COUR SUPRÊME DU CANADA MÉMOIRE DE L`INTIMÉ
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COUR SUPRÊME DU CANADA MÉMOIRE DE L`INTIMÉ
No 34358 COUR SUPRÊME DU CANADA (EN APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR D'APPEL DU QUÉBEC) ENTRE: SA MAJESTÉ LA REINE APPELANTE (poursuivante) -etALPHIDE MANNING INTIMÉ (accusé) MÉMOIRE DE L'INTIMÉ (Art. 42 des Règles de la Cour suprême du Canada) Me Patrick Jacques 29, rue de l'Avalanche Beaupré, Québec G0A 1E0 Téléphone : (418) 702-1070 Courriel : [email protected] Procureur de l'intimé Me Pierre Landry Noël & Associés 111, rue Champlain Gatineau, Québec J8X 3R1 Téléphone : (819) 771-7393 Télécopieur : (819) 771-5397 Courriel : [email protected] Correspondant pour l'intimé Me Robin Tremblay Poursuites criminelles et pénales du Québec Palais de justice de Baie-Comeau 71, avenue Mance, bureau 1.05 Baie-Comeau, Québec G4Z 1N2 Téléphone : (418) 296-4994 Ext : 66633 Télécopieur : (418) 294-8990 Courriel : [email protected] Procureur de l'appelante Me Jean Campeau Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec 17, rue Laurier, bureau 1.230 Gatineau, Québec J8X 4C1 Téléphone : (819) 776-8111 Ext : 60416 Télécopieur : (819) 772-3986 Courriel : [email protected] Correspondant pour l'appelante Factum Carole Parent enr. (418) 660-9889 (téléphone) (418) 666-9392 (télécopieur) 2317, rue Terrasse-Cadieux Québec (Québec) G1C 1Z9 Courriel : [email protected] (i) TABLE DES MATIÈRES Mémoire de l’intimé Page PARTIE I ___ EXPOSÉ DES FAITS ................ 1 PARTIE II ___ EXPOSÉ DE LA QUESTION EN LITIGE ................ 2 PARTIE III ___ EXPOSÉ DES ARGUMENTS ................ 3 Question : La Cour d'appel a-t-elle erré quant au facteur pouvant être pris en compte dans l'exercice de pondération visant à déterminer si la confiscation d'un bien autre qu'une maison d'habitation est ou non démesuré suivant le paragraphe 490.41(3) du Code criminel ? ................ 3 Facteurs à prendre en compte et le critère de la proportionnalité . . . . . . . . . . . . . . . 10 Les critères à prendre en compte pour la maison . . . . . . . . . . . . . . . 14 Position de l'appelante . . . . . . . . . . . . . . . 16 L'alcool au volant en tant que fléau social . . . . . . . . . . . . . . . 20 La loi règlementant certaines drogues et autres substances et le droit à la jouissance paisible de la propriété privée . . . . . . . . . . . . . . . 28 Qu'est-ce donc que l'intérêt de la communauté ? . . . . . . . . . . . . . . . 32 PARTIE IV ___ ARGUMENTS AU SUJET DES DÉPENS . . . . . . . . . . . . . . . 36 PARTIE V ___ ORDONNANCES DEMANDÉES . . . . . . . . . . . . . . . 37 PARTIE VI ___ TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES . . . . . . . . . . . . . . . 38 PARTIE VII ___ TEXTES LÉGISLATIFS . . . . . . . . . . . . . . . 40 Page 1 Mémoire de l'intimé Partie I – Exposé des faits MÉMOIRE DE L'INTIMÉ PARTIE I - EXPOSÉ DES FAITS [1] L'intimé a eu le bénéfice de prendre connaissance des faits exposés par l'appelante et réfère cette Cour à son mémoire à ce sujet. Toutefois, l'intimé désire apporter la nuance suivante : le juge de première instance, en rendant sa décision de ne pas confisquer le véhicule automobile de l'intimé, a tenu compte de la situation personnelle de l'intimé, mais aussi de l'usage dudit véhicule faisant l'objet d'une demande de confiscation. [2] Il était le seul bien que possédait l'intimé. Ce dernier, âgé de 62 ans, habite dans un motel avec sa conjointe à Chute-aux-Outardes. Ne travaillant pas depuis plus de 20 ans, il vit de prestations de dernier recours. L'achat d'un nouveau véhicule automobile serait « très difficile, voire impossible ». Aux yeux de l'intimé, le véhicule automobile n'a pas de prix, car il est essentiel pour leur subsistance, i.e. l'hôpital, les courses, l'épicerie. Chute-auxOutardes est une petite bourgade démunie avec peu de services à plus de 20 minutes de route de la ville la plus proche, soit Baie-Comeau. [3] Il allait donc de soi que le véhicule automobile n'était pas le produit de la criminalité et n'avait aucun lien avec une organisation criminelle. Page 2 Mémoire de l'intimé Partie II – Exposé de la question en litige PARTIE II - EXPOSÉ DE LA QUESTION EN LITIGE QUESTION SOUMISE PAR L'APPELANTE : LA COUR D'APPEL A-T-ELLE ERRÉ QUANT AU FACTEUR POUVANT ÊTRE PRIS EN COMPTE DANS L'EXERCICE DE PONDÉRATION VISANT À DÉTERMINER SI LA CONFISCATION D'UN BIEN AUTRE QU'UNE MAISON D'HABITATION EST OU NON DÉMESURÉE SUIVANT LE PARAGRAPHE 490.41(3) DU CODE CRIMINEL ? [4] Dans son mémoire, l'appelante reproche au juge de première instance d'avoir erronément pris en compte des facteurs non pertinents dont les caractéristiques personnelles de l'intimé ainsi que l'effet de la confiscation sur sa famille, et que ce faisant, la Cour est allée à l'encontre de l'intention même du législateur. Page 3 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments PARTIE III – EXPOSÉ DES ARGUMENTS QUESTION: LA COUR D'APPEL A-T-ELLE ERRÉ QUANT AU FACTEUR POUVANT ÊTRE PRIS EN COMPTE DANS L'EXERCICE DE PONDÉRATION VISANT À DÉTERMINER SI LA CONFISCATION D'UN BIEN AUTRE QU'UNE MAISON D'HABITATION EST OU NON DÉMESURÉE SUIVANT LE PARAGRAPHE 490.41(3) DU CODE CRIMINEL ? [5] Il s'agit bien de la question primaire que l'on doit se poser : Quelle est l'intention du législateur ? Quel objectif poursuit-il en énonçant cette loi ? Est-ce que le but recherché est de punir un délinquant ? Sinon, quel est son objectif, car une loi ne peut exister dans un vide juridique ni se prêter à l'arbitraire. Il s'agit d'un principe de justice fondamentale qu'il n'en soit pas ainsi. À l'époque, lorsque le législateur a promulgué cette loi, il avait pour objectif de contrer les effets de gangstérisme qui étaient devenus une préoccupation de premier plan à l'époque où les motards se livraient une guerre ouverte, plus particulièrement dans la ville de Montréal. Alors, pour aider les forces policières à lutter contre le crime organisé, le législateur a mis sur pied une loi qui permettait à l'État de confisquer le produit de la criminalité. Ensuite cette loi a été élargie pour y inclure les biens qui sont utilisés dans le cadre des activités criminelles de ces organisations. C'est donc dire que tout bien qui résulte de l'activité illicite d'un gang organisé ou qui a servi à réaliser ces objectifs dans le cadre de ces activités sont des biens dits infractionnels et, par conséquent, sont susceptibles de faire l'objet d'une ordonnance de confiscation. [6] L'objectif poursuivi par le législateur dans ce contexte est bien clair : combattre et éradiquer le gangstérisme par tous les moyens utiles. Cet objectif est fondé sur le principe suivant lequel nul ne doit tirer profit de son délit1. Tout comme la pomme ne tombe pas loin du 1 Nemo ex delicto consequatur emolumentum. Grigorieff, Nathan, Citations latines expliquées, cinquième tirage Groupe Eyrolles, 2011, Eyrolles. Seconde partie : Les locutions latines juridiques, p. 156. Page 4 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments pommier, le fruit provenant de l'activité des gangs organisées devait également être considéré criminel. [7] Bien souvent, ceux qui étaient accusés et reconnus coupables de ces crimes en lien avec le gangstérisme n'étaient pas les têtes dirigeantes et n'empêchaient pas aux activités illicites de suivre leur cours une fois que ces individus étaient mis en prison. Puisqu'il ne manquait pas de volontaires, ces organisations étaient difficilement atteignables sans une loi particulière qui permettait à l'État d'obtenir la confiscation des biens résultants ou ayant servi à ces activités criminelles. [8] Ces PME du monde interlope étaient une création relativement nouvelle et les guerres de territoire qu'elles se livraient dans nos grandes villes nécessitaient l'intervention du législateur avec une loi qui dérogeait au principe général sous-jacent au Code criminel, soit d'établir des infractions et des sentences. [9] Jusqu'à présent, l'intention du législateur et les moyens qu'il a pris pour parvenir à ses fins se conçoivent bien et s'expliquent aisément. Cependant, le législateur a décidé de poursuivre son envolée en élargissant de nouveau la portée de sa loi. Comme nous le savons, elle est passée d'un caractère d'application exceptionnelle relié aux activités criminelles organisées à une application générale découlant de toutes les infractions comprises dans le Code criminel. [10] Même en tenant compte des débats parlementaires auxquels se réfère cette Cour dans l'arrêt Craig2, il est difficile de savoir si le Parlement voulait vraiment entamer un changement de cap avec son objectif d'origine. Cet objectif avait l'immense avantage d'être circonscrit dans sa portée, i.e. tout ce qui avait un rapport avec le gangstérisme. Cela évitait que les citoyens n'ayant aucun lien avec ces organisations criminelles ne soient affectés de manière indue par cette loi à caractère exceptionnel. 