Les zones franches d`exportation

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Les zones franches d`exportation
MINISTRE DÉLÉGUÉ AU COMMERCE EXTÉRIEUR
L E S E N J E U X É C O N O M I Q U E S I N T E R N AT I O N AU X
Octobre 2002
Les zones franches
d’exportation
Dossier réalisé en collaboration avec DIAL
Crédits photographiques : «Copenhagen Malmö Port» Mogens Bech, Atelier Sorte Hest
Au cours des dernières décennies, les zones
franches d’exportation (ZFE) ont connu
une croissance rapide dans les pays en
développement. Ces zones regroupent des
entreprises tournées vers l’extérieur auxquelles l’État accorde un certain nombre
d’avantages. Ce succès est le fruit d’une
convergence d’intérêts : de nombreux pays
en voie de développement se sont convertis à
une politique de croissance par l’exportation
et ont cherché à attirer des investissements
étrangers, tandis que les entreprises des pays
industrialisés produisant des biens intensifs
en main-d’œuvre ont localisé une proportion
croissante de leurs activités dans les pays en
développement afin de réduire leurs coûts.
Les zones franches ont traditionnellement
suscité de nombreux débats, liés en particulier à l’impact des dérogations qu’elles offrent
en matière fiscale, sociale, voire environnementale, tant sur les pays qui les octroient
qu’au plan international.
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On s’intéresse en premier lieu dans ce dossier à
l’impact de ces dispositifs sur les pays en développement : les zones franches constituent-elles
un outil efficace de développement économique, ou bien se traduisent-elles seulement par
un ajustement par le bas provoqué par les avantages octroyés pour attirer les investisseurs ?
La mise en œuvre des accords de l’OMC,
qui visent à éviter les distorsions de concur-
rence au niveau mondial, va accélérer l’évolution des dispositifs de zones franches tout
en poussant à leur redistribution géographique. La multiplication des accords régionaux
de libre-échange aura également un impact
significatif. La poursuite de l’essor des zones
franches est-elle pour autant menacée, ou
bien celles-ci disposent-elles toujours d’un
potentiel de développement important ?
Un phénomène
en pleine expansion
On considère généralement que la première
ZFE « moderne » mise en place dans le
monde fut celle d’Irlande en 1959 (« Shannon Free Zone »). À la fin des années
soixante, on comptait une dizaine de zones,
la plupart en Asie (Taiwan, Singapour,
Hong-Kong, etc.) et en Amérique latine
(Mexique, République Dominicaine, etc.).
Par la suite, le concept de zone franche s’est
propagé et les ZFE se sont multipliées, tant
dans les pays en développement que dans les
pays développés.
Un concept souple
Le concept de zones franches d’exportation se
vent rencontrées peuvent être dénombrées :
décline aujourd’hui de nombreuses manières,
la simplification des procédures administrati-
les termes suivants étant les plus fréquemment
ves tant pour la création d’entreprise et la réa-
usités : zones franches industrielles ; zones fran-
lisation des investissements que pour la phase
ches industrielles d’exportation ; zones franches
d’exploitation ; un régime d’importation en
commerciales (se présentant souvent comme
franchise de droit pour les biens intermédiai-
des plateformes sous douane implantées dans
res nécessaires à la production des biens à
des pays ayant une activité importante en
exporter ; de très larges exonérations fiscales
matière de transit international) ; zones écono-
pour l’entreprise elle-même et pour ses salariés
miques spéciales (principalement en Chine) ;
expatriés ; dans certains cas, des assouplis-
entrepôts sous douane ; parcs technologiques
sements de la législation nationale du travail
et scientifiques ; zones de services financiers ;
; des aménagements spécifiques : des zones
ports francs ; zones franches touristiques (des-
industrielles viabilisées avec eau, électricité,
tinées à faciliter la vente au détail d’articles
télécommunications et parfois des bâtiments
de grande consommation pour les touristes),
industriels et de bonnes liaisons pour le trans-
etc. Le terme de zone franche d’exportation est
port ; des tarifs préférentiels sur les intrants
donc utilisé de façon générique pour désigner
et le fret, des exonérations des taxes à
l’ensemble de ces dispositifs, indépendamment
l’exportation, ainsi que des possibilités de
en particulier de la concentration ou de la
crédit à condition favorable ; des régimes
dissémination géographique de ces zones.
assouplis de change, allant très souvent
Si de nombreux régimes de zones franches
jusqu’à la liberté totale des mouvements de
existent, elles sont généralement fondées sur
fonds ; la non obligation de rapatriement d’une
des dispositifs voisins. Certaines mesures sou-
partie des recettes en devises.
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L’essor des ZFE s’est véritablement amorcé
dans les années soixante-dix et il se poursuit
aujourd’hui. Compte tenu du flou qui entoure
la définition du concept de zones franches
(encadré), il serait illusoire de tenter de
fournir un chiffre global concernant leur
taille en termes d’emplois, d’investissements,
etc. : en effet, certains pays peuvent être
considérés tout entiers comme des zones franches (Singapour par exemple), tandis que
l’emploi dans les zones franches chinoises
peut être évalué entre 1 et plusieurs dizaines de
millions selon la définition retenue (cf. ciaprès). En 1997, le Bureau International du
Travail avançait le chiffre de 4,5 millions de
salariés (hors Chine) répartis sur 93 pays. On
se limite donc ci-après à présenter des éva-
luations de la taille des zones franches dans
quelques pays qui fournissent des statistiques
à ce sujet et où leur définition recouvre un
champ comparable.
Selon les statistiques nationales de ces pays,
les cinq principales ZFE mondiales (hors
Chine) emploient à elles seules près de
2 millions de salariés(1). Les maquiladoras
mexicaines emploient ainsi plus d’un million
de salariés, les zones franches de plusieurs
pays asiatiques (Malaisie, Philippines, Sri
Lanka) et celles de la République dominicaine employant quant à elles chacune plus
de 100 000 salariés. Dans tous ces pays, les
zones franches ont enregistré un véritable
essor au cours de la dernière décennie.
L’emploi dans les cinq premières zones franches mondiales
(hors Chine)
1 300 000
500 000
340 000
44 000
290 000
99 000
270 000
1992 2001
1991 2000
1990 2000
1990 1997
Mexique
Philippines
Malaisie
Sri Lanka
Les ZFE se concentrent aujourd’hui principalement en Amérique latine et en Asie.
Le développement de zones franches dans
les pays d’Europe centrale et orientale est
un phénomène récent datant des années
1990. Il est, par ailleurs, frappant de remarquer que seuls deux des 49 Pays les Moins
195 000
141 000
60 000
1992 1998
République
Dominicaine
Avancés (PMA) ont obtenu un certain succès
dans leur politique de développement des
ZFE : il s’agit de Madagascar et dans une
moindre mesure du Bangladesh. Tous les
pays africains, à l’exception de Maurice et
de Madagascar, ont échoué jusqu’à présent
dans ce domaine.
