Les zones franches d`exportation
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Les zones franches d`exportation
MINISTRE DÉLÉGUÉ AU COMMERCE EXTÉRIEUR L E S E N J E U X É C O N O M I Q U E S I N T E R N AT I O N AU X Octobre 2002 Les zones franches d’exportation Dossier réalisé en collaboration avec DIAL Crédits photographiques : «Copenhagen Malmö Port» Mogens Bech, Atelier Sorte Hest Au cours des dernières décennies, les zones franches d’exportation (ZFE) ont connu une croissance rapide dans les pays en développement. Ces zones regroupent des entreprises tournées vers l’extérieur auxquelles l’État accorde un certain nombre d’avantages. Ce succès est le fruit d’une convergence d’intérêts : de nombreux pays en voie de développement se sont convertis à une politique de croissance par l’exportation et ont cherché à attirer des investissements étrangers, tandis que les entreprises des pays industrialisés produisant des biens intensifs en main-d’œuvre ont localisé une proportion croissante de leurs activités dans les pays en développement afin de réduire leurs coûts. Les zones franches ont traditionnellement suscité de nombreux débats, liés en particulier à l’impact des dérogations qu’elles offrent en matière fiscale, sociale, voire environnementale, tant sur les pays qui les octroient qu’au plan international. Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 1 On s’intéresse en premier lieu dans ce dossier à l’impact de ces dispositifs sur les pays en développement : les zones franches constituent-elles un outil efficace de développement économique, ou bien se traduisent-elles seulement par un ajustement par le bas provoqué par les avantages octroyés pour attirer les investisseurs ? La mise en œuvre des accords de l’OMC, qui visent à éviter les distorsions de concur- rence au niveau mondial, va accélérer l’évolution des dispositifs de zones franches tout en poussant à leur redistribution géographique. La multiplication des accords régionaux de libre-échange aura également un impact significatif. La poursuite de l’essor des zones franches est-elle pour autant menacée, ou bien celles-ci disposent-elles toujours d’un potentiel de développement important ? Un phénomène en pleine expansion On considère généralement que la première ZFE « moderne » mise en place dans le monde fut celle d’Irlande en 1959 (« Shannon Free Zone »). À la fin des années soixante, on comptait une dizaine de zones, la plupart en Asie (Taiwan, Singapour, Hong-Kong, etc.) et en Amérique latine (Mexique, République Dominicaine, etc.). Par la suite, le concept de zone franche s’est propagé et les ZFE se sont multipliées, tant dans les pays en développement que dans les pays développés. Un concept souple Le concept de zones franches d’exportation se vent rencontrées peuvent être dénombrées : décline aujourd’hui de nombreuses manières, la simplification des procédures administrati- les termes suivants étant les plus fréquemment ves tant pour la création d’entreprise et la réa- usités : zones franches industrielles ; zones fran- lisation des investissements que pour la phase ches industrielles d’exportation ; zones franches d’exploitation ; un régime d’importation en commerciales (se présentant souvent comme franchise de droit pour les biens intermédiai- des plateformes sous douane implantées dans res nécessaires à la production des biens à des pays ayant une activité importante en exporter ; de très larges exonérations fiscales matière de transit international) ; zones écono- pour l’entreprise elle-même et pour ses salariés miques spéciales (principalement en Chine) ; expatriés ; dans certains cas, des assouplis- entrepôts sous douane ; parcs technologiques sements de la législation nationale du travail et scientifiques ; zones de services financiers ; ; des aménagements spécifiques : des zones ports francs ; zones franches touristiques (des- industrielles viabilisées avec eau, électricité, tinées à faciliter la vente au détail d’articles télécommunications et parfois des bâtiments de grande consommation pour les touristes), industriels et de bonnes liaisons pour le trans- etc. Le terme de zone franche d’exportation est port ; des tarifs préférentiels sur les intrants donc utilisé de façon générique pour désigner et le fret, des exonérations des taxes à l’ensemble de ces dispositifs, indépendamment l’exportation, ainsi que des possibilités de en particulier de la concentration ou de la crédit à condition favorable ; des régimes dissémination géographique de ces zones. assouplis de change, allant très souvent Si de nombreux régimes de zones franches jusqu’à la liberté totale des mouvements de existent, elles sont généralement fondées sur fonds ; la non obligation de rapatriement d’une des dispositifs voisins. Certaines mesures sou- partie des recettes en devises. Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 2 L’essor des ZFE s’est véritablement amorcé dans les années soixante-dix et il se poursuit aujourd’hui. Compte tenu du flou qui entoure la définition du concept de zones franches (encadré), il serait illusoire de tenter de fournir un chiffre global concernant leur taille en termes d’emplois, d’investissements, etc. : en effet, certains pays peuvent être considérés tout entiers comme des zones franches (Singapour par exemple), tandis que l’emploi dans les zones franches chinoises peut être évalué entre 1 et plusieurs dizaines de millions selon la définition retenue (cf. ciaprès). En 1997, le Bureau International du Travail avançait le chiffre de 4,5 millions de salariés (hors Chine) répartis sur 93 pays. On se limite donc ci-après à présenter des éva- luations de la taille des zones franches dans quelques pays qui fournissent des statistiques à ce sujet et où leur définition recouvre un champ comparable. Selon les statistiques nationales de ces pays, les cinq principales ZFE mondiales (hors Chine) emploient à elles seules près de 2 millions de salariés(1). Les maquiladoras mexicaines emploient ainsi plus d’un million de salariés, les zones franches de plusieurs pays asiatiques (Malaisie, Philippines, Sri Lanka) et celles de la République dominicaine employant quant à elles chacune plus de 100 000 salariés. Dans tous ces pays, les zones franches ont enregistré un véritable essor au cours de la dernière décennie. L’emploi dans les cinq premières zones franches mondiales (hors Chine) 1 300 000 500 000 340 000 44 000 290 000 99 000 270 000 1992 2001 1991 2000 1990 2000 1990 1997 Mexique Philippines Malaisie Sri Lanka Les ZFE se concentrent aujourd’hui principalement en Amérique latine et en Asie. Le développement de zones franches dans les pays d’Europe centrale et orientale est un phénomène récent datant des années 1990. Il est, par ailleurs, frappant de remarquer que seuls deux des 49 Pays les Moins 195 000 141 000 60 000 1992 1998 République Dominicaine Avancés (PMA) ont obtenu un certain succès dans leur politique de développement des ZFE : il s’agit de Madagascar et dans une moindre mesure du Bangladesh. Tous les pays africains, à l’exception de Maurice et de Madagascar, ont échoué jusqu’à présent dans ce domaine. (1) À l’exception des chiffres ci-après et sauf exception dûment signalée, les sources de tous les chiffres cités dans ce document peuvent être trouvées dans Cling et Letilly (2001), Document de travail DIAL N°2001/17, consultable en ligne sur http://www.dial.prd.fr. Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 3 Si les généreuses incitations fiscales et douanières offertes déterminent pour une grande part le choix d’implantation dans une ZFE donnée (tableau p. 6), d’autres facteurs décisifs entrent en ligne de compte, le principal étant les coûts et la productivité de la force de travail. En effet, les activités des ZFE concernent surtout la production de biens intensifs en main-d’œuvre : vêtements, chaussures, composants électroniques, jouets, etc. La qualité des infrastructures et les coûts de transport, la disponibilité des matières premières, le cadre des relations d’affaires ou encore les facilités d’accès offertes aux grands marchés dans le cadre d’accords préférentiels constituent d’autres facteurs d’investissements dans les ZFE. La spécialisation productive des zones franches dépend généralement du niveau de développe- ment des pays hôtes. Dans les pays les plus pauvres, la production de textile et d’habillement est prédominante (graphique). C’est en particulier le cas au Sri Lanka, en République Dominicaine et à Madagascar. L’électronique prévaut en revanche dans les pays plus développés tels que la Corée du Sud, Taiwan, la Malaisie, les Philippines et le Mexique. En Malaisie et aux Philippines, les biens électroniques comptent pour plus de la moitié des exportations, et sont produits en quasi-totalité dans les ZFE. La spécialisation productive des zones franches en Tunisie, et à Maurice dans une moindre mesure, fait figure d’exception : tout en étant des pays à revenu intermédiaire, ces pays conservent une forte spécialisation dans le textile-habillement, favorisée par l’accès préférentiel dont ils bénéficient sur le marché européen. Part du textile-habillement dans l’emploi total des zones franches Par ordre décroissant, en % 76,3 75,0 66,0 62,5 5,3 Tunisie Madagascar Sri République Lanka Dominicaine Taiwan Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 4 Le cas spécifique des zones à statut spécial en Chine Depuis l’ouverture de la Chine en 1978, les autorités chinoises se sont engagées dans une ambitieuse stratégie de croissance par les exportations. Un des principaux instruments de cette politique, expérimenté à partir du début des années 1980 dans les régions côtières du sud, a été la mise en place de cinq Zones Économiques Spéciales (ZES). Des politiques http://www.china-sd.net/eng/ économiques et des systèmes administratifs spéciaux, conjuguant avantages fiscaux et exemptions douanières, ont été adoptés afin de personnes), la zone nouvelle de Pudong- de stimuler les exportations et la croissance (via Shanghai (près de 2 millions de personnes), les investissements étrangers et l’introduction enfin 53 zones industrielles de hautes et nou- de nouvelles technologies). Plus généralement, velles technologies (qui emploient environ l’ambition des ZES a été d’expérimenter la 1,5 million de personnes). Au total, plus de transition vers l’économie de marché (via l’ex- 20 millions de personnes seraient employées périence de la gestion des entreprises mixtes). dans des zones à statut spécial. Si le dévelop- À ce titre, les co-entreprises chinoises en ZES pement de ces zones est différencié selon leur ont été les premières à engager des réformes date de création, leur localisation géographi- aussi diverses que les procédures d’appels que et les avantages offerts, leur expérience d’offre internationaux, le droit du travail et la peut globalement être considérée comme un protection sociale. Comparées aux ZFE « clas- succès (au début 1997, sur près de 180 Md USD siques » mises en place dans d’autres pays, d’IDE réalisés en Chine, les ZES en avaient les ZES chinoises diffèrent également par leur drainé 15 %, les zones de développement éco- échelle : elles ne sont pas de simples parcs nomique et technologique 10 %, et les zones industriels, mais des villes ou des régions com- franches douanières 7 %). prenant des zones résidentielles et commer- L’évolution des zones à statut spécial est désor- ciales, des équipements de loisirs et autres. mais conditionnée par deux contraintes. D’une De fait, un grand nombre d’activités qui part, le creusement des inégalités régionales se déroulent dans les ZES ne sont pas au bénéfice des régions côtières impose une directement destinées à l’exportation (cons- réorientation de l’effort d’investissement dans truction et activités de services notamment). les régions du centre et de l’ouest. D’autre Suite à l’expérience des ZES, les autorités chi- part, l’entrée de la Chine dans l’OMC (fin 2001) noises ont multiplié les zones proposant des pourrait remettre en cause la pérennité du avantages aux investisseurs. Outre les cinq principe des zones à statut spécial. Les auto- ZES (qui regroupent une population de plus rités chinoises sont dorénavant tenues d’uni- de 10 millions d’habitants), sont recensées fier les régimes de taxation des entreprises 48 zones de développement économique et domestiques (33 %) et étrangères (15 % envi- technologique, 15 zones franches douanières, ron, variant selon les types de zones à statut des villes frontalières ouvertes et 14 zones de spécial) : un taux de 25 % serait établi et appli- coopération frontalière (comprenant 1,5 million cable uniformément en Chine.. Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 5 Exemples d’avantages offerts aux entreprises des zones franches Pays Impôts Droits de douane Relations professionnelles Autres mesures incitatives Bangladesh Exemption d’impôts sur les sociétés (IS) pendant 10 ans. Exemption complète d’impôts sur les dividendes pendant 10 ans. Exemption des droits de douane sur les équipements et les matières premières entrant dans le processus de production. La législation nationale du travail et le système national des relations professionnelles ne s’appliquent pas dans les ZFE. Syndicats interdits (ils seront autorisés à partir de 2004). Exemptions de taxe sur les capitaux empruntés. Rapatriement libre des profits et du capital. Maurice Aucun IS pendant les 10 premières années d’activité, exemption des taxes sur les dividendes versés aux actionnaires pendant les 5 premières années. La nouvelle loi prévoit : IS de 15%, mais exemption des taxes sur les dividendes distribués pendant 10 ans. Exemption des droits de douane sur les équipements et les matières premières entrant dans le processus de production. Législation du travail