2 R. c. Craig, 2009 CSC 23, [2009] 1 R.C.S. 762; [Recueil de sources de l'intimé, ci-après «R.S.I.» onglet 1]; Page 5 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments [11] Nous savons des débats parlementaires que la lutte contre le gangstérisme demeure à l'avant-plan de l'objectif de la loi telle que modifiée. Peut-on y ajouter en affirmant que l'intention du Parlement en modifiant sa loi a été d'élargir sa portée, ou si on veut son champ d'application. Bref, on ratisse plus large encore les biens reliés à la criminalité. Toutefois, si on élargit la portée d'une loi, cela ne veut pas dire pour autant que l'on change l'objectif de cette loi qui est, dans la présente affaire, la lutte contre le crime organisé. [12] Par contre, si on élargit la portée de la loi parce que l'on veut également changer son objectif, il est opportun de l'affirmer. Si le but de la loi n'est plus uniquement de combattre le crime organisé, alors quel est son nouvel objectif ? Confisquer le véhicule automobile d'un citoyen sans lien avec le crime organisé ne sert aucunement l'objectif d'origine de la loi. Si combattre le crime organisé n'est plus son seul objectif, quel est donc le nouvel objectif dans ce cas-ci ? La lutte contre le crime en général ? Il nous semble que cet objectif est pour le moins vague et imprécis. Lutter contre le crime en général en confisquant les biens des citoyens ordinaires qui les ont obtenus de façon honnête ne nous semble pas un objectif qui repose sur un principe de justice fondamentale; du moins, il aurait été utile pour le Parlement d'élaborer à ce sujet si tel était le cas. Le droit à la propriété est une valeur profondément enracinée dans notre société. Une atteinte aussi flagrante que celle de la confiscation du droit de propriété du citoyen se doit d'être élaborée et justifiée par un objectif bien identifié et utile pour la société, lequel repose sur un principe de justice fondamentale. Alors quel objectif poursuivons-nous, car le Parlement qui est ni plus ni moins que le représentant du peuple, n'en a pas défini d'autre que celui de lutter contre le crime organisé. [13] En revanche, si ce n'est plus uniquement le gangstérisme que nous voulons combattre, alors quel autre objectif la confiscation d'un véhicule automobile obtenu licitement par un citoyen sans lien avec le crime organisé peut-il servir ? L'appelante est d'avis que cet objectif est la dissuasion. L'appelante affirme qu'en plus de combattre le crime organisé, l'élargissement de la portée de la loi vise à servir l'objectif de « dissuader davantage » le délinquant sans lien avec le crime organisé. À prime abord, la position de l'appelante semble cohérente avec Page 6 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments l'application de la loi. Confisquer le véhicule automobile d'un accusé en matière de conduite avec facultés affaiblies sans qu'il n'y ait de lien avec le crime organisé, ne servirait aucunement l'objectif d'origine de la loi, mais elle aurait en apparence l'effet de punir ou de dissuader davantage le récidiviste. [14] Toutefois, la dissuasion est un principe normalement utilisé dans la détermination de la peine. Utiliser la confiscation pour servir les fins de la peine (telle la dissuasion) est une démarche qui a été formellement proscrite par la juge Abella dans Craig. Le juge Vézina dans Neault résume bien cette règle en ces termes : [19] Une première leçon qui se dégage de Craig est que l’infliction de la peine et la décision sur la demande de confiscation constituent deux étapes du procès sans corrélation ni interdépendance, qui doivent demeurer distinctes l’une de l’autre. Les trois premiers paragraphes de l’arrêt posent le problème et annoncent la conclusion de la majorité : [1] LA JUGE ABELLA — La question en litige dans le présent pourvoi concerne les modalités d’application des dispositions relatives à la confiscation de biens immeubles infractionnels figurant aux par. 16(1) et 19.1(3) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19. Deux interprétations sont possibles. Chacune soulève des difficultés, mais l’une d’elles me paraît, de manière générale, plus équitable que l’autre. [2] Suivant la première interprétation, l’ordonnance de confiscation constitue un aspect d’une punition globale dont tous les éléments sont interdépendants. Cette interprétation, qui amalgame sur le plan conceptuel l’ordonnance de confiscation et la période d’emprisonnement ou d’autres aspects de la peine, se traduit presque inévitablement par un emprisonnement moins long pour un accusé qui possède des biens confiscables que pour celui qui n’en possède pas, suivant la thèse que l’ordonnance de confiscation constitue une punition suffisante. [3] Selon la seconde interprétation, le tribunal doit procéder à une analyse distincte et se demander si la Page 7 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments confiscation est justifiée, en fonction du critère de proportionnalité établi dans la loi. Cette interprétation — qu’étayent d’ailleurs la structure et le libellé des dispositions législatives — me semble préférable, car elle permet d’écarter un résultat intolérable, à savoir la possibilité d’éviter l’incarcération en échange de biens, et elle garantit ainsi que le droit à la liberté sera protégé d’une façon plus uniforme. À mon avis, la perte ou le maintien de la liberté ne devrait pas dépendre du fait que l’intéressé possède ou non des biens qu’il est en mesure de sacrifier. [20] La juge Abella revient plus loin, en se référant à la juge Deschamps, pour réaffirmer que les deux démarches doivent être menées séparément : [48] Dans R. c. Lavigne, 2006 CSC 10, [2006] 1 R.C.S. 392, la juge Deschamps a conclu, sur la question de savoir si une ordonnance de confiscation de produits de la criminalité fait partie de la peine, que le pouvoir discrétionnaire conféré au tribunal pour rendre une telle ordonnance est nécessairement limité par l’objectif de cette ordonnance et par les facteurs prévus par la loi (par. 23-24). Par conséquent, les facteurs relatifs à la confiscation énoncés au par. 19.1(3) doivent de la même façon être considérés comme formant la totalité des éléments à prendre en considération pour décider s’il convient de rendre une ordonnance de confiscation et quelle devrait en être la portée. Lorsque le texte législatif lui-même indique les critères à suivre pour prendre la décision, l’exercice du pouvoir discrétionnaire ne donne pas lieu à l’application de la panoplie des principes utilisés normalement pour déterminer si une peine est juste. Le principe général de la proportionnalité appliqué dans la détermination des peines a donc été écarté, à la fois explicitement et par voie de conséquence nécessaire, en faveur des facteurs plus précis énoncés au par. 19.1(3). Il ressort de la portée et de la finalité différentes des deux analyses qu’elles devraient logiquement être considérées comme des démarches séparées. [Soulignement ajouté] Page 8 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments [21] L’arrêt Craig est sans équivoque. Le juge qui délibère sur la peine doit occulter la demande de confiscation annoncée et, par la suite, lorsqu’il analyse l’opportunité de la confiscation, il ne doit pas revenir en arrière et tenir compte de la peine infligée. Ce retour sur la peine constituait le reproche adressé par la Cour suprême à la Cour d’appel de la ColombieBritannique : [46] Selon la Cour d’appel, le fait qu’il soit précisé au par. 19.1(3) que le tribunal peut refuser d’ordonner la confiscation lorsque, selon la version anglaise de la loi, son « impact » (« effet »), serait « démesuré », rend nécessaire l’examen de la situation particulière de l’accusé, y compris la période d’emprisonnement ou les autres aspects de la peine à laquelle il est condamné. […] À mon avis, une telle interprétation n’est pas justifiée par le libellé de la disposition. […] [soulignement ajouté] [22] On peut donc conclure dès à présent, comme l’appelante le soumet, que le Juge a commis une erreur de principe en prenant en compte, à la fin de son analyse, la peine infligée à l’intimé : « Il a été condamné à 120 jours de prison, ce qui, j'espère, aura l'effet dissuasif suffisant. Il a une interdiction de conduire pour trois ans. » 3 [15] Suivant ce qui précède, on peut comprendre que la dissuasion (même supplémentaire) n'est pas une considération à prendre en compte lorsque le juge doit évaluer si la confiscation est justifiée ou non. L'effet dissuasif d'une ordonnance est étranger à la confiscation puisqu'il s'agit d'un principe normalement utilisé pour déterminer si une peine est juste. Compte tenu que ces deux régimes sont distincts et qu'ils poursuivent des objectifs différents, il s'ensuit que la confiscation ne doit pas servir à dissuader davantage le délinquant; cela serait une erreur de la part du juge qui procède ainsi, comme cela l'a été pour les premiers juges dans Neault et dans la cause qui nous concerne. Bref, dissuader davantage, c'est vouloir infliger une deuxième peine, ce qui est interdit par cette Cour. 3 R. c. Neault, 2011 QCCA 435 [R.S.I., onglet 3]; Page 9 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments [16] Donc, si la dissuasion ou la punition ne peut être l'objectif poursuivi par une ordonnance de confiscation, alors cela nous ramène à la question initiale de savoir quel est cet autre objectif que voulait poursuivre le Parlement en élargissant sa loi? À notre avis, l'objectif d'origine n'a pas changé. Non plus que le Parlement n'a pas exprimé de nouvel objectif en élargissant la portée de sa loi. Nous savons que le Parlement dans ses débats a maintenu que la lutte contre le crime organisé est un objectif de premier plan; nous savons que cette Cour dans Craig a statué que l'intention du législateur n'était pas de transformer la confiscation en punition supplémentaire telle une deuxième peine; nous savons également que la confiscation d'un bien n'ayant aucun rapport avec le crime organisé ne servirait d'autre objectif que de punir davantage l'accusé. C'est pour ces motifs que nous sommes d'avis que l'objectif du Parlement n'a pas changé : la lutte contre le crime organisé doit toujours demeurer une considération à prendre en compte dans l'évaluation d'une ordonnance de confiscation, même si, aujourd'hui, tous les biens utilisés dans le cadre de la commission d'une infraction sont susceptibles d'être qualifiés de biens infractionnels. Si tous les chemins mènent à Rome, on n'est pas forcément obligé de traverser le Rubicon et émettre des ordonnances de confiscation chaque fois qu'un bien est utilisé de « quelque manière » pour commettre une infraction. [17] À notre avis, c'est dans cet esprit que le juge Vézina dans Neault explique ce qui est pour lui l'objectif poursuivi par la loi : [37] Suivant ma compréhension de l’objectif de l’ordonnance, plus on est en présence du crime organisé, plus l’ordonnance s’impose, et de même, plus il appert que le bien est « destiné à servir » à la perpétration d’infraction, plus il importe de ne pas le laisser entre les mains du contrevenant. À l’opposé, si l’infraction est sans rapport avec le gangstérisme et si le bien n’était pas « destiné à servir » au crime, mais a été « utilisé de quelque manière » pour commettre l’infraction, plus s’impose de vérifier si la confiscation ne serait pas démesurée. Page 10 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments FACTEURS À PRENDRE EN COMPTE ET LE CRITÈRE DE LA PROPORTIONNALITÉ [18] L'appelante reproche au premier juge d'avoir pris en compte des facteurs qui sont étrangers à l'article 490.41(3) du C.cr 4. Selon elle, le premier juge a commis une erreur lorsqu'il tient compte d'aspects familiaux et personnels de l'intimé afin d'évaluer s'il est opportun de ne pas ordonner la confiscation. Toujours selon l'appelante, les facteurs prévus par la loi constituent des critères exhaustifs d'évaluation afin de rendre ou non une ordonnance de confiscation. [19] Pour soutenir sa prétention quant au caractère exhaustif des facteurs à prendre en compte, l'appelante s'appuie sur les propos du juge Abella dans l'affaire Craig. Plus précisément l'appelante réfère aux paragraphes 40, 46 et 48 de la décision du juge. Cependant, ces arguments ont été élaborés dans le contexte où la juge Abella était d'avis que la peine et toutes les considérations qui s'y rattachent ne doivent pas être des facteurs à considérer dans la décision de rendre une ordonnance de confiscation, et par conséquent doivent être écartés du processus décisionnel. [20] C'est dans ce contexte que la juge Abella affirme que les circonstances personnelles de l'accusé ne sont pas pertinentes et que les critères prévus par la loi au paragraphe 19(3) doivent être considérés comme «formant la totalité des éléments à prendre en considération pour décider s'il convient de rendre une ordonnance de confiscation». Il est simplement logique qu'à partir du moment où la juge Abella est d'avis que la peine et la confiscation constituent deux régimes distincts, cette dernière mesure ne doit pas se transformer en une deuxième peine. C'est pour cette raison que les motifs à la base de la décision d'ordonner la confiscation doivent se trouver dans des considérations qui lui sont propres, et par conséquent, distinctes de ceux à la base de la peine. 4 R.S.I., onglet 11 (p. 57); Page 11 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments [21] Toutefois, cela n'a pas pour autant l'effet d'exclure de prendre en compte des facteurs qui sont également utilisés dans la détermination d'une peine juste et équitable. Dans sa décision, la juge Abella mentionne que les considérations à prendre en compte pour la détermination de la peine et l'ordonnance de confiscation vont incontestablement se recouper. [22] Toutefois, ce qu'il est important de saisir est la différence de contexte dans lequel ces considérations sont prises en compte. En d'autres termes, il faut bien saisir quel est l'objectif poursuivi par l'un et l'autre régime. Dans le régime de la sentence, les considérations doivent être prises en compte dans un objectif de punition, de dissuasion et enfin, de réhabilitation sociale. Dans celui d'une ordonnance de confiscation, les mêmes considérations peuvent être très pertinentes mais doivent être prises en compte dans un objectif de savoir s'il y a lien avec une organisation criminelle et si le bien utilisé était destiné à servir des intérêts illicites. Ces considérations qui parfois revêtent un caractère personnel peuvent se recouper mais servent des fins totalement différentes. [23] Suivant les prétentions de l'appelante, comment peut-on définir l'objectif poursuivi autrement qu'en ayant recours aux principes de « sentencing » ? Un juge qui est convaincu que le bien infractionnel n'est nullement associé au crime organisé hésitera après le prononcé de la sentence à ordonner sa confiscation, car l'objectif poursuivi n'est pas clair. C'est ce qui a fait hésiter les juges de première instance dans la cause qui nous concerne et celle de l'affaire Neault. Dans les deux cas, les juges de faits ont refusé la confiscation du véhicule automobile même s'ils ont, à tort, pensé que la confiscation était un élément à considérer sur le plan sentenciel. Dans les deux cas, les juges ont estimé qu'après avoir prononcé la peine et dans la mesure où ils ne pouvaient pas raisonnablement conclure à l'existence d'un lien entre le bien infractionnel et le crime organisé, l'ordonnance de confiscation ne constituait qu'un dédoublement de la sentence. Il n'existait aucun autre lien rationnel avec l'ordonnance de confiscation que celui de servir une peine encore plus onéreuse au délinquant. Ayant conclu, dans les deux cas, que la peine imposée était Page 12 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments suffisante, les juges de première instance ont donc refusé l'ordonnance demandée et se sont tournés vers le critère jurispridentiel de la proportionnalité de cette Cour dans Craig. [24] Dans cette affaire, bien qu'il s'agissait d'un bien immeuble, la Cour n'a pas tenu compte de l'aspect familial prévu au paragraphe 19(4), car il n'était pas en preuve que madame Craig hébergeait un membre de sa famille dans la maison faisant l'objet d'une demande de confiscation. L'appel a été tranché sur la base du critère de la proportionnalité que l'on retrouve également au paragraphe 490.41(3) du Code criminel. [25] Dans Craig, bien que dissident sur la façon d'y parvenir, tous étaient d'accord avec la conclusion de ne pas ordonner la confiscation de la maison de madame Craig. Suivant cette conclusion, la juge Abella reconnaît que la loi établit un critère de proportionnalité «pour contrebalancer les possibles effets draconiens de l'élargissement de la définition»5. Dans Neault, le juge Vézina s'inspire de l'arrêt Craig pour élaborer davantage sur le critère de la proportionnalité. Il est d'avis que bien que la loi « est muette sur les effets à prendre en compte et sur la manière de les évaluer », les facteurs prévus par la loi doivent être mis en opposition avec les effets qu'aura la confiscation sur la vie de son propriétaire et/ou de sa famille, le cas échéant. [26] Au paragraphe 24 de l'arrêt Neault, il écrit : L’idée de « démesure » (disproportionate to) et le terme de comparaison « par rapport à » impliquent de soupeser deux réalités pour constater s’il y a équilibre ou déséquilibre entre les plateaux de la balance. D'un côté, il y aura les faits relatifs à l’infraction, évalués selon l’objectif de l’ordonnance et les trois facteurs de la loi, et de l’autre, les effets plus ou moins draconiens de la confiscation (the impact of the forfeiture). Le poids relatif des faits et des effets fera pencher la balance en faveur ou contre la confiscation. 5 Paragraphe 22, arrêt Craig [R.S.I., onglet 1]; Page 13 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments [27] Entre les facteurs prévus par la loi d'un côté et les effets que l'on doit prendre en compte de l'autre, on ne peut que déduire de la conclusion unanime de la Cour quant à la décision de ne pas ordonner la confiscation de la résidence de madame Craig que la juge Abella a soupesé les effets que pourrait avoir la confiscation sur la vie de madame Craig pour enfin conclure que l'ordonnance serait démesurée par rapport à la nature et les circonstances de l'infraction. [28] Lorsque l'on tient compte que madame Craig exploitait pendant des années un commerce illicite de production et de vente de marijuana, que son chiffre d'affaires était quand même assez substantiel, et qu'en plus sa maison avait été modifiée pour accommoder la culture de cannabis, on ne peut conclure autrement que la juge Abella a pris en compte «outre les circonstances de l'infraction6», les circonstances personnelles de madame Craig qui militaient contre la confiscation. [29] Dans Craig, en plus du fait qu'elle n'avait pas d'antécédent judiciaire, la juge Abella avait pris soin de souligner que madame Craig avait été approchée par quelqu'un du milieu du crime organisé pour qu'elle lui vende sa marijuana à des conditions avantageuses, mais elle avait décliné l'offre. De plus, elle a noté que la maison n'avait pas été initialement achetée avec le produit de la criminalité, ou avec l'intention de la transformer pour servir à un commerce illicite de trafic de stupéfiants. [30] Dans cette mesure, la juge Abella reprend le contexte personnel dans lequel madame Craig avait entrepris ses activités illégales de culture et de vente de cannabis : [5] Madame Craig avait auparavant exercé la profession d’agente immobilière. Pendant de nombreuses années, elle avait vécu à l’étranger. Quelques années après son retour au Canada, elle a connu un divorce difficile dont elle est sortie déprimée et incapable de travailler, ce qui l’a obligée à hypothéquer sa résidence. Elle est propriétaire d’une autre maison, également grevée d’une hypothèque. 6 Paragr. 67 de l'arrêt Craig [R.S.I., onglet 1]; Page 14 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments [31] Bien que ces circonstances personnelles ont été mentionnées au début de ses motifs sous la rubrique «contexte», on ne peut qu'arriver à la conclusion que ces faits personnels se sont retrouvés en filigrane de la décision du juge Abella de ne pas confisquer la maison ni d'imposer d'amende. [32] Le juge Vézina dans Neault, après avoir résumé les faits entourant le commerce illicite de madame Craig, affirme en parlant du premier juge « [qu'] ici le Juge a estimé que la confiscation du camion constituait une mesure trop draconienne. Rien de surprenant en comparaison7 » avec les faits dans Craig. [33] De même, lorsque nous faisons la comparaison des faits de Craig à ceux de la cause sous étude, il devient assez clair que la confiscation du véhicule automobile serait démesurée en se basant sur les propos du juge Vézina et le critère de proportionnalité tel qu'il a été appliqué par cette Cour dans Craig. Les critères à prendre en compte pour la maison [34] L'appelante estime qu'un véhicule automobile constitue un bien plus confiscable qu'une maison, car la loi ne prévoit pas de critère particulier que l'on doive prendre en compte, comme c'est le cas pour une maison d'habitation. [35] C'est le même principe qui s'applique au paragraphe 490.41(4) C.cr. où le législateur prévoit expressément l'obligation par le juge de considérer si la confiscation aura un effet démesuré sur un membre de la famille. Bien sûr, il s'agit de considérations très personnelles dont le juge doit tenir compte et dont il a déjà probablement tenu compte dans le contexte de la peine. Mais dans celui de l'ordonnance de confiscation, il revêt une toute autre finalité soit la protection des tierces personnes susceptibles d'être affectées par une telle ordonnance draconienne. L'objectif recherché ici semble être assez clair à l'effet que le législateur veut 7 R. c. Neault, 2011 QCCA 435, paragr. 