Les restructurations dans les hôpitaux publics en France
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Les restructurations dans les hôpitaux publics en France
25 2e semestre 2011/HesaMag #04 Dossier spécial 14/23 Les restructurations dans les hôpitaux publics en France Dans le cadre d'une étude européenne, le cabinet Secafi, spécialisé en santé au travail, a réalisé un rapport sur la réforme des hôpitaux publics français. Le constat est sans équivoque : les restructurations posent de graves problèmes de santé pour les travailleurs concernés. Michel Agostini, Francis Lavril, Jean-Claude Vaslet Secafi, cabinet d’expertise en conditions de travail, santé et sécurité au travail, France Le programme de restructuration des hôpitaux publics en France s'accompagne de nouvelles méthodes d'organisation et de gestion, inspirées du secteur privé. Un choc culturel mal vécu par le personnel. Image : © Odilon Dimier, PhotoAlto 26 2e semestre 2011/HesaMag #04 Durant l’entretien avec la responsable hiérarchique de cet hôpital chargée de piloter un redéploiement important, les larmes affleurent en permanence : "C’est dur, c’est lourd, c’est illogique… Je n’y arriverai pas !" Une infirmière du même hôpital exprime son désarroi : "Je n’en peux plus ! On nous demande de faire plus avec moins… On doit tout faire trop vite au détriment des malades. C’est mon éthique du métier et mon sens du service public qui sont remis en cause." Ces réactions sont légion et disent mieux que toutes les démonstrations le mal-être qui frappe, aux divers niveaux de la hiérarchie, les professionnels confrontés aux restructurations des hôpitaux publics. L’une par rapport au pilotage de réformes qu’elle ne cautionne pas, l’autre confrontée aux modifications de l’exercice de son métier et du sens dont il est porteur. Le cabinet Secafi, spécialisé en analyse des conditions de travail, a réalisé au cours de ces deux dernières années 40 missions d'expertise à la demande des représentants du personnel des Comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) d’hôpitaux publics français en cours de restructuration. Une synthèse de ces expertises a été réalisée dans le cadre de "Hires plus", un projet européen dont l'objectif est d'examiner l'impact des restructurations sur la santé des travailleurs des services publics. Au cours de la totalité de ces missions, nous avons été confrontés à des situations très diverses liées à la taille des établissements (entre 200 et plusieurs milliers de personnes), à la nature de ces établissements (centres hospitaliers universitaires, centres hospitaliers régionaux et locaux, établissements publics hébergeant des personnes âgées dépendantes, hôpitaux psychiatriques), et à leur implantation géographique (toutes régions, zones urbaines et rurales). La diversité se trouve également dans les projets de réorganisation qui peuvent être liés à des déménagements physiques, à des changements organisationnels, à des évolutions technologiques ou logistiques. Malgré ces réalités diverses, nous avons pu observer dans chaque établissement les effets identiques des mesures de rigueur économique dictées par la tutelle politique tels que des modifications du nombre de postes, des réorganisations des horaires de travail et, plus généralement, des conditions de travail. Il est indéniable que les plans de retour à l’équilibre financier des établissements publics hospitaliers soulèvent les problématiques Dossier spécial 15/23 " On nous demande de faire plus avec moins… On doit tout faire trop vite au détriment des malades. C’est mon éthique du métier et mon sens du service public qui sont remis en cause. " de restructuration et de réorganisation semblables à celles des secteurs d’activité privés. Les concepts abordés sont à cet égard significatifs : mutualisation, polyvalence, concentrations, externalisations, restructurations et, au travers des démarches "lean", maîtrise des flux, valeur ajoutée par processus, chasse non seulement au gaspillage, mais à tout acte considéré comme non "productif", standardisations, etc. Dès lors, les conséquences en matière de conditions de travail doivent être examinées avec les mêmes grilles que dans les autres secteurs d’activité, sans oublier deux variables supplémentaires : la "charge émotionnelle"1 inhérente à tout salarié travaillant en relation directe avec les patients et la conviction citoyenne d’appartenir à un "service public" de santé. Un dialogue social réduit En France, les salariés des hôpitaux publics disposent du statut de fonctionnaire et sont soumis, à ce titre, au principe d’autorité, qui impose au fonctionnaire le respect des décisions de sa hiérarchie et l’obligation de les appliquer. Les décisions essentielles sont issues de la sphère politique nationale. Le pouvoir de négociation