le trimestriel du droit de la technologie

Transcription

le trimestriel du droit de la technologie
CoConseil
CoConseil McCarthy Tétrault :
le trimestriel du droit de la technologie
Volume 4, numéro 1
Janvier – Mars 2008
CoConseil :
le trimestriel du droit de la technologie
Volume 4, numéro 1
Voici le volume 4, numéro 1 du CoConseil McCarthy Tétrault : le trimestriel du droit de la technologie.
Dans ce numéro, nous poursuivons notre série sur la transformation de votre entreprise de technologie
en société ouverte, en approfondissant cette fois le sujet du premier appel public à l’épargne. Dans un
autre article, nous examinons la nouvelle obligation d’information ayant des conséquences pour les
sociétés ouvertes et les sociétés fermées qui passent des contrats avec des sociétés ouvertes. Les
changements apportés au Règlement 51-102 sur les obligations d’information continue exigent
désormais des émetteurs assujettis qu’ils déposent publiquement certains « contrats importants »
conclus « dans le cours normal des activités » dans SEDAR (ces contrats pourraient inclure, entre
autres, les contrats d’impartition et contrats portant sur l’utilisation d’un brevet).
Plus tôt cette année, les gouvernements fédéral et ontarien ont fait connaître leurs budgets 2008,
assortis de quelques bonnes nouvelles pour les entreprises de technologie et leurs investisseurs.
Nous faisons ressortir certaines initiatives fiscales pertinentes, dont des modifications aux obligations
relatives à la retenue et aux certificats de décharge de l’article 116 de la loi fédérale, le congé
fiscal de dix ans accordé aux nouvelles entreprises qui commercialisent de la propriété intellectuelle
développée par des universités, collèges ou instituts de recherche canadiens admissibles, et le crédit
d’impôt à l’innovation de l’Ontario.
La question de la protection de la vie privée a continué de faire les manchettes, la viodéosurveillance
étant cette fois examinée minutieusement. Nous examinons les lignes directrices qu’ont publiées les
commissaires à la protection de la vie privée du Canada, de la Colombie-Britannique et de l’Alberta
relativement à l’utilisation de la vidéosurveillance par les organisations du secteur privé. Nous
présentons également une affaire du Québec dans laquelle une société d’assurances a été enjointe
de verser des dommages punitifs pour avoir fait de la vidéosurveillance illicite en violation du droit
à la vie privée d’un assuré. Dans un troisième article, nous examinons si un employé a droit à la vie
privée sur des données créées à des fins de travail et stockées sur un ordinateur.
Le contenu généré par l’utilisateur (CGU) sur Internet est un autre domaine qui a connu une forte
expansion ces dernières années. Les entreprises cherchent maintenant à exploiter le CGU à des fins
commerciales, mais ce faisant elles s’exposent à des dangers. Dans un article, nous passons en revue
certains des risques potentiels reliés à l’intégration du CGU au site Web d’une entreprise et exposons
à grands traits les mesures que les entreprises peuvent prendre pour minimiser leur responsabilité.
Les secteurs de la technologie et des communications ont connu une vague de fusions et d’acquisitions
en 2007. Au début de 2008, deux grandes acquisitions annoncées en 2007 ont franchi d’importants
obstacles réglementaires. Nous examinons l’approbation qu’a donnée la Commission européenne à
l’acquisition de DoubleClick par Google et, plus près de nous, l’approbation qu’a donnée le CRTC à la
vente de BCE.
Nous poursuivons notre série sur l’impartition des processus opérationnels (IPO) à l’étranger. Dans
ce numéro, nous examinons certains aspects juridiques clés des opérations d’IPO à l’étranger, comme
le droit de propriété intellectuelle, le règlement des différends, la protection des renseignements
confidentiels et le respect des lois locales.
Le présent numéro du trimestriel du droit de la technologie aborde ces questions et bien d’autres. Vous
pouvez y naviguer à partir de la table des matières, en cliquant sur les liens conduisant aux différents
articles. Tous les articles sont également disponibles sur notre site Web. Vous pouvez aussi effectuer
des recherches dans la base de données de nos publications pour trouver un complément d’information
sur une foule de sujets. Si vous préférez recevoir une version imprimée du trimestriel du droit de la
technologie, ou si vous désirez modifier les renseignements concernant votre abonnement, veuillez
communiquer avec moi en cliquant sur le lien ci-dessous.
McCarthy Tétrault est reconnu comme un cabinet de premier plan dans bien des domaines du droit,
dont celui de la technologie, par les principales publications spécialisées dans le classement de
cabinets juridiques et d’avocats. L’édition 2008 du Chambers Global, guide présentant les principaux
avocats du monde, confirme la position dominante de McCarthy Tétrault au Canada dans le secteur
des technologies de l’information ainsi que dans les domaines des télécommunications et de la
radiodiffusion. Le PLC Which Lawyer?, dans son édition 2008, classe McCarthy Tétrault au premier
rang des cabinets canadiens pour ce qui est des domaines des technologies de l’information et du
commerce électronique. L’édition 2008 du Canadian Legal Lexpert Directory ne sera pas publiée
avant cet été, mais l’édition 2007 reconnaît la place de chef de file qu’occupe McCarthy Tétrault
dans le domaine du droit de la technologie au Canada. Le CoConseil : le trimestriel du droit de la
technologie prouve que nous tenons à conserver cette position de chef de file.
Heather J. Ritchie
Rédactrice en chef
Avril 2008
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Table des matières
Internet/ Service eWorld ........................................................................ 1
COMMERCE ÉLECTRONIQUE ............................................................................. 1
Canada : Le contenu généré par l’utilisateur : comment éviter les pièges ..............................1
Canada : La juridiction « virtuelle » à l’ère de la mondialisation :
Desjean c. Intermix et l’adaptation du critère du lien réel et substantiel ..............................3
Ontario : Obligations d’alerte en matière de fraude dans la
Loi sur les renseignements concernant le consommateur de l’Ontario...................................7
Amérique du Nord : Les droits découlant de la loi dans un monde virtuel
sont-ils réels ou illusoires? .......................................................................................8
Europe : Microsoft condamnée à payer une amende record au titre de violations
des lois sur la concurrence dans la Communauté européenne .............................................9
International : Google réalise l’acquisition de DoubleClick .............................................. 11
International : Les recommandations de l’ICANN pourraient accroître considérablement
les nouveaux noms génériques de domaines de premier niveau ......................................... 12
LICENCES DE LOGICIEL.................................................................................. 13
International : Les licences de logiciels et de contenus libres : du copyright au copyleft —
Partie III ........................................................................................................... 13
Financement des entreprises de technologie ..............................................20
FINANCEMENT LIÉ AU SECTEUR DE LA TECHNOLOGIE.............................................. 20
Amérique du Nord : Transformer votre entreprise de technologie en société ouverte —
Partie III ........................................................................................................... 20
Canada : Incidence prévue des modifications fiscales canadiennes proposées sur
les investisseurs transfrontaliers de capital de risque et d’investissement ............................ 23
Ontario : Budget de l’Ontario 2008 : Des allégements fiscaux limités
pour le secteur de la technologie............................................................................. 25
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Sous-traitance de technologie .................................................................27
IMPARTITION ............................................................................................. 27
International : Introduction à l’impartition des processus administratifs à l’étranger —
Partie II ............................................................................................................ 27
CONTRATS DES SOCIÉTÉS DE TECHNOLOGIE ........................................................ 31
Canada : Nouvelle obligation de déposer les « contrats importants »
conclus dans le cours normal des activités .................................................................. 31
Propriété intellectuelle .........................................................................33
DROIT D’AUTEUR ........................................................................................ 33
Canada : Annulation de la redevance sur les iPod ......................................................... 33
Protection de la vie privée .....................................................................35
CAUSES/DÉVELOPPEMENTS JURIDIQUES ............................................................. 35
Canada : Les commissaires à la protection de la vie privée publient des
lignes directrices relatives à la vidéosurveillance.......................................................... 35
Québec : Une société d’assurances tenue de payer des dommages pour
surveillance illicite et pour avoir fait fi des décisions de la cour........................................ 36
Canada : À qui appartient quoi? : Existe-t-il, pour les employés, une attente raisonnable à ce
que la vie privée soit respectée en ce qui concerne les données stockées sur les ordinateurs?.... 38
Communications ..................................................................................41
CAUSES/DÉVELOPPEMENTS JURIDIQUES ............................................................. 41
Canada : Le CRTC approuve la vente de BCE ............................................................... 41
Canada : Six questions : sexe, fiscalité et projet de loi C-10 ............................................ 48
Canada : Les produits culturels canadiens et le phénomène de la « longue traîne » :
les nouveaux facteurs économiques de la production et de la distribution au Canada —
Partie III ........................................................................................................... 52
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Technologie propre ..............................................................................62
CAUSES/DÉVELOPPEMENTS JURIDIQUES ............................................................. 62
Colombie-Britannique : Taxe sur les émissions carboniques de la Colombie-Britannique ........... 62
International : Eco-Patent Commons — Partage de brevets pour un environnement
plus propre et plus vert......................................................................................... 64
Biotechnologies/ Sciences de la vie ..........................................................65
CAUSES/DÉVELOPPEMENTS JURIDIQUES ............................................................. 65
Canada : Modifications au Règlement sur les médicaments brevetés :
modifications relatives aux exigences de rapport et aux délais ......................................... 65
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Internet/
Service eWorld
COMMERCE ÉLECTRONIQUE
Perte de l’image de marque
Canada :
Le contenu généré par l’utilisateur :
comment éviter les pièges
Lorsqu’une entreprise permet à des clients
et à des visiteurs de son site Web d’élaborer
du contenu et de contribuer à un site, elle
risque de perdre la maîtrise de son image de
marque. Même si de nombreux clients peuvent
véritablement aimer une entreprise ou un
produit en particulier au cœur d’un site Web,
d’autres pourraient profiter de l’occasion pour
dénigrer l’entreprise ou le produit. L’entreprise
qui a l’intention d’inclure du CGU dans son site
Web devrait envisager la possibilité d’inclure
des services de modération aussi bien
automatisés que manuels pour faire le tri du
matériel téléversé. De plus, l’entreprise devrait
déployer d’importants efforts pour exprimer
clairement les conditions d’utilisation du site,
en définissant de façon claire et nette ce qui est
acceptable comme contenu et comme conduite
et ce qui est interdit.
Grâce à la disponibilité et à la popularité
des fonctions du Web 2.0, les entreprises
encouragent de plus en plus les visiteurs de
leur site Web à participer à l’expérience globale
du Web en téléchargeant vers l’amont du
contenu généré par l’utilisateur (CGU). Le CGU
existe sous diverses formes, telles que des
photographies, vidéos, baladodiffusions, articles
et blogues. Par le truchement du CGU, les
utilisateurs peuvent introduire des données et
exprimer leur créativité de façon passionnante.
L’intégration du CGU aux sites Web
d’entreprises peut présenter bien des
avantages pour les sites hôtes (par exemple
en rehaussant le trafic des sites Web, en
attirant de nouveaux clients, en sensibilisant
les visiteurs à des marques et en augmentant
la fidélité de la clientèle). Cependant, les
entreprises qui cherchent à utiliser le CGU
devraient connaître les risques potentiels liés
à de telles activités et prendre toutes les
mesures nécessaires pour limiter leur
exposition à ces risques, qui comprennent
notamment la perte de l’image de marque,
des réclamations pour publicité mensongère
et des obligations relatives à la violation de la
propriété intellectuelle, à la diffamation et à
l’atteinte à la vie privée.
Réclamations pour publicité mensongère
De par sa nature même, le CGU pourrait
brouiller la distinction entre le contenu
commercial (c.-à-d. les annonces) et le
contenu non commercial (c.-à-d. le
divertissement et les observations). On peut
citer comme exemple récent un concours qu’a
lancé Quiznos, la chaîne offrant des sandwichs
grillés. Elle invitait le public à soumettre des
vidéos maison décrivant les sandwichs Quiznos
comme supérieurs à ceux de Subway. Subway,
qui est le principal concurrent de Quiznos, a
Page 1
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
depuis engagé une poursuite contre
Quiznos devant la Cour de district fédérale
du Connecticut, alléguant que les vidéos
maison contenaient des déclarations fausses
et trompeuses et dépeignaient la marque
Subway de façon désobligeante.
•
énoncent des principes directeurs
concernant l’utilisation des marques de
commerce, des noms et des portraits
d’autres personnes et d’œuvres protégées
par des droits d’auteur appartenant à
des tiers;
Bien que les différends concernant des
annonces ne soient pas nouveaux, le concours
de vidéos soulève une question nouvelle du
point de vue du droit : puisqu’elle parrainait le
concours, Quiznos devrait-elle être responsable
d’un contenu qu’elle n’a pas créé? Étant donné
que toute décision rendue dans cette affaire
pourrait avoir d’importantes conséquences
pour l’utilisation de CGU sur des sites Web
d’entreprises, cette affaire est à surveiller
de près.
•
interdisent aux utilisateurs d’afficher
du matériel qui viole ces dispositions;
•
permettent à l’entreprise de retirer
tout matériel qui viole les conditions
d’utilisation; et
•
incluent une clause indemnisant
l’entreprise à l’égard de tout le CGU
affiché.
Obligation relative à la violation de la
propriété intellectuelle, à l’atteinte à la
vie privée et à la diffamation
En offrant à ses clients la possibilité d’afficher
du CGU sur son site Web, une entreprise doit
demeurer diligente si elle veut limiter ses
obligations relatives à la violation de la
propriété intellectuelle, aux atteintes à la
vie privée et à la diffamation. Pour réduire
les risques, l’entreprise devrait notamment
veiller à ce que les conditions d’utilisation
du site Web :
•
enjoignent aux collaborateurs de limiter
le contenu qu’ils soumettent à du matériel
à l’égard duquel ils détiennent tous les
droits;
Les entreprises devraient également
envisager de mettre en œuvre un programme
de modération du contenu et noter tout
matériel qui est identifié comme une violation
de la propriété intellectuelle, une atteinte
au droit à la vie privée d’un particulier ou un
cas de diffamation — surtout qu’en cas de
réclamation, une indemnité provenant d’un
créateur de contenu individuel pourrait ne pas
accorder une protection d’une grande portée.
La loi des États-Unis intitulée Digital
Millennium Copyright Act est un autre outil
servant à protéger les entreprises intéressées
à utiliser du CGU. Cette loi isole un fournisseur
de services en ligne aux États-Unis de la
responsabilité relative au droit d’auteur si le
fournisseur respecte certaines lignes directrices
prescrites en matière d’exonération et bloque
sans tarder l’accès à du matériel qui serait
contrefait (ou retire ce matériel de son site
Page 2
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Web) dès qu’il est avisé de la contrefaçon
par le titulaire du droit d’auteur ou l’agent
de ce dernier.
Les entreprises devraient également veiller
à obtenir de larges droits du collaborateur
quant à l’utilisation du CGU. Pour ce faire,
l’entreprise pourrait notamment obtenir
une licence du collaborateur au moment
de la présentation du contenu donnant le
droit à l’entreprise « d’utiliser, de reproduire,
de modifier, de publier et de distribuer
le matériel, sur n’importe quel support,
pour toujours, ainsi que le droit d’utiliser
le nom du collaborateur, son portrait et sa
performance ».
Grâce à cette licence, le collaborateur
demeurera propriétaire du CGU, mais
l’entreprise aura la possibilité d’utiliser
le contenu pour remplir les objectifs de
son site Web. Cette façon de procéder est
généralement plus acceptable pour les
collaborateurs et moins susceptible de
contestation judiciaire que l’autre façon de
procéder en exigeant des collaborateurs qu’ils
cèdent la propriété de leur CGU à l’entreprise.
Conclusion
En encourageant les visiteurs de son site
Web à soumettre du contenu original, une
entreprise peut en fait attirer de nouveaux
clients et développer la fidélité de la clientèle,
mais l’intégration du CGU peut s’avérer
désastreuse si l’entreprise n’a pas abordé
toutes les questions soulevées. Les entreprises
qui souhaitent profiter pleinement de cette
tendance devraient envisager d’employer
toutes ces mesures de protection : énoncer
clairement les conditions d’utilisation d’un
site, superviser le contenu et supprimer
le matériel désobligeant, et obtenir des
droits suffisants du créateur quant à
l’utilisation du CGU.
Communiquez avec :
Kai Brown à Toronto à
[email protected]
Canada :
La juridiction « virtuelle » à l’ère
de la mondialisation : Desjean c.
Intermix et l’adaptation du critère
du lien réel et substantiel
Deux changements importants ont marqué
la dernière décennie au Canada : l’adoption
d’Internet et la prolifération des recours
collectifs. Ces deux phénomènes se recoupent
dans l’affaire Desjean c. Intermix, un
recours collectif déposé à la Cour fédérale.
La question soulevée par cette affaire est
relativement nouvelle : une personne qui
acquiert un produit Web peut-elle poursuivre
le fournisseur dans le forum où ce produit a été
téléchargé? Quels critères s’appliquent afin de
déterminer si un tribunal canadien peut faire
valoir sa compétence?
Devant la Cour fédérale
En 2005, Patrick Desjean a déposé une
déclaration auprès de la Cour fédérale dans
laquelle il tentait de faire autoriser son
action à titre de recours collectif contre
Page 3
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Intermix Media Inc., une société américaine
située en Californie qui offre des services sur
Internet. Selon la déclaration, la société a joint
de façon trompeuse des logiciels espions ou
des logiciels publicitaires au gratuiciel que les
consommateurs téléchargeaient à partir de
ses sites Web. En réponse à cette déclaration,
Intermix a demandé le rejet de celle-ci aux
motifs que la cour n’avait pas compétence sur
Intermix et sur l’affaire. La Cour fédérale a
accueilli la requête et la Cour d’appel fédérale
a confirmé cette décision.
Dans sa déclaration initiale, M. Desjean
soutenait qu’Intermix, en se livrant à
des pratiques trompeuses, frauduleuses
et illégales, ainsi qu’en effectuant de la
publicité mensongère, a enfreint l’article 52
de la Loi sur la concurrence. Plus précisément,
il soutenait qu’Intermix offrait aux
consommateurs des gratuiciels, tels que
des économiseurs d’écran et des jeux, sans
les informer du fait que d’autres logiciels
étaient joints à ces gratuiciels. Parmi ces
logiciels supplémentaires, selon M. Desjean, il y
avait des programmes espions ou publicitaires
qui étaient conçus pour propager des annonces
et du contenu invasif aux ordinateurs.
M. Desjean soutenait en outre qu’Intermix
a tenté d’empêcher les consommateurs de
détecter et de désinstaller ces logiciels
supplémentaires. Selon M. Desjean, ces
pratiques l’ont exposé à toutes sortes de
procédés malhonnêtes de la part de tiers, ont
causé des dommages à son ordinateur et lui
ont donné le droit de recouvrer des dommagesintérêts sous le régime de l’article 36 de la
Loi sur la concurrence.
Avant que l’audition de la requête en
autorisation du recours collectif n’ait lieu,
Intermix a déposé un avis de requête en
ordonnance de radiation de la déclaration
aux motifs que la Cour fédérale n’avait pas
compétence. L’affaire a été entendue par le
juge de Montigny. La cour a commencé son
analyse juridique en observant que l’évolution
de la loi dans le contexte des technologies de
communication virtuelle en est encore à ses
débuts. La cour a ensuite procédé à un examen
de la jurisprudence récente relativement aux
questions de compétence d’un tribunal contre
un défendeur à l’étranger. Notamment, la cour
a cité l’arrêt Morguard Investments Ltd. c.
De Savoye, dans lequel la Cour suprême du
Canada a reconnu le critère de « lien réel et
substantiel ». La cour a également cité l’arrêt
Muscutt c. Courcelles, dans le cadre duquel
la Cour d’appel de l’Ontario a dressé une liste
de huit facteurs que les tribunaux devraient
prendre en considération afin d’établir s’il
existe un lien réel et substantiel entre l’action
et le forum.
Selon la preuve fournie par Intermix et
l’application des facteurs dans l’arrêt Muscutt,
la Cour fédérale a conclu que le critère du
lien réel et substantiel n’avait pas été rempli.
Entre autres, à l’égard du facteur tenant
compte du lien entre le forum et le défendeur,
la cour a noté qu’Intermix n’a pas de serveur ni
d’employé, ni de bureau ni de compte bancaire
au Canada. Il a également noté qu’Intermix
n’a pas invoqué de lois canadiennes, qu’elle
ne paie pas d’impôts au Canada et qu’elle
n’exerce aucune activité de publicité ou de
Page 4
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
marketing directe ou de démarchage sur
le marché canadien.
forum, et l’affirmation de la compétence
est habituellement inappropriée.
En outre, à l’égard du facteur qui tient compte
de l’injustice qu’il y aurait pour le défendeur à
ce que le tribunal s’approprie la compétence,
la cour a soutenu qu’il serait manifestement
inéquitable de soumettre Intermix à sa
compétence, puisque cela imposerait un
fardeau trop lourd aux exploitants étrangers de
sites Web sans présence réelle au Canada. Un
autre facteur important consiste à déterminer
si l’affaire est de nature interprovinciale ou
internationale étant donné que l’appropriation
de compétence se justifie plus facilement dans
les litiges interprovinciaux que dans les litiges
internationaux. La nature internationale du
litige entre M. Desjean et Intermix constitue
un autre élément en faveur de l’absence de
compétence.
Au milieu de ces deux cas extrêmes, on
trouve le cas où un défendeur exploite un site
Web interactif qui permet aux utilisateurs
d’échanger des renseignements avec
l’ordinateur hôte. Dans ce cas, le tribunal
doit examiner le niveau d’interactivité.
L’application de cette approche a mené la
Cour à conclure que les sites Web exploités
par Intermix n’étaient pas interactifs et ne
justifiaient donc pas la constatation de liens
minimaux.