53 [R.S.I., onglet 3]; Page 15 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments éviter à tout prix que les tiers innocents, plus particulièrement les enfants paient pour les erreurs de leurs parents. [36] Nous sommes d'avis que cette volonté doit se retrouver en filigrane dans tout le régime d'application des biens infractionnels. Il ne serait pas cohérent pour le législateur de prévoir expressément la protection des tiers innocents dans certains cas comme celui prévu au paragraphe 490.41(4) C.cr. et non dans les autres comme celui qui nous concerne. [37] L'ordonnance de confiscation du véhicule automobile familial peut avoir autant des effets néfastes (dans une moindre mesure cela va de soi) sur un membre de la famille que celle de la résidence. Nous savons tous à quel point le véhicule automobile est un élément essentiel du bon fonctionnement de l'organisation familiale et pour sa sécurité. L'automobile sert à une pléiade de fonctions essentielles à la sécurité de la famille qu'il est inutile d'énumérer tant elles sont connues et vécues par tous. Dans l'affaire sous étude, il est en preuve que l'automobile ne servait pas moins ces besoins, au contraire, elle était le seul bien à la disposition de la famille de l'intimé qui vit de prestations d'aide de dernier recours. [38] Il semble que ces considérations d'ordre familial ont également été pris en compte dans Craig, comme l'a fait valoir la juge Abella en faisant état des circonstances particulières de madame Craig suite à son divorce. Il importe de souligner que dans Craig, la Cour n'a pas annulé l'ordonnance de confiscation de la maison sur la base du paragraphe 19.1(4) (car l'application de ce paragraphe passe sous silence dans les motifs du jugement). Dans la mesure où la Cour a tenu compte des circonstances particulières de madame Craig, celle-ci l'a donc fait sur la base suivant laquelle la volonté exprimée du législateur de protéger les tiers innocents englobe plusieurs aspects qui touchent même l'accusé personnellement. Dans Neault, le juge Vézina est d'avis que les circonstances particulières et familiales de l'accusé peuvent être prises en compte suivant son interprétation de Craig. [62] Certes l’alinéa ci-dessus fait obligation au juge de « prendre en compte » (shall also consider) l’effet sur un Page 16 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments membre de la famille, mais toute considération de cette nature est-elle pour autant interdite par l’alinéa précédent? J’en doute. Le second facteur peut englober beaucoup d’aspects comme le fait voir Craig. S’il est permis de tenir compte, pour supputer l’usage futur du bien, qu’un contrevenant est membre d’un gang ou est en lien avec le crime organisé, ne peut-on à l’opposé tenir compte qu’il est pourvoyeur de famille et lié à un employeur honnête? POSITION DE L'APPELANTE [39] Au paragraphe 73 de son mémoire, l'appelante nous affirme sa position quant à l'objectif du législateur : Enfin, l'objectif est de dissuader encore davantage les contrevenants. Une fois qu'un bien est considéré infractionnel, il ne sera possible d'échapper à la confiscation que dans les exceptions prévues à la loi. [40] Quelques mots en ce qui concerne la deuxième phrase de ce paragraphe. Nous comprenons qu'il s'agit-là du souhait de l'appelante que toutes les infractions se soldent sur une ouverture à la confiscation. Cela lui donnerait un pouvoir de négociation sans précédent dans les dossiers de facultés affaiblies, notamment. [41] Toujours selon le mémoire de l'appelante, puisque seules les maisons font l'objet de ces «exceptions prévues à la loi», tous les autres biens meubles et immeubles impliqués dans une infraction au Code criminel seraient confiscables. Le spectre de pouvoir demander la confiscation du véhicule automobile (surtout lorsqu'il est de grande valeur ou le seul véhicule automobile pour la famille) ferait plier l'échine d'un accusé à accepter de plaider coupable malgré qu'il puisse avoir une défense valable de type Carter à faire valoir, ou qu'il ait été l'objet d'une violation flagrante de ses droits garantis par la Charte et aurait des motifs sérieux d'exclusion de la preuve incriminante. Entre le risque de se faire confisquer son véhicule automobile à procès et celui d'accepter un plaidoyer de culpabilité avec la Page 17 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments garantie que le Poursuivant ne demandera pas la confiscation, il est fort à croire que le citoyen ordinaire, i.e. celui qui n'a aucun rapport avec le crime organisé et dont le véhicule automobile a été acquis par des moyens honnêtes et sert les besoins familiaux, va renoncer à l'exercice de ses droits, et choisir le "deal" offert par le Poursuivant. [42] Ceci aurait un impact significatif sur le nombre de plaidoyers de culpabilité en la matière. Certainement, le souhait de désengorger les rôles de procès pour conduite avec facultés affaiblies notamment se réalisera au prix des droits des accusés à une défense pleine et entière. [43] Bien que nous sommes d'avis que cette phrase ne reflète pas, du moins de façon cohérente, l'exposé des arguments présentés par l'appelante (car elle exclut le critère de proportionnalité fondé sur les facteurs prévus par la loi telle qu'interprétée dans Craig), en revanche, elle nous semble bien exprimer son souhait suivant lequel un accusé ayant des antécédents en semblable matière serait automatiquement susceptible de se faire confisquer son véhicule automobile. D'ailleurs, cette position a été exprimée par l'appelante dans Neault lorsque le premier juge a demandé si le ministère public avait une position commune sur le sujet. Le ministère public a répondu que la demande de confiscation était envisagée dans les cas où l'accusé a des antécédents judiciaires en semblable matière : [54] « Il semble que l’appelante y voit l’aspect principal du critère de proportionnalité, du moins c’est ce qui ressort de sa réponse au Juge : [4] Comme ce n'est pas fréquent, du moins pour le moment, que la poursuite demande la confiscation des véhicules automobiles lorsque le conducteur est déclaré coupable de conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool, j'ai demandé au procureur si la poursuite avait une position commune dans ce genre de dossier. [5] Le procureur m'informe qu'on leur demande d'envisager la possibilité d'une demande de confiscation dans les cas suivants: Page 18 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments a) si une personne en est à sa troisième condamnation et a déjà été trouvée coupable de conduite pendant l'interdiction; b) si une personne est trouvée coupable de conduite en état d'ébriété pour une quatrième fois. [44] C'est le principe qui se dégage dans le présent dossier. L'appelante insiste beaucoup sur les antécédents judiciaires de l'intimé pour justifier l'ordonnance de confiscation. Ce qui nous ramène au débat principal de l'objectif du régime de confiscation. Pour l'appelante, le libellé de cette disposition révèle que le Parlement entendait «dissuader encore davantage les contrevenants» (paragraphe 73, M.A.). Il est normal pour l'appelante de mettre de l'emphase sur les antécédents judiciaires de l'intimé lorsque sa vision de l'objectif du législateur est de «punir encore davantage le contrevenant». C'est là le réel objectif pour l'appelante. Avec une plus grande punition sous forme de confiscation d'un bien parfois de grande valeur ou d'importance pour l'individu et/ou sa famille, on peut réussir à dissuader encore plus les récalcitrants de la conduite avec facultés affaiblies. [45] À cet effet, l'appelante affirme au paragraphe 80 de son mémoire : [80] Dans ce contexte, recourir à la confiscation des véhicules automobile apparaît comme l'ultime espoir, pour responsabiliser et dissuader les récalcitrants. [46] C'est donc pour l'appelante un moyen supplémentaire et efficace pour atteindre ses objectifs, i.e. la dissuasion spécifique et générale tout en protégeant la collectivité du danger que représentent ces conducteurs. Dit autrement, il s'agit d'une deuxième sentence pour les récidivistes qui n'ont pas compris la première et la deuxième fois. La troisième fois, c'est la confiscation à titre de punition additionnelle. L'intimé n'a pas de difficulté avec ce raisonnement, dans la mesure où l'objectif poursuivi est celui de la dissuasion supplémentaire. À première vue, il plait au sens commun qu'une sentence pour conduite avec facultés affaiblies additionnée d'une ordonnance de confiscation du véhicule Page 19 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments automobile de l'accusé aurait un effet dissuasif sur le récidiviste. Mais, comme mentionné précédemment, cette Cour dans Craig a statué que l'ordonnance de confiscation était distincte de la sentence, et par conséquent ne devait pas servir les mêmes objectifs que ceux de la peine. C'est donc que l'ordonnance de confiscation avait d'autres objectifs à servir qui étaient différents de ceux poursuivis par l'imposition d'une peine. Vouloir « dissuader davantage » un délinquant récidiviste par la confiscation de son véhicule automobile n'a pas d'autre finalité que celle visée par la peine qui lui est déjà imposée. [47] « L'ultime espoir » de l'appelante peut se traduire par « l'arme ultime sentencielle » pour responsabiliser et dissuader des récalcitrants. Dans cette optique, un accusé est exposé à deux sentences : la première qui comprend l'imposition