Autour du livre d`Étienne Anheim Clément VI au travail. Lire, écrire

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Autour du livre d`Étienne Anheim Clément VI au travail. Lire, écrire
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Séance du 21 janvier 2016
Autour du livre d’Étienne Anheim
Clément VI au travail. Lire, écrire, prêcher au XIVe siècle,
Paris, Publications de la Sorbonne, 2014
Quelques mois après la parution de son dernier ouvrage (Clément VI au travail. Lire,
écrire, prêcher au XIVe siècle), Étienne Anheim, maître de conférences en histoire du Moyen
Âge à l’université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et spécialiste de la papauté
d’Avignon, a été convié par les organisateurs du séminaire « Actualité de la recherche
historique » à évoquer ses recherches autour d’une figure d’exception de la première moitié
du XIVe siècle, le pape Clément VI (1342-1352). Le personnage est caractéristique du
moment « classique » de la papauté d’Avignon, lorsque de grands prélats « français » (en fait
méridionaux) accèdent au pontificat après une carrière au service de l’Église et de l’État.
Clément VI était un pape fastueux qui ne rechignait pas à la dépense pour satisfaire son goût
de la pompe, ce que ne manquèrent pas de critiquer ses contemporains italiens comme
Pétrarque. Cependant, ce ne sont ni l’homme d’État ni le bâtisseur du Palais Neuf qui ont
retenu l’attention d’É. Anheim. Il s’est au contraire attaché à la trajectoire intellectuelle de
celui qui était considéré comme l’un des plus brillants orateurs de son temps, mettant à profit
l’exceptionnelle conservation de ses écrits et de sa bibliothèque personnelle.
Dans l’esprit d’un séminaire trans-période, É. Anheim a opté pour une mise en
perspective historiographique et méthodologique de son objet d’étude. Revenant d’abord sur
les évolutions historiographiques qui ont émaillé son propre parcours d’historien, il s’est
ensuite arrêté sur le caractère exceptionnel de sa documentation, avant d’offrir un panorama
rapide des diverses parties traitées dans son ouvrage.
Partant du principe que le travail de l’historien repose sur des décalages temporels
entre temps de travail et temps de publication – avec, dans son cas, un écart de dix années
entre la publication de Clément VI au travail (2014) et la soutenance de la thèse –, É. Anheim
a souhaité montrer comment les inflexions de ses recherches pouvaient se lire au prisme des
évolutions historiographiques qui en avaient accompagné la genèse. Il a ainsi commencé par
replacer le choix de son sujet de thèse dans le cadre d’un triple renouvellement
historiographique intervenu au cours des années 1990 : l’essor de l’histoire intellectuelle
autour des travaux d’Alain Boureau sur la scolastique ; le renouveau d’une histoire de la
papauté comme construction étatique sous la houlette d’Agostino Paravicini Bagliani ; enfin,
l’aboutissement du grand programme franco-européen de Jean-Philippe Genet sur la genèse
de l’État moderne. L’un des enjeux de son étude de la papauté du XIVe siècle a donc consisté
à nouer des problématiques d’histoire politique, d’histoire religieuse et d’histoire culturelle
autour de la question de l’émergence d’une cour pontificale. La fréquentation des séminaires
de Patrick Boucheron à l’ENS ou de Michel Zimmermann à l’université de Versailles–SaintQuentin-en-Yvelines a également influencé ses travaux, en l’ouvrant notamment à une
approche littéraire des sources, réinvestie dans l’analyse des discours publics de Clément VI.
La thèse, soutenue en 2004, présentait donc un premier état de la recherche en prise directe
avec les enjeux historiographiques du moment. Cependant, la volonté d’éditer séparément ce
qui avait trait aux pratiques artistiques de la cour pontificale et ce qui relevait plutôt d’une
histoire politique et intellectuelle de la papauté, puis le frein qu’ont représenté les contraintes
professionnelles, ont imposé un report de la publication. Une réactualisation historiographique
s’imposait donc lorsqu’É. Anheim a repris son projet. Il fallait désormais tenir compte de la
montée en puissance des études sur les pratiques de l’écrit (P. Chastang), du renforcement
d’une approche littéraire des sources (B. Grévin, S. Gioanni), ou encore des déplacements
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concernant l’histoire de l’Église comme structure sociale englobante (D. Iogna-Prat, M.
