratégie nationale de développement des nouvelles technologies… il n’y a pas de visibilité claire chez les pouvoirs publics pour la promotion d’une véritable industrie du contenu en Algérie, les prix des liaisons spécialisées restent chers et le taux de pénétration des PC est faible et l’opération Ousratic (un PC dans chaque ménage) n’arrive pas à décoller à cause des lourdeurs bureaucratiques du système bancaire»27. Au Maroc, la stratégie arrêtée par le gouvernement vise une généralisation des TIC au niveau économique et social : informatisation et connexion des entreprises, développement du commerce électronique ; mise en place d’une administration en ligne ; introduction des TIC dans l’éducation. Les premiers enseignements de cette stratégie révèlent que ce 24. Les hydrocarbures représentent plus de la moitié du PIB et 98 % des exportations en 2003. 25. Dahmani A., L’Algérie à l’épreuve, Economie politique des réformes, 1980-1997, L’Harmattan, 1999. 26. Lors de la réunion de lancement du Fonds de solidarité numérique à Genève, le 14/03/2005, le Président algérien déclarait : « A l’heure où l’économie de la connaissance est en train de prendre de plus en plus d’importance, il est primordial de ne pas rester à l’écart de la grande mutation ouverte par la révolution informationnelle », site de la présidence algérienne, http://www.elmouradia.dz 27. Liberté (quotidien privé) du 06/03/2006. Un rapport de La Commission européenne sur la société de l’information en Méditerranée avait déjà noté en 2001, qu’en Algérie, les pouvoirs publics avaient « une conscience assez peu affirmée de l’importance stratégique de la société de l’information » La société de l’information, Rapport Méditerranée, 12/01/2001. LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE 303 sont principalement quelques grandes entreprises qui utilisent les TIC dans leur fonctionnement et notamment dans leurs relations avec leurs partenaires externes. Cependant le reste des entreprises (PME, micro entreprises, commerçants, artisans) demeurent réfractaires à ces nouvelles technologies, et pas seulement pour des raisons économiques. L’e-commerce demeure encore embryonnaire en raison d’un cadre réglementaire peu rassurant, de circuits bancaires non sécurisés et de pratiques commerciales peu enclines à évoluer vers des formes impersonnelles. L’administration en ligne accuse un retard global et même si beaucoup de sites publics sont en ligne l’information qui y est diffusée est souvent obsolète ou imprécise. La Tunisie a été le premier pays africain et arabe à développer l’Internet dès 1991 inaugurant ainsi une politique publique volontariste de diffusion de cet outil largement admise28 : formation aux TIC, connexion à l’Internet des institutions de formation29, etc. Cependant, la faiblesse du taux de connectivité demeure un obstacle important pour le développement de l’Internet dans ce pays pourtant relativement mieux doté en infrastructures par rapport à ses voisins. Au niveau des entreprises la pénétration de l’Internet buterait sur le peu de sensibilisation des chefs d’entreprises, dont l’âge dépasse en majorité les 55 ans, et qui semblent peu enclins à l’utilisation de l’Internet30. Les technopoles spécialisées dans les TIC mises en place en Tunisie (1999, Ariana), au Maroc (2001, Technopark) et en Algérie (2002, Cyberpark) doivent en principe promouvoir les activités de recherche et d’innovations, favoriser l’attractivité des investissements directs étrangers dans le secteur des TIC et l’ancrage territorial d’activités industrielles et de services liées à ce secteur. Il est encore prématuré de tirer un quelconque bilan de ce type d’investissements mais comme le souligne M. Mezouaghi : « les retombées sur le tissu industriel local, en termes de création d’activités à forte valeur ajoutée et d’emplois qualifiés apparaissent encore limitées »31. Et le risque est que ces pôles deviennent de véritables enclaves économiques et technologiques sans lien ni impact réel sur l’économie locale. Tout au plus, avec la réduction des coûts de tran28. Même la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) le reconnaît dans son rapport intitulé « La Tunisie et le SMSI », mission internationale d’enquête, mai 2005. http://www.fidh.org. 29. Selon l’ATI, le taux de connexion des Universités, des laboratoires de recherche et des lycées secondaires atteint les 100 %, alors que les écoles primaires devraient atteindre les 70 % d’ici fin 2006. 30. Mihoub-Dramé S., Internet dans le monde arabe, L’Harmattan, 2005. 31. Mezouaghi M., L’émergence de technopoles dans les pays du Maghreb : facteur d’insertion des TIC ou mimétisme institutionnel ? in Mondes en développement, n° 118, T.30, 2002. 304 LA DÉMOCRATIE À L’ÉPREUVE DE LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE saction induite par la baisse des coûts des services de télécommunications, ces plates-formes technologiques pourraient servir à la dynamisation d’activités de sous-traitance et de délocalisation de nombreux services32 : centres d’appels, secrétariat, édition, saisies de données, services bancaires et d’assurances, services informatiques, etc. Au Maroc comme en Tunisie, ces activités ont déjà permis la création d’emplois pour de nombreux jeunes diplômés33, exclus du marché de travail local, mais dans des créneaux peu qualifiés et en marge de l’évolution technologique. L’emprise de l’État sur le secteur des Télécommunications L’idée d’une libéralisation et d’une privatisation nécessaires du secteur des télécommunications s’est très rapidement imposée au niveau des grandes institutions internationales. Celles-ci affirment que pour que les TIC puissent servir le développement il faut créer un environnement favorable au marché dans lequel la responsabilité première en matière d’investissement et de fourniture de service appartient au secteur privé. Pour sa part, l’UIT avance que « pour transformer la fracture numérique en perspective de développement économique … l’une des clés de cette action est la réforme du secteur des télécommunications »34. La séparation des fonctions d’exploitation et de réglementation, premier axe de la réforme, ne pose pas de problème particulier. C’est le démantèlement des monopoles publics et la mise en place d’une agence de régulation35 qui en susciteront. La contraction du marché du fixe a pour conséquence le renchérissement de la tarification de l’Internet qu’aggrave l’insuffisance infrastructurelle. De fait, l’opérateur historique jouit d’une position monopolistique qui lui permet d’imposer ses tarifs de connexion aux FAI36. L’ouverture 32. En Tunisie, l’État participe aux dépenses d’infrastructures et prend en charge, durant 5 ans, à la part patronale des cotisations sociales des employés tunisiens, in Jeune Afrique-L’Intelligent du 5-11/06/2005. 