De plus, la cour a cité de la jurisprudence
canadienne et américaine sur la compétence
à l’égard d’Internet. Selon la cour, il est
maintenant bien établi auprès des autorités
américaines qu’il doit y avoir certains « liens
minimaux » entre le défendeur et le territoire
de compétence. Cette idée a été élaborée par
la décision Millennium Enterprises, Inc. c.
Millennium Music, LP, dans laquelle divers liens
sont mentionnés. D’une part, on trouve le cas
où le défendeur fait affaire sur Internet avec
des résidents dans le forum, et l’affirmation de
la compétence est habituellement appropriée.
D’autre part, on trouve le cas où le défendeur
affiche simplement des renseignements sur un
site Web accessible aux utilisateurs dans le
En plus de conclure qu’elle n’avait pas la
compétence étant donné qu’il n’existait pas
de « lien réel et substantiel » ou de « lien
minimum » entre le défendeur et le forum, la
cour a également souligné que même si elle
avait pu s’attribuer la compétence, elle aurait
refusé étant donné qu’il existait un forum plus
approprié dans lequel ce litige pouvait être
résolu. La Californie, ou peut-être un autre
tribunal d’un autre État américain, serait
mieux placé pour avoir compétence. Par
conséquent, la Cour fédérale a ordonné que
la déclaration de M. Desjean soit rejetée au
motif que la Cour n’avait pas compétence.
Devant la Cour d’appel fédérale
M. Desjean a porté cette décision en appel,
en s’appuyant plus particulièrement sur l’arrêt
Moran c. Pyle National (Canada) Ltd., dans
lequel la Cour suprême du Canada a soutenu
que le fabricant devait être prêt à défendre ses
produits partout où ils causent un préjudice et
qu’il aurait dû raisonnablement envisager le
Page 5
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Remarques de McCarthy Tétrault :
tribunal devant lequel il se retrouve lorsqu’il
a mis ses produits sur le marché. M. Desjean
a soutenu également que le juge de première
instance aurait dû conclure qu’il existait
un lien réel et substantiel entre Intermix
et le Canada.
L’affaire Desjean c. Intermix représente
une étape de plus dans l’évolution
du critère du lien réel et substantiel.
Même si l’ère numérique et les recours
collectifs posent de nombreux défis pour
les plaideurs, les avocats et les juges, la
Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale
ont réaffirmé et adapté l’arrêt Morguard
afin de soutenir cette réalité moderne.
Ce faisant, les juges ont souligné que
le simple fait de télécharger un produit
n’est pas suffisant pour régler la question
de compétence. Il est plutôt nécessaire
d’évaluer le lien réel entre le tribunal
devant lequel le recours collectif est
intenté, les parties en présence et les
éléments fondamentaux de la poursuite.
À cet égard, les révolutions qui ont
bouleversé notre monde nous ont
également, ultimement, ramené au
point de départ.
Dans un jugement rendu en novembre 2007,
la Cour d’appel fédérale (les juges Létourneau,
Pelletier et Trudel, JJ.A.) a rejeté à
l’unanimité l’appel. La cour a soutenu
qu’étant donné que le pourvoi était fondé
sur une appréciation autre que celle du juge,
M. Desjean devait faire la démonstration
d’une erreur manifeste et dominante dans
l’appréciation qu’en a faite le juge de
première instance. La cour a de plus conclu
que M. Desjean n’a pas rempli cette exigence,
car il n’a pas fait référence au raisonnement
du juge de première instance dans ses
observations et qu’il a simplement substitué
son appréciation des faits pertinents à ceux
du premier juge.
La cour a également traité de l’applicabilité de
l’arrêt Moran aux faits donnant lieu à ce litige.
Elle a noté que M. Desjean avait fondé sa
déclaration contre Intermix sur les prétendues
infractions à la Loi sur la concurrence, qui
vise à prévenir les pratiques frauduleuses et
trompeuses, et non sur les allégations selon
lesquelles Intermix avait mis sur le marché un
produit défectueux. Par conséquent, la cour a
conclu qu’on ne pouvait s’appuyer sur l’arrêt
Moran pour confirmer la compétence dans une
affaire de publicité fausse ou trompeuse.
Louis M. Brousseau et Shaun Emery Finn
ont agi à titre de conseillers juridiques
d’Intermix.
Communiquez avec :
Louis M. Brousseau à Montréal à
[email protected]
ou
Shaun Emery Finn à Montréal à
[email protected]
Page 6
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Ontario :
Obligations d’alerte en matière
de fraude dans la Loi sur les
renseignements concernant le
consommateur de l’Ontario
Dans le dernier numéro, nous faisions état des
propositions du gouvernement fédéral visant
à lutter contre le vol d’identité. Au niveau
provincial, des préoccupations à l’égard du
vol d’identité ont mené à des modifications
récentes à la Loi sur les renseignements
concernant le consommateur de l’Ontario,
lesquelles entraient en vigueur le 1er janvier
2008. Dans certaines situations, les personnes
qui accordent du crédit seront tenues de
prendre des mesures supplémentaires avant de
conclure une opération avec une personne. Aux
termes des modifications, un consommateur
peut exiger de toute agence de renseignements
sur le consommateur (ARC) qui détient un
dossier le concernant qu’elle place dans
son dossier une « alerte de fraude ». Si une
entreprise procède à une vérification de la
solvabilité de ce consommateur et découvre
dans son dossier une telle alerte, l’entreprise
ne peut pas procéder à l’opération sans
prendre des mesures raisonnables pour
confirmer l’identité de la personne partie
à l’opération.
L’alerte qu’un consommateur peut exiger
qu’une ARC inclue dans son dossier avertira
toute personne de vérifier l’identité de
quiconque prétend être le consommateur.
L’alerte dans le dossier de l’ARC comprendra
un numéro de téléphone, ou un autre moyen de
contacter le consommateur afin de confirmer
l’identité de quiconque prétend être le
consommateur. Avant de placer une alerte
dans le dossier d’un consommateur, l’ARC est
tenue de prendre des mesures raisonnables
pour confirmer l’identité de la personne qui
en exige l’inclusion.
Si une entreprise procède à une vérification
de la solvabilité d’un consommateur et que son
dossier révèle une alerte, l’entreprise ne peut
pas procéder à certaines opérations prescrites
avec quiconque prétend être le consommateur
sans prendre des mesures raisonnables pour
confirmer l’identité de cette personne. La loi
et son règlement d’application prévoient que
ces mesures doivent être prises lorsque
l’opération avec le consommateur vise :
•
l’octroi de crédit ou d’un prêt (y compris
une augmentation d’une limite de crédit
à découvert d’une personne, la délivrance
de cartes de crédit supplémentaires ou les
prêts hypothécaires);
•
l’achat, la cession ou le recouvrement de
la dette d’une personne;
•
une convention de location qui concerne
la personne;
•
un contrat d’achat ou de location de biens
ou de services qui concerne la personne;
•
un contrat de travail de la personne; ou
•
la souscription d’une assurance visant la
personne.
Page 7
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Une alerte de fraude dans le dossier de l’ARC
expirera six ans après son inclusion dans le
dossier d’un consommateur, à moins que le
consommateur n’en fasse la demande plus tôt.
Amérique du Nord :
Les droits découlant de la loi dans
un monde virtuel sont-ils réels ou
illusoires?
Communiquez avec :
Wendy Gross à Toronto à
[email protected]
La question de savoir si les adeptes de jeux
vidéo acquièrent des droits reconnus par la loi
dans le monde réel à l’égard de leurs biens à
l’intérieur d’un jeu a trouvé écho dans la Cour
de district du sud de la Floride aux États-Unis.
Un joueur expérimenté de World of Warcraft
a introduit un recours collectif contre Internet
Gaming Entertainment, Ltd. (IGE), affirmant
que IGE avait violé les conditions d’utilisation
et le contrat de licence d’utilisateur final
(CLUF) de World of Warcraft. Il accuse IGE de
« gold farming » — elle paierait des travailleurs
dans des pays en voie de développement
pour amasser des devises dans le jeu, qu’elle
vendrait ensuite à d’autres utilisateurs contre
de l’argent réel. En janvier, IGE a produit une
réponse à la poursuite, réfutant les allégations.
Le recours n’a pas encore été certifié.
Le joueur est contrarié par IGE affirmant
que les faits et gestes de cette dernière
nuisent au jeu en dévaluant la monnaie,
ce qui désavantage les joueurs qui ne violent
pas le CLUF par rapport à leurs concurrents
et diminue le plaisir de jouer. Dans sa
déclaration, il accuse IGE d’un ensemble
de maux contractuels et tortueux découlant de
la violation d’un contrat de tiers bénéficiaire et
de la violation de la loi des États-Unis intitulée
Computer Fraud and Abuse Act pour violation
de biens mobiliers.
Le joueur fonde ses affirmations sur l’assertion
que le jeu comporte un régime de propriété
Page 8
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
ayant toutes les caractéristiques familières
du monde réel, comme la propriété exclusive,
la persistance des droits et une monnaie pour
appuyer le commerce.
Par ailleurs, des créations intrajeu comme
le « CopyBot » permettent aux utilisateurs
de faire sans frais un nombre illimité de
copies de biens théoriquement protégés
par les mêmes droits relatifs à la propriété
intellectuelle qui protègent des biens dans
la vie réelle.
Remarques de McCarthy Tétrault :
S’il est donné suite à cette affaire, elle
pourrait donner aux tribunaux l’occasion
de se prononcer sur la nature des biens
virtuels comparativement aux droits réels.
Une telle décision aurait des conséquences
importantes pour les utilisateurs
individuels, ainsi que pour les entreprises
qui souhaitent faire la promotion de leurs
activités et de leurs marchandises grâce à
un nouveau support.
À l’heure actuelle, des centaines
d’entreprises, dont Adidas, Reuters,
L’Oréal, Dell, IBM et Toyota, sont présentes
dans des mondes virtuels comme Second
Life, où elles peuvent faire la promotion de
leur entreprise et vendre des marchandises
virtuelles aux utilisateurs du jeu ainsi
que vendre des produits réels aux mêmes
utilisateurs.
Il est intéressant de noter que Linden
Labs, le créateur de Second Life, a
reconnu le droit des utilisateurs de Second
Life de « conserver la pleine protection
de la propriété intellectuelle à l’égard du
contenu numérique qu’ils créent dans
Second Life ». On en est même venu à
réagir affirmativement aux avis de retrait
en vertu de la loi des États-Unis intitulée
Digital Millennium Copyright Act.
Bien qu’il y ait eu divers règlements et
jugements convenus dans des affaires
impliquant la contrefaçon, ni le Canada
ni les États-Unis n’ont encore obtenu
de décision se prononçant sur la nature
des droits virtuels comparativement aux
droits réels. Compte tenu de la popularité
croissante des mondes virtuels, des intérêts
concurrents en jeu et des sommes en
cause, nous devrions nous attendre à un
nombre accru de litiges dans ce domaine
au cours des années à venir.
Communiquez avec :
Robert Chaplick à Toronto à
[email protected]
Europe :
Microsoft condamnée à payer une
amende record au titre de violations
des lois sur la concurrence dans la
Communauté européenne
Le 27 février 2008, la Commission européenne
a condamné Microsoft à payer une amende
record de 899 millions d’euros pour avoir omis
de mettre en œuvre les mesures correctives
imposées en 2004 pour remédier à une conduite
Page 9
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
que la Commission considérait comme un abus
de position dominante. L’amende représente la
dernière et ultime bataille dans une guerre
d’une décennie entre la Commission et
Microsoft au sujet du système d’exploitation
Windows et de Media Player. L’amende de
899 millions d’euros porte les amendes totales
auxquelles la Commission a condamné Microsoft
à 1,68 milliard d’euros.
Remarques de McCarthy Tétrault :
En 2004, à la suite d’une enquête d’une
durée de cinq ans, la Commission
européenne avait conclu que Microsoft
avait abusé de sa position dominante sur
le marché des systèmes d’exploitation
d’ordinateurs personnels i) en refusant
de fournir à des concurrents les
renseignements nécessaire pour que
leurs produits fonctionnent sous Windows
et ii) en attachant Media Player au
système d’exploitation Windows. En plus
d’enjoindre à Microsoft de fournir des
renseignements sur l’interopérabilité à ses
concurrents et de cesser d’attacher Media
Player à Windows, la Commission avait
condamné Microsoft à verser une amende
de 497 millions d’euros. Il s’agissait à
l’époque de la plus grosse amende jamais
imposée.
Microsoft a contesté la décision de la
Commission devant le Tribunal de première
instance des Communautés européennes
(Tribunal) et demandé une ordonnance
pour suspendre les mesures correctives
demandées par la Commission tant que le
différend n’était pas tranché. Microsoft
Page 10
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
avait fait valoir que la décision allait à
l’encontre de ses droits de propriété
intellectuelle, minait l’innovation et
portait atteinte à ses intérêts
commerciaux. Elle avait aussi prétendu
que l’amende et les mesures correctives
lui causeraient un tort irréparable.
En décembre 2004, le Tribunal a rejeté la
demande de Microsoft de suspension des
mesures correctives en attendant qu’une
décision soit rendue sur la contestation de
Microsoft parce que cette dernière n’avait
pas démontré que les mesures correctives
lui causeraient un tort grave et irréparable.
Le Tribunal a rendu sa décision sur la
contestation de Microsoft en septembre
2007. Les motifs du Tribunal maintenaient
en grande partie les conclusions de la
Commission en 2004.
Entre décembre 2004 et la décision du
Tribunal en septembre 2007, la Commission
a surveillé la mise en œuvre par Microsoft
des mesures correctives imposées en
2004. En mars 2007, la Commission s’est
opposée aux mesures mises en œuvre par
Microsoft pour se conformer à la décision
de la Commission. Microsoft était tenue,
aux termes de la décision, de fournir
des renseignements complets et précis
sur l’interopérabilité à des conditions
raisonnables. La Commission a allégué
que Microsoft n’avait pas fourni des
renseignements complets et précis et
exigeait des sommes trop élevées de ses
concurrents pour ces renseignements. La
Commission avait mis en garde Microsoft
qu’elle pouvait être condamnée à des
amendes jusqu’à trois millions d’euros
par jour pour chaque jour pendant
lequel Microsoft ne se conformait pas
à la décision de 2004.
Après la publication de la décision du
Tribunal en septembre 2007, Microsoft a
commencé à offrir des renseignements sur
l’interopérabilité à ses concurrents à un
prix moins élevé. L’amende de 899 millions
d’euros avait trait à la non-conformité
depuis 2004 jusqu’à l’automne 2007. Il est
intéressant de souligner que l’amende à
laquelle Microsoft a été condamnée pour
abus de position dominante dépasse de
beaucoup les amendes que la Commission
a imposées pour des ententes de prix,
que beaucoup considèrent comme la
forme la plus flagrante de conduite
anticoncurrentielle.
Communiquez avec :
Randal T. Hughes à Toronto à
[email protected]
ou
Donald B. Houston à Toronto à
[email protected]
ou
Jeanne L. Pratt à Toronto à
[email protected]
International :
Google réalise l’acquisition de
DoubleClick
Après une attente de presque un an, le géant
des moteurs de recherche Google a franchi les
derniers obstacles réglementaires et conclu
son acquisition de DoubleClick. En avril 2007,
Google avait annoncé qu’elle faisait
l’acquisition de DoubleClick, agence de
publicité en ligne, au prix de 3,1 milliards
de dollars américains. Cependant, l’opération
avait été suspendue en raison d’un examen
minutieux au chapitre des lois antitrust de
la part d’organismes antitrust aussi bien
aux États-Unis qu’en Europe.
Le 20 décembre 2007, la Federal Trade
Commission (FTC) des États-Unis a permis la
réalisation de l’acquisition, malgré l’opposition
à la fusion de la part d’entreprises comme
Microsoft Corp., Yahoo! et AT&T Inc., ainsi
que de groupes industriels et de politiciens.
La FTC a conclu qu’il est peu probable que
la fusion réduise sensiblement la concurrence
au sein de tout marché concerné.
Le 11 mars 2008, la Commission européenne a
également approuvé l’acquisition. Après une
longue enquête, la Commission a conclu que la
fusion n’entraverait pas de façon significative
une concurrence réelle en Europe. Elle a fait
observer que Google et DoubleClick n’étaient
pas des concurrents. Même s’ils étaient
finalement devenus des rivaux, la Commission a
décidé que les autres concurrents exerceraient
probablement une pression suffisante sur le
marché. De plus, la présence d’autres outils
crédibles de diffusion d’annonces vers lesquels
Page 11
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
les clients peuvent se tourner, notamment
Microsoft et Yahoo!, empêcherait l’entité issue
de la fusion de mettre en œuvre des stratégies
visant à marginaliser les concurrents.
Communiquez avec :
Lorne P. Salzman à Toronto à
[email protected]
International :
Les recommandations de l’ICANN
pourraient accroître considérablement
les nouveaux noms génériques de
domaines de premier niveau
Il fut un temps où les entreprises n’étaient
préoccupées que par les « .com » et « .net »
du monde dans le cadre de leurs stratégies
visant les marques de commerce et les noms
de domaine. Mais désormais, avec des noms
de domaines de premier niveau génériques
spécialisés (gTLD) comme « .travel » et
« .pro », les entreprises auraient avantage
à réexaminer leurs portefeuilles de noms
de domaine. En fait, puisque l’Internet
Corporation for Assigned Names and Numbers
(ICANN) va de l’avant avec l’expansion
potentiellement phénoménale des gTLD, ce
réexamen pourrait devenir une priorité.
L’omniprésent « point-quelque chose » fait
partie du système de noms de domaine (ou
DNS) d’Internet qui permet aux utilisateurs
de faire référence à des noms de domaine de
sites Web (comme « www.mccarthy.ca »),
plutôt qu’aux encombrantes adresses
numériques du Protocole Internet adressées
à chaque ordinateur sur Internet. En plus des
20 gTLD qui existent actuellement, on compte
près de 260 autres domaines de premier
niveau, dont quelque 240 codes nationaux
de TLD (chacun un ccTLD).
En août 2007, le Generic Names Supporting
Organization de l’ICANN a déposé son rapport
final intitulé Introduction of New Generic
Top-Level Domains. Le document comprend
une série de recommandations qui pourraient,
si elles sont mises en œuvre, ouvrir la voie
à un grand nombre de nouveaux gTLD. Le
rapport recommande notamment que tous
les requérants de nouvelles inscriptions de
gTLD soient évalués en fonction de critères
transparents et prévisibles auxquels les
requérants pourraient avoir accès avant
d’entamer le processus. Dès la mise en
œuvre intégrale de ces recommandations,
les ressources techniques et financières
pourraient bien être les obstacles les plus
importants à l’octroi de nouveaux gTLD. Cela
pourrait accroître grandement le potentiel
des nouveaux gTLD.
Afin de démontrer l’importance des noms de
domaines de premier niveau, il pourrait être
utile de se tourner vers l’expérience de petites
nations comme le Tuvalu et les États fédérés
de Micronésie. En raison du hasard des règles
d’affectation des noms, ces deux pays ont
acquis une valeur stratégique démesurément
élevée pour certaines entreprises du secteur
des médias. Le Tuvalu s’est vu attribuer
le ccTLD de « .tv » et les États fédérés de
Micronésie se sont vu attribuer celui de
« .fm ». Ces ccTLD se sont traduits en des
Page 12
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
dizaines de millions de dollars de droits de
licence de la part de tiers registraires n’ayant
par ailleurs aucun lien avec les deux pays.
Remarques de McCarthy Tétrault :
Il va sans dire que certains des nouveaux
gTLD deviendront populaires et que bien
d’autres tomberont. Cependant, dans la
réalité actuelle du cybersquattage et du
raffinement croissant des fraudes en ligne,
les entreprises devraient commencer à
examiner les conséquences d’un monde
comptant des centaines plutôt que des
douzaines de gTLD. Il sera encore plus
important de prendre des décisions quant
aux noms de domaine à enregistrer et
quant aux processus à mettre en œuvre
pour faire face aux contrefacteurs
éventuels de marques de commerce ou
de noms commerciaux. Les entreprises
devraient s’attendre à un certain degré
d’incertitude et à d’éventuelles crises de
croissance en raison de l’expansion future,
mais elles pourront gérer ces risques grâce
à une planification et à une expertise
appropriées. En définitive, les nouveaux
gTLD pourraient bien offrir aux
entrepreneurs de nouvelles possibilités.
LICENCES DE LOGICIEL
International :
Les licences de logiciels et de
contenus libres : du copyright
au copyleft — Partie III
Ce texte est le troisième d’une série de quatre
articles consacrés aux licences de contenu
libre, et en particulier au régime du copyleft
aux termes de la licence générale publique
GNU (ou licence GPL). Cette troisième
partie aborde les difficultés relatives à la
détermination du droit applicable et les
dispositions d’exonération des obligations
attachées au copyleft de la licence GPL.
Communiquez avec :
Steven Hennig à Ottawa à
[email protected]
Page 13
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Remarques de McCarthy Tétrault :
Nombreuses sont les personnes dans
l’industrie du logiciel et même en pratique
juridique, qui croient que la licence GPL,
étant donné son origine américaine, est
régie en toutes circonstances par le
droit des États-Unis et s’interprète selon
ce dernier. Toutefois, la licence GPL ne
présente qu’une vague ressemblance
avec les modèles ou ébauches de licence
existants. Les conditions d’une licence
effective doivent être définies
spécifiquement par les propriétaires du
droit d’auteur sur l’œuvre devant faire
l’objet de la licence.
Comme pour toute autre question de
droit des contrats ou de droit de la
responsabilité délictuelle, en l’absence de
stipulation valide en la matière entre les
parties, le droit applicable à un contexte
donné de distribution sous conditions de
licence GPL dépend d’un certain nombre de
facteurs concourant à désigner le territoire
ayant un rapport réel et substantiel avec
le problème en question. Ces facteurs
comprennent les domiciles respectifs des
propriétaires du droit d’auteur et des
titulaires de licence, le lieu où le logiciel a
été créé et les territoires à partir desquels
ou dans lesquels le logiciel a été distribué
et utilisé.
juridique aux différents territoires
potentiels selon les circonstances. Cela
permet de déterminer un moyen d’action
adéquat, en fonction de l’espace juridique
où le droit est le plus contraignant ou
défavorable relativement au problème
considéré.