Lauwers, J. Baschet ou A. Guerreau). É. Anheim s’est par exemple demandé si la papauté ne
permettrait pas de penser la grande articulation, à la fois socio-politique et historique, entre
une Église colonne vertébrale du Moyen Âge central et une Renaissance caractérisée par
l’émergence d’institutions étatiques face à l’effritement de la structure ecclésiastique comme
institution englobante. Il a également convoqué les outils de la sociologie historique pour
approfondir sa compréhension des sources médiévales mais aussi, dans un renversement de
perspective, pour interroger la manière dont les transformations de la société médiévale et les
sources qui en portent témoignage ont innervé la tradition intellectuelle et conceptuelle de
l’Occident jusqu’à l’époque contemporaine. Il rappelle ainsi que l’idée même de société est
informée par des conceptions de la communauté nées de la matrice médiévale, et que saisir
l’Église au milieu du XIVe siècle, c’est précisément s’arrêter sur le moment charnière d’une
dissociation, quand l’Église ne se confond plus avec la société.
Après cette évocation, par le détour d’une « ego-historiographie », de la maturation
intellectuelle d’une recherche dans le temps long d’un parcours universitaire, É. Anheim
revient à l’objet même du livre, qui est de retracer la trajectoire individuelle de Clément VI
dans son contexte social et institutionnel. Pour mener ce projet à bien, il disposait de deux
ensembles de sources extraordinaires – dans le sens où peu de personnages de cette période
offrent un témoignage écrit de leur travail intellectuel d’une telle ampleur : d’une part, une
collection d’une centaine de sermons, directement de la main de Clément VI ou mis en forme
par ses soins ; d’autre part, sa bibliothèque personnelle qui, aux côtés de livres d’apparat qu’il
a pu recevoir en hommage lorsqu’il était pape, contient divers livres achetés au cours de sa
longue carrière universitaire puis ecclésiastique (des années 1310 à sa mort en 1352) et
abondamment annotés, ainsi que de nombreuses notes personnelles, de la préparation d’un
cours de théologie au brouillon d’un sermon. Ce deuxième fonds, aujourd’hui conservé à la
bibliothèque vaticane (fonds Borghese), permet d’avoir un accès inédit aux méthodes de
travail ainsi qu’aux préoccupations intellectuelles de ce pape savant et éloquent.
C’est donc à partir de cette documentation exceptionnelle qu’É. Anheim a développé
l’argumentaire de son livre, sur lequel il se propose alors de revenir. Pour commencer, il
explique que le préambule reprend tous les jugements des contemporains sur Clément VI afin
de montrer que sa politique a eu suffisamment d’effets pour susciter des prises de position
aussi vives que contradictoires (p. 31-68). La première partie lui permet ensuite de liquider la
question biographique en adoptant successivement trois points de vue (les institutions, la
bibliothèque de Pierre Roger, ses œuvres) dont la superposition produit un essai biographique
avec des concordances et des discordances (p. 71-130). La deuxième partie porte sur les
prédications et la bibliothèque de Pierre Roger, analysées du point de vue de la forme plutôt
que du fond (p. 133-218). Tous les témoignages sur Clément VI s’accordent en effet à en faire
le plus grand prédicateur de l’Occident : mais que veut dire être un grand orateur au milieu du
XIVe siècle ? Comment expliquer la fascination des contemporains pour ce qu’ils
considéraient comme une parole théologico-politique parfaite ? Dans la troisième partie, É.