33. Les employés sont recrutés à Bac +2 voire +4 et rémunérés entre 220 et 250 euros pour 40h hebdomadaires. 34. UIT, Tendances des réformes dans les télécommunications, 2002. Le même rapport précise le sens des réformes envisagées par l’organisation internationale : privatisation des opérateurs historiques, ouverture d’une partie ou de la totalité des marchés à la concurrence et création d’une autorité de réglementation chargée de promouvoir le développement su secteur des télécommunications. 35. Lois introduisant les réformes : Maroc : 07/08/1997 ; Algérie : 05/04/2000 ; Tunisie : 15/01/2001. 36. Dans le rapport « Internet au Maroc », op. cité, il ressort le risque que « la continuité du monopole sur les services fixes, avec les mêmes effets indésirables sur le marché, et plus spécifiquement sur les FAI, de par leur dépendance en amont (transit IP international) et en aval (boucle locale) vis-à-vis de l’opérateur historique », in http://www.anrt.ma. LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE 305 de ce marché devrait effectivement permettre de libérer le développement de l’Internet de cette double contrainte : infrastructures et tarifs de connexion. Deux pays, l’Algérie et le Maroc, y souscrivent, la Tunisie ne manifestant pas de projet dans ce sens. Une première offre est lancée en novembre 2002 au Maroc et en avril 2004 en Algérie. Les offres n’ont suscité que peu d’intérêt chez les investisseurs privés. Ceux-ci sont découragés par les conditions d’attribution de licences particulièrement dissuasives : cahier des charges contraignant (développement d’un réseau propre, délais trop courts, etc.) qui supposait une rentabilité sur le long terme ; manque de visibilité des évolutions du marché, etc. Un second appel d’offres en décembre 2004 en Algérie et février 2005 au Maroc, assouplit les conditions d’attribution. Le prix des licences, notamment, devient modeste37 (en millions d’euros, 50 en Algérie38, 6,7 au Maroc39 en comparaison avec celles des mobiles40. Ces dernières offres aboutissent par l’attribution de licences à des opérateurs déjà opérationnels sur le marché du mobile (Orascom en Algérie et Meditel au Maroc). Au-delà de ces faits, cette moindre attractivité de ce segment du secteur des télécommunications au Maghreb, vital pour l’Internet dans les conditions techniques actuelles, s’explique notamment par le coût élevé des investissements à réaliser dans un marché incertain dominé depuis des décennies par l’opérateur historique. A cet obstacle, s’ajoute une méfiance justifiée à l’égard du dispositif réglementaire et institutionnel. A cet effet, l’ouverture du marché du mobile, souvent dans des conditions d’opacité, a été une expérience dissuasive pour certains opérateurs41. En fait, les réformes du secteur des télécommunications au Maghreb ne se traduisent pas par un désengagement effectif de l’État mais plutôt par une modification/adaptation des formes de son intervention à travers, notamment, les autorités de régulation42. Tous les dispositifs réglemen37. La conjoncture internationale semble aujourd’hui peu favorable aux opérations de grande envergure et le peu d’intérêt manifesté par les grands opérateurs internationaux en est une indication importante. 38. Ambassade de France en Algérie, mission économique, Le secteur des télécommunications en Algérie, http://www.missioneco.org/algerie/ 39. http://www.anrt.ma., Cahier des charges de Meditel. 40. La deuxième licence de mobile au Maroc a été cédée à près d’un milliard d’euros en 1999, celle d’Algérie à plus de 500 millions en 2001. 41. « … l’opacité des transactions cache difficilement des mécanismes de captation de rentes de situation par des intérêts privés ou occultes à travers des pratiques de corruption, notamment dans le cas de marchés de gré à gré, pour la fourniture des équipements », in Mezouaghi. M., La libéralisation des télécommunications dans les pays du Maghreb : une réforme controversée, Annuaire de l’Afrique du Nord, T.39, 2000-2001, CNRS. 42. « l’indépendance de l’agence de régulation est toute relative, à partir du moment où cette institution reste assujettie au pouvoir central et ne dispose que de pouvoirs de sanctions réduits », ibid. 306 LA DÉMOCRATIE À L’ÉPREUVE DE LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE taires mis en place dans les trois pays vont pouvoir garantir un contrôle direct par les pouvoirs publics de la nouvelle structure créée. L’exemple du Maroc donné comme un modèle d’ouverture43 par l’UIT est symptomatique de cet état de fait. Ainsi l’indépendance de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) est toute relative : celle-ci est placée sous la tutelle du Premier ministre qui en nomme la plupart des membres et qui détermine par conséquent son budget de fonctionnement. Comme le soulignent B. Hibou et M. Tozy, l’ANRT, « c’est certainement l’État de droit, mais à un détail près : c’est l’État de droit adossé au Makhzen44 » défini comme « une manière d’être et de faire, qui habite les mots, épice les plats, fixe la forme et le contenu de la relation entre gouvernant et gouvernés ». Dans ce cas, il faut tenir compte de « la place du Makhzen dans la légitimité historique du pays, accentuée en outre par une politisation de l’économique sans aucun doute plus forte qu’en Europe : l’orientation et la gestion des ressources est l’un des moyens d’action privilégiés du Makhzen, et si choix de la libéralisation économique il y a, ce choix s’accompagne d’une forte volonté de contrôle politique »45. En Algérie aussi le gouvernement a entrepris de redéfinir l’environnement institutionnel et réglementaire du secteur. Une Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications (ARPT)46 est mise en place. Et comme dans le cas marocain, l’autonomie de l’ARPT est toute relative : elle est soumise au contrôle financier de l’État (art. 11) ; son conseil est composé de sept membres, dont le Président, tous désignés par le président de la République (art. 14) ; elle est gérée par un directeur général nommé par le président de la République ; le système de rémunérations de ses membres est fixé par décret exécutif (art. 21). Le cas tunisien est singulier. Plus encore que chez ses voisins, l’État tunisien fait preuve d’un interventionnisme soutenu dans le secteur des télécommunications, cumulant une triple fonction : prestataire de services, arbitre et autorité de tutelle. Concernant l’Internet47, sa diffusion « est ainsi fortement réglementée, et donc nécessairement administrée par un 43. Il faut reconnaître que le site Internet de l’ANRT (http://www.anrt.net.ma/) est particulièrement bien tenu et qu’il nous a permis d’y puiser nombre d’informations et de rapports relativement libres et particulièrement instructifs sur la situation du secteur des télécommunications à l’inverse des pays voisins. 