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Tribunes
INSTITUT DU LEADERSHIP BPI group
Février 2011
Les managers seraient-ils les plus poltrons de
l’entreprise ?
Réflexion sur le courage managérial
Karine Lair - Directeur de département au sein de Leroy Consultants
Que signifie vraiment le courage managérial ? Pourquoi serait-il si nécessaire au
bon déploiement de la stratégie d’entreprise et à sa compétitivité ? Les managers
manqueraient-ils plus de courage que les autres acteurs de l’entreprise ? Quelles
sont les solutions possibles ? Les questions sont nombreuses, la réflexion sur le
courage managérial est riche.
Depuis la dernière crise financière et économique (2008-2010), les comités de direction
s’inquiètent du faible niveau d’engagement des managers à appliquer dans les équipes la
stratégie d’entreprise.
juillet 2010
« Du courage que diable ! » disent-ils à leurs managers de proximité.
L’injonction ne prend pas, pourquoi ?
Nos managers seraient t-ils donc devenus faibles, trop prudents, vacillants ? Ont-ils peur de
leurs équipes ? Des difficultés du marché et des compétiteurs ? Ont-ils les mêmes doutes
que leurs collaborateurs vis-à-vis de la stratégie d’entreprise, voire les même craintes, celle
de perdre son emploi par exemple ?
Tout cela au point d’en oublier leur rôle traditionnel, en tout cas celui que les sociologues
du 20ème siècle leur avaient attribué, la fonction « tampon », précieuse courroie à la fois de
transmission et d’amortisseur entre la gouvernance et les collaborateurs.
Et les dirigeants ? Au-delà de l’injonction, qu’attentent-ils exactement de leur management ?
Savoir licencier quelques-uns pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise et par
conséquence les emplois d’un maximum de salariés ? Recadrer les déviances de
comportements et d’alignement puisqu’on sait maintenant que, mieux que les compétences
techniques, les compétences comportementales sont le nerf de la guerre sur des marchés
concurrentiels ?
Les questions sont nombreuses.
Que signifie vraiment le courage managérial ?
Pourquoi serait-il si nécessaire au bon déploiement de la stratégie d’entreprise et à sa
compétitivité ?
Les managers manqueraient-ils plus de courage que les autres acteurs de l’entreprise ?
Quelles sont les solutions possibles ?
Karine Lair
Directeur de département au sein
de Leroy Consultants.
Professionnelle des ressources
humaines depuis 15 ans dont
8 ans en entreprise. Chez BPI
group, depuis 2002, Karine Lair
intervient dans la gestion de
projets complexes et à enjeux
ainsi que sur les sujets de
performance managériale et de
développement des talents.
Les attentes de la gouvernance : « soyez courageux :
soutenez-moi ! »
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La demande de la gouvernance auprès du management concernant l’exercice de ce courage
managérial est à la fois cohérente et légitime. Elle est aussi l’aveu d’une faiblesse.
La demande est valable : comment, dans des contextes de plus en plus mondialisés et
compétitifs, faire la différence ? Les entreprises sont dans le non-choix. Il leur faut se
différencier au niveau de l’innovation technologique. C’est un axe de compétitivité fort
notamment pour les secteurs dont la maturité est telle qu’il faut aider le consommateur à
identifier de nouveaux besoins. L’innovation technologique est le levier qui conduit à creuser
nettement le sillon de la différence avec la concurrence, pour éviter de faire fléchir les prix et
donc les marges.
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(1) www.fonction-publique.gouv.
fr/IMG/Synthese_livre_blanc.pdf
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INSTITUT DU LEADERSHIP BPI group - Les managers seraient-ils les plus poltrons de l’entreprise ? - Février 2011
Il est également nécessaire d’assurer un niveau d’adhésion et cohésion important auprès
de la force de travail, pour permettre l’harmonisation de comportements professionnels
gage d’efficience. L’enjeu du capital humain de l’entreprise n’est plus de collecter une
somme de compétences techniques mais bien de développer et mobiliser des compétences
comportementales collectives.
Le management de proximité est quotidiennement au cœur de ces sujets. C’est lui qui
est garant des bonnes pratiques et comportements professionnels. Il peut, par exemple,
en temps réel soutenir ses collaborateurs dans la réponse à apporter avec les normes de
qualité à une réclamation client. Il co-intervient également sur un process technique en
débloquant la situation et par l’exemple, aide à l’apprentissage.
C’est aussi lui qui peut mobiliser les équipiers car plus la taille de l’entreprise est grande
et plus la stratégie et les dirigeants semblent, pour les collaborateurs, éloignés du réel. Le
manager donne alors du sens au quotidien, remet le travail dans une perspective globale,
valorise les initiatives qui ont lieu dans son périmètre, donne un supplément d’âme à un
business parfois si virtuel.