d'une peine suivant les critères établis à l'article 718.1 du Code criminel et ensuite, une deuxième peine sous forme de confiscation en guise de punition supplémentaire compte tenu de ses antécédents judiciaires en semblable matière. Cette vision de l'appelante correspond à ses objectifs sur le plan sentenciel, mais elle ne correspond pas à celle de cette Cour telle qu'exprimée dans Craig. [48] Si la confiscation ne peut être prise en considération dans la détermination de la peine, c'est qu'elle doit poursuivre des finalités qui lui sont propres et distinctes de celles de l'établissement d'une peine appropriée; ce qui nous ramène à l'intention du législateur. L'intention du législateur était, à l'origine, de lutter contre le crime organisé. Il s'ensuit que lorsque le législateur a élargi la portée de sa loi pour y inclure «toute infraction», on devait également élargir la portée des considérations à prendre en compte afin d'éviter que des abus de droit ne soient commis à l'égard des citoyens qui ont obtenu leur bien de façon honnête mais qui ont commis une erreur en prenant, par exemple, leur véhicule automobile avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite permise par la loi. Page 20 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments L'ALCOOL AU VOLANT EN TANT QUE FLÉAU SOCIAL [49] Il importe de s'attarder sur la question des infractions reliées à la conduite automobile et la consommation d'alcool ou de drogues en tant que « fléau social ». Il est bien établi que depuis plusieurs années, ce comportement répréhensible occupe beaucoup les médias et les groupes de pressions tels que MADD, "mothers against drunk driving", ou les mères contre l'alcool au volant. [50] L'appelante mise beaucoup sur ce concept afin de rallier l'opinion du public et de cette Cour à ses arguments. Il est indéniable que cette conduite coûte la vie à de nombreuses personnes innocentes et coupables à chaque année au Canada et à travers le monde. L'appelante allègue que des centaines de vies sont perdues à chaque année alors que le chiffre le plus précis est de 831 décès pour l'année 2009, si l'on se réfère aux données de Transport Canada8. Personne n'est contre la vertu et tout le monde veut que cette conduite soit éradiquée de notre société. Mais le lien que veut faire l'appelante entre l'éradication de ce « fléau social » et la confiscation du véhicule automobile du délinquant récalcitrant est, à notre avis, ténu. Les statistiques démontrent que le nombre de décès relié à l'alcool au volant a connu une baisse marquée depuis le début des années 80. Suivant les données de Transport Canada en 1982, il y a eu 2501 décès reliés à l'alcool au volant. En 2009, ce nombre a chuté à 831 décès. Cela représente une diminution de près du deux tiers (2/3) du nombre de décès en 27 ans9. Suivant ces données, il est donc faux de prétendre que l'alcool au volant résiste aux mesures prises par les gouvernements, tant au niveau administratif que criminel. Il importe de souligner que suivant ces mêmes données, le nombre d'accidents mortels en général sur nos routes a diminué significativement durant cette même période sous étude. En 1982, on constate 4169 décès reliés à la conduite automobile, alors qu'en 2009, ce chiffre est diminué à 2209, soit une réduction de près de la moitié en 27 ans. 8 MADD, The lives saved : Total lives saved 1982-2009 [R.S.I., onglet 8]; 9 Ibid.; Page 21 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments [51] La vitesse, l'alcool au volant et le manque d'expérience des jeunes conducteurs contribuent en grande partie au taux de mortalité sur nos routes à chaque année et cela est très regrettable, mais des progrès significatifs ont été enregistrés depuis près de 30 ans. L'éducation et les sanctions gouvernementales semblent être des mesures qui portent fruits. L'appelante tente de représenter la confiscation comme étant « l'ultime espoir » pour éradiquer l'alcool au volant, surtout à l'égard des récalcitrants. À notre avis, l'ultime espoir passe surtout par l'éducation, particulièrement à l'égard des jeunes conducteurs. L'organisation MADD accorde beaucoup d'attention à cette catégorie de conducteurs car elle a constaté que les jeunes de 16 à 25 ans constituent un groupe d'âge de conducteurs surreprésentés dans les statistiques d'accidents mortels. Selon les données recueillies et interprétées par MADD, les jeunes de 16 à 25 constituent 13.2% de la population canadienne, mais sont impliqués dans 33.4% des cas de mortalité reliés à l'alcool au volant. Il est intéressant de citer un extrait du texte qui nous renseigne sur des statistiques alarmantes à ce sujet : The statistics for motor vehicle crashes and impairment-related crashes among young drivers are alarming. Young people have the highest rates of traffic death and injury per capita among all age groups and the highest death rate per kilometer driven among all drivers under 75 years of age. More 19-year-olds die or are seriously injured than any other age group. Motor vehicle crashes are the leading cause of death among 15 to 25 year olds, and alcohol is a factor in 45% of those crashes. 16-25 year olds constituted 13.2% of the Canadian population in 2006, but accounted for 33.4% of the total alcohol-related crash deaths. Studies conclude that young drivers are over-represented in road crashes for two primary reasons: inexperience and immaturity. Although young people are the least likely to drive impaired, the ones who do are at very high risk of collision. (…) Page 22 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments At fault: In nearly two-thirds of the alcohol-related multiple vehicle crashes, it was the fatally injured teen driver who had been drinking and not the other drivers. 10 [52] Ces données sont alarmantes et nous informent à quel point les jeunes sont un groupe d'âge particulièrement à risque d'accidents mortels sur nos routes en raison de leur manque d'expérience et de leur immaturité. Fait à noter toutefois, les jeunes sont, selon ce texte, le groupe d'âge le moins susceptible de prendre le volant après avoir consommé. Peut-on croire que ce constat est le résultat d'un changement d'attitude face à l'éducation du danger que représente l'alcool au volant ? [53] L'appelante croit que pour les récalcitrants, l'arme ultime - la confiscation - est nécessaire. Toujours en se référant à MADD, cette organisation s'est penchée sur la question des durs à cuire de l'alcool au volant. MADD a trouvé que selon les données recueillies par Transport Canada et le Traffic Impaired Research Foundation, la perception de certains voulant que des alcooliques invétérés sont insensibles aux sanctions gouvernementales n'est pas fondée. Dans son rapport, on peut lire ce qui suit : The number of dead drivers who tested positive for alcohol fell sharply from 1987 to the late 1990s, but has subsequently remained relatively steady. In contrast, the percentage of dead drivers in each BAC range has been extremely stable from 1987-2009. Thus, contrary to what some commentators have suggested, there has been no dramatic increase or, for that matter, any increase in the percentage of dead drivers in the highest BAC range. The so-called “hard-core drinking driver” problem in Canada has remained remarkably consistent over this period, making up a low of 53% to a high of 63% of the total deaths. The measures taken to reduce impaired driving have had a similar impact across all BAC ranges. Again, contrary to what has been suggested, there is no evidence that drivers in the highest BAC range are immune to drinking and driving countermeasures. The numbers suggest that general 10 MADD : Overview - Youth and impaired driving [R.S.I., onglet 6]; Page 23 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments countermeasures, such as lowering the Criminal Code BAC limit and introducing random breath testing, will likely have similar effects across all BAC ranges. Indeed, the international research suggests that these measures may well have their greatest impact on high BAC drivers. In summary, the numbers do not support the view that high BAC drivers are a new problem or a problem that is getting worse in Canada. Nor do the numbers suggest that general countermeasures will be ineffective in reducing alcohol-related crash fatalities among such drivers. 11 (Nous soulignons) [54] Fait à remarquer également, que le nombre absolu de mortalité chez les conducteurs ayant un taux d'alcoolémie élevé, soit 150% au début et par la suite 161% et plus a grandement diminué. En se référant au tableau du présent article, nous constatons qu'en 1987 il y avait eu 551 décès dans cette catégorie, alors qu'en 2009, ce chiffre est réduit à 271, soit la moitié moins de décès chez les conducteurs très intoxiqués, parmi lesquels on retrouve les soidisant durs à cuire de l'alcool au volant. Il est indéniable que parmi ces conducteurs se trouvant dans la catégorie des 161% et plus, il y en a qui ont de graves problèmes avec la consommation; ils sont des alcooliques et ils sont malades. Ils sont un danger pour euxmêmes et pour notre société. Ils doivent être soignés pour traiter le cœur du problème, leur alcoolisme. Toutefois, cela ne veut pas dire qu'ils sont insensibles aux sanctions gouvernementales comme nous le démontrent le rapport de MADD ci-haut cité, et la diminution du nombre d'accidents mortels reliés à l'alcool au volant dans toutes les catégories d'alcoolémie. [55] Ce que nous comprenons de ces données c'est que l'attitude des gens (qui est tributaire de leur éducation) et les sanctions gouvernementales (lesquelles reflètent les valeurs d'une société), sont des facteurs significatifs sur la fréquence d'accidents reliés à l'alcool au volant. En dernier ressort, nous trouvons particulièrement intéressant le dernier paragraphe du 11 MADD, The bacs of dead drivers testing positive for alcohol Canada, 1987-2009 : What do the numbers tell us, January 2012; [R.S.I., onglet 7]; Page 24 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments rapport de MADD qui nous apprend que l'Allemagne, où les gens boivent beaucoup plus d'alcool qu'au Canada, et dont la limite d'alcoolémie est fixée à 0.05%, le taux de mortalité relié à cette infraction est de beaucoup inférieur. On peut lire ce qui suit : Although progress has been made, Canada lags far behind the world leaders in traffic safety in terms of the percentage of dead drivers who are legally impaired. Moreover, many of these countries have far higher rates of per capita alcohol consumption than Canada. For example, while Germans consumed 64% more alcohol than Canadians per capita in 1998, only 11% of Germany’s fatally-injured drivers were legally impaired, as defined by having a BAC of 0.05% or higher. In contrast, 32% of Canada’s fatally-injured drivers in 1998 were legally impaired, as defined by having a BAC above 0.08%. 