L`Europe veut son champion contre Boeing
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L`Europe veut son champion contre Boeing
Fusion dans la défense L'Europe veut son champion contre Boeing Article paru dans l'édition du 14.09.12 EADS et BAE parlent mariage. Le nouvel ensemble distancerait son concurrent américain. Les marchés doutent 'est un géant de l'aéronautique et de la défense qui devrait naître de la fusion d'EADS, maison mère d'Airbus, avec BAE Systems, spécialiste britannique de la défense. Les deux groupes ont reconnu, mercredi 12 septembre, discuter d'un rapprochement « pour former une nouvelle entité ». Le « futur leader mondial de l'aéronautique et de la défense », comme le présente déjà EADS, pèserait 72 milliards d'euros de chiffres d'affaires et emploierait un peu plus de 226 000 salariés. Et distancerait largement son rival américain, Boeing, qui dégage 49 milliards d'euros de chiffre d'affaires. C'est fin mai que naît l'idée de cette mégafusion, lors d'une réunion entre EADS et BAE sur l'avion de combat Eurofighter, qu'ils produisent en partenariat. Juste avant que Louis Gallois ne cède les rênes d'EADS à l'Allemand Tom Enders. « Trois jours après son entrée en fonction », le nouveau président exécutif est saisi du dossier, raconte Marwan Laoud, directeur de la stratégie d'EADS présent dès les premières discussions. Le président de la République, François Hollande, et la chancelière allemande, Angela Merkel, ont été prévenus « dans le courant de l'été » pour donner leur « feu vert » à la poursuite des négociations, poursuiton chez EADS, « les premières réunions de travail avec l'Elysée ont démarré après la mijuillet ». Tom Enders et Marwan Laoud ont dîné, lundi 23 juillet, avec le ministre de l'économie Pierre Moscovici et le ministre de la défense JeanYves Le Drian. Mercredi, Pierre Moscovici a fait savoir que le gouvernement « se prononcera le moment venu » sur cette fusion. La création d'un champion mondial de l'aéronautique civil et militaire épouse la stratégie définie par M. Enders, qui veut rééquilibrer l'activité de son groupe aujourd'hui trop dépendant des résultats d'Airbus, pourvoyeur des deux tiers du chiffre d'affaires d'EADS. « BAE est l'image miroir de notre situation », pointe M. Laoud. Côté britannique, le rapprochement avec EADS permettra en effet à BAE d'être moins dépendant des commandes de matériels militaires, alors que le Pentagone, un de ses plus gros clients, pourrait voir son budget amputé de 500 milliards de dollars (387 milliards d'euros) à terme. Les deux groupes se connaissent bien. Ils sont partenaires dans le projet d'avion de combat Eurofighter ou les missiles (MBDA). Jusqu'en 2006, BAE détenait même 20 % du capital d'Airbus, mais à l'époque le britannique avait souhaité céder cette participation pour se consacrer intégralement aux activités de défense... Deux places de cotation Les deux groupes sont « complémentaires », affirmeton chez EADS. Le britannique est fort en Arabie saoudite, en Australie en Afrique du Sud et surtout aux EtatsUnis. BAE a des chantiers navals à Mobile en Alabama, là où Airbus doit implanter une usine d'assemblage de son A320. A l'inverse, EADS s'est développé en Europe, au MoyenOrient et en Asie. Les points forts du britannique sont la cybersécurité, les chantiers navals, sousmarins et porteavions, et les véhicules blindés. EADS est mieux positionné sur les missiles, les grosporteurs ou encore l'électronique de défense. EADS et BAE devraient « arrêter les structures en concurrence sur les marchés militaires », notamment dans les drones, indiqueton côté français. Mais les doublons « sont limités à des domaines très spécifiques », tempère M. Laoud. JeanFrançois Knepper, délégué FO, premier syndicat d'Airbus, « n'a pas de crainte pour l'emploi ». Il est d'avantage soucieux de savoir « quelle sera la capacité des Etats à bloquer telle ou telle décision. » Le schéma à l'étude donnerait « une position avantageuse » à EADS, explique le groupe européen qui détiendrait 60 % du nouvel ensemble, contre 40 % pour BAE. L'Etat français (qui détiendrait 10 % du nouveau groupe), comme l'Allemagne (qui n'est plus au capital d'EADS) et la GrandeBretagne disposeront d'une « special share » une action qui leur donnera un droit de veto au tour de table du groupe. Londres détenait déjà une « golden share » dans BAE. Quant à Daimler et Lagardère, qui détiennent respectivement 15 % et 7,5 % d'EADS et qui ont fait savoir depuis longtemps leur volonté de sortir du capital du groupe, ils pourraient profiter de ce mariage pour mettre fin à leur aventure européenne. Lagardère « veut s'assurer, avant de donner son assentiment, que toutes les conséquences attachées au projet de rapprochement des activités d'EADS etde BAE Systems ont été prises en considération dans la fixation des termes et conditions de l'opération proposée », a fait savoir le groupe jeudi. « Qui va diriger tout cela ? », s'interroge M. Knepper. M. Enders devrait être « le probable » patron du nouveau groupe, signale EADS. Si la fusion va à son terme, la nouvelle entité conservera « deux places de cotation, à Paris pour EADS, et à Londres pour BEA », précise le directeur de la stratégie. Une initiative pour « garder une identité nationale » aux deux groupes. Mais surtout pour que « certaines activités sensibles de défense restent identifiées dans certains pays ». Pour l'heure, les marchés n'apprécient pas ce projet de mégafusion. Jeudi, à l'ouverture, le titre EADS perdait plus de 9 % à Paris et BAE 6 % à Londres. Les investisseurs doutent que l'opération permette de réaliser des synergies importantes. Citigroup explique dans une note que le nouvel ensemble pourrait avoir du mal à décrocher des contrats avec la Défense américaine, très sourcilleuse des intérêts de Boeing. « Le risque a été identifié », déclare M. Laoud qui ajoute que « les premiers contacts avec Washington sont plutôt positifs ». En vertu de la réglementation britannique, EADS et BAE ont désormais vingthuit jours, jusqu'au 10 octobre, pour « finaliser l'accord ». Guy Dutheil