Médecins sans frontières, Doctors without Borders, Ärzte ohne
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Médecins sans frontières, Doctors without Borders, Ärzte ohne
Médecins sans frontières, Doctors without Borders, Ärzte ohne Grenzen : traduire les noms propres d’associations (français – anglais – allemand) Thierry GRASS Université Marc Bloch Strasbourg II, EA1339 LILPA France Résumé Cet article a pour objet d’étudier la traduction ou la non traduction des noms d’associations, le terme étant compris au sens large d’anthroponyme collectif. En effet, si la loi française de 1901 a sa propre conception de la notion d’association, cette conception ne peut être étendue sans problème au-delà du territoire national. C’est d’ailleurs le caractère national plus ou moins marqué de l’association qui décidera de la nécessité d’une traduction du nom propre d’association qui prend très souvent la forme d’un sigle ou d’un acronyme. Cette contribution s’appuie sur des exemples français, allemands et anglais ; elle a pour objet non seulement de définir ce qu’est un nom d’association, mais aussi de fournir certaines pistes permettant de l’identifier au niveau du traitement automatique et, s’il n’existe pas encore de traduction officielle, de le traduire ou de décider de ne pas le traduire. 0. Introduction Les associations jouent un rôle considérable dans le monde contemporain : de caractère culturel, humanitaire, politique, religieux ou sportif, à but lucratif ou non, chacun les retrouve à tous les échelons de la vie d’un pays, d’une région ou d’une ville. Elles n’ont parfois qu’un intérêt local, comme le club de football d’un 2 Thierry GRASS petit village, ou, à l’instar de Greenpeace ou d’Amnesty International, peuvent rassembler des millions d’adhérents sur les cinq continents. Entre les deux, il existe des associations qui ne sont connues qu’au niveau national. Du point de vue linguistique, les noms d’association sont des noms propres qui présentent tous la particularité de se confondre avec le référent abstrait qu’ils désignent, une entité juridique artificiellement créée par l’être humain. Contrairement aux autres noms propres anthroponymiques comme les prénoms, les patronymes ou les noms d’entreprises, les personnes dites « morales » de droit privé, les noms d’associations se traduisent ou s’explicitent la plupart du temps. Présentant certaines caractéristiques linguistiques qui leurs sont propres, comme la construction parfois possible avec l’article défini, une caractéristique qui n’est pas partagée avec d’autres types de noms propres qui leur sont proches, comme les noms d’entreprise se construisant en général sans article. Les noms d’association sont souvent associés à un sigle (Fédération Française de Basket Ball – FFBB). Dans la recherche d’information, on s’aperçoit que les noms d’association ne sont pas toujours orthographiés de façon homogène et, lorsque l’on cherche à les traduire, on prend conscience du fait que les pratiques sont assez divergentes. Selon le facteur de notoriété, les noms d’associations vont avoir des traductions officielles ou libres, ce qu’attestent des exemples relevés à l’aide de moteurs de recherche. L’objet de cet article est de mettre un peu d’ordre dans le recensement des noms propres d’association pour pouvoir les intégrer dans une base de données lexicale multilingue de noms propres telle que Prolexbase 1 présente sur le site du CNRTL (Tran & Maurel 2006). Une description syntaxique et sémantique est aussi nécessaire pour une utilisation en traduction assistée par ordinateur ou en traduction automatique. 1 http://www.cnrtl.fr/lexiques/prolex/ Traduire les noms propres d’associations 3 Cette étude se place dans un contexte contrastif allemand – anglais – français où il s’agit non seulement de relever les traductions qui paraissent les plus fréquentes, ou les plus correctes, dans une perspective descriptive qui se veut parfois normative, mais aussi de définir des critères permettant d’évaluer les traductions. Après avoir tenté de définir ce qu’est un nom propre d’association, nous verrons quels sont les indices formels qui permettent de les reconnaître pour ensuite les traduire. Nous nous attarderons ensuite sur les informations linguistiques nécessaires à leur codage. Nous terminerons sur un exemple pour mettre en évidence la relative fiabilité des informations recueillies sur la toile. 