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MATRIX (Wachowski Brothers.) Par Brian Addav. Matrix, Matrix, encore Matrix ? ! Bin oui, tout simplement ! A l’occasion de sa sortie en DVD et K7 en France, ce serait vraiment se voiler la face que de ne pas en parler ! Matrix est sans contexte le blockbuster le plus séduisant de ces dernières années. (Réalisé par les frères Wachowski, déjà remarqués pour leur très intéressant Bound.) Ce n’est pas un lm de SF classique à proprement parler. Lors de sa sortie en France, on a pu voir nombre de gens citer des lms tel que StarWars, Blade Runner ou 2001, et là franchement non, soyons sérieux. Des lms tels que le très sympa Dark City ou le moins bon eXistenz aurait été plus adéquat, par leurs atmosphères et leur propos. Mais avec Matrix, ce jeu des références devient très dangereux. Comme ils ne s’en sont jamais cachés, les deux frères ont beaucoup lu : bouquins, comics, mangas, bédés, vu aussi: lms d’actions, SF, lms HK, et beaucoup joué aussi. Ils ont comme toute notre génération des 25-30 ans un bagage culturel varié, riche, et ouvert sur énormément de choses. En résumé, tout ce qui est considéré comme la «sous-culture «, et qui est tout simplement la culture de la nouvelle génération. Je passe rapidement sur l’histoire même du lm, elle est sufsamment classique, proche des mythes habituels (l’élu qui découvre son vrai monde d’origine, affronte une épreuve où il se révèle à lui-même élu, etc…). Le héros, Néo, et contacté par Morpheus pour combattre la Matrice. Les machines tiennent les hommes en esclavage, à leur insu, et leur font croire qu’ils vivent dans un monde humain, via un énorme programme : LA MATRICE. De cet état de fait découle donc l’affrontement entre les humains et la machine. Heureusement, à la n, après un déluge visuel comme on en avait vu depuis longtemps, Néo gagne et s’approprie la matrice… La principale faiblesse du scénario, est à mon avis la présentation du monde réel, (quasiment occulté, voir ignoré), et l’accumulation de référence mythologique (Néo, Morpheus, Trinity...), mais à bien rééchir, c’était nécessaire pour insister sur un point ; la confrontation de deux mondes : Humain/Machine. Où ce lm se doit de faire date dans l’histoire du cinéma occidental, c’est dans sa forme : elle est pour moi exceptionnelle. Pourquoi ? Matrix est le premier lm à faire la fusion, à digérer, la plupart de nos références culturelles : · Cinéma occidental, des westerns (l’affrontement sur le toit) aux lms de SF, de Peckinpah à Lucas, en passant par Scorsese (la visite à l’oracle), Palma…, · Cinéma oriental, toute cette culture qui ne nous est publiquement accessible que depuis deux trois ans. Jon Woo (les scènes plus que gunght), Tsui Hark (les contrechamps lors des combats, à la The Blade), Daniel Lee En haut, Chow-Yun Fat dans Hard Boiled. (cuir façon Black Mask)… · Les comics américains, super héros en vrac, En bas, petit affrontement... super pouvoir…. · Les mangas japonais, Ghost In the Shell (le générique forcément), Serial Experiment Lain (juste pour l’importance du réseau, la possibilité d’y exister), · La bédé européenne, Jodo, Moebius, … · Les jeux, Mortal Kombat, et tous les autres jeux de combats…. (le combat Morpheus/Néo) Ce lm n’est pas qu’une accumulation de références. Les deux frères ont su digérer tout ce passif culturel, et le représenter à l’écran de la manière la plus simple possible. Et ce essentiellement sur ces deux points : · L’inuence du cinéma HK. · L’inuence de la culture du jeu vidéo. «Jack Burton dans les griffes du Mandarion», de John Carpenter. Eux, ce sont les gentils. Pour parler de l’intrusion du cinéma asiatique dans le cinéma occidental, on pourrait citer en premier lieu Bruce Lee, et Jackie Chan, au début des années 80. Mais cette première incursion s’est vite essoufée. Les Américains se contentant de parodies, de stéréotypes. On pourra ensuite aller voir le très bon « Jack Burton dans les griffes du Mandarin « , de Carpenter, où l’on voit les vraies traces d’une inuence orientale dans le cinéma américain. Mais le vrai départ, c’est malheureusement True Romance, et toute la vague Tarantinesque. Malheureusement car cela ne reposait que sur le côté visuel, oubliant tout ce qui était sous-entendu et lié à la notion du rapport au corps, au bien, au mal. (Ne retenant que la possibilité de tenir deux ingues, un dans chaque main, de les jeter quand ils sont vides !) Crying Freeman est la première réussite de cette fusion multi-culturelle, entre différents types de bédé et de cinéma. La justication du geste par rapport au corps. Dans Matrix, tout est justié, les acteurs font corps avec les scènes de baston, les mouvements, il y a vraiment un accord entre leurs gestes, leurs buts, etc... Néo et ses