(1) À l’exception des chiffres ci-après et sauf exception dûment signalée, les sources de tous les chiffres cités dans
ce document peuvent être trouvées dans Cling et Letilly (2001), Document de travail DIAL N°2001/17, consultable
en ligne sur http://www.dial.prd.fr.
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Si les généreuses incitations fiscales et douanières offertes déterminent pour une grande
part le choix d’implantation dans une ZFE
donnée (tableau p. 6), d’autres facteurs décisifs entrent en ligne de compte, le principal
étant les coûts et la productivité de la force
de travail. En effet, les activités des ZFE concernent surtout la production de biens intensifs en main-d’œuvre : vêtements, chaussures,
composants électroniques, jouets, etc.
La qualité des infrastructures et les coûts de
transport, la disponibilité des matières premières, le cadre des relations d’affaires ou
encore les facilités d’accès offertes aux grands
marchés dans le cadre d’accords préférentiels constituent d’autres facteurs d’investissements dans les ZFE.
La spécialisation productive des zones franches
dépend généralement du niveau de développe-
ment des pays hôtes. Dans les pays les plus
pauvres, la production de textile et d’habillement est prédominante (graphique). C’est en
particulier le cas au Sri Lanka, en République
Dominicaine et à Madagascar. L’électronique
prévaut en revanche dans les pays plus développés tels que la Corée du Sud, Taiwan, la Malaisie, les Philippines et le Mexique. En Malaisie et
aux Philippines, les biens électroniques comptent pour plus de la moitié des exportations, et
sont produits en quasi-totalité dans les ZFE.
La spécialisation productive des zones franches en Tunisie, et à Maurice dans une moindre mesure, fait figure d’exception : tout en
étant des pays à revenu intermédiaire, ces
pays conservent une forte spécialisation dans
le textile-habillement, favorisée par l’accès
préférentiel dont ils bénéficient sur le marché
européen.
Part du textile-habillement dans l’emploi total des zones franches
Par ordre décroissant, en %
76,3
75,0
66,0
62,5
5,3
Tunisie
Madagascar
Sri
République
Lanka Dominicaine
Taiwan
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Le cas spécifique des zones à statut spécial en Chine
Depuis l’ouverture de la Chine en 1978, les
autorités chinoises se sont engagées dans
une ambitieuse stratégie de croissance par les
exportations. Un des principaux instruments de
cette politique, expérimenté à partir du début
des années 1980 dans les régions côtières du
sud, a été la mise en place de cinq Zones
Économiques Spéciales (ZES). Des politiques
http://www.china-sd.net/eng/
économiques et des systèmes administratifs
spéciaux, conjuguant avantages fiscaux et
exemptions douanières, ont été adoptés afin
de personnes), la zone nouvelle de Pudong-
de stimuler les exportations et la croissance (via
Shanghai (près de 2 millions de personnes),
les investissements étrangers et l’introduction
enfin 53 zones industrielles de hautes et nou-
de nouvelles technologies). Plus généralement,
velles technologies (qui emploient environ
l’ambition des ZES a été d’expérimenter la
1,5 million de personnes). Au total, plus de
transition vers l’économie de marché (via l’ex-
20 millions de personnes seraient employées
périence de la gestion des entreprises mixtes).
dans des zones à statut spécial. Si le dévelop-
À ce titre, les co-entreprises chinoises en ZES
pement de ces zones est différencié selon leur
ont été les premières à engager des réformes
date de création, leur localisation géographi-
aussi diverses que les procédures d’appels
que et les avantages offerts, leur expérience
d’offre internationaux, le droit du travail et la
peut globalement être considérée comme un
protection sociale. Comparées aux ZFE « clas-
succès (au début 1997, sur près de 180 Md USD
siques » mises en place dans d’autres pays,
d’IDE réalisés en Chine, les ZES en avaient
les ZES chinoises diffèrent également par leur
drainé 15 %, les zones de développement éco-
échelle : elles ne sont pas de simples parcs
nomique et technologique 10 %, et les zones
industriels, mais des villes ou des régions com-
franches douanières 7 %).
prenant des zones résidentielles et commer-
L’évolution des zones à statut spécial est désor-
ciales, des équipements de loisirs et autres.
mais conditionnée par deux contraintes. D’une
De fait, un grand nombre d’activités qui
part, le creusement des inégalités régionales
se déroulent dans les ZES ne sont pas
au bénéfice des régions côtières impose une
directement destinées à l’exportation (cons-
réorientation de l’effort d’investissement dans
truction et activités de services notamment).
les régions du centre et de l’ouest. D’autre
Suite à l’expérience des ZES, les autorités chi-
part, l’entrée de la Chine dans l’OMC (fin 2001)
noises ont multiplié les zones proposant des
pourrait remettre en cause la pérennité du
avantages aux investisseurs. Outre les cinq
principe des zones à statut spécial. Les auto-
ZES (qui regroupent une population de plus
rités chinoises sont dorénavant tenues d’uni-
de 10 millions d’habitants), sont recensées
fier les régimes de taxation des entreprises
48 zones de développement économique et
domestiques (33 %) et étrangères (15 % envi-
technologique, 15 zones franches douanières,
ron, variant selon les types de zones à statut
des villes frontalières ouvertes et 14 zones de
spécial) : un taux de 25 % serait établi et appli-
coopération frontalière (comprenant 1,5 million
cable uniformément en Chine..
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Exemples d’avantages offerts aux entreprises des zones franches
Pays
Impôts
Droits
de douane
Relations
professionnelles
Autres mesures
incitatives
Bangladesh
Exemption d’impôts
sur les sociétés (IS)
pendant 10 ans.
Exemption complète
d’impôts sur les
dividendes pendant
10 ans.
Exemption
des droits de douane
sur les équipements
et les matières
premières entrant
dans le processus
de production.
La législation
nationale du travail
et le système national
des relations
professionnelles ne
s’appliquent pas
dans les ZFE.
Syndicats interdits
(ils seront autorisés
à partir de 2004).
Exemptions de taxe
sur les capitaux
empruntés.
Rapatriement libre
des profits
et du capital.
Maurice
Aucun IS pendant les
10 premières années
d’activité, exemption
des taxes sur les
dividendes versés aux
actionnaires pendant
les 5 premières
années. La nouvelle
loi prévoit : IS de 15%,
mais exemption des
taxes sur les dividendes distribués
pendant 10 ans.
Exemption des droits
de douane sur
les équipements
et les matières
premières entrant
dans le processus
de production.