1. Qu’est-ce qu’un nom propre d’association ? La notion d’ « association », telle que nous la connaissons en français, est une notion floue. La loi française de 1901 définit l'association comme « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager des bénéfices ». Cette définition n’est évidemment pas la même selon le contexte linguistique : le Royaume-Uni et l’Allemagne n’ont pas notre loi française de 1901 et la définition du mot anglais association ne recouvre que très partiellement la notion française, de même que Verein pour l’allemand. Plus généralement, l’association est un groupement faisant partie des anthroponymes collectifs, ce qui implique certaines compatibilités avec des verbes réservés aux humains (Gross 1995) : « Amnesty International défend la possibilité d'avorter pour les femmes en danger. » (défendre dans le sens de « plaider pour » n’accepte qu’un agent humain comme sujet à la voix active). Au mot association, il serait possible de substituer le nom organisation qui a l’avantage d’exister dans les trois langues 4 Thierry GRASS considérées. Si l’on consulte l’entrée Greenpeace avec la fonction « define : » de Google, on obtient les résultats suivants 2 : Greenpeace (de l'anglais : paix verte) est une organisation non gouvernementale non violente de protection de l'environnement... (fr.wikipedia.org/wiki/Greenpeace) ONG internationale pacifiste et écologiste créée en 1971, en 1977 en France. Organisation célèbre pour ses opérations commandos. (http://www.istravail.com/article133.html) organisation indépendante des gouvernements qui concentre son activité sur 5 aspects de l’environnement : les activités nucléaires, la limitation des utilisations des produits toxiques, la protection des espèces menacées dans les océans, la protection de la stabilité de l’atmosphère (maîtrise des énergies) et la lutte contre les OGM. (www.equipyrene.org/pyrenees_sans_frontieres/espaces_naturels/dictionn aire.htm) an international organization that works for environmental conservation and the preservation of endangered species (wordnet.princeton.edu/perl/webwn) Greenpeace, originally known as the Greenpeace Foundation, was founded in Vancouver, British Columbia, Canada in 1971 to oppose the United States testing nuclear devices in Alaska. (en.wikipedia.org/wiki/Greenpeace) A direct-action environmental organization (en.wiktionary.org/wiki/Greenpeace) Greenpeace ist eine 1971 von Friedensaktivisten in Vancouver, Kanada gegründete internationale politische Non-Profit-Organisation, die den den Umweltschutz zum Gegenstand hat. (de.wikipedia.org/wiki/Greenpeace) Ce nom d’« organisation » semble prédominer, ce que l’on retrouve dans le sigle ONG (« organisation non gouvernementale ») pour une organisation d'intérêt public qui ne relève ni d’un État ni 2 26 février 2009. Traduire les noms propres d’associations 5 d'une autre institution internationale. Les traductions sont respectivement non-governmental organization (NGO) pour l’anglais et Nichtregierungsorganisation (NRO) pour l’allemand bien qu’on retrouve aussi le sigle NGO en allemand 3 . Si nous avons tout de même choisi d’utiliser le nom d’ « association » dans cet article, c’est pour le différencier des noms d’ « institutions » qui leur sont très proches (Humbley 2006) et pour lesquels la distinction n’apparaît pas toujours très clairement. En effet, alors que les organisations non gouvernementales dépendant des Nations Unies sont assimilées à juste titre par John Humbley à des institutions, il est difficile d’en dire autant pour des organisations par nature non institutionnelles comme Greenpeace, Attac (Association pour la Taxation des Transactions pour l’Aide aux Citoyens) ou Amnesty International mais notre sujet n’est pas d’établir ici une ontologie des noms propres. Les noms d’associations peuvent revêtir différentes formes associées à différentes amorces, en dehors des « associations » à proprement parler comme Association Emmaüs, il existe des « sociétés » comme la Société des Amis du Musée Guimet, des « fédérations » comme la Fédération française de Tennis, des « ligues » comme Ligue contre la violence routière, etc. Le concept d’association varie fortement selon les différentes langues et comporte un certain nombre de quasi synonymes, nous n’énumérons ici que les définitions qui correspondent au concept que nous tentons de développer dans trois dictionnaires électroniques représentatifs des langues étudiées : 3 Pour une liste des ONG, voir : http://wwo.fr/ong_liste.php 6 Thierry GRASS Français (source TLFI 4 ) association, f = groupement permanent de personnes mettant en commun leurs connaissances, leur activité et leurs ressources, en vue d'un but qui n'est pas exclusivement ou principalement patrimonial. Association Petits Princes amicale, f = groupement généralement local de personnes qui partagent les mêmes goûts, défendent les mêmes intérêts. Amicale des amateurs de golden retriever club = association à caractère sportif ou à but touristique. Yacht Club de Monaco fédération, f = groupement, en une seule, de plusieurs associations poursuivant un but commun. 