s’en trouve limité. En ce qui concerne les établissements qui sont dans l’obligation de mettre en œuvre ces décisions, leur latitude pour faire évoluer les projets en intégrant les effets du dialogue social en est d’autant plus réduite. Les procédures d’information et de consultation des représentants du personnel ne s’inscrivent pas dans un cycle de négociation. Les projets d’ensemble sont découpés en sous-projets. Quand ces procédures sont effectivement respectées, elles traitent sousprojet par sous-projet et ne permettent que rarement d’avoir une vision complète des réorganisations en cours. Le rythme des projets est tel que les représentants des personnels, de même que l’encadrement chargé de les mettre en œuvre, sont dans l’incapacité de se les approprier et se trouvent sans réelles marges de manœuvre. Dans ces conditions, la parole des représentants du personnel n’a que peu de poids et leur avis n’est que rarement pris en compte. Le dialogue social, déjà limité en temps normal, s’en trouve alors d’autant plus réduit. Les aspects positifs de la procédure de consultation ne sont pas mis en valeur. Le management participatif avec des groupes de travail montre également ses limites. Les salariés estiment que ces groupes de travail sont davantage utilisés par les directions pour communiquer des décisions que pour développer avec les travailleurs et leurs représentants des solutions permettant d’améliorer la qualité du travail. Cela ne renforce pas leur confiance en l’institution. Ils constatent souvent qu’au contraire cette participation se retourne contre eux-mêmes, au travers de solutions standardisées et impersonnelles. Le sentiment de s’être fait manipuler devient alors dominant. Ces constats valent pour la quasi-totalité des situations étudiées. Cependant, dans certains établissements, un rapport de force syndical favorable, conjugué à l’appui de l’expert, a pu permettre des avancées 27 2e semestre 2011/HesaMag #04 Dossier spécial 16/23 Le cadre des restructurations des hôpitaux en France significatives sur les plans de la limitation de la précarité, de l’atténuation des effets négatifs des restructurations au plan organisationnel et de l’élaboration concertée de dispositifs de prévention et de suivi. Le statut des personnels : les personnels des hôpitaux publics sont fonctionnaires. En France, la notion de fonction publique fait référence à un ensemble de dispositions législatives et réglementaires qui fixe la nature des relations de travail entre toute personne physique et l’employeur public que ce soit l’État, les collectivités territoriales ou les hôpitaux publics. Il existe deux grands types de contrats : —le fonctionnaire titulaire, sélectionné par concours, bénéficie d’un emploi et d’un déroulement de carrière garantis ; —le non titulaire dispose d’un contrat ne lui apportant aucune des garanties précédentes. Nouvelles modalités organisationnelles et conditions de travail Le cadre politique des restructurations : une réorganisation du système de santé publique français est en cours depuis 1991 et réforme l’ensemble des politiques : financement, gouvernance, offre de soins, etc. Parmi les principales modifications, citons : —les députés déterminent annuellement les dépenses prévisionnelles autorisées des établissements ; —depuis 2005, les hôpitaux sont contraints d’appliquer la tarification à l’acte et les normes de gestion du secteur privé ; —le système de gouvernance est confié au seul pouvoir de décision du directeur de l’hôpital ; —les plans de retour à l’équilibre planifient les suppressions de postes. D’après l’Institut national de statistique (Insee), il y a eu 10 000 suppressions entre 2007 et 2009. 1. Sur les conflits de valeur voir, notamment : DARES/ DRESS (2009) Rapport du Collège d’expertise : mesurer les facteurs psychosociaux de risques au travail pour les maîtriser. Les nouvelles modalités organisationnelles entraînent des modifications importantes sur les conditions de travail de l’ensemble des personnels. Un vocabulaire issu du monde économique fait irruption dans l’hôpital. Des termes tels qu’"optimisation des moyens", "rationalisation", "valeur ajoutée par processus", "sécurisation des processus" concurrencent désormais le jargon médical. La "gestion par maîtrise des coûts", autrement dit la chasse au gaspillage, devient le leitmotiv. Cette nouvelle "dynamique gestionnaire" débouche sur une standardisation des pratiques qui implique la mise en place de procédures et la suppression ou la limitation de toute action estimée inutile. Les procédures, souvent nécessaires d’un point de vue médical, sont conçues pour un fonctionnement totalement stabilisé avec les effectifs constants et formés. En période de réorganisation, les environnements et les effectifs sont déstabilisés et