Législation du travail
assouplie pour
les interruptions
de contrats de travail
et les heures
supplémentaires.
Libre rapatriement
du capital, des profits
et desdividendes.
Taux d’intérêt
préférentiels.
Mexique
Pas d’avantages
spécifiques.
Entraves à la liberté
Depuis 2001, les
syndicale.
importations non
originaires de la zone
ALENA sont assujetties à des droits de
douane.
Les programmes
sectoriels et la Regla
Octava (mécanisme
d’importation
d’exception), qui
s’appliquent à toutes
les entreprises,
bénéficient toutefois
particulièrement aux
maquiladoras.
Philippines
Exonération des
impôts sur le revenu
allant de 4 à 8 ans
selon les cas. Après
cette période, une
taxe spéciale de 5%
sur le revenu brut
remplace toutes les
taxes nationales.
Exemption des droits
de douane
sur les équipements
et les matières
premières entrant
dans le processus
de production.
Les relations
professionnelles
dans la zone franche
sont gérées par une
autorité spéciale.
Manque de liberté
syndicale.
République
Dominicaine
Exonération totale
des taxes et impôts
pendant une durée
de 10 ans.
Exemption des droits
de douane sur les
équipements et les
matières premières
entrant dans le processus de production.
Entraves à la liberté Libre rapatriement
syndicale même si les des profits.
entreprises des zones
doivent observer les
dispositions du Code
du Travail.
Thaïlande
Exonération de l’IS de Exemption sur les
3 à 7 ans, de taxe sur matières premières
importées.
l’outil de production
et de TVA.
Législation de droit
commun.
Déduction de certains
frais.
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Les ZFE : un instrument
au service de quel développement ?
·Enclencher un processus de développement
industriel.
·Créer des emplois et atténuer leurs problèmes de chômage.
·Engranger des devises.
·Attirer les capitaux étrangers dans le but
d’améliorer la compétitivité des économies.
·Favoriser les transferts de technologie.
·Améliorer l’efficacité de leur système productif, grâce à l’incidence favorable des entreprises étrangères sur la formation de la
main-d’œuvre locale (effets de démonstration).
Un diagnostic sur les ZFE doit tenir compte de
cette multiplicité d’objectifs. On s’intéresse ici
plus particulièrement à leur impact en termes
d’exportations, de diversification des activités
productives et de créations d’emploi.
Au cours de ces dernières années, les pays
créant des ZFE ont souvent considéré celles-ci
comme un instrument central de leur politique de développement. Si les objectifs en
termes de création d’emplois ont parfois été
atteints, il est, néanmoins, difficile de croire
que les activités des zones franches se réduisant à la production de biens technologiquement simples soient porteuses d’un grand
potentiel industrialisant.
En créant des zones franches, les pays en
développement espèrent que celles-ci leur
permettront de résoudre un certain nombre
de problèmes économiques auxquels ils sont
confrontés et de créer une dynamique de
développement. Les buts principaux poursuivis par les pays hôtes sont :
Part des ZFE dans les exportations totales de quelques pays
Par ordre décroissant, en %
82,1
75,9
58,0
48,5
39,4
République
Dominicaine
Maurice
Malaisie
Dans les pays où les ZFE ont connu le
plus de succès, celles-ci ont acquis un
poids déterminant en termes d’exportations. Parmi ces pays, c’est dans les petites
économies que le poids des ZFE est le plus
Mexique
Madagascar
prépondérant : à Maurice et en République
dominicaine, l’essentiel des exportations provient des zones franches. En Malaisie et au
Mexique, les zones franches représentent 50
à 60 % des exportations.
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Les ZFE contribuent ainsi de manière
importante à la diversification des exportations. Dans les pays pauvres, les exportations de produits manufacturés sont souvent
apparues avec la création de ces zones. C’est
en particulier le cas à Madagascar, qui est le
seul pays africain à avoir réussi à diversifier
la structure de ses exportations au cours de la
dernière décennie, grâce au développement
des exportations de produits manufacturés
(textile-habillement surtout) qui représentent
aujourd’hui une part significative du total.
Comme cela a été mentionné ci-dessus, les
activités des zones franches se concentrent
toutefois sur un petit nombre d’industries
intensives en main-d’œuvre (textile-habillement et électronique surtout) : ainsi, les
ZFE permettent une diversification relative des
exportations, mais seulement au sein d’une
gamme restreinte de produits.
Dans la mesure où elles concernent des activités intensives en main-d’œuvre, les activités
des zones franches offrent a priori un potentiel
important de création d’emplois. Comme c’est
le cas en matière d’exportations, le poids des
ZFE dans l’emploi total dépend toutefois
pour beaucoup de la taille des pays. Les
gouvernements des petits pays espèrent que
l’implantation d’une zone franche réglera en
partie leurs problèmes d’emplois. À Maurice,
18 % de la population active est ainsi employée
dans les ZFE ; en République Dominicaine et
au Costa Rica, les ZFE sont également les premiers employeurs. Dans les pays plus peuplés,
la création d’emplois dans les zones franches
est généralement marginale en regard de la
population active totale. Même en Malaisie, où
les zones franches ont un poids déterminant en
termes d’exportations, l’emploi dans les ZFE ne
dépasse pas 1,5 % de la population active.
La mesure de l’impact global des zones franches sur l’emploi doit aussi tenir compte
des emplois indirects qu’elles génèrent par le
biais des fournitures d’intrants et de services
aux ZFE. Le nombre de ces emplois indirects
est évidemment très variable en fonction du
degré d’intégration des ZFE aux économies. Le
ratio emplois indirects/directs obtenu par les
études empiriques varie ainsi entre 0,2-0,25 à
Madagascar et Maurice et 2 aux Philippines et
au Honduras.
La création d’emplois (directs et indirects)
par les ZFE ne signifie pas nécessairement une
baisse équivalente du nombre de chômeurs.
Leur impact sur le chômage est complexe
à définir. Certes, de nombreux pays ont vu
employer une partie des chômeurs par les
entreprises implantées dans ces zones. Pourtant, le recours de la plupart des ZFE à
une main-d’œuvre essentiellement féminine et très jeune pour occuper des
emplois non ou peu qualifiés a limité la
baisse du taux de chômage : celle-ci était
souvent inactive avant de se faire embaucher
par les ZFE. Si l’on excepte la Malaisie, où
les femmes ne représentent qu’un peu plus de
50% de l’emploi dans les ZFE, leur part est
comprise entre 60 et 80% dans tous les autres
pays pour lesquels on a pu recueillir des données. Les femmes présentent en effet l’avantage pour les employeurs d’être moins bien
rémunérées et d’être employées de façon privilégiée dans les secteurs les plus répandus
dans les ZFE (textile et électronique).