4 Anglais (source Wordnet 5 ) Association = a formal organization of people or groups of people. Rifle National Association club = a formal association of people with similar interests. National Press Club federation = an organization formed by merging several groups or parties. National Wildlife Federation (NWF) guild = a formal association of people with similar interests. The Guild of Master Craftsmen organization = a group of people who work together. National Organization on Disability society = a formal association of people with similar interests. National Geographic Society http://atilf.atilf.fr/tlf.htm http://wordnetweb.princeton.edu/perl/webwn 6 Bibliographisches Institut & F. A. Brockhaus AG. 5 Allemand (source Duden 6 ) Bund, m = Vereinigung zu gemeinsamem Handeln. Bund Naturschutz Gesellschaft, f = Vereinigung mehrerer Menschen, die ein bestimmtes Ziel oder Interessen gemeinsame haben. Deutsche Gesellschaft für Humanes Sterben Klub (ou Club), m = Vereinigung mit politischen, geschäftlichen, sportlichen oder anderen Zielen. Segelklub Bayer Uerdingen Organisation, f = a) das [Sich]zusammenschließen zur Durchsetzung bestimmter Zielsetzungen; Interessen, b) einheitlich aufgebauter Verband, Zusammenschluss von Menschen zur Durchsetzung bestimmter Interessen, Zielsetzungen. für Weltorganisation geistiges Eigentum Verein, m = Organisation, in der sich Personen zu einem bestimmten gemeinsamen, durch Satzungen festgelegten Traduire les noms propres d’associations 7 Fédération française de tennis (FFT) ligue, f = association à but humanitaire créée en vue de défendre les libertés essentielles de l'individu. Ligue contre le cancer organisation, f = ensemble structuré (de services, de personnes) formant une association ou une institution ayant des buts déterminés. Organisation internationale de la Francophonie union = the act of making or becoming a single unit. Union of Concerned Scientists Tun, zur Pflege bestimmter gemeinsamer Interessen o.Ä. zusammengeschlossen haben. Verein Deutsche Sprache Vereinigung, f = Zusammenschluss, auch lockere Verbindung von [gleich gesinnten] Personen zur Verfolgung eines gemeinsamen Zwecks; zu bestimmtem Zweck gegründete (gegenüber dem rechtlich Verein unverbindliche) Organisation. MathematikerDeutsche Vereinigung société, f = ensemble, réunion de personnes. des Société Neurosciences Le tableau qui précède ne saurait relever toutes les définitions possibles des différentes dénominations possibles du nom d’association. Tous les termes relevés sont polysémiques mais sont dans une de leurs acceptions des quasi-synonymes d’ « association ». La traduction la plus proche d’association en français est également association en anglais, Verein en allemand. 2. La reconnaissance formelle du nom d’association Il existe plusieurs indices permettant de reconnaître un nom d’association, le premier fait appel à son environnement lexical, le second à la présence de sigles ou acronymes, des suites de lettres pour la plupart du temps non lexicalisées. 8 Thierry GRASS 2.1. Preuve interne et externe Le tableau précédent sur trois langues propose des termes quasi synonymes que l’on retrouve souvent dans les noms d’associations. McDonald (1996 : 22-23) propose un outil de reconnaissance des noms propres fondé sur les notions de preuve interne et preuve externe. Selon Friburger (2006 : 643), « La plupart des outils informatiques de reconnaissance de noms propres utilisent ces preuves sans les nommer ainsi. » Comme le nom l’indique, la preuve interne se situe à l’intérieur même du nom propre et selon McDonald (1996 : 22), elle fait partie de l’entité nommée elle-même. La preuve interne consiste en des mots qui permettent de le repérer et de catégoriser les entités nommées. Dans The National Rifle Association of America connu aussi sous