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Ce petit-déjeuner avec les députés est l’occasion pour Denis Terrien, notre président,
d’inaugurer son mandat : échanger des actions pratiques, renforcer le lien entre entrepreneurs et
hommes politiques, c’est là, selon lui, que réside le grand intérêt de ces petits déjeuner entre nos
adhérents, chefs d’entreprise, et les députés qui acceptent de se prêter au jeu. Et pourquoi pas,
Denis Terrien invite les députés à faire un stage de deux semaines en entreprise !
« Trois thème nous tiennent à cœur et seront abordés lors de cette réunion : la
conjoncture, le climat des salariés dans les entreprises et la conjoncture financière.
85% des patrons de PME n’ont pas confiance dans le futur. Cela entraine moins
d’investissement et donc, moins de recrutements, une dynamique positive en baisse. Cela est lié à
deux éléments : l’incertitude de l’avenir, mais aussi les remontées des employés. En effet, pour
donner un exemple, depuis le début de l’année, les ventes de textile on baissé de 5%, et je crois
que la courbe est décroissante aussi pour les ventes de voiture : avec la baisse du niveau de vie, la
consommation s’essouffle, il faut la relancer.
Pour relancer l’économie, nous devons nous appuyer sur des entreprises qui marchent
bien ».
Raoul DESSAIGNE
Je vais vous parler du Be2Be.
Dans mon métier, la conjoncture est très bonne grâce à l’international et aux grands projets
phares – en ce moment, par exemple, le projet de TGV Tours/Bordeaux.
Mais les perspectives sont inquiétantes : en France, l’industrie dépend à plus de 50% des
commandes publiques. Nous devons travailler dans la durée. Dans la perspective des grands
projets, nous recrutons beaucoup, nous faisons des postes sur lesquels il y a de l’avenir et des
possibilités de formation.
Nous constatons de plus en plus une instabilité législative et réglementaire. A cela s’ajoute
aujourd’hui une instabilité politique. Je prends l’exemple du canal Seine Nord : nous avons
recruté environ 150 personnes pour ce projet, à temps plein ; pour le projet d’éolien maritime,
nous en avons recruté une centaine. Ces projets, nous ne sommes même pas sûrs qu’ils se fassent
un jour, parce qu’ils dépendent beaucoup de la taxe carbone, de la volonté des hommes
politiques...
Ma question est donc la suivante : comment se réinscrire dans la durée ?
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Un député présent
La baisse de la consommation est due à l’augmentation du coût de la vie. Mais le problème ne
viendrait-il pas aussi des entreprises, c’est-à-dire de la manière dont elles rémunèrent leurs
salariés ?
Nous sommes conscients que ce sont les entreprises qui vont résoudre le problème de
l’instabilité. Mais s’il y a instabilité, il ne faut pas oublier que c’est à cause de quelques
entreprises qui sont hasardeuses – notamment dans le secteur bancaire – il faut les encadrer.
Pour cela, nos hommes politiques devront mettre les techno-enarques au service de la politique et
non se laisser entrainer par leurs discours.
Denis TERRIEN
En effet, la crise aujourd’hui reflète l’instabilité et la technocratie. D’où la légitimité d’Entreprise
et Progrès : promouvoir des idées novatrices.
Un député présent
Je voudrais revenir sur la consommation. Je n’ai personnellement pas beaucoup aimé la
déclaration faite par Frédéric Lefebvre et que l’on pourrait résumer ainsi : les Allemands
produisent et exportent, et les Français consomment1. Le pouvoir d’achat baisse parce qu’il n’y a
pas assez de travail, parce que nous ne produisons pas suffisamment, la comparaison avec
l’Allemagne est assez évidente. Il faut donc prendre des mesures pour renforcer la compétitivité.
Cela fait plusieurs années que je défends une mesure qui ne passe pas très bien, celle qu’on
appelle maintenant la « TVA anti délocalisation ». Nous en parlons depuis que A. était ministre
des finances, et les Allemands l’ont faite. Là est la vraie solution, et non dans le « consommons
plus ».
Un député présent
Et que pensez-vous de l’impôt à la source ?
Il faut clarifier notre votre position.
Un député présent
Je connais un peu le monde l’entreprise pour avoir travaillé chez Véolia...
Or, il y a un nombre certain de commandes publiques qui sont stables. Mais pour qu’il y ait
stabilité, il faut un pouvoir public stable, une vision plus équilibrée sur la nécessité de la
puissance publique pour l’éducation, les routes...
