Ma mode c`est pas ta mode!

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Ma mode c`est pas ta mode!
Ma mode c’est pas ta mode!
Succès grandissant chez certaines marques vestimentaires pour leur gamme : tenues
identiques pour la mère et pour la fille. A quoi tiendrait cet engouement ? Quelle serait l’utilité
de noyer les identités sous un même plumage ? Les clientes sont-elles nostalgiques d’enfance
ou au contraire ne peuvent-elles attendre que leur fille soit grande ?
Mais les filles dans tout cela ? Rêvent-elles d’être habillées comme leur mères ? Seraient-elles
ravies ou se sentiraient-elles usurpées de leur droit à la différence ?
S’habiller pareilles
« Cela m’amuse de me promener en ville vêtue de la même robe que ma fille. D’ailleurs je sens
ma petite Marie en être tellement fière Nous nous sentons complices, copines » Marie a 5 ans.
Il est vrai qu’à cet âge ressembler à maman peut être un bon moyen pour se sentir capable de
séduire le papa. Rappelons l’importance, pour une fillette, de sentir sa féminité appréciée par
l’homme de la mère. C’est tout l’enjeu du complexe d’œdipe : accepter, pour la fille, que le père
lui soit interdit (et vice versa) tout en se sentant valorisée par lui. C’est dire si le regard paternel
est essentiel pour celle qui aura à devenir une femme. Mais doit-elle, pour autant, être habillée
comme sa mère? Avoir l’air d’être sa pareille, sa copine ?
« Le jour du baptême de ma petite sœur, ma mère avait confectionné des robes identiques pour
elle et ses trois filles. C’était super. N’empêche, je sais que j’aurais détesté, au quotidien,
m’habiller pareil à ma mère. Déjà lorsque ma sœur et moi avions la même robe malgré qu’elles
étaient de couleurs différentes, j’étais furieuse ! » Porter la même robe que sa mère lors d’une
occasion spéciale est une façon de se sentir associée à elle ; cela peut être vécu comme une
affirmation du lien et donc être très narcissisant pour une fillette. En faire une habitude est autre
chose…
« Me promener en rue, au quotidien, dans des tenues copies conformes à celles de ma fille, je
n’y pense même pas. N’est ce pas une façon de transformer l’enfant en « Regardez tous, cette
petite fille, c’est MA poupée à moi. » ? » Une enfant, même jeune, n’a-t-elle pas besoin de se
sentir reconnue dans une différence d’identité et de génération ? Cette mode de plus en plus
répandue de vendre des robes identiques toutes générations confondues n’emboîte-elle pas le
pas à notre forme actuelle de culture ? Société qui tend à évacuer les différences, à gommer
les positions et les responsabilités dissymétriques des générations. Le clonage semble
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s’étendre au delà du secteur de la recherche biologique, par exemple dans les couples
mères-filettes marchant main dans la main semblables à deux poupées Barbie…
Telle fille, telle mère ?
De nos jours, un des enjeux de la pré-adolescence est de vouloir, très jeune, prendre des airs
de femme et jouer le look de la séductrice. Ne vous méprenez pas, cela ne veut pas d’emblée
signifier : être habillée comme sa mère ! Si d’un côté sévissent les Lolitas de 8, 9 ans avec leur
string et nombril à l’air, il y a aussi des petites jeunes filles différentes. Ecoutons Laetitia, âgée
de 11 ans : « Moi je trouve que les enfants ne doivent pas être habillés comme les parents.
Parce que les parents peuvent s’habiller avec des vêtements très riches, avec des bijoux. Tu
vois déjà un enfant de 11-12 habillée comme sa mère, c’est trop ridicule, non? »
Nombre d’adolescentes au dos dénudé par un pantalon tombant sur le bas des hanches,
n’apprécient pas de voir leur mère s’habiller comme elles. « Maman, tu ne vas pas sortir en ville
comme ça ! Ma mode c’est pas ta mode ! » déclare Hortense en prenant son air le plus outré «
Mais que lui reproches-tu à ma tenue ? » rétorque la mère « Mais de quoi aurai-je l’air moi de
marcher à côté d’une mère qui se prend pour une jeunette ! Habille-toi comme ton âge. Tu n’es
pas ma sœur ! » Avec des mères rivalisant de minceur avec la génération montante, la
différence de look n’est pas facile à trouver. Par ailleurs, dans notre société de plus en plus
constituée « d’adulescents » (adultes qui voudraient jouer les ado), la mode, selon les strates
des âges, se différentie de moins en moins. Est-ce la raison pour laquelle les adolescentes à se
tatouent et à se perforent de pins… ? Ce courage-là les adultes ne l’ont pas…
Une chose évidente, pour nombre de mères, cela ne les dérangent pas d’être habillées comme
leurs filles, que du contraire ! C’est une façon de jouer la modernité, de nier l’impact du temps
qui passe. Par rivalité ? Pour se sentir à la page ? Position plus complice que parentale ? Il est
vrai que le rôle parental est contraignant : il faut mettre des limites, dire non, guider, affronter
les colères, les dénigrements et critiques d’enfants très doués pour pointer nos failles !
Un mur de (in)différence entre une ado et sa mère ?
La manière dont une mère s’habille laisse rarement sa fille indifférente ! La mode de l’une
engendre des commentaires de l’autre. A l’adolescence, il y va des vêtements comme du reste
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! « Ma fille me fait souvent sourire. Elle critique mes tenues, estime que je n’ai aucune idée,
qu’elle préfère marcher 50 mètres derrière moi tant elle trouve que je m’habille « nulle ».
N’empêche, je l’ai déjà surprise plus d’une fois de « m’emprunter » un pull ou même un
pantalon. C’est bien la preuve que tous mes vêtements ne sont pas si moches que cela… » A
cet âge de transformations corporelles, de bouleversements psychiques, d’angoisses et
d’interrogations narcissiques une question essentielle émerge : « Suis-je capable de plaire ? »
Le premier modèle n’est-il pas souvent la mère ?
Quelque soit l’âge d’un être conjugué au féminin, l’impact de vêtement et de l’apparence qu’il
engendre n’est pas négligeable. Laissons aux jeunes d’investir un espace vestimentaire propre.
N’en est-il pas de la mode comme de tant de choses : un outil pour trouver sa différence dans
une certaine ressemblance ? 3/3