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Notons que dans les zones franches établies
dans des pays émergents (Corée, Mexique,
Malaisie), la part des femmes dans l’emploi
total des ZFE a eu tendance à décroître
au cours du temps. Cette évolution est à
mettre en rapport avec la diversification progressive de leur structure productive. Plutôt
que de former leur main-d’œuvre féminine
déjà employée, les ZFE préfèrent fréquemment embaucher des hommes, souvent plus
qualifiés.
Ceci étant, les rémunérations offertes
par les entreprises des ZFE sont souvent supérieures à celles offertes par
les entreprises hors de ces zones à
qualifications identiques. Au moins deux
explications peuvent être avancées pour justifier un tel état de fait :
- La plus grande productivité de la maind’œuvre de ces zones a pour contrepartie
naturelle de meilleurs salaires.
- Les politiques salariales des firmes étrangères sont souvent plus favorables que celles
des entreprises locales, que ce soit à cause
de la volonté d’attirer et de former des travailleurs semi qualifiés ou des instructions
données par la maison mère (l’opinion publique des pays industrialisés est de plus en plus
sensible aux conditions de salaire et de travail
des travailleurs des PED).
Site : investintunisia.com
Site : zfzarzis.com
Les pays en développement (PED) attendent
des ZFE qu’elles contribuent au développement économique du pays, tout en évoluant
au cours du temps pour induire autant qu’accompagner le développement économique des
pays qui les hébergent. Le passage du textilehabillement à l’électronique est pourtant déjà
parfois difficile à réaliser. Les ZFE de certains
pays à revenu intermédiaire continuent à abriter essentiellement des entreprises textiles et
ne parviennent pas à diversifier leur activité
(cf. les exemples déjà cités de Maurice et de
la Tunisie).
De fait, il existe une forte inertie dans la spécialisation sectorielle des ZFE, rendant une
sortie par le haut (intensification de la production de biens à forte valeur ajoutée) difficile. La diversification des activités, dont les
maquiladoras mexicaines constituent un des
rares exemples, est encore très limitée : les
entreprises des pays industrialisés ne délocalisent qu’un nombre très réduit de produits
manufacturés.
De même qu’il s’avère difficile de passer du
textile à l’électronique, une troisième étape
du développement des ZFE dans le secteur a
priori prometteur des services a du mal à se
dessiner. La progression de la part des services dans les échanges et les investissements
internationaux (un quart du commerce mondial et deux tiers des investissements internationaux) ainsi que l’avènement des nouvelles
technologies de télécommunications et d’information (NTIC) commencent à peine à se
répercuter sur les investissements réalisés
dans les ZFE. La diversification des activités
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des zones franches vers le secteur des services présente pourtant un grand potentiel, à
tel point que certains annoncent l’avènement
d’une seconde génération de zones franches.
Les nouvelles activités de services dans les ZFE
sont de nature très diverse : conception de
logiciels et d’outils Internet, développement
de plateformes de transit commercial, de plateformes électroniques pour des transactions
sécurisées en ligne, de centres d’appel et de
saisie de données en ligne, etc. Les zones
franches de plusieurs pays asiatiques (Corée,
Thaïlande, etc.), de Maurice et des Emirats
Arabes Unis essaient toutes de se diversifier
dans cette voie. En tout état de cause, il est
probable qu’une telle évolution, si elle a lieu,
laissera largement à l’écart les ZFE des pays les
plus pauvres, qui ne peuvent offrir les infrastructures et la main-d’œuvre nécessaires au
développement de ces activités.
Les pays d’accueil des ZFE attendent aussi
des entreprises étrangères qu’elles transfèrent
aux entreprises nationales une partie de leurs
connaissances et de leur technologie. Un tel
transfert doit encourager le développement
industriel de l’économie en général, en permettant des gains d’efficacité dans la production des biens dits non-traditionnels, ainsi que
dans celle des biens traditionnels.
D’une manière générale, le bilan de ces effets
d’entraînement des ZFE sur le reste de l’économie est en fait mitigé. Ceci s’explique d’abord
par des raisons intrinsèques au fonctionnement de ces dispositifs : pour une entreprise,
un investissement dans une ZFE a parmi ses
principaux objectifs de bénéficier d’exonération de droits de douane à l’importation, ce
qui crée un biais pro-importation, par nature
contradictoire avec une intégration locale
poussée des activités.
Par ailleurs, il existe généralement une grande
différence entre les secteurs de zone franche
et de droit commun. Souvent, coexistent un
secteur moderne, produisant à grande échelle
et uniquement pour l’exportation, et un secteur à faible productivité produisant à petite
échelle pour le marché domestique. Il n’y a
dès lors que peu de contacts possibles entre
ces deux secteurs qu’il s’agisse de contrats
de sous-traitance, d’approvisionnement ou de
synergies industrielles.
L’expérience historique des pays émergents
asiatiques conduit à relativiser le rôle potentiel des ZFE comme moteur de croissance,
surtout passé un certain stade de développement. Pour les pays disposant d’une capacité
d’épargne suffisante, le développement économique peut passer par la promotion d’une
industrie exportatrice à capitaux nationaux
diminuant ainsi l’importance stratégique des
ZFE. Les pays émergents asiatiques de la
première génération, tels que la Corée ou
Taiwan, ont certes créé des ZFE mais sont
loin d’avoir axé leur politique de promotion
des exportations sur ce seul instrument. Disposant d’une épargne domestique relativement abondante, ils ont surtout cherché à
favoriser le développement de grands groupes nationaux.
Dans ces deux pays, la création de ZFE a eu
lieu une fois engagé le processus de décollage économique. L’importance de ces zones
est aujourd’hui relativement marginale : l’emploi dans la zone franche de Masan en Corée
a ainsi été divisé par 2,5 depuis la fin des
années quatre-vingts même si les exportations qui en proviennent continuent à croître
du fait d’une politique de spécialisation sur
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des biens de haute technologie. Elles n’ont
par ailleurs jamais représenté plus de 3-4%
des exportations manufacturières dans le cas
de la Corée et plus de 10-15 % à Taiwan.
En revanche, l’impact des ZFE semble avoir
été beaucoup plus important dans le cas de
la deuxième génération de pays émergents
asiatiques (Malaisie, Thaïlande, Philippines
ou encore Indonésie).
Pour ces pays, il est, toutefois, encore trop tôt
pour porter un jugement définitif sur l’avenir
des ZFE. On peut, cependant, déjà noter une
réduction de leur part dans les exportations
de la Malaisie.
Pour la plupart des ZFE des pays en développement, la phase de décollage est difficile à
dépasser : leur structure sectorielle n’évolue
pas et leur part dans les exportations totales
reste constante. Ainsi, elles ne s’avèrent utiles
que lors des phases initiales du développement et pour des secteurs hautement concurrentiels, à faible valeur ajoutée.