Par son intermédiaire les idées d’innovation remonteront du terrain vers la gouvernance pour
y trouver une résonance stratégique. L’innovation ne se décrète pas par le haut mais elle
prend sa source dans le quotidien.
De plus, manager des équipes, c’est aussi savoir dire non et c’est souvent ce que soulignent
les dirigeants aux managers de proximité. Il est vrai, qu’éloignée des relations quotidiennes
et amicales qui parfois se lient entre les équipes et le manager qui vivent ensemble des réels
instants professionnels et donc humains, la gouvernance, elle, est protégée de la difficulté
de faire la part de l’affect et du professionnel.
L’injonction de la gouvernance devient alors un exercice complexe pour le manager de
proximité « mobilisez, soyez près d’eux au quotidien mais sachez aussi être ferme quand
c’est nécessaire ou quand je le demande ».
L’exercice est pourtant inévitable. Tout salarié acceptant des fonctions managériales
doit s’interroger sur les raisons profondes pour lesquelles il accepte ou demande cette
responsabilité et sur sa capacité à gérer émotionnellement des situations difficiles et les
paradoxes qui existent dans toutes entreprises.
Une fois les exigences de la gouvernance reconnues comme légitimes, les managers peuvent
aussi se demander tout aussi légitimement pourquoi ils assureraient auprès des équipes les
décisions prises par la seule gouvernance ?
Ils peuvent avoir le sentiment que cette gouvernance leur crie « soyez courageux : soutenez
moi ! ».
Oui, mais pourquoi ? La première enquête internationale BPI Group réalisée par BVA, en
2008(1), montre bien que si, en France, les salariés ont de manière générale une bonne opinion
de leur management de proximité, ce n’est pas le cas, en ce qui concerne leurs dirigeants
(10 points d’écart les séparent dans l’item des opinions défavorables). Les dirigeants
peuvent estimer que cette défiance est le résultat du non-fonctionnement de la courroie de
transmission des managers. Ces derniers peuvent aussi penser que la gouvernance avec
des années de stratégies floues, fluctuantes et mal communiquées ne leur procure pas la
matière première pour jouer leur rôle.
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Certes, la dernière crise économique n’a pas aidé les dirigeants, ni à identifier des stratégies
claires et stables dans le temps qui pourraient rassurer, ni à se refaire une image de
compétences dans cet environnement mouvant.
Mais, bien avant cette crise, les managers en étant traités par la gouvernance comme
n’importe quels autres collaborateurs, ont vu alors la frontière qui les séparait de la direction
s’éloigner et celle des équipiers se rapprocher. Ils ont ainsi subi les aléas des plans sociaux
tout comme les membres de leurs équipes et ont vu partir les petits privilèges (secrétaires,
bureaux individuels, voitures de fonctions, ..) et grandes marges de manoeuvre qui leur
étaient auparavant réservés.
Alors pourquoi dans l’adversité reprendrait-ils leurs habits de combat ?
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(1) http://www.institutleadership-bpi.com/publications/
enquetes/64-les-salariesevaluent-leur-manager
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INSTITUT DU LEADERSHIP BPI group - Les managers seraient-ils les plus poltrons de l’entreprise ? - Février 2011
Les attentes des collaborateurs : « Soyez courageux :
comprenez-nous !»
La gouvernance n’est pas la seule à demander aux managers de proximité d’avoir du
courage managérial. Les équipes aussi peuvent exprimer des attentes similaires.
Le sentiment d’inéquité est un facteur réel de démotivation des collaborateurs et ne fait pas
seulement son nid dans des politiques salariales mal pensées mais aussi dans le manque de
courage managérial au quotidien.
Chaque acte managérial est un message fort qui est passé aux équipes. Ainsi, le manager doit
demander beaucoup à ceux qui peuvent beaucoup mais doit aussi les traiter différemment
des autres : leur ouvrir des perspectives d’évolution, investir dans le développement de leurs
compétences, élargir leur périmètre d’intervention et champ de responsabilités, ….
Tous ces actes relèvent du courage managérial. Investir et mettre en visibilité un collaborateur
fait courir plusieurs risques au manager : celui d’être déçu in fine des résultats, de ne pas
être suivi en terme de perception du potentiel par le reste des acteurs de l’entreprise (DRH
et N+1). Et, ce que ne disent jamais les managers, celui de rendre « l’apprenti » meilleur que
le « maître ». Et pourtant… c’est bien le résultat ultime de l’excellence managériale qui passe
invariablement par du courage : celui-ci de se remettre soi-même en question et en risque.
Bien entendu, il doit assumer des actes émotionnellement difficiles quand c’est nécessaire :
recadrer, faire des retours de réajustement, prendre l’initiative de se séparer de certains. Là
encore, rien n’est simple pour le manager. Il peut craindre de voir son potentiel sympathie
diminuer et pourtant ! Il est bien normal que des collaborateurs face à un collègue réprimandé
fassent preuve de compassion et d’empathie envers lui, mais a posteriori ils reconnaissent
souvent l’erreur du collègue et la justification de l’intervention managériale.