44. Littéralement, le Makhzen signifie l’entrepôt ou le silo. Il désigne en fait l’ossature politique, l’épine dorsale du système de pouvoirs de la monarchie au Maroc. 45. Hibou B., Tozy M., De la friture sur la ligne des réformes, Critique Internationale, n° 14, janvier 2002. 46. http://www.arpt.dz/; Loi n° 2000-03 du 05/08/2000 fixant les règles générales relatives à la poste et aux télécommunications. 47. C’est le décret du 14/03/1997 relatif aux Services de la Valeur Ajoutée (SVA) des télécommunications qui organise et encadre la diffusion de l’Internet en Tunisie. LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE 307 ensemble de structures spécifiques mises en place dans le cadre de [la] législation »48. L’Internet au Maghreb : un outil pour la démocratie ? Les usages politiques que permet l’Internet (administration et vote électroniques, espace public, mobilisations politiques, etc.)49 ne sont pas encore à l’ordre du jour dans les États du Maghreb. Ceux-ci demeurent encore largement réfractaires à l’idée démocratique et les processus de libéralisation politique engagés vers la fin des 1980 n’ont pas encore permis l’émergence d’un État de droit respectueux des libertés civiles et politiques. Et il serait illusoire de penser que les différentes sensibilités culturelles et politiques de ces pays vont pouvoir se saisir des nouvelles facilités de communication permises par l’Internet pour y imposer un débat public capable de faire évoluer les régimes politiques en place vers la démocratie50. Mais à l’évidence, une fois adopté par les sociétés, l’Internet, en tant que réseau ouvert, peut difficilement être contrôlé par les États comme c’est le cas pour les médias classiques. Non propice à la propagande univoque, il permet à ses utilisateurs d’acquérir, quasiment en temps réel, les informations préalables et les connaissances nécessaires à tout débat public et politique. Libéralisations politiques au Maghreb : des processus sans fin ? Comme le souligne le PNUD, dans son rapport sur le développement humain dans le monde arabe en 2002, « la région arabe enregistre le plus faible taux en matière de liberté d’expression et de responsabilité politique de toutes les régions du monde »51. Et cette question « des libertés n’est pas dû aux lois en vigueur, mais à leur violation, à l’omniprésence 48. Bras J.-P., Ordre public, politiques publiques et Internet en Tunisie, in Mermier. F (éd.) Mondialisation et nouveaux médias dans l’espace arabe, Maisonneuve-Larose, 2003, p. 249 49. Vedel T., L’Internet et la démocratie, op. cit. 50. Selon Hughes C.R., on aurait tort de croire que l’Internet va devenir un outil efficace de transformation politique au sens libéral et démocratique, in Pourquoi Internet ne se démocratisera pas en Chine ?, Critique Internationale, n° 15, avril 2002. 51. PNUD, Rapport sur le développement humain dans le monde arabe, 2002. Les rapports qui ont suivi (2003 et 2004) insistaient à chaque fois sur ce fait. 308 LA DÉMOCRATIE À L’ÉPREUVE DE LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE de la répression, à des pratiques incontrôlées, à l’hégémonie de la censure »52. Le Maghreb, partie intégrante du monde arabe au niveau de l’étude précitée, ne déroge pas à ce constat. L’image que l’on retient de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, au-delà des formes politiques spécifiques, est celles de pays autoritaires incapables de mener à leur terme les transitions démocratiques initiées vers la fin des années 1980. Dans les trois pays ont été mises en place des démocraties formelles sans véritables droits pour les citoyens. La participation aux sphères publiques et politiques est limitée à quelques couches citadines privilégiées. La presse est régulièrement harcelée, voire muselée et l’appareil judiciaire semble peu crédible. L’opposition est sans moyens et souvent de façade. Les élections sont manipulées par des appareils politiques et/ou de sécurité53 qui ont la haute main sur les destinées économiques et politiques du pays et qui empêchent toute alternance aux pouvoirs en place. En dépit des apparences et des consultations électorales répétées, cette situation s’est encore dégradée ces dernières années avec la mise en place de dispositifs politiques coercitifs encore plus sévères. En effet, sous prétexte de lutte contre le terrorisme54, encouragés à cela par les États occidentaux55, les États du Maghreb ont élaboré et mis en œuvre de nouvelles lois restreignant les libertés et accroissant les contrôles policiers. 52. Ibid., Rapport 2003. 53. « Les services de renseignement sont considérés comme étant le principal moyen de consolidation de l’autorité du pouvoir exécutif. Ces services ne sont pas tenus de rendre compte devant les autorités législatives ou l’opinion publique, vu qu’ils sont soumis à l’autorité directe du Président ou du roi et jouissent de prérogatives plus larges que celles conférées à d’autres services. Le service de sécurité dispose de ressources considérables et intervient dans toutes les prérogatives du pouvoir exécutif, notamment dans les décisions de recrutement des fonctionnaires et de réglementation des associations, au point que l’Etat arabe contemporain est souvent qualifié « d’État des services de renseignement », (PNUD, Rapport 2004). 54. Les attentats du 11/09/2001 ont constitué une véritable aubaine pour les pouvoirs autoritaires en place au Maghreb. 55. A Tunis début décembre 2003, le Président Chirac a apporté son soutien au Président tunisien Ben Ali en dépit d’un bilan désastreux en matière des droits de l’homme et d’une gestion policière de la société tunisienne. Il s’est dit satisfait de la situation économique de la Tunisie en ajoutant ce couplet sur les droits de l’homme : « le premier des droits de l’homme, c’est de manger, d’être soigné, de recevoir une éducation, d’avoir un habitat… il faut bien reconnaître que la Tunisie est très en avance sur beaucoup, beaucoup de pays. Il faut le souligner ». LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE La tyrannie du statu quo politique en Algérie 309 En Algérie, le processus de libéralisation politique initié après les émeutes d’octobre 1988 n’a jamais été conçu par les tenants du pouvoir d’État comme un renoncement à l’exercice du monopole politique. Tout au plus est-il considéré comme un assouplissement des règles de son fonctionnement avec possibilité d’élargissement ou même de délégation de certains pouvoirs d’exécution à des clientèles proches. L’essentiel