Les zones franches dans la théorie économique
La théorie du cycle de produit de Vernon
Les nouvelles théories de la croissance ont
s’applique bien à la production des zones
amené à une appréciation plus favorable de
franches, spécialisées dans des produits
l’impact potentiel des zones franches, en met-
arrivés à maturité pour lesquels les tech-
tant en évidence les externalités possibles,
nologies et modes de production sont déjà
pouvant prendre la forme d’effets d’appren-
totalement maîtrisés et standardisés. De ce
tissage, d’accroissement du capital humain,
fait, ces secteurs sont l’objet d’une intense
d’effets de démonstration, etc.
concurrence sur les coûts, qui se traduit
Les transferts de technologie se heurtent
par le transfert des productions dans des
toutefois à au moins deux obstacles. D’une
pays en développement à bas coût de main-
part, la nature et les modalités des opérations
d’œuvre offrant des incitations diverses aux
qui se déroulent dans les ZFE semblent cons-
entreprises. Les zones franches constituent un
tituer un obstacle à l’existence de transferts
cas particulier de ce type d’investissements.
de technologie significatifs : leurs activités
Selon la théorie neo-classique, les ZFE consti-
correspondent largement aux phases d’as-
tuent une politique d’optimum de second rang
semblage de composants et de sous-ensem-
(second best), consistant à compenser une dis-
bles qui s’insèrent dans des processus de
torsion (un droit de douane) par une autre
production globaux dont les segments les plus
(une subvention). De ce fait, l’impact des dis-
techniques restent inaccessibles aux sous-
positifs de zones franches sur le bien-être
traitants
des pays d’accueil est a priori indéterminé.
travailleurs n’acquièrent que les connaissan-
Sensibles aux risques liés à ces distorsions
ces de base nécessaires au fonctionnement
(et aux risques d’évasion fiscale), le FMI est
d’un processus de production spécifique, qui
plutôt réticentes à encourager les zones fran-
sont difficiles à valoriser dans d’autres sec-
ches, préconisant plutôt une ouverture com-
teurs d’activité.
domestiques.
D’autre
part,
les
merciale générale.
Les zones franches d’exportation
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L’impact des accords commerciaux
internationaux
D’une manière générale, la libéralisation commerciale a des effets ambigus sur les ZFE. L’amélioration de l’accès au marché favorise leurs ventes,
tandis qu’en sens inverse le désarmement douanier dans leur pays d’accueil réduit l’attractivité
relative du dispositif à long terme. Outre cet impact
général, plusieurs accords commerciaux de nature
multilatérale ou régionale vont avoir un impact sur
l’avenir de ces dispositifs, et sur leur répartition
géographique et sectorielle.
Pour les pays à revenu intermédiaire, les
régimes des subventions des ZFE devront
être parfois revus au regard des accords de
l’OMC. L’Accords sur les Subventions et les Mesures Compensatoires (ASMC), signé en 1994, fixe
en effet des disciplines, parmi lesquelles l’interdiction des subventions à l’exportation, qui s’appliqueront à partir de 2003 aux pays à revenu par
habitant supérieur à 1000 USD. Suite à la quatrième conférence ministérielle de l’OMC qui s’est
déroulée à Doha en novembre 2001, les dérogations ont été prorogées jusqu’en 2007 pour
une vingtaine de pays qui en ont fait la demande,
parmi lesquels figurent Maurice et la République
Dominicaine. Cette prorogation bénéficie en particulier aux pays à revenu intermédiaire de très
petite taille, à savoir dont la part du commerce
mondial d’exportation de marchandises ne dépassait pas 0,1 % et dont le revenu national brut pour
l’année 2000 était égal ou inférieur à 20 milliards
de dollars US.
L’ASMC n’aborde pas frontalement la notion de
zone franche, mais il encadre les subventions(2)
accordées au sein des zones franches. L’agriculture et les services ne sont pas ouverts par l’ASMC
qui ne s’applique qu’aux produits industriels.
L’ASMC définit deux catégories de subventions
condamnables.
Les subventions interdites sont celles qui sont
subordonnées en droit ou en fait aux résultats à
l’exportation ou à l’utilisation d’intrants domestiques de préférence à des produits importés. Elles
font l’objet, en cas de litige, de procédures de
règlement des différends accélérées. Les sub-
ventions accordées aux entreprises qui exportent
un certain pourcentage de leur production, pratique courante dans les ZFE, sont ainsi vouées à
disparaître.
Les subventions qui ne sont pas interdites peuvent
néanmoins faire l’objet d’un règlement des différends devant l’OMC. Il s’agit des subventions
« actionnables ». Au titre de l’article 2.1 de l’accord
ASCM, sont actionnables les subventions spécifiques, c’est à dire les subventions dont le bénéfice est expressément réservé à un entreprise ou
à un secteur particulier, causant un dommage à
une branche de production d’un autre membre,
ou causant un préjudice grave-ou une menace de
préjudice grave- aux intérêts d’un Membre, ou
annulant ou compromettant des avantages résultant du GATT 94.
Les subventions « localisées » sont, au titre de l’article 2.2 de l’accord ASCM, également actionnables.
Ces subventions recouvrent les incitations spéciales
offertes par un État à chaque entreprise localisée
dans une zone déterminée, telle qu’une zone franche. En revanche, les modifications de taux d’imposition ne sont pas réputées être des subventions
spécifiques et sont autorisées.
Notons que l’application de l’ASMC n’implique pas
la disparition des ZFE mais seulement le démantèlement des subventions prohibées. Pour cette
raison, les pays qui ne bénéficient pas des dérogations accordées lors de la conférence de Doha
ont engagé une réforme de leur législation pour la
mettre en conformité avec les règles de l’OMC à
partir de 2003. Cette évolution est déjà perceptible
dans certains pays d’Asie (cf. encadré Asie p.13).
(2) Les exemptions de droits de douane ne sont pas assimilables à des subventions.
Les zones franches d’exportation
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Les Zones Franches d’Exportation (ZFE) en Asie
Les principales économies d’Asie ont toutes mis en
prisés par les opérateurs étrangers. Des exemples
place des ZFE. Leurs formes sont diverses, parfois
moins probants (Vietnam, Bataan aux Philippines)
au sein d’un même pays : certaines ZFE ne sont pas
rappellent toutefois qu’ils ne sauraient compenser
assignées à des zones géographiques délimitées
des infrastructures insuffisantes ou l’enclavement
(Malaisie, Thaïlande), d’autres ne conditionnent pas
des zones.
l’implantation à des critères d’exportation (Taiwan,
Succès dans l’ensemble, donc, le panorama des
Corée, Thaïlande, Vietnam). À l’extrémité du spec-
ZFE en Asie pourrait changer dans les années à
tre, Hong Kong et Singapour sont à l’exception de
venir :
quelques secteurs des ports francs.