National Rifle Association ou sous son sigle NRA, association fait partie intégrante du nom propre et permet de le typer, il en va de même pour société dans Société des Gens de Lettres, même s’il faut prendre garde au typage : « société » dans le sens de « société savante » par rapport à « société commerciale », société étant lui aussi un terme polysémique. La preuve externe quant à elle concerne le contexte droit ou gauche d’apparition des noms propres dans la phrase. Chaque nom propre réfère à un individu de type spécifique. Dans le discours, surtout journalistique, l’auteur donne aux lecteurs des informations complémentaires sur les organisations qu’il cite et ces informations peuvent aider, dans un processus automatique, à déterminer le type de tel ou tel nom propre. La preuve externe sera aussi appelée contexte gauche ou contexte droit selon que le contexte se trouve à la gauche ou à la droite du nom propre dans la phrase. Dans le syntagme l’association Médecins sans frontières, le déclencheur association, situé à gauche, ne constitue pas une partie du nom officiel de l’organisation, il s’agit d’une preuve externe. De manière similaire, le contexte droit permet de typer le nom propre Traduire les noms propres d’associations 9 comme dans le syntagme Emmaüs – Association humanitaire. Le nom officiel de l’association est Emmaüs et, toujours selon McDonald (1996 : 23), le déclencheur association représente ici une preuve externe car il ne fait pas partie du nom officiel de l’association, ce même terme constituant seulement un contexte possible d’apparition qui ne se limite pas à l’occurrence citée. La polysémie des termes synonymes d’association comme club, société, union en français, union en anglais, Bund et Gesellschaft en allemand oblige parfois d’affiner les stratégies de typage. Pour prendre un exemple, la simple présence du déclencheur club ne garantit pas que l’on va recueillir à chaque fois un nom d’association. Certes, dans des stratégies de recherche, certains opérateurs permettent d’éliminer des occurrences non pertinentes : l’utilisation du signe moins dans une requête avancée de Google, par exemple « club – "hotel club" » permet d’éliminer tous les contextes où l’expression 1 (club) apparaît conjointement avec l’expression 2 (hôtel club entre guillemets). Il est possible de combiner les expressions parasites et d’effectuer une requête complexe comme « club – "hotel club" – "club internet" – "club med" », cette requête pouvant aussi être associé à une requête avancée de sélection de langue et de pays. Les modèles de reconnaissance automatique des noms d’associations passent aussi par le filtrage d’expressions parasites 7 . 2.2. Sigles et acronymes Le sigle qui s’épelle ou l’acronyme qui se prononce comme une unité phonique font partie des indices formels qui permettent de repérer un nom d’association. Les sigles et acronymes consistent la plupart du temps en une suite de lettres majuscules, mais majuscules et minuscules sont parfois mélangées (Attac). 7 Avec cet exemple sur le moteur de recherche Google au 22 mars 2009, on obtient 2 noms d’association avec « club ». 10 Thierry GRASS Formellement, un sigle entre parenthèses signalise généralement un nom d’association ou d’organisation antéposé. Les sigles correspondant aux noms d’associations sont extrêmement nombreux. Une liste des sigles et acronymes associés aux noms d’associations est accessible sur le site : http://www.acronymfinder.com/ Le site recense ainsi 284 significations possibles pour le sigle « AA » dont un grand nombre de noms d’associations. Il est ainsi utile de faire suivre la traduction du nom d’association par son sigle ou son acronyme en langue source, même si celui-ci n’est pas présent dans le texte source, ce dernier permettant de retrouver le nom original de l’association. Der Deutsche Alpenverein hat sich jetzt für einen Ausbau der AutozugVerbindungen anstatt des Autobahnnetzes in den Alpen ausgesprochen. Le club alpin allemand (DAV) s’est prononcé en faveur du développement des liaisons trains+autos plutôt que d’une extension du réseau autoroutier dans les Alpes. 