Définition philosophique de l`identité
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Définition philosophique de l`identité
Définition philosophique de l’identité Le terme d’identité, au-delà des simples définitions d’un dictionnaire, souvent réduites à son sens premier d’identique et à son sens juridique – l’identité qui renvoie à ce qui détermine une personne : son nom, son prénom, son sexe, sa nationalité, ses caractéristiques physiques propres – s’avère une notion bien complexe revêtant de nombreux paradoxes et contradictions. Ainsi, tenter de définir la notion d’identité reste difficile. Selon les champs disciplinaires, il est possible de considérer l’identité comme un ensemble de sentiments : unité, cohérence, permanence, reconnaissance et comme un processus d’individualisation. Il est aussi fréquent d’insister sur l’inévitable articulation entre l’identique et le différent, l’idem et le singulier. Dès lors que penser de la définition d’Ernest Boesch qui considère l’identité comme « une structure de fond permanente qui permette de nous identifier et de nous reconnaître »1 ? L’identité serait-elle statique et non dynamique ? Il semble pourtant que non. Pour tenter de clarifier ce concept, le détour par plusieurs auteurs et certaines de leur citations sera nécessaire. Puis nous tenterons de mettre en parallèle relation éducative et construction de l’identité personnelle pour conclure par un questionnement au sujet de l’identité professionnelle. Le concept d’identité L’identité est un ensemble de représentations constantes et évolutives que l’on a de soi et que les autres ont de nous. Un sentiment d’identité que chacun construit autour d’une certaine quête de reconnaissance, que l’on acquiert en se réalisant par l’action, (responsabilité, création, engagement, action sur les objets…) par l’expression de ses valeurs afin de prendre conscience d’être « cause et d’être quelqu’un »2 aux yeux des autres et à ses propres yeux. L’individu s’inscrit dans une temporalité, il sait d’où il vient, qui il est et où il désire aller. En définitive il suit un fil rouge qui lui permet d’être conscient de son passé pour construire son avenir, dans l’objectif d’atteindre son propre idéal. L’identité se caractérise également par la dualité de sa formation. Elle est tant unique, chacun possède sa propre identité ; que multiple : adaptation en fonction des différentes interactions avec autrui et intégration dans différents milieux (professionnels, affectifs…), pouvant également amener à différents conflits, tant par des phénomènes de dédoublement ou d’oppositions interpersonnelles que par différents processus de conflits intrapersonnels. Elle se construit à la fois dans la continuité et dans le changement ; et autant dans la ressemblance que dans la séparation, c’est à dire l’autonomisation qui permet l’affirmation personnelle. La notion d’identité montre une fois de plus tout son paradoxe dans l’idée d’identification, c'est-àdire, le fait de pouvoir augmenter sa ressemblance à autrui, par l’appropriation de valeurs morales, ou de compétences, dans le but de pouvoir s’affirmer dans un groupe afin de valoriser son « soi » et de promouvoir ses propres valeurs existantes, confrontation inévitable à toute intégration sociale. En opposition à cette contradiction, la notion de singularité dans l’identité montre bien la nécessité 1 Ernest Boesch, « identité individuelle et personnalisation » 2 Pierre Tap : Introduction, « Identité individuelle et personnalisation » de chaque individu à « sortir de l’autre », afin de réaffirmer sa singularité identitaire au sein d’un groupe social. Dans ce sens, ce que Paul Ricoeur nous rappelle dans un grand nombre de ses ouvrages traitant de l’identité sous les termes d’ « identité-mêmeté » et d’ « identité-ipséité », nous permet de mieux définir le concept d’identité à travers ces deux termes. Le concept de mêmeté rapportant à une idée de perduration en tant qu’être biologique, de rôle social, à un ensemble de propriétés permettant l’établissement d’une forme d’identité, en somme à une certaine forme d’objectivité commune à tous. Le concept d’ipséité quant à lui, concernant la notion de singularité et de relation à son semblable, établissant à la fois différence et reconnaissance, renvoyant à une subjectivité toute singulière, dans l’ « être-soi » et l’idée de voir l’autre comme un « autre-soi » , semblable dans son autonomie singulière. Citations commentées 1 ) « L’identité est une sorte de foyer virtuel auquel il nous est indispensable de nous référer pour expliquer un certain nombre de choses, mais sans qu’il n’ait jamais d’existence réelle » Claude Lévi-Strauss, « L’Identité », 1977. Claude Lévi-Strauss, dans cette citation, montre bien l’importance primordiale de définir le concept d’identité afin d’en comprendre ses rouages, mais montre bien également à quel point l’identité est un domaine flou, renvoyant bien à l’idée qu’il ne faut pas enfermer le concept identitaire dans une norme fixe et cadrée. Il rappelle à juste titre que l’identité est avant tout vécue et pensée sans pour autant être théorisée, mais qu’elle permet malgré tout de mieux connaître le fonctionnement des individus dans leur complexité. 