ne répondent pas toujours aux exigences des procédures. Cela génère des différences entre "travail prescrit" et "travail réel" qui sont supportées par les individus au prix d’un état de stress permanent. "Les règles m’imposent de réaliser la toilette d’un patient non valide en cinq minutes et je dois également renseigner par informatique les procédures qualité qui exigent des actes que je n’ai plus le temps d’effectuer", confie une aide-soignante. Quant à la définition bureaucratique des "actions inutiles", elle remet en cause directement les temps d’échange en équipe et le temps passé avec les malades et leurs proches. On touche aux fondamentaux du professionnalisme et du sens du travail, à la représentation par le soignant de son utilité sociale. La contrainte économique provoque un changement qualitatif de la nature du soin et de l’accompagnement apportés au malade qui est très mal vécu par le personnel soignant. Se pose ici la dualité de la définition de la qualité entre chaque catégorie d’acteurs. Pour les soignants, la qualité se définit par le service au patient fondé sur la pertinence des soins et l’attention à la personne. Elle implique une prise en charge globale et coordonnée de l’ensemble des intervenants autour du malade. Les directions abordent quant à elles, la qualité comme une démarche composée d’une somme de processus désincarnés et évaluables. L’effet attendu par les directions est de se prémunir d’actions juridiques contre l’hôpital en se mettant en capacité, face aux incidents, de justifier le bon déroulement de procédures. C’est l’ensemble du système d’évaluation et des critères qui le fondent qui est interrogé. Plus qu’une résistance au changement, il faut y voir le nonpartage d’une notion considérée comme fondamentale dans des métiers qui reposent sur le soin et l’aide apportés au patient. Un débat centré uniquement sur cette notion de qualité est l’une des caractéristiques essentielles des projets de réorganisation examinés. Un autre aspect lié aux modalités organisationnelles pèse également sur les conditions de travail : l’augmentation de l’exigence administrative et de reporting (compte rendu de son activité). À l’occasion des réorganisations successives et des contraintes tant légales, sécuritaires qu’économiques, la charge de travail administratif augmente et vient polluer l’action des personnels de soins. Ces derniers subissent une transformation de leur fonction vers des tâches qu’ils ne considèrent pas comme faisant partie de l’essence même de leur travail : "Avec le système de reporting, j’ai beaucoup moins de temps à consacrer à mes malades. Je dois faire des choix sans même les voir physiquement… C’est particulièrement angoissant", témoigne une La définition bureaucratique des "actions inutiles" remet en cause directement les temps d’échange en équipe et le temps passé avec les malades et leurs proches. 28 2e semestre 2011/HesaMag #04 infirmière. Les diverses réorganisations administratives avec mutualisation des moyens conduisent le personnel administratif et son encadrement à un sentiment de course sans fin entre une exigence procédurière de plus en plus forte et des capacités réduites pour répondre à des demandes de plus en plus nombreuses. Une culture hospitalière mise à mal Toute réorganisation, même partielle, a des conséquences sur l’ensemble des activités. À titre d’exemple, les réorganisations de blocs opératoires ont des conséquences sur les services de soins, de stérilisation, de Les sept facteurs de pénibilité du métier d’infirmier 1.Plus le temps de parler aux patients : la qualité des soins en pâtit. 2. Être considéré comme un exécutant. 3. Le déséquilibre vie au travail – vie privée. 4. La pénibilité morale du travail soignant. 5.Le manque d’effectifs pour assurer des soins de qualité. 6.Des aménagements peu conçus pour faire face à la dépendance des malades. 7. Le manque de reconnaissance. D’après l'ouvrage de Madeleine Estryn-Béhar, Santé et satisfaction des soignants au travail (2008, Presses de l’école des hautes études en santé publique) qui fait suite à l’étude européenne Santé et satisfaction des soignants au travail. Dossier spécial 17/23 brancardage, de nettoyage, etc. Le découpage des projets en sous-projets, qui s’inscrit dans une logique de relation client-fournisseur, présente à cet égard des risques de non prise en compte des conséquences sur les services touchés indirectement. Or ces conséquences — nouvelles tâches, modifications d’horaires, pointes de charge dans la journée, etc. — sont souvent sous-évaluées. En outre, bon nombre de réorganisations conduisent à une externalisation de services. Sont concernés les services logistiques (nettoyage, restauration, blanchisserie, etc.), mais également des unités comme la stérilisation, les laboratoires