- le concept de ZFE doit évoluer. D’une part, la
Si la contribution des ZFE au développement des
baisse des tarifs douaniers constitue une remise
économies d’Asie est difficile à isoler des multiples
en cause du concept traditionnel de ZFE. D’autre
avantages comparatifs des pays de la zone, elles
part, certains des avantages consentis dans les
semblent avoir joué un rôle plus déterminant dans
pays industrialisés (subventions, etc.) seront limi-
les économies semi-industrialisées d’Asie du Sud-
tés par les dispositions de l’OMC. Enfin, les besoins
Est (Malaisie et Philippines notamment). Globale-
changent au rythme du développement économi-
ment toutefois, l’outil peut être considéré comme
que (ainsi, le renchérissement du coût du travail
un succès :
nuit à la compétitivité de l’économie sur les secteurs
- bien que leur poids dans la population active
intensifs en main-d’œuvre, imposant une montée
reste limité, les ZFE sont des pourvoyeuses d’em-
en gamme technologique et/ou une diversification
plois non négligeables dans la plupart des grands
dans les services).
pays asiatiques (70 000 emplois directs à Taiwan,
- Dès lors, la tendance est à la promotion de nouvel-
de 200 000 à 400 000 aux Philippines, en Thaïlande,
les formes de zones à statut spécial. Taiwan en est
Malaisie et Indonésie) ;
l’illustration : développement depuis 1980 de «parcs
- les ZFE ont favorisé un processus de spécialisation
scientifiques et industriels», destinés à accueillir
sur des secteurs porteurs sur longue période (tex-
les entreprises, en grande majorité taiwanaises, à
tile et/ou habillement, électronique). Ainsi, la Corée
forte valeur ajoutée ; promotion depuis le début
et Taiwan ont dans un premier temps bénéficié du
des années 1990 de zones spéciales de transit ;
processus de délocalisation des grands groupes
projet de création de centres de ressources en mar-
internationaux, américains puis japonais. L’indus-
keting, afin de favoriser des activités de conception
trialisation rapide de ces deux économies et le relais
de produits éventuellement fabriqués à l’étranger.
pris par les groupes locaux expliquent toutefois
Ces développements font des émules : en Chine,
la faiblesse relative des ZFE dans les exportations
plus de 50 «parcs industriels des sciences et tech-
totales. Une seconde vague de délocalisations s’est
nologies» ont été installés depuis 1990. En tout état
propagée aux ZFE des économies du Sud-Est asiati-
de cause, le succès de nouvelles zones à statut spé-
que, en particulier en Malaisie et aux Philippines (en
cial semble davantage reposer sur la disponibilité
Malaisie, 80 % des exportations de produits manu-
d’une main-d’œuvre qualifiée, un haut niveau d’in-
facturés sont issues des zones franches). Toutefois,
frastructure et des effets d’agglomération.
même s’il a eu tendance à augmenter, le contenu en
- L’efficacité future des ZFE en Asie du Sud-Est est
valeur ajoutée locale est resté plus faible dans les
en question. Sorties affaiblies de la crise de 1997/98,
économies du Sud-Est (usines d’assemblage) que
les économies d’Asie du Sud-Est sont confrontées à
du Nord-Est. Enfin, les investissements se concen-
la montée en puissance de la Chine dans les échan-
trent désormais sur la Chine (cf. encadré page 5).
ges et les investissements internationaux. Dans ce
Parmi les déterminants de l’investissement, les
contexte, l’existence de zones franches risque d’être
avantages fiscaux et douaniers sont en général
un facteur de second ordre.
Les zones franches d’exportation
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Deux évolutions majeures touchent plus
particulièrement l’avenir de la production textile dans les zones franches.
Premier facteur, le démantèlement de l’Accord Multifibres (AMF) d’ici 2005, qui modifiera la distribution géographique de la
production de textile et d’habillement, particulièrement sur les zones franches de ce secteur.
Instauré en 1973, l’AMF impose des quotas
bilatéraux sur les quantités exportées par les
pays en développement sur les marchés des
pays industrialisés. Depuis la mise en place
de l’AMF, des changements importants ont
affecté la production et les échanges de la
filière textile. Les pays asiatiques qui remplissaient déjà les quotas qui leur étaient impartis ont investi dans d’autres pays, notamment
dans les zones franches d’Asie du Sud-est
(Bangladesh), d’Amérique latine et d’Afrique
(Maurice). Ce déplacement de la production
a permis à de nombreuses zones franches de
se développer.
Au cours des négociations de l’Uruguay round,
les pays membres se sont mis d’accord
pour réintégrer progressivement le secteur du
textile dans les règles du GATT. L’ATV (Accord
Textile et Vêtements) fixe les conditions de
cette réintégration d’ici 2005, qui se traduira
notamment par la disparition à cette date de
tous les quotas actuellement en vigueur.
L’élimination des mesures discriminatoires
va bouleverser les règles du jeu auxquelles
les entreprises du textile et de l’habillement
avaient adapté leur stratégie. Les producteurs
des régions périphériques, Amérique latine
d’une part, Bassin Méditerranéen et PECO de
l’autre risquent d’en perdre les bénéfices.
Les zones franches caribéennes et africaines,
fortement spécialisées dans le secteur textile,
bénéficient certes de l’accès libre de droits
de douane au marché européen, accordé aux
pays ACP par la convention de Lomé puis l’accord de Cotonou. Mais les pays asiatiques, leaders dans ce secteur, pourraient déplacer leurs
investissements à l’étranger vers les pays les
plus performants, et en profiter pour reconcentrer leurs activités afin d’exploiter des économies d’échelle et d’améliorer leur productivité.
Par conséquent, les chances de succès de certaines zones franches sont remises en cause.
L’avenir des ZFE dépendra désormais de leur
aptitude à dégager des avantages comparatifs
en termes de vitesse, de coût ou de qualité.
Deuxième facteur : l’adhésion de la Chine
à l’OMC fin 2001. L’ATV ne concerne pas
la Chine, premier producteur mondial de textile et d’habillement, qui était soumise à des
quotas spécifiques. Son adhésion aura toutefois des effets similaires à ceux de la mise en
place de l’ATV, dans la mesure où les quotas
qui lui étaient imposés vont être progressivement démantelés. Selon le CEPII, le choc
induit par la suppression des quotas chinois
sera supérieur à celui lié à la disparition de
ces quotas pour les autres pays(3).