deux flingues, ça va barder... Le plus de Matrix, c’est bien sûr Yuen Wo Ping. Qui d’autres que le principal chorégraphe de HK aurait pu orchestrait les combats ? L’affrontement physique dépasse le cadre du contact pour arriver à une réelle confrontation des forces en puissances. Le combattant se doit de maîtriser, appréhender, connaître son corps, sa force. A voir où se situent ses limites, ses forces. La gestuelle devient ballet, harmonie au service d’un but. <--Trinity en pleine action. Lié à cette violence, et c’est le point incroyable du lm, c’est que le lm se place sur le plan du jeu, Vidéo. En plus, la justication est simple, Néo se bat contre un programme, à l’intérieur d’un programme, donc il joue, c’est un personnage du jeu. Donc tous les combats sont magniés, exagérés, car c’est un jeu vidéo. Rien que la première scène du lm suft à situer l’ambition des réalisateurs: Amener le jeu dans le lm. Le lm est sobre au demeurant, en lui-même, au niveau des couleurs, du jeu des acteurs. Et surtout, et c’est pour ça que je refuse de le comparer à un lm de science ction, il est limité, spatialement. Comme dans les lms HK, et comme dans les jeux vidéos. Dans la majorité de la production cinématographique, la notion de grands espaces est une particularité forte. Simple à expliquer par l’histoire et la géographie du pays. Grande étendue, et surtout une culture de pionniers, toujours plus à l’ouest. La majorité des westerns hollywoodiens se déroulent dans les grands espaces (parmi les plus récents, Silverado, Tombstone), Star Wars de même qui nous emmène au n fond de la galaxie, (ainsi que Stargate et consorts.) Ce cinéma américain est friand de liberté, de grands espaces, Cimino dans Heaven’s Gate ou The Deer Hunter, Scorsese dans Casino, les personnages principaux s’affrontent toujours au milieu de nulle part. Le duel classique du western se passe dans la rue principale, grande, unique, ouverte sur l’horizon, et dans laquelle se traînent des buissons venant du n fond du désert. Nous avons droit à des contrechamps à 180°. Dans Matrix, c’est l’option inverse qui est prise. Dans le monde réel, Néo et ses amis sont connés dans le vaisseau de Morpheus, nous n’avons qu’une impression oppressante du monde extérieur. Dans la Matrix, leur espace de liberté est limité, et délimité surtout. Au dessus, The Blade de Tsui Hark. En dessous, Jet Lee, dans Les Arts Martiaux de Shaolin. Les combats ont toujours lieu dans des sortes d’arènes, soit naturelles, à cause des immeubles... du décor, soit voulue. Là, on est limité, les contre champs sont liés au mouvement, pas au paysage. Ce qu’on peut retrouver chez Tsui Hark, (toujours The Blade). Ou encore dans la série des « Shaolin «, où vous retrouvez toutes ces notions de limitation de lieu d’affrontement, de l’espace, d’accord entre les gestes et leurs buts... Vous avez même les plans sur des positions de corps qui n’ont apparemment rien à voir avec la scène d’action, mais qui explique la technique. En plus de ces notions spatiales issues du cinéma HK et du jeu vidéo, l’autre grande surprise du lm est la parfaite représentations des codes narratifs du jeu dans le lm. On retrouve ainsi la notion du choix, la liberté qu’a le joueur de reprendre une partie, de tricher, de contourner les règles... C’est fait simplement, efcacement. Ces règles qui donne le rôle actif au joueur, sont parfaitement reprises dans la narration du lm pour le spectateur qui sera toujours passif lui. Il y a bien sûr la scène des pilules (Blue Pill/ Red Pill), mais aussi la vie dans le monde la matrice, leur façon d’y bouger, d’en faire plus, d’appréhender les règles du jeu (comment sauter d’immeuble en immeuble, etc…) Néo est dans le rôle du joueur qui découvre un jeu, et doit le maîtriser… En haut, Néo s’inite au combat dans la matrice avec Morpheus. En bas, Mortal Kombat 4. Ce lm réussit à totalement ingérer les références des jeux vidéos, et à les transcrire cinématographiquement et dramaturgiquement. Ce en quoi Cronenberg avait échoué dans eXistenz, préférant à son habitude se poser la question de la mutilation du corps humain par la technologie, passant complètement à côté des multi-possibilités qu’offre le jeu. Pour nir, les acteurs sont au diapason du lm; Keanu toujours aussi beau. Très à l’aise dans son rôle, crédible pour l’action. Carri Anne Moss très jolie, très sobre. Et Fishburne très bon. Tous arrivent à jouer sur les deux tableaux réels/virtuel quant à leurs mouvements, leurs prononciations. Pour toutes ces raisons, Matrix doit absolument être considérer comme une étape importante cinématographiment. La transition s’était jusqu’alors faîte dans l’autre sens, du ciné vers le jeu. C’est tout naturellement que le retour des choses s’effectue, et avec panache ! Brian Addav.