Anheim s’intéresse aux discours d’un point de vue doctrinal et politique (p. 221-291). Cette
histoire sociale des idées, au ras du sol, menée à partir de sources de la pratique (sermons),
étudie la manière dont des concepts sont réinvestis et actualisés dans un contexte particulier,
selon un principe de « re-sémantisation ». Enfin la quatrième partie explore la mise en
pratique de ces discours doctrinaux à partir de quatre problèmes : la réforme morale du
clergé ; le jubilé de 1350 et la première formulation d’une théorie des indulgences ; la
canonisation de Saint Yves de Tréguier et la définition d’une sainteté du quotidien ; le conflit
autour du contrôle de l’université, moment structurant dans la définition de l’autonomie de
domaines du savoir comme la philosophie ou la théologie (p. 295-338).
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Pour terminer, Étienne Anheim élargit son propos sur deux plans : d’une part, le
personnage du pape savant doit être confronté à la figure du roi savant, qui s’incarne alors
chez Robert d’Anjou, roi de Naples, ou Charles V, roi de France, car elle pose selon lui la
question du rapport entre la conception médiévale d’un pouvoir personnalisé et une
complexification institutionnelle croissante ; d’autre part, Clément VI renvoie à un moment
européen de mise en place de la gouvernementalité, c’est-à-dire ce moment où l’Église, l’État
ou la société peuvent être des objets de discussion, qui est aussi un moment
d’ordonnancement du savoir et de son rapport au pouvoir. Deux éléments de réflexivité
essentiels si l’on admet, à la suite d’Étienne Anheim, qu’une grande partie de la modernité
s’est construite sur les décombres de la pensée ecclésiale médiévale.
Au terme de ce riche exposé, l’animateur de séance, Franck Mercier (MC histoire
médiévale), se propose de faire un rapide bilan critique de l’ouvrage d’É. Anheim. De sa
lecture, il retient surtout deux éléments qui font toute l’originalité et la richesse du livre :
d’une part, le maintien constant, au cours de l’enquête, d’un écart entre l’individu et les
diverses fonctions qu’il a tenté d’occuper ou d’habiter, sorte de tension irrésolue qui traverse
l’ensemble du livre et se lit particulièrement dans l’adoption de la formule indéterminée
« Pierre Roger/Clément VI » ; d’autre part, une érudition peu commune et une attention
minutieuse portée aux textes, qui permet par exemple de démontrer comment des notions
modernes (l’aristotélisme politique) émergent sous un vêtement de citations scripturaires
classiques. Délaissant ensuite la forme pour le fond, Franck Mercier s’étonne de la confiance
absolue de Pierre Roger dans le pouvoir de la parole. Ainsi, il remarque comment la
valorisation de saint Jean – du fait de la puissance de son Verbe – au détriment de saint Pierre
permet d’aboutir à une identification du pape avec l’évangéliste (p. 280). Il se demande alors
si cette survalorisation ne constituerait pas un effort d’adaptation de la papauté avignonnaise à
son implantation sur les bords du Rhône, afin de justifier conjointement l’éloignement de
Rome et le maintien d’un magistère spirituel. Il songe notamment aux théories d’Ernst
Kantorowicz sur le corps mystique de l’Église, qui décrivent une tendance à la spiritualisation
de l’Église au moment même où elle s’institutionnalise et s’ancre davantage dans un territoire
à administrer. L’usage de la figure de saint Jean permettrait ainsi d’insister sur la mission
spirituelle quand l’Église se territorialise.
Pour É. Anheim, cette remarque renvoie aux conceptions du pouvoir pontifical chez
Clément VI. Deux idées émergent de ses textes : d’abord, une superposition entre un modèle
étatique, d’essence monarchique ou princière, et le fonctionnement de l’Église ; puis, une
tendance à renforcer la mission spirituelle de l’Église, qui émerge effectivement dans le
sermon sur saint Jean dans lequel le pape opère une comparaison entre les deux binômes sens
figuré/sens littéral et Église spirituelle/Église matérielle. Jean, figure vacante, permet en effet
d’opposer la vraie Église, spirituelle, à l’Église matérielle de Pierre, qui renvoyait trop
systématiquement à la question du retour à Rome. Un tel texte doit être replacé dans un
contexte de bureaucratisation de l’Église qui a pour corollaire la volonté de spiritualisation de
sa figure de proue, le pape. Si É. Anheim admet donc que l’hypothèse de F. Mercier est vraie,
il ajoute qu’elle dépasse la seule question de la papauté ; que, de la même façon, la
focalisation contemporaine des monarchies sur la figure du roi savant, alors qu’une
administration complexe se met en place (chancelleries, chambres des comptes, etc.) et
s’autonomise (on commence à dater et produire des actes en l’absence du souverain) montre
que le charisme est une composante essentielle du fonctionnement de la gouvernementalité
médiévale, et qu’il passe alors prioritairement par une intellectualisation du souverain.