assouplie pour les interruptions de contrats de travail et les heures supplémentaires. Libre rapatriement du capital, des profits et desdividendes. Taux d’intérêt préférentiels. Mexique Pas d’avantages spécifiques. Entraves à la liberté Depuis 2001, les syndicale. importations non originaires de la zone ALENA sont assujetties à des droits de douane. Les programmes sectoriels et la Regla Octava (mécanisme d’importation d’exception), qui s’appliquent à toutes les entreprises, bénéficient toutefois particulièrement aux maquiladoras. Philippines Exonération des impôts sur le revenu allant de 4 à 8 ans selon les cas. Après cette période, une taxe spéciale de 5% sur le revenu brut remplace toutes les taxes nationales. Exemption des droits de douane sur les équipements et les matières premières entrant dans le processus de production. Les relations professionnelles dans la zone franche sont gérées par une autorité spéciale. Manque de liberté syndicale. République Dominicaine Exonération totale des taxes et impôts pendant une durée de 10 ans. Exemption des droits de douane sur les équipements et les matières premières entrant dans le processus de production. Entraves à la liberté Libre rapatriement syndicale même si les des profits. entreprises des zones doivent observer les dispositions du Code du Travail. Thaïlande Exonération de l’IS de Exemption sur les 3 à 7 ans, de taxe sur matières premières importées. l’outil de production et de TVA. Législation de droit commun. Déduction de certains frais. Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 6 Les ZFE : un instrument au service de quel développement ? ·Enclencher un processus de développement industriel. ·Créer des emplois et atténuer leurs problèmes de chômage. ·Engranger des devises. ·Attirer les capitaux étrangers dans le but d’améliorer la compétitivité des économies. ·Favoriser les transferts de technologie. ·Améliorer l’efficacité de leur système productif, grâce à l’incidence favorable des entreprises étrangères sur la formation de la main-d’œuvre locale (effets de démonstration). Un diagnostic sur les ZFE doit tenir compte de cette multiplicité d’objectifs. On s’intéresse ici plus particulièrement à leur impact en termes d’exportations, de diversification des activités productives et de créations d’emploi. Au cours de ces dernières années, les pays créant des ZFE ont souvent considéré celles-ci comme un instrument central de leur politique de développement. Si les objectifs en termes de création d’emplois ont parfois été atteints, il est, néanmoins, difficile de croire que les activités des zones franches se réduisant à la production de biens technologiquement simples soient porteuses d’un grand potentiel industrialisant. En créant des zones franches, les pays en développement espèrent que celles-ci leur permettront de résoudre un certain nombre de problèmes économiques auxquels ils sont confrontés et de créer une dynamique de développement. Les buts principaux poursuivis par les pays hôtes sont : Part des ZFE dans les exportations totales de quelques pays Par ordre décroissant, en % 82,1 75,9 58,0 48,5 39,4 République Dominicaine Maurice Malaisie Dans les pays où les ZFE ont connu le plus de succès, celles-ci ont acquis un poids déterminant en termes d’exportations. Parmi ces pays, c’est dans les petites économies que le poids des ZFE est le plus Mexique Madagascar prépondérant : à Maurice et en République dominicaine, l’essentiel des exportations provient des zones franches. En Malaisie et au Mexique, les zones franches représentent 50 à 60 % des exportations. Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 7 Les ZFE contribuent ainsi de manière importante à la diversification des exportations. Dans les pays pauvres, les exportations de produits manufacturés sont souvent apparues avec la création de ces zones. C’est en particulier le cas à Madagascar, qui est le seul pays africain à avoir réussi à diversifier la structure de ses exportations au cours de la dernière décennie, grâce au développement des exportations de produits manufacturés (textile-habillement surtout) qui représentent aujourd’hui une part significative du total. Comme cela a été mentionné ci-dessus, les activités des zones franches se concentrent toutefois sur un petit nombre d’industries intensives en main-d’œuvre (textile-habillement et électronique surtout) : ainsi, les ZFE permettent une diversification relative des exportations, mais seulement au sein d’une gamme restreinte de produits. Dans la mesure où elles concernent des activités intensives en main-d’œuvre, les activités des zones franches offrent a priori un potentiel important de création d’emplois. Comme c’est le cas en matière d’exportations, le poids des ZFE dans l’emploi total dépend toutefois pour beaucoup de la taille des pays. Les gouvernements des petits pays espèrent que l’implantation d’une zone franche réglera en partie leurs problèmes d’emplois. À Maurice, 18 % de la population active est ainsi employée dans les ZFE ; en République Dominicaine et au Costa Rica, les ZFE sont également les premiers employeurs. Dans les pays plus peuplés, la création d’emplois dans les zones franches est généralement marginale en regard de la population active totale. Même en Malaisie, où les zones franches ont un poids déterminant en termes d’exportations, l’emploi dans les ZFE ne dépasse pas 1,5 % de la population active. La mesure de l’impact global des zones franches sur l’emploi doit aussi tenir compte des emplois indirects qu’elles génèrent par le biais des fournitures d’intrants et de services aux ZFE. Le nombre de ces emplois indirects est évidemment très variable en fonction du degré d’intégration des ZFE aux économies. Le ratio emplois indirects/directs obtenu par les études empiriques varie ainsi entre 0,2-0,25 à Madagascar et Maurice et 2 aux Philippines et au Honduras. La création d’emplois (directs et indirects) par les ZFE ne signifie pas nécessairement une baisse équivalente du nombre de chômeurs. Leur impact sur le chômage est complexe à définir. Certes, de nombreux pays ont vu employer une partie des chômeurs par les entreprises implantées dans ces zones. Pourtant, le recours de la plupart des ZFE à une main-d’œuvre essentiellement féminine et très jeune pour occuper des emplois non ou peu qualifiés a limité la baisse du taux de chômage : celle-ci était souvent inactive avant de se faire embaucher par les ZFE. Si l’on excepte la Malaisie, où les femmes ne représentent qu’un peu plus de 50% de l’emploi dans les ZFE, leur part est comprise entre 60 et 80% dans tous les autres pays pour lesquels on a pu recueillir des données. Les femmes présentent en effet l’avantage pour les employeurs d’être moins bien rémunérées et d’être employées de façon privilégiée dans les secteurs les plus répandus dans les ZFE (textile et électronique). Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 8 Notons que dans les zones franches établies dans des pays émergents (Corée, Mexique, Malaisie), la part des femmes dans l’emploi total des ZFE a eu tendance à décroître au cours du temps. Cette évolution est à mettre en rapport avec la diversification progressive de leur structure productive. Plutôt que de former leur main-d’œuvre féminine déjà employée, les ZFE préfèrent fréquemment embaucher des hommes, souvent plus qualifiés. Ceci étant, les rémunérations offertes par les entreprises des ZFE sont souvent supérieures à celles offertes par les entreprises hors de ces zones à qualifications identiques. Au moins deux explications peuvent être avancées pour justifier un tel état de fait : - La plus grande productivité de la maind’œuvre de ces zones a pour contrepartie naturelle de meilleurs salaires. - Les politiques salariales des firmes étrangères sont souvent plus favorables que celles des entreprises locales, que ce soit à cause de la volonté d’attirer et de former des travailleurs semi qualifiés ou des instructions données par la maison mère (l’opinion publique des pays industrialisés est de plus en plus sensible aux conditions de salaire et de travail des travailleurs des PED). Site : investintunisia.com Site : zfzarzis.com Les pays en développement (PED) attendent des ZFE qu’elles contribuent au développement économique du pays, tout en évoluant au cours du temps pour induire autant qu’accompagner le développement économique des pays qui les hébergent. Le passage du textilehabillement à l’électronique est pourtant déjà parfois difficile à réaliser. Les ZFE de certains pays à revenu intermédiaire continuent à abriter essentiellement des entreprises textiles et ne parviennent pas à diversifier leur activité (cf. les exemples déjà cités de Maurice et de la Tunisie). De fait, il existe une forte inertie dans la spécialisation sectorielle des ZFE, rendant une sortie par le haut (intensification de la production de biens à forte valeur ajoutée) difficile. La diversification des activités, dont les maquiladoras mexicaines constituent un des rares exemples, est encore très limitée : les entreprises des pays industrialisés ne délocalisent qu’un nombre très réduit de produits manufacturés. De même qu’il s’avère difficile de passer du textile à l’électronique, une troisième étape du développement des ZFE dans le secteur a priori prometteur des services a du mal à se dessiner. La progression de la part des services dans les échanges et les investissements internationaux (un quart du commerce mondial et deux tiers des investissements internationaux) ainsi que l’avènement des nouvelles technologies de télécommunications et d’information (NTIC) commencent à peine à se répercuter sur les investissements réalisés dans les ZFE. La diversification des activités Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 9 des zones franches vers le secteur des services présente pourtant un grand potentiel, à tel point que certains annoncent l’avènement d’une seconde génération de zones franches. Les nouvelles activités de services dans les ZFE sont de nature très diverse : conception de logiciels et d’outils Internet, développement de plateformes de transit commercial, de plateformes électroniques pour des transactions sécurisées en ligne, de centres d’appel et de saisie de données en ligne, etc. Les zones franches de plusieurs pays asiatiques (Corée, Thaïlande, etc.), de Maurice et des Emirats Arabes Unis essaient toutes de se diversifier dans cette voie. En tout état de cause, il est probable qu’une telle évolution, si elle a lieu, laissera largement à l’écart les ZFE des pays les plus pauvres, qui ne peuvent offrir les infrastructures et la main-d’œuvre nécessaires au développement de ces activités. Les pays d’accueil des ZFE attendent aussi des entreprises étrangères qu’elles transfèrent aux entreprises nationales une partie de leurs connaissances et de leur technologie. Un tel transfert doit encourager le développement industriel de l’économie en général, en permettant des gains d’efficacité dans la production des biens dits non-traditionnels, ainsi que dans celle des biens traditionnels. D’une manière générale, le bilan de ces effets d’entraînement des ZFE sur le reste de l’économie est en fait mitigé. Ceci s’explique d’abord par des raisons intrinsèques au fonctionnement de ces dispositifs : pour une entreprise, un investissement dans une ZFE a parmi ses principaux objectifs de bénéficier d’exonération de droits de douane à l’importation, ce qui crée un biais pro-importation, par nature contradictoire avec une intégration locale poussée des activités. Par ailleurs, il existe généralement une grande différence entre les secteurs de zone franche et de droit commun. Souvent, coexistent un secteur moderne, produisant à grande échelle et uniquement pour l’exportation, et un secteur à faible productivité produisant à petite échelle pour le marché domestique. Il n’y a dès lors que peu de contacts possibles entre ces deux secteurs qu’il s’agisse de contrats de sous-traitance, d’approvisionnement ou de synergies industrielles. L’expérience historique des pays émergents asiatiques conduit à relativiser le rôle potentiel des ZFE comme moteur de croissance, surtout passé un certain stade de développement. Pour les pays disposant d’une capacité d’épargne suffisante, le développement économique peut passer par la promotion d’une industrie exportatrice à capitaux nationaux diminuant ainsi l’importance stratégique des ZFE. Les pays émergents asiatiques de la première génération, tels que la Corée ou Taiwan, ont certes créé des ZFE mais sont loin d’avoir axé leur politique de promotion des exportations sur ce seul instrument. Disposant d’une épargne domestique relativement abondante, ils ont surtout cherché à favoriser le développement de grands groupes nationaux. Dans ces deux pays, la création de ZFE a eu lieu une fois engagé le processus de décollage économique. L’importance de ces zones est aujourd’hui relativement marginale : l’emploi dans la zone franche de Masan en Corée a ainsi été divisé par 2,5 depuis la fin des années quatre-vingts même si les exportations qui en proviennent continuent à croître du fait d’une politique de spécialisation sur Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 10 des biens de haute technologie. Elles n’ont par ailleurs jamais représenté plus de 3-4% des exportations manufacturières dans le cas de la Corée et plus de 10-15 % à Taiwan. En revanche, l’impact des ZFE semble avoir été beaucoup plus important dans le cas de la deuxième génération de pays émergents asiatiques (Malaisie, Thaïlande, Philippines ou encore Indonésie). Pour ces pays, il est, toutefois, encore trop tôt pour porter un jugement définitif sur l’avenir des ZFE. On peut, cependant, déjà noter une réduction de leur part dans les exportations de la Malaisie. Pour la plupart des ZFE des pays