étant de sauvegarder les hauteurs de commandement des appareils d’État et que les principaux généraux de l’armée et des services de sécurité continuent d’être à la source principale sinon exclusive du pouvoir politique tout en organisant l’opacité dans les processus de décision56. Tout dans la démarche des tenants du pouvoir d’État indique clairement qu’ils n’ont aucune volonté de défaire le monopole politique, de céder voire même de partager le pouvoir avec une quelconque force sociale ou politique. L’émiettement du champ politique a été délibérément encouragé dans le but évident de manipuler les partis qui se créent. Et le secteur de l’information57 demeure encore largement contrôlé par l’État. Ainsi, la radio et la télévision sont toujours sous monopole étatique en dépit du code de l’information58 de 1990 qui prévoit leur libéralisation. L’utilisation abusive par le pouvoir de ces médias persiste voire se renforce59 depuis le début des années 1990 sous prétexte de l’état d’urgence60. Les 56. Dans son « profil pays » sur l’Algérie, L’Institut de la Méditerranée souligne « le caractère peu transparent – voire tout à fait opaque dans certains domaines – à la fois du processus d’élaboration et de prise de décision elle même dans la mesure où le véritable preneur de décision n’est absolument pas identifiable ; l’autorité de l’acte n’est souvent que l’auteur apparent de la décision, celui qui l’annonce », http://www.femise.org 57. World Association of Newspapers, World Press Trends, Paris-Montreal, 2005. 58. L’article 4 de la loi 90-07 du 03/04/1990 relative à l’information stipule que « l’exercice du droit de l’information est assuré notamment par les titres et organes d’information du secteur public… les titres et organes créés par des personnes physiques ou morales de droit algérien. Il s’exerce sur tout support médiatique radiophonique, sonore ou audiovisuel ». 59. Le président algérien lui-même le reconnaît clairement : « Les opérateurs privés ne pourront pas investir dans l’audiovisuel et créer des chaînes de radio ou de télévision … C’est l’État qui finance les radios et la télévision et ils sont là pour défendre la politique de l’État. Nous n’avons pas créé ces radios et cette télévision pour les offrir à ceux qui s’attaquent à l’État et causent le malheur de leur peuple. Dans tous les cas, il existe une presse libre, un espace libre d’expression. Libre à ceux qui veulent s’exprimer de le faire mais les organes de l’État appartiennent à l’État », interview accordée à la télévision saoudienne MBC en novembre 1999, citée par Le Soir d’Algérie (quotidien privé) du 19/07/2002. 60. L’état d’urgence a été décrété en février 1992 après l’interruption par les chefs de l’armée et des services de sécurité du processus électoral qui devait amener les islamistes du FIS à remporter la majorité des sièges à l’assemblée nationale. 310 LA DÉMOCRATIE À L’ÉPREUVE DE LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE moyens d’impression sont encore largement sous contrôle étatique et la publicité continue d’être un moyen de pression et de chantage sur la presse privée à travers l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP). Celle-ci est une entreprise étatique qui peut décider quel organe de presse peut bénéficier de la manne publicitaire des entreprises publiques et des administrations. La pression sur les journalistes qui échappent au contrôle direct des clans du pouvoir est constante : tracasseries diverses, intimidations, emprisonnements61. Tout donc dans la démarche des tenants de ce système de pouvoirs et de privilèges multiples atteste de cette volonté manifeste de contenir la société, de l’empêcher de s’autonomiser et donc de maintenir les choses en l’état, pratiquer la « tyrannie du statu-quo ». Toutes les « consultations électorales » viennent renforcer cette tendance au maintien du monopole politique, de pratiques autoritaires voire répressives62 : parlement réduit à une chambre d’enregistrement, réduction et décrédibilisation de l’opposition, musellement de la presse, asservissement des intellectuels, etc. Mais la dynamique enclenchée par les processus réformistes de la fin des années quatre vingt a aussi produit des effets contradictoires marquants au niveau culturel et politique. C’est là que se manifestent les plus grandes tensions, que se lèvent des tabous sévèrement préservés, que s’affirment de nouvelles causes jusque-là tues ou réprimées : femmes, sexualité, berbérité, langues, droits de l’homme, etc. Le droit à l’information se concrétise quotidiennement par une presse diverse, disponible aujourd’hui sur l’Internet, et ce malgré une volonté politique de la museler voire de la censurer63 durant la décennie quatre vingt dix où l’Algérie fut plongée dans la guerre civile qui causa plus de 150 000 morts et plus de 10 000 disparitions forcées. 61. En mai 2006, « le chef de l’État algérien a annoncé son intention de gracier les journalistes condamnés pour outrage, diffamation ou injure, une première depuis son arrivée au pouvoir en 1999 », in Le Monde du 06/05/2006. 62. Un projet de loi du code de procédure pénale a été élaboré par le gouvernement en mai 2006 autorisant les écoutes téléphoniques lors des enquêtes sur les crimes liés au trafic de drogue, au crime transnational, aux atteintes aux systèmes de traitement automatisées de données, etc. 63. Selon Entelis J.-P. : « Avant que la censure ne soit à nouveau imposée et la presse indépendante muselée ou supprimée à la suite du coup d’État de janvier 1992, les libertés de la presse algérienne dépassaient toutes les possibilités journalistiques du reste du monde arabe. Une presse sophistiquée, satirique, critique et indépendante de langue française et de langue arabe, vit le jour, représentant la diversité de l’opinion politique et publique algérienne », Déni de démocratie, in Ferrié J.-N. et Santucci J.