Comme le note le CEPII, l’avantage procuré par
la proximité entre producteur et marché est
susceptible de limiter l’impact de la disparition des quotas, de même que la signature
d’accords régionaux de libre-échange
entre les grandes puissances commerciales mondiales (Union européenne
et États-Unis surtout) et les pays de
leur périphérie. Dans ce contexte, les
ZFE seront amenées à orienter de manière
croissante leurs exportations vers le grand
marché régional du pôle auquel elles
(3) La Lettre du CEPII, n°198, février 2001.
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appartiennent, la proximité du marché
constituant un avantage particulièrement important pour les produits du textile-habillement.
Ces phénomènes risquent d’accentuer la
concentration des ZFE dans les pays en développement les plus proches des marchés
américains et européens, alors qu’une
proportion croissante du commerce mondial
s’opère au sein d’une Triade : Amérique, Eurafrique (Europe-Afrique) et Asie. Comme le
montre le graphique, 82 % des exportations
européennes et africaines sont ainsi dirigées
vers la même zone géographique, les pourcentages étant respectivement de 62 % et 49 %
pour les exportations américaines et asiatiques.
Part du commerce intra-zone
(en % des exportations)
Europe-Afrique
78%
Amérique
Asie
82%
62%
49%
48%
42%
1990
2000
1990
Le cas de l’ALENA (Accord de Libre
Echange Nord Américain signé par le
Canada, les États-Unis et le Mexique)
constitue un exemple de la manière
dont les accords commerciaux régionaux
influent sur la localisation des zones
franches.
La logique de ce type d’accords est a priori
contradictoire avec celle des ZFE : d’un côté,
la suppression des droits de douane sur les
échanges intra-régionaux annule l’avantage
des ZFE pour les importations d’intrants provenant d’autres pays partenaires de l’accord ;
de l’autre, l’exonération de droits de douane
pour les importations des ZFE en provenance
de pays tiers doit être abandonnée, puisque le
principe des accords régionaux est d’accorder un traitement préférentiel au commerce
intra-régional. Pour cette raison, la signature
de l’ALENA avait conduit de nombreux observateurs à prédire une disparition des maquiladoras. Or, celles-ci ont au contraire prospéré
2000
1990
2000
Source : OMC
depuis l’entrée en vigueur de cet accord de
libre-échange en 1994, qui leur a procuré
un accès préférentiel aux marchés américain
et canadien. Grâce à l’essor des investissements étrangers au Mexique, leurs effectifs
sont ainsi passés de 500 000 salariés en 1993
à 1,3 million en janvier 2001, avant de redescendre provisoirement à 1,1 million fin 2001
sous l’effet de la récession américaine.
Si le régime douanier mexicain a été mis en
conformité avec l’ALENA (les intrants extrarégionaux des maquiladoras sont soumis au
régime tarifaire de droit commun depuis le
1er Janvier 2001), le gouvernement a cependant tenté de préserver l’attractivité des
maquiladoras : les droits de douane ont ainsi
été supprimés pour la plupart des intrants
indispensables aux maquiladoras, quelle que
soit leur origine. Le système reste ainsi avantageux, notamment pour les investisseurs des
pays qui ne bénéficient pas d’un accord de
libre-échange avec le Mexique.
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L’évolution comparée des exportations de
vêtements du Mexique et de la République
Dominicaine vers les États-Unis témoigne de
l’avantage comparatif procuré par l’ALENA.
Ainsi, alors que les montants des exportations
de vêtements de ces deux pays étaient équivalents en 1990 (environ 70 millions de dollars) la valeur des exportations dominicaines
représente aujourd’hui moins du sixième de
celle des exportations mexicaines (490 mil-
lions contre 3,3 milliards de dollars en 2001).
Les pays d’Asie exportateurs de vêtements ont
été les secondes victimes de l’ALENA. De fait,
bien que les salaires soient trois fois plus
élevés au Mexique qu’au Sri Lanka dans ce
secteur, il est plus rentable pour vendre aux
États-Unis de produire au Mexique en raison
du gain de temps et des économies réalisées
sur les frais de transport et les droits de
douane.
La présence française dans les ZFE
On ne décèle aucune tendance particulière des
de motifs stratégiques, qui leur sont spécifi-
entreprises françaises à s’implanter de façon
ques :
privilégiée dans les zones franches. Peu d’en-
- d’une part, la présence française est forte dans
treprises françaises sont ainsi recensées dans
des activités orientées vers le marché local
les ZFE en Asie (qui attirent surtout des inves-
(infrastructures, industrie lourde, agro-alimen-
tisseurs américains et asiatiques, y compris
taire, services), qui les excluent le plus sou-
nationaux) : aucune entreprise en Corée, un
vent du champ des ZFE. À Taiwan, la présence
nombre d’implantations inférieur à 3 % du total
d’entreprises françaises dans les zones à statut
des entreprises françaises en Indonésie et en
spécial (parc de Hsinchu notamment) s’expli-
Malaisie. A contrario, la présence française est
que largement par la proximité d’entreprises
plus forte dans les ZFE philippines (7 % des
locales partenaires ou clientes, davantage que
entreprises françaises recensées dans le pays,
par le statut de la zone elle-même.
et surtout 40 % de l’emploi, hors Ondeo). Sur
- d’autre part, dans de nombreux pays (Corée,
d’autres continents, la présence des entrepri-
Mexique), les investissements français consis-
ses françaises dans les ZFE de Madagascar
tent de façon croissante en des acquisitions de
(38 % des investissements réalisés) est compa-
sociétés locales, qui ne sont pas déterminées
rable à celle observée dans le reste de l’éco-
par la présence de zones franches.
nomie. Bien que dans le secteur électronique
grand public, la part des entreprises françaises
Les entreprises françaises présentes dans des
dans la production des maquiladoras soit de
ZFE déclarent valoriser avant tout les avanta-
l’ordre de 10 %, la présence française est globa-
ges fiscaux et les dérogations douanières. Elles
lement très limitée dans les ZFE mexicaines.
figurent notamment dans les secteurs des biens
de consommation, de l’énergie, de l’industrie
Si l’inadaptation de certaines ZFE peut expli-
lourde, et de l’électronique (la quasi-totalité
quer, le cas échéant, une désaffection des
des exportations françaises d’électronique en
entreprises françaises, leur faible présence
Malaisie est originaire des ZFE).
relative dans les ZFE est également tributaire
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Les ZFE et l’OIT
toute forme de travail forcé ou obligatoire ;
abolition effective du travail des enfants ;
élimination de la discrimination en matière
d’emploi et de profession.
