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Lettre d’information
Arrêt de la Cour de Cassation du 17 mars 2015 – Procédure en limitation
La procédure de limitation de la portée d’un brevet français ou de la partie française d’un brevet européen est un outil introduit par
la loi de la modernisation de l’économie n°2008-776 du 4 août 2008, permettant au Titulaire d’agir volontairement sur la portée de
son brevet après la délivrance de ce dernier.
Cette possibilité est potentiellement très intéressante pour les détenteurs de brevets délivrés, sous réserve que les dispositions de
la Loi soient correctement appliquées et que les contours de ce qui est autorisé puissent être clarifiés par la Jurisprudence dans le
cas où des doutes subsisteraient.
Par son arrêt en date du 17 mars 20151, la Cour de Cassation a apporté, dans un sens favorable au Titulaire, une touche finale à une
affaire opposant l’INPI à la Société Syngenta, suite à une requête de cette dernière en limitation de la portée de la partie française
de son brevet européen EP 90300779, rejetée par l’INPI.
Dans cet arrêt, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé par l’INPI contre l’arrêt de la Cour d’Appel en date du 25 octobre
2013, qui avait lui-même été rendu sur renvoi après un « premier » arrêt de la Cour de Cassation en date du 19 mars 2013. Ce
« second » arrêt de la Cour de Cassation confirme la teneur de la décision de la cour de renvoi, qui est dite être conforme à la
doctrine affirmée par la « première » décision de la Cour de Cassation. La Jurisprudence initiée par la « première » décision de la
Cour de Cassation est donc maintenant pleinement confirmée.
Dans son ensemble, cette affaire a permis d’inscrire dans la Jurisprudence un précédent clair concernant les points suivants :
-
La modification d’une revendication pour y ajouter une caractéristique additionnelle, sans qu’il y ait changement de
catégorie2 de la revendication, constitue bien une limitation, et
Il est autorisé, dans la cadre d’une demande de limitation, d’ajouter à une revendication une caractéristique seulement
décrite dans la description.
La procédure de limitation devant l’INPI est organisée par l’Article R. 613-45 du Code de la Propriété Intellectuelle. Cet article
prévoit, d’une part (a) que les revendications modifiées doivent constituer une limitation, et d’autre part (b) que les revendications
modifiées doivent être conformes aux dispositions de l’Article L. 612-6, qui précise que les revendications doivent être claires et se
fonder sur la description.
En l’espèce, le Titulaire souhaitait limiter la revendication 8 de la partie française de son brevet européen EP 90300779, portant sur
une composition fongicide revendiquée de façon ouverte pour comprendre un premier principe actif, en y ajoutant un second
principe actif pris dans une liste de composés définis.
L’ajout du second principe actif pris dans une liste de composés définis était prévu dans la description du brevet, mais pas spécifié
dans les revendications délivrées.
S’agissant du premier point (a), il a été conclu sans surprise que cet ajout constitue bien une limitation de la portée de la
revendication 8 délivrée. L’objet reste le même, à savoir une composition fongicide, et le nombre de compositions couvertes par le
brevet n’a pas été augmenté. Par conséquent on ne peut pas considérer que la modification apportée ait conduit à un
élargissement des risques de contrefaçon.
1
2
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000030385644&fastReqId=1511941288&fastPos=1
Les catégories de revendications sont les produits, les procédés, les dispositifs et les utilisations.
S’agissant du second point (b), la revendication modifiée est constatée être soutenue directement et sans ambiguïté par la
description du brevet, selon une expression largement utilisée à l’Office Européen des Brevets. De fait, la revendication 8 délivrée
était libellée sous forme ouverte, la description prévoyait la possibilité d’ajouter un second principe actif, et les caractéristiques
ajoutées, en particulier la liste ajoutée dans la revendication 8, avaient une contrepartie littérale dans la description initiale. Mais la
Cour ne se limite pas à rechercher une contrepartie littérale des caractéristiques introduites dans la revendication : elle s’attache à
souligner que l’homme du métier aurait su déterminer les paramètres techniques (en l’espèce les dosages) nécessaires à la
réalisation de l’effet technique propre à l’objet de la revendication limitée.
Cet arrêt, attendu par la doctrine, clarifie ainsi les critères à prendre en compte pour qu’une requête en limitation soit conforme
aux textes qui la prévoient, et renforce donc la sécurité juridique pour les utilisateurs de la procédure de limitation devant l’INPI, et
les tiers.
©Ernest Gutmann – Yves Plasseraud (EGYP) SAS