-C. (s/d), Dispositifs de démocratisation et dispositifs autoritaires en Afrique du Nord, CNRS éditions, 2006. LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE « Les labyrinthes de la transition démocratique »64 au Maroc 311 Le Maroc a vécu pendant près de quatre décennies (de l’indépendance en 1956 au milieu des années 1990) à l’ombre d’un despotisme peu éclairé comme le résume pour nous A. Lamchichi : cette période « … fut marquée par des méthodes autoritaires ; les marocains n’étaient pas considérés comme des citoyens à part entière, seulement des sujets sur lesquels le Palais et sa police avaient parfois droit de vie et de mort ; les opposants étaient harcelés ou privés de liberté. Pendant ces « années noires », les droits de l’homme n’ont cessé d’être bafoués ; le Maroc y gagna même une réputation : de l’écrasement de la révolte du Rif en 1959 (il n’était que prince héritier) à la répression sanglante des émeutes de Casablanca en 1965 ou encore en 1981, de l’enlèvement puis de l’assassinat de Ben Barka en octobre 1965, aux nombreuses arrestations ou disparitions de chefs d’opposition, sans oublier le traitement inhumain infligé aux soldats mutins ou aux descendants du général Oufkir – lui même de sinistre réputation, convaincu de trahison puis « suicidé ». Le sort terrible réservé aux emmurés du bagne mouroir de Tazmamart, les enlèvements fréquents et les tortures infligées aux militants syndicaux et à ceux des partis de gauche et d’extrême gauche dans les années 70 et 80… »65. La révision de la constitution en 1992 et en 1996 marque le début d’une ouverture politique concrétisée par de nombreuses décisions politiques durant cette dernière décennie : nomination d’un Premier ministre socialiste en 1998 ; comité consultatif des droits de l’homme ; réforme du code des libertés publiques ; réforme de l’audiovisuel avec adoption de la loi relative à la suppression du monopole de l’État dans la radio et la télévision, création (janvier 2004) de l’Instance équité et réconciliation (IER), une commission composée d’anciens détenus politiques et de militants des droits de l’homme chargée d’enquêter sur les exactions commises et les violations des droits de l’homme passées ; réforme pour l’amélioration de la gouvernance, du rapport administration/citoyens avec la création d’une institution indépendante de médiation ; réforme de la Moudawana (code du statut personnel) afin d’assurer la protection juridique, légale et administrative de l’institution familiale, mettre sous contrôle juridique certaines procédures (polygamie, divorce, répudiation, garde des enfants et pension), promouvoir l’égalité homme/femme, etc. Autant d’actes traduisant une volonté de libéralisation politique dictée en partie par les bailleurs de fonds et les partenaires occidentaux mais qui demeurent en deçà des attentes de plus en plus exigeantes d’une société 64. Titre emprunté à El Mossadeq R., Les labyrinthes de la transition démocratique, Ibid. 65. Lamchichi A., De formidables défis pour le jeune roi Mohamed VI, Confluences Méditerranée, n° 31, 1999, p. 12. 312 LA DÉMOCRATIE À L’ÉPREUVE DE LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE marocaine secouée par de profondes mutations et bouleversements en cette fin de XXe siècle. A l’exception de la réforme de la Moudawana, d’une portée symbolique cruciale pour l’ensemble de la société marocaine, la transition politique marocaine cache donc mal un libéralisme de façade où les principes d’allégeance et de loyalisme à la monarchie demeurent des lignes rouges à ne pas franchir66. La nouvelle constitution du 13/09/96 tend plutôt à renforcer le pouvoir du Roi qui règne et gouverne, nomme les walis (préfets), les gouverneurs et les hauts responsables de l’administration (directeurs et secrétaires généraux) renforçant ainsi le pouvoir du Makhzen, véritable ossature de son pouvoir et son principal régulateur. Le rôle du gouvernement est fortement réduit et le Premier ministre est un simple exécutant de la volonté royale plutôt qu’un chef de la majorité attestant ainsi d’une « transition politique verrouillée »67. La justice demeure encore sous influence comme le reconnaît le ministre lui même : « … notre justice n’a pas toujours été indépendante et … la culture de l’indépendance n’a pas pu imprégner l’ensemble du corps judiciaire et encore moins l’ensemble du corps social. Notre justice a à subir des pressions de provenances diverses et bon nombre de magistrats n’ont pas voulu, ou pas su, ou pas pu y résister »68. La classe et les partis politiques sont profondément affaiblis par plus de 30 ans de marginalisation et le développement de la société civile particulièrement encadré. Ainsi la liberté d’association consacrée par un dahir (décret royal) de 1958, inspirée de la loi française de 1901, a été infléchie par un nouveau dahir de 1973, encore en vigueur, lequel impose des restrictions au droit associatif : il ne fait pas obligation aux autorités de délivrer un reçu attestant le dépôt d’une demande de création d’une association et ne lui impose pas un délai de réponse. La liberté d’expression est garantie par la constitution mais le gouvernement contrôle la presse à travers un système de subventions et le budget publicitaire69, et le ministère de l’Intérieur peut suspendre définitivement ou provisoirement toute publication jugée offensante pour le régime. Le code de la presse prévoit des sanctions financières et même la prison pour les journalistes et éditeurs qui outrepassent les restrictions concernant la diffamation, la remise en cause de la monarchie, l’intégrité territoriale (visant tout particulièrement la marocanisation du Sahara occidental) et l’Islam. Des dispositifs liberticides qui s’aggravent avec l’adoption de la loi antiterroriste du 28/05/2003 qui renforce les prérogatives de la police, allonge la durée légale de garde à vue et permet l’interception du courrier, les écoutes téléphoniques et la levée du secret bancaire. 66. Bensedrine S., Mestiri O., L’Europe et ses despotes, La Découverte, 2004. 67. Enhaili A., Confluences Méditerranée, op. cit. 68. http://www.femise.org., « Profil pays » sur le Maroc. 69. World Association of Newspapers, op. cit. LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE Le renforcement de l’autoritarisme politique en Tunisie 313 Les premières mesures qui ont accompagné l’arrivée au pouvoir du président Ben Ali en Tunisie le 7 novembre 1987 ont été particulièrement spectaculaires et auguraient d’une réelle ouverture politique et d’une volonté de démocratisation de l’État : suppression de la présidence à vie et de la cour de sûreté de l’État instaurées par Bourguiba, libération de centaines de prisonniers politiques, prises de contact avec des opposants politiques longtemps ignorés ou pourchassés, adhésion à la convention internationale sur la torture, ouverture d’une section d’Amnesty International, reconnaissance de la première association féminine indépendante, etc. Cette orientation du nouveau régime fit long feu et moins d’une année après le coup d’État70, la nouvelle équipe dirigeante reprend en mains l’appareil du parti au pouvoir rebaptisé Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) en mobilisant les appareils de sécurité. Les élections législatives et présidentielles d’avril 1989 consacrent le virage autoritaire du pouvoir de Ben Ali qui s’attribue 99,27 % des suffrages tandis que son parti, le RCD, fait main basse sur la majorité des sièges à l’assemblée. Le même scénario (plus de 99 % de oui à Ben Ali, et toujours la