L’analyse ci-dessus devient encore plus
complexe si l’on prend en compte le fait
que différentes personnes ayant contribué
à une œuvre initialement concédée aux
termes d’une licence GPL peuvent se livrer
à des activités de développement et de
distribution dans des territoires autres
que ceux où l’œuvre avait au départ été
distribuée aux termes de la licence. Pour
prendre l’exemple le plus simple, il est
difficile de concevoir que la loi américaine
puisse régir l’interprétation de la licence
GPL dans le cas d’un logiciel créé au
Canada, dont le droit d’auteur est détenu
au Canada et qui est distribué sous licence
GPL et utilisé dans ce même pays.
Passons à présent à la deuxième partie
de notre analyse en deux phases, afin de
déterminer si une utilisation particulière de
code logiciel soumis à la licence GPL a pour
effet d’étendre les obligations découlant
du copyleft de la licence à l’œuvre
résultante incorporant tout ou partie du
code libre original. Après avoir déterminé,
selon le droit applicable, que l’utilisation
du code libre sous licence constitue
normalement une violation du droit
d’auteur pouvant entraîner des poursuites,
il convient de définir s’il existe des
dispositions d’exonération susceptibles de
rendre admissibles des activités pouvant
à première vue donner lieu à une action.
Comme nous l’avons expliqué dans le
dernier numéro, ce type de dispositions
peut se trouver dans i) l’énoncé effectif
de la licence GPL, dans ii) la foire aux
questions sur la licence GPL (FAQ) publiée
par la Free Software Foundation (FSF) ou
dans iii) toute autre déclaration à effet
d’autorisation ou exécutoire faite par les
propriétaires du droit d’auteur relatif au
code libre considéré ou en leur nom.
Les questions de conflit de lois en matière
de licence de contenu libre dépassent le
cadre de cet article, mais il convient de
ne jamais perdre de vue que le droit
régissant la licence GPL peut varier d’un
cas à l’autre. En ce qui concerne les
questions de conformité à la licence GPL
dans des situations commerciales délicates,
il est souvent judicieux d’étendre l’analyse
Page 14
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Les dispositions d’exonération des
obligations attachées au copyleft de
la licence GPL
La formulation expresse de la licence GPL,
qui prévoit que la simple juxtaposition
d’une œuvre fondée sur un logiciel libre
sous licence et d’une autre œuvre sur un
volume de stockage ou sur un support de
distribution commun n’a pas pour effet
d’entraîner l’application des dispositions
du copyleft à l’autre œuvre en question,
est un parfait exemple du premier type
de dispositions d’exonération. Ainsi, un
recueil (collective works), compris au sens
de la licence, nécessite que les œuvres
élémentaires le composant constituent un
tout unitaire contextualisé. Dans ce cas,
les œuvres élémentaires peuvent être
autrement distinguées les unes des autres.
Pour les raisons expliquées précédemment,
cette interprétation est cohérente avec la
nature du recueil défini par la Loi sur le
droit d’auteur canadienne.
Les dispositions de la licence GPL
permettant de soustraire la simple
juxtaposition d’œuvres aux obligations
de copyleft aux termes de la licence GPL
peuvent causer un sentiment de facilité
trompeur. Il convient de toujours garder
à l’esprit que certaines œuvres logicielles
peuvent se présenter initialement comme
une juxtaposition autorisée d’œuvres sur
un support ou sur tout autre volume au
moment de la distribution du produit
logiciel, pour ensuite se combiner de
manière illégitime au cours de la
compilation ou de l'exécution du produit,
et ainsi former une œuvre dérivée alors
visée par les dispositions de copyleft de la
licence GPL. Par exemple, deux œuvres
Page 15
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
logicielles distribuées séparément dans un
produit peuvent fusionner à la compilation
pour former un logiciel exécutable unique.
Ces œuvres peuvent ainsi finir par
s’exécuter conjointement comme un
tout unitaire occupant la même plage
d’adresses durant l’exécution du produit
compilé. Un tel cas de figure peut à
première vue contrevenir à la formulation
littérale de la licence GPL, puisque les
œuvres combinées à la compilation ou
durant l’exécution constituent des
reproductions fautives d’œuvres sous
licence aux termes de la législation sur
le droit d’auteur.
Le deuxième type de dispositions
d’exonération est contenu dans les énoncés
de la FAQ sur la licence GPL. Comme son
nom l’indique, la FAQ consiste en une série
de commentaires présentés sous forme
de questions réponses. Ces commentaires
fournissent quelques lignes directrices
pratiques et de l’aide pour interpréter
et appliquer les différentes dispositions
de la licence GPL.
Il n’est pas certain que les termes de la
FAQ puissent être considérés en toutes
circonstances comme exécutoires et
juridiquement applicables à l’égard de
chaque adoption particulière des conditions
de la licence GPL par un titulaire de droit
d’auteur relativement à du code libre sous
licence. Il suffit en revanche de savoir que
les juristes spécialisés dans le domaine des
licences libres et leurs clients de l’industrie
logicielle ont fréquemment recours à cette
FAQ pour régler les questions de droit que
soulève la concession de licences libres
conformément à la licence GPL.
Dans le cas des logiciels sous licence
GPL, dont le droit d’auteur sous-jacent
appartient à la Free Software Foundation
(FSF), il n’est pas inconcevable d’avancer
que la FAQ sur la licence GPL devient
supplétive aux conditions de la licence
GPL : les deux documents sont produits
et promus par le même organisme et sont
publiés par ce dernier sur le même site
Internet. Qui plus est, il est permis de
présumer que toute directive interprétative
figurant dans le texte de la FAQ a
vraisemblablement un effet liant à
l’égard de la FSF, que ce soit par adoption
contractuelle expresse ou sur le fondement
de la théorie de la préclusion (estoppel).
Il est en revanche plus difficile, lorsqu’un
titulaire de droit d’auteur autre que la FSF
adopte les conditions types de la licence
GPL pour concéder sous licence un logiciel
libre, de soutenir que l’acceptation des
conditions de la licence GPL par des tiers
indépendants s’étend automatiquement à
la FAQ. En de telles circonstances, il peut
être compliqué d’établir le fondement
d’une adoption contractuelle expresse
ou d’une préclusion, comme on peut
éventuellement le faire dans le cas des
logiciels concédés sous licence par la FSF.
On doit pouvoir avancer que la nécessité de
se reporter aux directives énoncées dans la
FAQ pour résoudre les questions de droit
Page 16
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
relatives à la concession de licences libres
est devenue tellement courante dans la
communauté juridique et dans l’industrie
du logiciel que les termes de cette FAQ
constituent un « usage du commerce »
ou une « coutume ». Cela permettrait de
considérer que les énoncés de la FAQ lient
le concédant de licence libre au même
titre que les questions de droit contractuel.
Établir qu’une pratique ou une activité
constitue une « coutume » ou est
« habituelle » exige une preuve imposante.
Ce type de pratique ou d’activité ne peut
être élevé au rang de coutume que s’il peut
être qualifié d'habitude de longue date,
constante (« long and unvarying habit »)
et couramment observée. Les tribunaux
canadiens exigent qu’il soit démontré
qu’une pratique est « notoire et certaine »
pour la considérer comme une coutume
ou un usage. Dans le même ordre d’idées,
l’Uniform Commercial Code des États-Unis
définit une coutume comme un « usage
du commerce » et la limite à une
« [traduction] pratique tellement
habituelle dans un endroit, une profession
ou un métier qu’il est justifié de s’attendre
à ce qu’elle soit observée ». Malgré la
rigueur des conditions exigées pour
conclure à une coutume ou à un usage du
commerce, le recours à la FAQ est répandu
et admis par les juristes et leurs clients à
un point tel que l’incorporation en bloc de
ses conditions dans la licence GPL ne serait
ni déraisonnable ni injustifiée, même en ce
qui a trait à l’adoption de la licence GPL
par des tiers.
L’exonération puisant son fondement
dans la FAQ qui permet à la fois à des
programmes libres et à des programmes
exclusifs d’être exécutés en même
temps sans déclencher l’application des
obligations liées au copyleft de la licence
GPL, si les deux types de programme
communiquent sans aucun lien
d’interdépendance, constitue un cas
d’exonération important.
La FAQ prévoit deux critères pour
déterminer de façon générale si un
programme libre concédé sous licence
GPL est utilisé de manière suffisamment
distincte et indépendante d’un produit
exclusif existant pour éviter l’imposition
des obligations du copyleft à l’ensemble
combiné des deux programmes. Selon le
commentaire de la FAQ qui nous intéresse
ici, il convient de considérer en premier
lieu le mécanisme de communication entre
les deux programmes, puis, en second lieu,
la sémantique de cette communication.
En ce qui concerne le mécanisme de
communication, la FAQ établit que, si les
deux programmes sont incorporés dans le
même fichier exécutable ou sont conçus pour
fonctionner conjointement dans une plage
d’adresse commune, il s’agit d’un programme
combiné ou d’une œuvre dérivée au sens
de la licence GPL. Les obligations liées au
copyleft s’imposent alors au logiciel exclusif
faisant partie du programme combiné, avec
pour conséquence intrinsèque l’obligation
de publier le code source aux termes de la
licence GPL.
Page 17
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
En revanche, la FAQ précise que certaines
techniques de communication entre les
deux programmes, comme l’utilisation
de canaux, d’interfaces de connexion et
d’arguments de ligne de commande,
traduisent un degré d’indépendance des
programmes en principe non susceptible
d’étendre l’application des obligations de
copyleft de la licence GPL aux logiciels
exclusifs n’interagissant que de cette façon
avec le logiciel libre.
Malgré cela, s’agissant du deuxième
critère, la FAQ établit qu’une sémantique
de communication suffisamment poussée
entre un programme libre et un programme
exclusif milite en faveur de l’idée d’un
programme combiné. Dans ce cas, les
obligations liées au copyleft de la licence
GPL s’imposent au logiciel exclusif. Les
deux programmes en question sont alors
effectivement vus comme un programme
unique, malgré l’adoption de mécanismes
de communication acceptables en d’autres
circonstances pour établir le caractère
distinct des deux programmes. À titre
d’exemple, la FAQ énonce que l’échange
de structures de données complexes
internes entre deux programmes est
représentatif d’une sémantique de
communication permettant de conclure
à l’existence d’un programme combiné
unique pour l’application de la licence GPL.
Le dernier type d’exonérations peut
provenir du titulaire du droit d’auteur.
Il se situe en dehors des conditions types
de la licence GPL et est également externe
à la FAQ, qui ont toutes été décrites
précédemment. Par exemple, en adoptant
la licence GPL pour distribuer un logiciel
selon le modèle « libre », le titulaire
d’un droit d’auteur peut prévoir des
exonérations ou des exclusions
particulières, afin d’autoriser différentes
combinaisons de logiciel libre et de
logiciel exclusif et de veiller à ce que le
programme exclusif soit ainsi tenu à l’écart
des obligations liées au copyleft de la
licence GPL.
L’exemple de ce type d’exonérations
peut-être le plus célèbre est la note
explicative annexée à la licence GPL et
intitulée « clarifying note », qui aurait
prétendument été ajoutée par Linus
Torvalds relativement au logiciel Linux. La
note en question assurait à la communauté
des développeurs que les programmes
d’utilisateur exclusifs faisant appel aux
services du kernel (noyau) de Linux par
l’intermédiaire d’appels système normaux
n’entraient pas dans la définition des
œuvres dérivées pour l’application de la
licence GPL.
Ce type de déclaration externe peut très
bien lier son auteur, encore une fois sur le
fondement du droit contractuel ou de la
préclusion. Toutefois, pour avoir des effets
pratiques, la déclaration doit émaner du
titulaire ou de l’ensemble des titulaires
du droit d’auteur sur l’œuvre sous licence
au moment où elle est formulée. Dans le
cas d’un logiciel libre, la multitude de
personnes ayant pu contribuer au
Page 18
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
développement d’un produit libre peut
rendre difficile cette détermination.
Ainsi, il n’est pas évident d’établir si
Linus Torvalds était le seul et unique
propriétaire de toutes les composantes
de Linux pouvant être touchées par
l’exonération lorsqu’il a déclaré cette
dernière.
La chronologie est un élément essentiel,
car un titulaire de droit d’auteur peut
valablement instaurer une exonération à
un moment donné, alors qu’il possède la
totalité du droit d’auteur et du droit moral
sur une œuvre sous-jacente. Si des tiers
doivent ensuite travailler sur l’œuvre sousjacente et la modifier pour la redistribuer à
d’autres, leur contribution à l’œuvre, puis
ultérieurement celle d’autres tiers, sera
soumise exactement aux mêmes conditions
que celles qui s’attachaient à l’œuvre sousjacente. Cela tient bien sûr à la nature du
copyleft inhérent à la licence GPL.
En revanche, si le titulaire du droit
d’auteur sur l’œuvre sous-jacente
consentie sous licence GPL fait une
déclaration d’exonération après que
des tiers ont apporté des modifications
à l’œuvre, cette déclaration n’est pas
censée lier les tiers en question. De plus,
cela pourrait tout à fait constituer une
violation des droits de ces tiers sur
leurs modifications de l’œuvre, qui
sont protégés par les conditions initiales
de la licence GPL, avant la déclaration
en question.
Cet article a mis l’accent sur les
problèmes inhérents aux obligations liées
au copyleft aux termes de la licence GPL;
il faut cependant savoir que ce type de
licences soulève bien d’autres questions
et difficultés. Cela fera l’objet de la
prochaine partie de cet article.
Communiquez avec :
Alfred Macchione à Toronto à
[email protected]
Page 19
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Financement des
entreprises de
technologie
FINANCEMENT LIÉ AU SECTEUR
DE LA TECHNOLOGIE
Amérique du Nord :
Transformer votre entreprise de
technologie en société ouverte —
Partie III
Dans les deux derniers numéros, nous avons
expliqué pourquoi certaines sociétés de
technologie fermées se transforment en société
ouverte, et pourquoi un grand nombre ne le
font pas. Si vous avez déjà soupesé le pour
et le contre d’une transformation en société
ouverte, et voulez vendre vos actions sur le
marché public, nous vous exposons maintenant
le processus du premier appel public à
l’épargne (ou PAPE dans le jargon du milieu).
L’équipe interne du PAPE
La première étape du processus consiste à
organiser l’équipe chargée de manœuvrer
dans le dédale des aspects juridiques,
réglementaires et financiers d’un PAPE. À
l’interne, votre chef des finances et votre
chef de la commercialisation (qui est souvent
un vice-président à la commercialisation)
constitueront les deux personnes clés, et
le chef de la direction ainsi que d’autres
cadres supérieurs de la société apporteront
habituellement une collaboration importante.
Le fait que le chef des finances et le chef de
la commercialisation doivent consacrer une
grande partie de leur temps (de six à neuf
mois, soit la durée habituelle d’un processus de
PAPE) au processus du PAPE constitue l’un de
vos défis. Cela signifie que ces deux personnes
importantes auront beaucoup moins de temps
à consacrer à leurs « fonctions quotidiennes ».
Idéalement, votre société aura prévu une telle
situation et pourra ainsi confier ces fonctions à
d’autres personnes.
Toutefois, il n’est pas rare, particulièrement
dans les petites sociétés de technologie (et
d’autres secteurs) qui s’inscrivent en Bourse,
que plusieurs autres membres de l’équipe
de la haute direction (en particulier, le viceprésident aux ventes) s’impliquent trop dans
le processus du PAPE, si bien que l’attention
de la société se trouve détournée pendant
quelques trimestres (particulièrement en
termes d’efforts relatifs aux ventes). Ceci peut
entraîner, par exemple, une baisse du chiffre
d’affaires pendant un ou deux trimestres
suivant le PAPE. Cela peut mener à une baisse
du cours de l’action (maintenant négociée
publiquement) de la société de technologie
au-dessous du prix d’émission dans le cadre
du PAPE, une situation pouvant se révéler
très décourageante pour les investisseurs et
les employés (ces derniers ayant souvent des
options d’achat d’actions de la société).
Page 20
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Il est donc primordial que tous les hauts
dirigeants fassent preuve d’une grande
discipline pour ce qui est du temps consacré
au processus du PAPE. L’équipe ne doit pas
perdre de vue le fait que derrière le processus
de PAPE, si captivant et important qu’il soit, se
trouve une entreprise qui doit continuer d’être
dirigée (d’autant plus que votre société sera
bientôt ouverte et que vos prochains résultats
financiers trimestriels seront publics).
Conseillers externes
Outre votre équipe interne, vous devrez avoir
recours dans le cadre du processus du PAPE
aux talents et aux efforts d’au moins trois
conseillers externes différents. Premièrement,
vous aurez besoin des services d’un banquier
d’affaires (et leur banque d’affaires) dans
le cadre de votre transformation en société
ouverte. Le banquier d’affaires vous indiquera
si les marchés financiers sont disposés à
acheter des actions de votre société et à quel
prix. Il procédera à une vérification diligente
(dans le cadre de laquelle il demandera l’aide
d’un cabinet d’avocats) de votre société
(cette vérification diligente sera décrite plus
amplement dans le prochain numéro), et il
participera à la rédaction du très important
prospectus (dont nous parlerons plus en
détail ci-après et dans le prochain numéro).
Mais par-dessus tout, le banquier d’affaires
vous aidera à vendre vos actions. Il établira
avec vous la proportion la plus souhaitable de
particuliers investisseurs et d’investisseurs
institutionnels pour votre société. Puis
il mettra à contribution son réseau de
distribution pour préparer un registre des
ordres pour vos actions afin de finaliser le
processus du PAPE. Si votre société est jeune
et n’a pas d’antécédents significatifs, la
crédibilité et la réputation de votre banquier
d’affaires seront d’autant plus importantes.
Le processus du PAPE est un exercice juridique
extrêmement exigeant. Afin de protéger le
public investisseur, et en général l’intégrité des
marchés boursiers, le prospectus et les autres
aspects du processus du PAPE sont assujettis à
un nombre imposant de règles et de régimes
juridiques. Il vous faudra donc avoir recours
aux services d’un cabinet d’avocats ayant deux
forces dans le cadre de votre transformation en
société ouverte. Il est évident que le cabinet
d’avocats doit avoir une solide expertise en
valeurs mobilières, particulièrement en ce qui
concerne les PAPE. Mais il doit aussi avoir une
expérience approfondie dans le secteur de la
technologie afin de bien comprendre votre
technologie et votre modèle d’entreprise
unique. Ces connaissances sont indispensables
dans la préparation du prospectus et le
processus de vérification diligente.
Enfin, vous aurez besoin d’un cabinet de
comptables qui vous aidera à vous acquitter
des nombreuses obligations de nature
réglementaire visant vos états financiers
ainsi que des autres obligations liées à la
comptabilité. À titre de seuil, votre prospectus
devra nécessairement inclure les états
financiers vérifiés des trois derniers exercices.
Les comptables vous fourniront aussi d’autres
services utiles, notamment en ce qui concerne
les sections de nature financière du prospectus,
comme le rapport de gestion, dans le cadre
Page 21
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
duquel vous devez expliquer de façon
significative vos résultats financiers sous
forme narrative.
Un coût qui semble élevé?
Il est vrai que tous ces services seront coûteux.
La rémunération du banquier d’affaires
correspondra habituellement à 6 % des fonds
réunis auprès des nouveaux actionnaires
publics dans le cadre du processus du PAPE.
Les avocats et les comptables facturent
habituellement leurs services selon un tarif
horaire. Ensuite viennent les coûts d’impression
du prospectus ainsi que les coûts de la
traduction en français de celui-ci si vous placez
vos actions au Québec. Et si vous voulez vendre
une partie de vos actions aux États-Unis, il y
aura des coûts supplémentaires pour les
services juridiques américains.
Lorsque vous établissez un budget pour les
honoraires de vos conseillers professionnels,
nous vous conseillons toutefois de ne pas vous
arrêter au seul montant des honoraires mais
plutôt de considérer ces coûts par rapport
au total des fonds réunis dans le cadre du
processus du PAPE. De plus, ce n’est pas
une bonne idée de rogner sur les honoraires
professionnels pour des services comme
la vérification diligente, compte tenu de
l’envergure de la responsabilité personnelle
et d’entreprise qui peut se rattacher à un
prospectus erroné. Ainsi, comme c’est le cas
pour tous les services juridiques, comptables
et autres services professionnels de qualité,
le véritable critère ne doit pas être le coût
mais la valeur.
Le très important prospectus
Une fois que vous avez mis sur pied votre
groupe de travail (composé de personnes
provenant de votre société et de vos conseillers
externes), le point central du processus du
PAPE devient la rédaction du très important
prospectus. Il s’agit du document que vous
devez, en vertu de la loi, remettre aux
personnes qui investiront éventuellement dans
votre société bientôt ouverte. Le prospectus
est un document d’une importance capitale.
Pour comprendre le rôle essentiel du
prospectus, pensez à la différence qui existe
entre la vente des actions de votre société à
des centaines de petits investisseurs (c.-à-d.,
des particuliers) et peut-être des dizaines
d’investisseurs institutionnels (comme des
fonds communs) (ce qui correspond
essentiellement au processus du PAPE) et la
vente d’actions à un investisseur de capital
de risque, ce que vous avez probablement fait
il y a quelques années lorsque vous étiez à un
stade antérieur de développement en tant
que société de technologie.