12 [56] Il est révélateur de savoir qu'en Allemagne où il n'y a pas de mesure équivalente à la confiscation du véhicule automobile à titre de bien infractionnel13, mais dont le taux par capita de consommation d'alcool est beaucoup plus élevé qu'ici, le problème du « fléau social » est beaucoup moins important si l'on s'en tient à ces données avec un taux de mortalité trois fois moindre qu'au Canada. Il nous semble que l'attitude des gens et les mesures gouvernementales soit une limite fixée à 0.05% donnent les résultats escomptés. MADD milite pour la même réduction de taux fixée par la loi au Canada. D'ailleurs, au Québec, le gouvernement a bien compris cette réalité et a prolongé la mesure de «tolérance zéro» chez les jeunes conducteurs passant de 3 ans à 5 ans moins un jour14. C'est donc dire qu'un jeune conducteur de 17 ans devra attendre jusqu'à l'âge de 22 ans moins un jour avant de pouvoir prendre le volant après une consommation. Voilà le cœur du problème et la solution : cibler et éduquer. À la longue ces jeunes conducteurs devenus adultes 12 13 14 Ibid. Affaires étrangères et commerce international Canada, Lois et coutumes en Allemagne; U.S. Embassy to Germany, Drinking and Driving (rules in Germany) (sites internet) Le Devoir.com : À compter d'avril – Tolérance zéro pour les conducteurs de moins de 21 ans, publié le 27 juin 2012 [R.S.I., onglet 4] Page 25 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments comprendront l'importance du danger et auront des habitudes de vie ancrées bien différentes d'une génération passée. [57] Pour ces raisons, nous sommes en désaccord avec la position de l'appelante voulant que la confiscation constitue l'ultime salut pour dompter les récalcitrants de l'alcool au volant. Comme si les mesures et les sanctions en place n'étaient pas suffisantes, cela lui prendrait une arme supplémentaire à la sentence pour corriger les indomptables de l'alcool au volant. Comme l'espoir ultime deviendra l'arme ultime, l'appelante s'empressera de faire indirectement ce que le législateur et cette Cour dans Craig lui empêchent de faire directement, soit utiliser la confiscation comme mode de punition additionnel. [58] Comme nous l'avons vu plus haut à l'aide de statistiques et des rapports de MADD, la confiscation n'est pas nécessaire à la réduction du problème des cas de mortalité reliés à l'alcool au volant. L'éducation, particulièrement à l'égard des jeunes et les mesures (sanctions) gouvernementales déjà en place (et à venir) ont déjà permis de faire un énorme pas dans la bonne direction. La réduction du taux d'alcoolémie permis par la loi de 0.08% à 0.05% est une mesure fortement préconisée par MADD et qui semble donner de bons résultats dans d'autres juridictions dont l'Allemagne. D'ailleurs, plusieurs provinces canadiennes ont déjà, de façon administrative, fixé le taux d'alcoolémie à 0.05%. Rien n'empêche le Parlement d'en faire de même avec le Code criminel. [59] Il n'est pas sans intérêt de noter qu'aux États-Unis, certains États américains ont déjà mis en place, depuis quelques années, un régime de confiscation en la matière. Dans plusieurs États dont le Minnesota, l'administration publique a présentement en place des sanctions d'ordre similaire à celles de la confiscation du véhicule automobile en matière d'alcool au volant. Suivant le même raisonnement que l'appelante, l'administration publique du Minnesota notamment, peut saisir et par la suite confisquer le véhicule automobile des récidivistes de l'alcool au volant. Une fois trouvé coupable, l'accusé a 30 jours pour Page 26 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments contester et faire valoir ses moyens de défense à l'encontre de l'ordonnance de confiscation de son véhicule automobile devant une cour civile. Il s'agit de mesures administrées par l'État du Minnesota et constitue un régime distinct du Code criminel 15 . Dans l'État de l'Illinois, la saisie et l'ordonnance de confiscation peut se faire avant même que l'accusé soit trouvé coupable16. Encore, ce régime de confiscation est géré par les gouvernements des États et les lois sont rédigées spécifiquement pour les contrevenants en matière de conduite avec facultés affaiblies. [60] Ce qui est important de souligner dans le cadre des États américains, c'est que le régime de confiscation est encadré par une loi spécifique qui énonce à la fois l'intention claire de la législation de l'État et des balises qui encadrent ce pouvoir. La philosophie derrière ces lois administratives est que la saisie et la subséquente confiscation du véhicule automobile du délinquant est une conséquence civile de ses actes. Dans le cas où le véhicule a peu de valeur, il sera remis à l'accusé ou, suivant les circonstances établies par la loi, une demande sera faite pour confisquer la plaque d'immatriculation dudit véhicule automobile. Dans le cas où le véhicule est une location ou est financé et dont la valeur résiduelle est de loin inférieure à la créance, le véhicule est simplement retourné au créancier. Dans certains cas et certains États, l'accusé peut, en échange de la confiscation, faire un acte de transfert de propriété du véhicule ou encore déposer une caution. Nous comprenons que ce régime vise un but bien précis et défini par la loi. Il vise à imposer une conséquence civile aux délinquants récalcitrants en matière d'alcool au volant. Le régime vise à punir le délinquant de façon parallèle aux sanctions du Code criminel. Les deux régimes visent la même finalité mais par des moyens différents. 15 16 Minnesota's Forfeiture Laws, House Research Department Revised: December 2010, p. 9 [R.S.I., onglet 9]; Minnesota's Statutes 2011(article 169A.63 Vehicle forfeiture) [R.S.I., onglet 14]; Illinois Compiled Statutes, 720 ILCS 5/36-1 (from Ch. 38, par. 36-1) (Text of Section from P.A. 96-1551, Article 1, Section 960 [R.S.I., onglet 13]; Page 27 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments [61] Dans Craig, cette Cour a bien statué sur la dichotomie conceptuelle de la confiscation et de la peine. La confiscation ne peut servir la peine car, selon la juge Abella, il est inacceptable que des accusés ayant des biens de valeur puissent les utiliser dans le but de négocier une peine plus légère ou éviter l'emprisonnement alors que les moins fortunés n'auront pas cette option à leur disposition. Inversement, la peine ne peut servir la confiscation, i.e. que le juge ne peut tenir compte de la sentence d'emprisonnement par exemple pour refuser l'ordonnance de confiscation comme cela a été le cas dans Craig, Neault, Casey17 et le cas sous étude. Toutefois, si aucune balise ne vient encadrer ce pouvoir, la peine et la confiscation vont inéluctablement se confondre18. [62] Cet outil placé entre les mains de l'appelante sans balise se transformera rapidement en coup de masse sentenciel pour les récidivistes et fera pencher inéluctablement la balance des pouvoirs en faveur de plaidoyer de culpabilité pour les citoyens ordinaires. C'est pour cette raison qu'il est important de ne pas perdre de vue l'objectif du législateur et sa préoccupation avec le fléau social de l'époque, i.e. le crime organisé et le commerce illicite de la drogue. À l'époque des guerres de motards, leurs activités criminelles représentaient une gangrène qui avait pris racine dans nos villes canadiennes. Il fallait prendre des mesures extraordinaires pour combattre le gangstérisme. Voilà le véritable enjeu social de cette loi. Quelle ait été par la suite modifiée pour élargir sa portée n'en fait pas moins une loi à caractère exceptionnel avec un objectif bien précis, combattre l'implantation du crime organisé dans notre société. Le raisonnement est que toute organisation (à but lucratif) dont l'activité économique relève du monde interlope ne devrait pas pouvoir bénéficier du fruit de ses activités illicites que le bien soit le produit de la criminalité ou ait servi dans le cadre de ses activités criminelles. L'élargissement de la portée du critère « bien infractionnel » ne veut pas dire changement de vocation. Cela veut dire que le législateur a réalisé que les activités criminelles des gangs ne se limitaient pas au trafic de stupéfiants. Compte tenu que 17 18 R. c. Casey, [2012] QCCA 329 [R.S.I. onglet 2]; À la une du Journal de Québec du 29 mai 2012 (R. c. Gervais Dallaire, Cour du Québec le 28 mai 2012, où le juge après avoir sermonné l'accusé pour sa 7e faculté affaiblie a procédé à la confiscation de son véhicule automobile [C.S., onglet 5]; Page 28 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments leurs activités dépassaient le cadre et la portée de la LRCDAS, le législateur devait adapter le Code criminel afin de capter toutes les activités illicites de ces organisations. À notre avis, le juge Vézina a bien saisi cette intention lorsqu'il affirme dans Neault : [37] Suivant ma compréhension de l’objectif de l’ordonnance, plus on est en présence du crime organisé, plus l’ordonnance s’impose, et de même, plus il appert que le bien est « destiné à servir » à la perpétration d’infraction, plus il importe de ne pas le laisser entre les mains du contrevenant. À l’opposé, si l’infraction est sans rapport avec le gangstérisme et si le bien n’était pas « destiné à servir » au