en développement, la phase de décollage est difficile à dépasser : leur structure sectorielle n’évolue pas et leur part dans les exportations totales reste constante. Ainsi, elles ne s’avèrent utiles que lors des phases initiales du développement et pour des secteurs hautement concurrentiels, à faible valeur ajoutée. Les zones franches dans la théorie économique La théorie du cycle de produit de Vernon Les nouvelles théories de la croissance ont s’applique bien à la production des zones amené à une appréciation plus favorable de franches, spécialisées dans des produits l’impact potentiel des zones franches, en met- arrivés à maturité pour lesquels les tech- tant en évidence les externalités possibles, nologies et modes de production sont déjà pouvant prendre la forme d’effets d’appren- totalement maîtrisés et standardisés. De ce tissage, d’accroissement du capital humain, fait, ces secteurs sont l’objet d’une intense d’effets de démonstration, etc. concurrence sur les coûts, qui se traduit Les transferts de technologie se heurtent par le transfert des productions dans des toutefois à au moins deux obstacles. D’une pays en développement à bas coût de main- part, la nature et les modalités des opérations d’œuvre offrant des incitations diverses aux qui se déroulent dans les ZFE semblent cons- entreprises. Les zones franches constituent un tituer un obstacle à l’existence de transferts cas particulier de ce type d’investissements. de technologie significatifs : leurs activités Selon la théorie neo-classique, les ZFE consti- correspondent largement aux phases d’as- tuent une politique d’optimum de second rang semblage de composants et de sous-ensem- (second best), consistant à compenser une dis- bles qui s’insèrent dans des processus de torsion (un droit de douane) par une autre production globaux dont les segments les plus (une subvention). De ce fait, l’impact des dis- techniques restent inaccessibles aux sous- positifs de zones franches sur le bien-être traitants des pays d’accueil est a priori indéterminé. travailleurs n’acquièrent que les connaissan- Sensibles aux risques liés à ces distorsions ces de base nécessaires au fonctionnement (et aux risques d’évasion fiscale), le FMI est d’un processus de production spécifique, qui plutôt réticentes à encourager les zones fran- sont difficiles à valoriser dans d’autres sec- ches, préconisant plutôt une ouverture com- teurs d’activité. domestiques. D’autre part, les merciale générale. Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 11 L’impact des accords commerciaux internationaux D’une manière générale, la libéralisation commerciale a des effets ambigus sur les ZFE. L’amélioration de l’accès au marché favorise leurs ventes, tandis qu’en sens inverse le désarmement douanier dans leur pays d’accueil réduit l’attractivité relative du dispositif à long terme. Outre cet impact général, plusieurs accords commerciaux de nature multilatérale ou régionale vont avoir un impact sur l’avenir de ces dispositifs, et sur leur répartition géographique et sectorielle. Pour les pays à revenu intermédiaire, les régimes des subventions des ZFE devront être parfois revus au regard des accords de l’OMC. L’Accords sur les Subventions et les Mesures Compensatoires (ASMC), signé en 1994, fixe en effet des disciplines, parmi lesquelles l’interdiction des subventions à l’exportation, qui s’appliqueront à partir de 2003 aux pays à revenu par habitant supérieur à 1000 USD. Suite à la quatrième conférence ministérielle de l’OMC qui s’est déroulée à Doha en novembre 2001, les dérogations ont été prorogées jusqu’en 2007 pour une vingtaine de pays qui en ont fait la demande, parmi lesquels figurent Maurice et la République Dominicaine. Cette prorogation bénéficie en particulier aux pays à revenu intermédiaire de très petite taille, à savoir dont la part du commerce mondial d’exportation de marchandises ne dépassait pas 0,1 % et dont le revenu national brut pour l’année 2000 était égal ou inférieur à 20 milliards de dollars US. L’ASMC n’aborde pas frontalement la notion de zone franche, mais il encadre les subventions(2) accordées au sein des zones franches. L’agriculture et les services ne sont pas ouverts par l’ASMC qui ne s’applique qu’aux produits industriels. L’ASMC définit deux catégories de subventions condamnables. Les subventions interdites sont celles qui sont subordonnées en droit ou en fait aux résultats à l’exportation ou à l’utilisation d’intrants domestiques de préférence à des produits importés. Elles font l’objet, en cas de litige, de procédures de règlement des différends accélérées. Les sub- ventions accordées aux entreprises qui exportent un certain pourcentage de leur production, pratique courante dans les ZFE, sont ainsi vouées à disparaître. Les subventions qui ne sont pas interdites peuvent néanmoins faire l’objet d’un règlement des différends devant l’OMC. Il s’agit des subventions « actionnables ». Au titre de l’article 2.1 de l’accord ASCM, sont actionnables les subventions spécifiques, c’est à dire les subventions dont le bénéfice est expressément réservé à un entreprise ou à un secteur particulier, causant un dommage à une branche de production d’un autre membre, ou causant un préjudice grave-ou une menace de préjudice grave- aux intérêts d’un Membre, ou annulant ou compromettant des avantages résultant du GATT 94. Les subventions « localisées » sont, au titre de l’article 2.2 de l’accord ASCM, également actionnables. Ces subventions recouvrent les incitations spéciales offertes par un État à chaque entreprise localisée dans une zone déterminée, telle qu’une zone franche. En revanche, les modifications de taux d’imposition ne sont pas réputées être des subventions spécifiques et sont autorisées. Notons que l’application de l’ASMC n’implique pas la disparition des ZFE mais seulement le démantèlement des subventions prohibées. Pour cette raison, les pays qui ne bénéficient pas des dérogations accordées lors de la conférence de Doha ont engagé une réforme de leur législation pour la mettre en conformité avec les règles de l’OMC à partir de 2003. Cette évolution est déjà perceptible dans certains pays d’Asie (cf. encadré Asie p.13). (2) Les exemptions de droits de douane ne sont pas assimilables à des subventions. Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 12 Les Zones Franches d’Exportation (ZFE) en Asie Les principales économies d’Asie ont toutes mis en prisés par les opérateurs étrangers. Des exemples place des ZFE. Leurs formes sont diverses, parfois moins probants (Vietnam, Bataan aux Philippines) au sein d’un même pays : certaines ZFE ne sont pas rappellent toutefois qu’ils ne sauraient compenser assignées à des zones géographiques délimitées des infrastructures insuffisantes ou l’enclavement (Malaisie, Thaïlande), d’autres ne conditionnent pas des zones. l’implantation à des critères d’exportation (Taiwan, Succès dans l’ensemble, donc, le panorama des Corée, Thaïlande, Vietnam). À l’extrémité du spec- ZFE en Asie pourrait changer dans les années à tre, Hong Kong et Singapour sont à l’exception de venir : quelques secteurs des ports francs. - le concept de ZFE doit évoluer. D’une part, la Si la contribution des ZFE au développement des baisse des tarifs douaniers constitue une remise économies d’Asie est difficile à isoler des multiples en cause du concept traditionnel de ZFE. D’autre avantages comparatifs des pays de la zone, elles part, certains des avantages consentis dans les semblent avoir joué un rôle plus déterminant dans pays industrialisés (subventions, etc.) seront limi- les économies semi-industrialisées d’Asie du Sud- tés par les dispositions de l’OMC. Enfin, les besoins Est (Malaisie et Philippines notamment). Globale- changent au rythme du développement économi- ment toutefois, l’outil peut être considéré comme que (ainsi, le renchérissement du coût du travail un succès : nuit à la compétitivité de l’économie sur les secteurs - bien que leur poids dans la population active intensifs en main-d’œuvre, imposant une montée reste limité, les ZFE sont des pourvoyeuses d’em- en gamme technologique et/ou une diversification plois non négligeables dans la plupart des grands dans les services). pays asiatiques (70 000 emplois directs à Taiwan, - Dès lors, la tendance est à la promotion de nouvel- de 200 000 à 400 000 aux Philippines, en Thaïlande, les formes de zones à statut spécial. Taiwan en est Malaisie et Indonésie) ; l’illustration : développement depuis 1980 de «parcs - les ZFE ont favorisé un processus de spécialisation scientifiques et industriels», destinés à accueillir sur des secteurs porteurs sur longue période (tex- les entreprises, en grande majorité taiwanaises, à tile et/ou habillement, électronique). Ainsi, la Corée forte valeur ajoutée ; promotion depuis le début et Taiwan ont dans un premier temps bénéficié du des années 1990 de zones spéciales de transit ; processus de délocalisation des grands groupes projet de création de centres de ressources en mar- internationaux, américains puis japonais. L’indus- keting, afin de favoriser des activités de conception trialisation rapide de ces deux économies et le relais de produits éventuellement fabriqués à l’étranger. pris par les groupes locaux expliquent toutefois Ces développements font des émules : en Chine, la faiblesse relative des ZFE dans les exportations plus de 50 «parcs industriels des sciences et tech- totales. Une seconde vague de délocalisations s’est nologies» ont été installés depuis 1990. En tout état propagée aux ZFE des économies du Sud-Est asiati- de cause, le succès de nouvelles zones à statut spé- que, en particulier en Malaisie et aux Philippines (en cial semble davantage reposer sur la disponibilité Malaisie, 80 % des exportations de produits manu- d’une main-d’œuvre qualifiée, un haut niveau d’in- facturés sont issues des zones franches). Toutefois, frastructure et des effets d’agglomération. même s’il a eu tendance à augmenter, le contenu en - L’efficacité future des ZFE en Asie du Sud-Est est valeur ajoutée locale est resté plus faible dans les en question. Sorties affaiblies de la crise de 1997/98, économies du Sud-Est (usines d’assemblage) que les économies d’Asie du Sud-Est sont confrontées à du Nord-Est. Enfin, les investissements se concen- la montée en puissance de la Chine dans les échan- trent désormais sur la Chine (cf. encadré page 5). ges et les investissements internationaux. Dans ce Parmi les déterminants de l’investissement, les contexte, l’existence de zones franches risque d’être avantages fiscaux et douaniers sont en général un facteur de second ordre. Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 13 Deux évolutions majeures touchent plus particulièrement l’avenir de la production textile dans les zones franches. Premier facteur, le démantèlement de l’Accord Multifibres (AMF) d’ici 2005, qui modifiera la distribution géographique de la production de textile et d’habillement, particulièrement sur les zones franches de ce secteur. Instauré en 1973, l’AMF impose des quotas bilatéraux sur les quantités exportées par les pays en développement sur les marchés des pays industrialisés. Depuis la mise en place de l’AMF, des changements importants ont affecté la production et les échanges de la filière textile. Les pays asiatiques qui remplissaient déjà les quotas qui leur étaient impartis ont investi dans d’autres pays, notamment dans les zones franches d’Asie du Sud-est (Bangladesh), d’Amérique latine et d’Afrique (Maurice). Ce déplacement de la production a permis à de nombreuses zones franches de se développer. Au cours des négociations de l’Uruguay round, les pays membres se sont mis d’accord pour réintégrer progressivement le secteur du textile dans les règles du GATT. L’ATV (Accord Textile et Vêtements) fixe les conditions de cette réintégration d’ici 2005, qui se traduira notamment par la disparition à cette date de tous les quotas actuellement en vigueur. L’élimination des mesures discriminatoires va bouleverser les règles du jeu auxquelles les entreprises du textile et de l’habillement avaient adapté leur stratégie. Les producteurs des régions périphériques, Amérique latine d’une part, Bassin Méditerranéen et PECO de l’autre risquent d’en perdre les bénéfices. Les zones franches caribéennes et africaines, fortement spécialisées dans le secteur textile, bénéficient certes de l’accès libre de droits de douane au marché européen, accordé aux pays ACP par la convention de Lomé puis l’accord de Cotonou. Mais les pays asiatiques, leaders dans ce secteur, pourraient déplacer leurs investissements à l’étranger vers les pays les plus performants, et en profiter pour reconcentrer leurs activités afin d’exploiter des économies d’échelle et d’améliorer leur productivité. Par conséquent, les chances de succès de certaines zones franches sont remises en cause. L’avenir des ZFE dépendra désormais de leur aptitude à dégager des avantages comparatifs en termes de vitesse, de coût ou de qualité. Deuxième facteur : l’adhésion de la Chine à l’OMC fin 2001. L’ATV ne concerne pas la Chine, premier producteur mondial de textile et d’habillement, qui était soumise à des quotas spécifiques. Son adhésion aura toutefois des effets similaires à ceux de la mise en place de l’ATV, dans la mesure où les quotas qui lui étaient imposés vont être progressivement démantelés. Selon le CEPII, le choc induit par la suppression des quotas chinois sera supérieur à celui lié à la disparition de ces quotas pour les autres pays(3). Comme le note le CEPII, l’avantage procuré par la proximité entre producteur et marché est susceptible de limiter l’impact de la disparition des quotas, de même que la signature d’accords régionaux de libre-échange entre les grandes puissances commerciales mondiales (Union européenne et États-Unis surtout) et les pays de leur périphérie. Dans ce contexte, les ZFE seront amenées à orienter de manière croissante leurs exportations vers le grand marché régional du pôle auquel elles (3) La Lettre du CEPII, n°198, février 2001. Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 14 appartiennent, la proximité du marché constituant un avantage particulièrement important pour les produits du textile-habillement. Ces phénomènes risquent d’accentuer la concentration des ZFE dans les pays en développement les plus proches des marchés américains et européens, alors qu’une proportion croissante du commerce mondial s’opère au sein d’une Triade : Amérique, Eurafrique (Europe-Afrique) et Asie. Comme le montre le graphique, 82 % des exportations européennes et africaines sont ainsi dirigées vers la même zone géographique, les pourcentages étant respectivement de 62 % et 49 % pour les exportations américaines et asiatiques. Part du commerce intra-zone (en % des exportations) Europe-Afrique 78% Amérique Asie 82% 62% 49% 48% 42% 1990 2000 1990 Le cas de l’ALENA (Accord de Libre Echange Nord Américain signé par le Canada, les États-Unis et le Mexique) constitue un exemple de la manière dont les accords commerciaux régionaux influent sur la localisation des zones franches. La logique de ce type d’accords est a priori contradictoire avec celle des ZFE : d’un côté, la suppression des droits de douane sur les échanges intra-régionaux annule l’avantage des ZFE pour les importations d’intrants provenant d’autres pays partenaires de l’accord ; de l’autre, l’exonération de droits de douane pour les importations des ZFE en provenance de pays tiers doit être abandonnée, puisque le principe des accords régionaux est d’accorder un traitement préférentiel au commerce intra-régional. Pour cette raison, la signature de l’ALENA avait conduit de nombreux observateurs à prédire une disparition des maquiladoras. Or, celles-ci ont au contraire prospéré 2000 1990 2000 Source : OMC depuis l’entrée en vigueur de cet accord de libre-échange en 1994, qui leur a procuré un accès préférentiel aux marchés américain et canadien. Grâce à l’essor des investissements étrangers au Mexique, leurs effectifs sont ainsi passés de 500 000 salariés en 1993 à 1,3 million en janvier 2001, avant de redescendre provisoirement à 1,1 million fin 2001 sous l’effet de la récession américaine. Si le régime douanier mexicain a été mis en conformité avec l’ALENA (les intrants extrarégionaux des maquiladoras sont soumis au régime tarifaire de droit commun depuis le 1er Janvier 2001), le gouvernement a cependant tenté de préserver l’attractivité des maquiladoras : les droits de douane ont ainsi été supprimés pour la plupart des intrants indispensables aux maquiladoras, quelle que soit leur origine. Le système reste ainsi avantageux, notamment pour les investisseurs des pays qui ne bénéficient pas d’un accord de libre-échange avec le Mexique. Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 15 L’évolution comparée des exportations de vêtements du Mexique et de la République Dominicaine vers les États-Unis témoigne de l’avantage comparatif procuré par l’ALENA. Ainsi, alors que les montants des exportations de vêtements de ces deux pays étaient équivalents en 1990 (environ 70 millions de dollars) la valeur des exportations dominicaines représente aujourd’hui moins du sixième de celle des exportations mexicaines (490 mil- lions contre 3,3 milliards de dollars en 2001). Les pays d’Asie exportateurs de vêtements ont été les secondes victimes de l’ALENA. De fait, bien que les salaires soient trois fois plus élevés au Mexique qu’au Sri Lanka dans ce secteur, il est plus rentable pour vendre aux États-Unis de produire au Mexique en raison du gain de temps et des économies réalisées sur les frais de transport et les droits de douane. La présence française dans les ZFE On ne décèle aucune tendance particulière des de motifs stratégiques, qui leur sont spécifi- entreprises françaises à s’implanter de façon ques : privilégiée dans les zones franches. Peu d’en- - d’une part, la présence française est forte dans treprises françaises sont ainsi recensées dans des activités orientées vers le marché local les ZFE en Asie (qui attirent surtout des inves- (infrastructures, industrie lourde, agro-alimen- tisseurs américains et asiatiques, y compris taire, services), qui les excluent le plus sou- nationaux) : aucune entreprise en Corée, un vent du champ des ZFE. À Taiwan, la présence nombre d’implantations inférieur à 3 % du total d’entreprises françaises dans les zones à statut des entreprises françaises en Indonésie et en spécial (parc de Hsinchu notamment) s’expli- Malaisie. A contrario, la présence française est que largement par la proximité d’entreprises plus forte dans les ZFE philippines (7 % des locales partenaires ou clientes, davantage que entreprises françaises recensées dans le pays, par le statut de la zone elle-même. et surtout 40 % de l’emploi, hors Ondeo). Sur - d’autre part, dans de nombreux pays (Corée, d’autres continents, la présence des entrepri- Mexique), les investissements français consis- ses françaises dans les ZFE de Madagascar tent de façon croissante en des acquisitions de (38 % des investissements réalisés) est compa- sociétés locales, qui ne sont pas déterminées rable à celle observée dans le reste de l’éco- par la présence de zones franches. nomie. Bien que dans le secteur électronique grand public, la part des entreprises françaises Les entreprises françaises présentes dans des dans la production des maquiladoras soit de ZFE déclarent valoriser avant tout les avanta- l’ordre de 10 %, la présence française est globa- ges fiscaux et les dérogations douanières. Elles lement très limitée dans les ZFE mexicaines. figurent notamment dans les secteurs des biens de consommation, de l’énergie, de l’industrie Si l’inadaptation de certaines ZFE peut expli- lourde, et de l’électronique (la quasi-totalité quer, le cas échéant, une désaffection des des exportations françaises d’électronique en entreprises françaises, leur faible présence Malaisie est originaire des ZFE). relative dans les ZFE est également tributaire Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 16 Les ZFE et l’OIT toute forme de travail forcé ou obligatoire ; abolition effective du travail des enfants ; élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession. Dès lors, cet organisme exerce un suivi attentif des conditions de travail dans les ZFE. S’il reconnaît que la plupart des pays appliquent la même législation du travail dans les ZFE http://www.ilo.org/public/french/index.htm que dans le reste du pays (Corée, Indonésie, Le non respect par un pays des normes etc.), il signale qu’un certain nombre d’entre sociales internationales prônées par l’Organi- eux adoptent, cependant, une législation du sation Internationale du Travail (OIT) n’est en travail spécifique. Celle-ci limite en particulier général pas le résultat d’une volonté délibérée le droit d’association et de négociation collec- d’améliorer sa compétitivité internationale. De tive. De surcroît, même dans les pays où une fait, la plupart des pays qui ne respectent pas seule législation du travail est en vigueur, elle les normes de l’OIT ne les appliquent dans n’est pas toujours appliquée dans les ZFE. Plu- aucun secteur, qu’il soit domestique ou tourné sieurs facteurs permettent aux entreprises de vers l’exportation. Néanmoins, certaines ZFE contourner la législation : le nombre d’ins- constituent probablement le seul exemple pecteurs du travail et, au-delà, les ressources d’abaissement volontaire des normes de tra- de l’administration sont insuffisants pour faire vail afin de renforcer la compétitivité des entre- face à la croissance très rapide du nombre de prises à l’exportation et d’accroître l’attractivité ZFE dans certains pays et le fort taux de rota- du pays pour les investisseurs étrangers. tion de la main-d’œuvre réduit sa capacité à La médiocrité des conditions de travail dans faire respecter ses droits. les zones franches constitue le principal repro- Les rapports de l’OIT relèvent de nombreuses che qui leur est adressé, à tel point que le violations des normes fondamentales du tra- qualificatif de « zones d’oppression » leur est vail dans les ZFE, en particulier en matière parfois appliqué. Ce reproche n’est générale- de droit d’association. Au Pakistan et au Ban- ment pas justifié en ce qui concerne le niveau gladesh, les syndicats sont interdits dans les des salaires, supérieur aux minima nationaux ; ZFE. Dans ce dernier pays, les syndicats seront des enquêtes confirment néanmoins les crain- autorisés à partir de 2004, les États-Unis ayant tes exprimées à propos des conditions de tra- menacé de retirer le bénéfice de leur Système vail en vigueur, et plus particulièrement du de Préférences Généralisées. Au Panama, une respect des normes internationales de travail législation du travail spéciale se substitue au définies par l’OIT. code du travail dans les ZFE, y imposant en La Déclaration de l’OIT relative aux principes particulier des restrictions au droit de grève. et droits fondamentaux au travail accentue Dans certains pays où les syndicats sont en la pression sur les pays violant un certain principe autorisés dans les ZFE au même nombre de normes fondamentales, dont la titre que dans le reste du pays, les faibles liste est précisée par cette déclaration : liberté taux de syndicalisation suggèrent que des bar- d’association et reconnaissance effective du rières non légales s’opposent à leur fonction- droit à la négociation collective ; élimination de nement. Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 17 Quel avenir pour les zones franches ? L’impact des ZFE sur l’emploi et les exportations des PED est souvent loin d’être négligeable, même s’il est exagéré de considérer ces dispositifs comme la panacée en matière de développement. Les ZFE paraissent aujourd’hui confrontées à une triple contrainte internationale : - commerciale, avec l’ouverture multilatérale et les disciplines de l’OMC applicables aux pays de revenu intermédiaire ou élevé ; - financière, du fait du souci du FMI de lutter contre l’évasion fiscale ; - sociale enfin, avec l’attention croissante portée par la communauté internationale au respect des normes de l’OIT. La législation de nombreuses ZFE est donc amenée inéluctablement à évoluer, pour se conformer au droit international. Les zones franches ne sont pas pour autant condamnées à disparaître, en tant qu’outil de politi- que industrielle : l’approfondissement de la libéralisation commerciale aux plans multilatéral et régional, ainsi que l’élimination progressive des distorsions de concurrence ne représentent pas tant une menace pour les PED qu’une chance pour l’accueil d’investissements à plus fort potentiel de développement. S’y ajoute l’impact, encore difficile à apprécier mais probablement tout aussi important, des nouvelles formes de la division internationale du travail : la diffusion des nouvelles technologies de communication peut ainsi favoriser le développement dans les PED d’activités de services destinées aux pays industrialisés. De fait, tous les acteurs impliqués dans les dispositifs, entreprises, pays en développement et institutions d’aide au développement, vont devoir dans les prochaines années adapter leur approche des zones franches d’exportation. Pour en savoir plus sur les différentes ZFE, des fiches de synthèse relatives aux ZFE des principaux pays en développement sont disponibles sur les sites web des Missions Économiques, notamment : Indonésie : www.dree.org/indonesie (rubrique Implantation) : Thaïlande : www.dree.org/thailande (rubrique Implantation) Chine : www.dree.org/chine (rubrique Informations Pays/Cadrage Général) Corée : www.dree.org/coree (rubrique Implantation) Malaisie : www.dree.org/malaisie (rubrique Implantation) Vietnam : www.dree.org/vietnam (rubrique Implantation) Singapour : www.dree.org/singapour (rubrique Les marchés/Approche du marché) Taiwan : www.dree.org/taiwan (Lettre de Taiwan n°77, rubrique Actualités/Nouveautés) Mexique : www.dree.org/mexique (rubrique Informations Pays/Cadrage Général) Les zones franches d’exportation © Droits réservés : MINEFI - DREE page 18 Retrouvez les numéros disponibles de DREE-Dossiers sur http://www.commerce-exterieur.gouv.fr/publications1/ !Élargissement de l’Union européenne !Le commerce extérieur de la France en 2000 !Le Partenariat Euro-Méditerranéen !Le contentieux de l’investissement international !Émergence : risques et opportunités !L’implantation française à l’étranger !l’OMC et la gouvernance commerciale !Échanges et éthique !Le commerce extérieur de la France en 2001 !Le Marché Intérieur !Vers un espace économique euro-méditerranéen !L’insertion de l’Afrique dans le commerce international !L’économie de l’Internet après la crise Rédacteurs : - Jean-Pierre Cling, [email protected] - Jean-Baptiste Gros, [email protected] - Gaëlle Letilly, [email protected] - Bruno Valersteinas [email protected] Éditeur : Direction des Relations économiques extérieures Ministre délégué au Commerce extérieur Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie 139 rue de Bercy - 75572 Paris CEDEX 12 Directeur de la publication : Jean-François Stoll, directeur de la DREE Responsable de la rédaction : Eric Duédal Date de parution : 28 octobre 2002 Publication gratuite ISSN : 1155-4142 Conception graphique : Élisabeth Vieille Abonnement : En ligne : site Internet http://www.commerce-exterieur.gouv.fr/publications1/ Contact : [email protected] L’ensemble du contenu de ce document relève de la législation française et internationale sur le droit d’auteur et la propriété intellectuelle. 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