majorité des sièges au RCD) se répètera en 1994, 1999 et 2004. Avec pour 2004, un cran en plus dans l’autoritarisme avec l’amendement de la constitution en mai 2002 qui permet à Ben Ali de se présenter une nouvelle fois en levant le verrou de la limitation des mandats présidentiels ouvrant la voie à la présidence à vie. Le code électoral fut amendé afin d’interdire à tout individu d’utiliser les médias étrangers durant la campagne électorale sous peine de sanction (forte amende). La presse étrangère fait souvent l’objet d’interdit et la presse locale, dont une bonne partie est contrôlée directement ou indirectement par le pouvoir, se caractérise par l’uniformité de ton et l’absence de toute critique de la politique du gouvernement. La publicité des institutions étatiques et para-étatiques est contrôlée par l’Agence Tunisienne de Communication Extérieure (ATCE) sous tutelle de la présidence de la république et qui permet à celle-ci d’exercer une véritable pression sur les publications. Les journalistes qui s’aventurent à manifester leur esprit critique sont l’objet de harcèlements multiples, de diverses pressions, d’agressions physiques, de procès et de condamnations71. L’institution judiciaire est directement contrôlée par l’exécutif qui dicte les jugements, sanctionne les magistrats 70. Même affublé de l’adjectif « médical », il n’en demeure pas moins que cette arrivée au pouvoir s’est faite grâce à un coup d’état perpétré par un militaire. 71. Régulièrement rapportés et dénoncés par la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme, http://www.ltdh.org 314 LA DÉMOCRATIE À L’ÉPREUVE DE LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE peu dociles et harcèle les avocats qui dénoncent les atteintes aux droits de l’homme. La loi sur les associations de 1959, subordonnant l’existence légale d’une association à la visée des statuts par le ministère de l’intérieur, est remplacée par une nouvelle loi de 1988 soumettant les associations et les partis politiques à un régime d’autorisation conditionnée et placée sous le contrôle d’un juge administratif. Et comme pour l’essentiel, le financement de ces organisations est étatique, ce nouveau régime aboutit concrètement à limiter le nombre d’associations de défense des libertés civiles et politiques. Enfin ultime initiative liberticide en décembre 2003 où une loi dite « antiterroriste » est promulguée72. Elle vient en fait légaliser un certain nombre de pratiques autoritaires et attentatoires aux libertés : institution d’une justice d’exception siégeant à huis clos, allongement des délais de prescription, pénalisation du refus de témoigner, impossibilité de récusation des juges, saisie de biens des personnes sur simple suspicion, limitation des recours en justice, garantie de l’anonymat des agents de la police politique qui se voit reconnaître les pouvoirs exceptionnels de police judiciaire, etc.73. L’Internet au Maghreb ou les incertitudes d’une adoption « Voyager sans visa » en Algérie et au Maroc Selon « Reporters sans frontières » et la « World Association of Newspapers », il n’y a pas de censure explicite de l’Internet en Algérie et au Maroc. Et à ce jour, les organisations de défense de droits de l’homme ne signalent aucune interpellation ou arrestation d’internaute. L’organisation marocaine des droits de l’homme soutiendrait même que le Maroc constitue « un ilot de liberté » en matière d’Internet. Il n’y aurait « aucune mesure restreignant les libertés des internautes … le gouvernement marocain, jusqu’à présent, n’a jamais pris de mesures interdisant tel contenu sur Internet ou sanctionnant l’utilisation du web »74. Plus encore si l’on écoute les pouvoirs publics, comme en Algérie, qui s’en interdisent l’usage et considèrent que la révolution numérique est une opportunité « pour l’enracinement de la démocratie et la promotion de la bonne gou72. C’est en application de cette loi qu’ont été arrêtés et condamnés en juillet 2004 de jeunes internautes à Zarzis, une petite ville de province. 73. Bensedrine S, Mestiri O., op. cit. 74. Centre national de documentation du Maroc, L’implantation d’Internet au Maroc : enjeux et perspectives, 2003, in http://doc.abhatoo.net.ma/doc/IMG/pdf/intmar.pdf LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE 315 vernance grâce à une plus grande transparence et une meilleure efficacité de l’action publique »75. Dans ces deux pays, la plupart des partis politiques possèdent leurs propres sites et la presse locale est disponible gratuitement sur le Net76. La presse étrangère est consultable librement dans les mêmes conditions qu’à l’étranger. Les limites au développement de l’Internet sont d’abord d’ordre économique et social (Cf. supra). Le taux de pénétration de cet outil demeure faible en raison principalement de tarifs d’abonnement encore élevés et d’un équipement des ménages en PC limité. De plus, la maîtrise et l’utilisation de l’Internet et des TIC en général supposent de savoir lire et écrire et de disposer de compétences élémentaires en informatique. Or, l’Internet ne supprime pas les obstacles socioculturels et cognitifs77 caractéristiques des sociétés du Maghreb, bien au contraire. Il met encore plus en lumière les lacunes des systèmes éducatifs dans la région78 : mémorisation passive, pratiques linguistiques complexes, échanges verbaux et analphabétisme. Et au Maroc, la situation est particulièrement grave car « le taux d’analphabétisme de la population âgée de plus de dix ans et plus reste élevé et atteint près de 40 % en 2004. Cette situation engendre des conséquences plus ou moins alarmantes sur la famille, la santé et d’une manière générale sur le cadre de vie (accès aux technologies de l’information) »79. Dans ces pays, l’accès à l’Internet se fait essentiellement à travers les cybercafés fréquentés majoritairement par des jeunes. Plus du tiers des utilisateurs a entre 21 et 25 ans et plutôt masculins. Trois usages dominent : le courrier électronique qui constitue la première activité de l’Internet80 ; une opportunité pour le travail de recherches et de documentation pour les étudiants ; un espace de rencontres et de discussion à travers les forums et les « chat » (près de 50 % de l’activité dans les cybercafés). Dans ces espaces, les usagers discutent relativement librement de sujets divers peu débattus en société comme les questions identitaires et 75. Discours de A. Bouteflika, Président de la république, à l’occasion du lancement du Fonds de solidarité numérique, Genève, 14/03/2005, op. cit. 76. Selon Aïta S., la presse écrite joue un rôle primordial dans le développement de l’Internet arabe (près de 40 % du contenu), in Internet en langue arabe : espace de liberté ou fracture sociale ? Maghreb Machrek, n° 178, 2003-2004. 