L’investisseur de capital de risque était un
investisseur expérimenté dans des sociétés
de technologie, et particulièrement dans
votre créneau (c.-à-d., logiciel, matériel,
microplaquettes). Cet investisseur a examiné
en profondeur votre marché, votre entreprise
et vos défis puis il a personnellement effectué
une vérification diligente visant votre équipe
de direction, votre technologie et vos aspects
financiers. Il a donc acquis une très bonne
connaissance de votre société et en participant
avec vous à de nombreuses rencontres sur une
Page 22
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
période de six à huit semaines, il a obtenu des
réponses à toutes ses questions. Puis son avocat
a préparé un document d’achat d’actions
dans lequel vous avez dressé une longue liste
de déclarations et garanties concernant votre
entreprise. C’est seulement après que soit
terminé cet échange d’information que
l’investisseur a investi plusieurs millions
de dollars dans vos actions.
Pour des raisons d’ordre pratique, il est bien
sûr impossible de répéter ce processus détaillé
et personnalisé d’échange d’information
lorsque des actions sont vendues à des
centaines d’investisseurs publics. Le prospectus
constitue la solution de remplacement. Ce
document doit révéler « de façon complète,
véridique et claire » tout fait important relatif
à votre société et à ses activités, de sorte que
les investisseurs éventuels puissent comprendre
votre situation avant de décider d’acheter
vos actions. Il s’agit de l’opération autour de
laquelle gravite le régime de réglementation
des valeurs mobilières : vous pouvez vendre vos
actions à des personnes que vous n’avez jamais
rencontrées pourvu que vous leur remettiez un
prospectus qui leur permet de prendre une
décision éclairée.
Dans le prochain numéro, nous examinerons
les différentes exigences du prospectus et le
processus de vérification diligente sur laquelle
s’appuie le document.
Communiquez avec :
George S. Takach à Toronto à
[email protected]
Canada :
Incidence prévue des modifications
fiscales canadiennes proposées sur
les investisseurs transfrontaliers de
capital de risque et d’investissement
La législation fiscale canadienne actuelle crée
des obstacles à la fluidité de l’investissement
transfrontalier. Plus précisément, de nombreux
investisseurs internationaux de capital de
risque, particulièrement les fonds de capital
de risque établis aux États-Unis, se sont plaints
des délais et des frais supplémentaires associés
aux investissements faits au Canada. Les
modifications proposées aux obligations
relatives à la retenue et aux certificats de
décharge de l’article 116 annoncées dans le
budget fédéral du 26 février 2008 devraient
être considérées comme de bonnes nouvelles
pour les investisseurs de capital de risque
américains actifs au Canada.
En vertu de la législation fiscale canadienne
actuelle, un fonds établi aux États-Unis qui
investit directement dans une société en
exploitation au Canada sera généralement
tenu, au moment d’une disposition, d’obtenir
auprès de l’Agence du revenu du Canada
un certificat (habituellement appelé un
« certificat en vertu de l’article 116 » suivant
l’article correspondant de la Loi de l’impôt
sur le revenu (Canada)), de produire une
déclaration de revenu canadienne et de
fournir certains détails concernant chacun de
ses commanditaires. En vertu des modalités de
leurs conventions de société en commandite,
il arrive souvent que les commanditaires de
capital de risque ne puissent le faire. Et même
Page 23
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
lorsqu’ils sont autorisés à le faire, le respect
des exigences peut se révéler particulièrement
complexe.
Pour alléger ce fardeau administratif, de
nombreux fonds américains de capital de risque
en sont venus à structurer leurs investissements
au Canada au moyen d’une opération portant
sur des actions échangeables. Ces fonds
investissent directement dans les actions
d’une société du Delaware nouvellement créée
contre lesquelles la totalité des actions de la
société canadienne existante en exploitation
sont échangeables à la survenance de certains
événements.
Il semble également que d’autres fonds
américains structurent leurs investissements
canadiens par l’intermédiaire d’une société
résidant dans un troisième territoire (p. ex.,
la Barbade ou le Luxembourg) qui permet
d’alléger le fardeau administratif et peut
représenter par ailleurs une solution plus
avantageuse sur le plan de la planification
fiscale.
Dans de nombreux cas, ces aspects complexes
ont entraîné des coûts d’opérations
considérablement plus élevés ou ont dissuadé
des investisseurs qui envisageaient d’investir
au Canada. En fait, des analystes ont attribué
à ces restrictions fiscales le manque de capital
de risque mis à la disposition des entrepreneurs
canadiens.
Dans le budget fédéral de 2008, le
gouvernement canadien a proposé d’apporter
des modifications aux obligations relatives
à la retenue et au certificat de décharge
de l’article 116 et il faut espérer que ces
modifications viendront atténuer une partie
du coût et des inconvénients associés à
certaines opérations transfrontalières.
Les propositions pourraient avoir pour effet
d’alléger le fardeau de conformité imposé
à certains vendeurs non résidents et de
leur permettre d’éviter la retenue sur le
prix d’acquisition à la clôture.
Pour être admissible à l’allégement proposé,
il faut remplir plusieurs exigences. Compte
tenu du risque potentiellement élevé de
retenue des acheteurs, ceux-ci devront évaluer
avec diligence si les critères pertinents peuvent
être satisfaits adéquatement. Dans certains
cas, les avis, déclarations et certificats
pourraient ne pas suffire à offrir aux acheteurs
le niveau d’assurance souhaité.
Dans un autre ordre d’idées, mais toujours
dans le secteur du capital de risque, le budget
a aussi proposé des bonifications relatives à la
recherche scientifique et au développement
expérimental au Canada, en particulier en ce
qui concerne la recherche et le développement
poursuivis par des sociétés privées sous
contrôle canadien et certains travaux de
recherche et de développement admissibles
devant être poursuivis à l’extérieur du Canada.
Pour une analyse plus détaillée des
modifications visant les obligations relatives
à la retenue et au certificat de décharge de
l’article 116, consultez les commentaires du
cabinet relatifs au budget fédéral.
Page 24
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Communiquez avec :
W. Ian Palm à Toronto à
[email protected]
ou
Patrick McCay à Toronto à
[email protected]
Ontario :
Budget de l’Ontario 2008 :
Des allégements fiscaux limités
pour le secteur de la technologie
Le 25 mars 2008, l’Ontario a publié son budget.
Au nombre des mesures budgétaires visant les
sociétés de technologie et leurs investisseurs
figurent une exonération fiscale limitée de
10 ans pour les sociétés, le crédit d’impôt à
l’innovation de l’Ontario et le crédit d’impôt
de l’Ontario pour les produits multimédias
interactifs numériques.
Exonération fiscale de 10 ans visant les
sociétés (activités de commercialisation)
Le budget propose une exonération d’impôt
de 10 ans pour les nouvelles sociétés qui
commercialisent la propriété intellectuelle
mise au point par des universités, des collèges
ou des instituts de recherche admissibles
du Canada.
Les sociétés admissibles établies entre le
24 mars 2008 et le 25 mars 2012 seraient
exonérées de l’impôt sur le revenu des
sociétés et de l’impôt minimum sur les
sociétés pendant leurs 10 premières années
d’imposition. L’exonération s’appliquerait aux
sociétés constituées au Canada qui tireraient
la totalité ou la plus grande partie de leurs
revenus des activités de commercialisation
admissibles qu’elles mènent en Ontario.
Ces activités comprendraient généralement
l’élaboration de prototypes et la
commercialisation et la fabrication de produits
liés à la propriété intellectuelle dans des
secteurs prioritaires comme la bioéconomique
et les technologies propres, les technologies de
pointe de la santé, les télécommunications et
les technologies informatiques et numériques.
Crédit d’impôt à l’innovation de l’Ontario
Le crédit d’impôt à l’innovation de l’Ontario
(CIIO) est un crédit d’impôt remboursable de
10 % offert aux petites et moyennes entreprises
au titre des activités admissibles de recherche
scientifique et de développement expérimental
(RS&DE). Le budget propose d’élargir
l’application du CIIO à l’instar des bonifications
proposées dans le budget fédéral de 2008 pour
les activités de RS&DE.
Le budget propose en outre de porter de
deux millions de dollars à trois millions de dollars
le montant maximum des dépenses de RS&DE
admissibles et de porter à 700 000 $ le plafond
de la fourchette d’élimination progressive
du revenu imposable tout en maintenant à
50 millions de dollars le plafond de la fourchette
d’élimination progressive du capital imposable.
Crédit d’impôt de l’Ontario pour les produits
multimédias interactifs numériques
Le budget propose de faire passer de 20 % à
25 % le taux du crédit d’impôt de l’Ontario
Page 25
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
pour les produits multimédias interactifs
numériques (CIOPMIN) de certaines sociétés
dans le cas des dépenses admissibles
engagées après le 25 mars 2008 et avant le
1er janvier 2012. Le budget propose aussi
de prolonger jusqu’au 1er janvier 2012 le
taux de CIOPMIN bonifié de 30 % pour les
petites sociétés.
Pour de plus amples renseignements sur les
autres propositions du budget, consultez
les commentaires (en anglais seulement)
de notre cabinet.
Communiquez avec :
Patrick McCay à Toronto à
[email protected]
ou
Stefanie Morand à Toronto à
[email protected]
Page 26
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Sous-traitance
de technologie
IMPARTITION
International :
Introduction à l’impartition
des processus administratifs à
l’étranger — Partie II
Le présent article est le deuxième d’une
série de trois portant sur les rudiments de
l’impartition des processus opérationnels (IPO)
à l’étranger. La première partie explorait la
conjoncture et les stratégies en matière d’IPO
à l’étranger. Cette deuxième partie examine
certains aspects juridiques clés des opérations
d’IPO à l’étranger. Le dernier volet traitera
de la relation continue entre une entreprise
et son fournisseur de services d’impartition
une fois que l’opération d’IPO à l’étranger a
été menée à terme.
Votre société a l’obligation de protéger
ses données ou renseignements sensibles,
exclusifs ou confidentiels par le truchement
de différentes sources, notamment :
•
les lois (p. ex., lois relatives à la
protection de la vie privée et à l’emploi);
•
les exigences réglementaires
(p. ex., les règles et procédés adoptés par
les autorités bancaires et les conseils
d’examen de l’industrie);
•
les conventions avec des tiers
(p. ex., les conventions de non-divulgation
et conventions accordant des droits de
propriété intellectuelle);
•
les politiques internes
(p. ex., les politiques en matière de
protection de la vie privée et de sécurité).
Protéger les renseignements de votre société
Pour la société qui envisage une IPO à
l’étranger, la protection des renseignements de
la société (plus précisément les renseignements
personnels concernant les clients et les
employés de la société) représentent souvent
l’enjeu le plus important. Une brèche dans la
protection des renseignements peut entraîner
différentes formes de responsabilités d’un
point de vue juridique, une intervention
réglementaire et une atteinte à la cote
d’estime et à la réputation de la société.
Même si un nombre très restreint de ces
sources régissent directement la conduite de
votre fournisseur de services d’impartition,
elles peuvent faire en sorte que votre société
soit responsable des violations faites par ces
fournisseurs de service. De plus, certains
organismes de réglementation peuvent exiger
que votre société impose des limites à la
transmission des données de la société à
l’extérieur du Canada. Même si votre fournisseur
de services d’impartition peut être tenu de se
conformer aux exigences en matière de
protection de la vie privée et de sécurité des
Page 27
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
données dans le territoire où il se trouve,
les lois de territoires étrangers régissant
la protection des renseignements ne sont
généralement pas aussi strictes que les
lois canadiennes.
Pour bien cerner les exigences propres à
votre société sur le plan juridique, vous
devrez préciser dans le contrat d’impartition
les responsabilités du fournisseur de services
d’impartition en ce qui a trait à la protection
des renseignements de votre société. Les
recours et dispositions en matière de
responsabilité stipulés dans le contrat inciteront
le fournisseur à tenir compte de vos exigences.
Ces normes sont habituellement établies dans
le cadre de dispositions pertinentes en matière
de confidentialité, d’obligations de respecter
les lois, politiques et pratiques touchant
notamment la protection de la vie privée qui
régissent votre société (plutôt que de dépendre
des lois sur la protection de la vie privée qui
régissent le fournisseur dans le territoire où
il est établi), et d’exigences détaillées sur le
plan de la sécurité qui correspondent ou sont
supérieures aux normes suivant lesquelles
votre société protégerait ses renseignements
et données. À mesure qu’évolue la technologie
en matière de protection et d’exploitation des
données sensibles, le fournisseur devrait être
tenu de proposer et de mettre en œuvre de
nouvelles mesures de sécurité conformément
aux meilleures pratiques de l’industrie.
Droit de propriété intellectuelle (PI) dans
le cadre d’opérations transocéaniques
Le contrat d’impartition type comporte des
dispositions qui attribuent le droit de PI,
notamment la PI créée dans le cadre du
contrat. Le contrat d’impartition devrait
accorder à votre société la totalité des droits
de propriété et de licence dont elle a besoin
pour exercer ses activités après l’expiration
ou la résiliation du contrat. Les processus
opérationnels mêmes peuvent être brevetables
en vertu des lois sur les brevets des États-Unis
et c’est pourquoi vous devez vous demander
si votre société a besoin de l’avantage
concurrentiel que procure la propriété de
brevets à l’égard de nouveaux processus
(ou d’améliorations aux processus existants)
créé aux termes du contrat d’impartition.
Peu importe le droit de propriété visé aux
termes du contrat d’impartition, et le titulaire
de ce droit, il est conseillé de faire examiner
les dispositions de PI par un conseiller juridique
dans tout pays dont les lois en matière de PI
peuvent s’appliquer. Les règles prises en vertu
de lois (p. ex., pour donner effet à une cession
ou pour la réversion automatique des droits de
PI) de ce territoire peuvent différer des lois
canadiennes et américaines. Ces règles peuvent
souvent être remplacées par le contrat qui a
préséance, mais une telle démarche peut
exiger des renvois précis au droit applicable
pour être valables.
Page 28
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Règlement des différends (et comment faire
appliquer la décision)
Il est rare que des clients poursuivent leur
fournisseur de services d’impartition, et vice
versa, les deux parties préférant plutôt régler
les différends contractuels au moyen de
procédures d’intervention et de négociation
internes. S’il est impossible de régler un
différend de cette manière, les parties peuvent
alors décider de s’engager dans un litige ou
d’avoir recours à l’arbitrage. Si une décision
est obtenue d’un tribunal ou d’un arbitre, les
tribunaux du pays du fournisseur doivent faire
homologuer un jugement en faveur de cette
décision pour que celle-ci puisse y être
appliquée.
Selon certaines estimations, il peut s’écouler
plusieurs années, par exemple, pour qu’un
tribunal indien entende une instance fondée
sur un jugement par un tribunal étranger.
L’arbitrage exécutoire représente souvent un
mécanisme officiel de règlement des différends
plus pratique dans les cas d’impartition à
l’étranger. En général, il faut beaucoup moins
de temps pour faire appliquer les décisions
arbitrales rendues à l’étranger, à condition
qu’elles aient été rendues dans le cadre de
régimes d’arbitrage internationaux dont l’Inde
(ou le pays où votre fournisseur exerce ses
activités) est signataire.
contrat d’impartition au nom du fournisseur
a des intérêts en jeu. L’entreprise locale
de fournisseur de services d’impartition à
l’étranger qui existait il y a 10 ans ressemble
aujourd’hui davantage à un conglomérat
international. C’est pourquoi vous devez vous
assurer de traiter avec une entité qui possède
des actifs et des sources de revenu pouvant
garantir ses obligations aux termes du contrat
d’impartition.
Si le fournisseur possède des ramifications au
Canada, vous pourriez demander que l’entité
canadienne signe le contrat d’impartition
en plus de l’entité étrangère qui fournira
réellement les services. De plus, si votre
société entretient une relation avec le
personnel de l’entité canadienne, envisagez
l’intégration de ce personnel dans la structure
de gouvernance et d’intervention dans le
contrat d’impartition, ce qui permettra
d’établir une responsabilisation au sein de
l’organisation du fournisseur tant au Canada
qu’à l’étranger.
Tenir compte des lois locales en matière
de fiscalité et d’emploi
Mettre à profit la relation établie au pays
Il est toujours conseillé de faire examiner
un contrat d’impartition à l’étranger par un
conseiller juridique compétent dans le pays
où les processus de votre société sont impartis.
Les lois du pays hôte en matière de fiscalité et
d’emploi sont particulièrement importantes.
Pour pouvoir faire appliquer des jugements et
pour gérer la relation avec votre fournisseur de
services d’impartition, votre société cherchera
à obtenir des garanties que l’entité qui signe le
Certains pays (l’Inde constitue encore une fois
l’exemple le plus connu) ont des lois fiscales
pouvant faire en sorte qu’une partie du revenu
de votre société soit imposée par les autorités
Page 29
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
fiscales du pays hôte en vertu de l’entente
d’impartition. Dans le cadre de la législation
fiscale de l’Inde, une société peut être réputée
avoir créé un « établissement permanent »
en Inde (créant ainsi une obligation fiscale
possible dans ce pays) si les autorités fiscales
concluent que la relation d’impartition est
davantage le prolongement des activités
étrangères de la société qu’une opération
sans lien de dépendance.
Dans le même ordre d’idées, certaines lois
étrangères peuvent considérer les employés
de votre fournisseur de services d’impartition
comme des employés de votre société
et pourraient exiger que votre société
se conforme aux lois locales en matière
d’emploi. Cette situation entraîne parfois
un problème de « co-emploi ».
fiscalité locale, qu’il s’agisse d’adapter le
mode particulier de gestion quotidienne du
fournisseur de services d’impartition de votre
société ou de la restructuration de votre
organisation au niveau de la société. Dans tous
les cas, ces mesures devraient être mises en
place le plus tôt possible.
Dans le prochain numéro, nous examinerons
les façons dont une société peut optimiser ses
relations continues avec son fournisseur de
service d’IPO à l’étranger.
Communiquez avec :
Joel Ramsey à Toronto à
[email protected]
La définition d’établissement permanent et
de co-emploi dépend souvent de nombreux
critères et peut tenir compte de plusieurs
caractéristiques de l’entente prévue. Dans le
cas de l’établissement permanent, ces critères
peuvent comprendre le temps que passe les
employés de votre société en Inde, le droit
éventuel de votre société d’utiliser les
installations du fournisseur à l’étranger
pour exercer des activités commerciales et
la capacité que peuvent avoir les employés
du fournisseur de conclure des contrats au
nom de votre société.
Prévoyez l’analyse des lois locales le plus tôt
possible et assurez-vous qu’elle soit terminée
avant que le fournisseur commence à fournir
des services pour votre société. Il existe
plusieurs façons d’atténuer le risque lié à la
Page 30
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
CONTRATS DES SOCIÉTÉS
DE TECHNOLOGIE
Canada :
Nouvelle obligation de déposer les
« contrats importants » conclus dans
le cours normal des activités
Les sociétés fermées qui concluent des contrats
avec des émetteurs assujettis canadiens
(sociétés ouvertes) seront peut être surprises
d’apprendre que ces contrats pourraient être
accessibles au public par Internet. Les récentes
modifications apportées au Règlement 51-102
sur les obligations d’information continue
exigent maintenant que les émetteurs
assujettis déposent dans SEDAR certains
« contrats importants » conclus « dans le cours
normal des activités ». Les contrats importants
conclus le 1er janvier 2002 ou après cette
date et qui sont toujours en vigueur seront
également visés par cette nouvelle exigence
s’ils n’ont jamais été déposés auparavant.
Avant l’entrée en vigueur de ces modifications
le 17 mars 2008, les émetteurs assujettis
n’étaient pas tenus de déposer dans SEDAR
les contrats importants conclus « dans le cours
normal des activités ». Un contrat important
s’entend de tout contrat auquel est partie un
émetteur assujetti ou l’une de ses filiales et
qui est important pour l’émetteur assujetti
et comporte généralement une annexe
ou un addenda auxquels le contrat et ses
modifications font renvoi.
Les émetteurs assujettis doivent maintenant
déposer certains types de contrats importants
conclus dans le cours normal des activités.
Il s’agit notamment des contrats de franchise
et de licence et des autres contrats portant
sur l’utilisation d’un brevet, d’une formule,
d’un secret commercial, d’un procédé ou
d’un nom commercial. De plus, les contrats
importants dont dépendent en grande partie
les activités de l’émetteur assujetti sont visés
par la nouvelle exigence de dépôt. Ainsi,
les contrats de licence et les contrats
d’impartition importants dans le secteur de
la technologie pourraient devoir être déposés
et deviendraient donc accessibles au public.
Le Règlement permet l’adaptation ou
l’omission de certaines dispositions
contractuelles lorsqu’un membre de la haute
direction de l’émetteur assujetti a des motifs
raisonnables de croire que leur divulgation
porterait un préjudice grave aux intérêts
de l’émetteur assujetti ou violerait des
dispositions de confidentialité. Une phrase
descriptive du type d’information omise ou
adaptée doit être ajoutée.
Il faut toutefois noter qu’aucune adaptation
ni omission n’est possible si la disposition
concerne :
•
les clauses restrictives et les ratios prévus
par les contrats de financement ou de crédit;
•
les dispositions relatives aux cas
d’inexécution et les modalités de
résiliation du contrat important;
•
toute autre modalité qui est nécessaire
pour comprendre l’incidence du contrat
important sur les activités de l’émetteur
assujetti.
Page 31
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Pour ce qui est des contrats importants
conclus avant le 17 mars 2008, les autorités de
réglementation peuvent envisager d’accorder
une dispense pour que soient adaptées certaines
dispositions dans le cas où leur divulgation
violerait une disposition de confidentialité.
Dans le cadre de leur décision d’accorder une
dispense, les autorités de réglementation
tiendront compte d’un certain nombre de
facteurs, notamment :
•
un membre de la haute direction de
l’émetteur assujetti a des motifs
raisonnables de croire que la divulgation
des dispositions porterait préjudice aux
intérêts de l’émetteur;
•
l’émetteur assujetti n’est pas en mesure
d’obtenir de l’autre partie une renonciation
à la disposition de confidentialité.
n’ont jamais encore été déposés. Dans
le cadre de cet examen, une attention
particulière devrait être accordée aux
obligations de confidentialité existantes
dans les contrats. Avant d’afficher les
contrats dans SEDAR, l’information
confidentielle ou préjudiciable qui se trouve
dans les contrats et les annexes devrait être
adaptée ou omise (si le Règlement l’autorise)
et une phrase descriptive devrait être
ajoutée. De plus, les émetteurs assujettis
doivent prendre garde de ne pas divulguer
de renseignements personnels de manière à
contrevenir à la législation relative à la
protection de la vie privée.