d’analyse. Cela met à mal une culture hospitalière habituée à la prise en charge globale du patient, avec des personnels qui ont construit des collectifs autour de cette prise en charge commune. La transformation de cette prise en charge crée un choc culturel d’autant plus fort que les personnels assimilent cette approche "industrialisée" à une perte de la relation personnalisée autour du patient. Les externalisations, audelà des conséquences sur les effectifs et les statuts, posent également le problème d’une redistribution de tâches sur les salariés des autres services, avec une répercussion directe sur les charges de travail et l’affaiblissement des collectifs. Toutes les réorganisations, partielles ou globales, conduisent à une modification de la gestion du temps de travail. Dans un système soumis aux contraintes conjuguées d'effectifs calculés au plus juste et d'une exigence de temps de présence physique quotidienne autour du patient, la gestion des horaires est le premier levier organisationnel mis en œuvre. L’allongement du temps de travail quotidien souvent constaté, reconnu et analysé comme une augmentation potentielle de la fatigue et des risques, s’évalue également comme une dégradation générale des conditions de travail. Les restructurations conduisent de plus en plus souvent à des durées de travail illégales au regard du droit français et européen. Les journées de 13 heures se banalisent ; les temps de repos sont de moins en moins respectés. Or, paradoxalement, la mobilisation contre cette dégradation se heurte à des demandes du personnel de plus en plus fréquentes de rallongement de la durée de travail quotidien. Ce souhait découle des contraintes de gestion du temps familial, en particulier l'impact des trajets domicile-hôpital, mais traduit également le désir d’être le moins souvent possible au travail en nombre de jours, ce qui en dit long sur l’insatisfaction au travail généralement ressentie. Les restructurations menacent également le volume de l'emploi. En France, le statut de fonctionnaire protège les salariés des licenciements. L’adaptation des effectifs se fait donc en jouant sur le non-remplacement des départs et l’utilisation d’emplois précaires. Les objectifs, définis sur base de critères comptables, ne laissent pas de place à la confrontation avec la réalité objective du travail et des conditions de sa réalisation. Les salariés concernés constatent que ne sont prises en compte que les tâches mesurables. Les temps relationnels (avec les malades comme avec les autres agents dans le cadre du travail d’équipe) sont minorés pour ne pas dire oubliés. La polyvalence énoncée comme solution miracle introduit le sentiment de non-reconnaissance de la spécialisation et fait naître la crainte d’une déqualification. Réorganisations, pénibilité et malêtre au travail Troubles musculosquelettiques et incapacités partielles ou totales à la manutention de charges ne sont pas subitement apparus avec les réorganisations. Ces problèmes de santé étaient déjà familiers des personnels travaillant en service de gériatrie, dans les blocs chirurgicaux, et des agents assurant le ménage, le transport des charges ou des malades. Les réorganisations ne sont donc pas seules responsables de ces maux, mais elles sont clairement un facteur aggravant. La dégradation de la santé au travail de ces salariés constatée ces dernières années est à rapprocher de l’accélération des restructurations, dont la conséquence la plus directe est l’augmentation de la pénibilité. Au regard des facteurs majeurs de pénibilité relevés pour les infirmiers par le médecin du travail 29 2e semestre 2011/HesaMag #04 Madeleine Estryn-Behar (voir encadré p. 28), les réorganisations sont porteuses d’aggravation de la pénibilité du travail. Un premier indicateur de ces conditions de travail dégradées apparaît dès aujourd’hui : le recrutement de médecins à l'étranger qui témoigne de la difficulté de fidélisation des infirmiers et de la baisse importante de l’attractivité des établissements publics pour le corps médical. Un absentéisme élevé (plus de 10 %) est un autre indicateur significatif. Ces points deviennent cruciaux et l’absence (ou parfois le refus) de traitement de la notion de pénibilité dans le cadre des réorganisations est fortement préjudiciable tant à la qualité des soins qu’à la santé des personnels. Le lien direct entre le développement important des risques psychosociaux et le contexte généré par la période de restructuration est évident. L’augmentation des contraintes et des tensions se conjugue avec l’affaiblissement des ressources qui permettent à l’opérateur de tenir : sens du travail, reconnaissance, collectif de soutien.2 La perte du sens donné au travail et à la qualité du service rendu s’oppose aux fondamentaux éthiques