3. La traduction des noms d’association La plupart du temps et contrairement aux organisations non gouvernementales 8 , les noms d’associations n’ont pas de traductions officielles. Les procédés de traduction varient en fonction de la notoriété : • Certaines associations ont un caractère international marqué. Leur dénomination pourra demeurer en languesource (National Geographic Society, Société des Gens de Lettres) ou encore faire l’objet d’une traduction autorisée ou non (Médecins sans frontières, Doctors without Borders, 8 Les sous organisations des Nations Unies sont traduites du fait de la place accordée au multilinguisme dès le départ dans les principes fondateurs de l’organisation (résolution 2 du 1er février 1946 ainsi que toutes une série de résolutions sur le multilinguisme adoptées depuis 1995). Traduire les noms propres d’associations 11 Ärzte ohne Grenzen). Il va de soi que les associations opérant dans un environnement multinational ont des traductions officielles : Salvation Army = Armée du Salut = Heilsarmee. Ces traductions officielles peuvent faire défaut en allemand (qui utilisera alors l’anglais) du fait que l’anglais et le français sont les langues traditionnelles de la diplomatie : International Criminal Defence Attorneys Association = Association internationale des avocats de la défense. • D’autres associations au contraire ont un caractère purement national et ne sont pas ou guères connues en dehors de ce seul contexte national (Brot für die Welt, association caritative allemande, mot à mot « Du pain pour le monde »). • Entre les deux, certaines associations nationales auront une certaine notoriété et pourront bénéficier d’une traduction faisant autorité selon des critères de fréquence (Fédération Française de Ski, en anglais French Ski Federation ou plus rarement French Skiing Federation, en allemand Französischer Skiverband). Cette différenciation à trois niveaux permet de définir un critère de notoriété et avant de traduire un nom d’association, on aura tout intérêt à consulter la toile pour savoir si ce nom a déjà été traduit. On aura parfois des surprises, comme pour la traduction de l’association écologique Amis de la terre, en allemand : Friends of the Earth Germany. En fait, l’association française n’est qu’une branche de l’association Friends of the Earth International : une dénomination en français n’atteste pas toujours d’une origine française. Pour la traduction du nom d’association comme pour toute traduction, on aura recours aux procédés traditionnels que sont l’emprunt, l’incrémentialisation, le calque ainsi que l’adaptation. 12 Thierry GRASS 3.1. L’emprunt L’emprunt, en particulier en anglais, est généralement réservé aux associations dont la notoriété est mondiale comme Greenpeace ou Amnesty International ou même à celles qui le sont un peu moins, comme dans ces exemples : Passez une semaine dans la ville et assister à la convention annuelle de la Modern Language Association. (jorgeledo.net/fr/2008/12/modernlanguage-association-annual-convention-2008/comment-page-1/) Melinda Anderson, porte-parole de la National Education Association (NEA) (appy.ecole.free.fr/articles/20050900f.htm) L’emprunt étant une non traduction, son utilisation pour des organisations de notoriété faible ou moyenne laisse parfois paraître le texte cible comme étranger et non abouti. 3.2. L’incrémentialisation Certains noms d’associations, même relativement connues, sont très difficilement traduisibles. Il peut donc paraître judicieux d’avoir recours à ce que M. Ballard appelle une incrémentialisation (2001 : 112), où seront introduits avant ou après le nom d’association en langue-source des mots expliquant le nom propre d’association. Ainsi, de l’allemand vers le français, nous traduirons Brot für die Welt par organisation caritative allemande Brot für die Welt en ajoutant pour ainsi dire une preuve externe à la dénomination en langue source empruntée. Le calque Du pain pour le monde serait inadapté, tant du point de vue euphonique que connotatif ; en revanche le calque Bread for the World est tout à fait acceptable en anglais. Le procédé du calque est plus répandu que celui de l’incrémentialisation, ainsi SOS Villages d'Enfants (SOS Children's Villages) calque de SOS-Kinderdorf est plus fréquent que Traduire les noms propres d’associations 13 l’incrémentialisation organisation caritative autrichienne SOSKinderdorf. Notons que l’incrémentialisation est liée à l’emprunt, elle vise à introduire une preuve externe pour catégoriser un nom d’association peu connu ou inconnu dans la langue cible. 