crime, mais a été « utilisé de quelque manière » pour commettre l’infraction, plus s’impose de vérifier si la confiscation ne serait pas démesurée. La loi règlementant certaines drogues et autres substances et le droit à la jouissance paisible de la propriété privée [63] Dans son mémoire, l'appelante fait appel à des arguments d'ordre politique au sens philosophique du terme. Bref, elle met en opposition le droit de la collectivité à être protégé contre les délinquants vis-à-vis le droit fondamental à la propriété privée. [64] Dans le but de justifier l'atteinte flagrante au droit de propriété garanti par la Charte québécoise 19, elle écrit au paragraphe 122 de son mémoire : [122] Donc, la liberté de l'intimée n'étant pas un enjeu, la sécurité collective doit primer sur le droit de propriété de l'individu réfractaire. Comme dit précédemment, la conduite en état d'ébriété est un fléau et la sécurité du public doit être préservée. Ainsi l'intention du législateur doit primer sur les autres principes d'interprétation. [65] Avec respect pour l'opinion contraire et pour les motifs élaborés précédemment, nous sommes d'avis que l'alcool au volant en tant que « fléau social » ne peut servir d'assise à une atteinte aussi large au droit garanti par la Charte. Au nom de la «sécurité collective», 19 Article 6 [R.S.I., onglet 10]; Page 29 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments concept assez vaste et galvaudé s'il en est un, l'appelante donnerait carte blanche au ministère public pour justifier cette violation chaque fois qu'une infraction est commise en se servant d'un bien. De plus que cette violation repose sur un article du C.cr. tout aussi large que celui édictant l'application du concept de « bien infractionnel » en général. Même la LRCDAS20 ne va pas aussi loin et se garde de porter une atteinte trop envahissante au droit de propriété privée des individus. [66] Dans Craig, aux paragraphes 22 à 24, la juge Abella reprend la lecture de la LRCDAS afin de définir ce qui est visé par la loi. Après avoir discuté de l'objectif du paragraphe 19.1(3), la juge s'attarde à la définition du terme « infraction désignée » et ce qui est visé par cette cette définition. Après avoir énuméré les types d'infractions couverts par la définition (trafic, possession en vue du trafic, importation, exportation, complot, etc.), la juge fait remarquer que la simple possession est exclue de la définition : [24] L’expression « infraction désignée » est définie ainsi au par. 2(1) : « Soit toute infraction prévue par la partie I [. . .], soit le complot ou la tentative de commettre une telle infraction, la complicité après le fait à son égard ou le fait de conseiller de la commettre. » Les infractions auxquelles renvoie cette définition sont les suivantes : l’obtention de substances (par. 4(2)); le trafic de substances (par. 5(1)); la possession de substances en vue du trafic (par. 5(2)); l’importation et l’exportation de substances (par. 6(1)); la possession de substances en vue de leur exportation (par. 6(2)) et la production de substances (par. 7(1)). La simple possession n’est pas visée. [67] Le fait que la possession simple soit exclue de la définition de « infraction désignée » confirme que l'objectif de la Loi ne visait pas à porter une atteinte sans limite au droit de propriété en matière d'infractions reliées aux stupéfiants. Un exemple simple en fait la démonstration. Un individu est arrêté pour une infraction de conduite avec facultés affaiblies. Lors de la fouille du véhicule automobile pour fins de remisage, le policier découvre une quantité de stupéfiants. En vertu de la LRCDAS le ministère public ne peut 20 [R.S.I., onglet 12] Page 30 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments pas demander au juge la confiscation du véhicule automobile s'il n'arrive pas à faire la démonstration que la possession est pour fins de trafic. Dans ce cas, la drogue, même si elle représente une importante quantité, ne peut servir d'assise pour demander la confiscation du véhicule automobile en vertu de la Loi. Il est clair que l'objectif du législateur dans ce cas était d'épargner l'individu qui n'est pas relié d'une façon ou d'une autre au trafic de stupéfiants, et, par conséquent, d'être lié au crime organisé ou, du moins, activement impliqué dans le commerce de stupéfiants. [68] Peut-on comprendre de cette exclusion formelle le souci du législateur de se garder à outrepasser les limites du pouvoir législatif en portant une atteinte trop envahissante au droit des individus qui n'ont pas de rapport avec le crime organisé ou le commerce illicite de la drogue ? Cependant, si nous retenons l'argumentation de l'appelante, celle-ci pourrait alors demander la confiscation du véhicule automobile en vertu de l'article 490.1(1) du Code criminel, mais non en vertu de la LRCDAS. En faisant abstraction pour l'instant de l'alcool au volant, l'appelante pourrait alors faire indirectement par le biais d'un article général et imprécis du Code criminel, ce qui lui est défendu de faire en vertu d'une loi spécifique telle la LRCDAS. Il nous semble qu'il est simplement illogique qu'il en soit ainsi. [69] La LRCDAS établit un régime complet d'infractions et de sanctions reliées aux stupéfiants. Elle a été conçue spécialement pour mener la lutte contre le trafic de la drogue et, par la suite, a été adaptée afin de combattre le gangstérisme. Si on parle de fléau, la drogue et le crime organisé constituent un véritable fléau social. Les États-Unis et le Canada ont investi des milliards de dollars pour éradiquer ce marché qui empoisonne notre société et alimente le crime organisé. Elle sanctionne sévèrement ses infractions et prévoit la confiscation de biens reliés au commerce de la drogue et les organisations qui en sont à l'origine. Mais, elle ne vise pas à confisquer les biens des individus accusés de possession simple. Comment peut-on expliquer qu'en vertu d'un article de type fourre-tout du Code criminel le même bien serait alors confiscable. Encore, nous peinons à comprendre la logique. Avec respect pour Page 31 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments l'opinion contraire, il s'agit d'une mauvaise application de l'économie du Code criminel et de ses lois connexes. [70] Reprenons l'exemple du conducteur arrêté pour conduite avec facultés affaiblies en poussant les faits un peu plus loin. L'accusé n'a pas d'antécédents en semblable matière en ce qui concerne les facultés affaiblies, mais il est un multi récidiviste en matière d'infractions reliées à la possession simple de stupéfiants. De plus, il fait une déclaration suivant laquelle il reconnaît se servir de son véhicule automobile pour entreposer sa drogue pour son utilisation personnelle. Encore, le ministère public ne pourrait pas demander la confiscation du véhicule automobile en vertu de la LRCDAS pour la simple raison que le législateur a statué qu'il ne s'intéresse pas aux biens des gens accusés de possession simple. Toutefois, si l'appelante a raison dans son interprétation de l'article 490.1(1) du Code criminel, le ministère public pourrait faire indirectement ce que le législateur a exclu expressément, soit la confiscation des biens des gens sans lien avec le commerce de la drogue. [71] Au risque de se répéter, nous sommes d'avis que le législateur n'a pas sanctionné une telle incohérence dans l'économie de ses lois. Le même principe s'applique pour la conduite avec facultés affaiblies. Encore, en reprenant l'exemple pour y ajouter cette fois-ci que l'accusé a également des antécédents en matière de conduite avec facultés affaiblies, le législateur ne s'intéresse pas plus aux biens des récidivistes en la matière que de ceux ayant été reconnus coupables, à plusieurs reprises, de possession simple de stupéfiants. Le principe est pareil pour les deux cas, le législateur ne s'intéresse pas aux biens des particuliers sans lien avec le crime organisé ou le commerce illicite de la drogue pour la simple raison que la confiscation dans ces cas ne servirait d'autres fins que la double sentence. L'économie du Code criminel veut qu'en matière de peine, l'article 718.1 et suivants est le régime complet pour la détermination de la peine juste. Comme le démontre si bien l'exclusion faite par la LRCDAS à l'égard des biens en matière de possession simple, l'objectif du législateur n'est pas de punir les gens ordinaires sans rapport avec le crime organisé, l'objectif n'est pas non plus de punir ceux qui en ont. Suivant la logique du Fish, dans Craig, il est rare que la confiscation Page 32 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments aura un effet punitif car soit le bien a été obtenu avec le produit de la criminalité, soit le bien est «propre», mais a été affecté à servir des intérêts criminels. Dans les deux cas, l'accusé qui en perd la propriété n'est pas puni. Il est privé de son bien car la loi et le concept du bien infractionnel visent à combattre le crime organisé par tous les moyens utiles. Cette lutte à l'égard des gangs et de leurs activités connexes est fondée sur le principe de justice enracinée dans nos valeurs sociales que nul ne doit tirer profit de son délit21. Qu'est-ce donc que l'intérêt de la communauté ? [72] Pour revenir à la déclaration de l'appelante suivant laquelle la « sécurité du public » doit l'emporter sur le droit de l'individu à la jouissance paisible de son bien, nous sommes d'avis que cette équation des intérêts ne donne pas le résultat moral qu'escompte obtenir l'appelante. En se référant à l'ouvrage de Jeremy Bentham, l'inventeur de l'utilitarisme qui est devenu au 20e et au 19e siècle, l'un des courants majeurs de la philosophie morale et politique, on découvre que l'ascendance morale que tente d'obtenir l'appelante en brandissant le spectre du fléau social pour justifier une atteinte systématique et généralisée au droit de propriété n'est pas cohérente. [73] Au départ, Bentham était convaincu que la common law manquait gravement de cohérence dans sa justification et dans son organisation, ce qui le mena à élaborer toute une philosophie. Bentham pose que toute action humaine se détermine en fonction de la recherche du plaisir et de l'évitement de la douleur. Il propose que l'homme d'état doit préconiser des mesures capables de favoriser une combinaison optimale pour la société comme en témoigne cet extrait de Introduction aux principes de la morale et de la législation22: 21 22 Ibid., note 1 Bentham, J., 1789, chap. I, traduction J.