À l’issue de cet échange, Franck Mercier invite Étienne A. à se prêter au traditionnel
jeu des questions/réponses. La première intervention, celle de Florian Mazel (PU histoire
médiévale), porte sur le thème de la dissociation entre ecclesia et société : quel rôle attribuer
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aux communes italiennes du XIIIe siècle dans la définition précoce d’un espace « sécularisé »
autonome du débat public ? Sur cet aspect proprement chronologique, É. Anheim répond qu’il
ne prétend pas nécessairement faire du moment avignonnais une étape clé dans le processus
de dissociation, mais que différentes expériences, celles des communes italiennes ou des
légistes de Philippe le Bel, s’additionnent à l’échelle européenne. Il rappelle que la
perspective de Clément VI est différente car il vit encore dans le mythe de la théocratie
bonifacienne. Il a cependant une expérience approfondie de la monarchie capétienne et des
communes italiennes (nombre de représentants pontificaux en ont été chassés) et, tout en
voulant annihiler les discours des communes ou des légistes français, il ne fait en réalité
qu’alimenter l’idée d’une dissociation entre l’espace social et l’espace ecclésial.
Isabelle Rosé (MC histoire médiévale) se demande par ailleurs pourquoi cet homme
qui prétendait réformer l’Église n’a eu aucune activité conciliaire. La réponse est sans
ambiguïté : Clément VI n’a réuni aucun concile car il avait une conception monarchique de
l’Église. Sous son pontificat, on passe d’un modèle théocratique à un modèle monarchique. À
sa mort, les cardinaux réunis en conclave s’empresseront de rédiger des provisions pour
imposer une vision conciliariste. Mais cette tentative tournera court et les provisions seront
abrogées par le successeur de Clément VI. Il n’empêche que c’est un moment d’intense
réflexion sur l’organisation de l’Église, réflexion qui se retrouve dans la prédication savante
de Pierre Roger, adressée aux cardinaux ou à la cour, et dans les nombreuses expériences
politiques de cette période.
Les interrogations de Philippe Hamon (PU histoire moderne) ouvrent ensuite le débat
dans deux directions : le lien éventuel de la réflexion de Clément VI avec les questions
financières, et l’intégration du contexte de la peste noire dans le discours pontifical. En ce qui
concerne l’aspect financier de la papauté avignonnaise, anciennement défriché par Jean
Favier, É. Anheim renvoie aux travaux de Valérie Theis sur l’organisation et l’administration
territoriale de la papauté dans le Comtat Venaissin. Elle a en effet démontré que la réforme
des finances pontificales avait joué un rôle crucial dans la réorganisation pontificale
(notamment pour concevoir et organiser les services), et qu’au cours du XIVe siècle, le
pouvoir réel passe de la chancellerie pontificale à la chambre apostolique. Cette réforme, qui
arrive à son terme sous Clément VI, ne porte toutefois pas vraiment ses fruits car le pape
engloutit le million disponible au moment de son accession au pontificat dans ses dépenses
somptuaires. Quant à l’épisode pesteux de 1348, s’il est bien visible dans les sources de la
pratique (on voit disparaître le personnel de la cour pontificale au jour le jour) ou que Clément
VI œuvre à la protection des Juifs (notamment contre l’idée qu’ils ont empoisonné les puits)
et écrit une messe d’action de grâces, il n’apparaît cependant jamais dans ses sermons. Ceuxci ne comportent d’ailleurs aucune thématique eschatologique ou millénariste.