3.3. Le calque Le calque est le procédé de traduction privilégié pour les noms d’associations : International Air Transport Association internationale du transport aérien AITA (IATA) = L'Association American Land Title Association (ALTA) = Association américaine de titre de bien-fonds 9 A la traduction, le calque doit s’adapter aux règles syntaxiques de la langue-cible, comme par exemple pour la position de l’adjectif par rapport au nom, généralement antéposé en anglais et en allemand, antéposé ou postposé en français : Bureau International Catholique de l'Enfance = International Catholic Child Bureau (EN) Association Française pour le Tournage d'Art sur Bois = French Association for Artistic Woodturning Le calque peut être assorti d’une transposition portant sur l’un des éléments : French association for Earthquake Engineering (AFPS) = Association Française du génie parasismique (Earthquake nom commun devient l’adjectif parasismique) 9 Vient de real estate, se dit des biens immeubles, comme les terres, les maisons dans le contexte québécois. 14 Thierry GRASS Mais l’adjectif est postposé dans : Alcoholics Anonymous (EN) = Anonyme Alkoholiker (DE) = Alcooliques anonymes (FR). Faut-il recommander de faire suivre la traduction du nom d’association par son sigle ou son acronyme en langue originale ? Il est difficile de se prononcer car tout dépend de l’origine de celuici : pour des pays ayant plusieurs langues officielles comme la Suisse, les sigles ou acronymes ont tous des équivalences dans les langues cibles officielles du pays et il est primordial de les traduire. 10 Club Alpin Suisse (CAS) = Schweizer Alpin-Club (SAC) = Swiss Alpine Club (SAC) En revanche, pour les noms d’associations nationales dans des pays où le multilinguisme n’est pas officiel, la traduction du sigle ou de l’acronyme ne s’impose pas : Deutscher Alpenverein (DAV) = German Alpine Club / German Mountaineering Association (DAV) = Club alpin allemand (DAV) De nombreux noms d’associations ont été créés sur le modèle de Médecins Sans Frontières traduit par Doctors Without Borders en anglais, Ärzte ohne Grenzen en allemand. Faut-il pour autant toujours traduire sur le même modèle ? Électriciens sans frontières par Electricians Without Borders ou Electricians Without Frontiers ? Là encore, le recours au calque semble être lié à la notoriété en relevant toutefois qu’une association qui n’a pas de nom en langue anglaise se doit d’en posséder un alors qu’une association de forte notoriété en langue anglaise ne se doit pas d’avoir un calque en langue étrangère. 10 Cf. http://www.admin.ch/ch/d/sr/412_10/a38.html Traduire les noms propres d’associations 15 3.4. L’adaptation Une stratégie de traduction qui nous paraît pertinente, même si son caractère cibliste est marqué, consiste à traduire le nom d’association en prenant modèle sur une association comparable dans la langue-cible. Ainsi, de l’allemand vers le français, on peut rapprocher Bund Naturschutz et Société Nationale de Protection de la Nature, Deutsche Gesellschaft für Humanes Sterben et Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité. Ce recours à l’analogie permet de risquer les traductions suivantes : Bund Naturschutz = Société allemande de Protection de la Nature Deutsche Gesellschaft für Humanes Sterben = Association allemande pour le Droit de Mourir dans la Dignité Le rajout de l’adjectif allemand ainsi qu’éventuellement du nom original de l’organisation entre parenthèses peuvent également être des options de traduction pertinentes. Mais quoiqu’il en soit, on voit que les termes destinés à désigner le nom d’organisation sont extrêmement fluctuants d’une langue à l’autre et il est difficile de prétendre traduire systématiquement Gesellschaft par société, Verein par association, etc. Cette remarque s’applique bien entendu aussi à l’anglais. Si la notoriété de l’association n’est pas très grande, un adjectif toponymique viendra généralement préciser l’origine géographique : Professionnels Seniors Bénévoles = French Senior Volunteers Parmi les associations connues au niveau mondial, la traduction pose souvent problème : BirdLife International pourrait être traduit conformément à ce qui précède par Ligue internationale 16 Thierry GRASS pour la protection des oiseaux sur le modèle de Ligue pour la protection des oiseaux. De fait, on peut admettre que dans le cas où l’anglais est la langue-source, il existe une très forte tendance à ne pas traduire. 