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La création d'une TVA sociale, ou d'une taxe anti-délocalisation, comme l'appelle Jean-François Copé, rend le
ministre circonspect : «Il est sain qu'il y ait ce type de débat essentiel et structurant (…) Mais prenons garde. Ayons
en tête que le moteur économique allemand, ce sont les exportations, alors que le moteur économique français, c'est
la consommation. Avant de se lancer dans une réforme de ce type, il faut bien réfléchir.»
2
Et en réponse à « Député D », dans peu de temps, nous mettrons l’impôt à la source...
Dominique LOUIS
Je voudrais faire une petite digression pour vous inviter à écouter le discours de Steve Jobs à
Stanford en 2005 qui circule beaucoup sur internet en ce moment. Il y revient sur son parcours,
ses galères, pas d’études supérieures, il s’intéresse un peu à l’art et au graphisme par plaisir, puis
il créé Apple d’où il est viré quelques années plus tard et revient pour inventer le Mac ; puis
l’annonce du cancer... « Quand la mort rôde, dès lors qu’on est vivant, quoi qu’on décide, on ne
prend aucun risque, faites quelque chose qui vous plait ! »2
C’est un grand moment d’espérance.
Denis TERRIEN
« Vivez chaque jour comme s’il était le dernier, apprenez chaque jours comme si vous alliez
vivre pour l’éternité ». C’est quelque chose qui me touche énormément : il est de notre
responsabilité de former nos collaborateurs. L’an dernier, chaque employé du groupe 3 Suisses
international a été formé 4 jours et demi, c’est un investissement qui va bien au-delà du minimum
légal. J’appelle d’ailleurs maintenant notre siège : l’Université : quand on y va, c’est pour
apprendre !
François MORTEGOUTTE
Je représente une PME du bâtiment.
Pardonnez moi de revenir à quelque chose d’un peu plus concret, mais je crois qu’on n’a pas
répondu sur l’impôt à la source : techniquement, il n’y a pas beaucoup de difficultés pour une
entreprise pour appliquer cet impôt, la difficulté vient plutôt pour l’Etat du décalage d’année,
d’impôts.
2. Le climat des salariés dans l’entreprise
Patrick DUMOULIN
Je dirige Great Place to work. Je vais amener une note d’optimisme dans cette conjoncture un peu
morose… Nous intervenons dans tous genres d’entreprises. Je voudrais faire quelques remarques
de ce que nous avons pu constater :
- Tout d’abord, nous sommes dans un climat général assez fragilisant. Le nombre de
sources de stress augmente dans et hors entreprise. D’autre part, des facteurs de
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« A l’âge de 17 ans, j’ai lu une citation qui disait à peu près ceci : « Si vous vivez chaque jour comme s’il était le
dernier, vous finirez un jour par avoir raison. » Elle m’est restée en mémoire et, depuis, pendant les trente-trois
années écoulées, je me suis regardé dans la glace le matin en me disant : « Si aujourd’hui était le dernier jour de ma
vie, est-ce que j’aimerais faire ce que je vais faire tout à l’heure ? » Et si la réponse est non pendant plusieurs jours
à la file, je sais que j’ai besoin de changement [...] Votre temps est limité, ne le gâchez pas en menant une existence
qui n’est pas la vôtre. »
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protection : sens du travail et lien social diminuent depuis plusieurs années et tendent à
s’amplifier. Cela créé des frottements propres à l’entreprise et y créent des tensions.
L’entreprise qui veut traverser ces périodes difficiles sans problèmes devra en premier
lieu renforcer ces facteurs de protections au travail par un management adapté, porteur de
bien être et de performance.
- Il y a aussi des entreprises qui réussissent et où il fait bon travailler pour les salariés. Pour
celles-là, on ne parle pas de dégradation du pouvoir d’achat. Je vais donner quelques
exemples : Leroy-Merlin, Pepsico, Mars dans le Loiret (80% de salariés ouvriers),
Valrhona dans la Drôme, Interparfums, les Piscines Waterair en Alsace... Pour 86% des
salariés de ces entreprises, leur direction gère leur entreprise de façon honnête et en
respectant des règles éthiques ; qu’ils sont fiers de déclarer à d’autres qu’ils travaillent
pour leur entreprise ; pour 67%, d’éventuels licenciements n’auraient lieu qu’en dernier
recours. Les dirigeants de ces entreprises sont proches, disponibles pour leurs employés,
font partager leur vision, sont transparents, et aussi optimistes.
Nous constatons trop souvent une frilosité médiatique voire politique pour mettre en avant des
entreprises qui réussissent et qui donnent le moral.