Il est également important de ne pas oublier que le courage managérial s’exerce aussi envers
ses propres dirigeants. Il est facile d’être fort avec les faibles (faiblesse théorique et parfois
réelle des collaborateurs, induite par le contrat de travail et le lien de subordination qui en
découle) mais plus périlleux d’être fort avec les plus forts que soi.
Avoir la capacité de parler vrai avec les dirigeants n’est pas forcément un manque de sens
politique, c’est exercer pleinement son rôle de management. Exprimer ses convictions, initier
et participer au débat interne, remonter les informations du terrain pour que les bonnes
décisions soient prises, conduit à une posture collaborative intelligente. La capacité à parler
vrai s’accompagne aussi d’un sens du discernement aigu et d’une bonne compréhension
des enjeux d’entreprise afin d’être écouté et entendu par la gouvernance qui ainsi n’aura pas
l’impression d’entendre Cassandre mais un vrai manager, partenaire à ses côtés.
Alors, les managers de proximité seraient-ils les plus
poltrons de l’entreprise ?
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Dans de nombreuses entreprises, la nomination des managers de proximité s’appuie sur
les compétences techniques. Le meilleur expert d’une équipe en devient alors le manager
qui, sans accompagnement spécifique, se limite à réitérer les pratiques habituelles qui l’ont
mené à cette évolution. Il ne perçoit pas le changement de posture qui est nécessaire à son
nouveau rôle.
L’évolution hiérarchique est parfois la seule manière de voir son salaire et son statut évoluer.
Dans ce contexte, la motivation profonde et le courage managérial qui est à la fois une
compétence et une valeur, se perdent dans les méandres des enjeux personnels.
La fonction RH a ici tout son rôle à jouer. Elle peut ainsi mettre en place des processus
d’identification des potentiels pour les managers et instaurer des pratiques de formations et
d’accompagnements individualisés aux prises de poste.
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INSTITUT DU LEADERSHIP BPI group - Les managers seraient-ils les plus poltrons de l’entreprise ? - Février 2011
Paradoxalement, c’est dans une période de rigueur qu’il est nécessaire plus que jamais
d’investir dans le capital humain et particulièrement dans les managers de proximité afin
d’accélérer la sortie de crise de l’entreprise.
La mise en place des parcours professionnels alternatifs au management, connus et
reconnus dans l’entreprise, permet aussi à ceux qui n’ont pas ou plus l’envie de développer
leur fibre managériale de s’épanouir dans d’autres fonctions.
Dans ces conditions, les managers sont enfin à leur
juste place
Les managers de proximité ne sont donc pas condamnés à être l’éternel maillon faible de la
mobilisation. Des solutions et des alternatives sont possibles. Elles sont le signe d’une réelle
prise de conscience au plus haut niveau des entreprises.
Les comités de direction, en s’astreignant à remettre au centre de leur pratique la concertation
et la communication auprès de la strate intermédiaire que sont les managers, permettent
ainsi d’insuffler une culture du courage partenaire.
Alors, chers Dirigeants, du courage que diable ! Ayez confiance dans votre management de
proximité ; il vous le rendra bien.
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Karine Lair
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L’Institut du Leadership est le think tank créé en 2009 par BPI group.
Espace de réflexion, d’échange et d’innovation, de débats d’idées
autour de trois domaines d’expertises : le leadership, le management
des hommes, la gouvernance des organisations.
L’institut du Leadership vise à :
ff contribuer au développement de l’innovation du management ;
ff capitaliser et promouvoir les meilleures pratiques en matière de
management des hommes, des organisations et des modes de
leadership ;
ff aider les dirigeants et les managers à appréhender l’évolution de
leur environnement.
Permier groupe indépendant de conseil en ressources humaines,
management et organisation.
2 000 consultants dans le monde pour qui la réussite des entreprises
et des organisations est indissociable de la réussite des hommes et
des femmes qui les font vivre.
BPI group intervient aux côtés des dirigeants de l’entreprise ou des
adminitrations publiques sur toutes les stratégies de changement
d’organisation, de management, d’emploi.
Une conviction a toujours guidé ses consultants : « dès lors que
des problématiques humaines sont en jeu, explique Claude Paoli,
président-directeur général, il n’y aura jamais de solutions «  prêt-àporter  » viables sur la durée, mais au contraire un devoir de créativité,
d’innovation, d’implication, d’écoute et de respect dans la concertation
avec tous les partenaires sociaux ».
Les consultants de BPI group partagent les mêmes valeurs partout
dans le monde, leurs pratiques s’enrichissent d’expériences et savoirfaire qui ne connaissent pas de frontières, leurs services sont toujours
adaptés au contexte local et à la réalité spécifique de chacun de leurs
clients, individuel ou entreprise.
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75002 Paris

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