Les émetteurs assujettis doivent aussi être
attentifs aux nouvelles exigences de dépôt au
moment de négocier de nouveaux contrats.
En particulier, ils devraient s’assurer que les
dispositions en matière de confidentialité
permettent de déposer le contrat dans
SEDAR. En s’adaptant à la nouvelle exigence,
les émetteurs assujettis devraient aussi
définir des contrats importants types et
mettre en place un processus d’examen
systématique de ces contrats.
Remarques de McCarthy Tétrault :
Les sociétés fermées pourraient vouloir
ajouter à leurs contrats des dispositions en
matière de confidentialité prévoyant un
droit d’approbation de toute adaptation du
contrat. Bien qu’un droit d’approbation sera
toujours assujetti aux exigences des lois
applicables (y compris celles du Règlement),
une telle disposition permettrait aux sociétés
fermées d’établir quelles dispositions
contractuelles confidentielles peuvent
être communiquées publiquement.
Les émetteurs assujettis devront examiner
attentivement les contrats importants
toujours en vigueur qui ont été conclus
le 1er janvier 2002 et après cette date qui
Communiquez avec :
Patrick Boucher à Montréal à
[email protected]
ou
Frédéric Cotnoir à Montréal à
[email protected]
ou
Vanessa Grant à Toronto à
[email protected]
Page 32
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Propriété
intellectuelle
DROIT D’AUTEUR
Canada :
Annulation de la redevance
sur les iPod
liait pas les parties puisque les enregistreurs
audionumériques n’étaient pas spécifiquement
en cause, la Cour a exprimé son désaccord. Elle
a conclu que sa décision antérieure tranchait la
question de manière concluante.
Dans le volume 3, numéro 1, nous avons indiqué
que la Société canadienne de perception de la
copie privée (SCPCP) avait déposé un projet
de tarif de redevances pour 2008 et 2009 aux
termes du régime de la copie privée. La SCPCP
y demandait notamment une redevance sur les
enregistreurs audionumériques comme les iPod.
La Commission du droit d’auteur du Canada avait
accepté la demande et accordé la redevance.
Toutefois, le 10 janvier 2008, moins de 24 heures
après avoir entendu l’affaire, la Cour d’appel
fédérale a catégoriquement rejeté la décision
de la Commission du droit d’auteur.
Dans une affaire antérieure, la SCPCP avait
demandé à la Commission du droit d’auteur
d’imposer la redevance sur la mémoire non
amovible des enregistreurs audionumériques.
La Commission avait accepté cette demande.
Toutefois, la Cour d’appel fédérale avait
conclu que la mémoire non amovible ne pouvait
faire l’objet d’aucune redevance et que la
Commission du droit d’auteur n’avait pas
le pouvoir d’homologuer une redevance sur
les enregistreurs audionumériques ou leur
mémoire intégrée.
Même si la SCPCP a tenté de faire valoir
que la précédente décision de la Cour ne
Page 33
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Remarques de McCarthy Tétrault :
Même si la décision de la Cour ne portait pas
spécifiquement sur l’étendue du régime de la
copie privée, elle constitue une importante
victoire pour les titulaires de droits. Si la
décision de la Commission du droit d’auteur
n’avait pas été renversée, les termes
généraux qu’elle employait risquaient
d’élargir la portée du régime de la copie
privée pour englober non seulement les
enregistreurs audionumériques, mais aussi
une vaste gamme d’appareils électroniques
comme les ordinateurs et les téléphones
cellulaires.
Selon des déclarations de la Commission du
droit d’auteur contenues dans des décisions
antérieures, la décision aurait pu être
interprétée de manière à inclure la copie
de sources de partage de fichiers poste à
poste dans le régime de la copie privée,
ce qui aurait violé l’intention du Parlement
de limiter l’étendue du régime au fait de
fournir une compensation pour copier de la
musique appartenant déjà à une personne à
des fins d’utilisation privée. Cette décision
aurait également diminué l’importance
fondamentale des droits exclusifs et des
marchés en pleine croissance pour la
distribution légitime de musique en ligne.
On peut également soutenir que la
décision de la Commission du droit d’auteur
contrevenait aux obligations du Canada
aux termes de traités internationaux et
bilatéraux et de conventions sur le droit
d’auteur en omettant de limiter à de rares
circonstances les exceptions aux droits
exclusifs.
À ce jour, la SCPCP n’a pas demandé
l’autorisation de la Cour suprême du
Canada d’en appeler de la décision de
la Cour d’appel fédérale. Nous vous
aviserons de tout autre fait nouveau.
Communiquez avec :
Barry B. Sookman à Toronto à
[email protected]
ou
Daniel Pollack à Toronto à
[email protected]
Page 34
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Protection de la
vie privée
CAUSES/DÉVELOPPEMENTS
JURIDIQUES
Canada :
Les commissaires à la protection
de la vie privée publient des
lignes directrices relatives à la
vidéosurveillance
Les commissaires à la protection de la vie
privée du Canada, de la Colombie-Britannique
et de l’Alberta viennent de publier
conjointement de nouvelles lignes directrices
relatives à l’utilisation de la vidéosurveillance
par les organisations du secteur privé. Bien
qu’ils reconnaissent que certaines raisons
justifient que les organisations du secteur
privé aient recours à des techniques de
vidéosurveillance, les commissaires soulignent
i) que la législation sur la protection des
renseignements personnels impose des
restrictions sur la collecte, l’utilisation et la
communication des renseignements personnels
et ii) que la vidéosurveillance donne lieu à la
collecte de tels renseignements.
Remarques de McCarthy Tétrault :
Les lignes directrices visent les entreprises
assujetties à la Loi sur la protection
des renseignements personnels et les
documents électroniques, laquelle
s’applique aux entreprises exerçant des
activités commerciales dans toutes les
provinces, sauf la Colombie-Britannique,
l’Alberta et le Québec; à toutes les
Page 35
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
entreprises exerçant des activités
commerciales lorsque des renseignements
personnels sont transmis à l’extérieur de
frontières internationales ou provinciales,
quel que soit l’endroit où se trouve
l’entreprise; ainsi qu’à la relation d’emploi
entre des organisations sous réglementation
fédérale, comme les banques, les lignes
aériennes et les compagnies de chemin
de fer, et leurs employés.
Les lignes directrices visent aussi les
entreprises assujetties aux lois de l’Alberta
et de la Colombie-Britannique intitulées
Personal Information Protection Act.
Ces régimes législatifs imposent, comme
critères juridiques importants pour la
collecte, l’utilisation et la communication
de renseignements personnels, que ces
mesures doivent être raisonnables dans
les circonstances et qu’elles ne peuvent
être effectuées qu’avec le consentement
de la personne visée.
Les lignes directrices comprennent une
liste de dix facteurs à considérer lorsqu’on
envisage de recourir à la vidéosurveillance,
ou qu’on élabore un plan de
vidéosurveillance :
1. Se demander si un moyen portant
moins atteinte à la vie privée que la
vidéosurveillance pourrait répondre
à nos besoins.
2. Déterminer les fins opérationnelles
de la vidéosurveillance et limiter son
utilisation à ces fins.
3. Élaborer une politique sur l’utilisation
de la vidéosurveillance.
4. Limiter autant que possible l’utilisation
et la portée visuelle des caméras.
5. Informer le public que l’on effectue
une surveillance vidéo.
6. Entreposer toutes les images
enregistrées dans un lieu sûr et d’accès
restreint, et les détruire lorsqu’elles
n’ont plus d’utilité opérationnelle.
7. Se préparer à répondre aux questions
du public. Les personnes ont le droit
de savoir qui les observe et pourquoi,
quelle information est recueillie, et ce
que l’on fait des images enregistrées.
8. Offrir aux personnes l’accès aux
renseignements les concernant.
Cela comprend les images vidéo.
9. Sensibiliser les opérateurs de caméra à
l’obligation de protéger la vie privée
des gens.
10. Évaluer périodiquement la nécessité
d’utiliser la surveillance vidéo.
Les lignes directrices traitent également
d’autres questions relatives à la
vidéosurveillance au moyen d’une
série de questions et réponses.
Communiquez avec :
Barbara A. McIsaac, c.r., à Ottawa à
[email protected]
Québec :
Une société d’assurances tenue
de payer des dommages pour
surveillance illicite et pour avoir
fait fi des décisions de la cour
Les employeurs ou les assureurs qui désirent
recourir à la vidéosurveillance doivent prendre
garde puisqu’au Québec, la surveillance
abusive peut entraîner des sanctions sévères.
En février 2008, la Cour d’appel du Québec a
ordonné à la Compagnie d’assurance-vie
Penncorp de payer des dommages punitifs de
125 000 $ à l’assuré, André Veilleux, après
que Penncorp eut tenté d’obtenir des preuves
même si elle savait que la surveillance
contreviendrait au droit à la vie privée de
l’assuré, protégé en vertu de l’article 5 de
la Charte québécoise des droits et libertés
de la personne.
M. Veilleux, un homme de 54 ans qui avait
exploité un garage de 1982 à 2000, a liquidé
son entreprise pour des raisons de maladie.
Il a commencé à recevoir des paiements
mensuels d’assurance-invalidité de Penncorp
en 1998. En avril 1999, Penncorp a cessé de
faire les paiements. En 2001, M. Veilleux a
poursuivi Penncorp pour obtenir le paiement
des prestations. Au cours du procès, Penncorp
a cherché à présenter des vidéocassettes
provenant des activités de surveillance
effectuées en mai et en août 2002.
Page 36
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
La Cour supérieure du Québec a refusé
d’admettre les cassettes puisque l’assureur
n’avait pas de motifs raisonnables d’effectuer
la surveillance et a ordonné à Penncorp de
verser les paiements d’invalidité mensuels que
M. Veilleux aurait dû recevoir d’avril 1999 à
février 2003. La Cour d’appel a confirmé cette
décision en mars 2004.
En juin 2003, Penncorp a engagé le même
enquêteur pour effectuer une autre activité
de surveillance à l’endroit de M. Veilleux et
de son fils. En août 2005, ces derniers ont
poursuivi Penncorp pour atteinte à la vie
privée. En septembre 2006, la Cour supérieure
du Québec a ordonné à Penncorp de verser à
M. Veilleux des dommages moraux de 12 500 $
et des dommages punitifs de 25 000 $ pour
atteinte au droit à la vie privée de M. Veilleux
et pour avoir fait fi du système judiciaire.
M. Veilleux et Penncorp ont tous les deux
contesté la décision. Dans sa décision rendue
en février, la Cour d’appel du Québec a
maintenu le jugement de la cour inférieure
mais augmenté les dommages à 125 000 $.
Remarques de McCarthy Tétrault :
La Cour d’appel avait déjà statué dans
l’affaire Bridgestone que la surveillance
ne viole pas la Charte dans tous les cas.
Lorsque la cour décide si elle doit admettre
ou non la preuve tirée de la surveillance,
elle doit évaluer si :
•
la surveillance était justifiée par des
motifs rationnels et conduite par des
moyens raisonnables;
Page 37
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
•
la société possédait déjà des motifs
raisonnables pour effectuer la surveillance
avant de décider de le faire — les motifs
ne peuvent être créés a posteriori;
•
la filature était nécessaire et a été menée
de la façon la moins intrusive possible;
•
la société a pris les mesures nécessaires
pour vérifier les renseignements par des
moyens moins intrusifs avant de recourir
à la surveillance; et
•
la surveillance, exercée dans des lieux
publics, a porté atteinte à la dignité.
Il y a intrusion intentionnelle lorsque
l’auteur du comportement illicite démontre
l’intention de porter atteinte au droit à
la vie privée d’une autre personne ou agit
en sachant qu’il est fort probable que cela
constitue une atteinte. À la lumière de
l’arrêt Veilleux, des éléments de preuve
obtenus dans de telles circonstances
peuvent ne pas être admis devant un
tribunal. De plus, l’article 49 de la Charte
confère à la victime le droit d’obtenir la
réparation du préjudice moral ou matériel
qui en résulte, et le tribunal peut
condamner son auteur à des dommagesintérêts punitifs. Le demandeur doit
démontrer que le comportement de
l’auteur est scandaleux ou déraisonnable,
non justifié, sévère et répétitif.
Dans le cas de M. Veilleux, la surveillance
effectuée en mai 2002 constituait une
atteinte illicite à la vie privée de celui-ci.
La surveillance effectuée en août 2002
constituait une intrusion excessive parce
qu’elle a été effectuée après que la cour
eut refusé à Penncorp le droit d’interroger
M. Veilleux et de demander un examen
médical. Penncorp a décidé de se faire
justice elle-même et a tenté de contourner
la décision de la cour en entreprenant
pendant trois jours une surveillance
systématique et répétitive dans des
endroits privés. Sa motivation financière
semblait malveillante.
L’arrêt Veilleux démontre l’importance
de plus en plus grande que les tribunaux
accordent au droit à la vie privée dans le
cadre de litiges. Les sociétés d’assurances
et les employeurs qui peuvent avoir
interprété la décision Bridgestone comme
permettant la surveillance devraient
évaluer attentivement si la surveillance
est justifiée et l’utiliser avec prudence.
Communiquez avec :
Charles S. Morgan à Montréal à
[email protected]
ou
Julie Elmlinger à Montréal à
[email protected]
Canada :
À qui appartient quoi? : Existe-t-il,
pour les employés, une attente
raisonnable à ce que la vie privée
soit respectée en ce qui concerne les
données stockées sur les ordinateurs?
Le droit de l’employé à la vie privée
s’applique-t-il aux courriels et autres données
créés et stockés sur l’ordinateur que l’employé
utilise à des fins professionnelles? Quels sont
les droits de l’employeur en ce qui concerne
l’accès à ce genre d’information? Les réponses
à ces questions dépendent de l’existence,
pour l’employé, d’une attente raisonnable
en matière de respect de la vie privée
relativement à l’information stockée sur
un ordinateur.
Qu’est-ce qu’une attente raisonnable en
matière de respect de la vie privée?
Deux critères doivent être établis pour
démontrer une attente raisonnable en matière
de respect de la vie privée. Premièrement,
l’employé doit avoir une attente subjective en
matière de vie privée, qui est habituellement
démontrée par les mesures prises pour protéger
l’information en question. Deuxièmement,
l’attente de l’employé en matière de respect
de la vie privée doit être objectivement
raisonnable.
Pour déterminer la présence des critères
subjectifs et objectifs, il faut poser des
questions telles que celles qui suivent :
•
Page 38
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
À qui appartient le matériel sur lequel
les données sont stockées?
•
Les données ont-elles été transférées au
système informatique ou au réseau de
l’employeur, ou à une tierce partie?
•
L’employeur a-t-il établi une politique
sur la gestion de l’information ou sur
l’accès par l’employeur à l’information?
•
Comment les données sont-elles
organisées? Les données de l’employeur
se trouvent-elles dans un emplacement
distinct sur l’ordinateur personnel de
l’employé?
•
L’employé a-t-il tenté de protéger son
ordinateur et certains fichiers à l’aide
d’un mot de passe?
Si l’ordinateur appartient à l’employeur
Le fait que l’employeur détient la propriété
d’un ordinateur qu’utilise l’employé à des
fins professionnelles est un facteur important
susceptible de nuire à l’attente raisonnable en
matière de respect de la vie privée en ce qui
concerne les données stockées sur l’ordinateur,
voire en ce qui concerne les données générées
par l’usage occasionnel de l’ordinateur à des
fins personnelles. Au Canada, plusieurs arbitres
ont rendu des décisions selon lesquelles les
employés qui utilisent le système informatique
de leur employeur pour envoyer et recevoir
des courriels et pour afficher des messages
sur des forums de discussion n’ont pas le droit
à leur vie privée. Dans un cas en particulier,
l’arbitre a affirmé que l’employé ne devait pas
s’attendre à disposer du droit à la vie privée
lorsqu’il se sert de l’Internet et du système
de courrier électronique de son employeur.
Le concept de propriété est un facteur
tellement important que dans une affaire en
particulier, le tribunal d’arbitrage a décidé
qu’étant donné qu’un employé licencié avait
utilisé l’ordinateur portable de son employeur
à la maison et au bureau pour accéder à un
service de courriel indépendant (Hotmail),
toute attente raisonnable en matière de
respect de la vie privée à l’égard du compte
Hotmail était supplantée par le droit de
l’employeur de fouiller le contenu des biens
qui lui appartiennent.
Politiques de l’employeur
Un autre facteur important servant à
déterminer l’existence d’une attente
raisonnable en matière de respect de la vie
privée est le fait qu’un employeur a établi
ou non une politique régissant l’usage du
courrier électronique et de l’Internet. Dans
une cause, l’existence d’une politique
interdisant l’usage du système de courrier
électronique à des fins inacceptables ainsi
qu’un avis clair s’affichant à l’ouverture de
session et indiquant que le système sera
surveillé conformément à cette politique
ont contribué à miner l’attente en matière
de respect de la vie privée d’un employé.
Si l’ordinateur appartient à l’employé
Si l’ordinateur appartient à l’employé,
mais qu’il l’utilise à des fins professionnelles,
existe-t-il une attente raisonnable en matière
de respect de la vie privée en ce qui concerne
les données stockées sur cet ordinateur?
Au Canada, la réponse à cette question
n’est pas claire.
Page 39
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Aux États-Unis, certaines décisions ont tranché
en faveur du droit d’accès de l’employeur aux
données lorsqu’une attente en matière de
respect de la vie privé n’est pas objectivement
raisonnable. Par exemple, il n’y avait aucune
attente raisonnable à l’égard de la vie privée
en ce qui concerne des fichiers stockés sur
l’ordinateur personnel d’un employé qui était
branché au réseau d’une base militaire avec
un disque partagé. De la même façon, il n’y
avait pas d’attente raisonnable en matière de
vie privée à l’égard de l’information stockée
sur l’ordinateur d’un employé qui avait
volontairement fait l’achat d’un ordinateur en
vue de l’utiliser pour son travail et qui n’avait
pris aucun moyen pour protéger les données à
l’aide d’un mot de passe.
privée en ce qui concerne les données qui
sont stockées sur un ordinateur, il doit
l’énoncer clairement. Les employés
devraient être tenus de confirmer
qu’ils ont lu et compris les politiques
en question, et qu’ils acceptent de
s’y conformer.
Les employeurs devraient en outre établir
clairement que les copies des données
appartenant à l’employeur demeurent
la propriété de ce dernier, peu importe
l’endroit où elles sont stockées.
Enfin, les employeurs peuvent gérer les
attentes de leurs employés en matière de
respect de la vie privée en ce qui concerne
l’information stockée sur des portables
en fournissant des ordinateurs à leurs
employés pour leur permettre d’accomplir
du travail à l’extérieur, et en tirant parti
du fait qu’ils demeurent propriétaires du
matériel.
Remarques de McCarthy Tétrault :
De nombreux employeurs souhaitent
superviser l’usage que font leurs employés
des ordinateurs et des réseaux de
l’entreprise pour diverses raisons,
notamment pour empêcher la collecte et la
diffusion de matériel illégal (par exemple,
la pornographie juvénile) et pour empêcher
que ne soit commis un vol de temps associé
à l’usage prolongé d’Internet et du réseau
de courrier électronique de l’employeur à
des fins personnelles.
Communiquez avec :
Barbara A. McIsaac, c.r., à Ottawa à
[email protected]
ou
Helen Gray à Ottawa à
[email protected]
Compte tenu de l’ambivalence de la loi au
Canada, les employeurs devraient établir
des politiques précises et détaillées
régissant leur droit d’accès aux données et
aux systèmes. Si l’employeur ne souhaite
pas que ses employés aient une attente
raisonnable en matière de respect de la vie
Page 40
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Communications
CAUSES/DÉVELOPPEMENTS
JURIDIQUES
Canada :
Le CRTC approuve la vente de BCE
Le 27 mars 2008, le Conseil de la
radiodiffusion et des télécommunications
canadiennes (« CRTC ») a approuvé,
sous réserve de certaines conditions,
l’opération de privatisation de Bell Canada
Entreprises (« BCE »), la plus grande société
de télécommunications du Canada.
Aux termes de la transaction, BCE, qui est
aussi la société comptant le plus grand
nombre d’actionnaires du public au Canada,
appartiendrait à un petit groupe d’investisseurs
formé du Régime de retraite des enseignantes
et des enseignants de l’Ontario (« Teachers’ »)
et de trois sociétés américaines de financement
par capitaux propres, soit Providence Equity
Partners International VI L.P. et des fonds
d’investissement membres de son groupe
(« Providence »), Madison Dearborn Capital
Partners V L.P. et des fonds d’investissement
membres de son groupe (« Madison ») et Merrill
Lynch Global Partners, Inc. (« Merrill Lynch »).
La transaction, évaluée à 51,7 milliards de
dollars, est la plus importante acquisition
d’entreprise jamais réalisée au Canada et
apparemment la plus importante transaction
par voie de capitaux propres dans le monde
à ce jour.
La transaction était subordonnée à
l’approbation de plusieurs autorités de
réglementation canadiennes, notamment
l’approbation du CRTC en vertu de la Loi sur
la radiodiffusion. Même si la principale unité
d’exploitation de BCE, Bell Canada, est une
entreprise de télécommunications, elle détient
des participations dans plusieurs titulaires
de licence de radiodiffusion, d’où l’obligation
de l’approbation en vertu de la Loi sur la
radiodiffusion. L’examen du CRTC visait
principalement à assurer que BCE demeurera
« détenue et contrôlée par des Canadiens »
au sens de la législation canadienne sur les
communications. Cette législation limite le
nombre d’actions comportant droit de vote que
peuvent détenir des non-Canadiens dans des
entreprises de communication canadiennes
réglementées et le nombre d’administrateurs
qui peuvent être des non-Canadiens. Cette
législation exige en outre que les autorités
de réglementation s’assurent que des
non-Canadiens ne peuvent pas exercer un
« contrôle de fait » sur l’entreprise, par voie
de convention d’actionnaires ou de quelque
autre arrangement.