des personnels attachés au service public de santé et au lien spécifique avec les malades. La marchandisation du soin est un facteur déterminant de mal-être au travail. Le stress est très en lien avec la rupture des rythmes et l’affaiblissement des soutiens collectifs découlant de l’affaiblissement du travail en équipe. Les personnes se retrouvent seules avec leur fatigue, leur crainte de faire des erreurs, leur déception de ne pas faire du travail de qualité et la perte de l’estime de soi. La dégradation du lien managérial, les tensions liées aux nouvelles organisations du travail et à la non-reconnaissance accroissent une tension porteuse de Dossier spécial 18/23 Une typologie des restructurations ces changements immobiliers sont souvent la conséquence de réorganisations du type précédent, elles restent le point initial autour duquel les acteurs de l’hôpital se rencontrent Les réorganisations traitées peuvent faire l’objet institutionnellement dans la gestion du projet. d’un classement suivant trois paramètres : Le nouveau bâtiment est ainsi le symbole d’une nouvelle époque qui préfigurerait une 1. Des réorganisations en lien avec une révision organisation plus efficiente que celle existant totale du projet d’établissement qui s’apparendans des locaux parfois vétustes. Mais au-delà tent aux restructurations telles qu’elles sont des conditions matérielles plus attirantes, entendues dans tout secteur économique. réapparaissent aussi les conséquences des Elles concernent toutes les structures, quelle que choix architecturaux pas toujours maîtrisés et soit leur taille. Elles conduisent à une nouvelle des réorganisations dont les modalités relèvent répartition des activités de soins et de logistique, d’impératifs économiques selon lesquels les avec ou sans regroupements, et s’accompagnent conditions de travail sont une résultante et non généralement d’une contraction des effectifs. pas un moteur de la recherche d’efficacité. Les notions de mutualisation et de polyvalence sont systématiquement mises en avant et des 3. Des réorganisations de services : elles réaménagements spatiaux (réfection ou création concernent en première approche une partie de nouveaux bâtiments) sont en général envisaseulement de l’établissement, mais elles gés. Ces restructurations entraînent parfois de s’inscrivent toujours dans un mouvement de nouvelles recompositions juridiques sous forme réorganisation plus large qui touche d’autres de regroupements qui concernent des structures services. Par exemple, une réorganisation des initialement publiques et privées, avec des évolu- blocs opératoires ne peut s’analyser sans obtions statutaires des divers personnels. server les services de soins, de stérilisation, de brancardage, de nettoyage, qui interviennent 2. Des réorganisations qui accompagnent en amont, en aval ou pendant le processus l’ouverture d’un nouveau bâtiment : même si opératoire proprement dit. dégradation de l’équilibre psychologique et d’effets néfastes sur la santé physique. La perte de sommeil, l’angoisse, l’affaissement du sentiment d'être utile et la dépression constituent des symptômes en développement que les services publics de santé doivent prendre en considération. Nous venons de voir que les réorganisations successives et quasiment continues dans les établissements publics de santé La polyvalence énoncée comme solution miracle introduit le sentiment de non-reconnaissance de la spécialisation et fait naître la crainte d’une déqualification. 2. Montreuil, E. (2011) Prévenir les risques psychosociaux. Des outils pour agir sur la pénibilité et préserver la santé au travail, Dunod. faisaient courir des risques réels de dégradation des conditions de travail des agents. Le mal-être se traduit par un sentiment d’indifférence pour un métier auquel ils sont pourtant fortement attachés, par un absentéisme lourd, par un repli sur l’approche individuelle d’un métier pourtant essentiellement collectif, par une crainte de ne pas faire correctement son métier. Dans les établissements analysés, il apparaît que les progrès envisageables passent par une profonde évolution des relations professionnelles et par une prise en compte du travail réel dans les décisions de réorganisation. Les établissements au sein desquels les risques de dégradation des conditions de travail sont débattus sont ceux où les organisations syndicales jouent, avec ténacité, leur rôle dans ce contexte difficile en pesant sur la prise en compte de la qualité et du sens donné au travail, sur la recherche d’horaires de travail qui prennent en compte les rythmes biologiques et sociaux, sur la reconstruction de temps et de lieux destinés à raffermir les collectifs de travail, sur l’intégration des problèmes de santé au travail dans une visée préventive et curative. •