Dès lors, cet organisme exerce un suivi attentif des conditions de travail dans les ZFE. S’il
reconnaît que la plupart des pays appliquent
la même législation du travail dans les ZFE
http://www.ilo.org/public/french/index.htm
que dans le reste du pays (Corée, Indonésie,
Le non respect par un pays des normes
etc.), il signale qu’un certain nombre d’entre
sociales internationales prônées par l’Organi-
eux adoptent, cependant, une législation du
sation Internationale du Travail (OIT) n’est en
travail spécifique. Celle-ci limite en particulier
général pas le résultat d’une volonté délibérée
le droit d’association et de négociation collec-
d’améliorer sa compétitivité internationale. De
tive. De surcroît, même dans les pays où une
fait, la plupart des pays qui ne respectent pas
seule législation du travail est en vigueur, elle
les normes de l’OIT ne les appliquent dans
n’est pas toujours appliquée dans les ZFE. Plu-
aucun secteur, qu’il soit domestique ou tourné
sieurs facteurs permettent aux entreprises de
vers l’exportation. Néanmoins, certaines ZFE
contourner la législation : le nombre d’ins-
constituent probablement le seul exemple
pecteurs du travail et, au-delà, les ressources
d’abaissement volontaire des normes de tra-
de l’administration sont insuffisants pour faire
vail afin de renforcer la compétitivité des entre-
face à la croissance très rapide du nombre de
prises à l’exportation et d’accroître l’attractivité
ZFE dans certains pays et le fort taux de rota-
du pays pour les investisseurs étrangers.
tion de la main-d’œuvre réduit sa capacité à
La médiocrité des conditions de travail dans
faire respecter ses droits.
les zones franches constitue le principal repro-
Les rapports de l’OIT relèvent de nombreuses
che qui leur est adressé, à tel point que le
violations des normes fondamentales du tra-
qualificatif de « zones d’oppression » leur est
vail dans les ZFE, en particulier en matière
parfois appliqué. Ce reproche n’est générale-
de droit d’association. Au Pakistan et au Ban-
ment pas justifié en ce qui concerne le niveau
gladesh, les syndicats sont interdits dans les
des salaires, supérieur aux minima nationaux ;
ZFE. Dans ce dernier pays, les syndicats seront
des enquêtes confirment néanmoins les crain-
autorisés à partir de 2004, les États-Unis ayant
tes exprimées à propos des conditions de tra-
menacé de retirer le bénéfice de leur Système
vail en vigueur, et plus particulièrement du
de Préférences Généralisées. Au Panama, une
respect des normes internationales de travail
législation du travail spéciale se substitue au
définies par l’OIT.
code du travail dans les ZFE, y imposant en
La Déclaration de l’OIT relative aux principes
particulier des restrictions au droit de grève.
et droits fondamentaux au travail accentue
Dans certains pays où les syndicats sont en
la pression sur les pays violant un certain
principe autorisés dans les ZFE au même
nombre de normes fondamentales, dont la
titre que dans le reste du pays, les faibles
liste est précisée par cette déclaration : liberté
taux de syndicalisation suggèrent que des bar-
d’association et reconnaissance effective du
rières non légales s’opposent à leur fonction-
droit à la négociation collective ; élimination de
nement.
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Quel avenir
pour les zones franches ?
L’impact des ZFE sur l’emploi et les exportations des PED est souvent loin d’être négligeable, même s’il est exagéré de considérer ces
dispositifs comme la panacée en matière de
développement.
Les ZFE paraissent aujourd’hui confrontées à
une triple contrainte internationale :
- commerciale, avec l’ouverture multilatérale
et les disciplines de l’OMC applicables aux
pays de revenu intermédiaire ou élevé ;
- financière, du fait du souci du FMI de lutter
contre l’évasion fiscale ;
- sociale enfin, avec l’attention croissante
portée par la communauté internationale au
respect des normes de l’OIT.
La législation de nombreuses ZFE est donc
amenée inéluctablement à évoluer, pour se
conformer au droit international. Les zones
franches ne sont pas pour autant condamnées à disparaître, en tant qu’outil de politi-
que industrielle : l’approfondissement de la
libéralisation commerciale aux plans multilatéral et régional, ainsi que l’élimination progressive des distorsions de concurrence ne
représentent pas tant une menace pour les
PED qu’une chance pour l’accueil d’investissements à plus fort potentiel de développement. S’y ajoute l’impact, encore difficile
à apprécier mais probablement tout aussi
important, des nouvelles formes de la division internationale du travail : la diffusion
des nouvelles technologies de communication
peut ainsi favoriser le développement dans les
PED d’activités de services destinées aux pays
industrialisés.
De fait, tous les acteurs impliqués dans
les dispositifs, entreprises, pays en développement et institutions d’aide au développement, vont devoir dans les prochaines années
adapter leur approche des zones franches
d’exportation.
Pour en savoir plus sur les différentes ZFE,
des fiches de synthèse relatives aux ZFE des principaux pays en développement
sont disponibles sur les sites web des Missions Économiques, notamment :
Indonésie : www.dree.org/indonesie (rubrique Implantation) :
Thaïlande : www.dree.org/thailande (rubrique Implantation)
Chine :
www.dree.org/chine (rubrique Informations Pays/Cadrage Général)
Corée :
www.dree.org/coree (rubrique Implantation)
Malaisie :
www.dree.org/malaisie (rubrique Implantation)
Vietnam :
www.dree.org/vietnam (rubrique Implantation)
Singapour : www.dree.org/singapour (rubrique Les marchés/Approche du marché)
Taiwan :
www.dree.org/taiwan (Lettre de Taiwan n°77, rubrique Actualités/Nouveautés)
Mexique :
www.dree.org/mexique (rubrique Informations Pays/Cadrage Général)
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Retrouvez les numéros disponibles de DREE-Dossiers sur
http://www.commerce-exterieur.gouv.fr/publications1/
!Élargissement de l’Union européenne
!Le commerce extérieur de la France en 2000
!Le Partenariat Euro-Méditerranéen
!Le contentieux de l’investissement international
!Émergence : risques et opportunités
!L’implantation française à l’étranger
!l’OMC et la gouvernance commerciale
!Échanges et éthique
!Le commerce extérieur de la France en 2001
!Le Marché Intérieur
!Vers un espace économique euro-méditerranéen
!L’insertion de l’Afrique dans le commerce international
!L’économie de l’Internet après la crise
Rédacteurs :
- Jean-Pierre Cling,
[email protected]
- Jean-Baptiste Gros,
[email protected]
- Gaëlle Letilly,
[email protected]
- Bruno Valersteinas
[email protected]
Éditeur :
Direction des Relations économiques extérieures
Ministre délégué au Commerce extérieur
Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie
139 rue de Bercy - 75572 Paris CEDEX 12
Directeur de la publication :
Jean-François Stoll, directeur de la DREE
Responsable de la rédaction : Eric Duédal
Date de parution : 28 octobre 2002
Publication gratuite
ISSN : 1155-4142
Conception graphique : Élisabeth Vieille
Abonnement : En ligne : site Internet
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Contact : [email protected]
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