Marie-Madeleine de Cevins (PU histoire médiévale) revient pour sa part sur un point
déjà brièvement évoqué par É. Anheim, celui de l’invention de la notion d’indulgence.
Boniface VIII avait créé le premier jubilé (1300) sans vraiment expliquer en quoi cela
consistait, sinon que l’on pouvait gagner des grâces par le voyage à Rome et le tour de
certains édifices de culte. En 1343, Clément VI annonce dans un sermon qu’il y aura un jubilé
en 1350. Il inclut alors une justification théologique du fonctionnement de l’indulgence et
utilise la notion de « trésor des grâces » accumulé au ciel par les saints de l’Église… et que les
fidèles pourront échanger contre la visite de tels et tels lieux. Au-delà du fonctionnement
concret de l’indulgence plénière, qui fera le lit de la critique luthérienne, le discours de
Clément VI fait jouer la solidarité entre les questions de sainteté, de grâce, d’échanges entre
l’ici-bas et l’au-delà et du pape comme figure de médiation.
Citant É. Anheim, qui parle d’« éclat de la représentation » et d’« effets de charisme »
pour qualifier les performances orales de Clément VI, Pierre Karila-Cohen (PU histoire
contemporaine) demande des précisions sur les conditions concrètes dans lesquelles sont
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prononcés les discours (disposition des lieux, apparat), puis sur la manière dont un
universitaire entre dans le rôle de pape. Sur ce dernier point, É. Anheim répond que Clément
VI est un cas idéal. On lui prête cette parole, « Mes prédécesseurs n’ont pas su être pape »,
qui révèle un homme ayant une conscience très claire du rôle qu’il fallait endosser pour
démontrer ce que devait être un pape. Beaucoup de textes évoquent sa manière de recevoir les
gens, son phrasé particulier et son éloquence. Pour ce qui est de la magnificence et du
mécénat de Clément VI, É. Anheim rappelle qu’il fut le constructeur du palais des papes –
qu’il fit orner de nombreuses fresques –, qu’il développa la première chapelle de cour, qu’il
commanda de nombreux manuscrits et dépensa énormément dans les vêtements (sa garderobe personnelle mais aussi celle des serviteurs) ; les sources comptables renseignent au jour
le jour sur le paiement des étoffes, le choix des couleurs, et ce très riche enregistrement au
niveau central permet également de suivre précisément le chantier du palais. Cette conception
de la mise en scène du pouvoir est héritée des réflexions italiennes et, par-delà, d’une
conception antique de la magnificence et du charisme. Le portrait de « Saint Martial
bénissant » peint par Matteo Giovannetti dans la chapelle Saint-Martial vers 1344-1346
pourrait être un portrait de Clément VI. On connaît par ailleurs un motet de Philippe de Vitry,
un des plus célèbres compositeurs de son temps, écrit à la gloire du pape.
La dernière question revient à Jean Le Bihan (MC histoire contemporaine) et porte une
nouvelle fois sur l’éloquence du pape : se mesure-t-elle à son caractère modèle, ou bien au
contraire dans des discordances par rapport à un modèle établi ? É. Anheim explique que c’est
une éloquence fleuve (certains sermons dépassent les deux heures) qui repose sur une
architecture spécifique, celle du sermo modernus du XIIIe siècle (un sermon de type
scolastique) que Clément VI a maximisé en développant des architectures rhétoriques
extraordinairement complexes. Il propose ainsi cette comparaison : le sermon de Clément
serait au sermon moderne ce que l’architecture flamboyante est au gothique classique. Si les
sermons de Pierre Roger ne comportent aucun exempla, contrairement à ce qui se fait dans la
prédication populaire, ils sont saturés de citations, témoignage de son érudition et du niveau
de culture du public auquel il s’adresse. En outre, si l’on admirait Clément VI pour son niveau
de construction intellectuelle, on admirait également le caractère sonore, presque musical de
ses sermons.
Julien Guerro, doctorant en histoire médiévale, Université Rennes 2-CERHIO

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