-P. Cléro, anthologie historique et critique de l'utilitarisme, copyright P.U.F., COLL. «Éthique et philosophie morale», 1999 Page 33 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments 1. La nature a placé l’humanité sous l’égide de deux maîtres souverains, la peine et le plaisir. C’est à eux seuls d’indiquer ce que nous devons faire aussi bien que de déterminer ce que nous ferons. À leur trône, sont fixés, d’un côté, la norme du bien et du mal, de l’autre, l’enchaînement des causes et des effets. Ils nous gouvernent dans tout ce que nous faisons, dans tout ce que nous disons, dans tout ce que nous pensons : tout effort que nous pouvons faire pour secouer le joug ne servira jamais qu’à le démontrer et à le confirmer. […] 2. Le principe d'utilité est le fondement du présent ouvrage : il conviendra donc de donner pour commencer une explication détaillée et précise de ce que l'on entend par là. Par le principe d'utilité, on entend ce principe qui approuve ou désapprouve toute action quelle qu'elle soit, selon la tendance qu'elle semble présenter d'augmenter ou de diminuer le bonheur de celui ou de ceux dont l'intérêt est en jeu; en d'autres termes qui reviennent au même, de promouvoir ce bonheur ou de s'y opposer. Je parle de toute action quelle qu'elle soit; par conséquent, non pas seulement de toute action d'un individu privé mais aussi de toute mesure prise par un gouvernement. 3. On entend par utilité la propriété présente en tout objet de tendre à produire bénéfices, avantages, plaisirs, biens, ou bonheur (toute chose qui, en l'occurrence, reviennent au même) ou (ce qui revient encore au même) à empêcher que dommage, peine, mal ou malheur n'adviennent aux parties dont on considère l'intérêt; si ce parti s'étend à la communauté dans son ensemble l'utilité sera alors le bonheur de la communauté; si elle se confond avec un individu particulier, l'utilité sera alors le bonheur de cet individu. 4. L'intérêt de la communauté est l'une des expressions les plus générales que l'on puisse rencontrer dans la phraséologie morale. Il n'est pas étonnant que le sens en ait souvent été perdu. Quand cette expression a un sens, c'est le suivant : la communauté est un corps fictif qui se compose de personnes individuelles considérées comme le constituant à titre de membre. Qu'est-ce donc que l'intérêt de la communauté ? La somme des intérêts des divers membres qui la compose. Page 34 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments […] 7. On peut dire d'une mesure prise par un gouvernement (qui n'est rien d'autre qu'une espèce particulière d'action accomplie par une ou plusieurs personnes particulières) qu'elle est conforme au principe d'utilité ou qu'elle est dictée par ce principe quand, de la même façon, sa tendance à augmenter le bonheur de la communauté l'emporte sur toutes celles qui, en elles tendent à le diminuer. (Nous soulignons) [74] En examinant les trois causes citées dans notre mémoire, soit Neault, Caisey et Manning (notre cause sous étude), nous pouvons constater que tous les juges étaient d'avis que la confiscation n'était pas justifiée. En d'autres termes, de par leur refus d'accorder l'ordonnance, les juges ont exprimé que cette mesure gouvernementale n'était pas «conforme au principe d'utilité» puisque de la même façon «sa tendance à augmenter le bonheur de la communauté [ne] l'emportait [pas] sur toutes celles qui, en elles, tendent à le diminuer». La confiscation dans les circonstances des causes citées ne constituaient pas une mesure gouvernementale «capable de favoriser une combinaison optimale (des plaisirs et des douleurs) pour la société». Pour chacun des juges, le calcul de la peine et du plaisir et la recherche du plus grand bonheur collectif ne militait pas en faveur de la position du ministère public qui demandait la confiscation. [75] Cette mesure, ou plutôt cette démesure (si on s'en tient aux résultats des décisions des juges) faisait pencher le balancier en faveur de la retenue. La confiscation est une mesure draconienne et sa justification morale n'est tout simplement pas cohérente avec le principe de l'utilitarisme. Pour reprendre les paroles de Bentham, l'intérêt de la communauté (ou sa volonté de se prémunir contre les menaces des « délinquants récalcitrants ») est vide de sens s'il n'est pas rattaché aux intérêts des personnes individuelles qui la composent. Dans chacune des causes citées, les juges étaient confrontés à faire le calcul des intérêts d'une personne réelle et non de celui d'un principe abstrait et vide de sens. Dans l'évaluation de Page 35 Mémoire de l'intimé Partie III – Exposé des arguments ces intérêts et plus particulièrement en prenant en compte les circonstances personnelles et familiales des accusés et particulièrement de l'utilité qu'ils faisaient du véhicule automobile, les juges ont calculé qu'il n'était tout simplement pas conforme au principe d'utilité pour le délinquant de se faire confisquer son bien. Puisque l'intérêt de la communauté est la somme des intérêts de ses constituants, celui-ci ne serait pas mieux servi par la confiscation dans ces cas. Compte tenu que la peine a déjà été prononcée, la confiscation n'aurait d'autre effet que de servir une deuxième peine; ce qui serait, encore, contraire à la philosophie de l'utilitarisme de Bentham. *** Page 36 Mémoire de l'intimé PARTIE IV - LES DÉPENS Non applicables; Partie IV – Arguments au sujet des dépens Page 37 Mémoire de l'intimé Partie V – Ordonnances demandées PARTIE V - ORDONNANCES DEMANDÉES POUR TOUS LES MOTIFS PRÉCÉDEMMENT EXPOSÉS, NOUS PRIONS CETTE HONORABLE COUR DE : REJETER le présent pourvoi; CONFIRMER le jugement de la Cour d'appel du Québec prononcé le 16 mai 2011 dans le dossier 200-10-002559-107; CONFIRMER le jugement de la Cour du Québec prononcé le 27 août 2010 dans le dossier 655-01-004409-107; REJETER la requête en confiscation; Le tout respectueusement soumis. FAIT À QUÉBEC, province de Québec, le 17 juillet 2012 PATRICK JACQUES Procureur de l'INTIMÉ Page 38 Mémoire de l'intimé Partie VI – Table alphabétique des sources PARTIE VI - LES SOURCES Réf. Par. Onglet Jurisprudence : 1 R. c. Craig, 2009 CSC 23, [2009] 1 R.C.S. 762 ............. 10, 13, 16, 19, 23-26, 30, 31, ....................... 33, 34, 39, 44, 47-49, 58, 62, 68, 73 2 R. c. Casey, [2012] QCCA 329 .................................................................................62 3 R. c. Neault, 2011 QCCA 435 .................14, 15, 17, 23, 26, 27, 33, 39, 44, 62, 63, 76 Doctrine : -- Affaires étrangères et commerce international Canada, Lois et coutumes en Allemagne; U.S. Embassy to Germany, Drinking and Driving (rules in Germany) (sites internet) ..........................................................................................56 -- BENTHAM, J., 1789, chap. I, traduction J.-P. Cléro, anthologie historique et critique de l'utilitarisme, copyright P.U.F., COLL. «Éthique et philosophie morale», 1999 ................................................................................................72, 73, 76 -- GRIGORIEFF, N., Citations latines expliquées, cinquième tirage, Groupe Eyrolles, 2011, Eyrolles. Seconde partie : Les locutions latines juridiques, p. 156 ...........................................................................................................................6 4 Le Devoir.com : À compter d'avril – Tolérance zéro pour les conducteurs de moins de 21 ans, publié le 27 juin 2012 ....................................................................57 5 Le Journal de Québec du 29 mai 2012, Sermonné par le juge ..................................62 6 MADD : Overview - Youth and impaired driving .....................................................52 Page 39 Mémoire de l'intimé Onglet Partie VI – Table alphabétique des sources Doctrine (suite) : 7 MADD, The bacs of dead drivers testing positive for alcohol Canada, 19872009 : What do the numbers tell us, January 2012 ....................................................54 8 MADD, The lives saved : Total lives saved 1982-2009 ............................................51 9 Minnesota's Forfeiture Laws, House Research Department Revised: December 2010, p. 9 ...................................................................................................................60 Page 40 Mémoire de l'intimé Partie VII – Textes législatifs PARTIE VII - EXTRAITS DES TEXTES LÉGISLATIFS Réf. Par. Onglet Législation pertinente : 10 Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q. c. C-12 Article 6 .........................................................................................................42, 66, 67 11 Code criminel, LRC (1985) ch. C-46 Article 490.1(1)....................................................................................................70, 72 Article 490.41(3)..................................................................................................18, 25 Article 490.41(4) .................................................................................................36, 37 Articles 718, 719 ..................................................................................................48, 73 (p. 53) (p. 57) (p. 57) (p. 67) 12 Loi règlementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19 (extrait art. 1-20) ............................................................................................ 62, 65-71 13 Illinois Compiled Statutes, 720 ILCS 5/36-1 (from Ch. 38, par. 36-1) (Text of Section from P.A. 96-1551, Article 1, Section 960 .....................................60 14 Minnesota's Statutes 2011(article 169A.63 Vehicle forfeiture).................................60