L’approbation du CRTC et les conditions qu’il
impose à BCE sont en général conformes aux
récentes décisions réglementaires, dans le
contexte particulier de la transaction de BCE.
Le CRTC a réaffirmé le critère juridique du
contrôle qu’il avait approuvé dans son examen
de la vente des sociétés de radiodiffusion
d’Alliance Atlantis Broadcasting Inc. Selon ce
critère, « le "contrôle de fait" est généralement
Page 41
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
le pouvoir ou la capacité, exercé ou non,
de décider de l’orientation du processus
décisionnel d’une entreprise sur ses activités.
On peut également l’interpréter comme étant
la capacité de gérer les activités quotidiennes
d’une entreprise. »
En appliquant ce critère aux faits de la
transaction de BCE, le CRTC a exigé :
•
des modifications visant à garantir que
le conseil d’administration de BCE se
compose en tout temps d’une majorité
d’administrateurs qui soient à la fois
i) Canadiens par citoyenneté ou résidence
et ii) dont la nomination ne relève
pas directement ou indirectement de
non-Canadiens;
•
des augmentations des seuils pour les droits
de veto que des non-Canadiens peuvent
exercer à l’égard de transactions futures de
BCE (p. ex., contracter des dettes, vendre
des actifs ou faire des investissements) à
au moins 5 % de la valeur des entreprises
de radiodiffusion;
•
des modifications touchant le comité
indépendant de programmation proposé
afin de s’assurer que les décisions de
programmation de radiodiffusion soient
prises par des Canadiens; et
•
d’autres modifications à la structure de
gouvernance d’entreprise, y compris à la
composition du comité exécutif et aux
quorums pour les réunions du conseil
d’administration, afin de s’assurer que
BCE n’est pas contrôlée dans les faits
par des non-Canadiens.
Le CRTC a également exprimé des
préoccupations quant à la conformité de la
structure de la transaction avec la législation
ontarienne sur les régimes de retraite, mais,
tel qu’il est indiqué ci-après, le CRTC s’en est
remis, sur ce point, à un avis de l’autorité
de réglementation des régimes de retraite de
l’Ontario selon lequel la transaction respecte
la législation.
La transaction de BCE est toujours subordonnée
à l’obtention de l’approbation réglementaire
d’Industrie Canada en vertu de la Loi sur la
radiocommunication. La transaction a par
ailleurs été contestée par certains détenteurs
d’obligations de Bell Canada. Le 7 mars 2008,
la Cour supérieure du Québec a approuvé le
plan d’arrangement de BCE visant la
transaction et rejeté du même coup toutes
les réclamations des détenteurs d’obligations.
Les décisions rejetant ces réclamations font
actuellement l’objet d’un appel. La transaction
est également subordonnée à la réalisation
fructueuse des arrangements financiers que
Teachers’ et ses co-investisseurs par capitaux
propres ont pris.
Contexte de la transaction proposée
BCE Inc. est l’entreprise de services de
télécommunications titulaire dans
pratiquement tout l’Ontario, le Québec et
les Maritimes. Ses filiales comprennent Bell
Canada, Bell Mobilité Inc., Fonds de revenu
Bell Aliant Communications régionales et Bell
ExpressVu Inc. Les sociétés offrent des services
Page 42
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
de télécommunications, notamment des
services de téléphonie locaux et interurbains,
de transmission sans fil de la voix et des
données et d’accès Internet par câble. Elles
font également de la distribution de services
de radiodiffusion par satellite et réseaux
terrestres et offrent des services de télé
à la carte et de vidéo sur demande.
Le CRTC a reçu une demande de BCE
et de certains membres de son groupe
(la « requérante »), en vue d’obtenir
l’autorisation de transférer le contrôle effectif
de la requérante à une société devant être
constituée (« BCE Holdco »). BCE Holdco
détiendrait les actions de BCE par l’entremise
de sa filiale 6796508 Canada Inc. (« Bidco »).
BCE et Bidco ont conclu une entente définitive,
en vigueur à compter du 29 juin 2007, selon
laquelle Bidco s’engage à acheter toutes les
actions ordinaires et privilégiées de BCE émises
et en circulation (la « proposition de BCE »).
La proposition de BCE a été approuvée à la
majorité par les actionnaires de BCE lors d’une
assemblée extraordinaire des actionnaires le
21 septembre 2007 à Montréal.
La transaction proposée serait réalisée au
moyen d’un arrangement conforme à l’article
192 de la Loi canadienne sur les sociétés par
actions. La valeur de la transaction est estimée
à 51,7 milliards de dollars.
Une fois la transaction complétée, BCE Holdco
deviendrait propriété privée, avec un capitalactions constitué d’actions de catégorie A non
participatives avec droit de vote (les « actions
de catégorie A »), d’actions de catégorie B
participatives sans droit de vote (les « actions
de catégorie B ») et d’actions de catégorie C
participatives sans droit de vote (les « actions
de catégorie C »). Les actions de catégorie B et
de catégorie C auraient une valeur monétaire
équivalente et constitueraient ensemble la
valeur totale des actions de BCE Holdco.
Morcague Holdings Corp. (« Morcague »)
détiendrait 66,7 % des actions de catégorie A
dans BCE Holdco. Toutes les autres actions,
soit 33,3 %, seraient détenues par des nonCanadiens, à savoir Providence, Madison et
Merrill Lynch. Les actions de catégorie A
seraient assujetties à un vote entre Morcague
et Teachers’ Private Capital, division de
Teachers’.
La majorité des actions de catégorie B et la
totalité des actions de catégorie C de BCE
Holdco seraient détenues par des Canadiens,
Teachers’ se constituant l’actionnaire
majoritaire avec 51,6 % des actions. Des nonCanadiens détiendraient environ 42 % des
actions de BCE Holdco, les trois principaux
actionnaires non canadiens étant Providence
(17,3 % des actions), Madison (9,0 %) et Merrill
Lynch (6,1 %).
Bidco et BCE auraient des actions de catégorie
A et de catégorie B émises et en circulation.
BCE Holdco détiendrait 100 % des actions de
catégorie B et 58,1 % des actions de catégorie A
de Bidco, toutes les autres actions de catégorie
A, soit 41,9 %, étant détenues par Morcague.
De la même façon, Bidco détiendrait 100 % des
actions de catégorie B et 58,1 % des actions de
catégorie A de BCE, toutes les autres actions
de catégorie A, soit 41,9 %, étant détenues par
Page 43
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Morcague. Un résumé de la ventilation des
actions telle que proposée peut être consulté
sur le site Web du CRTC.
Approbations réglementaires
La transaction doit être approuvée par
un certain nombre d’organismes de
réglementation, notamment le CRTC,
Industrie Canada, Investissement Canada
et le Bureau de la concurrence.
Le CRTC doit approuver la transaction projetée
en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, en
raison du projet de transfert de l’actif de
radiodiffusion de BCE (l’objet de la décision
du 27 mars 2008). Le CRTC examine également
régulièrement la propriété d’entreprises de
télécommunications en vertu de la Loi sur les
télécommunications. Industrie Canada, qui
est l’autorité de réglementation du spectre
canadien, doit également examiner la
transaction projetée en vertu de la Loi sur
la radiocommunication.
Les critères de propriété et de contrôle par des
Canadiens sont analogues dans ces trois lois, et
plus rigoureux que ceux prévus dans la Loi sur
Investissement Canada, laquelle ne devrait
donc pas constituer un obstacle important à la
transaction. Le fait que les investisseurs qui
acquièrent BCE ne soient pas directement en
concurrence avec celle-ci simplifie l’examen
en vertu de la Loi sur la concurrence.
Examen de la propriété et du contrôle en
vertu de la Loi sur la radiodiffusion
La Loi sur la radiodiffusion confère au CRTC
le pouvoir de réglementer le système canadien
de radiodiffusion dans un contexte de mise
en œuvre de divers objectifs stratégiques,
notamment l’obligation voulant que le système
canadien de radiodiffusion soit effectivement la
propriété des Canadiens et sous leur contrôle.
Conformément au paragraphe 26(1) de la Loi
sur la radiodiffusion, le gouverneur en conseil
a donné au CRTC des instructions quant aux
catégories de requérants non admissibles à
une attribution, à une modification ou à un
renouvellement de licence (les « instructions »).
En vertu des instructions, aucune licence de
radiodiffusion et aucun renouvellement ou
modification de licence ne peuvent être
accordés à un requérant qui est un « nonCanadien ». Un « non-Canadien » est une
personne ou une entité qui n’est pas un
« Canadien ». La définition de « Canadien »
comprend une « personne morale qualifiée ».
Au sens des instructions, une « personne
morale qualifiée » s’entend d’une personne
morale constituée ou prorogée sous le régime
des lois fédérales ou provinciales qui remplit
les conditions suivantes :
•
le premier dirigeant et au moins 80 % des
administrateurs sont des Canadiens; et
•
des Canadiens détiennent dans l’ensemble
la propriété effective et le contrôle directs
ou indirects d’au moins 80 % des actions
avec droit de vote émises et en circulation
Page 44
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
et d’au moins 80 % des votes, à l’exception
de celles détenues uniquement à titre de
sûreté.
Dans le cas d’une personne morale qui est
une filiale,
•
la société mère est une personne morale
constituée ou prorogée sous le régime des
lois fédérales ou provinciales; et
•
des Canadiens détiennent dans l’ensemble
la propriété effective et le contrôle directs
ou indirects d’au moins 66 ⅔ % des actions
avec droit de vote émises et en circulation
de la société mère et d’au moins 66 ⅔ %
des votes, à l’exception de celles détenues
uniquement à titre de sûreté.
De plus, si une société ne remplit pas les
conditions énoncées ci-dessus (p. ex., le
premier dirigeant ou plus de 20 % des
administrateurs ne sont pas des Canadiens, ou
des Canadiens ne détiennent pas la propriété
effective et le contrôle de 80 % de toutes
les actions avec droit de vote émises et en
circulation ou 80 % des votes), alors ni cette
société ni ses administrateurs ne peuvent
exercer de contrôle ni influer sur quelque
décision de programmation d’une filiale qui est
titulaire d’une licence de radiodiffusion. Un
« comité de programmation indépendant » doit
plutôt être créé et investi de la responsabilité
des décisions de programmation de la filiale.
financières, contractuelles ou d’affaires, ou
de tout autre facteur utile à la détermination
du contrôle de fait.
Un facteur important permettant de
déterminer si des non-Canadiens exercent un
contrôle effectif sur un titulaire d’une licence
de radiodiffusion est le niveau d’influence
que les investisseurs non canadiens peuvent
exercer sur l’entreprise par une représentation
désignée au conseil d’administration et
aux comités du conseil. À cet égard, le
CRTC examine notamment le nombre
d’administrateurs au conseil d’administration
et aux comités du conseil nommés par des
investisseurs canadiens en comparaison du
nombre d’administrateurs nommés par des
non-Canadiens, et cherche également à
s’assurer que les administrateurs nommés par
des investisseurs canadiens sont représentés de
façon adéquate à toutes les réunions du conseil
d’administration ou de comités du conseil.
Conclusions relatives au contrôle canadien
Après avoir examiné les questions relatives au
contrôle par des Canadiens, le CRTC a exigé,
comme condition d’approbation de la
transaction, que certaines modifications soient
apportées à l’« entente des investisseurs
principaux » entre les investisseurs. Les
conditions du CRTC visent les objectifs suivants :
•
Le « contrôle » est un aspect important du
critère. En vertu des instructions, le CRTC doit
établir si un requérant est contrôlé par un nonCanadien en raison de relations personnelles,
Page 45
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
fixer à 13 le nombre des membres du
conseil d’administration en incluant, dans
le total des membres, six représentants de
Teachers’, un membre indépendant et le
PDG, tous obligatoirement des Canadiens;
•
accorder au président du conseil
d’administration la voie prédominante pour
la nomination et le licenciement du PDG;
•
prévoir qu’il y ait en tout temps un
président nommé par le conseil
d’administration, que celui-ci soit un
membre du conseil d’administration,
qu’il ne soit pas un membre nommé par
un actionnaire non canadien, qu’il soit
lui-même un Canadien et qu’il ne puisse
pas en même temps être le PDG;
•
prévoir qu’une vacance au conseil
d’administration ou à un comité du conseil
d’administration, entraînée par la perte
du pouvoir de Teachers’ de nommer un
membre, soit comblée par un membre
nommé par l’investisseur canadien qui
acquiert le plus grand nombre d’actions de
Teachers’ et que ce membre soit lui-même
un Canadien;
•
obliger BCE Holdco à adopter les mêmes
règles en matière de quorum pour
les comités rattachés aux conseils
d’administration de Bidco et de BCE
que pour BCE Holdco;
•
prévoir que les membres du conseil
d’administration nommés par des
investisseurs principaux non canadiens sont
considérés comme des non-Canadiens aux
fins d’établir s’il y a quorum lors d’une
assemblée du conseil d’administration;
•
•
augmenter à 110 millions de dollars le
seuil pour les transactions exigeant
l’approbation des investisseurs (afin de
respecter ainsi le critère de 5 % de la
valeur de l’entreprise adopté par le CRTC
dans la décision CanWest/Alliance
Atlantis); et
•
intégrer des définitions précises des
termes « indépendant » (dans le contexte
d’« administrateurs indépendants ») et
de « cours normal des affaires » (dans le
contexte de l’approbation par les
actionnaires de transactions qui ne
s’inscrivent pas dans le cours normal
des affaires).
En plus d’exiger de BCE qu’elle dépose une
entente des investisseurs principaux modifiée,
le CRTC lui a ordonné de déposer :
•
une version modifiée et signée du
règlement administratif portant sur le
comité indépendant de programmation,
qui prévoit qu’aucun membre de ce
comité ne peut être membre du conseil
d’administration, membre de la direction
ou employé d’un actionnaire non canadien;
et
•
une version modifiée et signée de
l’entente de services consultatifs
prévoyant que les services rendus par
des investisseurs non canadiens en vertu
de cette entente ne porteront pas sur
la programmation, que Teachers’ sera
autorisée à examiner les avis des services
consultatifs et à les commenter.
prévoir un second membre nommé par
Teachers’ au sein du comité exécutif;
Page 46
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Sous réserve du respect de ces conditions et
de ses décisions quant au bloc d’avantages
tangibles (résumées ci-après), le CRTC a
approuvé la requête.
Conformité avec la législation ontarienne
sur les régimes de retraite
Le CRTC s’est également penché sur la
conformité de la structure de la transaction
avec la législation ontarienne sur les régimes
de retraite. La législation applicable interdit
à un régime de retraite d’investir directement
ou indirectement dans les valeurs mobilières
d’une société conférant plus de 30 % des voix
pouvant être exprimées pour l’élection des
administrateurs de la société (les « actions
comportant droit de vote pour l’élection des
administrateurs »).
Aux termes de la transaction projetée,
Teachers’ ne détiendrait pas plus de 30 %
des actions comportant droit de vote pour
l’élection des administrateurs, de fait, elle
n’en détiendrait aucune. Toutefois, une
société appartenant à un ancien dirigeant de
Teachers’, Morgan McCague, détiendrait
66,7 % des actions comportant droit de vote
de catégorie A de BCE Holdco. Une convention
intervenue entre Teachers’, M. McCague, la
société de M. McCague et des sociétés
connexes prévoit que les droits de vote
rattachés aux actions doivent être exercés
conformément aux directives de Teachers’
et confère à Teachers’ le droit d’enjoindre à
M. McCague de céder les actions.
Le CRTC n’a accepté cet arrangement qu’après
avoir obtenu une lettre de la Commission des
services financiers de l’Ontario selon laquelle
la structure proposée respecte la restriction de
30 % quant à la détention d’actions comportant
droit de vote pour l’élection d’administrateurs
par Teachers’.
Avantages tangibles
L’actif de radiodiffusion visé par cette
transaction comprend Bell ExpressVu, l’actif
de câblodistribution dans la province de
Québec et une participation minoritaire
dans CTVglobemedia Inc. Le CRTC s’attend
généralement à ce que les requérants
s’engagent à offrir des avantages clairs et
sans équivoque au système de radiodiffusion
représentant une contribution financière de
10 % de la valeur de l’actif de radiodiffusion
transféré dans le cadre d’une transaction.
Toutefois, aucun avantage n’est exigé pour
le transfert du contrôle effectif d’entreprises
de distribution de radiodiffusion (comme
Bell ExpressVu ou l’actif de câblodistribution
du Québec), mais seulement pour le transfert
des entreprises de programmation de
radiodiffusion.
BCE a réservé 109,6 millions de dollars de
la valeur de la transaction pour l’actif de
radiodiffusion applicable aux fins du calcul
des avantages tangibles associés.
Le CRTC a révisé la valeur de l’actif de
radiodiffusion applicable de BCE, la faisant
passer de 109,6 millions de dollars à
219,1 millions de dollars, principalement en
fonction de l’inclusion dans l’évaluation d’une
prime d’acquisition constatée, soit la valeur
du service « TVPI » (télévision à la carte et
Page 47
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
vidéo sur demande par protocole Internet) et
de la valeur des engagements relatifs aux baux
d’exploitation. Cette évaluation supérieure a
porté la valeur du bloc d’avantages tangibles
à 21,9 millions de dollars. De ce bloc, le CRTC
a ordonné que 10,5 millions de dollars soient
investis dans un fonds dont les revenus annuels
seront affectés au soutien des nouveaux médias.
Conclusion
La décision du CRTC est généralement
conforme aux décisions récentes visant
d’autres transactions examinées par le CRTC et
Industrie Canada. La décision donne toutefois
des précisions utiles sur les questions propres
aux circonstances particulières entourant la
transaction de BCE.
On peut obtenir le texte intégral de la décision
du CRTC sur le site Web du CRTC.
Communiquez avec :
Hank Intven à Toronto à
[email protected]
ou
Stephen Rawson à Toronto à
[email protected]
Canada :
Six questions : sexe, fiscalité et
projet de loi C-10
En février 2008, des intervenants de
l’industrie cinématographique et télévisuelle
ont publiquement dénoncé les modifications
à la Loi de l’impôt sur le revenu prévues dans
le projet de loi C-10, criant à la « censure ».
Cité dans Xtra.ca, un magazine en ligne, à
propos de ces dispositions, le réalisateur David
Cronenberg s’indigne d’une telle atteinte à
la liberté d’expression et de l’incidence
catastrophique qu’elle pourrait avoir sur
le financement d’un film « parce que tout
le montage financier pourrait s’écrouler
comme un château de cartes ». La ministre du
Patrimoine canadien, Josée Verner, a rejeté
les allégations de censure, déclarant que le
projet de loi C-10 ne constituait aucunement
une forme de censure, mais visait plutôt à
« rassurer les contribuables sur la façon dont
les fonds publics sont dépensés ».
Pourquoi alors toute cette controverse?
La présente introduction en six questions
couvre les principaux points et l’historique
de la controverse actuelle entourant le projet
de loi C-10.
QUOI? Le projet de loi C-10, Loi modifiant
la Loi de l’impôt sur le revenu, notamment
en ce qui concerne les entités de placement
étrangères et les fiducies non résidentes
ainsi que l’expression bijuridique de certaines
dispositions de cette Loi, et des lois connexes,
modifie la définition de « certificat de
production cinématographique ou
magnétoscopique canadienne du paragraphe
Page 48
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
125.4(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.
Pour être admissible à certains crédits d’impôt
fédéraux relevant du Bureau de certification
des produits audiovisuels canadiens (BCPAC),
une production doit recevoir un certificat
de production cinématographique ou
magnétoscopique canadienne.
En vertu des modifications, un « certificat
de production cinématographique ou
magnétoscopique canadienne » s’entend d’un
certificat délivré par le ministre du Patrimoine
canadien relativement à une production et
attestant qu’il s’agit d’une production
cinématographique ou magnétoscopique
canadienne relativement à laquelle ce ministre
est convaincu que certains critères sont
respectés quant au partage des recettes et que
« le fait d’accorder à la production un soutien
financier de l’État ne serait pas contraire à
l’ordre public ». C’est cette disposition «
d’ordre public » qui prête tant à controverse.
La ministre du Patrimoine canadien a déclaré
que la disposition d’ordre public du projet
de loi C-10 ne concernera « que le contenu
extrême et tout à fait inacceptable ». Les
médias ont laissé entendre que les critères
justifiant le refus de crédits d’impôt
pourraient comprendre des motifs comme
la violence gratuite, la sexualité outrancière,
un contenu sexuel excessif sans but éducatif
ou le dénigrement d’un groupe identifiable.
En fait, le libellé du projet de loi C-10 ne
donne aucune explication des critères selon
lesquels le ministre du Patrimoine pourrait
considérer qu’un film est « contraire à
l’ordre public ». Le projet de loi C-10 prévoit
également que le ministre du Patrimoine
publiera des lignes directrices suivant
lesquelles une production cinématographique
ou magnétoscopique répondrait aux critères.
Le projet de loi C-10 dispose expressément que
les lignes directrices ne sont pas des textes
réglementaires au sens de la Loi sur les textes
réglementaires (et ne sont donc pas soumises
au processus d’examen et d’observation du
public applicables aux textes réglementaires).
Au moment de la rédaction du présent article,
la ministre du Patrimoine n’avait pas encore
publié de lignes directrices ni donné de
précisions quant à leur contenu, malgré les
demandes pressantes des intervenants de
l’industrie cinématographique et télévisuelle.
Le 2 avril 2008, le ministère des Finances
aurait fait valoir, devant le Comité sénatorial
permanent des banques et du commerce, que
les critères selon lesquels des productions
cinématographiques et télévisuelles seraient
jugées offensantes ne devraient pas être
inclus dans la législation ni dans son règlement
d’application — les tribunaux ayant tendance à
invalider des règlements trop vagues, mais être
moins rigides à l’égard de critères contenus
dans des lignes directrices.