77. Selon Vedel T., l’Internet « avec son flot continu et surabondant de données et d’informations peut affaiblir les citoyens les moins équipés pour gérer l’information », L’Internet et la démocratie, op. cit. 78. Gonzalès-Quijano Y., La révolution de l’information arabe aura-t-elle lieu ? Politique étrangère, 1/2002, IFRI. 79. Ministère des finances et de la privatisation : « Internet au Maroc : état des lieux et perspectives de développement », op. cit., in http://www.anrt.ma. 80. Cet usage est dominant aussi dans les pays développés. Curien N, Muet P.A (s/d), La société de l’information, La documentation Française, 2004. 316 LA DÉMOCRATIE À L’ÉPREUVE DE LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE linguistiques, la religion, la sexualité, etc.81. L’anonymat étant la règle de ce genre de pratiques, les internautes se laissent aller à dévoiler leurs inquiétudes ou leurs désirs, voire à exprimer leur mécontentement et leurs critiques des dirigeants politiques et des institutions publiques défaillantes. Dans un reportage intitulé « Avoir 20 ans en Algérie »82, et réalisé en partie à travers le Net, on y apprend que l’Internet est devenu le « dada » des jeunes « High-Tech », l’outil emblématique de la « jeunesse numérique » (sobriquet popularisé par une chanson populaire en Algérie). Quelques-uns se sont mis à la mode des blogs, ces pages personnelles, où ils n’hésitent pas à se dévoiler et à raconter parfois leur vie intime. En Algérie, la toile semble fonctionner comme une tribune libre, un « territoire libéré » ou les « bloggers » et autres « chatteurs » peuvent « vider leur sac », faire jaillir leurs « e-motions » voire leurs angoisses sexuelles et existentielles83. Et «quel que soit le profil psychologique de leurs auteurs, ils renseignent tous, peu ou prou, sur une incommensurable détresse affective et une très grande misère sexuelle »84. Et plus encore une misère sociale et culturelle, le « mal vivre », « cette impression de tension, de tristesse que l’on ressent en vivant dans le pays … cette évidente difficulté de vivre »85 qui poussent les jeunes de la région à « voyager à travers le monde sans visa », virtuellement grâce à l’Internet, à défaut de pouvoir le faire réellement86. Le « cyberautoritarisme » tunisien Des trois pays du Maghreb, seule la Tunisie développe une politique de contrôle et de censure de l’Internet mais aussi de répression des internautes réfractaires ou dissidents87. Pourtant le pouvoir tunisien ne cesse de 81. Aïta S., Internet en langue arabe : espace de liberté ou fracture sociale ? op. cit. 82. Liberté (quotidien privé), du 5,6 et 7 /09/2006. Le reportage peut tout aussi bien correspondre au Maroc et à la Tunisie. 83. Les enquêtes statistiques réalisées par le moteur de recherche « Google » révèlent qu’Alger, Casablanca et Tunis sont les villes du monde qui tapent le plus le mot « amour » dans les requêtes effectuées sur ce moteur de recherche, in http://www.google.com/trends 84. Ibid. 85. Chaillot P., Une Algérie écartelée, Etudes, septembre 2006, n° 4053. 86. On se souvient de ce voyage de J. Chirac en Algérie en 2003 et où il a été accueilli par les jeunes Algériens aux cris de « Donnez nous des visas ». 87. Le cas le plus emblématique est celui du jeune Z. Yahiaoui, fondateur du site dissident TuneZine hébergé en France et bloqué par les autorités dès sa création, et qui a été condamné en juillet 2002 à une peine de 2 ans de prison « pour propagation de fausses nouvelles … et d’utilisation frauduleuse de moyens de communication ». Z. Yahiaoui, affaibli par son incarcération décède quelques mois après son élargissement en novembre 2003. LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE 317 clamer sa volonté de développer l’Internet, car il offre « en particulier aux pays en voie de développement, une occasion exceptionnelle de réduire les étapes afin de pouvoir répondre aux attentes de leurs peuples qui aspirent au progrès et à la stabilité »88. La Tunisie s’est même vue confier par l’UIT l’organisation en novembre 2005 de la deuxième phase du Sommet Mondial de la Société de l’Information (SMSI) après Genève en 2003. En fait le pouvoir politique tunisien admet effectivement la nécessité de développer les TIC dans un monde en évolution technologique permanente et rapide tout en cherchant à avoir la mainmise sur la circulation de l’information, élément essentiel de ces technologies. Cette volonté de maîtrise politique et même policière89 de l’Internet se déclinera alors « en réglementations, contrôles, restrictions et interdits »90 qui annule les effets d’entraînement potentiels de cette orientation sur le reste de l’économie et de la société. C’est ainsi que l’État a mis en place un dispositif de contrôle législatif et administratif ainsi qu’un ensemble de structures spécifiques particulièrement contraignants. Au centre de ce dispositif, l’ATI qui, s’appuyant sur le décret du 14 mars 1997 relatif aux services de la valeur ajoutée (SVA) des télécommunications organise et encadre la diffusion de l’Internet. Le décret sus-cité établit le régime juridique d’exploitation de ce service, fixe le statut des FAI, la procédure de leur autorisation et le rapport avec les clients. La liste nominative de tous les abonnés doit être communiquée à l’ATI au début de chaque mois (art. 5, 6 et 8). La volonté de surveillance des contenus circulant sur le Net est permanente en application du code de la presse lui-même particulièrement répressif (des sanctions pénales sont prévues en cas de publication, de diffusion et de reproduction d’informations susceptibles de troubler l’ordre public). C’est le directeur du FAI91 qui est chargé « d’assurer une surveillance constante du contenu des serveurs exploités par le fournisseur de services, pour ne pas laisser perdurer des informations contraires à l’ordre et aux bonnes mœurs (art. 9) » sans que pour autant que ne soient précisées la signification et l’étendue de ces notions « d’ordre » et de « bonnes mœurs ». Au niveau technique, la censure est réalisée grâce à l’utilisation de logiciels commerciaux92 qui empêchent les internautes d’accéder aux sites jugés 88. Discours du président Ben Ali à l’occasion de l’ouverture du SMSI en novembre 2005 à Tunis. 89. Un important service du ministère de l’intérieur employant plusieurs centaines de fonctionnaires est chargé du contrôle et de la censure de l’Internet. C’est ce service qui a permis l’arrestation des « cyberdissidents ». 90. Bras J.-.P, Ordre public, politiques publiques et Internet en Tunisie, op. cit., p. 247. 