Or il existe une relation évidente entre le bien-être et l’efficacité économique, dont l’entreprise
doit se préoccuper en accordant de plus en plus d’importance au bien-être des salariés
La conjoncture économique actuelle, les informations extérieures pessimistes peuvent avoir des
conséquences négatives même chez les meilleurs, c’est pourquoi il me semble important que dans
vos circonscriptions vous puissiez vous appuyer sur des exemples positifs, et rappeler que dans
notre pays il y a plus d’entreprises où il fait bon travailler qu’on ne le pense, qu’on ne le dit ou
qu’on ne l’écrit et contribuer ainsi à lutter contre un pessimisme parfois exagéré.
Patrick BUCHARD
Je suis consultant en entreprise, j’ai un cabinet d’alcoologie au travail. Je confirme ces propos, et
je voudrais rebondir dessus en ajoutant quelque chose. Je peux vous donner l’exemple
d’Hermès : valeur et sens du métier, reconnaissance, ont créé « un métier un sac », c’est-à-dire
qu’une personne fait un sac du début à la fin. J’entends les salariés me dire besoin d’une
reconnaissance, d’un chef, d’une politique d’entreprise, d’une ligne directrice, mais on ne trouve
pas les chefs. On a besoin de chefs à l’écoute et d’une identité d’entreprise. Une lecture à court
terme du travail n’entraine pas d’investissement personnel. Dès qu’il n’y a plus d’identité, on
s’en va et je travaille pour beaucoup d’entreprises où les salariés ne savent pas où ils vont.
C’est aux dirigeants de donner à leur entreprise une ligne respectable.
Un député présent
Peu d’étudiants des grandes écoles aspirent à devenir dirigeants de grosses entreprises, ils pensent
plutôt à des carrières internationales.
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Pourquoi accumuler les installations d’entreprises autour de Paris, alors qu’il y a toute la place en
province ? Je suis député de Mayenne, un département rural, où il y a deux fois plus de vaches
que d’hommes, et pourtant, un département industriel. Nous avons un des taux de chômage les
plus bas de France (sous 6%), un des plus gros taux de fécondité de France. Pourtant, beaucoup
des originaires de Mayenne se sont installés en région parisienne et aspirent aujourd’hui à revenir
pour la qualité de la vie.
En Mayenne, les entreprises sont très souvent familiales, qui ont grossi (groupe Président).
Quand les gens connaissent les départements, ils ne veulent pas y venir, nous prenant pour des
ploucs. Or, nous avons une vraie qualité de travail, issue du monde agricole, des gens courageux,
peu syndiqués.
Essayez donc, Messieurs les chefs d’entreprise, de venir voir ce qui se passe en province,
pourquoi ne pas penser à délocaliser en dehors de Paris ?
Un député présent
En province, le temps n’a pas la même « durée ». Dans ma circonscription, 85% des gens sont
heureux de vivre dans leur quartier : ils satisfont le besoin de vivre ensemble, la reconnaissance et
les relations humaines dont nous avons tous besoin. I faut revenir sur cette relation humaine, que
ce soit dans nos villes ou dans nos entreprises. ON est dans des communautés humaines, il ne
faut pas l’oublier.
Hervé GOURIO
Je suis perplexe quant à la baisse du pouvoir d’achat en France : c’est vrai que d’un côté, on
regarde les chiffre et on se dit qu’on aurait beaucoup de mal à vivre avec un salaire médian –
1600 euros environ -, et d’un autre côté, on voit que les Français ont acheté 25 millions de
téléviseurs au cours des quatre dernières années, que les ventes de petites voitures ont explosées
ces deux dernières années. D’où vient cette variation ? Le lien est connu en macro économie :
c’est la perception du risque de chômage, dès que les Français pensent qu’ils ne sont pas
concernés par ce risque, la consommation augmente. Ce n’est donc pas tellement le salaire
moyen qui a de l’importance, mais la visibilité que les patrons d’une entreprise donnent à leurs
employés. Cette visibilité est un enjeu commun au monde politique et au monde de l’entreprise.
Un député présent
Je suis très touché par ce que vous avez dit à propos de ce que les salariés attendent de leurs
responsables. On touche peut-être ici une spécificité française. On dit que l’individualisme est de
plus en plus important, qu’il entraine l’instabilité dans les entreprises, dans les régions. Pour moi,
c’est faux : les gens ont besoin, en France, de sentir qu’ils appartiennent à une communauté, et
l’entreprise devrait être réhabilitée comme telle, comme un lieu où l’on développe ses relations
sociales de façon pérenne.
Dès lors qu’on rétablit dans l’entreprise fierté, confiance dans ses dirigeants et transparence, on a
tout gagné. N’est-ce pas également ce que l’on trouve dans une famille, dans une Nation ?
Je pense à une grande entreprise, MacoPharma, aujourd’hui propriété de Gérard Mulliez qui l’a
relancé. Gérard Mulliez est des grand partisans de la TVA sociale, ce qui est assez particulier
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pour un grand distributeur, parce qu’il pense que pour avoir beaucoup de clients, il doit y avoir
surtout beaucoup de travailleurs en France qui ont un salaire « normal ».
Louis-Marie DUCHAMP
Je suis dans le domaine de la restructuration industrielle, c’est un secteur qui compte moins de
plans sociaux, un secteur assez optimiste.
Je voudrais poser une question à Messieurs Buchard et Dumoulin qui viennent de prendre la
parole. Il me semble, d’après ce que vous avez dit, que les entreprises qui supportent le mieux la
crise sont les entreprises familiales.
Patrick DUMOULIN
En effet, ce sont des entreprises où le partage des bénéfices est équitable, où il y a une politique
de partage de la croissance et des bénéfices, un accès des salariés au capital.
Patrick BUCHARD
Oui, nous devons tous aller voir les modèles familiaux, où les salariés ont du sens, la hiérarchie
une reconnaissance et une bienveillance. Les salariés y sont heureux, cela parait évident à
quiquonque y va. En outre, les salariés ont une visibilité sur ce qu’ils seront dans quelques
années.
Dominique LOUIS
J’entends surtout parler d’entreprise qui vont bien parce qu’elles ont une stratégie remarquable.
Attention à la distinction entre une entreprise qui va bien parce que ses affaires fonctionnent et
une entreprise en période de tourmente : il y a aussi une dynamique de la réussite : votre rôle,
Messieurs les Députés, est donc aussi d’apporter la confiance aux entreprises en difficulté.
3. La conjoncture financière et ses conséquences sur l’entreprise
Jean-Philippe DEBAS
Les bilans des banques sont faux : pour vous donner un exemple récent, Dexia a passé, en juillet,
le stress test avec brio ! Mais les banques se considèrent elles-mêmes comme non solvables
puisqu’elles ne se prêtent plus entre elles.
S’il y a baisse de bilan, il y a baisse des prêts aux entreprises – les banques ne peuvent pas cesser
de prêter aux Etats – Les banques sont entrées dans une course à la rentabilité de leurs fonds
propres.
Dans cette conjoncture, les premières entreprises à tomber sont celles qui sont en fin de chaîne.
En outre, aujourd’hui, les capitaux aussi sont durs à trouver : sur les marchés non quottés, les
acteurs se retirent, les banques se sont retirées il y a quelques années, et maintenant, ce sont les
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assureurs – j’imagine que vous avez vu qu’Axa allait se retirer, ce n’est que le prélude – Il y a
donc aujourd’hui deux guichets pour les entreprises : le premier est OSEO / FSI qui font un
travail remarquable, mais une grosse partie des entreprises n’y ont pas accès, et l’autre est la
Chine, c’est là qu’il y a l’argent et les chefs d’entreprises vont là-bas le chercher.
Il faut recapitaliser les banques, mais comment ?
Les marchés ont pris le relais des technocrates : c’est devenu complètement instable.
Michel HERVE
Les deux tiers des entreprises ont besoin de financement. Résultat : elles n’investissent plus que
lorsqu’il y a une complète sécurité, et celle-ci n’existe que dans un environnement prévisible que
nous n’avons plus.
Si nous considérons l’évolution des banques, elle s’est faite ainsi : elles étaient avant dans une
recherche permanente du non-risque. Puis, elles se sont mises – la Société Générale a été la
première – à développer l’innovation financière. C’est ainsi qu’elles sont devenues des
entreprises à part entière, et pouvant donc se trouver en situation de perte. Or, je pose la
question : peut-on être à la fois un prêteur et prendre des risques ? Je pense, pour ma part, que
non ! La conséquence de tout cela, c’est que les banques aujourd’hui ne prêtent plus à ceux qui en
ont besoin : « on ne prête qu’aux riches ».
Francis GAUTIER
Il y a un point qui n’a pas été évoqué et qui me semble pourtant important : le taux d’épargne est
très haut aujourd’hui.
Michel HERVE
Je veux citer l’étude publiée par l’école de Paris du management et réalisée par Henri Lagarde.
Elle compare deux PME, l’une française et l’autre allemande. Elles font 17 millions de chiffre
d’affaire. La PME française réinvestit 500 000 euros quand la PME allemande en réinvestit 2.5
millions ! Cela fait une grande différence. Or, la sortie de la crise ne se fera qu’avec un couple
franco-allemand : il faut se rapprocher de l’industrialisation allemande.
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