La ministre du Patrimoine canadien,
Mme Verner, a également comparu devant le
Comité sénatorial permanent des banques
et du commerce, déclarant que Patrimoine
Canada n’appliquerait la disposition d’ordre
public que 12 mois après que le projet de loi
C-10 aura reçu la sanction royale. Elle a en
outre invité les intervenants de l’industrie
cinématographique et télévisuelle à participer
Page 49
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
à l’élaboration des lignes directrices, invitation
ultérieurement déclinée par les intervenants de
l’industrie qui s’inquiétaient d’être associés à
l’élaboration de lignes directrices en matière
de censure, alors qu’ils sont tout à fait contre
le principe.
QUAND? Le projet de loi a été adopté par la
Chambre des communes avec l’appui de tous
les partis le 29 octobre 2007. Il a été approuvé
en deuxième lecture au Sénat le 4 décembre
2007. Au moment de la rédaction du présent
article, le Comité sénatorial permanent des
banques et du commerce tenait des audiences
sur le projet de loi C-10, et des parties
intéressées comparaissaient devant le Comité.
OÙ? Le projet de loi doit être soumis en
troisième et dernière lecture au Sénat.
À la fin de février 2008, le Comité sénatorial
permanent des banques et du commerce
a reporté la troisième et dernière lecture
du projet de loi C-10, lorsque le public a
commencé à s’indigner du projet de loi,
reportant à avril 2008 le dénouement de
cette affaire.
QUI? L’opposition au sein de l’industrie rallie
un large éventail de groupes et de particuliers,
notamment des réalisateurs, des acteurs et des
politiciens qui ont publiquement exprimé leur
opposition au projet de loi. Parmi les groupes
qui ont fait entendre leurs préoccupations ou
qui font des pressions en vue de contester le
projet de loi, on compte notamment ACTRA
(Alliance of Canadian Cinema, Television and
Radio Artists), la Writers Guild of Canada,
la Guilde canadienne des réalisateurs et
l’Association canadienne de production de
films et de télévision.
POURQUOI? Une disposition « d’ordre public »
analogue a été proposée dans un projet de
règlement de la Loi de l’impôt sur le revenu
en 2003 par la ministre du Patrimoine libérale
de l’époque, Sheila Copps. Différents médias
ont rapporté les explications de Mme Copps
voulant que les dispositions qu’elle proposait
visaient à « inverser le fardeau de la preuve »
aux producteurs de matériel extrêmement
répréhensible, et a donné au ministre du
Patrimoine la possibilité de priver un film
d’un crédit d’impôt dans des cas extrêmes.
La proposition de 2003 s’inscrivait dans la
foulée du film Karla sur les vies de Paul
Bernardo et de Karla Homolka et du scénario
hypothétique où un film comme Karla pourrait
être admissible à des crédits d’impôt s’il avait
été produit au Canada. Toutefois, le Règlement
de l’impôt sur le revenu édicté en 2005 ne
contenait aucune disposition accordant une
discrétion ministérielle de refuser des crédits
d’impôt à des films considérés contraires à
l’ordre public.
Il est difficile d’expliquer qu’est-ce qui motive
le gouvernement conservateur à inclure la
disposition d’ordre public dans le projet de
loi C-10. Les crédits d’impôt ont toujours été
largement inspirés par des considérations de
création d’emplois et destinés à encourager
les producteurs à embaucher des Canadiens
au moyen d’un critère relativement objectif
selon lequel des points sont attribués à une
production en fonction du nombre de
Canadiens embauchés à des postes clés. La
Page 50
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
réglementation actuelle exclut déjà le contenu
comme la pornographie, les nouvelles, la
téléréalité, les jeux questionnaires, les talkshows, les vidéos d’entreprise et la publicité.
COMMENT? Les crédits d’impôt fédéraux visés
ne sont pas la seule source de financement
pour les producteurs de films et d’émissions
de télévision. Ces derniers disposent d’autres
sources de financement directes et indirectes
fédérales, provinciales et privées, notamment
Téléfilm Canada (qui relève également de
Patrimoine Canada), les banques, les
programmes de crédits d’impôt provinciaux
et d’autres investisseurs privés. En pratique,
toutefois, les crédits d’impôt du BCPAC et
la certification de productions canadiennes
sont souvent des éléments critiques en
vue d’obtenir un financement pour les
productions canadiennes. Il faut prendre
en considération que :
•
les productions cinématographiques et
télévisuelles nationales font en général
l’objet d’une demande de subventions et
peuvent obtenir des subventions à l’étape
du scénario, mais que les crédits d’impôt
remboursables ne sont ultérieurement
demandés et reçus qu’après les principaux
travaux de prise de vues.
•
les productions nationales dépendent
souvent de plusieurs sources de
financement. Ces autres sources de
financement peuvent subordonner le
décaissement de leurs fonds ou avances
au producteur à la perspective ou à la
condition que le crédit d’impôt fédéral et
la certification de production canadienne
du BCPAC soient obtenus.
•
un producteur (ou un investisseur) ne saura
donc qu’une production est inacceptable
qu’après que la production aura été
tournée, que les fonds auront été dépensés
et que le comité d’examen aura examiné le
film et rendu sa décision, le cas échéant.
•
les producteurs qui se voient refuser
des crédits d’impôt pourraient s’exposer
au risque coûteux de devoir rembourser
les investisseurs dont les subventions ou
avances (p. ex., Téléfilm Canada, les
avances d’institutions bancaires et de
distribution, etc.) étaient subordonnées
à l’obtention des crédits d’impôt.
Ce qui pourrait entraîner la faillite de
l’entreprise, voire la faillite personnelle,
du producteur.
•
la disposition d’ordre public ne
s’appliquerait pas au tournage de
productions étrangères au Canada qui
reçoivent des crédits d’impôt fédéraux
relevant du BCPAC, mais qui ne sont
pas considérés comme des productions
« canadiennes ». Des représentants de
Patrimoine Canada ont fait valoir que
ces crédits d’impôt visent à encourager
l’investissement en fonction des dépenses
faites au Canada et non pas en fonction
du contenu.
Les tenants de la disposition d’ordre public font
quant à eux valoir qu’il est tout simplement
juste que les fonds publics ne servent pas à
financer la production de contenu offensant,
Page 51
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
et que rien n’empêche les producteurs de tel
contenu de mener à bien leurs projets à l’aide
d’autres sources de financement.
Les opposants aux modifications expriment
de nombreuses préoccupations, notamment :
•
l’importance du crédit d’impôt et de la
certification de production canadienne
dans les ententes de financement;
•
l’incertitude quant à la personne qui
décidera du caractère « contraire à
l’ordre public » d’une production;
•
l’absence de lignes directrices ou de
critères;
•
la nature discrétionnaire du processus
d’examen et de décision;
•
l’effet ponctuel et pratique du moment
et de la subjectivité des décisions;
•
l’incapacité résultante des producteurs
d’obtenir le financement adéquat pour
leurs productions; et, bien sûr,
•
l’arrière-goût de censure.
écriront en fonction des lignes directrices
de manière à obtenir les crédits d’impôt
nécessaires à la réalisation de la production.
Dans l’un et l’autre cas, ils font valoir qu’à
terme on pourrait assister à une expression
artistique frileuse de la part des auteurs
canadiens exceptionnels et originaux de
films et d’émissions de télévision.
Communiquez avec :
Jeanette Lee à Toronto à
[email protected]
Canada :
Les produits culturels canadiens et le
phénomène de la « longue traîne » :
les nouveaux facteurs économiques
de la production et de la distribution
au Canada — Partie III
Cet article poursuit notre série de quatre qui
traite l’incidence des nouvelles technologies
sur les produits culturels. Il examine l’avenir
du secteur de la télévision à l’égard des
changements technologiques. L’avenir de ce
secteur dépend du maintien d’un marché
canadien distinct pour les droits audiovisuels.
Remarques de McCarthy Tétrault :
Les banques pourraient être découragées
de consentir les prêts nécessaires à des
productions plus « extrêmes » ou risquées
si les projets sont susceptibles de ne pas
être admissibles aux crédits d’impôt à ces
conditions subjectives.
Si les lignes directrices sont mises en place,
certains opposants font valoir qu’il s’ensuivra
une autocensure — les auteurs et producteurs
Page 52
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Les radiodiffuseurs canadiens bénéficient
d’un certain nombre de mesures de
protection, notamment les cinq mesures
suivantes :
1. des restrictions dans l’attribution de
licences aux nouveaux radiodiffuseurs
concurrents de télévision en direct
captée gratuitement au Canada,
notamment des exigences en matière
de propriété étrangère;
2. des dispositions obligatoires et
prioritaires pour les signaux de
télévision canadiens d’entreprises de
câblodistribution et de communications
par satellite;
3. la politique relative à la substitution
de signaux identiques applicable
aux signaux importés des stations
américaines « 4+ », qui avantage les
radiodiffuseurs canadiens de télévision
en direct captée gratuitement,
diffusant le même programme au
même moment;
4. l’article 19.1 de la Loi de l’impôt sur
le revenu, qui n’admet pas les frais de
publicité engagés par des annonceurs
canadiens sur des stations américaines
à titre de dépense d’entreprise; et
5. des dispositions pénales relativement à
la réception non autorisée de signaux
chiffrés.
Il est intéressant de noter que ces cinq
mesures de protection ne sont pas propres
au Canada. Les États-Unis ont mis en place
ces mêmes cinq mesures de protection afin
de soutenir leurs radiodiffuseurs locaux.
En fait, les États-Unis protègent davantage
leurs radiodiffuseurs locaux à deux égards.
En premier lieu, les entreprises de
câblodistribution et de communications par
satellite aux États-Unis ne peuvent diffuser
Page 53
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
d’autres versions des signaux d’un réseau
(soit décalés dans le temps ou autrement)
dans les marchés locaux, mais doivent
respecter le territoire exclusif des stations
affiliées locales d’un réseau. Au contraire,
les entreprises de câblodistribution et de
communications par satellite peuvent
diffuser des signaux de télévision
canadiens et américains en direct captés
gratuitement et décalés dans le temps
dans des marchés partout au Canada. Les
stations affiliées locales d’un réseau aux
États-Unis, jalouses de leur exclusivité sur
le marché, ne permettraient jamais cela.
En deuxième lieu, plutôt que d’imposer
les règles relatives aux « obligations
réglementaires de transmission », les
radiodiffuseurs locaux aux États-Unis
peuvent choisir d’exiger le « consentement
pour la retransmission » des entreprises de
câblodistribution locales, ce qui peut se
traduire par un « tarif de distribution ».
Le Conseil de la radiodiffusion et
des télécommunications canadiennes
(le « CRTC ») examine actuellement s’il
devrait adopter un régime semblable
au Canada.
Le Canada possède lui-même quelques
mesures de protection. Par exemple, il
interdit les services de diffusion payants
et spécialisés américains concurrents par
les entreprises de câblodistribution et de
communications par satellite canadiennes,
afin de soutenir les équivalents locaux
offrant ces services. Toutefois, le
Canada n’interdit pas la diffusion de la
programmation américaine de ces services.
Le Canada ne dispose donc pas de la station
HBO, mais bénéficie tout de même de
toute la programmation de la station HBO.
Les gens qui militent en faveur de la
« déréglementation de la diffusion » oublient
souvent que les lois américaines équivalent à
bien des égards aux lois canadiennes.
Par exemple, les gens qui prônent un
accord à « ciel ouvert », c’est-à-dire qui
souhaitent voir l’abolition des frontières,
ne réalisent peut être pas que les lois
américaines interdisent la réception de
Bell ExpressVu et de Star Choice aux ÉtatsUnis, tout comme les lois canadiennes
interdisent la réception de DirecTv ou
d’EchoStar au Canada.
Canada pour supprimer ces mesures. En
fait, comme l’illustre l’affaire iCraveTV,
les titulaires de droits de programmation
américains sont en faveur du renforcement
des mesures servant à protéger l’intégrité
de la frontière canadienne concernant
les droits d’auteur. La seule pression
commerciale américaine se manifeste
quand on suggère que les politiques du
CRTC pourraient réduire le statut actuel
des intervenants qui ont un accès limité
au marché canadien (comme Spike ou
Country Music Television).
Ainsi, pour ce qui est de l’intégrité du
marché canadien des droits, les principaux
intervenants de l’industrie ne souhaitent
pas de changement important dans les
politiques qui la protègent.
Les lois canadiennes et américaines, ainsi
que les mesures réglementaires, visent
à protéger l’intégrité des droits sur le
marché. (En plus d’appuyer les droits
d’auteur, les lois canadiennes appuient
les règles du CRTC.)
Contrairement à l’opinion populaire, ni la
venue des satellites de radiodiffusion
directe ni l’introduction de l’accès Internet
haute vitesse n’ont « érodé » la force du
secteur de la radiodiffusion au Canada
en pratique.
L’élément sous jacent crucial du système
de radiodiffusion canadien réside dans
le fait que le marché canadien de la
radiodiffusion pour les programmes est
différent de celui des États Unis. De plus,
les titulaires de droits d’auteur des
deux côtés de la frontière souhaitent
généralement conserver cette pratique.
La pénétration des services américains
de radiodiffusion directe par satellite au
Canada continue d’être un irritant, et
le renforcement des amendes en vue de
contrer les marchés noir et gris demeurera
nécessaire. Toutefois, la pénétration
de DirecTv et d’EchoStar ne représente
qu’une fraction de la pénétration des
fournisseurs canadiens autorisés, soit Bell
ExpressVu et Star Choice, qui ont obtenu
un franc succès.
À cet égard, il est important de noter que
les États-Unis ne font pas pression sur le
Page 54
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Pour ce qui est des satellites, les auditoires
indiquent une préférence marquée pour
les services locaux offrant un assortiment
d’émissions nationales et importées.
La part de téléspectateurs de chaînes
étrangères disponibles par câble ou
satellite en Grande-Bretagne, en France,
en Allemagne, en Italie, en Grèce, en
Espagne et au Portugal est inférieure à 5 %
et, dans certains cas, elle est même nulle.
La clé est d’occuper l’espace avec des
services locaux faisant partie des créneaux
populaires.
Pour ce qui est d’Internet, il s’agit sans
aucun doute d’un nouveau média puissant.
Sans pour autant constituer une menace
pour la diffusion traditionnelle, Internet
comporte certaines faiblesses particulières
ainsi que certaines forces.
Dans son rapport portant sur l’incidence
de la technologie adressé au gouverneur
en conseil, déposé le 14 décembre 2006,
le CRTC a divisé le contenu audiovisuel
sur Internet en trois grandes catégories :
•
•
Contenu généré par les utilisateurs —
Ce type de contenu tend à être peu
coûteux à produire, il est en majeure
partie non commercial et de qualité
inférieure. Ce type de contenu se
manifeste en raison du succès des sites
de réseautage social comme YouTube
et MySpace.
Contenu commercial relativement
peu coûteux — Ce contenu comprend
entre autres des nouvelles et des clips
Page 55
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
sportifs, de musique, d’information et
de divertissement. Ce type de contenu
canadien abonde actuellement à la
télévision et à la radio canadienne et
est généralement viable au Canada sans
bénéficier directement de subventions
importantes.
•
Programmation de haute qualité,
relativement onéreuse — Ce type de
contenu comprend notamment des
dramatiques et des documentaires et
est populaire à la télévision canadienne,
mais n’est généralement pas réalisé au
Canada sans d’importantes subventions.
Le contenu canadien compris dans cette
catégorie demeure en grande partie non
rentable.
Ce classement en trois catégories est
pratique, car il permet de se concentrer
sur la troisième catégorie, à l’égard de
laquelle la production de contenu canadien
a le plus besoin d’aide et les ressources
économiques sont les plus problématiques.
La programmation des deux premières
catégories n’est pas confrontée aux mêmes
menaces économiques, et le contenu
canadien de ces catégories semble
prendre de l’ampleur sur Internet. Dans
son rapport, le CRTC a indiqué ce qui suit :
Il est évident que l’ouverture
d’Internet et d’autres nouveaux médias
numériques favorise l’éclosion d’un
contenu audiovisuel non commercial
créé par des utilisateurs canadiens.
Ce type de contenu semblerait aussi
déborder le cadre voulu de la Loi. Quoi
qu’il en soit, il n’exigerait encore
aucune intervention réglementaire.
Pour ce qui est de la deuxième
catégorie, le contenu commercial
relativement peu coûteux, les
entreprises canadiennes font la
preuve qu’elles se livrent à une
concurrence positive sans intervention
réglementaire. Par exemple, les sites
Web canadiens prédominent dans
les catégories des nouvelles et des
informations avec 17 des 20 meilleurs
sites les plus populaires (d’après
le nombre de visiteurs par mois).
Le conseil n’a pas eu d’élément
particulier de preuve sur la capacité
ou l’utilisation du contenu canadien
sur Internet mais, au moins dans cette
catégorie, il ne semble absolument ni
fondé, ni opportun d’intervenir de
façon réglementaire.
Les divergences d’opinion les plus
marquées concernent la troisième
catégorie, le contenu relativement
onéreux de haute qualité, qui fait
son apparition sur Internet et sur les
plateformes mobiles.
C’est dans cette troisième catégorie,
soit « la programmation de haute qualité,
relativement onéreuse, comme des
dramatiques et des documentaires »,
qu’il est crucial que les radiodiffuseurs
privés canadiens maintiennent l’intégrité
du marché des droits de façon à utiliser
les profits tirés des programmes de
haute qualité importés afin de soutenir
Page 56
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
la création de dramatiques et de
documentaires canadiens. Internet dit
« sans frontière » menace-t-il l’intégrité
des droits du marché canadien à cet égard?
En fait, au fur et à mesure que les
titulaires de droits commencent à utiliser
Internet pour offrir des téléchargements de
films et d’autres programmes audiovisuels,
ils commencent à utiliser les mêmes
frontières géographiques et les mêmes
cases horaires que celles qui s’appliquent
à la télévision traditionnelle. En effet,
aux États-Unis, vous pouvez obtenir
des épisodes téléchargés de Beautés
désespérées pour 1,99 $ l’épisode, mais
seulement un jour après la diffusion de
l’épisode sur le réseau ABC. Cependant,
ces épisodes ne peuvent être téléchargés
sur des ordinateurs situés à l’extérieur
des États-Unis.
Comment peut-on maintenir ces frontières
sur Internet?
Il s’agit là d’une question fort intéressante.
L’élément de réponse clé se trouve dans
l’adresse du protocole Internet (IP) qui est
attribuée à chaque ordinateur accédant
à Internet par l’intermédiaire d’un
fournisseur de services Internet. Lorsque
vous accédez à un site Web, vous envoyez
à ce site Web votre adresse d’ordinateur.
Pourquoi? Pour que le site Web puisse
retourner les données à votre ordinateur
personnel.
Évidemment, il existe des millions
de ces adresses. Mais des entreprises,
principalement au Japon, ont créé
des listes de ces adresses avec leur
emplacement correspondant. De cette
façon, elles peuvent établir que certaines
catégories d’adresses sont attribuées à des
ordinateurs au Canada ou aux États-Unis.
Les listes sont mises à jour toutes les
heures. Lorsque vous accédez à un site
Web, le site Web peut donc repérer votre
adresse sur ces listes et vous répondre :
« Désolé, nous ne desservons pas votre
territoire », ou encore il peut vous
diriger vers un site Web plus approprié.
Il existe un certain nombre de fournisseurs
de ces listes, notamment Akamai,
Limelight, Tometa et RealNetworks. Il
s’agit d’entreprises internationales dont
les serveurs de fichiers se trouvent dans
plus de 100 pays et qui gèrent le trafic
Internet partout dans le monde pour des
entreprises de médias de grande envergure.
Un examen des énoncés figurant sur le
site Web de ces entreprises permet d’en
apprendre davantage à ce sujet. Voici un
extrait tiré du site Web d’Akamai.com :
[TRADUCTION] Le service de délivrance
de licence d’Akamai est un service
intégré permettant de sécuriser,
d’offrir et de monétiser le contenu
audio et vidéo de grande valeur sur les
ordinateurs personnels et les appareils
portatifs. Ce service permet au
propriétaire de contenu de protéger
son contenu et de le rendre disponible
aux fins de commerce électronique au
moyen d’une vaste gamme de modes de
Page 57
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
paiement pour les clients : télévision
à la carte, inscription, usage limité,
impossibilité de reproduction et bien
d’autres. Caractéristiques clés :
géolocalisation afin de contrôler la
distribution.
L’extrait suivant est tiré du site Web de
Tometa Software :
[TRADUCTION] Grâce à sa trousse de
développement logiciel, à son soutien
par courriel gratuit et à ses exemples
de code dans pratiquement toutes les
langues, Tometa WhereIs fournit
facilement l’information relative à
l’emplacement géographique des
visiteurs Internet et aux adresses IP.
La technologie de géolocalisation IP à
la fine pointe et les bases de données
mises à jour constamment permettent
de vous fournir l’information suivante
en insérant une seule ligne de code dans
votre programme ou votre site Web :
ville (p. ex. Spokane), État ou région
(p. ex. Washington), pays (p. ex. ÉtatsUnis d’Amérique), indicatif régional
(p. ex. 509), latitude, longitude, adresse
IP, indicatif de pays (p. ex. É.-U.),
code DMA (p. ex. 881), code de région
(p. ex. WA), graphique du drapeau du
pays (grand ou petit) et liste complète
des pays.
L’extrait suivant est tiré du site Web de
Shareme.com :
[TRADUCTION] Le système GeoBlock
filtre tout le trafic du client jusqu’à
votre serveur Web selon les
emplacements que vous choisissez.