4. Les informations linguistiques nécessaires au codage des noms d’associations Dans l’hypothèse d’une intégration à une base de données lexicales ou même à une mémoire de traduction, il existe un certain nombre d’informations grammaticales minimales dont il n’est pas possible de se passer. Pour les trois langues étudiées, nous aurons donc besoin de données concernant le genre, le nombre, la définitude et le cas (pour l’allemand) pour un codage adéquat du nom d’association. Ces informations peuvent bien entendu varier d’une langue à l’autre : Ligue contre la violence routière que l’on peut traduire en allemand par Französicher Verband gegen die Gewalt im Straßenverkehr n’aura pas le même genre en langue-source et en langue-cible, de plus, du fait que la langue allemande se décline, les flexions varieront en fonction du cas. 4.1. Genre et nombre Si le genre en langue-cible ne se réplique pas à la traduction, le genre des noms communs variant d’une langue à l’autre, le nombre est moins susceptible de varier à la traduction et, en général, la traduction « hérite » du nombre en langue-source. Cependant, des exceptions sont possibles et Association patronale pour la restauration et l'hôtellerie, le nom d’une association valaisanne, se traduit en allemand par Arbeitgeberverband für Restauration und Hotellerie où l’adjectif patronale est transposé vers le nom commun pluriel Arbeitgeber (« des patrons ») dans le composé Arbeitgeberverband. Traduire les noms propres d’associations 17 4.2. Définitude La définitude joue un rôle important dans la traduction du nom d’association dans la mesure où elle se transmet généralement d’une langue à une autre. Amnesty International ne prendra d’article défini ni en français, ni en allemand. Parfois, l’article défini facultatif en langue-source devient obligatoire à la traduction : Exeter Chess Club is a strong and thriving club in Devon, UK, established in 1895. Le club d’échecs d’Exeter est une association active et prospère du comté de Devon au Royaume-Uni, elle a été fondée en 1895. Der Exeter Schachclub ist ein aktiver und erfolgreicher Verein in der Grafschaft Devon im Vereinigten Königsreich, er wurde 1895 gegründet. Il existe un troisième cas de figure où l’article défini est dit « lexical », c’est-à-dire inhérent au nom d’association, comme pour l’association humanitaire Les Grands Lacs : Description de l'activité de LES GRANDS LACS pour l'année 2005 wwo.fr/ong-1033-LES-GRANDS-LACS.php 4.3. Cas L’allemand, comme les langues slaves, est une langue à cas. Il y a quatre cas en allemand, ce qui génère pour un nom huit formes théoriques possibles selon que ce nom est au singulier ou au pluriel. Nous avons vu que le nombre était en principe « hérité » de la langue-source, ce qui signifie que le nom d’association sera ou singulier ou pluriel, il ne reste donc pour l’allemand pour chaque nom d’association que quatre possibilités théoriques pour le nom. Mais si ce nom est précédé d’un adjectif, la déclinaison de l’adjectif varie elle en fonction de la définitude définie 18 Thierry GRASS précédemment, on se retrouve donc de nouveau avec huit formes possibles. Du fait que certains cas se confondent morphologiquement, comme le nominatif et l’accusatif au neutre et au féminin, le nombre de formes possibles est de facto inférieur à huit, mais justifie la nécessité d’un codage, comme le démontre l’exemple suivant pour Deutscher Skiverband = Fédération allemande de ski. Cas N G D A défini der Skiverband des Skiverband(e)s dem Skiverband den Skiverband Deutsche Deutschen Deutschen Deutschen indéfini (ein) Skiverband (eines) Skiverband(e)s (einem) Skiverband (einen) Skiverband Deutscher Deutschen Deutschen Deutschen La traduction dans une langue à cas pose deux problèmes dans une problématique d’automatisation : tout d’abord l’identification adéquate de la forme et ensuite la traduction de celle-ci dans une forme « neutre » du point de vue du cas, c’est-àdire au nominatif défini : Zwei mobile Propellerschneeerzeuger des Typs M20 werden auch heuer wieder mit der Mannschaft mitreisen und für optimale Trainingsbedingungen für die Nachwuchsathleten des DSV (Deutscher Skiverband) sorgen. [cas en langue source : le génitif] (http://www.technoalpin.com/smartedit/documents/pressespiegel/technoal pin-bericht5.pdf) Depuis cette année, deux machines à hélice M20 mobiles, complètement automatisées, secondent le Deutscher Skiverband, la fédération allemande de ski, pour la Coupe du Monde et la formation des nouvelles de l’emprunt : le nominatif] recrues. [cas Traduire les noms propres d’associations 19 (http://www.technoalpin.com/smartedit/documents/download/snow_12005_franz.pdf) 4.4. Faut-il se fier à la toile ? Pour les associations à caractère national bénéficiant d’une certaine notoriété, il n’est pas rare de trouver un grand nombre de traductions, plus ou moins improvisées. Ainsi, pour Allgemeiner deutscher Arbeiterverein (ADAV), le moteur de recherche Google ne donne pas moins de huit traductions : (a) Association Générale des travailleurs Allemands (143 occurrences dans Google) (a bis) Association Générale des Travailleurs Allemands (b) association générale des ouvriers allemands (98) (c) Association générale allemande des travailleurs (7) (d) Union Générale des Ouvriers Allemands (3) (e) Association générale allemande de travailleurs (2) (f) Association Des Ouvriers Allemands Généraux (2) (g) association allemande générale des ouvriers (1) (h) Association générale allemande des ouvriers (1) Certes, certaines d’entre elles, comme (e) et (f), peuvent être éliminées d’emblée. Pour (c), (d), (g) et (h), il est possible d’argumenter que la faible couverture par le moteur de recherche (en dessous de 10 occurrences dans Google) en fait de mauvais candidats pour un dictionnaire des noms d’organisation. Il reste toutefois deux dénominations tout à fait légitimes, (a) et (b), qui sont des traductions acceptables et correspondent aux fréquences les plus élevées. Notons également que se pose aussi le problème de la graphie : Google n’opère pas de différence entre majuscules et minuscules dans les recherches ; (a) et (a bis) sont deux possibilités qui paraissent ne pas correspondre à la norme française, le Bon Usage (Grevisse 1986 : 123) précisant que « Les noms de société, d’association, etc. prennent la majuscule au premier mot ». Dans ce cas précis, nous proposons donc comme entrée-vedette de garder le terme allemand, Allgemeiner deutscher Arbeiterverein, et de considérer les deux traductions (a) et (b) comme possibles : 20 Thierry GRASS (a) Association générale des travailleurs (b) Association générale des ouvriers allemands. allemands, 5. Conclusion Après avoir délimité le champ du nom d’association, nous avons tenté de définir les informations syntaxiques minimales qui permettent de le traduire. Nous avons aussi mis en évidence les mécanismes de typage à l’aide des preuves internes et externes. Reste qu’une intervention manuelle est toujours nécessaire pour ce qui est de la traduction : aucun mécanisme automatique ne saurait décider le procédé de traduction à employer dans tel ou tel cas particulier. Il demeure cependant certaines tendances : • Par rapport aux trois langues évoquées, on traduit moins les noms d’associations depuis l’anglais que vers l’anglais. De facto, les emprunts sont généralement des emprunts de l’anglais. • Plus une association est connue, moins la traduction s’imposera. • Pour les noms d’associations dont la notoriété est faible, on aura la plupart du temps recours au calque ou à l’incrémentialisation. • L’adaptation est un procédé cibliste qui s’impose rarement. • Le recours à la toile assorti d’un critère de fréquence est généralement fiable pour les associations de notoriété forte ou moyenne. Références bibliographiques : BALLARD Michel (2001), Le nom propre en traduction, Gap, Paris : Ophrys. FRIBURGER Nathalie (2006), « Linguistique et reconnaissance automatique des noms propres », dans T. Grass, J. Humbley & J.-L. Vaxelaire (éds.), , Meta : La traduction des noms propres, vol. 51, n° 4, p. 637-650. Traduire les noms propres d’associations 21 GREVISSE Maurice (1986), Le Bon usage : grammaire française, 12e éd. refondue par André Goosse, Paris : Duculot. GROSS Gaston (1995) « À propos de la notion d’humain », dans J. Labelle & Ch. Leclère (dir.), Lexiques-Grammaires comparés en français, Lingvisticæ Investigationes Supplementa, n°17, p. 71-80. HUMBLEY John (2006), « La Traduction des noms d’institutions », dans T. Grass, J. Humbley & J.-L. Vaxelaire (éds), Meta : La traduction des noms propres, vol. 51, n° 4, p. 671-689. MCDONALD David (1996), “Internal and External Evidence in the Identification and Semantic Categorisation of Proper Names”, in B. Boguraev & J. Pustejovsky (eds), Corpus processing for lexical acquisition (Language, Speech and Communication), Cambridge, London: MIT Press, p. 21-37. TRAN Mickaël & MAUREL Denis (2006), « Prolexbase : Un dictionnaire relationnel multilingue de noms propres », Traitement automatique des langues, n° 47(3), p. 115-139.