91. Cette tache de surveillance ne pose pas de problème particulier pour le FAI GLOBALNET (70 % du marché) qui appartient à la fille du président Ben Ali. 92. Les « censuriels » ou « censorware » sont un segment en pleine expansion du marché de la sécurité informatique (2 millards $ en 2009 contre 1 milliard en 2002), in Filtrage d’Internet, Courrier International, 1-7/12/2005. 318 LA DÉMOCRATIE À L’ÉPREUVE DE LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE indésirables et recensés dans une liste noire mise à jour quotidiennement. Le courrier électronique est régulièrement contrôlé et celui des militants politiques ou des droits de l’homme peut être bloqué ou même détourné après avoir piraté leur mot de passe. Ces pratiques ont généré un climat de méfiance des internautes tunisiens qui préfèrent abriter leur adresse électronique chez des FAI étrangers93. Ainsi « près de 85 % du trafic de courriel échappe aux FAI tunisiens et avec lui toute la valeur ajoutée qui peut lui être associée, par exemple en revenus publicitaires »94. Au-delà c’est tout un climat de suspicion, d’incertitude et même d’insécurité pour les opérateurs et utilisateurs de l’Internet95 qui est institutionnalisé. Ainsi un arrêté du ministère des communications du 9 septembre 1997 fixant les conditions d’utilisation du cryptage dans l’exploitation des SVA impose à tout demandeur de déposer gratuitement les clés de cryptage auprès du ministère (art.3). Celui-ci se positionne de droit en tant que tiers de confiance auprès duquel la clé de cryptage doit être déposée mais dégage toute responsabilité dans une quelconque défaillance ou intrusion dans le dispositif. Cette insécurité juridique qui s’ajoute à une culture d’entreprise encore peu sensible aux TIC n’est sûrement pas de nature à inciter les entreprises tunisiennes à développer les activités de service liées à l’Internet. L’autre exemple de contrôle administratif et d’entrave économique concerne les publinets96 (cybercafés). Ces structures sont étroitement surveillées par la police : enregistrement de tous les envois et téléchargements que les policiers viennent régulièrement vérifier ; programmation de routeurs renvoyant toutes les informations relatives à ces structures au niveau de l’ATI. De plus ces cybercafés sont soumis à des conditions d’exploitation et un cahier des charges contraignants rendant l’acti- 93. L’existence de logiciels capables d’intercepter des courriers électroniques transitant par des serveurs étrangers rendrait illusoire l’assurance d’une pleine confidentialité et de sécurité des échanges. Comme le confirme le cas de Shi Tao, un dissident chinois, dont l’identité et l’adresse électronique ont été dévoilées par Yahoo pour le compte du gouvernement chinois qui a condamné ce dissident à dix ans de prison. Cf. à ce sujet Liu Xiaobo, Lettre ouverte de Liu Xiaobo à Jerry Young, président Société Yahoo, au sujet de l’affaire Shi Tao, in Esprit, janvier 2006. 94. Jeune Afrique-L’Intelligent du 5-11/06/2005. 95. J.-P. Bras relate ce fait concernant un portail tunisien (winoo) hébergé à l’étranger, faisant la promotion de la Tunisie, de ses hôtels et de ses sites touristiques. En 2000, il publie les résultats du baccalauréat sans rediriger vers le site du Ministère de l’éducation nationale. Cet « oubli » est alors sanctionné et le site winoo n’est plus accessible en Tunisie. L’entreprise, perdant du coup les ¾ de son audience, subit alors un grave préjudice économique. La requête adressée à l’ATI s’avèrera vaine, l’opérateur tunisien se déclarant incompétent en la matière puisqu’il ne gère pas les noms de domaine non tunisiens, op. cit., p. 259. 96. Arrêté du ministre des communications du 22/03/1997 portant approbation du cahier des charges fixant les clauses particulières à la mise en œuvre et l’exploitation des SVA des télécommunications de type Internet. LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE 319 vité peu attractives. C’est ainsi que « la progression du réseau [a été] freinée par la durée des procédures d’autorisation, alors que les investissements initiaux pesaient sur la trésorerie des jeunes entrepreneurs, et par les conditions d’exploitation des publinets : lenteur des connexions, interdiction de vendre des produits dérivés, forte baisse des tarifs appliqués aux usagers, décidée par les pouvoirs publics en janvier 2001, rendant ce type d’entreprise moins rentable »97. Le nombre de cybercafés en Tunisie est 10 fois moins élevé que celui de ses voisins : 305 contre 3000 en Algérie et au Maroc. L’introduction de l’Internet s’est faite relativement tôt dans les trois pays du Maghreb. Sa progression, si elle a été remarquable par rapport à la moyenne africaine et arabe, ne se trouve pas moins freinée par un certain nombre d’obstacles socioéconomiques et institutionnels que nous avons essayé de faire ressortir. L’autoritarisme politique, caractéristique des trois États, agit pour sa part de façon différenciée en tant qu’élément de blocage de cet outil. En Algérie et au Maroc, où le processus de libéralisation politique a produit quelques effets, et notamment une expression médiatique plus ouverte, l’usage de l’Internet est relativement libre. Il ne constitue pas pour autant, pas encore ?, cet espace de débat et de contestation de l’ordre politique. L’État tunisien se singularise par sa volonté de contrôle et de répression de toute expression libre sur le Net. Confirmant ainsi un autoritarisme sans faille, plus encore que chez ses voisins, où l’expression démocratique est systématiquement traquée et réprimée. Et paradoxalement, par sa manie à vouloir censurer l’Internet, le pouvoir tunisien en a fait un outil efficace de subversion politique dont se servent régulièrement les défenseurs de droits de l’homme et l’opposition démocratique. 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Chaque variable est convertie en indicateur dont la valeur se situe entre 0 et 1. La valeur d’un indicateur donné est obtenue en divisant la valeur de la variable par la valeur maximale possible (valeur cible) pour cette variable. La valeur de chaque indicateur est par la suite pondérée à l’intérieur de sa catégorie. La moyenne obtenue à partir des indicateurs pondérés de chaque catégorie résulte en un indicateur global appelé « Indicateur d’accès numérique ». Indice de 0 à 1 (Faible, moyen, bon excellent) Suède 1er avec 0,85 Les Seychelles : 1er Africain avec 0,54 et 52e rang L’indice d’accès numérique (IAN) mesure la capacité globale des individus d’un territoire donné à accéder et à utiliser les technologies de l’information et de la communication (TIC). Note méthodologique Source : IUT, Indicateurs des télécommunications africaines, 2004 Indice d’accès numérique (DAI) 324 LA DÉMOCRATIE À L’ÉPREUVE DE LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE