Vendu tel quel VS Vice caché
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Vendu tel quel VS Vice caché
Vendu tel quel VS Vice caché Jean-François Guay, Avocat Il est fréquent qu'une transaction entre particuliers comporte la mention acheté tel que vu ou vendu sans garantie lors de la vente d'un véhicule. Si cette clause est souvent écrite dans un contrat entre particuliers, il faut savoir que sa portée légale est limitée et ne s'applique qu'à une vieille bagnole. Si le véhicule est récent, cette clause a peu de valeur. Mais qu'en est-il entre un commerçant et un particulier ? Si un commerçant utilise la dite mention pour indiquer qu’un article est vendu sans garantie, cela suppose que le consommateur n'aurait aucun recours en cas de vice caché ? Absolument pas. En vertu de la Loi pour la protection du consommateur, tout véhicule, pièce ou bien vendu par un commerçant au Québec est couvert par une garantie légale, ce qui signifie que ces objets doivent servir à l’usage auquel ils sont destinés pendant une durée raisonnable. La loi prévoit que le consommateur ne peut renoncer à ses droits légaux par une telle convention. Toutefois, il faut interpréter le tout avec prudence et ne pas croire que les commerçants n'ont aucune défense possible face aux revendications exagérées d'un consommateur insouciant, voire malhonnête ! Les faits Le défendeur est un commerçant vendant des véhicules neufs et usagés. Le demandeur, un homme de 30 ans, achète une Chevrolet Corvette cabriolet de l’année 2004, affichant 55 500 km. Après avoir examiné le véhicule, négocié le prix d'achat et s'être déclaré satisfait de son état, la vente est conclue entre les parties. Une fois qu’il a pris possession du véhicule et parcouru une centaine de kilomètres, le demandeur scrute plus minutieusement sa Corvette pour constater quelques défauts qu'il considère être des vices cachés. Le demandeur envoie un courriel au défendeur pour se plaindre que le toit en toile est légèrement déchiré à deux endroits. Le demandeur se plaint également que le pare-chocs avant et le capot sont égratignés, que les jantes sont éraflées et que les pneus arrière sont usés et dangereux. Ne pouvant s'entendre sur les réparations à effectuer et les frais à assumer, le demandeur transmet au défendeur une mise en demeure lui réclamant la réparation des roues endommagées, le remplacement des pneus arrière, le changement de la toile de toit, et la réparation du pare-chocs et du capot. Dans son action, le demandeur base sa requête pour vices cachés non pas sur la Loi pour la protection du consommateur mais l'article 1726 du Code civil qui prévoit : « Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus. Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. » La décision du Tribunal Le commerçant conteste la requête du demandeur en alléguant que la voiture n'était affectée d'aucun vice caché au moment de la vente. Selon lui, tous les vices allégués par le demandeur sont des vices visibles, non couverts par la garantie légale. De même, il allègue que le contrat de vente ne mentionne pas qu'il devait faire des réparations en rapport avec l'esthétique du véhicule. La preuve présentée devant le Tribunal révèle que le demandeur n'a connu aucun problème mécanique avec le véhicule. Les vices allégués concernent essentiellement la réparation des jantes, le remplacement de la toile du toit, la réparation du capot et du pare-chocs endommagés. Le juge est d'avis qu'il s'agit de vices apparents (et non pas cachés) qui auraient dû être décelés par l’acheteur au moment de l'achat. En conséquence, cette partie de la réclamation est rejetée. En ce qui concerne l'état des pneus, le Tribunal estime qu'il était difficile pour le demandeur de constater, au moment où il a examiné le véhicule, que lesdits pneus étaient trop usés et devaient être remplacés. Ainsi, le demandeur sera dédommagé pour leur remplacement. P.S. : À noter que les opinions exprimées dans ce texte ne sont pas une opinion juridique. Pour de plus amples informations, nous vous recommandons de consulter un avocat.