2) « Le sujet advient d’abord dans la négation de ce qu’il est ». Vincent de Gaulejac, « Qui suis-je », p.125 Au fondement de notre identité personnelle préside un certain nombre de déterminismes, héritage de ce que chaque individu reçoit à la naissance. Ce sont les capitaux économiques, sociaux, culturels mais aussi biologiques, symboliques et affectifs dont il dispose. L’individu est en quelque sorte assujetti à tous ces déterminismes, en ce sens l’identité personnelle se construit sur le mode d’un travail de subjectivation. E n passant par des actes d’autonomisation, d’affirmation, l’individu construit son identité dans un processus de désassujettissement qui le pousse à une reconstruction perpétuelle de ce qu’il est : « le sujet n’est pas un état, une substance, un déjà là, mais une potentialité, une virtualité, un devenir ». C’est le reflet de la dimension mouvante de l’identité, insaisissable, elle est une virtualité créatrice. 3) « Le sentiment d’identité, c’est le fait que l’individu se perçoit le même, reste identique à luimême dans le temps ». Pierre Tap, Introduction, «Identité individuelle et personnalisation». Ce sentiment d’identité s’organise dans un sentiment de continuité temporelle, par la construction d’un passé, d’un présent, et l’organisation de projets futurs. Ce sentiment implique également la cohérence des conduites et de l’identité, unité parfois ébranlée par des projets en contradiction avec l’identité passée, des engagements, des créations, des prises de responsabilité… 4) « Depuis 1931 et la création de la carte nationale d’identité, l’identité est une collection de signes (photo, empreinte) et de mesures (la taille, le poids). Mais cet apparaître est insuffisant pour saisir l’être ; la ressemblance ; la permanence et la reconnaissance sont alors les trois piliers de l’identité ». Philippe Gaberan. « Cent mots pour être éducateur » Notre identité n’est pas immuable, elle est construite dans le temps autant avec le passé, notre héritage, avec le présent, rester cohérent avec nous-mêmes et avec le futur, donner un sens à notre vie. L’identité est tant extérieure (signes physiques), qu’intérieure (métier, cadre de vie, opinion politique …), mais avant tout elle est auto-construite. On peut faire évoluer son physique (changer de nom ou même de sexe) et également se construire de l’intérieur, construire notre vie, notre avenir. Il est donc indéniable que « l’autre construit ce qu’il devient » autour de trois « piliers » : ressemblance, permanence et reconnaissance. Approche de la pratique de l’éducation spécialisée dans le processus identitaire Dans le cadre de sa pratique professionnelle, l’éducateur spécialisé est amené à soutenir le processus identitaire des différentes personnes qu’il rencontre. Primordiale et indispensable, le soutien à la construction identitaire est au fondement de son action éducative dans le cadre du processus d’accompagnement de l’individu vers son autonomie, qu’elle soit sociale, professionnelle ou physique. La relation privilégiée de l’éducateur avec l’usager qu’il accompagne suppose la nécessité de ce dernier de prendre appui sur des supports identificatoires. A la fois exemplaire et faillible, l’éducateur doit se « garder de la tentation de modeler », de projeter sur l’autre ses propres désirs, son propre idéal. En ce sens, le processus identitaire suppose un accompagnement, une connaissance et un respect des limites de l’usager et de soi-même. Les difficultés qu’il peut rencontrer lors de son accompagnement dans ce processus ne doivent pas constituer un frein à l’action éducative qu’il entreprend. Mais nous ne devons pas perdre de vue que le rôle joué par l’éducateur(trice) spécialisé(e) dans le processus identitaire ne s’effectue que de façon ponctuelle auprès de personnes en situation de vulnérabilité à un moment donné. En ce sens, l’identité personnelle envisagée sur le mode d’un processus continue sa construction au-delà de toute action éducative. « Il n’est pire tyrannie que de vouloir le bien de l’autre ». 3 L’éducateur ne doit pas substituer sa propre conception, ce qu’il considère comme bon pour l’autre, aux besoins de l’usager. L’accompagnement doit permettre à ce dernier de mettre en lumière ses potentialités, formuler ses besoins, atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés dans le cadre d’un projet éducatif individualisé. 3 E. Kant. Au travers de cette approche de la pratique professionnelle, il nous apparait qu’identité professionnelle et identité personnelle sont intimement liées, à la fois dans ce que l’éducateur spécialisé est de par son vécu, sa vision des choses, ses rêves, ses idéaux mais avant tout dans sa propre notion de la réalité et de la construction identitaire. En ce sens, l’identité personnelle de chaque éducateur impacte sur sa pratique professionnelle : « l’éducateur travaille avec ce qu’il est ». A charge de l’éducateur spécialisé de se poser les questions suivantes qui semblent fondamentales dans son approche professionnelle : «Dans quel sens et jusqu’où son identité personnelle interagit sur son identité professionnelle ? En quoi cette identité professionnelle peut avoir des répercutions sur sa conception personnelle de l’identité ? En somme, quel positionnement adopter dans ce champ complexe qu’est l’identité, à la fois croisée, personnelle/professionnelle et mêmeté/ipséité ? » A.Boisgirard T.Philys M.Colson B.Bordelly