Vous pouvez même bloquer certains
emplacements, en précisant l’État ou
la ville. La plupart des tentatives de
piratage proviennent de secteurs et
de pays en particulier. Arrêtez-les
avant même qu’ils n’aient commencé
et protégez votre site grâce à
GeoBlock![...] En utilisant le service
Web de Tometa WhereIs pour vos mises
à jour, GeoBlock maintient une base
de données constante et à jour de
chaque adresse IP sur Internet et de
l’emplacement de ces adresses IP.
Finalement, voici un extrait tiré du site
Web de RealNetworks.com :
[TRADUCTION] Le blocage géographique
vous permet de configurer des règles
administratives en fonction de
l’emplacement géographique de
vos utilisateurs finaux. Utilisez le
blocage géographique pour analyser
où sont situés vos utilisateurs ou pour
bloquer l’accès à certaines régions
géographiques en fonction des droits
de diffusion.
Y a-t-il des frontières sur Internet? Oui, il y
en a. Non seulement ces frontières sont
possibles, mais pour un produit audiovisuel
de grande valeur, elles sont nécessaires
afin de maintenir l’ordre du marché aux
fins de l’exploitation des droits. Et tout
le monde les utilise : CBS, NBC, Fox, ABC,
CTV, Global — tous ces diffuseurs utilisent
un logiciel de géolocalisation afin de
Page 58
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
contrôler la diffusion des programmes
audiovisuels de grande valeur. Bien que
ces systèmes ne soient pas à toute
épreuve, ils sont considérés comme
étant efficaces à 95 %.
Le but de ce contrôle renvoie aux facteurs
économiques liés à la culture que nous
avons examinés plus tôt. Les revenus du
monde de la télévision sont générés par
« la programmation de haute qualité,
relativement onéreuse, comme des
dramatiques et des documentaires ».
Cette programmation doit être financée
initialement et est très risquée. Lorsque
ces émissions obtiennent du succès,
et qu’elles figurent au palmarès des
20 meilleures émissions dont tout le
monde parle autour de la machine à café,
elles peuvent être très rentables, mais
uniquement si elles peuvent être vendues
à de multiples plateformes dans différents
territoires et à divers prix. Les frontières
deviennent donc importantes.
Cela étant dit, retournons au rapport d’IBM
de 2006. Internet marquera-t-il la fin de la
télévision comme nous la connaissons?
Pas vraiment. En fait, si vous posez cette
question aux dirigeants de l’industrie de
la télévision, tous vous diront qu’Internet
est important, qu’ils souhaitent que leurs
émissions fassent l’objet de publicités
et soient téléchargées, que ce soit sur
Internet ou sur téléphone cellulaire,
mais ces plateformes additionnelles sont
loin d’anéantir les cotes d’écoute de la
télévision et contribuent plutôt à
l’augmentation des cotes d’écoute de la
télévision.
En encourageant une émission et en
permettant aux gens de reprendre des
épisodes manqués des dramatiques, ces
plateformes augmentent l’engouement
pour la télévision.
Les chiffres le démontrent clairement.
Si l’on examine plus particulièrement la
télévision au Canada, malgré la venue
des satellites et d’Internet au cours
de la dernière décennie, le nombre de
visionnements et la part de l’auditoire dont
profitent les télédiffuseurs d’émissions
payantes et spécialisées ont augmenté au
lieu de diminuer.
Lorsqu’on analyse ces chiffres, et qu’on
examine le fonctionnement d’Internet,
on peut en conclure qu’il est peu probable
que les télédiffuseurs seront décimés par
Internet ou par la télévision mobile au
cours des prochaines années. Bien qu’une
hausse marquée des revenus de la
télévision en direct captée gratuitement
dans l’avenir semble peu probable, une
baisse marquée semble tout aussi
improbable. Tous semblent d’accord pour
dire que, pour diverses raisons d’ordre
juridique et économique, les nouveaux
services sur des médias non réglementés
ne risquent pas de décimer ou d’anéantir
la télévision traditionnelle.
En résumé, il devient de plus en plus
évident qu’Internet viendra compléter, et
Page 59
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
non remplacer, les médias traditionnels.
La probabilité qu’Internet anéantisse la
télévision est aussi faible que la probabilité
que la télévision détruise la radio, ou que
tout autre « nouveau » média n’entraîne
l’extinction des livres.
En fait, au cours des cinq dernières
années, les cotes d’écoute des services
de télévision canadiens ont augmenté
aux dépens des services de télévision
américains, notamment en raison de la
baisse des cotes d’écoute des stations
américaines. La venue d’Internet, des
DVD et des téléphones cellulaires a une
incidence négligeable sur les cotes
d’écoute de la télévision. Même si la
croissance des revenus de la télévision
traditionnelle canadienne a ralenti au cours
des cinq dernières années, les revenus de
la télévision payante et de spécialité
canadienne ont augmenté de façon
marquée, et ce, malgré la venue
d’Internet, des DVD et des appareils
mobiles.
Le 20 mars 2007, le CRTC a comparu
devant le Comité permanent du patrimoine
canadien. En 2006, le CRTC a mené une
importante enquête afin de déterminer
l’incidence de la nouvelle technologie
sur les diffuseurs canadiens. Voici les
conclusions du CRTC à cet égard :
Bien que la consommation de nouvelles
technologies soit en croissance, nous
avons observé que cette croissance
avait une incidence minime sur le
système réglementé. Les Canadiens
consomment encore la grande majorité
des émissions par l’intermédiaire
d’entreprises de radiodiffusion
réglementées et les nouvelles
technologies ont joué un rôle
complémentaire jusqu’à présent…
(italiques ajoutés par le rédacteur)
Il est important de garder à l’esprit ces
points aux fins de la production de contenu
canadien. Comme nous l’avons mentionné,
la viabilité des radiodiffuseurs canadiens
dépend du maintien de droits canadiens
distincts sur le marché relativement aux
productions de haute qualité plutôt
onéreuses. Dans le cas de la télévision
privée, les radiodiffuseurs canadiens
doivent contrôler la diffusion d’émissions
étrangères qui génèrent des profits au
Canada. Ce n’est qu’à ce moment qu’il
est possible de commander des émissions
canadiennes de grande valeur qui peuvent
faire leur entrée sur le marché.
Par conséquent, les nouvelles technologies
risquent d’avoir un effet d’addition et de
promotion, et non de substitution. Les
licences multi-plateformes augmenteront et
du contenu en format réduit personnalisé
sera créé pour les appareils mobiles et
Internet. On constatera des distinctions
entre les générations pour ce qui est des
tendances d’usage également, de même
que pour l’utilisation du contenu en format
réduit, afin de remplacer la diffusion
traditionnelle dans les lieux comme le
transport en commun, les salles d’attente,
les coins-repas et ainsi de suite. Mais la
Page 60
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
télévision que nous connaissons survivra et
notre capacité à réglementer la télévision
subsistera.
Une étude menée en 2007 par le
Convergence Consulting Group appuyait
cette thèse. Dans cette étude, on notait
que les facteurs économiques d’Internet
n’appuyaient pas la migration des émissions
télévisées traditionnelles vers la télévision
sur le Web, tant du point de vue des
dépenses que du point de vue pratique pour
les téléspectateurs ainsi que du point de vue
du rendement pour les titulaires de droits
d’auteur. De plus en plus, les observateurs
notent que la télévision traditionnelle et
spécialisée est très robuste.
Sans vouloir minimiser l’effet négatif
d’Internet en ce qui a trait au piratage,
il est vrai que les téléchargements non
autorisés de matériel audiovisuel sont en
croissance sur Internet, mais devinez ce qui
est arrivé à YouTube lorsque Google l’a
acheté? YouTube a commencé à supprimer
le contenu illégal de grande qualité qui était
protégé par le droit d’auteur à la demande
des titulaires de droits d’auteur. Viacom a
tout de même intenté une poursuite de plus
de 1 milliard de dollars contre YouTube.
Aux États-Unis, les lois se rangent de plus
en plus du côté des titulaires de droits
d’auteur. Au Canada, la loi sur le droit
d’auteur a besoin d’être renforcée et mise
à jour afin d’appuyer nos créateurs.
Après avoir discuté de l’incidence des
changements technologiques sur les secteurs
de la télévision et du cinéma au Canada,
nous nous tournerons vers l’industrie
de la musique dans le dernier article
de cette série.
Communiquez avec :
Peter S. Grant à Toronto à
[email protected]
Page 61
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Technologie propre
CAUSES/DÉVELOPPEMENTS
JURIDIQUES
Colombie-Britannique :
Taxe sur les émissions carboniques
de la Colombie-Britannique
La Colombie-Britannique est le premier
territoire en Amérique du Nord à introduire une
taxe générale sur les émissions carboniques.
Le gouvernement de la Colombie-Britannique a
annoncé la taxe sur les émissions carboniques
dans le cadre de son budget le 19 février 2008.
Contre toute attente, la critique de la taxe
sur les émissions carboniques s’est adoucie, la
Chambre de commerce la qualifiant de « taxe
sur les émissions carboniques intelligente »
et donnant au budget une note de « A ». Un
récent sondage indique par ailleurs qu’une
légère majorité des citoyens de la ColombieBritannique appuient la taxe sur les émissions
carboniques.
Comment un gouvernement a-t-il pu introduire
une nouvelle taxe sans en subir les contrecoups
politiques? Premièrement, la taxe est neutre
sur le plan fiscal et deuxièmement elle est
faible au départ puis augmente graduellement
au taux par tonne prévu à mesure que les
marchés de carbone se développent.
La taxe sur les émissions carboniques est
neutre sur le plan fiscal puisque chaque dollar
tiré de la taxe sur les émissions carboniques
doit servir à la réduction de l’impôt sur
le revenu des particuliers et des sociétés.
Le gouvernement de la Colombie-Britannique
s’est engagé à inclure ce mandat dans
la législation de manière à ce que ni le
gouvernement actuel ni aucun gouvernement
ultérieur ne puisse succomber à la tentation
d’utiliser les fonds de la taxe sur les
émissions carboniques pour le financement
de projets spéciaux ou le règlement de
dépenses générales.
Ce moyen de taxer les activités à intensité
carbonique, tout en injectant davantage de
fonds dans l’économie entre les mains des
entreprises et des consommateurs, témoigne
de la stratégie sous-jacente du gouvernement
de la Colombie-Britannique visant à résoudre
les questions environnementales mondiales
tout en stimulant l’économie locale.
À plusieurs occasions pendant le discours
du budget, la ministre des Finances, Carole
Taylor, a souligné l’importance de jumeler
ces deux objectifs.
La taxe sur les émissions carboniques devrait
rapporter quelque 1,85 milliard de dollars au
cours des trois premières années, et la totalité
de ce montant sera retournée aux entreprises
et aux particuliers sous forme de baisses
d’impôt sur le revenu.
L’impôt sur le revenu des sociétés en général
passera de 12 % à 11 % et l’impôt sur le revenu
des petites entreprises passera de 4,5 % à
3,5 % à compter du 1er juillet 2008. L’impôt
sur le revenu des particuliers des deux niveaux
d’imposition les plus bas sera réduit de 2 % en
2008 et de 5 % en 2009.
Page 62
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
À compter du 1er juillet 2008, le prix du
carbone sera de 10 $ la tonne et augmentera
de 5 $ la tonne pour les quatre années
suivantes. Ainsi, dans la première année, le
prix de l’essence augmentera de 0,241 $ le
litre et celui du diesel de 0,0276 $ le litre.
L’achat ou l’utilisation de biocarburants,
comme le biodiesel et l’éthanol, sont dispensés
de la taxe sur les émissions carboniques.
La taxe sur les émissions carboniques de la
Colombie-Britannique est analogue à une taxe
à la consommation en ce sens qu’elle est
payable par l’utilisateur final au point d’achat
ou d’utilisation de combustibles fossiles en
Colombie-Britannique.
Remarques de McCarthy Tétrault :
carboniques alors qu’en Colombie
Britannique, les importantes ressources
hydroélectriques permettent la production
d’électricité sans trop recourir aux
combustibles fossiles.
Au cours des deux prochaines années, il est
prévu que chaque province introduira une
variété de politiques et de règlements
visant les émissions carboniques et le
développement économique dans leur
région. Suivre ces changements constituera
tout un défi.
Communiquez avec :
Cheryl L. Slusarchuk à Vancouver à
[email protected]
La taxe sur les émissions carboniques
de la Colombie-Britannique ne constitue
qu’un moyen possible d’intervention
parmi plusieurs, selon les caractéristiques
de la province en matière d’émissions
carboniques et les attentes envers le
gouvernement. Par exemple, la province
de Québec a introduit une forme de taxe
sur les émissions carboniques l’année
dernière pour favoriser le développement
de technologies vertes en percevant un peu
moins d’un sou par litre auprès des sociétés
pétrolières. Cette taxe permet de recueillir
quelque 200 millions de dollars par année.
L’expérience en Colombie-Britannique
n’est pas nécessairement applicable
dans d’autres provinces. En Alberta, par
exemple, les sables bitumineux faussent
sensiblement les caractéristiques de
cette province en matière d’émissions
Page 63
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
International :
Eco-Patent Commons — Partage
de brevets pour un environnement
plus propre et plus vert
vieux téléphones mobiles en de nouveaux
appareils comme des appareils photos
numériques.
Remarques de McCarthy Tétrault :
À la faveur d’une prise de conscience de plus
en plus généralisée à l’égard des questions
environnementales touchant la fabrication
de produits électroniques, une nouvelle
initiative de partage de brevets visant des
inventions écologiques a vu le jour. Plus tôt
cette année, IBM et le World Business Council
for Sustainable Development Team se sont
associés à Nokia, Pitney Bowes et Sony pour
créer Eco-Patent Commons.
L’Eco-Patent Commons vise à créer un
portefeuille partagé de brevets et à
encourager l’innovation dans le domaine de
la durabilité de l’environnement. On espère
que la collaboration et la coopération facilitées
par le partage de ces brevets se traduiront
par un certain nombre d’avantages du point
de vue de l’environnement pour ses membres,
notamment la conservation de l’énergie, la
réduction de la consommation d’eau, la
prévention de la pollution et l’augmentation
du recyclage.
La participation à un portefeuille de
brevets en commun est un couteau à
deux tranchants. Alors que vous pouvez
avoir accès à des brevets de tiers, vous
devrez également fournir au portefeuille
certains de vos droits patrimoniaux. Il faut
faire preuve de prudence et prendre en
considération les exigences en matière de
dépôt et de divulgation du portefeuille de
brevets, lesquelles ne conviennent peutêtre pas à vos besoins et à vos objectifs.
Par exemple, vous pourriez avoir mis au
point un brevet particulièrement précieux
que vous ne voudriez pas inclure dans
le portefeuille, mais vous pourriez être
obligé de le faire.
Communiquez avec :
Robert Nakano à Toronto à
[email protected]
Pour devenir un membre de l’Eco-Patent
Commons, une société doit lui remettre au
moins un brevet et s’engager à ne pas le faire
valoir contre les autres membres. Les brevets
approuvés seront à la disposition des autres
membres sans frais. Les donateurs auront
un accès comparable aux brevets soumis par
les autres membres. Nokia, par exemple, a
remis un brevet visant une technologie de
recyclage pouvant aider au recyclage de
Page 64
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
Biotechnologies/
Sciences de la vie
CAUSES/DÉVELOPPEMENTS
JURIDIQUES
Canada :
Modifications au Règlement sur les
médicaments brevetés : modifications
relatives aux exigences de rapport et
aux délais
Les membres de l’industrie pharmaceutique
et biologique doivent savoir que de récentes
modifications relatives aux exigences de
rapport et aux délais en vertu du Règlement
sur les médicaments brevetés (Règlement)
sont entrées en vigueur le 6 mars 2008.
D’autres modifications, portant sur les
obligations de dépôt de documents par
voie électronique, entreront en vigueur le
1er juillet 2008. L’objectif énoncé des
modifications est d’« améliorer l’efficience
des examens du prix des médicaments
brevetés qu’effectue le Conseil d’examen
du prix des médicaments brevetés (CEPMB)
ainsi que les délais à l’intérieur desquels ces
examens pourront être faits ».
Le CEPMB est l’organisme administratif chargé
de surveiller l’application du règlement qui a
été initialement constitué aux fins d’empêcher
la tarification excessive des médicaments
brevetés au Canada. Actuellement, le breveté
doit déposer certains documents d’information
auprès du CEPMB à l’égard de quelque
médicament faisant l’objet ou susceptible de
faire l’objet d’un brevet, que le brevet soit ou
non effectivement exploité. Même si les prix
excessifs peuvent être révisés rétroactivement
à la date de publication d’un brevet, la
jurisprudence indique clairement que le
CEPMB ne peut pas faire valoir sa compétence
à l’égard d’une tarification excessive tant
qu’un brevet n’a pas été délivré.
Afin de faciliter la conformité avec les
obligations d’information en vertu du
Règlement, le CEPMB a créé trois formulaires
principaux. Ces formulaires résument le type
d’information que les brevetés sont tenus
de déposer :
•
Formulaire 1 : Identification du
médicament. Ce formulaire devait être
rempli et soumis au CEPMB 30 jours après
la réception de l’avis de conformité, ou
30 jours après le lancement du médicament
sur un marché canadien, soit la première
de ces deux éventualités.
•
Formulaire 2 : Information sur l’identité et
sur les prix du médicament. Ce formulaire
doit être rempli et soumis au CEPMB dans
le délai mentionné dans le formulaire 1.
•
Formulaire 3 : Recettes et dépenses
de recherche et développement. Ce
formulaire devait auparavant être rempli
et soumis au CEPMB dans les 60 jours
suivant la fin de l’année civile.
Page 65
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
pendant les deux années qui suivent la
demande, dans les 30 jours qui suivent
chaque période de six mois.
Les principales modifications au règlement sont :
1. Formulaire 1:
•
Les premiers renseignements concernant le
médicament breveté doivent être soumis
dans les sept jours suivant le jour de la
délivrance d’un avis de conformité ou
dans les sept jours suivant la première
vente du médicament au Canada. Ces
renseignements doivent aussi être
accompagnés de la monographie du
produit ou des renseignements analogues.
Les mises à jour du formulaire 1, telle la
délivrance de nouveaux brevets, peuvent
toujours être soumises dans les 30 jours
suivant la délivrance du brevet.
2. Formulaire 2 :
•
L’information sur l’identité et sur les prix
d’un médicament d’ordonnance breveté
destiné à un usage humain au jour de sa
première vente au Canada doit désormais
être fournie dans les 30 jours qui suivent
ce jour.
•
L’information sur l’identité et sur les prix
d’un médicament sans ordonnance destiné
à un usage vétérinaire doit désormais être
soumise seulement après la réception
d’une plainte. Ainsi, un breveté doit
soumettre au CEPMB l’information
nécessaire pour chaque période de six mois
commençant le 1er janvier et le 1er juillet
de chaque année, dans les 30 jours qui
suivent la date à laquelle le CEPMB envoie
une demande en réponse à une plainte
concernant le prix d’un médicament, et
3. Les nouvelles exigences de rapport par voie
électronique s’appliquent à l’information
qui doit être soumise au CEPMB. Les
brevetés devront fournir l’information
au CEPMB au moyen d’un document
électronique déterminé, selon le format
et le type de fichier original, portant la
signature électronique de la personne
dûment autorisée attestant l’exactitude
et l’intégralité des renseignements
fournis. Ces exigences de rapport par
voie électronique entreront en vigueur
le 1er juillet 2008.
Communiquez avec :
Anita Nador à Toronto à
[email protected]
ou
Ian K. Bies à Toronto à
[email protected]
Page 66
CoConseil : le trimestriel du droit de la technologie, volume 4, numéro 1
CoConseil
CoConseil McCarthy Tétrault :
droit de la technologie
droit des affaires
droit du travail et de l’emploi
litige
Les publications CoConseil McCarthy Tétrault sont conçues
pour vous aider à comprendre de quelle façon les changements
et les faits nouveaux dans le domaine du droit influent sur
votre entreprise. Chaque CoConseil explore en profondeur un
domaine du droit en particulier et contient des commentaires
ainsi que de l’information sur les sujets juridiques qui,
selon nous, sont les plus pertinents pour vous. À l’heure
actuelle, nous publions des CoConseil axés sur
le droit de la technologie, le droit des affaires,
le droit du travail et de l’emploi et le litige.
Pour lire les autres publications CoConseil McCarthy Tétrault
ou pour vous y abonner, veuillez consulter notre site Web.
VANCOUVER
P.O. Box 10424, Pacific Centre
Suite 1300, 777 Dunsmuir Street
Vancouver (Colombie-Britannique) V7Y 1K2
Tél. : 604-643-7100 Téléc. : 604-643-7900
CALGARY
Suite 3300, 421 - 7th Avenue SW
Calgary (Alberta) T2P 4K9
Tél. : 403-260-3500 Téléc. : 403-260-3501
TORONTO
Box 48, Suite 5300
Toronto Dominion Bank Tower
Toronto (Ontario) M5K 1E6
Tél. : 416-362-1812 Téléc. : 416-868-0673
OTTAWA
The Chambers
Suite 1400, 40 Elgin Street
Ottawa (Ontario) K1P 5K6
Tél. : 613-238-2000 Téléc. : 613-563-9386
MONTRÉAL
Bureau 2500
1000, rue De La Gauchetière Ouest
Montréal (Québec) H3B 0A2
Tél. : 514-397-4100 Téléc. : 514-875-6246
QUÉBEC
Le Complexe St-Amable
1150, rue de Claire-Fontaine, 7e étage
Québec (Québec) G1R 5G4
Tél. : 418-521-3000 Téléc. : 418-521-3099
ROYAUME-UNI et EUROPE
5 Old Bailey, 2 e étage
Londres, Angleterre EC4M 7BA
Tél. : +44 (0)20 7489 5700 Téléc. : +44 (0)20 7489 5777
Tous les efforts ont été déployés pour s'assurer de l'exactitude et de l'à-propos de la présente publication, mais les observations contenues aux présentes sont nécessairement
de portée générale. Les clients sont priés de demander des conseils précis sur les questions qui les concernent et de ne pas se fier uniquement au texte de la présente.

Documents pareils